Guide des Châteaux du Duché
En couverture Masolino da Panicale (avec la collaboration de Lorenzo di Pietro dit il Vecchietta ?), Somptueux paysage avec ville et châteaux, 1435 environ, détail. Castiglione Olona, palais Branda Castiglioni.
Cet ouvrage a été publié avec la contribution du FEDER Fonds européen de développement régional et du projet Le opportunità non hanno confini
Responsable italien Comune di Somma Lombardo Responsable suisse Bellinzona Turismo Partenaires du projet Regione Lombardie Memoria & Progetto Giroscopio, Cultura e Impresa Nexo Cattaneo Paolo Grafiche
Réalisation éditoriale Nexo, Milano Comité scientifique Memoria & Progetto Lombardia nel Rinascimento République et Canton du Tessin, Service des biens culturels Coordination Ornella Marcolongo, Maria Angela Previtera Rédaction Elena Isella, Daniele Viscardi Recherche iconographique Eva Gabrieli, Melissa Nicolini Mise en page Valentina Zanaboni Webmaster Rossella Savio © 2012 Nexo © 2012 Châteaux du Duché
Avec le parrainage de Archivio di Stato di Milano Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana Provincia di Varese Regione Piemonte Soprintendenza Archivistica per la Lombardia Soprintendenza Archivistica per il Piemonte e la Valle d’Aosta Università degli Studi di Milano
Remerciements à Letizia Arcangeli, Cristina Bertacchi, Maria Barbara Bertini, Maria Pia Bortolotti, Pinuccia Brunella, Dimitri Brunetti, Stefania Buganza, Carlo Cairati, Maria Canella, Simona Cantone, Giuseppe Chiesi, Giorgio Chittolini, Maria Nadia Covini, Isabella Fiorentini, Gaetano Galeone, Roberto Grassi, Mirella Motta, Paolo Ostinelli, Eugenio Pintore, Micaela Procaccia, Daniela Protti, Elena Puccinelli, Claudio Salsi, Maurizio Savoja, Mario Signori.
Textes signés Federico Del Tredici et Edoardo Rossetti. Federico Del Tredici a rédigé les itinéraires 4, 5, 6, 8 et 9 ainsi que les fiches des châteaux de Binasco, Somma Lombardo, Cassano Magnago, Fagnano Olona, Jerago con Orago, Albizzate, Castelletto sopra Ticino, Bellinzone, Besozzo, Novara, Galliate, Caltignaga, Fontaneto d’Agogna, Divignano, Oleggio, Vogogna, Domodossola, Giornico et Cannero Riviera ; Edoardo Rossetti a rédigé les itinéraires 1, 2, 3, 7 et 10 ainsi que les fiches de Milan, Cusago, Abbiategrasso, Bereguardo, Pavie, Gambolò, Vigevano, Cassolnovo, Cislago, Angera, Invorio, Massino Visconti, Azzate, Varese, Castiglione Olona, Venegono Superiore, Tradate, Orino, Induno Olona, Vico Morcote et Locarno. Illustrations réalisées par Silvio Giobbio. Traduction française Isabelle Pollet pour Spaziolingue www.castellidelducato.eu
FEDER Fonds européen de développement régional - Le opportunità non hanno confini
PARCOURS AU FIL DES CHÂTEAUX de Milan à Bellinzone Guide des Châteaux du Duché par Federico Del Tredici Edoardo Rossetti
La commune de Somma Lombardo, responsable du projet pour l’Italie, est le point culminant de la ligne de chemin de fer entre Milan et Domodossola. Derrière mon bureau, un escalier carré en pierres, conduit en hauteur. De là-haut, on domine la vaste plaine piémontaise qui s’étend des Alpes à la vallée du Tessin avant de devenir terre lombarde dans la lande de Malpensa, don de la nature à l’homme pour la conquête spatiale. La lande de Malpensa était autrefois un terrain de chasse et d’espoirs agricoles et fut chantée par Manzoni, caressant les genêts de sa canne, et par D’Annunzio qui, en souvenir de galops inoubliables dans les bruyères, consacra à sa meute de chiens des vers admirables. Sur ces terres, un ouvrage d’art s’impose par son volume, la pureté de ses lignes et son aspect massif, admirable expression d’une époque d’âpres conflits, de haines impitoyables et de rivalités implacables, un site érigé entre Milan et le col du Simplon : le château des marquis Visconti de San Vito. En 1963, à l’âge de 10 ans, donnant la main à mon père, j’ai traversé pour la première fois la défense avancée et ai été fasciné par la cour des Armigeri et ce contrepoint poétique saisissant : à droite, les portiques du XIVe siècle et, à gauche, le mur aveugle, plus parlant aujourd’hui encore grâce aux deux statues de mon ami sculpteur Giancarlo Sangregorio. On dit souvent que la vie imite la littérature. C’est le cas de l’histoire de la grande famille au drapeau vert et blanc à la vouivre qui a habité ces murs. La vie évolue et se transforme cependant plus vite que la littérature. Don Gabrio, marquis Visconti de San Vito, dernier descendant de cette noble lignée, avec davantage d’audace qu’il n’en faut pour inventer un nouveau langage poétique ou un récit, a créé la Fondation qui porte son nom et gère aujourd’hui cet imposant manoir, lieu d’histoire et de culture ouvert sur la ville et le monde. L’histoire est notre miroir, notre point de départ ; ses enseignements nous invitent à la sagesse. Aussi, nous avons voulu la mettre en valeur avec Les Châteaux du Duché, un projet culturel et touristique qui nous entraîne du château Sforzesco de Milan aux châteaux-forts de Bellinzone, sur les pas des Visconti et des Sforza. Certains de ces châteaux fascinent car ils semblent radicalement différents alors que d’autres nous enchantent car ils nous semblent familiers au premier regard, comme une terre natale. Connaître est souvent reconnaître mais le voyage le plus intéressant, celui pour lequel nous sommes en partance culturellement, est un retour, une odyssée dans notre propre histoire. Aujourd’hui, une “Ville Tessin” unique s’étire entre Bellinzone, Lugano, Varese, Côme et Milan, reliée par l’autoroute et sillonnée par des travailleurs journaliers et saisonniers, des touristes et des étudiants. Un système territorial qui n’a pas de gouvernance propre mais repose sur une sorte de coopération spontanée et involontaire entre des systèmes locaux et nationaux, qui fonde son existence sur sa propre histoire et sur la conscience d’avoir partagé au fil des siècles des intentions, des projets et des vérités. Permettez-moi donc de souhaiter bon vent à ce projet culturel et touristique qui réunit également nos amis Suisses et de rappeler qu’un voyage réserve toujours des surprises : une partie de nos certitudes, valeurs, sentiments et attentes se perdent en route mais d’autres éclosent et évoluent chemin faisant. Guido Pietro Colombo Maire de Somma Lombardo
En qualité de responsable pour la Suisse du projet, j’ai l’honneur de présenter le fruit d’un patient travail de recherche et d’assemblage qui ne se limite pas à l’histoire des différents châteaux, palais et fortifications mais décrit également leurs différents liens, très forts à l’époque car soudés par la domination d’un seul duché. Aujourd’hui, ces manoirs se trouvant dans des régions et même des pays différents, il est difficile d’imaginer ce que représentait l’appartenance à un même Etat et ce qu’était la vie en ce temps-là. Ces monuments importants semblent toutefois vouloir nous le suggérer. En effet, en me promenant dans les rues de ma ville, Bellinzone, j’ai souvent la sensation de plonger dans cette époque médiévale, l’impression que sa physionomie première n’a guère changé et que la frontière spatio-temporelle est si ténue qu’on a du mal à la distinguer. La réalisation de ce Guide revêt une grande importance à mes yeux. Nous ne pouvions pas nous contenter de laisser opérer le charme et la majesté du patrimoine artistique hérité des ducs de Milan, il fallait le contextualiser, en révéler les tenants et les aboutissants à l’époque où il fut construit. Ce Guide historique illustré, permettant à un large public de découvrir l’histoire du duché des Visconti et des Sforza et de ses fortifications, a germé dans le cadre du projet interrégional Les Châteaux du Duché en lequel je crois profondément, d’une part, car c’est une sorte de retour aux sources et, d’autre part, parce qu’il est bon d’unir ses forces pour promouvoir un patrimoine commun. Bellinzone offre aujourd’hui encore au visiteur la richesse de cet héritage historique et géographique, acquis dès le Moyen Age, qui palpite derrière le cachet austère d’une bourgade lombarde implantée au cœur de l’arc alpin, au carrefour des mondes latin et alémanique, sur la voie de communication par excellence qu’est le Saint-Gothard. Mais ce sont surtout ses trois châteaux, d’une force incomparable et d’une beauté virile, qui racontent trois siècles d’une histoire écrite par les Romains, les Lombards, les Suisses et les Milanais. Ce riche patrimoine s’inscrit dans un contexte plus vaste s’étendant à d’autres lieux du Tessin et de Lombardie, recréant l’ancien duché de Milan à travers les dix itinéraires du Guide. Approfondissements historiques, joyaux artistiques et curiosités jalonnent les parcours touristiques et thématiques au fil des principaux châteaux et hauts-lieux culturels, faisant de chaque itinéraire un véritable émerveillement pour le visiteur. J’adresse tous mes vœux de succès au Parcours au fil des Châteaux de Milan à Bellinzone. Guide des Châteaux du Duché et espère que le vif intérêt suscité auprès des lecteurs donnera bientôt lieu à de nouvelles éditions augmentées.
Flavia Marone Présidente de Ente tustico di Bellinzona e dintorni
La Région Piémont est très fière de faire partie de l’ouvrage Parcours au fil des Châteaux de Milan à Bellinzone. Guide des Châteaux du Duché qui lui donne l’occasion de mettre en valeur les alentours de Novare – connus historiquement pour leurs châteaux – et Domodossola. Le vaste projet Les Châteaux du Duché permet en effet de reprendre conscience d’une dimension souvent oubliée en présentant une région, au-delà de ses frontières régionales et nationales, à travers un nouveau modèle de promotion culturelle et touristique. Fondé sur la dimension identitaire des châteaux, ce projet confère une nouvelle physionomie au duché grâce à des itinéraires ad hoc. Désireux de mettre en exergue l’origine et les attaches profondes qui unissent les anciens territoires des Visconti et des Sforza, Les Châteaux du Duché souligne leurs liens encore vivaces et matérialisés par l’architecture, la langue, les traditions et la gastronomie en faisant découvrir ces territoires sous un nouveau jour. Si cette publication met le Piémont en valeur avec les châteaux de Novare, Galliate, Caltignaga, Fontaneto d’Agogna, Divignano, Oleggio, Vogogna et Domodossola, elle permet aussi de redécouvrir un volet du patrimoine de cette Région. L’étude, la description et la numérisation des sources attirent en effet l’attention des visiteurs et des scientifiques sur des biens culturels et touristiques précieux. Aussi, je forme des vœux pour que cette initiative soit le point de départ d’une collaboration plus vaste sur le front culturel et touristique, collaboration qui réunit le Piémont, la Lombardie et le Tessin.
Michele Coppola Adjoint à la culture de Regione Piemonte
Les quarante-cinq châteaux décrits dans ce Guide, qui s’apparente d’ailleurs davantage à un récit, sont disséminés sur une surface qui correspond en grande partie à la partie ouest de l’ancien domaine des Visconti et des Sforza. Une sorte de triangle idéal renversé aux sommets duquel figurent Pavie, au sud, Bellinzone et Domodossola au nord. Sa capitale, Milan, est légèrement excentrée. Ce polygone idéal englobe les différentes morphologies typiques de la vallée du Pô : basse plaine, haute plaine, collines et montagnes alpines. Comme les auteurs le rappellent, chaque changement d’environnement s’accompagne d’un changement de matériau de construction et d’aspect des châteaux : la brique utilisée dans la plaine laisse place aux galets dans les collines puis aux pierres taillées dans la roche dès que l’on gagne en altitude. Mais, si leur perception visuelle évolue, leur rôle et surtout leur valeur symbolique restent les mêmes. Dans l’imaginaire collectif, le château matérialise un lieu de pouvoir. Voire, pendant de nombreux siècles, LE lieu du pouvoir. La présence d’hommes en armes chargés de contrôler le territoire pour assurer sa sécurité contre les ennemis venus de l’extérieur et garantir la fidélité des sujets. Mais également la demeure de familles illustres et dominantes entourées d’une cour haute en couleurs. A mi-chemin entre une caserne et un lieu de délices. C’est entre ces deux pôles que s’écrit l’histoire pluriséculaire de ces constructions. Bon nombre d’entre elles avaient, avant même l’époque des Visconti, une fonction militaire avant de devenir demeure seigneuriale puis de revenir parfois, avec le temps, à leur fonction première. Dans la littérature, les châteaux-forts menaçants, les bastions inexpugnables et autres remparts flanqués de tours ont toujours fourni un cadre idéal aux drames, passions, aventures, trahisons, tortures et autres duels. Au-delà de leur valeur artistique et architecturale, parfois hors du commun, ils sont les dépositaires d’histoires uniques qui font tout leur charme à nos yeux. Un charme que ce Guide entend bien laisser opérer grâce à des parcours et des fiches descriptives qui retracent l’histoire de chaque manoir, indiquent leurs traits architecturaux et, le cas échéant, les œuvres qui y sont conservées ainsi que leur contexte historique et territorial. Contexte territorial qui, vue l’urbanisation galopante des dernières décennies, a parfois altéré le rapport entre l’édifice et le paysage et en masque l’harmonie. Ces pages nous permettent de le redécouvrir. Nous nous plaisons à imaginer cet ouvrage entre les mains de citadins, d’étudiants et de familles. Ce livre se consulte à la maison, au calme, pour apprécier pleinement ses textes, très documentés et passionnants, et ses nombreux et magnifiques clichés. Mais c’est également un guide qui nous accompagne dans un voyage à travers des terres mais aussi, et surtout, un voyage dans le temps.
Valentina Aprea Ajointe à l’éducation, la formation et la culture de Regione Lombardia
Table des matières
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Avant-propos
19 26
1. Les cortèges ducaux. Itinéraire virtuel entre le château et la cathédrale de Milan Château Sforzesco, Milan
39 44 48 52 54 62
2. Voyager au fil de l’eau. La cour sur les canaux Château de Cusago, Cusago Château d’Abbiategrasso, Abbiategrasso Château de Bereguardo, Bereguardo Château Visconteo de Pavie, Pavie Château de Binasco, Binasco
65 70 73 74 80 82 84
3. A la chasse avec le duc. Dans la brume des résidences ducales Château de Gambolò, Gambolò Vigevano Château Visconteo-Sforzesco de Vigevano, Vigevano Rocca Vecchia, Vigevano Palais Sanseverino, Vigevano Château de Villanova de Cassolnovo, Cassolnovo
89 98 104 106 108 110 112 114 116 122 126
4. Sur les «terres des Visconti». Un itinéraire en trois volets Château Visconti de San Vito, Somma Lombardo Château de Cassano Magnago, Cassano Magnago Château de Fagnano Olona, Fagnano Olona Château Castelbarco Visconti, Cislago Château de Jerago, Jerago con Orago Château d’Albizzate, Albizzate Château de Castelletto, Castelletto sopra Ticino Forteresse Borromeo, Angera Tour Viscontea, Invorio Château des Visconti de San Vito, Massino Visconti
129 137 138 140 142
5. Aux confins du duché. Entre les châteaux et le bourg de Bellinzone Bellinzone Castelgrande, Bellinzone Château de Montebello, Bellinzone Château de Sasso Corbaro, Bellinzone
145 150 152
6. Châteaux de famille. La petite noblesse entre le lac de Varèse et le lac Majeur Villa Bossi Zampolli, Azzate Palais Cadario e Adamoli, Besozzo
157 162 166 172 176
7. Sur les traces des Castiglioni. Un territoire qui suit le cours de l’Olona Château de Masnago, Varèse, Masnago Bourg de Castiglione Olona, Castiglione Olona Château de Venegono Superiore, Venegono Superiore Château Pusterla Melzi, Tradate
179 184 188 192 194 198 200
8. Un panorama de châteaux “en mouvement”. Entre Ticino et Agogna lors de la seconde moitié du XVe Château Visconteo-Sforzesco de Novare, Novare Château de Galliate, Galliate Château de Caltignaga, Caltignaga Château de Fontaneto, Fontaneto d’Agogna Château de Divignano, Divignano Enceinte fortifiée d’Oleggio, Oleggio
203 210 213 214 216 218
9. Lettres d’une bataille. Du val d’Ossola à Giornico Château et forteresse de Vogogna, Vogogna Domodossola Sacro Monte Calvario, Domodossola Tour et enceinte fortifiée, Domodossola Église de Santa Maria del Castello, Giornico
223 230 232 234 238 242
10. Contrôle des vallées préalpines. Les visées de l’aristocratie d’antan Château-fort d’Orino, Orino Château Medici de Marignano, Induno Olona Château de Morcote, Vico Morcote Château Visconteo de Locarno, Locarno Les châteaux de Cannero, Cannero Riviera
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Informations pratiques
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Crédits photographiques
Cet ouvrage n’est pas le énième guide de Lombardie, regorgeant d’informations historiques et artistiques plus ou moins complètes, mais au contraire un outil permettant de transformer une excursion touristique (y compris intelligente) en un moment de connaissance. Les itinéraires proposés ne sont en effet pas conçus pour visiter le plus de monuments en parcourant le moins de kilomètres possible ; ils visent au contraire à enrichir notre connaissance du passé en découvrant des monuments qui diffèrent par leur état de conservation et leur valeur esthétique mais homogènes sur le plan historique en tant que vestiges visibles et tangibles d’institutions politiques (la principauté et la cour, ou la seigneurie et le fief) et de groupes sociaux (la grande aristocratie ou la noblesse mineure). Le haut pays milanais et les alentours de Novare nous apparaissent ainsi comme des terres de châteaux, comme ils le furent ou le devinrent au XVe s., et ce d’une manière encore inédite pour notre connaissance fragmentée d’une région généralement observée sous le jour de son développement économique et politique. Chaque itinéraire aborde et creuse ainsi un thème différent, objet d’une reconstruction historique à la fois claire et pointue : chacune des étapes conseillées s’accompagne d’une fiche contenant toutes les informations historiques, techniques et artistiques nécessaires pour comprendre le bâtiment. Lus dans leur globalité, ces itinéraires offrent une image pour l’essentiel inédite de l’histoire de la région à cheval sur le Tessin et le lac Majeur, un espace où évoluait des composantes essentielles de la société lombarde (cette Lombardie historique qui englobait également des territoires désormais piémontais, comme la province actuelle de Novare) qui ont laissé des témoignages importants : parfois très connus comme le complexe de Castiglione Olona, parfois beaucoup moins, comme les fresques d’Albizzate et de Masnago ou les restes du château de Fontaneto. Ce Guide a – notamment – le mérite d’attirer l’attention du lecteur sur les protagonistes de la Renaissance lombarde, comme l’aristocratie territoriale et la noblesse de château, longtemps rayées de la conscience commune et de la connaissance historique et historiographique, focalisée presque exclusivement sur les cités, les bourgs et les “bourgeois” ou les patriciens des villes et, à l’autre extrême, sur les ducs et les duchesses. Les nombreuses photographies illustrent les monuments et en facilitent la compréhension. Les détails de fresques, de miniatures et d’illustrations de chroniques offrent une vision concrète et quotidienne des sociétés et des cultures analysées dans les textes, comme l’itinéraire consacré à la bataille de Giornico qui décrit comment se déroulait la guerre en montagne, dans une vallée aux confins de l’Etat. En d’autres termes, nous pensons que ces itinéraires viendront aiguiser la curiosité du touriste cultivé ou simplement curieux du passé mais seront également l’occasion de développer – en intégrant l’aspect concret des monuments et des images et l’aspect abstrait des notions auxquelles les auteurs font référence pour les replacer dans leur contexte – une compréhension de l’histoire sous un angle que les manuels d’histoire concis de notre formation scolaire permettent difficilement d’atteindre. Une compréhension de l’histoire indispensable à tout choix responsable ayant trait aux formes associées de notre existence : de la politique à l’écologie en passant par les rapports entre groupes humains. Letizia Arcangeli Giorgio Chittolini 13
Nombreux seront également les Tessinois à apprécier ce nouveau Guide. Un outil d’une telle envergure manquait en effet malgré la prolifération d’opuscules, dépliants touristiques, encarts hebdomadaires et feuillets illustrés destinés à aiguiller les visiteurs vers le patrimoine artistique et les monuments disséminés dans le Canton. Avec son plan original issu de choix cohérents et réfléchis, cette publication sort en effet du lot. Non seulement parce qu’elle propose des parcours à la découverte de monuments apparentés à différents titres mais aussi parce qu’elle dévoile au lecteur une dimension historique qui ne saute pas toujours aux yeux au premier abord. Cette opération culturelle repose sur la volonté de faire reconnaître une certaine homogénéité entre les terres lombardes et tessinoises due à leur appartenance commune au duché des Visconti et des Sforza, sans négliger pour autant la multitude de situations et de facteurs locaux. La prolifération de châteaux et de structures fortifiées dans la région des lacs préalpins et les vallées qui s’enfoncent dans les Alpes centrales est en effet le fruit d’un dessein stratégique du pouvoir seigneurial. Construites pour être occupées par des officiers et des fantassins de l’armée ducale ou surveillées par des feudataires ou de petits seigneurs locaux, toutes ces structures jalonnent les voies de communication séculaires qui franchissent les cols. Leur présence traduit des intérêts politiques et économiques profondément ancrés dans ces contrées périphériques de l’Etat ducal – et que la lecture des textes du Guide permet de mieux comprendre. Bellinzone, Giornico, Morcote et Locarno sont les quatre localités tessinoises choisies par les éditeurs pour exposer les objectifs stratégiques qui ont poussé les seigneurs milanais à bâtir ou reconstruire les fortifications au Sud des Alpes. Le choix de quatre pôles émergents, dans un panorama marqué par un maillage serré de tours, forteresses et structures défensives, permet de découvrir les monuments les plus significatifs tout en élargissant la vision pour embrasser également différentes réalités territoriales, groupes sociaux, ressources, activités de construction et personnages plus ou moins connus. Les itinéraires partent ainsi à la découverte de forteresses austères et de résidences seigneuriales de feudataires ducaux mais également de villages, lieux de culte, œuvres d’art et paysages qui, dans leur ensemble, permettent de revivre les moments clef d’une période déterminante pour l’histoire et le développement des régions à cheval sur la frontière italo-suisse.
Giuseppe Chiesi Paolo Ostinelli
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Introduction des auteurs
Peut-on ne pas aimer les châteaux ? Leurs tours et leurs murailles – souvent un peu délabrées, moussues et peuplées de légendes et de fantômes – font galoper l’imagination des visiteurs de tout âge. Ils suscitent la curiosité, évoquant un passé romanesque habité de preux chevaliers, de batailles, de fêtes et de gentes dames. Rien d’étonnant dès lors à ce que de nombreux châteaux, en Italie et en Europe, soient des destinations très courues, des attractions de premier plan pour le tourisme de masse. Or, voir un beau château ne signifie pas forcément partir très loin de chez soi. Parfois peu connus, ou cachés par des constructions modernes, nombre de manoirs et châteaux-forts patientent en Italie, attendant d’être visités. Il suffit parfois simplement d’emprunter les chemins de traverse ou d’avoir la patience d’exercer son regard à repérer, sous les transformations modernes, les traces d’un passé souvent surprenant. Ce Guide se propose d’apporter une aide en ce sens en donnant au lecteur des informations et des outils lui permettant de décrypter le paysage des châteaux dans un vaste espace compris entre Milan, la région de Novare et le Canton du Tessin. Traversé aujourd’hui par les frontières de régions et pays différents mais autrefois uni sous la domination des ducs de Milan, ce territoire est parsemé de demeures plus ou moins célèbres : des grands châteaux ducaux du haut de la plaine lombarde aux châteaux seigneuriaux des collines (rapidement transformés en villas) sans oublier les forteresses défendant les vallées, les cols alpins et les voies de communication reliant le Nord et le Sud de l’Europe. L’aspect des sites correspond lui aussi à l’évolution de la morphologie des lieux (plaine, colline ou montagne). Si les châteaux-forts et fortins de montagne sont bâtis dans la même roche dure que celle où sont perchés les manoirs, dans les collines, les châteaux sont réalisés avec des galets et, dans la vaste plaine, c’est le rouge des briques cuites lombarde qui prévaut. Les éléments en marbre, rarissimes et réservés presque exclusivement aux résidences ducales, indiquent également au visiteur actuel le prestige que revêtait l’édifice. Les formes aussi ont évolué. Les vastes quadrilatères flanqués de tours de la plaine laissent place, sur les hauteurs préalpines, à des structures sinueuses suivant le relief. Les fresques qui décorent l’intérieur de ces demeures se réduisent pour l’essentiel à des lambeaux que l’on tentera de reconstruire en partie, du moins en mots. Les églises et oratoires attenants aux manoirs conservent quant à eux des fresques plus importantes. Des fiches spéciales sont consacrées aux châteaux les plus importants de la région qu’explore cet ouvrage. Le lecteur y trouvera des informations sur leurs propriétaires, leur histoire, leurs fonctions et leurs transformations. Des itinéraires thématiques – les loisirs à la cour ducale, la politique de grandes familles aristocratiques, le rôle de la petite noblesse, etc. – viendront égayer la “solitude” de ces forteresses. Ils permettent de replacer précisément dans leur contexte les événements survenus dans chaque fort et château du duché à l’époque, pour nombre de complexes, de leur fondation ou de leur apogée. Mais il ne sera pas question ici de fantômes. Les événements relatés, plus difficiles, seront peut-être un peu moins palpitants. Il s’agit souvent de la formation d’un Etat “moderne”, de l’instauration de nouvelles dynasties ducales, du contrôle du pouvoir central sur les frontières, les villes et les campagnes et des tentatives de se soustraire à ce contrôle. Mais à travers ces histoires plus prosaïques, le lecteur pourra continuer de chercher – du moins l’espérons-nous – ce qui est indispensable pour s’intéresser et apprécier ce que l’on voit : comprendre.
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PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 1
Les cortèges ducaux Itinéraire virtuel entre le château et la cathédrale de Milan MILAN
Giovan Pietro Birago, Le Triomphe de Massimiliano Sforza, Codice Trivulziano 2167, 1496-1499 environ. Milan, Archivio Storico Civico et Biblioteca Trivulziana.
Les 23 et 24 avril, Milan célébrait la fête de saint Georges. À cette occasion, notamment sous le duc Galeazzo Maria Sforza (1466-1476), la ville accueillait les milices ducales qui stationnaient dans le parc du château – l’actuel parc Sempione n’est qu’une partie de l’immense jardin ducal – et s’affrontaient dans les tournois et joutes disputés sur la place de porta Giovia (place Castello-Foro Bonaparte). Une procession solennelle, toute de bordeaux et blanc vêtue, conduisait ensuite le duc et ses hommes, selon leur grade et leur fonction, à l’autel de saint Georges dans la cathédrale. Depuis le château, après la place, le cortège ducal empruntait la contrada del Maino (via Camperio) puis celle des Meravigli, débouchait dans Cordusio et rejoignait la piazza del Duomo à travers les contrade Pessina et degli Orefici. Tel est le tracé de l’itinéraire proposé ici, désormais uniquement virtuel étant donné la transfiguration de la ville. Tout ce quartier, traversé par le Cordusio vers les portes Vercellina (Magenta) et Comasina (Garibaldi) s’est métamorphosé avec la construction du château de porta Giovia et l’installation définitive du duc Filippo Maria Visconti (1412-1447) dans la forteresse. Conseillers, capitaines de l’armée et courtisans commencèrent à investir les lieux, resserrés autour du château et protégés par des règlements qui en interdisaient l’accès aux étrangers et aux pestiférés. Sur la petite esplanade devant le château des Visconti se dressaient les élégantes demeures des camériers de la cour (Oldrado Lampugnani, Andrea Birago et Francesco Landriani) et, derrière le jardin du palais de Gaspare Visconti, comte d’Arone, près de l’actuelle via Puccini, se trouvait la maison aux léopards. Des animaux exotiques semblant sortis de bestiaires médiévaux s’ébattaient également dans le parc, derrière le château. Sur la place, près de la demeure de Giacomo Visconti (autour de l’emplacement actuel du Teatro Del Verme), le naviglio (canal) s’élargissait en une vaste darse qui permettait aux courtisans d’embarquer. Cette partie de la ville découpée par Filippo Maria et sa cour n’a pratiquement pas changé durant la première partie du XVe siècle. Avec l’arrivée de la dynastie Sforza, alors que le château fut rebâti par le nouveau duc Francesco (1450-1466), seuls quelques propriétaires des prestigieux palais édifiés le long des contrade del Maino, dei Cusani et de San Giovanni sul muro changèrent : le conseiller calabrais Angelo Simonetta s’installa dans le palais du cardinal Branda Castiglioni, immédiatement suivi de toute sa famille – dont le puissant secrétaire Cicco – qui prit ses quartiers dans les maisons alentour. Le Napolitain Roberto Sanseverino, comte de Caiazzo et neveu de Francesco Sforza, alla vivre près de la place. Chacun des personnages de la cour des Sforza prit soin d’embellir davantage sa demeure. Bien que continuant à résider dans l’ancien palais près de la cathédrale, la 19
LES CORTÈGES DUCAUX
duchesse Bianca Maria Visconti séjournait souvent dans les demeures de ses amis et parents (Visconti, Gallarati et del Maino) de porta Vercellina. Lorsqu’en décembre 1467 le duc Galeazzo Maria déménagea près du château de porta Giovia, le quartier s’ouvrit progressivement aux chanteurs célèbres de la cour, chers au seigneur de Milan. Les comtes Torelli furent rapidement délogés pour céder leur demeure à Lucia Marliani, la maîtresse de Sforza. C’est sous la régence de Ludovic le More (1480-1494) que l’ensemble du quartier fut remanié de la manière la plus radicale. En 1492, alors que les travaux de la piazza di Vigevano étaient déjà bien avancés, le duc ordonna de déblayer les maisons donnant sur la piazza del castello. Il voulait rationaliser cet espace informe et le border de bâtiments uniformes. Au même moment, le palais de Francesco Landriani fut confisqué et donné au secrétaire du More, Marchesino Stanga, un jeune crémonais richissime qui fit office de “ministre de la culture” lors de la politique d’édification menée par les Sforza. Le palais qui accueillait le secrétaire devint le plus beau de Milan. Les pièces et loggias étaient décorées d’histoires romaines peintes par Le Bramantino et la réalisation des portes et cheminées fut confiée au sculp-
Vue de Milan, fin XVe s. Milan, Abbaye de Chiaravalle, Salle du chapitre. On reconnaît sur la droite le château Sforzesco et au milieu la cathédrale en construction.
En bordure du parc Giovanni Battista Clarici, Carte des environs de Milan, 1600-1682, détail. Milan, Civica Raccolta delle Stampe Achille Bertarelli.
L’ancien parc ducal – aménagé en jardin près du château et occupé en partie par des fermes avec des champs cultivés et des bois réservés à la chasse – occupait une surface énorme qui s’étendait au nord-ouest de Milan sur un périmètre externe de plus de 15 km mais le jardin proprement dit n’était enclos que sur 5 km environ de circonférence entre le château et Cassino par un
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mur de briques de 2,5 m de haut environ et percé de huit portes. Il faut savoir que les remparts de Milan mesuraient alors près de 7 km tandis que le Redefosso (un canal externe fortifié) encerclait la ville et ses faubourgs sur près de 12 km. Au sud, le jardin arrivait jusqu’au complexe de Santa Maria delle Grazie et, à un endroit aujourd’hui difficile à indiquer précisément (peutêtre vers l’actuel arrêt du métro Pagano), se dressait le “délice” de Cassino : une villa agrémentée de viviers, de pavillons, de labyrinthes et de longues pergolas réservée au délassement des duchesses. Au nord, le parc s’étendait au-delà du Portello jusqu’à Villapizzone et à la chartreuse de Garegnano. À l’est, il frôlait les importants faubourgs de Sant’Anna (largo Foppa-via della Moscova) et degli Ortolani (à côté de corso Sempione : via Peschiera-via Cagnola).
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 1
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LES CORTÈGES DUCAUX
Léonard de Vinci, Etude pour la mise en scène de la Danae de Baldassarre Taccone, 1496. New York, The Metropolitan Museum of Art.
teur Gian Cristoforo Romano (qui œuvrait au même moment à la chartreuse de Pavie pour achever la sépulture monumentale de Gian Galeazzo Visconti). Depuis les fenêtres jumelées de marbre vert, sur la façade du palais, la cour assistait aux joutes disputées sur la place. Face au palais de Marchesino, après avoir détruit les anciennes demeures des Visconti, le More fit édifier le Broletto Nuovissimo, destiné à la vente du grain. Le comte de Caiazzo, Giovanni Francesco Sanseverino, fils de Roberto, vint se fixer à côté de la maison de Stanga. C’est ici que Léonard de Vinci a mis en scène la Danae de Baldassarre Taccone avec d’éblouissants effets spéciaux. A la même époque, Léonard avait été pressenti également pour le projet de monument équestre à Francesco Sforza qui aurait probablement dû se dresser sur la nouvelle place. Les travaux pour le grand cheval furent suspendus lorsque, en 1495, le More céda le bronze destiné à être fondu à son beau-père, Ercole d’Este, qui en fit des canons. Le projet fut définitivement abandonné après la destruction par les soldats gascons (en avril 1500) du modèle en terre cuite préparé à la cour de l’Arengo. En 1494, lors des préparatifs du mariage de Bianca Maria Sforza avec l’empereur Maximilien de Habsbourg, toutes les rues autour du château furent remaniées. Sur le parcours du cortège qui devait conduire la mariée à la cathédrale, toutes les structures en bois saillantes caractéristiques des villes médiévales furent détruites. La hauteur et l’avancée des avant-toits des maisons furent uniformisées tandis que les façades furent non seulement peintes en blanc mais également décorées de scènes historiques et mythologiques. Le cortège qui précéda les noces fut des plus fastueux. Des tapisseries précieuses furent tendues aux endroits où les fresques étaient inachevées. Le croisement entre la contrada del Maino (via Camperio) et la strada dei Meravigli offrait certainement l’une des plus belles vues. Ici, le palais d’Ambrogio del Maino, cousin de la mariée et des ducs, avait été entièrement rénové pour l’occasion ; la façade repeinte et le nouveau porche en marbre (disparus) rivalisaient d’élégance dans l’étroite via Camperio. Peu après l’angle avec via Meravigli (en direction de via Magenta), à l’emplacement 22
Léonard de Vinci, Etude pour le monument Sforza, 14881489. Windsor, The Royal Collection.
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 1
Giovanni Ambrogio De’ Predis, Bianca Maria Sforza, 1493 environ. Washington, National Gallery of Art.
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LES CORTÈGES DUCAUX
actuel d’un banal bâtiment de l’après-guerre, un autre parent des ducs, Pietro Gallarati, avait commandé pour la façade de son palais des fresques relatant des épisodes de l’histoire romaine. Les peintures furent réalisées par Troso da Lodi, qui habitait Monza, avec des effets que l’on n’hésiterait pas aujourd’hui à qualifier de 3D. La qualité de la perspective dont il fit preuve en dessinant les panneaux donnait en effet l’illusion que des personnages des somptueux cortèges impériaux, des armures et des têtes tronquées jaillissaient littéralement du mur pour descendre dans la rue. Plus loin, après le Cordusio, les boutiques des orfèvres et des fabricants d’armures exposaient leur marchandise sophistiquée qui faisaient la réputation de Milan dans toute l’Europe. Seule l’imagination permet de respirer l’atmosphère qui régnait alors dans les rues et les places de Milan à l’époque des Sforza. Le seul rescapé des superbes palais qui unissaient le château à la ville est le siège du Piccolo Teatro situé via Rovello 2. De récents travaux de restauration ont permis de restituer à la vie urbaine un espace rare du XVe siècle. Cette maison, l’une des plus convoitées de Milan, ancienne propriété du comte Francesco Bussoni dit Carmagnola, échut en héritage au comte Pietro dal Verme. Après son décès, le More la réserva pour son fils Cesare Sforza, né de ses amours avec la célèbre Cecilia Gallerani, que l’on reconnait traditionnellement dans la toile de la Dame à l’hermine de Léonard de Vinci. Le palais fut reconstruit entre 1491 et 1499 mais jamais achevé. On y accédait principalement depuis l’étroite via Rovello et il était alors très différent d’aujourd’hui après la création de la large via Dante au XIXe siècle. La belle cour d’entrée, conçue comme l’atrium d’une maison romaine, était décorée de fresques monochromes, aujourd’hui perdues, relatant les hauts faits de Francesco Sforza. Il ne subsiste de ce riche ensemble décoratif qu’une petite tête de harpie issue de la frise de la grande salle du rez-de-chaussée. Atelier du Bramantino, Frises avec harpies, 1502 environ. Milan, Piccolo Teatro.
