20 octobre 2003 - NOUVELLES DE L'ENFER 16

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NOUVELLES DE L’ENFER

20 OCTOBRE 2003


DES NO UVELLES DE L'ENFER Par Hank Skinner 15/20 octobre 2003 On dirait que rien ne change ici, invariablement. Jeudi ils ont essayé de sucrer la récréation d'un de mes copains, évidemment il a fait tout un raffut dans la salle de jour. C'est vraiment bizarre comment ils pensent qu'ils peuvent nous entourlouper et s'attendre à ce que nous digérons tout sans rien dire du tout. La responsabilité en revient aux prisonniers du niveau I. Des vendus comme McIntyre et certains de ses petits camarades vont bloquer leur nourriture, leur jus de fruit, leur récréation ou leur douche et si le prisonnier adresse une seule parole à McIntyre (Fisher, Goins, Folsom, etc.), il va lui répondre "ferme la ou je te colle un rapport disciplinaire, comme ça tu te retrouveras au niveau II ou III et on verra comment tu te sentiras au bloc F." Du coup le prisonnier se dit que finalement il ne s'agit que d'un seul truc (jour, douche, cantine) et il laisse pisser. Mais bientôt il ne s'agira plus d'une fois ou d'un jour, mais de plusieurs jours parce que le bruit circule et McIntyre avec sa petite équipe prendront avantage de tout ce qu'ils pourront saisir pour réduire leur charge de travail. Et puis ils oublient où ils sont et du coup ils essayent de faire la même chose ici dans le bloc F, mais avec nous ça ne prend pas. Nous n'avons pas accès aux achats pour compenser, rien jusqu'au repas du lendemain alors on ne peut pas se passer d'un repas. Nous n'allons en récréation que 3 ou 4 fois par semaine, alors on ne va pas accepter de retourner en cellule 15 ou 20 minutes en avance sur l'horaire. Nous voulons notre heure complète de sortie. C'est ce qu'il s'est passé pour Lonnie Pursley. Il n'allait pas se laisser faire et comme nous tous ici, il en a ras les bottes de se faire avoir. Il y a deux ans, ils ont retiré sa femme de sa liste de visiteurs à propos d'un truc qui n'avait rien à voir avec lui, même chose que pour la femme de Miller-El l'année passée, je suis sûr que vous vous en souvenez et d'ailleurs j'avais écrit longuement à ce sujet. Ils ont dit à Lonnie que sa femme serait à nouveau sur sa liste 6 mois plus tard, mais ils ne l'ont jamais fait. Comment ça vous plairait d'être dans le couloir de la mort et ne pas pouvoir voir votre propre femme? A cause de quelque chose qui ne vous concerne ni l'un ni l'autre ? Enfin bon, ce jour-là Lonnie en a eu mare de ces conneries, comme nous tous ici, trop de choses pour en faire le compte. Ils l'ont gazé et lui ont sauté dessus - mais surprise ! Lonnie est un peu plus grand que la moyenne, du coup ils n'ont pas pu le passer à tabac comme ils l'auraient fait avec quelqu'un de ma taille. Je mesure 1,75m et je pèse entre 72 et 75 kilos. Lonnie mesure 1,80m et pèse entre 103 et 108 kilos et que du muscle. Il s'entraîne tout le temps. Pourtant il n'a pas essayé de leur faire mal, mais il ne les a pas laissé lui faire du mal. Ils l'ont collé par terre, passer les menottes et l'ont placé au niveau III. La nuit suivante, ils lui sont à nouveau tombés dessus dans sa cellule après avoir fait des histoires avec son plateau repas. Je crois que cette fois-ci ils n'y sont pas allées de main morte. Je l'ai constaté lorsqu'il est sorti pour que l'infirmière l'examine. Je l'ai appelé, il m'a dit qu'il était ok, mais il l'a dit par fierté. Ce que je me demandais c'est combien de temps il va tenir avant d'avoir envie de s'en prendre à eux. Si c'était moi et que je faisais sa taille, je me vengerais à chaque occasion possible. Je connais Lonnie depuis le jour de son arrivée dans le couloir. Il était dans une cellule juste à côté de la mienne. C'est un bon type, solide, un bon prisonnier. Il se mêle de ses affaires et n'embête personne. Mais ces crétins de gardiens voient en lui un challenge parce qu'en fait ils ont peur de lui, alors c'est sur lui qu'ils ont jeté leur dévolu. Comme s'ils tentaient de se rassurer en prouvant qu'ils ne sont pas intimidés ou effrayés, quelque chose comme ça. Alors ils lui font du mal chaque fois qu'ils en ont l'occasion. Je n'arrive pas à comprendre. Il y a 5 mecs par équipe d'intervention (pour les extractions de cellule). Ils ont des casques, des masques à gaz, des gilets de protection, des protections aux coudes et aux genous, des bottes à coques avec renforcements en métal. Les gilets qu'ils portent leur protègent le cou, ils ne sont pas vulnérables, rien n'est laissé au hasard et ils ont un bouclier.