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PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 1
La Gualtiera
Façade de la villa Simonetta, Milan.
À trois kilomètres environ du château, au n° 36 de via Stilicone, se dresse la dernière survivante des villas qui, vers la porte Vercellina (Magenta) mais également à l’extérieur de la porte Comasina, bordaient le périmètre du parc ducal : la Gualtiera, appelée aujourd’hui villa Simonetta. Possessions des Bentivoglio, Cagnola, Pusterla, Rusca et Visconti di Somma, les différents pavillons avec jardin et verger déroulaient leur écrin de verdure au nord de Milan. La villa Simonetta actuelle est le fruit d’une extension voulue au XVIe s. par le gouverneur Ferrante Gonzaga du plus petit pavillon du XVe s. Aujourd’hui, la villa est privée de ses jardins et, depuis les loggias, le regard porte sur la gare et le pont de la
Ghisolfa mais ses chapiteaux et sa chapelle conservent quelques vestiges de la fin du XVe : Bernardo Zenale y a en effet peint une Déposition pleine de pathos, que l’on devine encore. Elle fut commandée par Gualtiero Bascapè (mort en 1508), fidèle courtisan du More et juge de l’octroi. Après l’effondrement politique des années 1499-1500, Gualtiero connut une profonde crise mystique et se retira dans la villa (après avoir récupéré ses biens confisqués par les Français), abandonnant ainsi son palais sur la place du château. C’est dans la villa, en compagnie de son ami et maître spirituel Andrea Ferrari, qu’il consacra les dernières années de sa vie à l’étude des saintes écritures.
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CHÂTEAU SFORZESCO
CHATEAU DE PORTA GIOVIA COMMUNE : Milan TYPE : résidence ducale FAMILLE : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : entier avec réfections USAGE ACTUEL : monument, siège de musée, de bibliothèques et d’expositions
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Une première structure fortifiée fut bâtie près de l’ancienne porta Giovia probablement en 1368 par Galeazzo II Visconti (1354-1378) mais le seigneur de Milan continua de résider dans son somptueux château de Pavie, laissant la capitale aux mains de son frère Bernabò qui habitait le grand palais de porta Romana. Gian Galeazzo Visconti, successeur de son père Galeazzo II (1378) et premier duc de Milan (1395-1402), entreprit dès 1392 d’importants travaux à l’extérieur des remparts de la ville dans un lieu appelé dès lors «zardinum». Il commença à résider au château pendant de longues périodes. Après le passage bref et peu significatif du jeune et malheureux duc Giovanni Maria (1402-1412), assassiné à l’église de San Gottardo in corte, Filippo Maria réalisa d’importants travaux de reconstruction qui délimitèrent l’espace d’un vaste complexe destiné à accueillir la cour. Après la disparition de Filippo Maria (1447), le duché connut une période de profonde crise institutionnelle en l’absence d’héritiers légitimes. Alors que dans la chaleur de l’été 1447 le corps du duc se décomposait au château, camériers et courtisans mirent à sac les appartements ducaux et le trésor. Peu après, un groupe de notables milanais proclamèrent la République ambrosienne (1447-1449) et les maisons des courtisans et officiers de l’armée les plus proches de la résidence ducale furent saccagées. La partie fortifiée vers la ville, la plus ancienne, fut rasée de la carte et remplacée par la construction improvisée d’une sorte d’auberge municipale où l’on distribuait gratuitement du pain aux pauvres. L’énorme parc fut loué au comte Vitaliano Borromeo et utilisé à des fins agricoles. Après une campagne militaire vic-
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torieuse qui fit tomber une à une toutes les villes autrefois aux mains des Visconti, début mars 1450, Francesco Sforza, qui avait épousé Bianca Maria Visconti (fille illégitime de Filippo Maria et de la nobildonna Agnese del Maino) à Crémone en 1441, entra dans Milan et fut proclamé duc après avoir promis notamment de ne pas réédifier la forteresse de porta Giova. Etant venu à bout des résistances d’une partie de la population, il lança les travaux de restauration et de reconstruction dès 1451, travaux qui progressèrent à marche forcée à partir de 1452 lorsque le château, désormais aux mains des Sforza, accueillît un châtelain et une garnison. La cour de Francesco et Bianca Maria s’établit au palais de l’Arengo, l’ancien palais des Visconti près de la cathédrale en construction mais le duc, ses conseillers et courtisans recommen-
cèrent à utiliser le parc et à vivre sinon au château du moins dans les confortables maisons des aristocrates situées alentour. Sur ce grand chantier œuvraient l’architecte florentin Antonio Averulino dit il Filarete, l’ingénieur crémonais Bartolomeo Gadio et Benedetto Ferrini, toscan lui aussi, ainsi qu’une quantité de maîtres maçons et d’ingénieurs militaires recrutés sur la place de Milan ou parmi les nombreux collaborateurs d’Italie du Centre qui avaient suivi Francesco da Cotignola (le Sforza) au fil de sa carrière militaire itinérante. Après la mort de Francesco Sforza (1466), les tentatives de Bianca Maria Visconti pour influencer le gouvernement de son fils Galeazzo Maria furent vaines, ruinées par la politique du duc qui se détacha de sa mère et de son puissant entourage familial et social. En décembre 1467, en signe de rupture, le jeune duc alla
Vue générale du château Sforzesco de Milan avec la cathédrale en arrière-plan.
Francesco Galli (dit Francesco Napoletano), Vierge à l’Enfant (Madonna Lia), 1495 environ, détail représentant le château Sforzesco. Milan, Pinacoteca del Castello Sforzesco. 27
La chapelle de Galeazzo Maria Bien que moins fastueux que la chapelle perdue de Pavie, le sacellum ducal de Milan est cependant un rare témoignage des commandes du cinquième duc. Peinte à fresques par Giacomino Vismara, Stefano de Fedeli, Bonifacio Bembo et leurs élèves, la chapelle (salle XII du Musée d’art antique) se trouvait au cœur des appartements du duc, entre sa chambre (salle XI) et les portiques de l’Eléphant. Un jubé (tribune ajourée) la séparait de la grande salle du rez-de-chaussée dont elle formait une toile de fond idéale. Se détachant sur un fond de feuilles d’or appliquées sur des stucs au dessin géométrique portant au centre l’emblème des Visconti, la procession de saints avait été étudiée par le confesseur du duc sans oublier aucun des protecteurs de la lignée Visconti-Sforza, tandis que pour la Résurrection du plafond l’architecte Benedetto Ferrini avait fourni le dessin aux peintres en important à Milan une ico-
nographie florentine. Il existait de nombreuses chapelles dans le château : au premier étage, au bout de la salle verte, se trouvait un autre autel (salle XVI de la Collection de Meubles) ; dans l’aile opposée de la cour, la chapelle de San Donato (salle III du Musée d’art antique) avait été décorée au même moment d’une autre Résurrection (ici le plafond est encore agrémenté d’un ciel étoilé et entouré d’un ravissant paysage montagneux) ; près de la tour de l’Horloge, parallèlement à la chapelle de San Donato, le puissant chef de la garde Ambrogino da Longhignana avait fait installer un autre sacellum peint par Pietro Marchesi et Vincenzo Pestegala (dont il ne reste qu’un lambeau de fresque).
s’installer au château avec une poignée de courtisans, chanceliers et collaborateurs. Une première série de travaux de restauration improvisés, mis en œuvre pour transformer la forteresse en résidence ducale, fut suivie de deux campagnes de restauration surveillées de près par le duc lui-même. La seconde campagne de travaux (1471-1474) prévoyait la décoration complète des appartements ducaux et l’on envisageait déjà un monument équestre à Francesco Sforza à ériger sur la place précédant la forteresse. Le 26 décembre 1476, le duc Galeazzo fut assassiné à l’église de Santo Stefano in brolo. Durant la période troublée de la régence, Bona de Savoie et le premier secrétaire Cicco Simonetta, avec la collaboration de Ludovico Gonzaga, marquis de Mantoue, misèrent sur le renforcement des 28
Peintre lombard, Tête à l’ancienne, 1473, détail. Milan, Castello Sforzesco, paroi est de la chapelle ducale.
ouvrages défensifs du château. Lorsque, au bout de dix ans de querelles familiales et de violents différends, la duchesse Bona fit revenir Ludovic le More au château (septembre 1479), Cicco Simonetta, qui avait dirigé pendant 40 ans la chancellerie et le gouvernement, fut arrêté et décapité le 30 octobre 1480 au château de Pavie. Il fut remplacé par le secrétaire de la duchesse, Bartolomeo Calco, alors que le château passait aux mains du châtelain pavesan Filippo Eustachi et la garnison sous la domination du puissant capitaine Ambrogino da Longhignana. Eustachi, le More et l’aristocrate Pallavicino Pallavicini se réunirent en conseil de régence, destituèrent Bona (reléguée au château d’Abbiategrasso) et gouvernèrent le duché depuis le château pendant les années 1480.
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Après l’échec d’un complot fomenté par le châtelain Eustachi, le More, assisté par son propre beau-frère et son secrétaire particulier Aloisio Terzaghi et avec l’aide d’un groupe de jeunes et fidèles camériers et secrétaires, constitua une sorte de gouvernement de l’ombre qui gérait luimême les affaires de l’Etat pour le compte de son neveu Gian Galeazzo Maria Sforza (1476-1494). Alors que la politique du More se faisait toujours plus sordide, le château célébra en grande pompe les noces du jeune duc avec sa cousine Isabella d’Aragona, de Ludovic le More avec Beatrice d’Este et d’Alfonso d’Este avec Anna Sforza. En 1494, Ludovico Maria Sforza obtint l’investiture impériale tant convoitée pour le duché de Milan et la mort providentielle de Gian Galeazzo ouvrit au More l’accès au trône ducal. Le mariage de Bianca Maria Sforza avec l’empereur, en échange d’une dot exorbitante de 300.000 ducats (sorte de pot-de-vin pour obtenir l’investiture ducale), la cérémonie d’introni-
sation de Ludovic (le 26 mai 1495) et l’hospitalité offerte au roi de France Charles VIII (à qui le More ouvrit les portes du duché en 1495 pour permettre l’invasion contre ses parents aragonais) furent autant d’occasions solennelles de faire étalage d’un luxe effréné et de rénover la ville aux abords du château. En 1497, lorsque la toute jeune duchesse Beatrice d’Este mourut en couche, la cour sombra dans le deuil
Façades reconstruites de bâtiments milanais du XVe s. sur la place d’Armes du château Sforzesco, Milan.
Place d’Armes du château Sforzesco, sur la droite la tour de Bona et la façade aveugle de la Rocchetta.
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et des nuages noirs s’amoncelèrent au-dessus du duché. Les caisses avaient été vidées par les dépenses du mariage impérial de 1494 et, pour les renflouer, l’Etat vendit ses possessions à vil prix à des particuliers. Une partie de l’aristocratie lombarde grondait contre la gestion politique destructrice, la destitution des structures étatiques et de pouvoir accordé aux favoris du More. En avril 1498, après la mort de Charles VIII, le jeune et ambitieux Louis d’Orléans (Louis XII) monta sur le trône de France ; le nouveau roi revendiquait des droits sur le duché de Milan en tant que descendant de Valentina Visconti (fille illé-
gitime du duc Gian Galeazzo). Le “beau duché” fut pris dans l’étau de l’alliance entre la France et la République de Venise et le comportement tacite et indifférent de l’empereur et des autres potentats italiens. En août 1499, l’atmosphère était pesante autour du château et, après la perte de la place-forte d’Alessandria, l’invasion vénitienne prochaine à Ghiera d’Adda et dans la région de Crémone ainsi que l’assassinat du puissant trésorier Antonio Landriani, de nombreux Milanais se révoltèrent en mettant à sac les maisons des courtisans et des favoris autour du château et dans borgo delle Grazie.
Les chambres donnant sur le jardin et la salle de la Tour Lorsque le More devint officiellement duc de Milan, le château fut entièrement restauré et redécoré. On acheva le côté de la cour de la Rocchetta vers les appartements ducaux mais les travaux se concentrèrent principalement sur les pièces du rez-de-chaussée autrefois habitées par Gian Galeazzo et Isabella. En 1495, la vieille passerelle (piancheta) qui reliait les appartements ducaux au jardin à l’italienne (aménagé entre le château et la Ghirlanda) fut élargie : on y édifia une loggia et trois petits cabinets (salles IX et X du Musée d’art antique) reliés à la salle de la Tour. C’est peut-être cette même année qu’au moins l’un des cabinets commença à être décoré d’histoires romaines. Au cours de l’été 1496 le More se plaignit du «peintre qui s’était absenté suite à un scandale» et tenta d’obtenir – sept ans avant l’initiative de sa belle-sœur Isabella d’Este – les services du Pérugin pour achever la décoration des petites pièces. Après la mort de la duchesse, le projet décoratif des pièces fut modifié et l’on réalisa la «saleta negra»,
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une pièce noire dévolue à la mémoire de la défunte Béatrice. Peut-être Léonard de Vinci travailla-t-il dans ces pièces car il participa à partir du printemps 1498 à la décoration de la chambre de la Tour (salle VIII), à côté des petits cabinets. Après avoir retiré les boiseries de Galeazzo Maria Sforza, Léonard et ses collaborateurs réalisèrent une décoration continue qui transforma la pièce en une immense tonnelle, une «camara de li arbori», ou chambre arborée, dont la végétation luxuriante créait de magnifiques entrelacs soutenant ça et là les inévitables plaques héraldiques et commémoratives. La voûte a été très endommagée par les restaurations et l’on devine à peine la splendeur de la décoration ; les plus beaux restes sont près du sol : de superbes roches et des racines humides où transparait toute la fascination des études naturalistes de Léonard. Emblème des Sforza, 1498 environ. Milan, Castello Sforzesco, voûte de la salle de la Tour.
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Le 2 septembre, le duc quitta le château pour la cour impériale d’Innsbruck, non sans s’être rendu à la faveur de la nuit à Santa Maria delle Grazie pour saluer «sa Dame» : le tombeau de Beatrice hissé dans le chœur de l’église et revêtu d’un drap doré. Une partie du trésor ducal fit également route vers Côme avec le More. Les Français entrèrent en ville sans coup férir et le châtelain Bernardino da Corte vendit la forteresse à Gian Giacomo Trivulzio (chef des armées françaises) le 17 septembre. Ce qui restait du trésor et des riches ornements fut partagé entre Trivulzio, Corte, Antonio Maria Pallavicini et Francesco Bernardino Visconti. Le gouvernement français dirigé par le guelfe Trivulzio se heurta immédiatement à l’opposition de l’aristocratie gibeline et mécontenta les Milanais en quelques mois. Au même moment, le More levait une nouvelle armée et marchait vers Trente, déterminé à reconquérir Milan. Les partisans des Sforza reprirent la capitale en 1500 et obtinrent le soutien du peuple et d’une grande partie de l’aristocratie mais le château resta aux mains des Français qui faisaient des sorties dans les maisons voisines et canonnaient la ville. En avril, l’affrontement décisif eut lieu à Novare. Les Suisses pourtant soudoyés par le More se retirèrent inopinément et le duc fut capturé alors qu’il essayait de fuir. Conduit en France, il finit ses jours en prison. Au même moment, à Milan, ville pratiquement vidée de ses hommes (tous les aristocrates milanais gibelins s’étant précipités à Novare avec leur suite), lorsqu’arriva la nouvelle de la défaite «toutes les maisons [...] de belle facture furent mises à sac par les Français et les Italiens, qui se trouvaient au château, lesquels entrèrent subrepticement dans les foyers et emportèrent toutes les
richesses» et les filles et épouses des gentilshommes milanais qui ne s’étaient pas réfugiées assez rapidement dans les monastères «subirent les pires outrages, notamment les femmes mariées». Le château fût rétrogradé définitivement au rang de place forte militaire tandis que les Français démolirent la place et les arcades voulues par le More. Après la perte de sa fonction de cour, le bâtiment ne fut plus utilisé comme résidence ducale, pas même sous le gouvernement éphémère de Massimiliano Sforza (1512-1515), tandis que Francesco II Sforza (1521-1535) réoccupa le château. Le nouveau duc ne semblait guère apprécier l’ancienne forteresse, où il fut d’ailleurs cloîtré pendant plusieurs mois durant sa résistance héroïque contre les Espagnols (1525-1526) mais il fit quand même procéder aux dernières restaurations éphémères de l’appartement ducal pré-
Castellum Mediolanense, in Topographia Italiae, 1688. Milan, Civica Raccolta delle Stampe Achille Bertarelli. En évidence, la fortification des remparts en étoile.
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Portiques de la cour de la Rocchetta du château Sforzesco, Milan.
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paré en 1534 pour l’arrivée de son épouse, encore enfant, Christina de Danemark (nièce de l’empereur Charles Quint). À sa mort, le duché retourna définitivement dans le giron impérial et passa sous la couronne espagnole avec la succession héréditaire à Charles Quint. Presque tous les gouverneurs de l’Etat de Milan préférèrent résider dans le vieux palais des Visconti sur la place de la cathédrale (la cour de l’Arengo désormais Palais Royal) et le château devint progressivement une caserne proprement dite. Presque toutes les belles maisons alentour furent remblayées pour
édifier des remparts en étoile qui coupèrent définitivement le château de la ville. Il conserva sa fonction militaire pratiquement jusqu’aux années suivant la constitution de l’Etat italien. Après l’échec des projets de l’époque napoléonienne destinés à réinscrire cette structure dans le tissu urbain milanais, on alla jusqu’à envisager la destruction complète du bâtiment lors de la seconde moitié du dixneuvième siècle. En 1887, l’espace de la cour ducale fut transformé en musée. Une grande partie des collections d’art de la ville s’y installèrent progressivement : la Pinacothèque, la Bibliothèque municipale d’Art, la Collection Vinciana, les Archives photographiques municipales, le Cabinet des Dessins, le Cabinet numismatique, des médailles et des pièces de monnaie, le Musée égyptien, le Musée de la préhistoire, la Collection d’imprimerie “Achille Bertarelli”, l’Archive historique municipale et Bibliothèque Trivulziana. Le château devint dès lors, selon le projet de Luca Beltrami chargé des travaux de restauration, l’un des principaux centres culturels de Milan. Par la suite, il accueillit des collections à long terme et non plus d’éphémères expositions ducales : celle de Luca Beltrami, de Giorgio Nicodemi, la célèbre collection du studio BBPR, et la pinacothèque abrita plus récemment celles de Albini-HelgPiva et de Valter Palmieri. Le château forme un quadrilatère flanqué de deux tours circulaires sur la façade tournée vers la ville et de deux autres tours carrées côté parc. Sa structure se divise en deux grands blocs rectangulaires, découpés dans l’ancien tracé des remparts et des douves. Derrière la façade principale aux tours angulaires à bossage en pointe de diamant et la célèbre tour de plusieurs étages reconstruite par
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Beltrami, le premier bloc est entièrement occupé par la grande cour ou place d’armes. La seconde partie du complexe est quant à elle subdivisée en deux parties : à l’ouest, la Rocchetta, de forme carrée, et à l’est la cour ducale, qui étaient autrefois séparées et complètement indépendantes. Sur la place d’armes se dressent la tour de Bona et la tour de l’Horloge adjacente, l’une destinée à renforcer un angle de la Rocchetta et l’autre (à l’emplacement de l’ancienne porta Giovia) à accéder à la cour ducale. À gauche se situe la courtine continue et massive de la Rocchetta tandis qu’à droite la façade est rythmée par les nombreuses fenêtres des appartements ducaux. La cour de la Rocchetta (37 mètres de côté environ) est entourée de portiques sur trois ailes et ouverte par un cheminement sur des corbeaux (éléments saillants) vers la grande cour. Les ailes nord-ouest sont les plus anciennes et s’articulent
autour de la tour du château ou du Trésor tandis que l’aile orientale vers la cour ducale est la plus récente. Le palais ducal proprement dit forme un U autour de la cour. Les portiques de l’Eléphant (d’après une décoration exotique des Sforza) ferment en beauté le côté court tandis que cette construction austère est enjolivée sur le dernier angle
Cour de la Rocchetta du château Sforzesco, Milan. Remarquer la différence entre les trois façades.
Le 13 janvier 1490 : Fête du Paradis Pour les noces du duc Gian Galeazzo Sforza avec Isabella d’Aragona – célébrées sur un ton mineur en raison du décès de la mère de la mariée ainsi que par la volonté du More qui reléguait volontiers son neveu au second plan lors des cérémonies officielles – on réalisa dans la grande salle du premier étage (salle XVI de la Collection de meubles) des décorations temporaires pour les festivités. Dans un cadre festonné de fruits et de légumes, les murs furent tendus de velours et décorés de carrés en toile relatant des histoires antiques et les faits d’armes de Francesco Sforza. Au milieu de la grande salle fut dressée une tribune recouverte de tissus précieux tandis que sur le côté court de la salle, à l’opposé de l’entrée (où se trouvait l’autel d’une des chapelles ducales), fut hissé un rideau de velours qui cachait une mise en scène extraor-
dinaire. Le 13 janvier 1490 eut lieu dans cette pièce la fameuse Fête du Paradis. Son metteur en scène, décorateur et costumier n’était autre que Léonard de Vinci. L’ambassadeur de Ferrare décrivit la mise en scène en ces termes : «Le paradis avait l’apparence d’un demi-œuf à l’intérieur entièrement doré, où brillaient mille lumières évoquant les étoiles, et avec des ouvertures où figuraient les sept planètes disposées de haut en bas selon leur importance. Autour du bord supérieur se trouvaient les douze signes du zodiaque éclairés depuis l’intérieur du verre qui créaient un spectacle magnifique et ce paradis résonnait de nombreux chants et de sons doux et suaves». Léonard de Vinci, Etude pour un costume de théâtre, 1490. Windsor, The Royal Collection.
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Luca Beltrami : inventer ou reconstruire ? L’une des tours cylindriques du château Sforzesco pendant les travaux de restauration, fin XIXe. Milan, Civico Archivio Fotografico.
L’architecte Luca Beltrami (1854-1933) a fait ses études au Politecnico de Milan, nouvellement créé, auprès du talentueux et polyvalent Camillo Boito. Après un stage d’étude et professionnel à Paris (où il participa à la restauration de l’Hôtel de Ville), il revint à Milan pour enseigner à l’Accademia di Brera, au Politecnico et remporta, notamment, le concours pour la façade de la Cathédrale et pour restaurer le palais Marino et la place de la Scala. À partir de 1884, engagé sur plusieurs fronts (y compris le front politique) et alors que le débat sur la formation d’un style architectural “italien” faisait rage, soutenu par la Société historique lombarde, l’architecte lança une campagne pour préserver le château de la démolition partielle ou totale envisagée dans le cadre de certains plans urbanistiques. Cependant, l’attention de Beltrami ne se focalisa sur la
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restauration radicale du Castello Sforzesco qu’à partir de 1893. Comme cela avait également été le cas ailleurs (Soncino et Pandino), la restauration d’un bâtiment ancien n’était pas pour l’architecte qu’une simple reconstruction stylistique idéale – ainsi que le préconisait Eugène Violletle-Duc (projets du manoir de Coucy, restauration des remparts de Carcassonne et du château impérial de Pierrefonds) – mais devait être une restauration “historique ” tenant compte des événements et des stratifications vécues par l’édifice. L’esprit positiviste de Beltrami, animé par la volonté de retrouver la “véritable” forme historique du château des Sforza, se traduisit par une série d’études des archives et de relevés stratigraphiques. Il publia immédiatement le monumental ouvrage Il castello di Milano (Castrum Portae Jovis) sotto il dominio dei Visconti e degli Sforza, MCCCLXVIII-MDXXXV, Milan, Ulrico Hoepli, 1894, qui fait aujourd’hui encore référence pour l’étude du château. Il s’ensuivit dix années de travaux qui donnèrent au manoir sa forme actuelle. La restauration s’accompagna d’une série de publications supplémentaires – concernant les principales interventions, notamment la passerelle du More et la tour du Filarete – explicitant le rapport entre réfection et documentation historique. La passion de Beltrami pour le projet de reconstruction du château était telle qu’en 1903 il vendit aux enchères sa propre collection d’art afin de reconstruire la tour centrale dédiée à Umberto Ier. Le résultat n’a pas grand-chose à voir avec l’original mais, concernant la forme actuelle du château, on ne peut exprimer de jugement sans rendre hommage aux réels efforts de l’architecte pour restituer une image “historique” de l’ensemble.
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nord-ouest d’un porche surmonté d’une petite loggia marquant l’emplacement des anciens escaliers. La façade côté parc se distingue par la succession de grandes fenêtres d’esprit gothique et protégée autrefois par une courtine supplémentaire dite Ghirlanda. Cette dernière touchait le quadrilatère à la hauteur des deux imposantes tours du SaintEsprit (à l’ouest) et du Carmine (à l’est). La première a conservé une partie de sa structure massive le long du rempart donnant vers la gare de Cadorna tandis que la Ghirlanda n’offre plus qu’une partie des tours angulaires et la porte du Soccorso : ces ruines romanes créent une magnifique toile de fond au parc Sempione. Une route souterraine court tout autour des douves et dessert, à travers des chemins et des galeries, les restes des tours et de la porte ouverte vers le parc. Ce circuit souterrain s’inscrivait dans l’imposant système de défense du château, considéré comme pratiquement imprenable. Il est impossible de reconstruire exactement l’aspect du château des Visconti. La partie du manoir audelà des douves et vers le parc devait suivre le plan des espaces actuels et être dès l’origine défendue par la Ghirlanda fortifiée. La Rocchetta devait être le château proprement dit tandis que, selon certaines descriptions de 1438, l’aire de la cour ducale ressemblait à une sorte de palais flanqué d’au moins deux tours mais présentant des espaces ouverts vers les jardins intérieurs et extérieurs au second fossé. Tous les murs du palais de Filippo Maria devaient être peints en vert ou en noir ou encore de losanges verts et noirs. Les quartiers du duc se trouvaient dans l’aile est vers le Carmine, peut-être à l’emplacement de ceux qui devinrent les appartements des duchesses. La chambre à coucher du maître des
lieux était décorée d’une frise en partie peinte par Giovanni da Vaprio et en partie en relief, représentant 17 boucliers de peuplier sculptés, dorés et argentés. Un grand balcon en bois donnait sur les douves et les jardins aménagés entre le château et la Ghirlanda. D’autres balcons et loggias en saillie agrémentaient l’extérieur de cette partie du bâtiment, permettant une communication entre l’intérieur et les espaces verts. Non loin de là, dans un pré, fut remontée une belle fontaine en marbre provenant de l’ancien palais de l’Arengo ; elle était surmontée d’un
La tour Umberto Ier dite du Filarete du château Sforzesco de Milan, reconstruite par Luca Beltrami.
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La logette de Benedetto Ferrini au château Sforzesco, Milan.
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ange et d’une girouette arborant la vipère d’or des Visconti. Des girouettes similaires ornaient les tours et les cheminées du château. Parmi les chambres, antichambres et autres cabinets devaient également se trouver la pièce que le duc faisait remplir d’eau et où il se plongeait durant la canicule estivale. Les chambres étaient pour la plupart peintes en blanc et vert et décorées de motifs et d’exploits héraldiques. Si l’on en croit l’historien Pier Candido Decembrio, elles étaient ornées de quelques tapis de pourpre uniquement lors des réceptions solennelles car le duc n’aimait pas s’embarrasser de tapisseries ni d’argenterie. Une série de pavillons ainsi que la fauconnerie devaient se dresser sur la rive du Irone, entre le château et l’église de Sant’Ambrogio ad nemus. Vers la ville, la forme du château devait être moins régulière que celle supposée par Beltrami et les fortifications croisaient différentes constructions : l’église de San
Donato, l’hôtel de la Chancellerie, le palais du Conseil ou de Gaspare Visconti et le palais de la Duchesse. La reconstruction des Sforza rendit la forteresse plus massive et plus menaçante. Seule la tour, peut-être conçue par le Filarete, décorée à l’origine de chapiteaux en serizzo sculptés et agrémentée d’une frise à l’ancienne avec des bucranes en terre cuite, adoucissait la façade côté ville. Sous le gouvernement de Bianca Maria Visconti et Francesco Sforza, on n’enregistre aucune campagne décorative du château. Par contre, Galeazzo Maria (surtout à partir de 1467) fit achever les bâtiments de la cour ducale et aménager les appartements pour accueillir le duc et sa suite. Bien que le duc séjournait rarement à Milan, préférant ses résidences de chasse ou le splendide château de Pavie, les pièces du rez-de-chaussée furent décorées de motifs héraldiques. Les appartements ducaux se trouvaient près des portiques de l’Eléphant, celui du duc à gauche et celui de la duchesse juste derrière les portiques. La salle de la Tour (salle VII de l’actuel Musée d’histoire antique), décorée d’une magnifique boiserie gravée et dorée et ouvrant sur les jardins ducaux, reliait ces deux blocs perpendiculaires. L’aile à droite des arcades de l’Eléphant était occupée par la chapelle de San Donato (salle III), par un appartement (utilisé ensuite par le More, salle IV), par la «nouvelle salle» ou salle de Bal (salles I et II ; à ne pas confondre avec l’actuelle salle de Bal dans la cour de la Rocchetta). L’appartement du duc se composait de la grande salle ou salle verte du rez-de-chaussée (salle XIV), décorée de «fazoli» (mouchoirs noués), lieu des réceptions et célébrations officielles ; au bout de la salle se trouvait la chapelle (salle XII) tandis qu’à droite l’on accédait à la petite
MILAN
salle ou salle du Conseil (salle XV) décorée de chevrons bordeaux et blancs. Venaient ensuite l’antichambre ou salle rouge (salle XIII) décorées de colombes dorées sur fond rouge et la chambre du duc (salle XI), elle aussi lambrissée et aux voûtes bleu et or. La fonction de ces pièces resta inchangée sous le gouvernement du More. Ce dernier, fort de son prestige politique grandissant, quitta les pièces situées dans la grande cour, à droite de l’entrée (à l’emplacement de l’actuelle Bibliothèque municipale des arts) pour emménager dans les pièces adjacentes (salle IV) à la «nouvelle salle» et à la chapelle de San Donato, dans certaines pièces du rez-de-chaussée de la Rocchetta jusqu’à occuper les appartements ducaux après son investiture en 1495. Au même moment, les portiques de l’Eléphant furent fermés pour créer un nouveau salon qui agrandissait l’appartement de la
duchesse et desservait directement les chambres du More et du duc. Pendant ces années, on œuvra dans différentes parties du château à l’achèvement de la cour de la Rocchetta et à l’édification de nouvelles bâtisses dans la cour principale. Au même moment, on construisit un petit quartier sous la passerelle qui reliait le jardin à la tour des appartements ducaux et l’on procéda à une série de décorations imposantes mais de courte durée. L’attention de Francesco II Sforza se concentra sur le château en 1534 avec la reconstruction des pièces de la duchesse et des cabinets voulus par son père. Les interventions durables se limitèrent à quelques voûtes peintes (malheureusement arrachées et mal conservées) et frises peintes à fresques. Pour l’occasion, les pièces de la cour ducale furent décorées de magnifiques tapisseries relatant l’histoire d’Enée ou représentant des animaux exotiques.
Le trésor «spectacle triomphant, hautement digne et extrêmement précieux» L’Argus peint par Le Bramantino remonte probablement au début des années 1490 et c’est la seule fresque de la décoration de la Rocchetta voulue par Ludovic le More à avoir résisté au temps. Dans une architecture destinée à accentuer la perspective et à créer un effet de trompe l’œil, le personnage puissant et musclé du berger-gardien aux 100 yeux est catapulté dans toute sa majesté dans la pièce, entre des médaillons en faux bronze représentant des scènes mythiques (Mercure endormant Argus) et les magnifiques paons de Junon. Ce tableau veillait jalousement, dans un fatras apparemment désordonné et éblouissant, sur le trésor des Sforza : sur des tapis d’Orient, on dénombrait douze grandes médailles d’or à l’effigie des ducs de Milan d’une valeur de 10.000-15.000 ducats chacune ainsi que des tas de pièces d’or d’une valeur comprise entre 650.000 et 800.000 ducats. Sur
les tables figuraient de longs colliers, sautoirs, chaînes et autres joyaux des duchesses. Sans oublier des écrins et coffrets émaillés et décorés contenant des perles énormes, des camées, des diamants et autres pierres précieuses ainsi que des chandeliers en argent de la taille d’un homme. Éparpillés dans la salle on trouvait également les 62 grands vases en émail, or et argent, réalisés à l’ancienne sur le modèle de ceux du duc Ercole d’Este, avec d’autres vases de lapis-lazuli, porcelaine et cornaline. Aux murs étaient accrochés 66 figures de saints en argent massif, avec quatre croix pavées de pierres précieuses et une croix en or massif incrustée de perles. Le tout était dominé par une grande icône peinte et dorée représentant le Couronnement de la Vierge entourée d’anges et de saints et «d’un tas tellement haut de pièces d’argent qu’aucun chevreuil n’eut pu sauter par-dessus». 37
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 2
Voyager au fil de l’eau La cour sur les canaux CUSAGO ABBIATEGRASSO BEREGUARDO PAVIE BINASCO
Bateau avec roue à aubes, in De machinis de Mariano di Jacopo detto il Taccola, 1449. Paris, Bibliothèque Nationale de France.
L’historien Pier Candido Decembrio relate (Vita Philippi Mariae Vicecomitis tertii Ligurum ducis) que lorsque le duc Filippo Maria Visconti (1412-1447) fut devenu trop corpulent pour pouvoir chevaucher «il s’employa à détourner depuis Milan un réseau de canaux à travers lesquels il pouvait rallier pratiquement tous les bourgs de sa fréquentation grâce à une embarcation qui présentait le même aspect que ses appartements et que la salle des audiences ducales et dans laquelle officiaient des serviteurs selon la même hiérarchie. Il se rendit ainsi d’abord à Cusago, puis à Abbiategrasso mais aussi à Bereguardo et à Pavie». Cette image (certes peu flatteuse) d’un Filippo Maria obèse se laissant transporter au fil de l’eau dans un somptueux bateau «tiré par des chevaux sur le chemin de halage» inspire le déroulement de cet itinéraire. Depuis le château de Milan, le parcours dessert Cusago, Abbiategrasso, Bereguardo, Pavie et ne peut reprendre le chemin de Milan sans passer par Binasco (toujours au fil de l’eau mais cette fois en empruntant le naviglio pavesan, ou canal). Ce trajet dessine une sorte de triangle entre Milan, Abbiategrasso et Pavie, sillonné autrefois par des canaux et aujourd’hui par des routes : la Provinciale 494, la Nationale 526 et la Provinciale 35. Ce territoire était dévolu aux grandes exploitations agricoles des Visconti dont les toponymes de Guido Visconti, Motta Visconti et Viscontina conservent encore la mémoire. Toutes ces terres étaient dominées par un château ou une structure fortifiée pour surveiller le moulin local ou l’incontournable auberge. Nombre des fermes ducales de la région (Binasco, Vigano, Trezzano) furent données par le duc Gian Galeazzo Visconti (1378-1402, duc à partir de 1395) à la grande exploitation de la Chartreuse de Pavie et d’autres domaines passèrent aux mains de différentes branches collatérales de la maison Visconti : Moncucco aux Visconti d’Albizzate (puis Fontaneto et Cassano Magnago), Motta, Gaggiano et San Vito aux Visconti de Somma qui, plus tard, en tirèrent justement leur titre de marquis de San Vito. Dans cette région, l’esprit d’entreprise des ducs de Milan favorisa la création d’un système de canalisation des eaux dont les travaux avaient débuté quelques siècles plus tôt. Le canal principal a peut-être germé du réaménagement d’un fossé du XIIe s. (rebaptisé par la suite Ticinello) dévié du Ticino, creusé entre Abbiategrasso et Landriano via Binasco comme barrage défensif contre les Pavesans alliés de Frédéric Barberousse. Utilisé également comme canal d’irrigation, ce cours d’eau artificiel fut peu à peu rendu navigable et s’étendit en direction de Gaggiano-Trezzano pour permettre aux Milanais de l’utiliser comme artère commerciale vers le bassin du Verbano et les cols alpins. Peut-être rejoi39
VOYAGER AU FIL DE L’EAU
1438, année de grands travaux La Biblioteca Ambrosiana de Milan conserve un petit code manuscrit rédigé par le trésorier ducal Dolfino Giorgi où son consignées les dépenses des travaux mis en œuvre dans les différentes résidences et fortifications ducales en 1438. Cette précieuse source d’information fait état des restaurations et exten-
sions aux châteaux de Milan, Pavie, Cusago, Abbiategrasso, Bereguardo, San Colombano, Binasco, Monza, Melegnano, Vigevano, Valenza et Castelleone mais également dans les parcs et les réserves, témoignant ainsi de la construction de ponts et du creusement des canaux.
gnait-il la capitale lombarde dès 1209 et un nouveau bras rallia rapidement Abbiategrasso à Turbigo en alimentant le canal en eau courante. En 1387, avec le chantier de la cathédrale de Milan (ayant débuté l’année précédente) sous la protection de Gian Galeazzo Visconti, il fallut réaliser une voie de communication pratique pour approvisionner l’usine en marbre provenant des rives du Verbano. C’est à cette période que le bras de canal desservant la capitale fut achevé définitivement (rendu navigable) alors que les ingénieurs de la nouvelle cathédrale planchaient sur les problèmes de dénivellation et concevaient le système de bassins et écluses. Entretemps, le réseau de canaux avait été élargi au début du XVe s. (peutêtre à l’initiative de Filippo Maria Visconti) grâce à l’ouverture du naviglio de Bereguardo qui reliait Abbiategrasso au Ticino ; ce canal franchissait une dénivellation considérable de 24 mètres grâce à 12 écluses réparties sur 19 km. Quelques années plus tard, à l’initiative du duc Francesco Sforza (1450-1466), l’ancien canal d’irrigation qui de Pavie coulait jusqu’à Binasco (commandé par le duc Gian Galeazzo Visconti) fut élargi et rendu navigable mais ce n’est qu’en 1819 que le tronçon direct MilanPavie fut achevé, créant ainsi un parcours alternatif – par rapport au cheminement tortueux du grand naviglio de Bereguardo – pour relier la capitale au Ticino. Entre-temps, un projet de Filippo Maria pour créer un canal à partir de l’Adda fut repris par Francesco Sforza (1457) mais achevé seulement par Ludovic le More en 1496 ; c’est ainsi que naquit le Navigium Novum ou de la Martesana qui dévie les eaux de l’Adda du château de Trezzo à l’église milanaise de San Marco. Les ducs Visconti et Sforza saisirent immédiatement l’utilité de ces voies d’eau pour leurs déplacements personnels et ceux de la cour, bien moins fatigants et plus confortables que par voie de terre. De somptueux bucentaures (navires de parade) destinés au transport de la famille ducale sillonnaient régulièrement les canaux qui desservaient leurs résidences. À Milan, par exemple, les ducs équipèrent le château de deux darses : l’une près de la place et l’autre dans le parc. D’ici, la cour accédait discrètement aux embarcations, parcourait d’abord les eaux 40
Léonard de Vinci, Canal de San Cristoforo, in Codice Atlantico, 1509. Milan, Biblioteca Pinacoteca Accademia Ambrosiana.
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 2
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VOYAGER AU FIL DE L’EAU
Agnese del Maino, seule femme aimée Agnese del Maino, fille d’Ambrogio, était une nobildonna milanaise. Sa famille gibeline et influente contrôlait de vastes propriétés terriennes dans les régions de Milan, Pavie et Novare mais était tombée en disgrâce après l’assassinat du duc Giovanni Maria Visconti (1412). Agnese fut probablement la dame de compagnie de la duchesse Beatrice Lascaris de Tende (1372-1418). Cette dernière, veuve influente du condottière Facino Cane, première épouse de Filippo Maria Visconti, de vingt ans l’ainée du duc, avait contribué à assoir le pouvoir de son époux au début de son gouvernement mais fut condamnée à mort en 1418 et décapitée, probablement au château de Binasco, accusée d’adultère. Au même moment, le duc entama une liaison amoureuse avec Agnese del Maino ; selon certaines sources, celle-ci aurait dans un premier temps été contrainte de devenir sa maîtresse. Le duc eut deux filles d’Agnese : Bianca Maria (devenue duchesse de Milan) et Lucia (morte prématurément). La nobildonna vivait pratiquement recluse dans les châteaux d’Abbiategrasso et de Cusago, où elle élevait ses filles loin de la cour. En 1427, le duc épousa Marie de Savoie (1411-1469), reléguée elle aussi dans une maison que son mari fit construire spécialement près de la place du château de Milan. Les relations entre le duc et ses épouses et son unique maîtresse laissent imaginer les rapports complexes que Filippo Maria entretenait avec la gent féminine. En 1425, par exemple, l’accès aux appartements ducaux de Cusago était interdit à Agnese et, la même année, elle fut chassée du château d’Abbiategrasso à l’arrivée du duc. Les humeurs du duc venaient-elles de sa paranoïa hypocondriaque, exacerbée par la peste, ou de sa misogynie ? Après la mort de Filippo Maria (1447), Agnese réussit à affirmer son caractère fort et déterminé : elle conseilla son gendre Francesco Sforza, persuada le châtelain de Pavie de remettre le château et la ville aux Sforza, favorisa parents et amis, tissant
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ainsi une toile de relations puissantes qui ouvrit les portes de Milan au nouveau duc. Au cours des premières années du duché des Sforza, Agnese sembla jouer le rôle très respectable de duchesse veuve, qui fut au contraire refusé à Marie de Savoie (épouse légitime de Visconti). Dans ses lettres à son époux, sa fille, nouvelle duchesse, parle d’elle comme de la «magnifique femme qu’est ma mère». Elle instaura avec son gendre un rapport des plus amicaux, comme l’indique leur correspondance. Le récit qu’Agnese elle-même (déjà âgée) fit à Sforza au sujet d’un accident de charrette en dit long à ce sujet : «Mon Seigneur, combien je me suis amusée lorsque ma charrette s’est renversée ! On me pensa morte mais je m’écriai : Que de pleurs ! Que de cris ! Eh bien voulez-vous que je vous dise ? L’excès d’amour de ma fille et de ma famille m’a fait plus de mal que de bien !». Agnese s’éteignit le 13 décembre 1465 et fut enterrée dans le couvent milanais des clarisses de Sant’Orsola, qu’elle avait elle-même fondé et confié aux soins des Franciscains observant le culte de Sant’Angelo. L’histoire de Béatrice de Tende et d’Agnese ne pouvait que stimuler la sensibilité du dix-neuvième siècle. Dans le paysage du mélodrame romantique italien, tourné vers l’étranger et amateur d’intrigues relatant les grands drames survenus au Moyen Âge et à la Renaissance anglaise ou française, la Beatrice di Tenda (1833) de Vincenzo Bellini (contrepoint thématique à l’Anna Bolena de Gaetano Donizetti de 1830) fut le seul opéra à exploiter les aventures des Visconti. Toutes les scènes se situent dans le château de Binasco. Dans la partition, le beau Sicilien aux yeux bleus, bien que réutilisant des airs de ses opéras précédents (à cause des retards et des différends avec le librettiste) réussit dans certains scènes chorales à créer une dynamique dramaturgique qui inspira le jeune Verdi (comment en effet ne pas penser à Rigoletto en entendant les chœurs des Courtisans ?).
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 2
Maître de Paolo et Daria (?), Bucentaure, détail, in De Paulo e Daria amanti de Gaspare Visconti, 1495. Berlin, Kupferstichkabinett.
de l’ancien fossé de la ville, le long des dizaines d’entrepôts commerciaux ayant un accès à l’eau – sur les canaux désormais couverts par via Carducci, via De Amicis, via Conca del Naviglio – et arrivée à porta Ticinese, se laissait entraîner lentement dans la campagne vers la chapelle ducale de San Cristoforo le long du naviglio grande. A Trezzano, le petit canal de Cusago acheminait les courtisans vers le petit palais ducal au fil d’un parcours ombragé au cœur des forêts du domaine de chasse. Tout au long du trajet du naviglio grande, entre Milan et Abbiategrasso, aristocrates et courtisans eurent tôt fait de construire leurs résidences de villégiature. Les plus proches de la ville ont complètement disparu après la dernière guerre mondiale. Seule subsiste la belle demeure (ancien château) que les Panigarola avaient achetée aux Pozzobonelli à Vermezzo et qui présente encore quelques vestiges du XVe s. Appartenant à des particuliers, cet édifice conserve de beaux portiques et d’élégants chapiteaux, des médaillons à la romaine alternant les portraits des ducs et ceux des empereurs ainsi que des plafonds aux dessins géométriques arborant les motifs à la mode à la fin du quinzième siècle : les entrelacs de Léonard de Vinci et les polyèdres du mathématicien Luca Pacioli, ce dernier ayant séjourné à Milan au palais de Galeazzo Sanseverino. Presque au bout du bras principal du grand canal, aux portes d’Abbiategrasso, le Castelletto (qui donne son nom à un quartier de la ville) était la première défense de la bourgade et marquait la ligne de séparation des cours d’eau. Ici se dressait la maison du gardien des eaux et commençait l’ancien lit du Ticinello qui poursuivait vers Binasco. Vers le sud, un petit canal au cours rapide conduisait d’Abbiategrasso à Bereguardo en suivant les réserves de chasse de la vallée du Ticino puis, sur le fleuve, la cour ralliait Pavie en accostant au Bagno della Duchessa. Derrière le magnifique château, le jardin et le parc s’étendaient jusqu’aux terres agricoles de la Chartreuse royale. Aujourd’hui, le superbe jardin peuplé d’animaux, y compris exotiques, a disparu mais l’on se doit de faire escale au Mirabello, maison du capitaine du parc puis pavillon de chasse de Galeazzo Sanseverino. Depuis l’embarcadère du parc, on remontait vers Binasco, toujours en bateau, au fil du canal pavesan. 43
CHÂTEAU DE CUSAGO
COMMUNE : Cusago (Milan) TYPE : résidence ducale FAMILLE : Visconti, Sforza, Casati Stampa di Soncino ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, résidence privée
Façade du château de Cusago.
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Le château de Cusago, commandé par Bernabò Visconti (1354-1385), fut habité par la cour dès 1369. Ce lieu de détente situé au cœur d’un vaste domaine de chasse fermé par une barrière en bois accueillit souvent, en raison de sa proximité avec Milan, Gian Galeazzo Visconti (après l’élimination de son oncle et beau-père Bernabò). Entre 1425 et 1440, le duc Filippo Maria Visconti semble s’être pris de passion pour
Cusago où il séjourna régulièrement, fit restaurer et agrandir les bâtiments et entretenir le parc. Sa maîtresse Agnese del Maino, qui demeurait habituellement à Abbiategrasso, y résidait de temps à autre. Le petit canal qui relie la résidence de Cusago au canal principal près de Gaggiano y fut creusé en 1438. Pendant les dernières années du gouvernement de Filippo Maria, les lieux furent abandonnés et une description datant de l’été 1447, rédigée alors que le duc était agonisant, en relate l’état d’abandon. Lors de la République Ambrosienne (14471450), une partie des bâtiments de Cusago furent démolis et au moins 10.000 “pertiche” (plus de 6,5 km2) du domaine ducal furent vendus à différents nobles milanais. Les nombreuses mesures de conservation du parc, d’interdiction de chasser et de couper le bois remontent à l’époque de Francesco Sforza mais il ne sem-
CUSAGO
ble pas que les premiers ducs Sforza appréciaient particulièrement Cusago. Le fait que la propriété fut cédée au marquis de Monferrato comme gage de paiement de la dote d’Elisabetta Sforza (sœur du duc) en 1469 le confirme. Lors de ses dernières années de gouvernement, le duc Galeazzo Maria (1466-1476) sembla reprendre goût à cette réserve de chasse mais c’est à Ludovic le More (1480-1499) que revient le mérite d’avoir reconstruit et embelli les lieux. En 1486, le peintre Giovanni Pietro da Corte reçu commande de plusieurs panneaux avec frises et motifs floraux dorés à l’ancienne pour décorer la salle principale du château, signe que l’édifice avait été profondément remanié avant la fin des années 1495 et que l’on procédait déjà aux finitions. Cusago devint alors un lieu de délice pour les Sforza où l’on s’adonnait aux plaisirs de la cour. Il accueillit notamment l’empereur Maximilien de Habsbourg et le domaine fut offert en 1494 à Beatrice d’Este, épouse de Ludovico Sforza. Lors des bouleversements du début du XVIe s., le domaine et le château furent donnés en 1525 à Massimiliano Stampa et restèrent pendant plusieurs siècles aux mains de la famille Casati Stampa di Soncino. La résidence de Cusago revêt aujourd’hui davantage l’aspect d’un palais que d’un château. Elle se présente comme un parallélépipède régulier de forme rectangulaire avec une grande cour centrale. Les côtés les plus longs mesuraient 96 mètres et l’entrée principale se trouvait sur le côté court, à l’est, donnant sur la grande place et sous la haute tour (remontée et modifiée après sa construction à la Renaissance). L’angle nord-est du bâtiment se distingue par l’élégante logette (désormais murée) asymétrique. La façade est ryth-
mée par des ouvertures autrefois régulières, couvertes d’arcs surbaissés au rez-de-chaussée et d’arcs en ogive à l’étage. La vaste cour interne s’ouvre sur des portiques profonds réalisés dans l’aile d’entrée ; les élégants chapiteaux des colonnes et les piédouches (bases) des portiques sont, avec quelques cheminées internes, les seuls vestiges décoratifs de l’ensemble. À l’époque des Visconti, le château devait se présenter comme une sorte de ferme munie de tours et disposant de plusieurs cours, bien différente de l’image du «très beau palais» partiellement décrit en 1491 à la marquise Isabella d’Este par Galeazzo Visconti, seigneur de Somma Lombardo et comte de Busto Arsizio. Outre la lettre adressée à Isabella, qui raconte une journée typique à Cusago – chants et danses dans le jardin, battues de chasse organisées dans le parc, jeux de cour et pêche aux brochets et aux écrevisses dans les viviers et les canaux – un poème en latin composé par Giovanni Alberto Bossi (parent de Galeazzo Visconti et compagnon de jeux de la duchesse Beatrice d’Este lors
Diplôme de Ludovic le More, 28 janvier 1494. Londres, The British Library. Le duc offre différentes possessions dont Cusago à son épouse Beatrice d’Este.
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Une lettre du seigneur de Somma décrivant les loisirs de la cour Ecole de Cristoforo De’ Predis, Scène de chasse, détail, in De sphaera, 1470 environ. Modène, Biblioteca Estense Universitaria.
«Ce matin, vendredi, la duchesse avec toutes ses dames de compagnie et moi-même avons pris les chevaux à 15h et nous sommes rendus à Cuxago. Et pour bien vous expliquer combien nous nous sommes amusés, sachez qu’en chemin, je suis monté sur le chariot avec la duchesse et Dioda [bouffon de la cour] et que nous avons chanté plus de 25 chansons très bien accordées à trois voix, Dioda faisant le ténor et moi parfois la contrebasse et parfois le soprano et la duchesse le soprano, en faisant tant d’idioties que je pense désormais être plus fou que Dioda. [...] Après déjeuner, nous avons commencé à jouer à la balle ce qui nous a bien fatigués. Après avoir longtemps joué, nous sommes allés voir le très beau palais et notamment une porte de marbre sculptée aussi belle que celle de la Chartreuse. [...] A côté du palais avait été préparée une belle battue de lamproies et d’écrevisses et nous en avons ramené avec nous. Après quoi, nous nous sommes rendus à une autre où nous avons pris plus de mille gros brochets [...] puis avons commencé à faire voler sur la rive quelques uns de mes
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faucons que vous avez vus à Pavie. [...] Nous avons participé à une chasse de cerfs et de chevreuils, avons pisté 22 et tué 2 cerfs et 2 chevreuils puis nous sommes revenus à Milan à une heure du matin et avons présenté tout notre gibier à mon très illustre Seigneur, le duc de Bari, lequel en a tiré bien plus d’agrément et de joie que s’il était allé lui-même à la chasse. Je crois que la duchesse en tirera plus de profit que moi car je pense que le très illustre Seigneur Ludovic lui donnera Cusago, lieu de grand plaisir et de grande utilité. J’ai malheureusement cassé mes bottes ce qui m’a beaucoup ennuyé. C’est là tout ce que l’on gagne à servir les dames. [...] Ma chère marquise, ne pouvant oublier les soirées passées en votre douce compagnie, je me suis rendu dans la chambre de ma Dame, pensant la trouver en train de se coiffer, en compagnie de Teodora et Beatrice en chemise de nuit, ainsi que Violante et Marie, elles aussi dévêtues, et ne la trouvant pas, je suis de bien triste humeur». Milan, 1491, 11 février, Galeazzo Visconti à la marquise de Mantoue Isabella d’Este.
Le château se dressait dans un vaste espace vert. Un vivier avait été creusé dans le jardin, probablement au nord, sous la logette extérieure, et la ferme appelée Palazzetta devait être destinée à l’exploitation agricole. Un enclos fermait la partie du parc la plus proche du palais tandis qu’une barrière plus haute délimitait toute la réserve. Les très rares maisons du hameau (qui n’eut pas de paroisse jusqu’en 1602) étaient ordonnées (hier comme aujourd’hui) autour de la place du château dans une sorte de modèle urbain idéal en miniature.
CUSAGO
des excursions à Cusago) brosse lui aussi un tableau du bâtiment. Après avoir attribué en termes élogieux la construction du palais au More, Bossi décrit l’ancien et beau porche en marbre (qui fut emporté par Massimiliano Stampa puis perdu). Selon Galeazzo Visconti l’arche de l’entrée du palais comptait «une porte de marbre sculptée, aussi belle que celle de la Chartreuse [de Pavie]» décorée d’une iconographie regorgeant de personnages mythologiques, historiques et bibliques : Titus et Vespasien, Cicéron et Virgile, David avec la tête de Goliath et Judith avec celle d’Holopherne, les Vertus théologales et cardinales, Hercule et le récit de ses travaux étaient tous représentés dans les marbres sans oublier Romulus, Remus et la Louve. Le résultat final devait être très chargé et il ressemblait peutêtre à celui du palais crémonais de Marchesino et Cristoforo Stanga (aujourd’hui au Musée du Louvre). Au-dessus de la porte, dans la tour, le mécanisme d’une horloge reliée à une cloche sonnait les heures dans la campagne alentour. À l’entrée, sous les portiques, figuraient probablement les effigies des ducs lombards («insubrium stat imago ducum») rappelant la continuité entre les Visconti et les Sforza et avec un effet évoquant peut-être la frise peinte dans la loggia du château d’Invorio. Toute la cour était décorée d’un dessin continu en losanges (encore visible) et, au-dessus des panaches des arcs, figuraient certainement des médaillons en terre cuite ou en marbre représentant peut-être des ducs ou des empereurs, dans la continuité des thématiques figuratives des portiques et du porche. À l’intérieur, la décoration se poursuivait avec les panneaux réalisés par Giovanni Pietro da Corte en 1486.
Un chapiteau des portiques internes au château, Cusago.
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CHÂTEAU D’ABBIATEGRASSO
COMMUNE : Abbiategrasso (Milan) TYPE : résidence ducale FAMILLE : Visconti, Sforza, Villavecchia, Cambiago, Saiz, Borgazzi, Nicorini ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument, siège de la Bibliothèque municipale Romeo Brambilla, du Bureau du tourisme, du Syndicat d’initiative, de la Fondation pour la promotion régionale
Façade sud du château d’Abbiategrasso.
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L’actuel château d’Abbiategrasso a été bâti à la bordure est du bourg, peut-être vers la fin du XIIIe siècle pour remplacer une fortification précédente (castro Margazario) située au sud du village, près du monastère bénédictin de San Mar-
tino. Azzone Visconti l’a probablement fait agrandir et restauré (1329-1339). D’autres travaux furent commandés en 1381 à l’initiative de Gian Galeazzo Visconti mais ce n’est qu’en 1438, sous le duc Filippo Maria, que fut lancée une vaste initiative de restauration et d’embellissement. Ayant rapidement perdu toute fonction défensive, la forteresse, proche de Milan, facilement accessible par voie d’eau et non loin d’une grande réserve de chasse, devint rapidement la résidence de campagne préférée de Filippo Maria Visconti. Galeazzo II Visconti (1354-1378) donna le château et les vastes terres appartenant aux Visconti situées autour du bourg en apanage à Blanche de Savoie, son épouse, inaugurant ainsi la tradition (adoptée également par les Sforza) consistant à offrir la seigneurie
ABBIATEGRASSO
d’Abbiategrasso aux épouses des seigneurs (puis ducs) de Milan. En remettant ainsi à leurs épouses les grands domaines de la région d’Abbiategrasso et le contrôle féodal de l’un des bourgs les plus riches et dynamiques du duché, les princes purent gérer de manière totalement privée la rente de ces terres fertiles. La vocation purement “féminine” du château est confirmée ici (en alternative à Cusago) par la résidence permanente d’Agnese del Maino, maîtresse du duc Filippo Maria et mère de la duchesse Bianca Maria. Lorsqu’en 1450 Francesco Sforza et Bianca Maria devinrent ducs de Milan, l’énergique Agnese continua d’habiter Abbiate et, avec la mère de son gendre Lucia Terzani, elle éleva les enfants du nouveau couple ducal dans une atmosphère domestique et informelle. La présence des enfants de la nouvelle dynastie des Sforza dans le château préféré de Filippo Maria Visconti, où Bianca Maria avait elle-même grandi, servit à la propagande politique de la dynastie des Sforza soucieuse de mettre en valeur ses racines de la lignée des Visconti. Les fréquents séjours de Galeazzo Maria Sforza et le soin qu’il accordait au château et au bourg s’inscrivent dans cette logique. C’est ici que le duc a voulu faire voir le jour à son premier enfant Gian Galeazzo Maria (20 juin 1469), imitant en cela le premier duc de Milan (Gian Galeazzo Visconti) qui y avait fait naître son propre fils ainé Giovanni Maria (7 septembre 1388) longtemps auparavant. En 1480, le château devint la demeure fixe de la duchesse Bonne de Savoie, veuve et chassée de Milan par son beau-frère (Ludovic le More) puis confinée à Abbiate ainsi que le prévoyait son contrat de mariage de 1468. Avec les tra-
vaux de réfection de Cusago, Gambolò et Vigevano la cour des Sforza commença à se détourner d’Abbiategrasso. Le château retrouva progressivement son rôle de forteresse et, entre 1524 et 1527, il fut le théâtre d’âpres affrontements entre Français et impérialistes qui entraînèrent la destruction d’une partie de l’édifice qui fut ensuite englobé dans les bastions d’époque espagnole. En 1658, trois des tours furent abattues, la quatrième fut tronquée et l’aile sud du bâtiment fut rasée. Au même moment, le château passa aux mains de particuliers qui en firent un usage civil. En 1862, il fut vendu à la municipalité qui, les années suivantes, fit abattre les communs et les bastions, rem-
Atelier lombard, Gian Galeazzo Sforza, détail du coffre des trois ducs, 1480-1494. Milan, Civiche Raccolte d’Arte Applicata.
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Vue de la façade est du château, Abbiategrasso.
blaya le fossé pour créer la place de la nouvelle gare et procéda à quelques restaurations. Le seul vestige du château est un bout de l’aile est avec sa tour et la structure de la cour. Sur le plan décoratif, les fenêtres jumelées en terre cuite visibles depuis les jardins de via Cavallotti sont d’une belle élégance. Des traces de décoration demeurent dans la cour et dans certaines pièces tandis qu’au dernier étage du bâtiment, dans les
anciennes geôles (situées sous le toit à une époque), on trouve les inscriptions laissées par les prisonniers. Quadrilatère flanqué de quatre tours angulaires, la silhouette du château devait dominer la campagne car les tours se dressaient nettement au-dessus des corps de bâtiment. Solidement planté autour d’une cour centrale, presque carré, agrémenté autrefois d’imposants portiques à cinq travées par côté dont les arcs en ogive reposaient sur des piliers massifs, le château était entièrement décoré (comme on le voit encore dans la cour) de couleurs vives : sur les façades, de fausses briques contenaient la maxime de Pétrarque A BON DROIT et, sous les portiques (comme à Pandino), des motifs géométriques en compas créaient une sorte de faux tissu peint courant sur les murs. Presque toutes les pièces (sauf les caves) présentaient, comme à Pandino et Vigevano, des plafonds à poutrage de bois et non pas des voûtes. La disposition des appartements internes n’est pas clairement identifiée. Il semble que les salles de réception se situaient dans l’aile est, celle donnant vers Milan avec un accès indépendant (signalé aujourd’hui encore par l’écusson à la vouivre) et direct depuis la campagne et le canal. Ce corps de bâtiment disposait d’un jardin suspendu avec un belvédère créé sur les contreforts des fortifications externes. Le grand salon du rez-dechaussée avec cheminée (toujours visible), probablement l’une des principales salles d’apparat, était décoré de losanges blancs et bordeaux à motifs – peut-être l’œuvre des peintres Giovanni da Monza et Giovanni Pessina – et il était embelli de fastueux décors temporaires pour les occasions spéciales. Les appartements des duchesses se trouvaient probablement dans
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l’angle nord-est du bâtiment, comme semble le prouver une inscription portant la date de naissance du duc Gian Galeazzo Sforza dans une chambre du premier étage, peut-être celle de Bonne de Savoie. Les quartiers du duc se trouvaient certainement dans l’aile sud (entièrement détruite), vers le “borghetto”, où Filippo Maria Visconti avait fait décorer certains cabinets par le peintre Balzaro Piatti. La chapelle ducale de Santa Maria in castro se trouvait (comme à Pavie) tout de suite à droite de l’entrée, dans un corps de bâtiment en encorbellement sur la façade touchant la tour sud-ouest, disparue. Des sources du quinzième siècle l’évoquent comme finement décorée. Le château ne s’intégrait qu’en partie dans le bourg. Ce dernier, anormalement développé, présentait une structure bipolaire axée d’un côté autour de l’église paroissiale de San Pietro (étonnamment extra muros) et de l’autre autour du monastère bénédictin féminin de San Martino. Le centre fortifié par le premier château se structura ainsi autour du monastère et de l’église de Santa Maria vecchia. S’étant progressivement étendu vers le nord et vers l’église de San Pietro, peut-être après 1250, le hameau a été englobé dans de nouveaux remparts très réguliers (de forme rectangulaire) avec le château intégré pour moitié dans les remparts est, dans l’axe de la voie de circulation Milan-Vigevano. Entre 1365 et 1372 on édifia dans la partie récente du bourg l’église Santa Maria nuova, une construction imposante voulue par les notables locaux mais financée par les seigneurs Visconti. La présence des ducs dans le bourg donna lieu à la création d’un troisième pôle de développement urbain avec la fon-
dation du couvent franciscain de Santa Maria Annunziata, au nordouest du centre. Sa construction fut décidé après 1469, suite à un exvoto du duc Galeazzo Maria quelques années auparavant, et le couvent fut consacré en 1472. L’établissement franciscain auprès de la cour renforçait les liens religieux tissés par la défunte Agnese del Maino et aurait dû trouver un parallèle dans les projets de Galliate. Sur la route pour Milan, la fortification du bourg était coordonnée avec le Castelletto, une petite forteresse des Torriani passée aux mains des Visconti. Elle contrôlait la ramification du canal depuis son emplacement stratégique.
Cour interne du château, Abbiategrasso. Peinture décorant la cour interne du château, Abbiategrasso.
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CHÂTEAU DE BEREGUARDO
COMMUNE : Bereguardo (Pavie) TYPE : résidence ducale FAMILLE : Visconti, Attendolo Bolognini, Maruzzi da Tolentino ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument, hôtel de ville et siège de la Bibliothèque municipale
Entrée du château de Bereguardo.
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Les premiers témoignages faisant état du château de Bereguardo remontent à l’automne 1351, époque à laquelle le bâtiment accueillit temporairement la cour de Galeazzo II Visconti. Il se peut qu’une fortification antérieure et le hameau aient été achetés par les Visconti à la
mense épiscopale de Pavie. Bien que figurant parmi les fortifications du duché, le château – comme l’atteste son architecture – semble avoir joué un rôle plus résidentiel que défensif. On mentionne des travaux de réfection et d’extension en 1392 et 1438. En 1448, Francesco Sforza donna le palais et le domaine de Bereguardo au châtelain de Pavie, Matteo Marcagatti Attendolo Bolognini (qui avait entretemps remis le château de Pavie à la favorite du duc Agnese del Maino, belle-mère de Sforza), mais en 1450 le condottière devenu duc confia le château et son fief à son propre gendre Giovanni Maruzzi da Tolentino. Cette donation du premier duc Sforza est emblématique de la situation qu’engendra l’avènement de la nouvelle dynastie. Francesco Sforza avait dû déployer patiemment tous ses talents diplomatiques de médiateur à la fois à l’égard des hommes de sa suite (comme Tolentino), qui devaient trouver leur place dans le système milanais, et des nobles aristocrates locaux qu’il fallait gratifier. Pour gagner les bonnes grâces des uns et introduire les autres dans la nouvelle principauté, Franceso et Bianca Maria finirent par donner et céder nombre de leurs biens caméraux, avec les châteaux correspondants. Les Tolentino demeurèrent les seigneurs de Bereguardo jusqu’au premier quart du XVIIIe siècle. Au même moment, le château fut morcelé entre les différentes branches de la maison et l’on édifia la somptueuse villa baroque de l’autre côté de la place. En 1897, l’ingénieur Giulio Pisa donna le complexe à la municipalité. Le manoir dresse sa silhouette massive sur un petit relief dominant la vallée du Ticino. Comme le château pavesan, son plan actuel en U est le fruit de la démolition de l’aile qui fermait la cour à l’ouest, démolition
ge), d’un salon dans l’aile donnant sur l’église et d’un autre dans l’aile côté place, d’une «chambre royale» somptueusement ornée et meublée de deux retables dorés (l’un peint à l’huile représentant la Vierge et l’autre sur toile avec saint Jérôme) et correspondant peut-être à celle décorée aujourd’hui encore d’une belle fenêtre jumelée, de la chapelle de San Nicola da Tolentino (dans l’aile détruite du jardin), d’une salle dans la tour, de deux chancelleries, de chambres de service, d’étables, de cuisines, de garde-manger et de caves. Parmi les meubles du château figuraient de nombreuses tapisseries représentant des personnages, des feuillages et des animaux. Au dixseptième siècle, certaines pièces étaient peintes de scènes de chasse – dont peut-être la «salle des faucons et des oiseaux de proie» – et un visiteur du dix-neuvième siècle se rappelle cette inscription en allemand : MIT ZEIT, la devise des Sforza accompagnait vraisemblablement les entreprises de la Sempreviva, emblème choisi par Francesco Sforza pour rappeler la valeur de la patience dans l’action diplomatique.
BEREGUARDO
qui s’est soldée également par la disparition des portiques, de la chapelle et d’une tour, peut-être déjà démolis au XVIIe s. Sous la rangée de créneaux gibelins (en partie murés), sur les courtines en briques cuites, on distingue encore la superposition de différentes ouvertures d’origine mais la plus belle fenêtre est celle qui domine l’aile nord : très élégante avec sa fine colonne de marbre, elle remonte à l’époque du duc Filippo Maria comme en atteste le sigle FM. La cour et l’intérieur ont presque entièrement perdu le raffinement du quinzième siècle. Deux inventaires datés de 1516 et 1517 mentionnent les pièces dont disposait le château. Ces listes de biens conservées à Bereguardo par les frères Ludovico et Giovanni Tolentino sont en partie complémentaires et donnent une idée des lieux et de leur somptueux mobilier. Les édifices, situés autour d’une grande cour et de quelques petites cours de service, disposaient de portiques aux colonnes de marbre et d’une «salle ouverte», de deux appartements pour les dames (l’un au rez-de-chaussée et l’autre à l’éta-
Cour interne du château, Bereguardo.
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CHÂTEAU VISCONTEO DE PAVIE
COMMUNE : Pavie TYPE : résidence ducale FAMILLE : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument, siège des Musées municipaux et lieu d’expositions
Vue aérienne du château Visconteo de Pavie.
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Le château de Pavie est le témoignage le plus révélateur des aspirations royales des Visconti. Bâti en cinq ans à partir de 1360 à cheval sur la troisième enceinte de la ville (XIIe s.), peut-être le long d’une vieille forteresse ordonnée par
Matteo Visconti, il conserve toujours, en partie du moins, son aspect monumental. Flanqué d’une citadelle militaire s’étendant jusqu’au monastère de San Pietro in Ciel d’Oro, l’édifice était destiné à devenir un palais peu après la conquête difficile et définitive de l’ancienne capitale lombarde (1359) par les Visconti et accueillit immédiatement la cour de Galeazzo II Visconti. Avec ses 150 mètres de côté, cet énorme quadrilatère muni de tours devait alors être l’une des constructions les plus imposantes d’Europe, témoignage immédiat du prestige des seigneurs Visconti qui s’apparen-
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taient alors aux rois de France et d’Angleterre. À titre de comparaison, le château parisien du Louvre, restauré la même année (1360) par Charles Quint, roi de France, dans la vieille forteresse de Philippe Auguste, occupait un quadrilatère représentant à peine un quart du château pavesan. La structure régulière et modulaire mise en œuvre à Pavie surprend encore par l’uniformité et la noblesse de sa conception : chaque aile était (et est toujours en partie) subdivisée en onze travées constituant chacune le module de base pour les pièces du complexe formée d’une, deux ou trois travées, cinq pour le salon des Chasses. Pour signaler la fin du gros œuvre, en 1365, Galeazzo II confia à Giovanni Dondi la réalisation d’une horloge astronomique pour l’une des tours. La même année, Pétrarque vanta à Boccace les «structurae mirabilis» du château et, l’année suivante, Galeazzo demanda au capitaine de Mantoue Guido Gonzaga des peintres pour décorer l’intérieur. Entretemps, des artistes bolonais avaient aussi été appelés. Une demande du même ordre fut adressée à Mantoue en 1380 également, lorsque Gian Galeazzo Visconti voulut faire décorer sa cour de personnages et d’animaux. C’est probablement à la même époque que l’on projeta de clore les spacieux portiques afin de créer de nouvelles pièces destinées à la vie de la cour. Filippo Maria Visconti ne demeurait qu’occasionnellement à Pavie, lui préférant Milan et les châteaux d’Abbiategrasso, Bereguardo et Cusago, mais l’on pense qu’il fit appel à Pisanello pour peindre, peut-être comme à Mantoue, les joutes et les loisirs des seigneurs Visconti. En 1448, le château fut cédé par le châtelain Matteo Mar-
cagatti da Bologna à Francesco Sforza grâce à la médiation d’Agnese del Maino, belle-mère du condottière et favorite du duc. Ce fut pourtant avec Galeazzo Maria Sforza que Pavie retrouva le rôle de premier plan qu’elle avait joué sous les premiers Visconti. Galeazzo fit de Pavie le siège principal de la cour – multipliant progressivement ses séjours au château pavesan où il s’attarda bientôt plus longtemps que dans sa résidence milanaise – ainsi qu’un pion fondamental de sa politique de continuité avec ses ancêtres Visconti. Au décès du duc, les grands projets pour Pavie tombèrent à l’eau et le château accueillit souvent le très jeune duc Gian Galeazzo Maria Sforza (14761494), tenu à l’écart du château de Milan où gouvernait son oncle Ludovic le More. En 1499, avec l’invasion des Français, le château pavesan perdit sa fonction de cour et se transforma lentement en forteresse et en caserne. En 1525, lors de la bataille de Pavie, l’aile nord, celle des appartements ducaux, fut détruite et l’on perdit ainsi à jamais l’une des plus belles réalisations décoratives et les plus fastueuses
Giovanni Andrea Vavassore (attribué), Le siège de Pavie par le très chrétien Roi de France, 1525. Pavie, Musei Civici.