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Dans cette cellule (la salle pour la promenade), on a un prisonnier avec un chiffon par-dessus la bouche, là debout, avec juste un short, peut-être un t-shirt et une paire de chaussures réglementaires (comme des mules) avec une semelle en gomme et le dessus en tissu. C'est tout. A cinq contre un. Le tissu mouillé sur la bouche n'est pas vraiment un masque à gaz, je le sais, pour l'avoir fait moi-même un nombre de fois incalculable. La plupart du temps je ne voulais pas le faire, mais je n'avais pas le choix. Je suis certain que c'est la même chose pour Lonnie. Vous trinquez encore et encore jusqu'au moment où finalement vous n'en pouvez plus. Non pas une fois de plus! C'est ce que Lonnie est en train d'endurer, j'en suis sûr. "Ce gaz ce n'est pas de la tarte" comme disent les prisonniers. Croyez-moi ce n'est pas une blague non plus. Vous gardez les yeux fermés jusqu'à ce qu'ils ouvrent la porte, si vous ne le faites pas, le gaz vous aveugle. Vous entendez le bruit de la porte qui coulisse… C'est l'heure du rodéo ! Ils vous fracassent avec le bouclier, les cinq vous tombent dessus, ça fait plus de 500 kilos de charge. On l'a impression de se faire écraser par un camion, ils vous balancent contre le mur, et puis les 5 s'occupent de vous et bien sûr vous perdez. Vous tombez, parfois ils sont vraiment vicieux, ils continuent à vous frapper alors que vous êtes à terre. Ils attrappent vos testicules et essayent de les écraser, ils se passent les mains dans le gaz liquide puis tentent de coller leurs doigts dans vos yeux et/ou dans votre nez. Assez sadique, non ? C'est le monde dans lequel nous vivons. C'est ça que je ne comprends pas, après que l'équipe ait terminé, ils se regroupent près du poste de commande et ils se tapent sur le dos, claquent des mains pour se féliciter? Ils sont fiers de ce qu'ils ont fait? Cinq contre un, avec tout cet équipement et ils pensent qu'ils ont accompli quelque chose? Ha/ha. Voilà le genre de crétin qu'est McIntyre. Je ne travaillerais jamais dans un endroit pareil, mais si c'était le cas et si je faisais partie d'une équipe d'intervention qui se fait la peau d'un type en short, je ne me sentirais pas fier et je ne féliciterais pas les autres. Je me sentirais mal, j'aurai honte. Je suis supposé être un "danger futur pour la société", un psychopathe, sociopathe, la personnalité anti-sociale d'un meurtrier qui a été condamné à mort (pour un crime que je n'ai pas commis). Maintenant je peux voir la dépravation et le sadisme que je vous ai décrits, mais ce sont les gardiens qui le font qui pensent que c'est une bonne chose méritant récompense et félicitations. Maintenant vous comprenez mieux quand je dis que j'ai l'impression d'être dans un épisode de Twilight Zone. Kafka aurait adoré l'ironie de cet endroit. Orwell serait choqué de constater que ses fictions sont devenues réalité à la prison de Polunsky (et les autres du même style dans l'état et dans le pays). A la prochaine.

Hank Skinner #999143 - Polunsky Unit 3872 FM 350 South Livingston TX 77451-8580 USA

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