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Manufacture flamande, La bataille de Pavie, XVIe s. Naples, Polo Museale Napoletano, Museo Nazionale di Capodimonte.
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salles du palais. Les pillages se poursuivirent pendant la mise à sac de 1527, avec la destruction des deux tours donnant sur le parc. Le château conserva sa vocation militaire jusqu’en 1921 puis fut restauré lors de la décennie suivante et accueille aujourd’hui les Musées municipaux du chef-lieu pavesan. La façade côté la ville conserve une partie de son aspect d’origine, avec ses hautes tours encadrant la courtine crénelée uniformément rythmée par d’élégantes fenêtres jumelées. Deux des trois entrées d’origine existent encore, vers la ville et à l’ouest (qui jouxtait autrefois la citadelle fortifiée). Cette dernière permet aujourd’hui d’accéder au château et dessert les salles du musée. La vaste cour (ouverte au nord à l’emplacement de l’aile noble disparue) est ceinte de portiques dont les arcs en ogive reposent sur des piliers octogonaux. À l’étage, une succession régulière de fenêtres bigéminées à rosaces scandent la façade de la cour de l’aile côté ville tandis que sur les côtés courts des fenêtres à une seule ouverture et d’autres jumelées marquent l’ordre des ouvertures, remplaçant les bigéminées plus
anciennes (fermées à la fin du XIVe siècle pour laisser place aux nouveaux appartements). L’intérieur conserve bien peu de sa fastueuse décoration d’antan. Seule la salle Bleue de la tour sudouest et la salle des Demoiselles et des Roses de l’aile est gardent des pans importants de peinture. Les demoiselles notamment, gracieusement peintes sur un fond de fausse tapisserie aux roses stylisées, sous des architectures d’esprit gothique, en sont le principal témoignage. Les portiques conservent eux aussi des restes de peinture (représentant peut-être une scène de la prise de Pavie par les Visconti) dans l’ancienne chapelle et d’autres salles. Autrefois, en accédant au château par l’entrée principale côté ville, on tombait sur la chapelle ducale tout de suite à droite. Un escalier, pratiquement au même endroit que celui d’aujourd’hui, desservait les loggias de l’étage. En tournant à gauche, on trouvait une bibliothèque très fournie tandis qu’à droite figuraient les pièces de la chancellerie suivies dans l’aile est d’une enfilade de pièces décorées. Les visiteurs étaient éblouis par la
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salle des Léopards peinte d’animaux exotiques qui devaient rappeler ceux du calepin de Giovannino de’ Grassi, conservé à Bergame, mais réalisé chez les Visconti. De nombreuses pièces étaient décorées de scènes de chasse et de sujets naturalistes – lions, léopards, tigres, faucons, lévriers, chiens de chasse, cerfs et sangliers – mais beaucoup aussi arboraient des entrelacs de vio-
lettes et d’autres espèces florales. Le milieu de l’aile nord était consacré au salon de Chasse (près de 40 m sur 12) autour duquel s’articulaient des scènes de chasse et de pêche, des images de tournois et autres loisirs de la cour ducale. On y trouvait également un célèbre portrait de Gian Galeazzo Visconti entouré d’une meute de chiens. Au milieu de la salle, côté parc, s’ouvrait une énorme terrasse couverte
Le programme décoratif de 1469 et la chapelle aux reliques Voûte étoilée avec les hauts faits de Galeazzo Maria Sforza. Pavie, château Visconteo, salle Bleue.
En 1469 le peintre de cour Bonifacio Bembo a été chargé de proposer une série de peintures conservées sur les murs du château de Pavie pour préparer un devis de restauration et un projet de complément des décorations déjà abondantes. Ce document (conservé à l’Archivio di Stato de Milan) est une source d’information précieuse pour reconstruire ponctuellement le château, ses séries de peintures et les projets pharaoniques de Galeazzo Maria Sforza ainsi que de sa volonté de s’inscrire dans la politique de l’image des Visconti. Le cinquième duc de Milan souhaitait faire redécorer certaines pièces des appartements ducaux avec des scènes de cour (réception d’ambassadeur, séances du conseil ducal, banquets et réceptions) et avec des scènes historiques de ses noces avec Bonne de Savoie. Il ne reste de ces pièces, où les sujets figuratifs alternaient avec une décoration continue de devises et de hauts faits, que la salle
bleue au rez-de-chaussée, dans la tour sud-est : ici, dans des encadrés géométriques, sous un ciel étoilé sur fond bleu, se succèdent différents exploits des Sforza. En 1474, toujours à l’initiative de Galeazzo Maria Sforza, fut lancé un projet de restauration de la chapelle ducale. Située dans les deux premières travées à droite en entrant côté ville, l’église de la cour aurait dû devenir un immense et précieux reliquaire semblable à la chapelle impériale du château de Karlsˇtejn (République Tchèque). Sous un ciel bleu, constellé d’étoiles dorées, et sous les lunettes peintes de scènes de la vie du Christ, un énorme retable en bois doré se dépliait comme une armoire le long des murs ; une cloison elle aussi dorée séparait la chapelle en deux. Dans le retable, des rayons et de petits tiroirs auraient dû veiller sur les nombreuses reliques et les compartiments aurait dû être fermés par les 200 tablettes de saints peints sur fond doré par une équipe de peintres de cour dirigée par Bonifacio Bembo, alors âgé, et par l’émergent Vincenzo Foppa. Ce projet n’a jamais été achevé et les reliques, données à la ville de Pavie, ont été en partie perdues lors des pillages de 1525-1527.
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Cour du château, Pavie. On remarquera les fenêtres bigéminées décorées de rosaces.
(près de 6 m de large et 7 m de haut) qui, selon le chroniqueur Stefano Breventano, «dépassait du fossé de six bras, sur laquelle le soir, pendant l’été, les seigneurs profitaient de l’air frais pour dîner joyeusement au son des trompettes, cornets, flutes et autres instruments». Ce salon desservait les appartements du duc à l’est et ceux
de la duchesse à l’ouest. Celui du duc notamment (du temps de Galeazzo Maria Sforza) était particulièrement complexe et articulé et comprenait : la salle du Conseil «décorée d’or bruni» avec les planètes peintes sur la voûte et le duc assis entre les conseillers représentés sur les murs, une seconde chapelle, une antichambre avec les portraits de ses plus proches camériers, la chambre à coucher et de réception aux murs peints en rouge avec l’emblème du soleil et de ses rayons (raza), une seconde antichambre avec les portraits de la famille ducale et des premiers aristocrates du duché ainsi qu’une salle à manger avec les portraits des nobles de Pavie en train de servir le duc. Une conception aussi rigoureuse de la fonction des pièces (bien moins marquée à Milan) se reflétant dans la décora-
Le lieu de conservation de la culture et de la mémoire familiales La salle du premier étage de la tour sud-ouest du château gardait sur les archives et l’impressionnante bibliothèque des Visconti. Les livres conservés à Pavie étaient près d’un millier (951 en 1489-1490), soit à peu près autant que ceux de la tour de la Librairie du Louvre. Des textes en grec, latin, hébreu ou français, des ouvrages de médecine et de droit, des bibles et des hagiographies, des originaux des ouvrages de Pétrarque, qui avait séjourné au château de Pavie, se mêlaient aux dernières publications de la littérature de cour et aux récits enluminés consacrés à l’histoire de la maison Visconti-Sforza. Quelques-uns des plus beaux volumes transportés au château de Blois en 1499 à l’initiative de Louis XII sont conservés à la Bibliothèque Nationale de France. La partie des archives des Visconti conservées à Pavie était la mémoire historique de la famille régnante. Il ne s’agissait pas des archives courantes, conservées dans
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les différentes magistratures à Milan ou à la chancellerie princière, mais des archives familiales et seigneuriales faisant état de la vie privée des membres de la maison ou des liens avec d’autres grandes familles européennes (souvent apparentées par mariage). Dans les caisses et sur les rayonnages, les livres de comptes de Bernabò jouxtaient les registres et les cartes des différents territoires dominés par les Visconti, les privilèges impériaux alternaient avec les documents dotaux (notamment ceux pour la succession du duché concernant Valentina Visconti) et les testaments. Après la chute des Sforza, ces archives ont vraisemblablement été disséminées ici et là ; on retrouve certains documents à Paris, d’autres dans les bibliothèques Ambrosiana et Trivulziana de Milan. La présence des archives et de la bibliothèque à Pavie accentuait le rôle du château comme le lieu de mémoire historique et culturelle du duc et de la dynastie des Visconti et des Sforza.
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tion semblait prévoir pour les réceptions pavesanes une étiquette et un protocole très stricts qui devancent ceux des monarchies européennes du XVIIe s. En parallèle, les appartements de la duchesse étaient décorés de scènes officielles de cour et d’images de jeux et de loisirs ; des représentations du mariage de Bonne de Savoie avec Galeazzo Maria Sforza soulignaient le cortège du roi de France escortant l’épouse. La salle du Trésor, au rez-dechaussée de la tour nord-ouest disparue, était quant à elle très originale. Appelée aussi salle des Glaces, elle est décrite par Breventano avec une voûte couverte «de vitraux carrés de la largeur de la paume d’une main, tous de couleurs différentes comme ceux que l’on voit dans les églises, et chacun de ces carreaux de verre représente un homme, un animal, une plante ou une fleur en or. Avec les rayons du soleil se levant à l’est, la pièce resplendissait d’une telle carté que quiconque y entrait se trouvait ébloui. Le sol de cette salle magnifique était pavé d’une mosaïque avec des poèmes et récits d’autrefois. Tout autour se trouvaient des fauteuils, décorés de marqueterie, dont les dossiers étaient aussi hauts qu’un homme levant la main». Le château n’avait pu trouver sa place qu’au nord du tissu urbain, créant ainsi un nouveau pôle d’urbanisation. Les Visconti avaient déjà réalisé une nouvelle artère (corso Strada Nuova) qui, rectifiant la voirie pavesane (autrefois très irrégulière), reliait directement le château au pont fortifié sur le Ticino. À l’époque des Sforza fut fondé l’hôpital de San Matteo (qui accueille aujourd’hui l’université) près de la nouvelle route. Entre le château et le vieux bourg, à côté de
la paroisse de Santa Maria in pertica (magnifique église du VIIe s. détruite en 1815), l’ancien cimetière lombard fut transformé en un élégant quartier pour la cour. Les fortifications ouest du château englobèrent dans la citadelle l’église ancienne de San Pietro in Ciel d’Oro, lieu de culture ancien, symbolique et prestigieux car recélant la sépulture de saint Augustin. Les communs de la cour s’étendirent à toute l’aire au nord de l’actuel viale Giacomo Matteotti ; là, entre le château et le monastère augustinien, les Sforza construisirent la salle de Bal, lieu de divertissement extra-muros, édifice perdu aux proportions d’une harmonie exemplaire et à l’acoustique parfaite. Au nord, l’immense parc s’étendit démesurément et tout au
Bernardino Lanzani (attribué), Vue de Pavie, 1522 environ. Pavie, San Teodoro.
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Le parc et le château de Mirabello
Angelots, cornes d’abondance et vases, 1520-1521. Pavie, château de Mirabello, 1er étage.
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Si tout le répertoire des animaux exotiques et des bêtes curieuses des bestiaires médiévaux s’étalait sur les murs des pièces du château, des animaux insolites et le gibier local s’ébattaient dans les jardins et les bois, au nord du quadrilatère et de ses tours. Sur une surface de 22 km2, le parc de Pavie était subdivisé en différents espaces séparés par de hautes murailles. Près de la fosse nord du château (avec vue directe depuis la grande terrasse du salon de Chasse) s’étendait le jardin ducal et le “petit parc” ; c’est là que devaient se trouver l’énorme vivier-canal (peut-être avec accès direct depuis le canal) et le pavillon des Bains ou Bain de la Duchesse : une piscine carrée (de près de 20 mètres de côté) bordée de quatre marches de marbre blanc et surmontée d’un pavillon de mélèze peint, lieu de délassement estival de la cour. Autour de la petite vallée du torrent Vernavola et le long de l’axe actuel de via Torretta-via Vigentina s’étendait le vieux parc ceint d’un mur de 15 km. Au milieu se dresse le château du Mirabello, maison du capitaine du parc (responsable de l’administration du domaine ducal), petit palais de repos pour les chasses ducales et, durant la dernière décennie du XVe s., château de Galeazzo Sanseverino, actuellement exploitation agricole et touristique encore en partie visible dans la localité homonyme (strada Bompiumazzo 250). Ce qui reste de l’édifice se détache dans la campagne avec ses briques rouges, ses grandes fenêtres gothiques et son balcon en pierre soutenu par des consoles en serizzo (caractéristique emblématique également du palais Sanseverino à Vigevano). Gian Galeazzo Visconti, le premier du duc de Milan (à partir de 1395), fit agrandir encore le parc en y incluant des terrains achetés au clergé et à des nobles pavesans. Avec l’ajout du nouveau parc, les murs d’enceinte s’allongèrent de 6 km jusqu’à toucher, à la porta d’Augusto, la fondation royale de la Chartreuse de Pavie, ordonnée à la même époque par le duc Gian Galeazzo. Sur ces lieux, appartenant au duc et à des particuliers, alternaient réserves de chasse et terrains agricoles formant un espace vert qui fut le théâtre de la tristement célèbre bataille de Pavie en 1525.
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bout fut édifiée la Chartreuse de Pavie en 1396, sanctuaire de la dynastie destiné à accueillir les sépultures ducales. En l’espace d’un siècle, grâce à la continuité entre les Visconti et les Sforza, la mise en œuvre d’un projet concret avait fait de la ville un chef-d’œuvre d’urbanisme selon un axe de pouvoir idéal qui reliait le pont fortifié, la nouvelle route, l’hôpital, le quartier de la cour, le palais, la forteresse, le parc et les sépultures ducales. Outre les dégâts de la bataille de Pavie, les projets napoléoniens, les réfections après l’Unité italienne de la piazza Castello et de l’artère de viale XI Febbraio, la création de l’axe ferroviaire au nord du château et, en dernier lieu, l’urbanisation récente du parc ont brouillé l’image du for-
tin et de son rapport avec l’agglomération en isolant le palais des Visconti de la ville, de la forteresse voisine et du parc.
Cristoforo Solari, Monument funèbre de Ludovico Sforza et Beatrice d’Este, 1497, détail. Chartreuse de Pavie, église de la Chartreuse.
La maîtrise du temps : le planétarium de Dondi «Item horologium unum magnum cum theoricis septem planetarium cum spera una cum ymaginibus et cum cosmographia et capsa sua lignea picta esistens in medio camere ipsius librarie cum libro uno pro eius reformacione cum clavis octo habentes arma ducalia» : c’est en ces termes que fut décrite en 1489 l’encombrante machine à marquer le temps et les mouvements des planètes commandée en 1365 par Galeazzo II Visconti à Giovanni Dondi (1318-1388), médecin, astronome et artiste. Installée symboliquement au milieu de la bibliothèque fournie (au premier étage de la tour sud-ouest), l’imposant planétarium avait demandé non moins de 16 années de conception et de fabrication à son créateur. Cette horloge complexe avait sept facettes, dont chacune décrivait le mouvement d’une des planètes connues alors. Elle fonctionna jusqu’a 1440 puis s’enraya, fut réparée mais était de nouveau en panne en 1529 lorsque Charles
Quint vient l’admirer. L’ouvrage intitulé Tractatus astrarii, rédigé par Dondi lui-même, permet de reconstituer l’aspect de la machine. L’horloge et le texte qui l’accompagnait suscitèrent également l’intérêt de Donato Bramante qui demanda en 1495 au châtelain pavesan de «réaliser quelques croquis de certaines planètes de l’horloge de la bibliothèque», peut-être pour les reproduire dans la chambre du «cello tondo» au château de Vigevano. Une reconstruction réalisée en 1963 par l’horloger milanais Luigi Pippa et conservée au Museo Nazionale della Scienza e della Tecnologia Leonardo da Vinci de Milan donne une idée de l’aspect que revêtait cette ingénieuse mécanique.
Luigi Pippa, Planétarium de Giovanni Dondi, 1963. Milan, Museo Nazionale della Scienza e della Tecnologia Leonardo da Vinci.
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CHÂTEAU DE BINASCO
COMMUNE : Binasco (Milan) TYPE : forteresse, résidence ducale FAMILLE : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : monument, hôtel de Ville
Siège actuel de l’hôtel de Ville, le château de Binasco se dresse au milieu de la petite ville, près de l’église de Santo Stefano. Le canal pavesan coule tout près et plus proche encore, au sud de la forteresse, s’écoule le Ticinello, ancienne frontière entre les campagnes de Milan et Pavie. Célèbre pour avoir été la prison de Béatrice de Tende – épouse du duc Filippo Maria Visconti, qui la fit décapiter pour adultère en 1418 – la forteresse du quatorzième siècle était au cœur des soins jaloux que les Visconti portaient à “leur” terre de Binasco. Le village, stratégiquement situé Vue du château de Binasco.
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sur l’axe Milan-Pavie, devint en effet dès la deuxième décennie du XIVe s. la propriété privée des seigneurs de Milan. Il fait partie du patrimoine considérable qu’ils n’eurent de cesse de constituer pendant ces années dans la campagne environnante, désireux de consolider ainsi un domaine encore instable. Selon des témoignages plus tardifs, les travaux qui suivirent immédiatement l’achat du château entraînèrent probablement un déplacement du village du sud du Ticinello (où se trouvait l’ancienne paroisse de San Giovanni) au nord du cours d’eau. C’est à cette époque, peut-être autour de 1315-1319, que Luchino Visconti «fonda, édifia et dota» l’église de Santo Stefano, destinée à devenir l’église paroissiale de Binasco. C’est dans ce contexte que l’on décida de construire le château dont il fait état pour la première fois en 1329, année mise à profit par Azzone Visconti et par son oncle Giovanni pour y enfermer des ennemis.
BINASCO Le Ticinello de Binasco, 1566. Au milieu, le château de Binasco.
Fort de privilèges fiscaux et juridiques spéciaux, Binasco s’agrandit et prospéra dans les décennies suivantes. Ces terres étaient le lieu du marché et le centre administratif d’un vaste domaine des Visconti, aussi étendu que le territoire communal actuel. L’habitat était entouré d’un terre-plein et une barrière de protection assurait la sécurité des biens, des animaux et, à l’occasion, des gens. Le château était quant à lui l’apanage exclusif des seigneurs au point que, lorsque le duc Gian Galeazzo Visconti fit don en 1396 à la Chartreuse de Pavie de toutes les maisons et terres de Binasco, seule cette forteresse fut exclue de la donation. Des travaux destinés à accentuer son caractère résidentiel sont attestés dès la première moitié du XVe s. et l’on sait que lors de la seconde moitié du siècle, le complexe fut fréquenté par les ducs Sforza lors de leurs séjours à la campagne. Il est très probable
qu’il présentait à cette époque à peu près le même aspect que celui figurant sur les dessins et dans les descriptions du XVIe s. Pourvu d’un large fossé, de ponts levis et de quatre tours angulaires, le château était surplombé par une grande tour centrale. Un vaste salon s’étendait dans l’aile résidentielle tandis que sous le rez-de-chaussée se trouvaient les caves et les geôles, connues pour être tellement malsaines que quiconque y “séjournait” ne survivait que quelques semaines. Après les transformations et restaurations réalisées au XVIIe s. le complexe était très endommagé à la fin du XIXe s., dévasté par le pillage napoléonien et par un grave incendie (1869). Son aspect actuel, fruit de campagnes successives de restauration, reflète la silhouette imposante de l’ancienne forteresse. Deux des anciennes tours angulaires sont encore visibles sur la façade sud alors qu’il ne subsiste aucun vestige du donjon central. 63
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 3
A la chasse avec le duc Dans la brume des résidences ducales GAMBOLÒ VIGEVANO CASSOLNOVO
Scène de chasse, in Trattato di falconeria e caccia per Francesco Sforza, 1459. Chantilly, Bibliothèque du Musée Condé.
«Tout de noir vêtu, monté sur un cheval noir avec une meute de chiens à ses pieds, chevauchant à bride abattue». C’est ainsi qu’un gentilhomme en route vers Milan vit passer le duc Galeazzo Maria Sforza, dans les brumes des réserves de chasse ducales, le long du Ticino, dans la vallée de la Lomellina. Arrivé en ville, le noble fut abasourdi d’apprendre que le duc avait été assassiné le jour même dans l’église de Santo Stefano ; c’est donc son spectre en tenue de chasseur qu’il venait de croiser : c’était le 26 décembre 1476. Cette anecdote, relevant à la fois du roman gothique et de l’histoire de fantôme, est relatée dans un petit poème moraliste de l’époque des faits et digne de foi au moins sur ce point : la passion du duc Galeazzo Maria pour l’art de la chasse, passion partagée par presque tous les ducs de la dynastie des Visconti et des Sforza mais aussi par la plupart des souverains et des aristocrates de l’Europe de cette époque. A la fin du Moyen Âge, bien plus qu’un simple passe-temps pour la cour, cette pratique jouait un rôle politique croissant chez les souverains. La délimitation et l’administration des grandes réserves de chasse permettaient un contrôle toujours plus étroit du territoire tandis que l’événement ludique regroupait et fédérait autour du souverain une aristocratie inquiète, souvent en proie à des tentations centrifuges. Ces grandes battues étaient l’occasion de présenter aux sujets le seigneur et les hommes de sa cour hors des salles feutrées des palais et manoirs, en qualité de protecteurs accessibles et soucieux de défendre les paysans contre les loups et les ours. L’entretien des chiens et chevaux ainsi que la garde d’animaux sauvages généraient des retombées importantes et permettaient de créer de nouvelles fonctions de cour et des charges honorifiques à octroyer libéralement aux nobles en quête de gratification. En dernier lieu, l’exercice équestre était un excellent entraînement pour le souverain, l’aristocratie, les courtisans et les milices en vue des batailles à venir. Rien d’étonnant donc à ce que d’immenses étendues soient dévolues à la chasse au sein du duché : les parcs de Milan, Pavie et Cusago, les réserves dans les bruyères au-dessus de Milan et celles entre le Lambro et le Pô, les domaines tout le long de la vallée du Ticino et ceux de la Brianza entre le Lambro et l’Adda. Si les ducs Visconti préféraient chasser sur leurs terres de Cusago, Bereguardo et Pavie, c’est vers la vallée de la Lomellina et les terres limitrophes – le far west humide et brumeux du duché – que se tournaient les Sforza, notamment Galeazzo Maria (1466-1476) et Ludovic le More (1480-1499). Dans une vaste région au pied de la vallée du Ticino, peu habitée (à l’exception des gros bourgs de Vigevano, Garlasco, Mortara, Trecate et Galliate), marécageuse et encore peu cultivée, les ducs de Milan, lors de la seconde moitié du XVe s. édifièrent de nombreux châteaux, résidences et exploitations agricoles afin de contenir 65
A LA CHASSE AVEC LE DUC
Des châteaux ducaux mais pas seulement Vue du château de Zerbolò.
Parallèlement aux châteaux de chasse des ducs, il existe d’autres constructions – plus ou moins bien conservées – dans la région que traverse cet itinéraire. On trouve ainsi plusieurs petites forteresses près du fleuve Ticino, entre Pavie et Vigevano. Celle de Cascina Caselle (commune de Zerbolò), appartenant à la famille noble des Eustachi, a commencé à se transformer en villa à la fin du XVe s. et contient des fresques intéressantes, peut-être œuvre de Bergognone à ses débuts. Citons encore
les châteaux de Zerbolò (propriété des Visconti di Cassano Magnago), Parasacco et celui de Beccaria di Borgo San Siro, passé en 1475 aux mains de l’hôpital San Matteo. Et comment ne pas citer également la plus imposante fortification de Gropello Cairoli avec sa remarquable façade et sa tour d’angle parvenue jusqu’à nous. Autrefois aux Beccaria, elle passa aux mains des Visconti de Cassano Maganano par mariage et ingérence ducale. Non loin de là, le château de Garlasco, en ruine après la mise à sac de 1524, mérite une mention. Autrefois d’une importance capitale pour le contrôle de Pavie et de la route vers le Monferrato, il fut arraché aux Beccaria et remis en 1436 par le duc Filippo Maria Visconti à son fidèle conseiller Guarnerio Castiglioni di Casciago.
toute velléité de la part des familles aristocratiques enracinées depuis longtemps sur ces terres, comme les Beccaria et les Barbavara. Il semble que Galeazzo Maria aspirait à transformer toute la région de Vigevano à Galliate en une immense réserve de chasse tandis que Ludovic le More semblait poursuivre une sorte de rêve agricole. On lui doit l’ouverture du canal roggia Mora, l’achèvement de celui de Vigevano ainsi que les grands ouvrages de maîtrise des eaux, imités par les courtisans ayant des possessions sur place. Cette ingérence territoriale engendra d’importants conflits entre le souverain et ses sujets mais se révéla fondamentale pour promouvoir la vocation rizicole de la région. Après l’effondrement désastreux du gouvernement du More, toute la région sujette à la réforme de l’agriculture et de la chasse entreprise par les Sforza passa en bloc aux mains de son grand ennemi Gian Giacomo Trivulzio, qui obtint Vigevano (érigé en marquisat) et les châteaux de Gambolò, Villanova et Galliate. Autant de territoires et de châteaux qui finirent presque tous par tomber dans l’escarcelle des souverains de Milan, y compris à l’époque espagnole, après 1535, confirmant ainsi les liens de la région avec le pouvoir central. La salle de Chasse et des Loisirs est le point de départ idéal pour cet itinéraire qui serpente entre les résidences ducales autour de Pavie et Novare. Ici, Gian Galeazzo Visconti (1378-1402, duc à partir de 1395), premier duc de Milan, avait commandé un portrait équestre de lui en train de chasser au milieu d’une meute de chiens. Des décennies plus tard, ce même portrait a inspiré Galeazzo Maria Sforza qui en a fait faire une «contrefaçon» dans d’autres résidences ducales, soit par passion de la chasse, soit par désir de 66
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 3
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A LA CHASSE AVEC LE DUC
légitimation en rappelant son illustre prédécesseur. Le château de Gambolò (davantage lié à Ludovic le More qu’à son frère) est le meilleur endroit pour commencer le parcours. Outre la visite du château, le petit bourg et ses remparts méritent une promenade entre les façades de maisons généralement bien entretenues (beaucoup de fenêtres d’esprit gothique) et les vestiges des portes de la ville. Chose étonnante, les deux églises paroissiales du village, Sant’Eusebio et San Gaudenzio, dépendaient de deux diocèses différents, celui de Pavie et de Novare (puis de Vigevano). C’est pourtant la troisième église de la ville, celle de San Paolo dans la via Magenta, qui mérite une étape pour admirer la belle Lamentation sur le Christ mort, œuvre de Giovanni Angelo Del Maino datée des années 1530. Ici, le graveur sur bois, délaissant l’or emblématique du goût des Sforza au profit d’une gamme chromatique pauvre, a fait preuve d’un profond réalisme qui donne une vraisemblance et un pathos hors du commun aux sept statues grandeur nature. En poursuivant direction Vigevano sur la route provinciale 206, le bourg s’annonce par un imposant complexe en ruine des Sforza : l’exploitation agricole modèle commanditée par le More et flanquée de quatre tourscolombiers. Une fois en ville pour une visite “Renaissance”, signalons – outre les châteaux, la cathédrale et les églises de San Francesco et San Pietro Martire – deux monuments méconnus au sud de l’agglomération. À quelques mètres de la route couverte, via Cairoli 11, se cachent les vestiges 68
L’assassinat de Galeazzo Maria Sforza, in Lamento del duca Galeazo [sic] Maria, duca di Milano, Florence 1568. Milan, Archivio Storico Civico et Biblioteca Trivulziana
PARCOURS A TRAVERS LE CHATEAU 3
Vue aérienne de la Sforzesca, Vigevano.
du palais des Colli, juristes originaires de Vigevano liés à la cour des Sforza. La ravissante petite cour est décorée de gravures représentant des événements survenus à la cour et des réceptions d’ambassadeurs, peut-être en hommage à l’activité des Colli en leur qualité d’envoyés des Sforza dans d’autres Etats ou de la visite (en 1472) d’un orateur florentin hôte des Colli. A environ 800 mètres de là, au croisement entre via Madonna degli Angeli, via Pisani et via Belli, se dresse la petite église de Santa Maria degli Angeli. Dédiée à la Vierge selon l’ex-voto du duc Galeazzo Maria, qui eut la vie sauve après une chute de cheval en 1470 à cet endroit, c’est l’une des plus belles chapelles ducales de la campagne, œuvre de l’architecte florentin Benedetto Ferrini. De la structure d’origine avec une petite coupole bleu et or, des saints “ducaux” représentés sur les murs et des portraits du couple ducal et de sa famille, seule subsiste la fresque de l’Adoration de l’Enfant avec la Vierge et saint Joseph. Très abîmée, elle est attribuée par déduction au peintre Zanetto Bugatto, artiste que les sources de l’époque indiquent comme attentif à l’œuvre d’Andrea Mantegna et aux expérimentations des peintres flamands. Après Vigevano, le chemin se poursuit vers Cassolnovo. On quitte la route provinciale (206), franchit le canal roggia Mora et à travers les rizières (inondées au printemps) – peuplées de grenouilles, hérons blancs et hérons cendrés - on arrive à la résidence ducale perdue de Villanova. Le parcours se poursuit et se termine de manière idéale au château de Galliate.
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CHÂTEAU DE GAMBOLÒ
COMMUNE : Gambolò (Pavie) TYPE : château seigneurial, résidence ducale FAMILLES: Beccaria, Sforza, Trivulzio, Litta, Litta Visconti Arese, Robecchi ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument, accueille des administrations publiques, la Bibliothèque municipale Gemma Biroli et le Musée archéologique Lomellino
Porche d’entrée du château de Gambolò.
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Édifié peut-être à l’emplacement d’une colonie militaire romaine, l’ancien bourg fortifié de Gambolò présente une forme trapézoïdale (450 x 350 m environ), avec quatre portes et quatre rues rectilignes convergeant vers la place principale (piazza Cavour). Un château est attesté dès le XIe s. dans le village, qui était contrôlé depuis le début au moins du quatorzième siècle par les Beccaria, puissante famille noble au cœur de la vie politique de Pavie, titulaire à Gambolò de prérogatives seigneuriales considérées jusqu’à la fin du siècle par les membres de la famille comme d’ordre privé et non pas issues d’une concession ducale.
Il fallut en effet attendre 1412 pour qu’Antonio Beccaria et ses frères soient officiellement inféodés au bourg de Filippo Maria Visconti (1412-1447), recevant en même temps le titre de «comtes de Gambolò». En 1466, cette investiture fut renouvelée à Agostino Beccaria, fils d’Antonio, qui conserva le château et y séjourna souvent mais mourut en 1475 sans héritiers directs. Dans son testament, Agostino légua tous ses biens à l’hôpital San Matteo de Pavie mais, dès 1481, Ludovic le More, récemment arrivé au pouvoir, réussit à faire reconnaître le domaine privé de Gambolò comme le sien en occupant le palais Beccaria dans le château, où il prit l’habitude de résider régulièrement dans les années 1480 et entreprit vraisemblablement de le restaurer et de l’embellir. Au même moment, Ludovic offrit à sa toute jeune maîtresse Cecilia Gallerani des biens à Parasacco et tenta de s’approprier une grande partie des possessions du défunt Agostino Beccaria en se les faisant louer ad vitam aeternam par l’hôpital de San Matteo, s’attirant ainsi les foudres des propriétaires locaux (dont l’influent conseiller ducal Scipione Barbavara), des habitants de Garlasco, Gambolò, Borgo San Siro ainsi que des responsables de l’hôpital. Après la chute du More, le château et son fief passèrent aux mains de Gian Giacomo Trivulzio ainsi que Vigevano, Villanova et Galliate, tandis qu’en 1513 ces mêmes terres et châteaux furent donnés à Matthieu Schiner, évêque de Sion. Agostino Litta réussit finalement à obtenir le fief en 1573 moyennant une somme d’argent colossale. Bien que le titre de propriété du château ait été contesté par la communauté locale jusqu’en 1680, les nouveaux souverains entreprirent
GAMBOLÒ
immédiatement de transformer le manoir en villa. A l’angle sud-ouest de l’ancien bourg, le château de Gambolò présente un plan presque quadrilatéral. Les anciens remparts en briques, surmontés de faux créneaux gibelins, dessinent un vaste périmètre de 100 à 130 m environ de côté, encore en partie protégés par un fossé à sec. Les quatre tours cylindriques ont été conservées aux angles et, le long des remparts, on distingue les vestiges d’au moins trois autres tours. On accède au château depuis le corso Vittorio Emanuele à travers un portique baroque très théâtral, taillé dans l’ancienne entrée de la tour principale. A l’angle nord-ouest du circuit fortifié, le palais Litta, dans l’axe de la grande porte d’entré, se compose d’un corps de bâtiment donnant sur une cour interne rectangulaire, partiellement agrémentée d’arcades, et de deux ailes obliques, formant une sorte d’avant-cour. On remarquera la longue aile ouest avec son rez-dechaussée en arcades sur des colonnes géminées et l’étage supérieur occupé par une galerie fermée appelée “manche longue” ou “loggia des dames”, qui relie le côté sud du bâtiment principal à la tour ronde du Belvédère. Une partie de cette structure accueille le Musée archéologique Lomellino et créait autrefois une magnifique toile de fond au beau jardin baroque aménagé au sud de l’enceinte et transformé aujourd’hui en parking. Au XVe s., l’ensemble du château de Gambolò devait avoir l’aspect d’un imposant manoir flanqué de tours, protégé à l’entrée par une tour que les documents d’époque décrivent comme «magna» (haute). À droite, dans l’enceinte des immenses remparts, se dres-
saient probablement la chapelle, la maison du podestat avec les prisons, le four et le puits, tandis qu’à gauche se trouvaient la maison du préteur et le pressoir. Des vestiges du donjon, appelé également «maison du souverain», à savoir le petit palais d’Agostino Beccaria dont Ludovic le More avait fait le siège de sa cour privée, subsistent sur la façade nord du château Litta. La seule trace de décoration est la fenêtre en terre cuite avec son arc en ogive conservée dans cette portion de l’ensemble. Le bâtiment était construit autour d’une «salla magna» (grande salle), équipé d’une vaste cuisine, de différentes pièce et d’une petite tour dite pigeonnier (peut-être celle encore visible à l’angle nord-ouest).
Tronçon des remparts avec l’une des tours d’angle, Gambolò.
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Vue aérienne de Vigevano. Au centre, le château avec la piazza Ducale et, sur la droite, la route couverte.
Vigevano
VIGEVANO
Parcours a travers le chateau 3
Si l’on fait abstraction de ses origines romaines mythologiques, Vigevano fut fondée à l’époque des Lombards. La présence d’un château dans le bourg est attestée au Xe siècle. A la fin du XIIIe s. la ville s’allia définitivement à Milan et commença dès lors à en suivre l’évolution institutionnelle. Sous la domination des Visconti et des Sforza, Vigevano prit une importance croissante et le dernier duc des Sforza, Ludovic le More, en fit une cité dynastique. Sous les Français, elle devint un marquisat et fut cédée au maréchal Gian Giacomo Trivulzio, qui la dirigea pendant une vingtaine d’années (1499-1518). Le retour de Francesco II Sforza (15211535) marqua le début d’une parenthèse ducale éphémère pendant laquelle Vigevano fut élevée au rang de cité et dotée d’un évêché. Passée aux mains des Espagnols en 1535, la petite ville devint autrichienne après la guerre de succession espagnole (1714) avant d’entrer dans le giron de la maison de Savoie après la paix d’Aix-la-Chapelle (1748). Plus qu’un simple château, Vigevano est un véritable réseau stratifié de forteresses et de fortifications dont seule a survécu la structure centrale. Entre les XIVe et XVe s. non moins de trois fortins furent bâtis à Vigevano : celui toujours connu comme château Sforzesco, la Rocca Vecchia ou de Belriguardo et la Rocca Nuova ou palais des Sanseverino.
Frise avec emblème, détail. Vigevano, château Visconteo-Sforzesco, donjon.
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CHÂTEAU VISCONTEO-SFORZESCO DE VIGEVANO
COMMUNE : Vigevano (Pavie) TYPE : résidence ducale FAMILLES : Visconti, Sforza, Trivulzio ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, siège du Musée international de la chaussure, de la Pinacothèque et lieu d’expositions
La cour du château de Vigevano. De gauche à droite, les écuries ducales, la tour, les anciennes cuisines, le donjon et la loggia de la fauconnerie.
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Le château-refuge d’origine, bâti sur un relief naturel entre le torrent Terdoppio et le Ticino, était vraisemblablement protégé par un terre-plein fortifié qui entourait l’espace polygonal de la grande place actuelle. Entre 1339 et 1341, Luchino Visconti (1339-1349), élu podestat, remania l’ensemble des structures fortifiées du bourg de Vigevano et donna également le coup d’envoi de la transformation de l’ancien château en résidence seigneuriale qui s’acheva sous la domination des Sforza. C’est en
effet à partir de Galeazzo Maria Sforza que Vigevano redevint une résidence pour la cour. C’est là que le duc y transporta toute sa suite en 1470 pour recevoir le serment d’allégeance de la part de ses sujets ; entretemps, ses séjours se multiplièrent et une partie du château fut agrandie. À la mort de Galeazzo Maria, il semble que le château n’ait été réutilisé par la régente Bonne de Savoie que comme garnison militaire. Après 1485, parallèlement à une grave épidémie de peste et au durcissement de la tension politique à Milan, Ludovic le More et sa cour y multiplièrent leur séjour au point qu’en 1489 le More consacra Vigevano comme la résidence où luimême et son neveu Gian Galeazzo demeuraient «la plus grande partie de l’année». Dès lors, une vague de travaux et de projets sans égal déferla sur le territoire de Vigevano : achèvement d’un naviglio (canal) des Sforza, creusement du canal roggia Mora, construction de
VIGEVANO
la Sforzesca comme exploitation agricole modèle, fortification du village, embellissement de l’habitat avec construction des palais des fidèles courtisans, planification de la grand-place, reconstruction du palais municipal, réfection du château, édification des immenses écuries, tentative d’élever la paroisse locale au rang de siège épiscopal. Entre 1490 et 1497, Vigevano n’était plus une simple localité prisée pour la chasse et les loisirs mais elle devint peu à peu une quasi-cité ducale, atteignant l’apogée de sa splendeur. Le château accueillit des hôtes illustres, les marquis de Mantoue et les ducs de Ferrare y séjournèrent et le roi de France Charles VIII y fut hébergé solennellement. Ces années-là, le château et son bourg accueillirent en grande pompe les noces fastueuses de Sanseverino Adorno mais aussi des battues de chasse, véritables parades de luxe, et des représentations théâtrales du fameux carna-
val de 1493 (lorsque sur la nouvelle place le duc et ses courtisans masqués se mêlaient aux habitants et mettaient en scène une parodie de joute chevaleresque). Beatrice d’Este, la toute jeune épouse du More, fut sans conteste la maîtresse des lieux et ici, plus encore qu’à Milan, joua son rôle de duchesse de l’ombre, se préparant à endosser la fonction officielle qu’elle occupa à partir de 1495, lorsque son mari fut nommé duc par investiture impériale, détrônant ainsi les jeunes héritiers de son défunt neveu. Peu après la chute du More, dans les années 1530, à l’occasion de la venue de Charles Quint et du mariage entre Francesco II Sforza et Christine de Danemark, il fallut restructurer le donjon et décorer également certaines salles de fresques. Le château se trouvait toutefois en très mauvais état et fut abandonné pendant les deux siècles suivants. Utilisé à demeure comme caserne à partir du XVIIIe
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Le pont surmonté de la loggia reliant le bâtiment à la fauconnerie du château, Vigevano.
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s. et objet de multiples interventions de restauration et de consolidation, il prête aujourd’hui son cadre à des expositions et des musées (Musée international de la chaussure Pietro Bertolini, Pinacothèque municipale) bien qu’une partie de cet immense complexe reste inutilisée car en état de semiabandon. On accède actuellement au château depuis la piazza Ducale. Cette place, bâtie dans les années 1490 à l’initiative du More, avait été conçue comme un véritable forum antique
et elle est le fruit d’un projet unitaire rationnel destiné à compléter le château avec le bourg. Elle présentait à l’origine un aspect différent, moins uniforme : les pâtés de maisons avec leurs arcades étaient entrecoupés d’accès routiers et de la rampe qui conduisait au château. Les documents attestent de revirements en cours de travaux, dictés notamment par les affrontements entre les différentes personnalités œuvrant sur le chantier et entre la cour et la communauté locale, contredisant ainsi le mythe d’un projet d’ensemble signé Bramante. Les informations recueillies lors de récents travaux de restauration permettent de réévaluer l’importance des interventions de l’évêque Juan Caramuel, plus radicales et uniformisatrices que ce que l’on avait imaginé par le passé. La façade peinte que les édifices présentent aujourd’hui est également le fruit de la réfection du début du vingtième siècle, peu fidèle à l’original, du peintre Casimiro Ottone qui a opté pour une décoration passepartout et de qualité bien inférieure à celle du quinzième. À la fin du XVIe s., à l’initiative de l’évêque J. Caramuel, les arcades de la place ont été achevées et uniformisées, masquant à jamais le château et décalant le point de fuite du manoir vers la cathédrale. L’évêque a également supprimé la défense avancée et la haute rampe d’accès qui conduisait à la belle tour, dite à tort du Bramante (bramantesca). Cette dernière, probablement édifiée à plusieurs reprises et achevée en 1491 sur le modèle de la tour du Filarete du château de Milan, marque toujours l’accès à la grande place interne, bordée par le château et les communs du quinzième. A droite de l’entrée principale, toute la partie ouest du complexe est dévolue aux imposantes écuries
VIGEVANO
ducales. Les premières, majestueuses, sont les grandes écuries du More. Édifiées autour de 1490 et restaurées récemment, elles sont partagées en trois par une double file de colonnes en serizzo et rappellent par leur solennité l’intérieur des bibliothèques monastiques de l’époque. Viennent ensuite les écuries sur les côtés de l’entrée ouest, datées de l’époque de Galeazzo Maria, dominées par les pièces destinées à accueillir les courtisans et les domestiques. L’angle sud-est de la place accueillait la blanchisserie, au-dessus de laquelle se trouve la belle loggia de la fauconnerie, tandis que les édifices à gauche de l’entrée de la place, à l’angle nord-est, abritaient les cuisines et le four. Au XVe s., tous les bâtiments donnant sur la grande cour étaient couverts de peintures polychromes. Sur les façades, un trompe-l’œil imitait des bossages de marbres colorés rythmés par de fines colonnes corin-
thiennes, des entablements avec des monstres, des cornes d’abondances, des armoiries et des médaillons. Des dauphins dorés ornaient les fenêtres cintrées en terre cuite des étages supérieurs. Quelques vestiges de ces décorations sont encore visibles sur les façades. À l’est de l’esplanade se dresse le donjon proprement dit, avec sa puissante structure de briques et ses quatre tours d’angle légèrement en saillie. Ouvert sur une cour en U dépourvues d’arcades, il était autrefois entouré de profondes douves et séparé ultérieurement de l’esplanade par des remparts munis d’une tour d’accès et d’une défense avancée. La façade du donjon est aujourd’hui partiellement uniformisée dans un esprit néogothique que l’on doit aux travaux réalisés au dix-neuvième par l’architecte Ludovico Inverardi. Ses interventions ont en partie homologué la stratification des ouvertures d’ins-
Les cabinets aux trésors de Beatrice d’Este Dans les années 1490, le château abritait les magnifiques cabinets aux trésors de Beatrice d’Este, évoqués comme regorgeant d’objets précieux et curieux. Elle y exposait, devançant ainsi les cabinets de curiosité du seizième siècle, des vases en verre et cristal provenant de Venise, des porcelaines et céramiques décorées, des colliers pour chiens et objets pour la chasse en or, émail et pierres dures, mille et un flacons de parfums et essences rares ainsi que d’innombrables curiosités mais également des objets somptuaires produits à Vigevano. Pour imaginer à quoi ressemblaient les cabinets de Vigevano, il faut se représenter les objets éparpillés dans les musées du monde entier des cabinets d’albâtre d’Alfonso d’Este ou des bureaux de la
marquise Isabelle à Mantoue, respectivement frère et sœur de Beatrice. Les cabinets de la duchesse de Bari ne devaient toutefois pas partager la symbologie mythologique ni la passion pour les antiquités de ceux de Mantoue et Ferrare : à Vigevano seuls dominaient le goût de l’ostentation et l’étalage d’objets de luxe typique de la cour des Sforza. Ce n’est pas par hasard qu’un envoyé du duc de Ferrare, décrivant avec force détails les cabinets de curiosité de Beatrice, les qualifia, peut-être avec une pointe d’ironie et de snobisme, de «bien jolie boutique». Maître du Retable des Sforza, Beatrice d’Este, détail du Retable des Sforza, 1497 environ. Milan, Pinacoteca di Brera.
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Les tapisseries de Trivulzio Le maréchal de France Gian Giacomo Trivulzio (ou Jacques de Trivulce en français) fit réaliser au début du XVIe s. une série de magnifiques tapisseries consacrées aux mois de l’année, conservées actuellement au château Sforzesco de Milan. Tissées à partir de dessins du Bramantino, elles sont un superbe témoignage de la splendeur des manufactures de Vigevano Manufacture de Vigevano, Benedetto da Milano, Septembre, 1504-1509. Milan, Civiche Raccolte d’Arte Applicata.
Les écuries du château, Vigevano. Les vastes espaces voulus par Ludovic le More.
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piration gothique remontant à différentes étapes de construction et déjà redéfinies du temps de Galeazzo Maria. Dans les étages, toutes les pièces étaient décorées de plafonds en bois plats, en cais-
sons ou avec des inserts de planchettes peintes. Les voûtes que l’on voit aujourd’hui dans certaines pièces du donjon proviennent de remaniements ultérieurs, comme en témoigne l’évolution des bandes décoratives qui demeurent. L’aile centrale du château se compose d’une double enfilade de pièces : celles donnant sur la cour datent de l’époque de Luchino et celles au sud ont probablement été ajoutées sous Galeazzo Maria. C’est là que devaient se trouver les appartements ducaux mais il est très difficile d’en reconstruire la disposition et la décoration. Des sources historiques rappellent l’existence de cinq grands appartements et d’un vaste salon destiné à jouer à la balle, tous décorés de fresques, comme l’étaient certainement aussi les façades du donjon. Une partie de la décoration interne a été mise au jour lors des restaurations des années 1980. Il s’agit de motifs en compas du début du XVe s. dans les ébrasements des fenêtres, d’une scène de chasse remontant peut-être aux travaux de Galeazzo Maria, d’une élégante frise avec des créatures monstrueuses de l’époque du More et de différentes frises réalisées lors de la décoration improvisée pour le dernier duc Sforza. Ce
VIGEVANO
Scène de chasse, détail. Vigevano, château Visconteo-Sforzesco, salle de la fresque du donjon.
sont les dernières traces évanescentes des fastes de la résidence des Sforza, visibles désormais uniquement lors de manifestations temporaires dans le donjon. Derrière le donjon se dressent les vestiges de l’extension commandée par le More en l’honneur de son épouse et de leur bébé Massimiliano, extension visible uniquement depuis Riberia. En 1493, deux nouvelles ailes furent bâties, séparées par un jardin suspendu avec une fontaine et des jeux d’eau. Une élégante loggia faisait face à un nouveau corps de bâtiment jouxtant la route couverte et
divisé en quatre pièces. Ces pièces, dont les peintures semblent être l’œuvre de Bramante, englobaient une nouvelle chapelle ducale et la chambre au «cello tondo» dont la voûte était probablement décorée de fresques représentant des sujets astronomiques ou astrologiques inspirés du planétarium de Giovanni Dondi du château de Pavie. Si la loggia conserve son ossature en marbre, murée dans l’aile dite loggia des Dames, le jardin a disparu et l’enfilade de pièces de Bramante a été reconstruite au XVIe s. en raison de problèmes de stabilité. 79
ROCCA VECCHIA
ROCCA VECCHIA (DI BELRIGUARDO) COMMUNE : Vigevano (Pavie) TYPE : forteresse, fortification FAMILLES : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument, siège d’expositions et événements Entrée de la route couverte, Vigevano.
La route couverte entre la forteresse et le château, Vigevano.
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Lorsque ce château-refuge devint la résidence du seigneur, Luchino Visconti fit construire la forteresse Rocca Vecchia pour fortifier le sud du bourg. De forme carrée et flanquée de quatre grosses tours d’angle et de deux tours plus petites à l’est et à l’ouest, elle présentait deux entrées principales, l’une donnant sur la campagne et le canal et l’autre sur la route surélevée, qui fut couverte par la suite. Cette dernière, de plus de 150 m
de long, reliait la forteresse au château et constituait un accès privilégié au bourg en contournant le village, rendant ainsi indépendant l’accès à la résidence ducale. Elle est aujourd’hui encore l’un des vestiges les plus imposants et les plus intéressants des fortifications de Vigevano. Démolie par les habitants après la mort du duc Filippo Maria, la Rocca Vecchia fut partiellement reconstruite par Francesco Sforza (1450-1466). A la fin du XVe s., un jardin a été aménagé dans l’enceinte, sorte d’accès théâtralisé pour la cour qui arrivait au château par voie d’eau. Depuis les tours, on admirait le magnifique paysage de la campagne alentour, dominée par la silhouette de la Sforzesca. Dans les années 1830, l’aire de la forteresse fut transformée en cour de service pour la garnison militaire de la maison de Savoie. Le manège avec sa belle structure en chevron fut édifié à l’intérieur et accueille actuellement des expositions.
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PALAIS SANSEVERINO
PALAIS SANSEVERINO (ROCCA NUOVA) COMMUNE : Vigevano (Pavie) TYPE : résidence aristocratique, forteresse FAMILLES : Sanseverino, Avalos ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument, résidence privée
Sébastien de Pontault, Carte du Gouvernement de Vigevano, 1676-1694, détail. On y voit les bastions édifiés par les Espagnols.
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Aux numéros 19 et 21 de corso della Repubblica survivent d’importants vestiges du palais de Galeazzo Sanseverino, capitaine des troupes des Sforza mais également gendre et courtisan du More. Construit à partir du début des années 1490, autrefois en pleine campagne, le palais Sanseverino est pratiquement le seul dans le panorama de l’architecture lombarde à arborer une forme rectangulaire presque régulière et orientée autour des axes cardinaux.
Avec le quartier alentour, il reproduit à une moindre échelle le rapport des bâtiments milanais de la cour des Sforza : si à Milan la zone à l’ouest du château était occupée par l’église dominicaine de Santa Maria delle Grazie et le palais Sanseverino, à Vigevano l’église de San Pietro Martire (observant le même ordre) et la maison du capitaine s’ouvraient à l’ouest du château ducal, redessinant l’axe de développement de la bourgade. Un dessin conservé aux Archives d’Etat de Milan permet de reconstruire l’image d’origine du bâtiment. Singulièrement conçu sans arcades ni galerie, il présentait deux entrées sur les axes principaux (correspondant vraisemblablement aux anciens accès de la ville et de la campagne) et deux escaliers sur les axes mineurs. Les communications et accès verticaux subdivisaient le palais en quatre appartements d’angle sur chaque étage. Les pièces de l’étage noble étaient reliées par une galerie qui devait à l’origine longer toute la cour, offrant à la fois une voie pratique de circulation, un motif décoratif caractéristique (comme à Mirabello) et un balcon idéal pour les spectateurs lors des fêtes et représentations théâtrales. En 1495, face au durcissement de la situation politique, il fallut fortifier Vigevano et l’on décida de militariser la spacieuse résidence de Sanseverino. Le bloc central du palais, à côté duquel se trouvaient les écuries (en tout point similaires à celles du château de Vigevano), fut ceint de quatre gros remparts reliés aux angles par de puissantes tours circulaires. Les deux façades les plus longues furent renforcées par de puissantes défenses avancées en pointe de diamant. En 1534, Francesco II Sforza fit preuve d’un intérêt inattendu envers la forteresse : il y fit des réparations, ordonna la
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remise en état des douves et leur transformation en viviers, ajouta les profondes arcades dans l’aile nord et commandita d’importants travaux de décoration intérieure. Peut-être lui doit-on également la conception d’un grand escalier hélicoïdal qui n’est pas sans rappeler à la fois ceux des châteaux français et ceux du Bramantino au Vatican. Par la suite, sous la domination espagnole, le nouveau seigneur féodal Alfonso d’Avalos, refusant de résider au château Sforzesco, établit sa cour avec son épouse Maria d’Aragona à la Rocca Nuova. Après son décès au palais, l’ensemble perdit de son prestige résidentiel et fut transformé définitivement en forteresse. Consolidée par des bastions en étoile, la forteresse devint le fleuron du système de fortification de Vigevano ; assiégée et vaincue par les troupes françaises en 1645, elle fut rasée l’année suivante au retour des Espagnols. Seul le cœur du fortin, le vieux palais Sanseverino, survécut à la démolition et fut donné à sœur Eustachia della Santa Croce puis transformé en un couvent de Clarisses. Le palais, qui appartient à des particuliers, est toujours visible de nos jours. L’extérieur est désormais englobé dans le tissu urbain mais la cour interne, partiellement restructurée, conserve presque intact son aspect d’origine. Une partie de la galerie court encore autour, soutenue par de solides consoles en serizzo. Les grandes fenêtres de la façade ouest, à voûte et ourlées de terre cuite, révèlent la fonction résidentielle d’origine de la structure. Plan de la forteresse, première moitié du XVIe s. Milan, Archivio di Stato. Aile nord du palais Sanseverino, Vigevano. 83
CHÂTEAU DE VILLANOVA DE CASSOLNOVO
CASTELLO DI VILLANOVA DI CASSOLNOVO (LA MAURA) COMMUNE : Cassolnovo (Pavie), loc. Villanova TYPE : résidence ducale FAMILLES : Barbavara, Sanseverino, Sforza, Trivulzio, Gonzaga, Costa de Beauregard ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, exploitation agricole, résidence privée
Vue du château de Villanova, Cassolnovo.
Le manoir de Villanova est un cas singulier parmi les châteaux ducaux de la famille Sforza. Défini dans les documents anciens comme «maison», «palais», «grande maison carrée [...] presque en forme de château» mais jamais comme forteresse, cet
ensemble a été conçu comme une belle et grande maison de détente et de villégiature au cœur du domaine de chasse de Galeazzo Maria puis transformé en exploitation agricole par Ludovic le More. La présence d’un castrum avant la fin du Xe s. est attestée à Villanova, aujourd’hui sur le territoire de Cassolnovo dans la province de Pavie, mais autrefois sous la juridiction ecclésiastique et administrative de la ville voisine de Novare. A la fin du XIVe s., le monastère San Bartolomeo des Vallombrosiens de Novare était en possession d’un château et d’un vaste domaine. Les moines louèrent ces terres d’abord aux Barbavara, famille profondément ancrée dans la région, puis au condottière napolitain Roberto Sanseverino, neveu de Francesco Sforza, à partir de 1455. Dans les années 1450, on relève de nou-
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veau la présence d’une fortification mais c’est en 1472 que Galeazzo Maria Sforza fit réaliser de nouvelles constructions à Villanova ; à cette date R. Sanseverino devint pleinement propriétaire du domaine de Villanova du monastère de San Bartolomeo dans l’intention déclarée de revendre le tout au duc. Entre 1473 et 1474 le chantier du nouveau château battit son plein. Conçu par l’architecte florentin Benedetto Ferrini il fut réalisé grâce à l’intervention d’autres ingénieurs et architectes milanais (Danesio Maineri et Maffeo da Como qui œuvraient également à Novare, Vigevano, Galliate, et Pietro da Lonate, travaillant également aux châteaux de Pavie et Milan). La construction se poursuivit et, en 1474, on décora les appartements. En 1475, Ferdinando, fils de Ferrante Ier roi de Naples y séjourna mais le chantier fut suspendu à plusieurs reprises par manque d’argent. Vers fin 1476, le duc voulut fortifier la “maison” de Villanova mais les travaux furent définitivement stoppés à sa mort. L’année suivante, l’ensemble fut rendu à R. Sanseverino mais, en raison des revers subis par ce dernier durant les années 1480 (le condottière s’allia d’abord à la veuve de Galeazzo Maria, Bonne de Savoie, puis contre elle en soutenant le More avant de s’opposer enfin à ce dernier) le domaine et le château retombèrent dans le giron des Sforza. Ludovic le More acheva vraisemblablement l’édifice et l’utilisa comme centre de gestion d’une vaste propriété agricole de 20.000 “pertiche” (soit plus de 13 km2). Afin d’irriguer les complexe de Villanova et Vigevano (la Sforzesca) une partie des eaux du Sesia fut canalisée dans un nouveau
naviglio appelé roggia Mora. Le château de Villanova fut alors rebaptisé la Maura ou la Mora et donné avec celui de Cusago à Beatrice d’Este, épouse du duc. Avec le renversement des Sforza et l’arrivée des troupes françaises, le complexe connut le même sort que Vigevano et devint l’apanage des aristocrates qui représentaient les puissances se succédant à la tête du duché (Gian Giacomo Trivulzio, Matthieu Schiner évêque de Sion, Ferrante Gonzaga). Au dix-neuvième siècle, la vocation agricole des lieux fut définitivement établie par les travaux réalisés dans le domaine des marquis Costa de Beauregard. Deux inquiétantes statues de marbre (très abîmées et peut-être romaines) accueillent les visiteurs là où l’ancien pont-levis enjambait les douves (maintenant comblées) du château, témoignage, peut-être, de la passion du More pour l’Antiquité (mais il est difficile de préci-
Melons cantaloups, in Tacuinum sanitatis, 1390 environ, détail. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek.
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Aile nord du château de Villanova, Cassolnovo.
Tour d’angle du château de Villanova, Cassolnovo. On remarque des vestiges de la peinture décorative. 86
ser à quel moment elles furent érigées en gardiennes des lieux). Le bâtiment, ayant l’aspect d’une grande ferme, est très abîmé mais son ancienne structure est intacte pour l’essentiel. De forme rectangulaire, il est flanqué de quatre tours d’angle en saillie, légèrement surélevées par rapport aux corps de bâtiment, et dispose de deux accès. Celui donnant vers le village (au nord-est) présente encore les rainures qui soutenaient le pontlevis et la passerelle et il est délimité par une cinquième tour crénelée. À l’opposé, le second accès, donnant sur la campagne de Novare, est exclusivement piétonnier et disposait autrefois d’un pont mobile. Presque toutes les façades sont rythmées par des ouvertures régulières sur deux étages ; les fenêtres sont en arc surbaissé et correspondent probablement à celles d’origine. Les façades sont couvertes d’une décoration continue en losanges blancs et bordeaux. Au milieu, la vaste cour presque carrée évoque celle des fermes lombardes, sans éléments décoratifs. Deux étages de galeries en bois caractérisent la
cour ; la contre-façade ne présente qu’un seul balcon et la gouttière du toit est soutenue par un poutrage en saillie différent. Évoquée comme «entièrement peinte» dans certaines descriptions, la façade du château devait présenter la décoration en losanges blancs et bordeaux dès l’origine (ceux que l’on voit aujourd’hui sont probablement le fruit d’une restauration). Il est difficile de reconstituer son agencement interne à l’époque des Sforza ; toutefois, un grand salon pour le jeu de balle, réalisé par l’ingénieur Pietro da Lonate en même temps que ceux des résidences de Milan et Pavie, une chapelle, une vaste cuisine et différents appartements pour accueillir le duc et sa cour (répartis dans 69 pièces) sont attestés. L’absence de vocation militaire du bâtiment est confirmée par les écuries construites à l’extérieur du quadrilatère (peutêtre dans les structures au nord du château) tandis que les chenils et les maisons des domestiques qui suivaient la cour à la chasse se trouvent dans le village. La petite agglomération qui a conservé sa vocation agricole s’étend au nord-est du palais et présente une structure fermée très régulière. On y accède à travers un porche (presque dans l’axe du manoir) surmonté d’une élévation en forme de tour. Les fermes sont disposées en carré autour de ce qui ressemble à une très grande cour lombarde coupée par deux routes et envahie de différents bâtiments modernes. Le château se trouve dans l’angle sud et au milieu du côté nord se dresse l’église du village. La forme fermée du village correspond bien à l’appellation de «refuge» mentionnée dans les documents.
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Sur les «terres des Visconti» Un itinéraire en trois volets SOMMA LOMBARDO CASSANO MAGNAGO FAGNANO OLONA CISLAGO JERAGO CON ORAGO ALBIZZATE CASTELLETTO SOPRA TICINO ANGERA INVORIO MASSINO VISCONTI
Maître d’Angera, Napo Della Torre conduit à la prison, 1280 environ, détail. Angera, Rocca Borromeo, sala della Giustizia.
Qui ne connaît pas le nom de Visconti ? Il évoque les seigneurs de Milan, la famille qui de la fin du XIIIe à la moitié du XVe siècles a dominé l’échiquier politique de la ville et de la Lombardie. Prononcer ce nom c’est évoquer – notamment – l’archevêque Otton, fondateur de la fortune familiale, dont les hauts-faits sont magnifiquement peints au château d’Angera. Ou Azzone (1329-1339) qui, après des décennies de crises et de difficultés, a su redorer le blason de la seigneurie des Visconti, lui conférant définitivement une dimension régionale. Sa sépulture se trouve à Milan, dans l’église de San Gottardo, ornée de représentations de toutes les villes qu’il a conquises. Ou en dernier lieu le nom peut-être le plus célèbre, celui de Gian Galeazzo (1378-1402), le premier membre de la famille à avoir été nommé duc de Milan, en 1395, et disparu en 1402. Mais cette lignée a compté d’autres membres que ces illustres Visconti. Elle s’est en effet ramifiée en plusieurs branches liées par des degrés de parenté plus ou moins étroits, aux richesses et pouvoirs divers. Les protagonistes de l’échiquier politique milanais furent justement les membres de ces lignées “latérales” de la maison Visconti. Soutien essentiel pour les seigneurs et ducs de Milan mais souvent aussi leurs opposants les plus farouches. En 1339, par exemple, c’est un autre Visconti qui menaça sérieusement la seigneurie d’Azzone sur Milan : Lodrisio, propriétaire de nombreux châteaux dans le Seprio, difficilement vaincu lors d’une bataille très disputée à Parabiago. Et, lorsqu’en 1385, Gian Galeazzo Visconti fit assassiner son oncle Bernabò avec qui il avait jusqu’alors partagé le pouvoir, ce furent d’autres membres de la maison Visconti qui tentèrent en vain de s’opposer au tyran qu’était Gian Galeazzo. Rien d’étonnant dès lors, à ce que ces Visconti de “second ordre” aient joué un rôle lors de l’extinction de la lignée ducale, à la mort (1447) du dernier duc Visconti, Filippo Maria (1412-1447). Aucun membre des ramifications latérales de la famille n’a été capable, durant ces années noires, de succéder au défunt duc et c’est donc un condottière étranger à la famille, Francesco Sforza (1450-1466), qui sortit vainqueur de la lutte de succession. Mais il reçut en cela le soutien déterminant de différents membres de la lignée des Visconti. Lancillotto et Ermes Visconti de Castelletto œuvrèrent notamment en sa faveur sur de nombreuses terres autour de Novare et Filippo Maria Visconti de Fagnano (également seigneur d’Albizzate et Fontaneto et dont la domination s’étendait sur de nombreux domaines autour de Milan) lui apporta aussi un concours précieux. Ces aides n’étaient évidemment pas complètement désintéressées. Ainsi que l’écrivit Filippo Maria au nouveau duc Francesco Sforza, s’il s’était employé à le servir, c’est aussi et surtout pour le bien de «sa maison». 89
SUR LES «TERRES DES VISCONTI»
Privilège de Filippo Maria Visconti, 1445. Milan, Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana. Le duc investit Vitaliano Borromeo du fief d’Arone.
Profondément enracinés dans la ville, tous ou presque tous les membres de ces lignées latérales de la maison Visconti habitaient d’élégants palais dans les plus beaux quartiers de la ville, lieu de résidence et de réception de leurs amis et clients. Mais être «Vesconte», comme on disait à l’époque en italien, signifiait également avoir des intérêts importants dans les campagnes proches de Milan. Y posséder de vastes propriétés foncières, naturellement, mais bénéficier également de recettes fiscales et de droits juridiques, être titulaire de véritables petites seigneuries au statut privilégié par rapport à celui des territoires “normalement” compris dans le duché. Il serait erroné de parler de “fiefs” dans bien des cas car les motifs juridiques invoqués pour justifier l’existence de tels domaines étaient le plus souvent mystérieux. Les différentes branches de la maison réclamaient souvent d’en être titulaires en vertu d’une situation de fait, d’une tradition immémoriale. Elles affirmaient y exercer un pouvoir “propre”, privé, découlant au plus d’investitures impériales directes : on peut en particulier exclure que ces droits seigneuriaux dérivaient de concessions ducales. Comme leurs puissants souverains se plaisaient toujours à le dire au XVIIIe s., les seigneuries des Visconti de la campagne milanaise étaient «sine lege» : légitimes en soi et non en vertu de reconnaissances hiérarchiques. Mais les Visconti n’avaient pas pour objectif de régner sur de “petits Etats” autonomes, totalement indépendants du duché. Ils aspiraient bien davantage – en soulignant la nature privée de la domination sur les terres et les villages et en leur niant le caractère de fiefs accordés par le duc – à limiter le plus possible les interventions du souverain et des officiers et à conserver le maximum de privilèges spéciaux sur ces territoires. Concrètement, cela signifiait avant tout tenter d’en assurer l’immunité fiscale totale mais également réitérer la nature de juridictions protégées, non menacées d’ingérence de la part des responsables de l’Etat. Telles étaient du moins leurs prétentions et il va de soi qu’à certains moments les ducs savaient faire entendre leur voix sur les terres des membres de leur famille, en s’atta90
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SUR LES «TERRES DES VISCONTI»
quant à des situations de privilège. Mais il s’agissait d’interventions complexes, le plus souvent exceptionnelles. Ainsi, les zones soumises à l’influence des Visconti, y compris les plus proches de Milan, disposaient généralement d’un statut particulier. Des villes et des villages où il était impossible, pour les employés de l’octroi et les officiers ducaux, de se rendre sans “demander la permission” pour capturer un bandit ou réclamer le versement d’un impôt. Ainsi, vers la fin du XVe s., bien décidé à retrouver un voleur qui lui avait soustrait d’importantes sommes d’argent, un ecclésiastique écrivit au duc Ludovic le More qu’il savait ne pas pouvoir compter sur l’aide des officiers locaux et du More lui-même. Le voleur s’était en effet réfugié à Golasecca, un village situé dans les «Vicecomitum regiones», sur les «terres des Visconti». Et dans ces contrées, seuls les Visconti avaient le pouvoir d’intervenir. Très importante dans cette partie de l’ancienne campagne milanaise, juste derrière le fleuve Adda, où des branches descendant de Bernabò, détrôné, disposaient de biens et de juridictions, la présence des Visconti s’étalait dans le secteur le plus fertile autour de Milan, au sud de la ville. Mais c’est sur les terres au nord-ouest de Milan, entre le Seprio et l’actuelle rive piémontaise du lac Majeur, que de nombreuses lignées latérales étendaient leur ombre – pour reprendre une expression de l’époque. La célèbre vouivre, emblème de la famille, régnait sur de nombreux châteaux de la région et l’on ne comptait plus les villages contrôlés par l’une ou l’autre branche de la famille. C’est justement à ces terres que le prélat faisait allusion en parlant de «Vicecomitum regiones». C’est dans ces régions délimitées par le Seprio et les territoires au-delà du fleuve Ticino que se déroulent les itinéraires proposés ici, sur les terres et dans les villages qui, à l’époque du duché, étaient dominés par l’une ou l’autre branche de la maison Visconti. Toutes les localités n’étaient bien sûr pas aux mains des Visconti et le pouvoir exercé par les différents membres de la maison n’était pas toujours nettement établi. Pendant tout le XVe s. les frontières des «terres des Visconti», les limites territoriales de leur influence, restèrent assez mobiles et impossibles à déterminer précisément. Cependant, la liste des seules terres les plus importantes soumises avec certitude au contrôle des Visconti est très longue. À moins de 20 kilomètres de Milan, Cislago était le premier village tenu par des membres de la famille dans le Seprio, soumis à la seigneurie de la lignée des Somma. En poursuivant vers l’ouest, venaient ensuite Fagnano, Cassano Magnago, Crenna, Jerago, Orago, Albizzate, Caidate, Besnate, Somma, Mezzana, Vergiate, Golasecca et Sesto Calende. Puis, au-delà du fleuve Ticino, Castelletto, Fontaneto, Paruzzaro, Oleggio Castello, Invorio, Massino, Lesa et Ornavasso. Ces villages étaient souvent munis d’un château. Il avait à l’occasion une fonction défensive et militaire mais matérialisait également, en temps “normal” la présence seigneuriale des Visconti dans une région donnée. Il accueillait – souvent de manière sporadique – les membres de la maison. Mais il abritait surtout à demeure le podestat et les préposés à l’ad92
Ecole de Cristoforo De’ Predis, Armoiries des Sforza, détail, in De sphaera, 1470 environ. Modène, Biblioteca Estense Universitaria.
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ministration de la justice et des immenses propriétés des seigneurs de sorte que le pouvoir des Visconti prenait réellement corps dans ses murs à travers un rapport quotidien avec la population locale. Marquées naturellement selon les cas par des événements spéciaux et par une évolution structurelle spécifique, les nombreuses forteresses des Visconti réparties entre le Seprio, les hauteurs de Novare et Vergante se prêtent mal à des considérations globales. Ceci dit, deux observations d’ordre général peuvent peut-être contribuer à mieux cerner le contexte dans lequel elles s’inscrivaient. Somma, principale localité au Moyen Age de la seigneurie des Visconti, ne comptait vraisemblablement guère qu’un millier d’habitants à la fin du XVe s. Et aucune des forteresses de la lignée ne projetait en effet son ombre sur les gros bourgs du territoire au nord-ouest de Milan. Legnano, Busto Arsizio et Gallarate n’étaient pas des terres des Visconti. Arone, bien que proche du berceau de la maison, n’a été sous la seigneurie d’une branche de la famille, celle de Cassano Magnago-Fagnano, que pendant une brève période. Par conséquent, si la présence des Visconti s’étendait entre Milan et le lac Majeur, elle concernait avant tout les petits villages, touchant de manière marginale les communautés les plus riches et les plus peuplées dont les habitants entreprirent parfois de redimensionner l’influence locale de la puissante maison. Ainsi, en 1402, des hommes de Busto Arsizio et Gallarate assiégèrent le château d’Orago qu’ils détruisirent en partie. Navire de guerre, détail, in Cronaca bernese de Diebold Schilling le Vieux, 1483 environ. Zurich, Zentralbibliothek. Le Verbano et le haut Tessin jouaient un rôle fondamental dans le système de défense et d’échanges commerciaux entre la plaine et les Alpes.
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SUR LES «TERRES DES VISCONTI»
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Armoiries et hauts-faits des Visconti, in Codice Trivulziano 1390, 1450 environ. Milan, Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana.
La comparaison avec certaines situations de la région du Seprio, plus proches des forteresses des Visconti, inspire une deuxième observation. Généralement peu éloignés des hameaux, situés légèrement en hauteur, les châteaux des Visconti sont le plus souvent flanqués d’une église dont le contrôle faisait naturellement partie des prérogatives des seigneurs. Ils ressemblent en cela aux propriétés d’autres familles nobles milanaises, comme le château des Bossi à Azzate, celui des Besozzi à Besozzo, celui des Pusterla à Tradate ou encore celui des Castiglioni à Castiglione. À ce sujet, il suffit d’évoquer le cas du château Pusterla de Tradate. Situé une petite colline, juste à l’extérieur de la partie la plus ancienne du village, il est flanqué d’une chapelle étroitement liée au manoir, Santa Maria in castro. Par contre, aussi bien à Tradate qu’à Besozzo et Azzate, une file serrée de maisons nobiliaires, ornées des emblèmes des Pusterla, des Besozzi et des Bossi, se dressaient près du corps de la forteresse. Il s’agissait des demeures des nombreux membres de la maison n’appartenant pas à la lignée principale, occupant le château, qui habitaient le bourg. C’est là un signe tangible de la manière dont le pouvoir local de la branche principale s’était imposé dans un contexte pour ainsi dire “familial”, depuis très longtemps, fortement marqué par l’enracinement sur place de nombreux membres de la famille. Ce qui, étonnamment, semble par contre manquer dans le cas des forteresses des Visconti, notamment dans la région à l’est du fleuve Ticino. On ne rencontre en effet pas à Somma, Albizzate, Besnate, Jerago ni dans les autres villages du Seprio, également terres des Visconti, de maisons nobiliaires comme autour des châteaux des Bossi, des Pusterla, des Besozzi et des Castiglioni. Peut-être est-ce là la principale manifestation, visible dans la conformation même des lieux, du “retard” avec lequel le pouvoir des Visconti s’établit dans le Seprio, région où la présence de la famille n’était pas ancestrale et où l’implantation de sphères d’influence stables de la maison ne remonte pas à tout le treizième siècle. En d’autres termes, il manque ici le “substrat familial” qui, dans le Seprio, sous-tendait l’hégémonie d’autres maisons nobiliaires, profondément enracinées dans la région et depuis plus longtemps. Un “substrat familial” qui, pour les Visconti, prospère à l’ouest du Ticino, à Massino, à Invorio, des terres où l’enracinement de la maison remontait à fort longtemps. Où l’implantation autour des châteaux, et ce n’est pas un hasard, revêt des formes plus proches de celles de Tradate et Azzate et non pas de celles de Somma et d’autres localités du Seprio contrôlées par les mêmes Visconti. Ayant aujourd’hui les fonctions plus diverses, dans différents états de conservation, nombre des châteaux des Visconti, éparpillés sur un vaste territoire, méritent une visite. Proposer un seul itinéraire permettant de découvrir ne serait-ce que les principaux d’entre eux est donc impossible. C’est pourquoi nous suggérons trois parcours différents, ayant tous pour point de départ le château de Somma Lombardo, aujourd’hui peut-être la plus pittoresque des anciennes forteresses des Visconti. Depuis le château de Somma, pourquoi ne pas partir à la découverte des «terres des Visconti» situées au sud ? Après avoir quitté la forteresse, on se dirigera dans ce cas vers Gallarate, en délaissant de préférence l’actuelle route nationale du Simplon (Statale del Sempione) au profit de l’ancienne route qui passe par Arsago Seprio (où l’on ne manquera pas de faire une halte pour admirer la magnifique église romane et le baptistère du XIIe s.). Une fois à Gallarate, la montée à la colline de Crenna, 95
SUR LES «TERRES DES VISCONTI»
qui est aujourd’hui un quartier de la ville mais qui fut une commune autonome jusqu’en 1923, permet d’observer les vestiges du château homonyme. À côté de l’église paroissiale de San Zenone – au sommet de la colline, dominant ainsi toute la plaine – cette forteresse est liée avant tout à Lodrisio Visconti, le malheureux protagoniste de la bataille de Parabiago évoquée plus haut, qui en fit son refuge favori au début du XIVe s. et remania considérablement les structures existantes. Il reste aujourd’hui bien peu du «castrum fortissimum», que décrivit le chroniqueur Pietro Azario. Les réaménagements des bâtiments anciens réalisés au XIXe s. ont été très invasifs, comme le montre la façade donnant vers Gallarate de l’un des principaux édifices de l’ensemble. Quelques pas le long da via Locarno, jusqu’au croisement avec via Salita Visconti, permettent toutefois d’apprécier tout l’étendue du périmètre d’origine des fortifications et d’observer (à la hauteur de la salita Visconti) le plus majestueux des différents corps de bâtiment du château. Après être descendu à Gallarate, on peut se diriger d’abord vers Cassano Magnago puis vers Fagnano pour y découvrir les châteaux de deux des principales lignées de la maison Visconti. Après Fagnano, en suivant les indications pour Gorla Maggiore, on arrive dans la vallée de l’Olona. On poursuit direction Mozzate jusqu’à l’imposant château de Cislago, qui était l’ancienne seigneurie des Visconti de Somma et leur résidence préférée au moins jusqu’au début du XVe siècle. Le deuxième parcours, qui commence comme le premier, est axé quant à lui sur les châteaux des Visconti situés dans la vallée du torrent Arno. Là encore, après Somma, direction Arsago et son église romane. Mais au lieu de poursuivre vers Gallarate, on se dirige cette fois vers le nord, direction Besnate, petite ville qui a donné son nom à l’une des lignées de la maison Visconti à l’époque médiévale. Le château qui se dressait ici s’offre aujourd’hui à nos yeux sous un tout autre jour : celui d’une résidence privée et d’un restaurant («Il Castellaccio»). On peut encore y observer, malgré son état de délabrement partiel, des vestiges des bâtiments d’origine, des restes des anciennes tours du château mais surtout, à l’est du corps principal, le bel oratoire de Santa Maria in castello, l’ancienne chapelle de la forteresse. Non loin de là, l’église de San Martino conserve les portraits de deux anciens seigneurs du manoir, Ercole et Gerolamo Visconti, représentés avec saint Antoine abbé et saint Antoine de Padoue dans un retable qui figure toujours dans l’église (1538). Le château de Jerago, à quelques minutes de Besnate, est quant à lui bien plus austère et d’impact plus immédiat. Après Orago, où l’on remarque ce qui demeure aujourd’hui du château appartenant à la branche du même nom des Visconti, l’itinéraire se poursuit vers la forteresse d’Albizzate et son magnifique oratoire du XIVe siècle. Caidate, qui relève aujourd’hui de la commune de Sumirago, à quatre kilomètres environ d’Albizzate, est le point le plus au nord du parcours. Ici se dresse le château appelé aujourd’hui Confalonieri, du nom de ses propriétaires du XVIIIe s. Transformée en villa dès le XVIIe s., puis remaniée par l’architecte Giuseppe Balzaretto qui lui conféra l’aspect d’un château au XIXe s., cette forteresse conserve son plan quadrilatéral d’origine. La tour massive de l’angle nord-ouest, bien que remaniée, date de l’époque des Visconti. Le troisième parcours proposé serpente au fil des paysages enchanteurs du lac Majeur. En quittant Somma, cette fois vers le nord, il est recommandé 96
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 4
Joueur de luth, XVIIe s. Somma Lombardo, château des Visconti de San Vito.
d’abandonner la route du Simplon direction Golasecca. On arrive ainsi, en empruntant des voies moins fréquentées, d’abord à Golasecca puis à Sesto Calende, ancien lieu de foire et de perception de la gabelle, impôt qui frappaient toutes les marchandises transportées par voie fluviale, en provenance ou en direction de Milan. On y voit encore l’ancien château appartenant aux Visconti de Castelletto. Masqué par les immeubles du centre ville, il ne dévoile que ses tours (fortement remaniées) aux observateurs depuis la via dell’Olmo. La belle promenade sur les berges justifie à elle seule une halte, même pour les visiteurs pressés, afin de choisir : poursuivre vers le nord – en direction de la magnifique forteresse d’Angera, le seul des châteaux de la région n’appartenant pas à une branche cadette de la lignée Visconti – ou franchir le fleuve pour faire route vers les possessions les plus anciennes des Visconti ? Si l’on opte pour cette seconde possibilité, l’itinéraire se poursuit à destination de la forteresse de Castelletto Ticino, puis de celle d’Invorio Inferiore, que l’on rallie depuis Castelletto en suivant d’abord la route pour Arone avant de bifurquer direction Oleggio Castello et Paruzzaro. Avec sa vue incomparable sur le lac, le château de Massimo Visconti, que l’on rejoint en empruntant la magnifique route sur les hauteurs de Vergante, peut marquer la fin de cet itinéraire de la plus belle des manières. 97
CHÂTEAU VISCONTI DE SAN VITO COMMUNE : Somma Lombardo (Varese) TYPE : château seigneurial FAMILLES : Visconti, Visconti di San Vito ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, accueille des collections de musée et des événements et abrite la Fondation Visconti de San Vito
Le château, l’un des manoirs les plus remarquables des Visconti du Seprio, se dresse à une centaine de mètres de la grandplace de Somma Lombardo, piazza Vittorio Veneto, non loin du bel hôtel de ville et de l’église paroissiale de Sant’Agnese. La route du Simplon frôle aujourd’hui son côté est, qui est donc plus isolé du tissu urbain que quand – jusqu’au début du XIXe s. – cette artère importante passait à l’ouest de la forteresse en suivant le parcours de l’actuelle via Visconti di Modrone. Le côté sud du château Visconti de San Vito, Somma Lombardo. La tour du XVIe s. est précédée d’une fortification en forme de bastion.
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Les deux entrées, l’une au sud, donnant vers la piazza Scipione, et l’autre à la hauteur de la longue façade nord, sont précédées de vastes esplanades, légèrement en montée pour celle du sud. Édifiée sous les Visconti entre la fin du XIIIe s. et le début du XIVe s., la première partie du château actuel s’inscrivait dans des fortifications plus anciennes, dont l’important castrum – dit de Gulizone – qui se dressait à l’emplacement actuel de l’église de Sant’Agnese dès l’an 1000 environ. Au début du XIe s., il appartenait aux moines du monastère milanais de San Simpliciano qui l’avaient reçu d’un notable local, Gulizone, dont l’on ne sait pas grand-chose. Occupant près de 2500 m2, la zone fortifiée abritait une tour, les communs, des habitations et sa possession était liée au moins depuis le XIIe s. à l’exercice de droits seigneuriaux sur tout le village. Le contrôle sur Somma exercé par les moines
SOMMA LOMBARDO
semble toutefois s’amenuiser au siècle suivant, avec l’affaiblissement de la présence patrimoniale et seigneuriale de San Simpliciano et l’émergence dans le contexte local d’une famille tenant son nom de ce lieu même, les Da Somma, ancrés également à Milan, titulaires de biens considérables et de droits sur le village et ses abords immédiats. Peu documentée à ses débuts, l’influence sur Somma des Visconti semble encore limitée dans ces années-là. Autour de la moitié du treizième siècle, des membres de la famille avaient des intérêts patrimoniaux à Somma et dans ses environs. Mais ce n’est qu’avec l’affirmation définitive de la seigneurie des Visconti sur Milan et la défaite de ses rivaux, les Della Torre, que le contrôle de Somma se précisera pour prendre une forme véritablement seigneuriale. Liés justement aux Della Torre, les Da Somma ont en effet rapidement disparu de l’échiquier politique du bourg, cédant la place entre la fin du treizième et le début du quatorzième siècles à une branche des Visconti descendant du frère du futur seigneur de Milan, Matteo Visconti (mort en 1322). La construction du château actuel est donc étroitement liée à l’affirmation de l’influence des Visconti sur le bourg, comme le rappelle une note estimée à la fin du XIIIe s. ou du début du siècle suivant. Abandonnant le vieux castrum, qui tomba rapidement en ruine, les Visconti ont en effet construit une nouvelle forteresse sur le relief voisin qui, à cette époque, accueillait l’église de Sant’Agnese située alors près de la façade sud actuelle du château. La cour nord-ouest de l’en-
semble fortifié, dite cortile degli Armigeri (des hommes d’armes), remonte à l’édification initiale. Les autres parties de la forteresse actuelle ne furent ajoutées que plus d’un siècle après. On ne sait pas grand-chose de l’histoire des Visconti de Somma au cours des siècles suivants mais il est certain que, loin de limiter leurs intérêts aux seuls domaines de la campagne, certains membres de la famille jouèrent un rôle de premier plan sur l’échiquier politique milanais. A cheval sur les quatorzième et quinzième siècles, les deux seigneurs de Somma, les frères Francesco et Antonio Visconti, furent de farouches opposants au duc Gian Galeazzo et participèrent activement aux affrontements que connut Milan et son duché après la mort de Gian Galeazzo. Parmi les principaux partisans du parti adverse au nouveau duc Giovanni Maria (1402-1412), ils furent tous deux tués en 1408 ; leurs biens et droits sur Somma passèrent alors aux mains de Battista Visconti, le seul fils d’Antonio à ne pas s’être opposé à la branche ducale de la maison. Après avoir reçu confirmation en 1420 du duc Filippo Maria de
Collection des bols à raser. Somma Lombardo, château des Visconti de San Vito.
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ses droits sur Somma, ainsi que des privilèges fiscaux et juridiques du bourg, Battista les légua à ses deux fils Francesco et Guido qui, à partir de 1440, firent valoir les ambitions familiales sur le Seprio. De nombreux villages des paroisses de Somma, Mezzana et Arsago commencèrent à verser des contributions annuelles aux deux frères en échange de leur protection contre les prétentions du fisc et des officiers ducaux. Soutenu par de nombreuses acquisitions foncières, le projet de Francesco et Guido fut consolidé lors de la crise après la mort du duc Filippo Maria. Ralliés aux intérêts de
Francesco Sforza, les deux Visconti réussirent en effet à cette époque à étendre leur influence sur tout le territoire des trois paroisses de Somma, Mezzana et Arsago qu’ils voulaient englober dans une juridiction seigneuriale échappant de fait à tout contrôle étatique. Ces perspectives furent revues à la baisse par la force des choses avec le renforcement de la position de Francesco Sforza. Francesco et Guido perdirent une partie de ces “nouvelles acquisitions” et seuls les villages de Somma, Mezzana, Golasecca et Vergiate firent partie formellement de leur seigneurie. Les travaux entrepris au châ-
Deux chefs-d’œuvre de la Renaissance cachés dans la bruyère C’est en 1512 que Battista Visconti de Somma commanda au peintre Marco d’Oggiono un triptyque représentant l’Assomption, saint Etienne et saint Jean-Baptiste. Destinée à l’église de Santo Stefano di Mezzana, dont Battista Visconti était le patron, cette magnifique réalisation est actuellement conservée au Musée diocésain de Milan. Mais l’église de Mezzana recèle deux autres chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne : la Pentecôte et la Déposition du Bramantino. Conservés dans l’église de Santo Stefano depuis le début du XVIIe s., transférés ensuite dans l’église de Santa Maria della Ghianda, située derrière, au siècle suivant puis revenus à leur point de départ, ces deux tableaux proviennent peutêtre des chapelles des sépultures dont les Visconti de Somma disposaient dans l’église franciscaine de Sant’Angelo à Milan. Malgré leur très mauvais état de conser-
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vation et leur emplacement non idéal, le visiteur est immédiatement frappé par la magnifique perspective de ces œuvres. Notamment dans la Pentecôte, probablement réalisée par le Bramantino après son retour d’un voyage professionnel à Rome (autour de 1508), la disposition des personnages révèle une mise en scène théâtrale du plus bel effet. Au centre, la Vierge se tient en haut des escaliers, sous d’imposantes arcades de colonnes doriques. Les douze apôtres qui l’entourent arborent des vêtements verts et rouges savamment contrastés et les quatre du premier plan observent le spectateur d’un air sévère, assis sur des sièges magnifiquement décorés à l’ancienne.
Bartolomeo Suardi (dit le Bramantino), Pentecôte, 1510 environ. Mezzana di Somma Lombardo, Santo Stefano.
SOMMA LOMBARDO Le côté nord du château Visconti de San Vito, Somma Lombardo.
teau, pour réaliser une grande partie de la fortification toujours visible, sont étroitement liés aux événements survenus au milieu du XVe s., marqués par un regain d’intérêt de Francesco et Guido Visconti pour le territoire de Somma. Dès 1452, le château fut en effet considérablement agrandi : côté sud, une seconde cour a été ajoutée au quadrilatère de la fortification du XIVe s., avec des tours d’angles dont deux “partagées” avec la partie la plus ancienne. Située sur le chantier, la vieille église de Sant’Agnese a été abattue et reconstruite aux frais des frères Visconti une centaine de mètres plus au sud, sur le site de l’ancien château de Gulizone, où elle se trouve toujours. À cause des désaccords entre les deux frères et du partage de tous les biens de la famille, l’ensemble ainsi agrandi fut divisé en 1473 entre les deux parties. Francesco reçut la section la plus récente, et avec elle la juridiction sur la moitié de Somma, tandis que
l’ancien château échut à Guido avec les droits de seigneurie sur tous les hommes vivant à l’ouest du village. Passées aux mains de leurs héritiers respectifs, les deux moitiés du château ne devaient plus être réunies et, à l’époque moderne, elles furent de nouveau partagées, fractionnées et considérablement restaurées et étendues. Le château-fort occupe aujourd’hui la place d’un grand quadrilatère, qui se divise plus ou moins en quatre blocs, articulés autour d’autant de cours : celle au nord-ouest (la corte degli Armigeri), dévolue à Guido et ses descendants, celle au sudouest, échue depuis le XVIe s. à la branche des Visconti de Modrone, les deux à l’est, autrefois séparées par un mur, restées la propriété des héritiers de Francesco, passèrent aux mains des Visconti puis des San Vito. En commençant la visite par la piazza Ermes Visconti, sur laquelle donne le côté nord du complexe, on remarquera sur la 101
Le cortile degli Armigeri (cour des hommes d’armes) du château Visconti de San Vito, Somma Lombardo.
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droite, précédée d’une petite tour transformée fin XVIIe, l’entrée à la partie la plus ancienne du château, le cortile degli Armigeri. La tour ronde à droite de l’entrée date elle aussi du XVIIe s. comme une bonne partie de la façade actuelle. À l’intérieur de la cour, les arcs en ogive et les colonnes trapues de part et d’autre remontent sans nul doute au XIVe s., époque de la création de cette partie de la forteresse. Des restes de décorations gravées sont visibles sur les murs et l’on reconnaît le monogramme de saint Bernardin de Sienne et les hauts-faits des Visconti sculptés sur de nombreux chapiteaux. En observant la façade donnant sur piazza Ermes Visconti, on distingue sur la gauche l’entrée de la cour réalisée à la moitié du quinzième siècle par Guido et Francesco Visconti, celle du nord-est, que seuls les descendants du second ont ensuite héritée. L’une des tours d’angles de la forteresse du quatorzième qui furent englobées dans la section édifiée à la moitié du quinzième est bien visible lorsque l’on
observe la façade (au milieu). A l’extrême gauche se dresse, très imposante, l’une des deux nouvelles tours bâties par Francesco et Guido, considérablement retouchée au dix-neuvième. Dans la cour, à vocation principalement résidentielle à partir du dix-septième, un grand escalier conduit à l’étage supérieur dont les pièces, richement meublées, accueillent également une importante collection de bols à raser. On remarquera les belles fresques qui ornent le salon d’honneur et les salles voisines, réalisées au début du XVIIe s. à l’occasion des noces d’un Visconti avec une Taverna, non signées mais que l’on doit probablement à Carlo Antonio Procaccini et à ses collaborateurs. Après avoir quitté la place Ermes Visconti, en marchant (prudemment) le long de la route du Simplon, on longe la partie du château échue à Francesco Visconti et à ses héritiers, jusqu’à l’entrée sud de l’ensemble. Sur la gauche, une porte surmontée de l’emblème des Visconti conduit à une petite cour, “antichambre” du palais sud-ouest, ou cour d’honneur, à laquelle on accède en passant sous une élégante tour d’entrée ornée d’éléments saillants (corbeaux) et de créneaux. Cette troisième partie de la forteresse actuelle a été bâtie après les deux du nord, probablement au seizième siècle, avant d’être remaniée par la suite. À droite de la façade sud se trouve l’entrée au quatrième “corps” du château, autrefois dévolu à des fonctions de service, directement reliée à la partie nord-est. Principal accès au château de nos jours, c’est aussi le point de départ des visites guidées du complexe.
SOMMA LOMBARDO
La tragédie de la comtesse de Challant En septembre 1514, Ermes Visconti, âgé de 30 ans, fils cadet de Battista, seigneur de Somma, épousait Bianca Maria Gaspardone, âgée de 14 ans. La jeune fille – orpheline du défunt ministre des finances du marquis de Casale Monferrato – apportait une dot exorbitante de 25.000 écus (équivalent pratiquement aux recettes annuelles d’un petit Etat de la plaine du Pô). La richesse de l’une et l’extrême noblesse de l’autre firent d’eux le couple le plus en vue du Milan du début du seizième siècle. Vers 1520, Ermes et Bianca Maria célébrèrent leur statut social en commandant à Bernardino Luini, comme l’attestent de nouveaux documents, la décoration de l’église milanaise de San Maurizio al Monastero Maggiore. Dans les lunettes de la cloison l’église, les époux Visconti, et non pas Ippolita Sforza et Alessandro Bentivoglio comme on le pense traditionnellement, se firent représenter entourés des saints protecteurs de la famille (sainte Agnès et saint Etienne, saints patrons également de Somma Lombardo et de Mezzana, les terres qui appartenaient à cette branche de la lignée). Sur le portrait de Luini, Bianca Maria porte une magnifique robe de satin blanc rehaussée de 173 broches d’or tandis qu’Ermes arbore une élégante veste noire de velours et satin doublée de fourrure de lynx. Le 11 mai 1521 Ermes Visconti mourut subitement de maladie. La jeune veuve se retira à Casale Monferrato, sa ville natale, et l’année suivante, parmi les différents partis qui la courtisaient, alléchés par sa fortune, elle choisit d’épouser le comte valdôtain Renato Challant. Mais les rapports avec son second époux (plus jeune qu’elle) se détériorèrent très rapidement. Bianca Maria retourna à Casale où elle fit la connaissance de Roberto Ambrogio Sanseverino comte de Caiazzo – qui devint son amant – et rédigea son testament où elle émettait la volonté d’être inhumée auprès de son cher Ermes à Sant’Angelo, à Milan. Suivant le condottière Sanseverino, elle séjourna ensuite à Pavie, où elle eut probablement une liaison avec le comte Ardizzino Valperga de Masino, puis rentra à Milan (1526). La
Bernardino Luini, Bianca Maria Gaspardone Visconti, détail, 1520 environ. Milan, San Maurizio al Monastero Maggiore.
ville décimée par l’épidémie de peste de 1524 était assiégée par les troupes impériales emmenées par le connétable de Bourbon. La comtesse séjourna chez sa cousine Daria Pusterla Botta (très compromise sur le plan politique) et il faut croire que ses liaisons amoureuses lui furent fatales. En août, elle en effet fut arrêtée avec son nouvel amant présumé, un Espagnol, accusée de l’assassinat des frères Valperga di Masino. Il n’existait aucune preuve d’un tel délit contre la jeune femme mais, le 20 octobre 1526, le connétable de Bourbon (entretemps entré dans la ville) ordonna l’exécution de Bianca Maria qui fut décapitée devant le château de Milan. Cette sombra affaire fit sensation et déchaîna immédiatement l’imagination des écrivains. Le premier d’entre eux, le frère dominicain Matteo Bandello, enquêta sur l’affaire et en rédigea sous forme romancée l’une de ses plus célèbres nouvelles (seule celle de Roméo et Juliette connut davantage de succès). Au XIXe s. les pièces de théâtre et les écrits au sujet de la comtesse de Challant se multiplièrent et l’un des textes les plus intéressants, La signora di Challant, est signé Giuseppe Giacosa, librettiste de Giacomo Puccini. Entretemps, le mythe du portait de la jeune femme était né, engendré par la note de l’auteur en conclusion de son ouvrage : «et que celui qui souhaite voir son visage peint de son vivant se rende à l’église du Monastère Majeur où il verra son portrait» («e chi bramasse di veder il volto suo ritratto dal vivo, vada ne la chiesa del Monistero Maggiore, e là dentro la vedrà dipinta»). Aujourd’hui encore, on peut admirer la beauté de la malheureuse comtesse, qui fut un temps l’épouse du seigneur de Somma Lombardo, dans le portrait de Bernardino Luini au Monastero Maggiore, commandé par Ermes Visconti.
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CHÂTEAU DE CASSANO MAGNAGO
COMMUNE : Cassano Magnago (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLES : Visconti, Dal Pozzo ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
Parmi les châteaux des Visconti du Seprio, celui de Cassano Magnago – aujourd’hui au milieu de maisons basses et de jardins – a été pendant un moment le plus éloigné de son village. En effet, l’urbanisation arrivait tout juste au relief occupé par la forteresse qui se dressait encore il y a peu, solitaire, sur la colline dominant le village, flanquée uniquement de l’église de Santa Maria del Cerro. Propriété de famille dès le XIIIe s., la forteresse tient son nom d’une La façade du château de Cassano Magnago. On remarquera le couronnement de créneaux et les fenêtres ogivales datant des restaurations du XIXe s.
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des branches les plus prospères et puissantes de la lignée, celle qui, à partir du XVe s. prendra justement le nom de Cassano Magnano. Grands propriétaires fonciers, titulaires des droits seigneuriaux sur le village et du patronage sur l’église de Santa Maria, les Visconti de Cassano ont placé le château au cœur de leurs nombreux intérêts dans la région. Comme en atteste la documentation notariale de la fin du Moyen Age, le podestat en charge de l’exercice du droit résidait dans la «Ca’ Bianca» (maison blanche), nom que l’on donnait autrefois à la forteresse. Il cohabitait avec quelques gardes, un «camparo», garde-champêtre chargé de surveiller vignes et champs, et parfois avec le prêtre qui officiait dans la chapelle fondée par les seigneurs dans l’église de Santa Maria. On y amassait en outre les céréales produites sur les proprié-
CASSANO MAGNAGO Luigi Pietro Barinetti, Le château de Cassano Magnago, in Grande Illustrazione del LombardoVeneto de Cesare Cantù, 1858.
tés des Visconti, le dernier étage du bâtiment principal étant appelé «solaio delle biade» (grenette). La rareté des sources d’information alliée aux bouleversements survenus ces deux derniers siècles ne permet pas de reconstruire précisément la manière dont la forteresse s’articulait à l’origine. Cependant, là encore, le cas de Cassano semble différer des modèles répétés dans la plupart des autres forteresses des Visconti dans le Seprio. En forme de U ouvert à l’est, le corps proprement dit du château s’inscrit en réalité, jusqu’au XVe s., dans une aire fortifiée plus vaste, qualifiée de «refuge» par les sources d’époque. Ce refuge abritait des potagers, de grands espaces vides mais également des fermes, des étables et des fours. Aujourd’hui disparue, mais encore visible sur une toile du XVIIIe s., la tour dite de «la Vouivre» (biscione en italien) se dressait à côté du
bâtiment principal. Outre la grenette évoquée plus haut, on y trouvait les pièces d’habitation des seigneurs ainsi que les locaux de service : les cuisines ainsi qu’une pièce, à la fin du XVe s. appelée «école», peut-être destinée à l’enseignement de la nombreuse progéniture de la maison. Il reste aujourd’hui bien peu à voir du vaste complexe d’origine. Le bâtiment principal, entièrement refait au XIXe s., est aujourd’hui une villa privée d’esprit gothique, nichée dans un grand parc. Le long de la via Santa Maria et de la via Vallazza, on aperçoit encore des vestiges des tours et des bâtiments – dont l’un est orné d’une belle logette Renaissance – qui s’étendaient sur les côtés nord et ouest du refuge. On remarquera, muré dans le clocher de l’église de Santa Maria del Cerro, un écusson médiéval en marbre portant les armoiries des Visconti. 105
CHÂTEAU DE FAGNANO OLONA
COMMUNE : Fagnano Olona (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti ETAT DE CONSERVATION : entier avec réfections USAGE ACTUEL : hôtel de ville
La cour du XVe s. du château de Fagnano Olona.
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Protégé par des douves, le château se trouve juste au-dehors de la partie la plus ancienne du village, vers lequel donne sa façade principale, côté sud. Derrière s’étend la vallée de l’Olona, au nord, dominant le cours du fleuve. L’histoire de la forteresse, transformée aujourd’hui en hôtel de ville et dont l’existence est mentionnée dès le XIIIe s., se mêle depuis le XIVe s. au moins à celle des Visconti et faisait partie des nombreuses posses-
sions du Seprio appartenant aux lignées latérales de la maison. Passée à la fin du siècle aux mains de Gaspare Visconti, puissant conseiller du duc Filippo Maria, elle échut ensuite à son fils, portant lui aussi le nom de Filippo Maria. Personnage parmi les plus influents de son époque, fervent partisan de Francesco Sforza lors sa conquête du pouvoir, Filippo Maria apporta un soin jaloux à la grande forteresse qu’il commença à faire construire dès 1450 à Fontaneto, près de Novare. Il ne manquait pas pour autant de s’intéresser à son manoir de Fagnano, où il résidait fréquemment. On lui doit vraisemblablement l’élévation des deux tours encore visibles et son nom resta lié, des décennies encore après sa mort, à des appartements situés dans la partie la plus ancienne du château.
FAGNANO OLONA
Vierge allaitante, XVe s. Fagnano Olona, château, façade externe.
Comme en atteste une description de 1509, à l’étage supérieur du seul château existant à cette époque, se trouvait en effet une chambre (donnant sur l’Olona) indiquée comme celle «de feu le magnifique seigneur Filippo». À côté se trouvaient d’autres chambres, les toilettes, une chapelle, des salons, un bureau et une «camera picta» (pièce décorée de peintures) et, côté ouest, peut-être une galerie. Au rez-de-chaussée on trouvait le four, les cuisines, les étables et d’autres locaux de service. Les deux grandes tours – dont l’une accueillait la chancellerie – veillaient sur l’ensemble tandis que quatre «torrexini», petites tours aujourd’hui disparues, flanquaient les angles de la forteresse. Assiégé pendant les guerres qui ont déchiré le duché au début du XVIe s., le château avait subi d’importants dégâts. Lors de la seconde moitié du siècle, l’archevêque de
Milan Gaspare Visconti qui en avait hérité a beaucoup œuvré pour le restaurer. Désireux d’accentuer le caractère résidentiel de l’ensemble, il fit juxtaposer aux anciennes structures – tournées vers le village – de nouveaux corps de bâtiment qui existent toujours. La cour du XVe s. se trouva ainsi précédée d’une nouvelle cour à laquelle on accédait en franchissant un beau portail baroque donnant sur piazza Cavour. Au bout de la cour du XVIe s., une triple ouverture conduit à la partie la plus ancienne de la forteresse où l’on distingue les armoiries des Visconti accompagnés des lettres F et M, initiales de Filippo Maria. Quelques vestiges de la décoration d’origine subsistent dans certaines pièces tandis que l’on remarque sur la façade un bas-relief daté du XVe s. représentant une Vierge en train d’allaiter. 107
CHÂTEAU CASTELBARCO VISCONTI
COMMUNE : Cislago (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti, Castelbarco Visconti ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
Façade du château Castelbarco Visconti, Cislago.
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Village important au Moyen Age – car sur la route reliant Milan à Varèse, à Côme et à la Suisse – Cislago fut doté d’une structure fortifiée dès le Xe s. au moins. Cette forteresse ne commença toutefois à être associée au nom de la lignée qui allait marquer son histoire dans les siècles à venir, celle des Visconti, qu’à partir du XIIIe s., lors des âpres luttes que se livrèrent les nobles et le peuple milanais.
Passé aux mains d’Uberto, frère du seigneur de Milan Matteo Magno, à la fin du XIIIe s. le château fut transmis à ses descendants avec les forteresses de Somma Lombardo et d’Agnadello. Au début du XVe s., Antonio Visconti, fondateur de la branche ultérieurement dite de Somma, y avait élu sa résidence privilégiée. Par la suite, partagée un moment entre différents propriétaires, entre le XVe et le XVIe s., la forteresse fut remise dans son entier à Battista Visconti dit Comparino, camérier ducal de la cour de Ludovic le More (14801499) et grand amateur d’art. En 1510, le fort fut dévasté comme de nombreux autres sur l’axe MilanVarèse, par les troupes helvétiques. Sur son lit de mort, sans héritiers directs Battista légua le
CISLAGO
château (autour de 1524) à ses neveux Cesare et Alfonso, fils de son frère Tebaldo ; le premier fonda la lignée des Visconti de Cislago, qui possédèrent le manoir et le fief jusqu’en 1716. Après l’extinction de cette branche, les biens de Cislago – y compris le titre de comte de Gallarate – passèrent par mariage aux Castelbarco, nobles du Trentin, qui prirent dès lors le nom de Castelbarco Visconti et qui, fin XVIIIe, transformèrent le château en un haut lieu de distraction et de culture. Les héritiers de cette famille sont toujours propriétaires de la forteresse. Construit sur un tout petit relief délimité à l’ouest par le torrent Bozzente (qui coule aujourd’hui sous la place de l’église), le château de Cislago se présente aujourd’hui comme un palais-villa baroque, ornée au nord de fausses tours crénelées. Le seul souvenir du château sont les deux tours XVIIe qui, avec celles du château de Frascarolo d’Induno et les petites tours d’une aile du château de Somma (propriété au XVIIe s. des Visconti de Cislago) témoignent du regain d’intérêt pour les thèmes d’inspiration moyenâgeuse en terre lombarde. Toujours annexé à la propriété du château, l’oratoire de santa Maria Assunta et san Martino, cavalier cher à l’aristocratie, fut doté en 1398 par Maffiolo Visconti et décoré au début du XVe siècle.
Façade du château côté cour, Cislago. Portail d’entrée de la cour du château, Cislago. 109
CHÂTEAU DE JERAGO
COMMUNE : Jerago con Orago (Varèse), loc. Jerago TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti, Bossi ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : résidence privée, accueille des événements Lorsque l’on consulte la documentation médiévale au sujet de Jerago et de son territoire, on rencontre souvent le nom d’une localité dite «mons sancti Jacobi» ou mont San Giacomo. Ce relief, qui existe toujours, se trouve à quelques centaines de mètres du centre du village, en direction de Besnate. C’est à son sommet que se dresse le château des Visconti de Jerago, précédé d’un oratoire roman dédié à saint Jacques dont la colline porte le nom. Peut-être édifiée à l’emplacement d’une structure défensive plus ancienne, la forteresse est dès la seconde moitié du XIIIe s. la proLe château de Jerago vu du nord-ouest.
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priété d’une branche des Visconti qui disposaient également des droits seigneuriaux sur le village d’en bas et les terres limitrophes. Étroitement apparentés aux membres de la lignée qui contrôlaient les nombreux autres châteaux de la région, entre les XIVe et XVe s., les Visconti de Jerago jouèrent un rôle de premier plan dans l’histoire du duché, forts de leur patrimoine corporel mais aussi de leurs relations et de leur prestige. D’importants mariages furent également décisifs pour le succès de la famille. Si au XVe s. cette branche des Visconti semble quelque peu sur le déclin par rapport au reste de la lignée, les noces avec des personnages de premier plan à Milan ont sans nul doute contribué à redorer son blason. Antonia épousa ainsi au début du siècle le comte de Carmagnola, le plus en vue des condottières du duc Filippo Maria Visconti. Mais c’est surtout peu après la moitié du siècle qu’Elisabetta di Gasparino convola avec le puissant secrétaire ducal Cicco Simonetta, lequel,
JERAGO CON ORAGO
étranger aux hautes sphères milanaises, se fit une place dans la haute société de l’époque grâce à son prestigieux mariage avec une Visconti (bien que d’une lignée quelque peu sur le déclin). De son côté, Azzone, frère d’Elisabetta, profita du mariage de sa sœur avec C. Simonetta pour faire une belle carrière dans la magistrature ducale. Après la disgrâce de ce dernier, sa fortune et celle de ses descendants semblent s’être redimensionnées. Bernabò et Gaspare Visconti, fils d’Azzone, se partagèrent l’héritage paternel en 1493, dont le château de Jerago. Cet acte de partage est le premier à faire état officiellement de la structure du complexe. Les bâtiments étaient disposés en U, le côté ouest n’était fermé que par un simple mur. La présence de tours n’est pas mentionnée, pas plus que le corps des communs que l’on voit aujourd’hui, renforcé à l’est par deux petites tours, sur la gauche en arrivant au château par la rue principale. Il est donc très probable que ce second corps de bâtiment remonte à une époque ultérieure à la division de 1493, mais réalisé peu de temps après.
Toujours utilisé, et récemment restauré, le château conserve son aspect simple et sévère, aussi bien à l’extérieur – seulement rythmé par quelques fenêtres, crénelures et éléments en saillie (corbeaux) – que dans la cour interne, bien que celle-ci ait été remaniée pour conférer une allure plus résidentielle à l’édifice. Au-dessus de la porte d’accès à la cour, on distingue les armoiries de la famille Bossi, devenue propriétaire de la forteresse et titulaire du fief à partir du XVIIIe s. Mais on retrouve les armoiries des Visconti à l’oratoire de San Giacomo, tout proche, dont la visite complète celle du château.
Cour intérieure du château de Jerago, Jerago avec Orago.
L’oratoire de San Giacomo Lié depuis toujours à la forteresse voisine, souvent évoqué par le passé comme «église de San Giacomo in castello», l’oratoire est probablement d’origine romane et remonte peut-être au XIIe s. Il contient des fresques de différentes époques, parfois difficiles à discerner. La série de saints de l’abside – datée de la fin du XIVe s. – surmontée de la représentation d’un Christ en mandorle et des symboles des quatre évangélistes, revêt
un intérêt particulier. Sur les parois latérales, on remarque une Vierge à l’Enfant du XVe s. avec un personnage en train de prier, vraisemblablement un Visconti. À côté figure une inscription dédicatoire avec les armoiries des Visconti. On peut y lire, bien qu’abîmé, le nom de «Guidetus de Vicecomitibus», Guidetto de feu Azzone Visconti, co-seigneur de Jerago attesté jusqu’à la fin des années 1430.
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CHÂTEAU D’ALBIZZATE
COMMUNE : Albizzate (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
La tour d’entrée, au fond à droite, l’un des vestiges du château d’Albizzate.
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On accède à la forteresse depuis la place centrale du village, piazza IV Novembre, en suivant via Roma avant de bifurquer dans via Castello. Après l’entrée réalisée au XVIIIe s. pour enjoliver l’accès à l’espace occupé par le complexe fortifié et ses communs, on franchit quelques cours de service, encore habitées en partie, pour arriver au château-fort proprement dite. On distingue toujours le plan d’origine de la forteresse, un quadrilatère flanqué de tours donnant vers l’est, sur la vallée de l’Arno. Bien visibles, sur la porte d’accès à la cour principale, figurent les armoiries des Visconti mais il reste peu de l’ancien manoir, propriété de la famille jusqu’au XIIIe s. Continuellement remanié jusqu’au siècle dernier, l’édifice a aujourd’hui l’aspect d’une grande villa abandonnée. L’ancien oratoire du château, dont
les fresques représentent l’un des principaux épisodes de la peinture du quatorzième siècle en Lombardie, suscite quant à lui une toute autre impression. La petite église se dresse sur la piazza IV Novembre, à droite de la paroissiale de Sant’Alessandro. Plus éloignée donc de la forteresse qu’à l’accoutumé (comme à Cislago ou à Jerago), elle est toutefois proche des bâtiments de la famille seigneuriale donnant sur la place, comme l’hôtel de ville actuel. Bâti après la moitié du XIVe s., l’oratoire présente aujourd’hui une façade presque vierge, qui était toutefois décorée de saints et des armoiries des Visconti au-dessus de l’oculus jusqu’au XVIIe s. Il est en effet attesté que l’on doit sa fondation à un membre de la famille, peut-être à un certain Pietro Visconti dont on ne sait pas grand-chose ; faute de preuves documentaires suffisantes, on s’en remet à cette tradition consolidée. Selon les dernières études, les fresques qui recouvrent entièrement l’intérieur de l’église ont sans nul doute été commandées par les Visconti et remontent à quelques années seulement après 1385. On y distingue en effet les “vouivres” de la lignée, situées à la base de l’arc du fond. Des prophètes sont représentés dans les panaches de ce même arc et, à la hauteur de la cuvette de l’abside, figure un grand Christ bénissant, accompagné des symboles des quatre évangélistes ; au-dessous on reconnaît les douze apôtres, datant peut-être du XVe s. Les murs latéraux relatent des épisodes de la vie des deux saints à qui est dédié l’oratoire. Les premiers, à partir du premier carré en haut à gauche du mur, retracent les aventures de Jean-Baptiste, depuis l’Apparition de l’archange
ALBIZZATE
Gabriel à Zacharie jusqu’aux événements concernant sa mort et la découverte miraculeuse de sa dépouille. Sur le mur de droite, on découvre l’Histoire de saint Louis de Toulouse, fils du roi de Naples Charles d’Anjou, qui renonça en 1296 à tous ses biens et au trône par amour pour les pauvres et se fit franciscain. On ignore qui a peint ces fresques mais la présence sur le chantier de plusieurs artistes, de niveau et de culture différents, est attestée. Comme le suggèrent des études récentes, on suppose qu’un atelier de peintres a officié à Albizzate,
constitué d’un maître et de ses assistants, ou même de deux ateliers au style différent qui ont peint respectivement la vie de saint Jean et celle de saint Louis. Longtemps laissé à l’abandon, l’oratoire était jusqu’en 1925 en état de «destruction», utilisé comme «grenette, dépôt de feuillages et grange» comme l’indiquent des écrits inquiets de l’époque. A certains endroits très dégradés par l’humidité, les fresques – ainsi que tout l’édifice – ont été restaurés récemment, les derniers travaux s’étant achevés en 2000.
Un vol dans l’église à la fin du XVe s. Peintre lombard, Saint JeanBaptiste apparaît par miracle aux deux moines, après 1385. Albizzate, oratoire des Visconti.
Bâtir un oratoire comme celui des Visconti d’Albizzate et garantir que l’on y célèbre des messes régulièrement étaient, au Moyen Age, deux choses bien différentes. Pour avoir un prêtre à demeure dans une église, il fallait en effet constituer un “bénéfice”, c’est-àdire un patrimoine réservé à entretenir le prêtre chargé des célébrations. C’est ce qui manqua longtemps à l’oratoire dédié à saint Jean-Baptiste et saint Louis qui, en 1455, à l’occasion d’une visite pastorale, fut décrété «sans aucune valeur», c’est-à-dire sans bénéfice et donc sans chapelain y disant la messe régulièrement. En 1471, deux Visconti de la branche d’Albizzate, les frères Aloisio et Franchino, remédièrent à cette situation en affectant des biens à l’entretien du curé qui
devait officier régulièrement dans “leur” oratoire. Très rapidement cependant, le “nouveau” chapelain et le recteur de l’église paroissiale voisine de Sant’Alessandro – soudain en présence d’un “concurrent” – entrèrent en conflit. Des actes rédigés par-devant un notaire de Gallarate par différents habitants d’Albizzate en apportent un témoignage éloquent en 1480. Appelés à déposer au sujet des faits survenus au dernier Noël, tous indiquent que Pietro Vismara, chapelain de l’oratoire, avait ce jour-là célébré la messe devant de nombreux fidèles. Et, ajoutent-ils, il avait pour l’occasion fait une quête importante auprès des fidèles, recueillant une somme importante destinée à compléter ses revenus. Cependant, alors que Pietro Vismara officiait encore, le prêtre Gaspare de Mirano, recteur de Sant’Alessandro, s’était précipité dans l’oratoire et, devant tous les paroissiens, «accepit oblationem pecunie», il avait tout simplement dérobé les aumônes destinées à son “rival”. 113
CHÂTEAU DE CASTELLETTO COMMUNE : Castelletto sopra Ticino (Novara) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : résidence privée
Façade du château de Castelletto.
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Peu distante du village, dominant le fleuve Ticino, Castelletto demeure l’une des forteresses les mieux conservées bâties entre Milan et le lac Majeur vers la fin du Moyen Age et appartenant à la lignée des Visconti.
Antérieure à son rachat par les Visconti, elle est toutefois à l’origine de l’ensemble du château. Lorsqu’elle est mentionnée pour la première fois (en 1145), cette fortification est en effet attestée parmi les biens d’une des plus grandes familles seigneuriales de la région de Novare, les Da Castello, alors que les premiers témoignages, incertains, de la présence de Visconti sur place ne remontent qu’au siècle suivant. Il est notamment fait état, à partir de 1236, d’intérêts d’Otton Visconti sur Castelletto, descendant de la lignée de la seigneurie de Massino, dans le Vergante, tandis
CASTELLETTO SOPRA TICINO
qu’à la fin du même siècle un certain Uberto Visconti semble désormais résider au château et disposer d’un «domaine» non précisé sur le village. Le personnage d’Uberto, précédemment identifié comme un frère de Matteo Visconti, seigneur de Milan au début du XIVe s., est peut-être Uberto de feu Ruggero, neveu d’Otton Visconti cité en 1236 au sujet de Castelletto. Bien que l’absence de documentation ne permette pas de trancher cette question, il est certain qu’Uberto a engendré la branche des Visconti dite plus tard de Castelletto et qui, en 1329, s’est vu confirmer la seigneurie sur les lieux par un décret impérial, après que les terres et le château avaient été occupés brièvement par des membres de la maison rivale, les Della Torre. Enrichis par la perception de taxes sur toutes les marchandises transitant sur le fleuve, la partie la plus rentable du contrôle de Castelletto et de sa forteresse, les Visconti de Castelletto ont connu l’apogée de leur splendeur au début du XVe s., du temps d’Alberto, arrière petit-fils d’Uberto, et de ses fils Lancillotto et Ermes. À la seigneurie sur Castelletto s’ajouta alors le contrôle sur des villages avoisinants (Sesto Calende, Angera, Lisanza, Borgo Ticino, Pombia, Varallo Pombia, Invorio Superiore et Paruzzaro), constituant ainsi un domaine compact sur le bas Verbano sans oublier la seigneurie plus éloignée sur Ornavasso. Les décennies suivantes furent moins prospères, marquées par le déclin de cette puissante famille dû à la perte de terres importantes, à la concurrence d’autres branches de Visconti et à l’émer-
gence de nouvelles familles seigneuriales, comme les Borromeo. À cela s’ajoutèrent les partages de biens et de droits concernant d’abord Ermes puis Lancillotto et enfin leur nombreuse descendance. L’un de ces partages, concernant le château, fournit toutefois les premières informations sur l’aspect primitif de la forteresse. À cette époque (1416) elle avait apparemment déjà la forme de quadrilatère compact, dominé par des tours d’angle, que nous lui connaissons aujourd’hui. Remanié aux siècles suivants, notamment son aile ouest qui a été aménagée en demeure seigneuriale, le manoir est resté aux mains des Visconti jusqu’au début du vingtième siècle et c’est toujours une propriété privée.
Bonifacio Bembo, Le Monde (deniers), Tarots des Visconti, 1445 environ, détail. New Haven, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University. Les Visconti de Castelletto s’enrichirent en percevant des droits de passage sur le fleuve Ticino.
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FORTERESSE BORROMEO
COMMUNE : Angera (Varèse) TYPE : forteresse, château seigneurial FAMILLE : Visconti, Borromeo ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, accueille le Musée de la poupée et du jouet
A l’endroit où le bassin sud du Verbano se resserre en une dernière anse, sur un éperon rocheux dolomitique de couleur rosée, se dresse la forteresse d’Angera. Important dès l’époque impériale romaine, le bourg (encore appelé Stazzona à la fin du XIIe s.) a joué un rôle important dès le Haut Vue du château-fort Borromeo d’Angera.
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Moyen Age dans le commerce lacustre et la défense des voies de communication entre les Alpes et la plaine. Cependant, le peu de documentation disponible ne permet pas de fixer la date de construction du cœur du château actuel, de même que l’on ignore à quel moment la forteresse fut remise à la mense archiépiscopale de Milan. En effet, si les forteresses voisines de Travaglia et Brebbia étaient passées aux mains de l’archevêché, une première indication en ce sens pour Angera – coïncidant avec la toute première mention du château – ne remonte qu’à 1066, lorsque le manoir était tenu par une femme, Oliva, nièce de l’archevêque Guido da Velate. Il est impossible d’établir si Guido
ANGERA
a vraiment été le premier des prélats milanais à contrôler la forteresse. Par contre, il est certain que ses successeurs à la chaire de saint Ambroise ont veillé jalousement sur la forteresse pendant près de trois siècles, lui conférant une position privilégiée parmi les fortifications qu’ils détenaient. Autour de la moitié du XIIIe s. la forteresse servit notamment de refuge à l’archevêque Leone da Perego, chef de file de la faction nobiliaire milanaise, plusieurs fois contraint de fuir Milan désormais gouvernée par les Torriani. Après la victoire des Visconti sur ces derniers, la forteresse entama un nouveau chapitre de son histoire et finit par passer – comme bien d’autres propriétés de la mense archiépiscopale – aux mains des nouveaux seigneurs de Milan. La considérant comme le berceau de leur famille, ils l’embellirent de magnifiques fresques, que l’on peut toujours admirer, relatant la victoire sur les rivaux Della Torre du fondateur de la lignée, Otton. Longtemps privé de justification légale, le passage d’Angera et de la forteresse aux mains de la dynastie ne fut officialisé qu’en 1384, lorsque l’opposant au pape avignonnais Clément VII céda le château à Caterina Visconti, fille de Bernabò et épouse de Gian Galeazzo. En 1397, Angera fut élevé au rang de comté, apanage des seigneurs de Milan, par décret impérial mais les bouleversements politiques milanais qui suivirent la mort de Gian Galeazzo (1402) érodèrent peu à peu l’influence directe des ducs sur le village lacustre. Cela avantagea dans un premier temps Gaspare Visconti d’Uberto, puissant comte de la ville voisine d’Arone et cousin éloigné des ducs, qui obtint les droits sur le bourg et peut-être même sur son
château. En 1439, le duc Filippo Maria, bien décidé à briser la suprématie des descendants de Gaspare sur le bassin sud du Verbano, céda cependant Arone à son trésorier Vitaliano Borromeo, descendant de richissimes marchands et banquiers padouans et toscans. Et dix ans plus tard, en 1449, le nouveau comte d’Arone réussit à acquérir pour 12 800 lires la juridiction d’Angera qui fit dès lors partie intégrante du petit “Etat” que les Borromeo construisaient sur le lac Majeur. A partir de la moitié du XVe s. – sauf pendant la courte période où Angera repassa sous contrôle ducal (1497) – le château demeura jusqu’à aujourd’hui la propriété des Borromeo. On distingue la silhouette reconnaissable entre toutes de la forteresse depuis les collines autour de Varèse, Vergante et toute la partie sud du lac Majeur. Depuis le bourg, on remonte une route étroite derrière le village jusqu’au sommet de la colline, défendue des
Maître d’Angera, Otton Visconti capturant Napo Della Torre, 1280 environ, détail. Angera, Rocca Borromeo, sala della Giustizia.
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Le mur d’enceinte de la forteresse, Angera. Au fond, la tour du château.
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deux côtés les plus moins escarpés par une vaste enceinte fortifiée. Dès le parking en terre battue qui termine la montée, on aperçoit immédiatement la grande tour centrale du XIIIe s. en pierre d’Angera, avec ses créneaux guelfes et un toit en fausses tuiles, noyau dur de la forteresse. Elle se dressait autrefois à l’écart, au sommet de la colline, accompagnée uniquement d’une tour plus petite et plus ancienne dont on voit les vestiges en montant vers l’accès actuel : un grand mur de pierres (qui clôt actuellement l’aile improprement qualifiée de “scaligera”, de la famille Della Scala) délimité par de gros blocs carrés sur les côtés et marqué par une fenêtre à une seule ouverture murée. Après avoir franchi la première petite tour (où se trouve la billetterie) et longé la haute muraille qui délimite la cour interne côté est, on découvre la tour d’accès inclinée à cause de l’affaissement d’une
structure plus large et plus basse qui, effondrée à l’est, a ensuite été rehaussée et reconstruite en suivant le relief de la colline. Un arc en ogive avec une sarrasine et une porte conduit à la première courterrasse d’où l’on aperçoit le lac et le bourg. Face à l’entrée s’élève l’élégante tour commandée par l’archevêque et seigneur de Milan, Giovanni Visconti (1339-1354), ajoutée au milieu du XIVe s. ; sous ce corps de bâtiment se trouve l’accès au jardin et à l’église de San Bartolomeo. Au nord, l’espace est clos par une aile bâtie début XIVe pour délimiter la cour interne : relevée d’un étage et reliée à la tour de Giovanni vers la moitié du même siècle, elle fut remodelée autour de 1550 pour réaliser les ouvertures architravées actuelles, en remplacement des ouverture d’origine en arc, et éclairer ainsi les salles de réception des Borromeo. Une seconde porte en arc en ogive conduit à la cour interne, marquée par un fort dénivelé et desservie par une rampe coudée. Elle s’ouvre sur (de droite à gauche) : le corps de service adossé à la muraille est qui contient l’ancien pressoir, l’aile “scaligera” (la plus abîmée) face à l’entrée, la tour maîtresse (en angle) avec l’aile d’Otton adjacente en pierre d’Angera carrée, l’accès réalisé au XVIe s. par les Borromeo, avec son beau portique, toujours en pierre rosée locale. Dans la cour, l’aile la plus ancienne est celle baptisée “scaligera”, édifiée autour de 1250 entre les deux tours les plus anciennes et sans doute le vestige d’un petit palais voulu par Leone da Perego. Les superpositions de différentes ouvertures entravent la lecture de l’ensemble qui fut utilisé pendant des années comme annexe avant d’être abandonné par les Borromeo qui habitaient l’aile côté lac. Le
ANGERA
bâtiment d’origine comptait certainement trois niveaux (sous-sol compris) et présentait une succession de fenêtres jumelées au premier étage, peut-être desservies par une galerie à laquelle on accédait par un escalier externe. Cette aile a été remaniée vers 1370, notamment à l’intérieur, et porte les armoiries de Bernabò Visconti et Regina della Scala : cette décoration lui a valu son nom actuel de “scaligera” (de la famille Della Scala). Le corps de bâtiment n’a été relié que plus tard à la tour maîtresse par la construction d’une citerne. L’édification de la tour “ottoniana” (d’Otton) devrait quant à elle remonter à la fin du XIIIe s. Véritable chef-d’œuvre de l’architecture résidentielle de l’époque, entièrement en pierre locale équarrie et polie, sa façade compte d’étroites fenêtres ébrasées au rez-de-chaussée et d’élégantes fenêtres jumelées à l’étage. Ce bâtiment abritait autrefois deux espaces : une pièce au rez-de-chaussée délimitée par des colonnes octogonales centrales – séparée en deux et utilisée en partie comme cuisine – et un grand
salon à l’étage avec des voûtes d’arête sur des arcs en ogive, séparée en deux travées. Le corps de bâtiment avait été adossé à l’ancien donjon, fermant ainsi l’accès d’origine à la tour ; on accédait certainement au salon du haut par des escaliers extérieurs, aujourd’hui disparus et qui longeaient autrefois le mur de la cour. L’aile “borromaica” (des Borromeo), appuyée contre l’aile du XIVe s. et bâtie pour fermer la cour centrale côté lac, fut édifiée autour de 1550. Sur les grands arcs des portiques figure la devise HUMILITAS accompagnée d’autres emblèmes de famille. Des escaliers d’honneurs à double révolution furent construits dans ce corps de bâtiment qui desservent toujours l’étage supérieur. Grâce à cet ajout, les Borromeo ont créé un nouvel accès au salon d’Otton et redéfini l’agencement des pièces. Portiques, grand escalier, galerie dominant les portiques et salon (face au lac) correspondent aux volumes et aux espaces caractéristiques du corps central des palais et villas de Lombardie.
Une pierre pour le duché La roche dolomitique du promontoire d’Angera était très appréciée au Moyen Age et à la Renaissance dans tout le duché milanais. La terre lombarde n’est pas très généreuse en pierres de qualité permettant de bâtir des édifices somptueux, raison pour laquelle ses châteaux (y compris ducaux) sont généralement construits en pierres de peu de valeur ou en briques cuites. Toutefois, certains éléments décoratifs de forteresses milanaises mais aussi d’églises et de palais, sont souvent réalisés dans la belle
pierre d’Angera dont les nuances chromatiques virent du blanc cassé au rosé en passant par un jaune pâle. Si l’ensemble du donjon et l’aile “viscontea” d’Angera ont été bâtis avec cette pierre, il est intéressant, en visitant d’autres châteaux, de s’exercer à dénicher les nombreux détails (chapiteaux, colonnettes, clefs-de-voûte ou encadrements d’arcs et de fenêtres) réalisés dans ce précieux matériau. L’aile “Visconti” de la forteresse Borromeo, Angera.
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Les origines des Visconti ou comment “s’inventer” un passé Autour, peut-être, des années 1420, alors que Matteo Magno consolidait son pouvoir, un auteur anonyme rédigea un texte connu aujourd’hui comme Chronica Danielis de Comitibus Angleriae. Une légende naissante attribuait à Angera-Stazzona un passé prestigieux de cité romaine et retraçait la généalogie des comtes d’Angera, futurs rois d’Italie et ancêtres des Visconti. Peu après, le frère dominicain et chroniqueur milanais Galvano Fiamma a repris le mythe de la fondation d’Angera, établissant même un parallèle avec Rome : le fondateur de la nouvelle cité et créateur de la dynastie des comtes aurait été un certain Anglo (ou Angelo), Troyen et compagnon d’Enée lors de ses pérégrinations en Italie. En 1397, fort de ces origines mythifiées, le nouveau duc Gian Galeazzo obtint de l’empereur
le titre comtal pour Angera et, dès lors, les Visconti s’intitulèrent ducs de Milan, comtes de Pavie et comtes d’Angera, en tentant en outre de faire du bourg le cœur du système administratif du lac. Giorgio Merula et d’autres historiographes des Sforza ont magnifié la légende d’Angera en prétendant qu’Anglo aurait été le fils d’Ascagne, lui-même fils d’Enée et frère de Iule (fondateur de la famille impériale des Julien, gens Julia en latin) : la légende était née et les Visconti-Sforza, “descendants” des anciens empereurs romains affirmèrent ainsi leur prédominance absolue sur les familles italiennes. La tentative d’élever le petit village lacustre d’Angera au rang de cité (que l’on doit à Ludovic Le More en 1497) fut la dernière étape de ce processus de mythification de la dynastie.
La visite intérieure s’articule deux volets : le Musée de la poupée et du jouet – qui recèle une importante et passionnante collection, venant en partie de la famille puis complétée au fil des siècles par les cadeaux offerts aux petits princes Borromeo – occupe tout le rez-dechaussée et le sous-sol tandis que l’étage supérieur est consacré à la visite des appartements historiques. S’il respire encore l’atmosphère mondaine des salles du XVIe s. tout en observant les fresques du XVe ramenées du palais Borromeo de Santa Maria Podone, le visiteur fait un véritable bond dans le temps en découvrant les pièces de la tour de Giovanni Visconti et le salon de la Justice. Deux pièces du deuxième étage de la tour “viscontea” conservent en effet des traces de l’ancienne décoration du quator120
zième siècle portant les initiales de l’archevêque. La surprise vient cependant du salon de l’aile “ottoniana” orné d’une série exceptionnelle de peintures relatant comment Otton Visconti devint seigneur de Milan. On y accède par l’escalier d’honneur puis en tournant à gauche. Entre les voûtes en croisée d’ogives, une décoration géométrique déploie la vivacité de sa palette d’ocres, de rouges, de bleus et de verts tandis que sur les murs se succèdent les fresques retraçant les événements heureux de la vie d’Otton. Œuvre d’un anonyme, appelé maître d’Angera de manière conventionnelle, ces fresques ne sont pas datées précisément mais leur chronologie oscille entre la fin du XIIIe s. et les deux premières décennies du XIVe s. Ces peintures ont peut-être été inspirées par une chronique élo-
ANGERA
gieuse en vers de la même époque rédigée par le frère dominicain Stefanardo da Vimercate. Sur le mur de droite de l’entrée, la représentation – aujourd’hui complètement détruite – de la bataille de Desio (21 janvier 1277), événement qui consacra la victoire des Visconti sur les Torriani, occupait un emplacement de choix. Sur le mur d’entrée figurent, bien conservées, les scènes suivantes de la bataille : la capture et le pardon de Napo Torrini puis les Torriani battus emmenés en prison. Sur le mur de gauche, plusieurs panneaux relatent en dernier lieu les évènements liés à l’entrée solennelle d’Otton à Milan. Reconnaissable dans toutes les scènes, l’archevêque est présenté comme un vainqueur clément, un pacificateur plus soucieux du bien commun de la ville que de ses propres intérêts ; on remarque en effet qu’il ne porte jamais d’armes. Au-dessus du bandeau central consacré aux hauts-faits d’Otton, dans une sorte de frise de couronnement, se succèdent les signes du zodiaque avec leur maison astrologique. Sur le mur face à l’entrée, on distingue les vestiges de deux personnages féminins : une dame assise sur une roue qui écrase un homme et une reine vêtue de blanc sur un trône. Il s’agit vraisemblablement des représentations allégoriques de la Fortune et de la Vertu, signe que le peintre anonyme semble s’être approprié non seulement le récit des faits mais aussi la conclusion moralisante du petit poème de Stefanardo da Vimercate qui s’achève par un petit hymne à la chance qui tourne. La salle d’Angera relate d’une part un fait fondamental dans l’histoire de la famille Visconti – célébrée par ailleurs dans une autre salle perdue du château à travers une série de
portraits de membres illustres de la lignée – et souligne la grandeur de l’archevêque Otton et, d’autre part, le hasard des événements (indiqué par les astres) qui dominent la chance changeante des puissants : là où un Torriani perd, un Visconti gagne mais rien ne dit que la chance ne va pas tourner. Lors de la visite du château d’Angera, il faut impérativement gravir les escaliers qui de la salle de la Justice conduisent à la tour maîtresse. Depuis les pièces de la tour et les terrasses qui les surmontent, au fil d’escaliers neufs et anciens, à travers les fenêtres “gothiquisantes” et les meurtrières ébrasées, la vue qui embrasse le lac, les collines autour de Varèse, le cours du Ticino et les Alpes est en effet à couper le souffle.
Salle de la Justice du château-fort Borromeo, Angera.
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TOUR VISCONTEA
CHATEAU VISCONTEO COMMUNE : Invorio (Novara) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti, Visconti d’Aragona, Ferrari Ardicini ETAT DE CONSERVATION : vestige historique, tour partiellement intacte USAGE ACTUEL : monument (propriété privée)
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Le premier témoignage d’une fortification à Invorio Inferiore remonte au XIe s. tandis que la présence d’un château sur la colline d’Invorio Superiore est attestée plus ou moins à la même époque. Ce dernier ensemble (peut-être le plus ancien) n’a survécu que brièvement et dès le XIIe s. la forteresse, à l’emplacement du sanctuaire actuel de la Madonna di Castello – était déjà à l’abandon. A partir du XIIe s., les deux forts étaient sous le contrôle des comtes de Biandrate. Après avoir cédé prématurément le manoir d’Invorio Superiore à l’abbaye de Cluny (avant 1184), les comtes se focalisèrent sur Invorio Inferiore. Au début du XIIIe s., grâce à son emplacement stratégique, le château suscita la convoitise de la commune de Novare – alors en expansion vers le Verbano et la région du lac d’Orta – qui étendit son influence sur le village. La tentative des comtes de Biandrate de récupérer le château se solda par un échec et, entre 1223 et 1232, une série d’accords scellèrent le passage définitif d’Invorio sous la juridiction de Novare. C’est justement dans ces traités de paix qu’est attestée la présence de l’agnation des Visconti à Invorio et dans le Vergante : la commune de Novare s’y est en effet engagée à respecter les droits des Visconti (peut-être anciens vassaux comtaux des comtes de Biandrate) sur ces terres. Entre 1356 et 1358, gravement endommagé lors du conflit qui opposa les Visconti au marquis de Monferrato, le château d’Invorio Inferiore perdit une partie de ses structures défensives sans être abandonné pour autant. Le site de l’ancien fort a continué à accueillir, serrées les unes contre les autres, les demeures des nombreux membres de la lignée Visconti, qui résidaient ici de manière plus ou
INVORIO
Vue de la tour Visconti à Invorio.
L’entrée de la tour avec les emblèmes des Visconti, Invorio.
moins fixe. Différentes branches de la lignée, dont certaines étaient titulaires d’autres châteaux et juridictions, exerçaient sur les lieux une seigneurie de fait, sans fondement légal précis. Parmi ces Visconti, les seigneurs de Castelletto Ticino, les frères Lancillotto et Ermes, obtinrent en 1413 des ducs de Milan l’inféodation légitime sur Invorio Superiore, avec Ornavasso, Borgo Ticino, Varallo Pombia et Pombia di Vergante, tout en continuant à étendre de manière informelle, en condominium avec d’autres agnats, leur influence sur Invorio Inferiore, Paruzzaro, Oleggio Castello, Montrignasco, Castelletto Ticino et Lisanza. Au XVe s., le plus célèbre condominium d’Invorio Inferiore était justement un Visconti de Castelletto : Alberto, fils aîné de Lancillotto. Ce Visconti, condottière habile et cul-
tivé, fit une belle carrière dans l’armée et, après avoir combattu pour le roi de Naples, obtint le privilège d’adjoindre le nom d’Aragona à son patronyme. Bien que, au XVe s., le cœur des domaines des Visconti d’Aragona restait le manoir de Castelletto Ticino, il revenait à Alberto et ses enfants, comme en atteste un document de 1510, une “maison” au château d’Invorio. Les Visconti, résidant habituellement à Milan près du château Sforzesco, destinèrent probablement cette habitation à leurs loisirs champêtres. Farouchement pro-Sforza, entre les condamnations, les confiscations et les engagements militaires, les enfants d’Alberto profitèrent bien peu de la quiétude d’Invorio. Anchise participa activement à toutes les étapes des guerres d’Italie tandis qu’en 1519 Ermes Costanzo paya de sa vie – par décapita123
Les frises d’Invorio : portraits des ducs Visconti et Sforza Peintre milanais, Les ducs de Milan Francesco et Galeazzo Maria Sforza, 1495 environ. Verbania Pallanza, Museo del Paesaggio.
tures ont vraisemblablement été commandées par la famille Visconti, notamment par Alberto et ses fils. Il n’est pas impossible que les autres portraits conservés à Invorio Inferiore dans la maison Rusca, d’où la frise a été prélevée (en 1919 environ), aient eux aussi été commandés par la famille d’Alberto et qu’ils soient à son effigie. Ces portraits familiaux, en contrepoint des représentations officielles des ducs, s’inscrivent parfaitement parmi les portraits – vrais ou fantaisistes – qui décoraient les frises dans les châteaux et les palais du duché (voir notamment le cycle Botta à Castelletto di Branduzzo) ou les tablettes des plafonds.
Le Musée du paysage de Verbania conserve ce qu’il reste de la principale collection de peinture profane du Vergante : la frise avec les portraits des ducs de Milan provenant d’une loggia des maisons Visconti d’Invorio Inferiore. Dans un faux entablement se détachent sur un fond rouge les portraits officiels de Gian Galeazzo et Filippo Maria Visconti, suivis de ceux de Francesco Sforza, Galeazzo Maria, Gian Galeazzo et Ludovic le More. Ces médaillons sont soutenus par des créatures monstrueuses (centaures, harpies, sirènes) armées d’arcs, de flèches, de cornes d’abondance et de vielles. Ces fresques d’assez belle facture ne sont pas en excellent état de conservation. Le peint doit avoir été très au fait des initiatives artistiques de la cour des Sforza réalisées à Vigevano ou à Milan au cours de la dernière décennie du XVe siècle. Ces pein-
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INVORIO
tion – ses positions hostiles aux Français. Bien qu’Oleggio fût leur résidence féodale privilégiée (dans le manoir remanié au XIXe s. en style gothique), les descendants d’Ermes Costanzo continuèrent d’entretenir les biens d’Invorio. En 1742, un Visconti d’Aragona, prénommé Alberto comme son célèbre aïeul, obtient le titre de marquis d’Invorio, concentrant ainsi sur sa personne – par mariage et héritage maternel – tout le patrimoine de la lignée. Au XIXe s., à la mort d’un énième Alberto Visconti d’Aragona (1896), cette branche de l’agnation s’éteignit et les châteaux et biens conservés pendant des siècles par la famille furent définitivement dispersés. En se promenant dans le centre ville d’Invorio Inferiore, on voit aujourd’hui encore l’aire des anciennes fortifications sur le tracé concentrique de via Martinoli, via XX Settembre et via Curioni. Ces rues serpentent autour du sommet du relief, aujourd’hui transformé en jardin étagé, où se trouvait autrefois le château. Au sommet de la colline, entre des arbres centenaires, se dresse la tour en pierre du XIIIe s. (17 m de haut environ avec des blocs équarris aux angles), couronnée d’un crénelage gibelin peut-être postiche. L’entrée du donjon se trouve à près de 4 m du sol, marqué par une ouverture délimitée par des blocs en serizzo ouvragés. Autour de la tour, on distingue les vestiges d’une cour donnant sur des édifices simples, en pierres, peut-être du XIVe siècle. Sur la porte d’accès à la tour, une plaque en marbre (ajout romantique vraisemblablement du XIXe s.) rappelle, selon une tradition populaire, la captivité quasi légendaire de Margherita Visconti Pusterla à Invorio. Très belle, fille d’un Visconti et épouse d’un Pusterla, elle fut impliquée par son mari
dans le complot contre Luchino Visconti. Au bas de la colline, une série de maisons et une villa dix-septième marquent l’extension de la propriété des Visconti au pied du fort. L’entrée actuelle de l’ancienne villa des Visconti d’Aragona se trouve au numéro 3 de la via XX Settembre mais c’est à travers la grande arche donnant sur via Martinoli (au n° 18) que l’on devait accéder autrefois au château. En montant de la piazza Matteotti (enjolivée par la présence de l’ancienne église de Santa Marta) par la rue raide, on admire une échappée sur un corps de bâtiment massif, orné de la vouivre des Visconti au-dessus de la porte et surmonté de la tour en pierres élancée. Cette vue ne restitue que partiellement la majesté d’origine de l’ensemble. Autrefois bordée d’une décoration et portant toujours un écusson en marbre, la porte conduit de nos jour à une cour anonyme (on remarquera toutefois les vestiges de mâchicoulis à l’entrée) sans solution de continuité avec la tour de derrière et les autres maisons au sud du manoir. On imagine toutefois que l’espace entre ces habitations (aujourd’hui réparti en quatre cours au moins) devait constituer une vaste esplanade sur laquelle donnaient également les maisons accessibles aujourd’hui uniquement depuis le vicolo Pusterla. Cette ruelle permet d’ailleurs d’observer de plus près la tour et les corps de bâtiment voisins. Au bout de la ruelle, la maison juste sous la tour (appelée aujourd’hui “casa Rusca”) conservait sur la loggia de l’étage supérieur la frise avec les portraits ducaux et garde toujours dans une salle du rez-de-chaussée une série de portraits en médaillons (clipeus) ainsi que d’autres traces de décoration : écussons à serpents, pavillons pourprés et un bouffon “parlant”, gardien de l’entrée. 125
CHÂTEAU DES VISCONTI DE SAN VITO
COMMUNE : Massino Visconti (Novara) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Visconti, Visconti di Massino, Visconti d’Aragona, Palestrini, Chiossi, Visconti di San Vito ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument (propriété privée), accueille des événements
La tour centrale du château de Massino Visconti.
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Au cœur du Vergante, sur une corniche descendant vers le lac Majeur, s’étend l’une des terres les plus anciennes des Visconti, le village de Massino. Il domine le port de Lesa mais la vue embrasse toute la rive lombarde jusqu’aux forteresses d’Arone, Angera, Lisanza, Brebbia, au château de Besozzo, à celui d’Orino et à l’ancien fortin de Santa Maria del Monte au-dessus de Varese. La première mention de l’existence à cet endroit d’un curtis for-
tifié remonte à la moitié du IXe s. lorsque Massino devint l’apanage de la reine Engelberg, épouse de Lothaire II. Le village fut ensuite donné au monastère de San Sisto à Plaisance puis (par l’évêque de Vercelli) au monastère de SaintGall. C’est à ce dernier que le curtis lacustre fut rattaché au cours du Xe s. et il faut attendre 1134 pour établir un premier lien entre les Visconti et Massino. C’est en effet à cette date qu’un certain Guido Visconti, fils d’Otton, fut investi par les moines de Saint-Gall des droits féodaux sur le village et obtint peu après la confirmation de l’empereur Conrad III. L’enceinte fortifiée du village de Massino englobait à cette époque la paroisse de San Michele mais un château allait rapidement voir le jour sur une hauteur au sud du village, près de l’église de Santa Maria. Il fut cependant détruit par le seigneur de Milan lui-même, Galeazzo II Visconti (1354-1378), probablement autour de 1358, et ce n’est qu’au cours des années suivantes que d’autres membres de la lignée entreprirent la construction d’un nouveau fort juste au pied de l’église. Peut-être géré à l’origine (comme cela était le cas à Invorio) par une seigneurie multiple d’agnats Visconti, le manoir échut définitivement aux Visconti dits de Massino au XVIe s. et leur resta jusqu’au XIXe s., époque à laquelle le bâtiment passa de mains en mains avant de finir toutefois par retomber dans le giron des Visconti, signe de la volonté des différentes lignées d’exercer une sorte de droit de rachat sur le château considéré comme le berceau de la dynastie. En 1823, après l’extinction de la lignée de Massino, il passa par voie d’héritage aux Visconti d’Aragona. Revendu quarante ans plus tard par le dernier des Visconti d’Ara-
MASSINO VISCONTI
gona, après différents changements de propriétaire, le château fut acheté par les Visconti de San Vito. Une partie des meubles et les archives des Visconti d’Aragona, conservées ici pendant un moment, furent transportés au château de Somma Lombardo. En arrivant à Massino Visconti par la sortie d’autoroute de Meina, après avoir franchi les villages de Pisano et Nebbiuno et pris obligatoirement via Vittorio Emanuele, le visiteur se trouve devant l’imposante masse de pierres du château. Une large volée de marches arborée divise et dessert le château-fort et l’église de Santa Maria. Celle-ci contient les pierres tombales des Visconti scellées dans le mur nord tandis que la chapelle de Sant’Agnese (sainte particulièrement chère à la maison Visconti) conserve une série intéressante de fresques du tout début du XIVe s., commanditée par la famille, à voir absolument. Trois tours du château ont survécu au temps dont deux autour de la porte sud, peut-être l’entrée d’origine, surmontée de la fameuse vouivre en pierre d’Angera. Le donjon se trouvait certainement dans la tour centrale de l’ensemble (qui porte toutefois la date de 1555). Il est flanqué d’un corps d’habitation en U avec une cour étagée vers le bourg : on aperçoit de côté la “parlera”, une logette en saillie destinée à la lecture des avis officiels. On accède à la cour intérieure à travers un arc gothique et un large vestibule magnifiquement décoré de fresques du XVIIe s. représentant une succession ininterrompue de décorations héraldiques (jolies vouivres sur les mâts des vaisseaux sillonnant le Verbano). Le long corps de bâtiment donnant sur le jardin étagé présente manifestement la forme d’une villa XVIIe mais conserve des vestiges d’ouver-
tures cintrées aux encadrements d’esprit gothique en terre-cuite. La maçonnerie en pierre du château – semblable à celle d’Orino, Lisanza, Invorio et en partie d’Angera mais aussi caractéristique des châteaux de Vogogna, Locarno et Bellinzone – de même que l’allure générale des maisons du village rappellent l’architecture alpine, notamment de la vallée d’Ossola et du Tessin. Le pâté de maisons au pied du château et de l’église, côté montagne, conserve certaines demeures agrémentées de chapiteaux portant l’emblème des Visconti.
Frises décoratives, XVIIe s. Massino Visconti, château des Visconti de San Vito, entrée. Terrasses du jardin du château, Massino Visconti.
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PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 5
Aux confins du duché Entre les châteaux et le bourg de Bellinzone BELLINZONE
Les troupes confédérées assiègent Bellinzone en décembre 1478, in Cronaca lucernese de Diebold Schilling le Jeune, 1513. Lucerne, Korporationsgemeinde der Stadt Luzern.
Bellinzone compte trois châteaux, inscrits depuis 2000 au Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco avec l’ensemble du système de défense de la ville. À l’ouest, sur un éperon rocheux planté au milieu de la plaine, se dresse la forteresse de Castelgrande reliée à la longue muraille qui descend vers le fleuve Tessin (Ticino en italien). En poursuivant vers l’ouest, on rencontre ensuite le château-fort de Montebello puis, plus en hauteur, le château de Sasso Corbaro. Entre Castelgrande et Montebello s’étend le bourg médiéval de Bellinzone, protégé par le mur d’enceinte relié à deux donjons qui constitue une ligne fortifiée unique barrant de part en part le passage du nord au sud. Cet ensemble défensif hors du commun, qui suscite toujours l’admiration des visiteurs d’aujourd’hui, faisait également forte impression par le passé si l’on en croit les consuls milanais qui, dès la moitié du XIIIe s., parlaient de Castelgrande comme d’une «forteresse inexpugnable, tant elle était bien défendue par la nature et par l’homme». Cet ensemble fortifié, qui a commencé à se structurer autour de Castelgrande à partir du XIe s., offrait au moment où Bellinzone est passée sous la domination des cantons d’Uri, Schwyz et Unterwalden (1500) à peu près la même physionomie que maintenant, résultat d’initiatives remontant pour l’essentiel à la période où le bourg était assujetti au duché de Milan. Ayant intégré l’Etat de Milan en 1340, Bellinzone revêtait en outre une importance stratégique qui ne pouvait échapper aux seigneurs de Milan et lui permettait de contrôler d’importantes voies de communication entre la plaine du Pô et le Nord de l’Europe, gravitant autour des cols du Petit-Saint-Bernard, du Saint-Gotthard, du Lukmanier et du Nufenen. Aussi sa défense fut-elle l’objet de l’attention constante des ducs, attention qui devait se traduire, notamment au XVe s., par une activité intense de construction destinée à contenir les ambitions helvétiques toujours plus pressantes. Outre son rôle essentiel dans la transformation militaire du site, la position enviable de Bellinzone allait également faire le succès économique de la place, lieu de production, d’échanges et résidence de dynasties marchandes entreprenantes. Qu’il s’agisse de particuliers ou d’administrations, cette société dynamique a laissé dans les palais et les églises du bourg des traces encore bien visibles aujourd’hui. Et l’itinéraire à travers la Bellinzone ducale, au-delà de la découverte d’un système de défense unique en Europe, permet également d’observer l’évolution de la sensibilité, du goût et des préférences artistiques dans un bourg à la frontière du duché. Après avoir garé son véhicule sur l’un des parkings proches du centre ville, la piazza Indipendenza – ancienne piazza San Rocco en raison 129
AUX CONFINS DU DUCHÉ
de l’église du même nom qui se dresse toujours à côté (les fresques de la façade datent du XXe s.) – constitue un excellent point de départ à la découverte de Bellinzone et de ses châteaux. En faisant quelques pas autour de la place, on observe, à droite comme à gauche de la rue d’accès au centre, via Camminata, des portions des remparts sud de la ville qui s’ouvraient, à la hauteur de piazza Indipendenza, en une porte, aujourd’hui disparue, appelée porta Lugano. Déjà présents au XIVe s. les remparts ceinturaient le cœur du site, reliés, comme on le voit encore aujourd’hui, à l’ouest à Castelgrande et, à l’est, au château de Montebello. Entre 1475 et 1480, sous les ordres du duc, les remparts et les tours furent surélevés, renforcés et mieux adaptés à l’usage des armes à feu. La construction de la défense avancée qui protégeait porta Lugano, encore visible sur d’anciennes cartes de la ville, remonte à cette même époque. Après avoir franchi l’ancien emplacement de la porte, prendre la via Camminata signifie pénétrer au cœur du bourg ancien, dans les rues où, dès la fin du Moyen Age, se dressaient les palais des plus opulentes familles locales, les ateliers des artisans, les nombreuses études de notaires et les auberges, très importantes (et prospères) en ce lieu de passage. En poursuivant dans cette importante artère, on rencontre, à la
La première représentation de Bellinzone Chargé en 1457 par Francesco Sforza d’inspecter l’appareil défensif de Bellinzone, Ermanno Zono, expert en fortification de la cour ducale, s’est minutieusement acquitté de sa mission en rapportant jusqu’au nombre de créneaux qui hérissaient à l’époque les remparts du bourg (à savoir 498). La Notula et descriptione dele parte de Berinzona rédigée par ses soins était accompagnée d’un dessin des fortifications de Bellinzone réalisé par un peintre choisi par la communauté locale. Cette représentation, la première connue en matière de défense du bourg, n’est pas parvenue jusqu’à nous mais nous savons toutefois qui fut choisi pour mener à bien cette mission importante et délicate : Cristoforo da Seregno, déjà chargé de peindre l’hôtel de ville et à qui le même conseiller fit appel pour décorer la collégiale. Bellinzone, in Cronaca di Berna di Benedikt Tschachtlan, 1470. Zurich, Zentralbibliothek.
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PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 5
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AUX CONFINS DU DUCHÉ
Hans Walter Imhof, La cité de Bellinzone, 1630, détail avec les quartiers sud.
hauteur de piazza Nosetto, l’hôtel de ville : siège des réunions du conseil du bourg, lieu d’administration de la justice et demeure des officiers ducaux. Rénové au vingtième siècle, ce bâtiment remonte vraisemblablement à la seconde moitié du XIVe s., lorsque sa construction fût décidée pour remplacer l’ancienne maison communale qui se trouvait plus au sud, dans via Camminata. Comme nous en informe une description rédigée peu après, l’édifice s’articulait à cette époque autour d’une cour interne avec des arcades et rassemblait des caves, une prison, des écuries et locaux de fonction, une grande salle, une cuisine ainsi qu’une pièce plus petite destinée aux réunions des conseillers, fort heureusement équipée d’une cheminée. Des portiques externes donnaient déjà vers la piazza Nosetto sous lesquels se succédaient les locaux que la commune louait aux notaires et artisans, à partir de 1430 au moins, tout en veillant à ne pas accueillir d’activités peu hygiéniques (comme les abattoirs et les ateliers des forgerons). A la fin du XVe s. le bâtiment a été flanqué d’un beffroi, avec une horloge, et en 1455 le peintre Cristoforo da Seregno 132
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 5
Baldo Carugo, La place Nosetto vers la fin du XVe siècle, 1925. Bellinzone, Palazzo Civico.
(originaire de Lugano) a peint sous les arcades les blasons (aujourd’hui disparus) de Bellinzone, du podestat de l’époque et du duc Francesco Sforza (1450-1466). Ce même Cristoforo da Seregno, sur commande de la commune de Bellinzone, a réalisé en 1469 une magnifique série de fresques dans la collégiale dédiée à saint Pierre et saint Etienne, à laquelle on accède en suivant le parcours vers le nord, le long de via Nosetto. Principal édifice religieux du bourg au XVe s., ayant remplacé l’ancienne église dans Castelgrande intra-muros, la collégiale d’aujourd’hui est le fruit d’importants travaux de réfection décidés par la communauté et débutés en 1515 pour lesquels on a fait appel à l’un des meilleurs architectes de l’époque, Tommaso Rodari, architecte en chef de la cathédrale de Côme, dont l’atelier a également signé les deux belles portes latérales, toujours en place. Toutes les structures et ornements précédents, y compris les fresques de l’atelier de Cristoforo da Seregno, ayant disparu lors de la réédification du XVIe s., le seul vestige du XVe s. encore visible aujourd’hui est le superbe bénitier à l’entrée de la nef. Cet objet, réalisé en marbre de Candoglia autour de 1460 et attesté dès 1543 à son emplacement actuel, aurait toutefois une tout autre origine. On pense en effet qu’il faisait tout d’abord office de fontaine dans la résidence ducale de Vigevano (comme en témoignent les haut-faits sculptés dans le marbre) avant que Gian Giacomo Trivulzio, seigneur de la Mesolcina ayant servi le marquisat de Vigevano à partir de 1499, ne le fasse transférer. En tournant le dos à la collégiale, poursuivre le long de la ravissante via Codeborgo jusqu’à piazza del Sole. On ne distingue plus aujourd’hui l’ancienne porte, la seule du bourg qui s’ouvrait autrefois vers le nord, mais l’on aperçoit des vestiges de la ligne nord des remparts, dominés par la haute silhouette de Castelgrande et sa tour blanche. Quelques minutes suffisent dès lors pour monter au château à pied (revenir sur ses pas, dans via Codeborgo emprunter la salita di San Michele) à
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AUX CONFINS DU DUCHÉ
Atelier des Scotti (?), Crucifixion, 1513-1515 environ, détail. Bellinzone, Santa Maria delle Grazie.
moins qu’on ne leur préfère les ascenseurs (créés lors de la dernière restauration de l’ensemble) qui de la piazzetta Della Valle, à côté de piazza del Sole, conduisent directement au château. Là, on accordera une attention particulière aux 200 tablettes peintes a tempera que conserve le musée, datées des années 1470, provenant du plafond de l’ancien palais Ghiringhelli, et qui permettent de mesurer l’évolution artistique par rapport au style dominant jusqu’alors à Bellinzone. La descente à pied de Castelgrande vers via Codeborgo, facile et adaptée à tous, offre une belle vue sur la collégiale et le côté sud de la forteresse la plus ancienne de la ville. Après avoir atteint l’artère principale du centre ville, on peut revenir sur ses pas jusqu’à la piazza Indipendenza – en empruntant pour changer les rues latérales – puis poursuivre sur quelques centaines de mètres vers le sud dans la via Lugano, en direction des églises de San Biagio et Santa Maria delle Grazie. On découvre, sur la plus ancienne des deux, San Biagio, de très élégantes fresques du XIVe s. (Saint Christophe et la lunette avec la Vierge à l’enfant de la façade, la décoration de l’abside et une partie du mur interne sud) ainsi que les interventions successives du début et du milieu du XVe s., notamment les fresques dévotionnelles commandées par les grandes familles du bourg et attribuées à Cristoforo et Nicolao da Seregno. Sur le mur de gauche se trouve le beau retable – Vierge à l’enfant entre saint Blaise et saint Jérôme – de Domenico Pezzi, daté de 1520. Il règne une atmosphère bien différente dans Santa Maria delle Grazie, église fondée en même temps que le couvent des Franciscains en 1480 et consacrée en 1505. Ici, le goût pour le gothique tardif des dernières fresques de San Biagio a cédé la place, à quelques mètres seulement mais à plusieurs décennies d’intervalle, à des mains Renaissance : celles d’un peintre anonyme, peut-être de formation milanaise, qui y a réalisé à partir de 1510 l’Annonciation, inachevée, sur l’arc de triomphe et les fresques de la chapelle de San Bernardino, puis celles des Scotti qui, autour de 1513, firent peindre les Histoires de la vie et de la passion du 134
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 5
Christ sur la cloison séparant l’espace destiné aux fidèles de celui des moines. Là, les commanditaires des œuvres, les frères observants, ont joué, comme ailleurs dans le complexe, un rôle fondamental dans la transmission des nouveautés artistiques. Toutefois, parmi les décisions du conseil communal de Bellinzone figurent les donations et contributions versées pour la peinture de la cloison, signe de l’attention favorable que les enfants ou petits-enfants des commanditaires de la décoration de la collégiale par Cristoforo da Seregno accordaient aux nouveautés prônées par les frères observants. Après la visite de Santa Maria delle Grazie, et après avoir récupéré la voiture, on peut poursuivre en direction des autres châteaux de Bellinzone en suivant l’itinéraire balisé dans tout le centre ville. Peut-être vaut-il mieux monter d’abord à Sasso Corbaro – le plus élevé des châteaux-forts de la ville, pour admirer sa vue incomparable sur la plaine et les montagnes alentour – avant de redescendre à Montebello. En quittant ce dernier, un bref détour par l’église de San Paolo d’Arbedo (prendre via San Gottardo dans la direction opposée au centre ville puis suivre les panneaux pour la «località Carmagnola») permet de se replonger dans l’ambiance “Seregno” de la moitié du XVe siècle. Cristoforo et Nicolao da Seregno y ont en effet signé La Cène peinte à l’intérieur de l’église, datée des années 1450-1460, mais on remarquera aussi les peintures plus tardives signées Antonio da Tradate, à qui l’on attribue le grand Saint Paul de la façade. Si l’on n’est pas pressé de rentrer, on peut faire halte à Monte Carasso, sur la route vers Locarno et le lac Majeur, sur l’autre rive du Tessin par rapport au centre de Bellinzone. Les fresques du début du XVIe s. conservées sur la façade de l’église locale dédiée à saint Jérôme et saint Bernardin, à côté de l’ancien couvent des Augustiniennes, sont signées Domenico Pezzi, l’auteur du retable de l’église San Biagio. Par contre, les nombreuses peintures de l’église San Bernardo, elles aussi réalisées par l’atelier de Cristoforo da Seregno, datent du siècle précédent. Au-dessus du village, l’église est facilement accessible grâce au trolley pour Mornera. La magnifique montée puis la descente viennent couronner cet itinéraire.
Pélican, détail de la Crucifixion, début du XVe s. Arbedo, San Paolo.
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Les châteaux de Montebello et Castelgrande, Bellinzone.
Bellinzone
BELLINZONE
Parcours au fil des chateaux 5
A partir des XIe-XIIe s. l’histoire de Bellinzone commence à “descendre” du site fortifié de Castelgrande, habité sans interruption depuis la période préromaine, vers le bas du château. En ces temps d’essor démographique et économique, des familles d’artisans et de marchands quittent le bourg pour la plaine, alléchées par son emplacement favorable. Le tissu urbain se densifie et l’on bâtit de nouveaux édifices religieux qui finiront par supplanter ceux intra-muros de Castelgrande. Durant ces siècles centraux du Moyen Age, Bellinzone était sous la seigneurie de la commune de Côme mais, à partir du XIIIe s. elle commença, avec toute sa région – fondamentale pour le contrôle des cols alpins – à exciter les convoitises milanaises. Ayant définitivement intégré le domaine des Visconti en 1340, Bellinzone bénéficia en même temps d’une grande autonomie jusqu’à ce que le bourg, au cours des quinze années agitées qui suivirent la mort du duc Gian Galeazzo Visconti (1402), ne tombe pour la première fois sous domination helvétique. La bataille d’Arbedo (1422), marquant le retour du territoire sous contrôle milanais, n’effaça pourtant pas les peurs de Milan au sujet des ambitions confédérées. Ainsi, au cours des décennies suivantes, l’attention des ducs de Milan ne cessa de se focaliser sur les défenses de Bellinzone qui prirent au XVe s. les formes qu’on leur connaît encore en grande partie aujourd’hui. En l’an 1500, Milan étant tombée sous domination française, les habitants de Bellinzone firent d’eux-mêmes allégeance aux autorités des Cantons d’Uri, Schwyz et Unterwalden, allégeance reconnue au bout de trois ans d’affrontement y compris par le roi de France et nouveau duc de Milan, Louis XII. Ainsi commença la domination des trois Cantons sur le bourg destinée à se prolonger jusqu’à la fondation du Canton du Tessin. Des baillis suisses remplacèrent les officiers envoyés par Milan tandis que l’ensemble du système fortifié réalisé dans un but défensif par les Confédérés perdit soudainement son importance et fut abandonné avant d’être restauré au vingtième siècle.
Baldo Carugo, Vue de Bellinzone au XVIe siècle, 1925. Bellinzone, palazzo Civico.
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CASTELGRANDE
COMMUNE : Bellinzone (Canton du Tessin) TYPE : forteresse FAMILLES : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, accueille le Musée historique et archéologique, le Musée artistique ainsi que des expositions
Vue aérienne de Castelgrande, Bellinzone.
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Surplombant le fleuve Ticino et le centre ville, la colline de Castelgrande est le site le plus ancien habité par l’homme dans la région de Bellinzone. On a en effet retrouvé à son sommet des objets du Néolithique, à découvrir au Musée historique et archéologique du château, ainsi que des restes plus tardifs remontant à l’âge du bronze et à celui du fer. Les fouilles réalisées dans les années 1960 ont permis de documenter l’occupation de la colline par les troupes
romaines parties à la conquête de la Réthie (1er siècle av. J.-C.) et l’édification d’une fortification stable, dont le tracé suit en partie celui des remparts d’aujourd’hui, a été datée du IVe s. N’ayant pas été abandonné durant le Haut Moyen Âge, le site a continué de protéger de nombreux bâtiments tout au long des siècles centraux du Moyen Âge : tours, habitations, église ancienne San Pietro avec son cimetière. La tour Blanche, qui devait dominer un palais appartenant à l’évêque de Côme, est toujours visible et l’édification de la tour Noire voisine remonte probablement au début du XIVe s. L’actuel aspect dépouillé des trois grandes cours autour desquelles s’articule le château est le fruit de travaux réalisés à l’époque des Visconti et des Sforza, et notamment au XVe s. en vue de transformer le complexe en un site purement militaire. Après avoir dégagé les espaces pour accueillir les canton-
BELLINZONE La muraille et Castelgrande avec la tour Noire et, derrière, la tour Blanche.
nements d’une importante garnison, les murs d’enceinte furent surélevés et élargis au XVe s., de nouvelles tours de défense furent ajoutées et les deux anciennes tours, la Blanche et la Noire, remaniées. À cette époque, on accédait à la fortification par une porte – toujours visible – située dans la partie des remparts qui, côté sud, reliait Castelgrande aux appareils défensifs du bourg situé plus bas. Bien qu’il soit toujours possible d’y monter à pied depuis plusieurs endroits de la ville, le moyen le plus pratique consiste à emprunter les ascenseurs qui, depuis piazza Della Valle, montent directement au cœur de Castelgrande. On accède au complexe par la cour sud, dominée par la silhouette élancée de la tour Blanche et de celle, plus basse et plus trapue, de la tour Noire. En se tournant vers l’est, on voit parfaitement les remparts sud du bourg, le château de Montebello et, au loin, le châteaufort de Sasso Corbaro. A l’opposé des deux tours, un groupe de bâti-
ments, qui accueillent le Musée historique et archéologique et le Musée artistique depuis de récents travaux de restauration, ferment la cour côté sud. La visite se poursuite par les cours ouest et sud. Reliée à la première par une structure trapézoïdale, on remarquera l’immense muraille (murata) qui part de Castelgrande en direction du fleuve Tessin. Cet ouvrage, commandité dans les années 1480 par Ludovic le More (1480-1499) pour barrer de part en part la plaine de Bellinzone, se superpose au mur de défense préexistant qui descendait du château vers le fleuve mais s’était révélé incapable de contenir l’assaut des troupes helvétiques en 1478. Il ne reste plus grand-chose de la construction commandée par le More mais on distingue toujours la partie la plus proche de Castelgrande, que l’on peut parcourir sur le chemin supérieur ou sous le magnifique chemin couvert dont les ouvertures permettaient aux assiégés de tirer à l’arbalète, à l’arquebuse et à l’artillerie légère.
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CHÂTEAU DE MONTEBELLO
COMMUNE : Bellinzone (Canton du Tessin) TYPE : forteresse FAMILLES : Rusca, Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, accueille le Musée archéologique et le Musée civique
Vue aérienne du château de Montebello, Bellinzone. Une partie des remparts et les tours du château de Montebello, Bellinzone. 140
Le château de Montebello se dresse en face de Castelgrande, à flanc de la colline située à l’est de Bellinzone. Lui aussi relié aux remparts du bourg, il a selon toute
probabilité été fondé (peu avant l’an 1300) à l’initiative de certains membres de la famille Rusca, puissants chefs de faction de Côme, profondément enracinés dans la région comprise entre le Lario et le haut lac Majeur et qui, au début du XIVe s. se sont également appropriés Bellinzone. Le noyau central du château-fort remonte à cette époque et il est dominé par un donjon quadrangulaire dont l’aspect d’origine a été profondément remanié par les travaux de réfection du début du vingtième siècle. C’est autour de ce premier bâtiment que fut édifié, autour de la moitié du XIVe s., le deuxième mur d’enceinte, peutêtre déjà relié aux remparts du bourg, qui fera l’objet de multiples remaniements par la suite. C’est en effet au quinzième siècle, notamment entre 1462 et 1490, que le complexe, désormais forteresse ducale, a pris la forme qu’on lui connaît encore aujourd’hui en grande partie. Le périmètre des remparts externes a été renforcé et mieux défendu grâce à l’ajout de tours auxiliaires. Pour protéger l’entrée est, on a également construit, à la fin du siècle, la défense avancée qui constitue toujours la principale voie d’accès au château. Après avoir franchi la cour de cette défense avancée, la visite conduit, à travers une porte englobée dans une tour quadrangulaire, à la cour interne des remparts du XVe s. où l’on découvre la partie la plus ancienne du château-fort. L’accès aux chemins de ronde offre une vue magnifique du haut de Bellinzone et de Castelgrande et permet de mieux apprécier le complexe de Montebello, ceinturé par une longue muraille qui descend à pic vers le cœur historique du bourg.
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BELLINZONE
La défense avancée, au premier plan, et les tours du donjon du château de Montebello, Bellinzone.
CHÂTEAU DE SASSO CORBARO
COMMUNE : Bellinzone (Canton du Tessin) TYPE : forteresse FAMILLES : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : intact USAGE ACTUEL : monument, accueille un musée et des expositions
Bénéficiant d’une vue incomparable sur toute la plaine et les châteaux de Montebello et Castelgrande, il est le plus élevé et le plus au sud des trois forts de la ville. Isolée et non reliée au reste du système défensif, la forteresse de Sasso Corbaro a été édifiée au XVe s. par les ducs de Milan soucieux de
Vue aérienne du château de Sasso Corbaro, Bellinzone.
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renforcer l’ensemble des fortifications de Bellinzone. C’est en effet à partir de 1478, sur le site d’une tour préexistante, qu’a été bâti le donjon qui occupe l’angle nord-est de la forteresse, dont la construction s’est achevée dans les années suivantes. Restauré à plusieurs reprises au vingtième siècle, le château – un carré de 25 mètres de côté environ – offre d’emblée au visiteur la vue d’un imposant donjon tandis que l’on distingue, dans l’angle diamétralement opposé, une tour de garde plus élancée. Dans la cour, outre une petite chapelle récemment restaurée, figurent plusieurs anciennes habitations aujourd’hui réaménagées et destinées en partie à des fonctions réceptives.
BELLINZONE
Le plafond de la maison Ghiringhelli Tablettes du plafond de la maison Ghiringhelli, 1470 environ. Bellinzona, Museo Storico Artistico di Castelgrande.
Animaux réels et fantastiques, représentations des vertus, preux chevaliers et célèbres personnages de l’Antiquité ou encore scènes d’un monde à l’envers. Tels sont quelques-uns des sujets représentés sur les plus de 200 tablettes peintes – qui méritent absolument une visite – conservées au Musée d’art et d’histoire de Castelgrande. Datés des années 1470, caractérisés par un coup de pinceau nerveux, des couleurs vives et des contours souvent noirs, ces dessins sont anonymes et très éloignés du travail de Cristoforo da Seregno à qui particuliers et autorités de Bellinzone faisaient le plus souvent appel à l’époque. Ils se trouvaient à l’origine dans l’albergo della Cerva, ancien palais Ghiringhelli, situé en plein centre ville, derrière la collégiale. Plus précisément, ils décoraient l’un des plafonds de l’ancien hôtel, réalisés à l’origine sur des tablettes de bois, et avaient été commandés à l’occasion du mariage entre un Ghiringhelli (selon toute probabilité Giovanni, riche marchand) et une Muggiasca, autre grande famille de Bellinzone à l’époque. Ainsi s’expliquent la répétition fréquente
des armoiries des deux maisons mais aussi de nombreux détails d’une iconographie très élaborée. Comme la présence parmi les illustres ancêtres de génies célèbres (Romulus et Remus, Pélée, père d’Achille), de bon augure pour la fécondité du mariage. Ou encore les portraits de célèbres époux dont les ducs Francesco et Galeazzo Maria Sforza, accompagnées de leur conjointe respective. On trouve probablement aussi parmi ces dessins un portrait du couple lui-même. Elle tient le fruit d’un grenadier, symbole de vertu et de fécondité. On peut imaginer que l’époux, outre cette grenade symbolique, a également reçu une dot importante (à la même époque, Caterina Ghiringhelli, une parente proche de Giovanni, apportait 1200 florins dans la corbeille de mariage, une somme tout à fait respectable). Cependant, le cartouche que tient l’un des personnages représenté sur le plafond adresse cette mise en garde : «chi crede in li fiorini trovar riposso, cierca l’amaro e fuze la dolzeza» (celui qui croit trouver le repos dans les florins cherche l’amertume et fuit la douceur).
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Châteaux de famille La petite noblesse entre le lac de Varèse et le lac Majeur AZZATE BESOZZO
Personnages armés, détail de Crucifixion, premier quart du XIVe s. Leggiuno, Santa Caterina del Sasso.
Le nord de l’ancienne campagne milanaise – de Varèse jusqu’à la Brianza et à la rivière Adda – est aujourd’hui une région à forte densité démographique regroupant des villes importantes dont certaines sont devenues chefs-lieux de province comme Varèse elle-même, Monza et Lecco. Sur la carte, ce vaste territoire présente un tissu urbain presque ininterrompu, ponctué par la présence de plusieurs agglomérations extrêmement peuplées. Outre celles citées plus haut, citons également Gallarate, Busto Arsizio, Legnano, Saronno, Rho, Meda, Cantù, Desio, Carate Brianza, Vimercate et d’autres encore. Le rôle que jouent ces villes, que l’on désignait autrefois par le terme spécifique de “bourgs”, différencie de manière significative la réalité actuelle de celle emblématique jusqu’à la fin du Moyen Age. A l’exception de Monza, des villes aujourd’hui très importantes jouaient en effet à l’époque du duché des Visconti et des Sforza un rôle plus modeste que ce que le paysage moderne et contemporain des hauteurs de Milan et de la Brianza ne le laisserait supposer. Cette réflexion s’étend également à d’autres domaines que la démographie. Des villages qui aux dix-septième et dix-huitième siècles étaient des bourgs proto-industriels accueillant de riches élites, moteur de la vie économique, politique et sociale de leurs aires d’influence respectives, semblent bien loin de cette image moderne. Non pas qu’il s’agisse de villes pauvres ou abandonnées mais il est très difficile de leur reconnaître sur différents plans le rôle de “piliers” qu’elles ont joué par la suite dans la société locale. L’existence d’une “noblesse de campagne” éparpillée sur tout le territoire milanais, importante et encore en mesure, pendant toute la période des Visconti et des Sforza, de jouer un rôle de premier plan dans le monde rural, explique cet “étrange” panorama social et économique typique de la campagne de Milan au Moyen Age, qui correspond en de nombreux points à un ordre axé davantage sur les personnes que sur les lieux. D’anciennes lignées nobiliaires bien implantées à Milan conservaient des racines tout aussi profondes dans les campagnes, notamment sur les lieux où la famille avait traditionnellement des intérêts, correspondant souvent au berceau de la maison. Pour ne citer que quelques noms, il s’agissait des Crivelli, solidement ancrés autour de Nerviano et Parabiago, des Castiglioni (Castiglione Olona et alentour), des Pusterla (Tradate) ou des Porro (Lentate). Ou encore des Parravicini, Alciati, Carcano, Giussani, Grassi et Airoldi (dans la région de la Brianza). Les membres de ces familles, parfois très nombreux – à la moitié du XVe s. les seuls Crivelli de Nerviano et Parabiago étaient plus de 100 – venaient grossir les rangs des résidents de la campagne. Ils y maintenaient d’importants intérêts écono145
CHÂTEAUX DE FAMILLE
miques, pas seulement liés à la terre. Dans la plupart des cas, ils étaient plus riches que les fermiers et que les paysans mais également membres des élites artisanales et marchandes qui peuplaient les bourgs milanais. Parfois, mais pas toujours, bénéficiant du privilège d’être considérés comme des citoyens milanais (et donc d’importants avantages fiscaux et juridiques), ces nobles jouissaient d’une position plus favorable que le reste du monde rural. Ils étaient exemptés de certains impôts ou exigeaient de les payer de manière différenciée et restaient étrangers aux institutions communales locales ; en d’autres termes, ils revendiquaient un statut spécial au sein de la société locale. Pourtant, ils y jouaient un rôle central et leur influence était décisive dans de nombreux domaines. Les nobles de la campagne étaient souvent les principaux propriétaires fonciers et acteurs économiques locaux mais percevaient également les impôts, en gagnant sur les marchés publics, représentaient les communautés devant le duc ou ses officiers, et occupaient les charges les plus importantes dans les institutions administratives supra-communautaires. Leurs rangs fournissaient les principaux hommes d’église locaux, les chanoines des églises et leurs prévôts. Les “petites patries” de ces nobles n’étaient guère plus étendues que les gros villages des campagnes, qu’ils fréquentaient certes mais sans leur trouver beaucoup de charme. Ce qui comptait véritablement aux yeux d’un Crivelli ou d’un Pusterla était d’être dépositaire de ce nom. Appartenir à la bonne lignée signifiait avant tout être au “bon endroit” et pour les porteurs des traditions et du poids de la famille, le fait d’habiter l’une des principales communautés n’amélioraient guère les chances de s’affirmer sur l’échiquier local. Un vrai cercle vicieux. D’un côté, des familles importantes peu attirées par les bourgs encore “petits” (tout au plus par la ville voisine) et, de l’autre, des villages qui ne se développaient pas car incapables d’attirer les familles importantes. L’insignifiance de la plupart de ces villages jusqu’à la fin du Moyen Age allait en somme de paire avec le caractère “familial” de ces terres, avec le rôle qu’y jouait la puissante parenté d’ascendance nobiliaire. Cela permet de comprendre pourquoi, aujourd’hui encore, dans ces régions, des bâtiments laïques de valeur, de l’époque du duché, se trouvaient souvent hors du centre historique des plus gros villages. Ou pourquoi, étonnamment, le centre de certains hameaux, y compris minuscules, présente parfois des constructions de meilleure qualité que dans les villes et bourgades voisines. A ce propos, citons notamment le cas, célèbre, de Castiglione Olona ou, à moindre échelle, celui de Besozzo et Azzate, les deux villages au cœur de cet itinéraire. Ni l’un ni l’autre ne manquaient de véritables châteaux. Mais dans les deux cas, on remarquera la présence tout autour du château d’une série d’élégantes maisons nobles ou «case da nobile», comme cela figure en italien sur 146
Sculpteur lombard, Médaillon avec buste de Giovanni Bossi, 1490 environ. Milan, Museo d’Arte Antica, già Azzate, casa Castellani Fantoni.
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CHÂTEAUX DE FAMILLE
les cartes des quinzième et seizième siècles. Des palais importants, remaniés au cours des siècles et parfois abandonnés de nos jours mais tranchant sur les architectures rustiques par la présence des armoires familiales, d’élégantes portes profilées, d’arcades et parfois (à Azzate) de fresques d’esprit courtois. Leurs propriétaires étaient des membres des familles nobiliaires dont le nom a toujours été lié à ces villages : les Bossi à Azzate et les Besozzi à Besozzo. Les branches les plus importantes de la lignée possédaient les châteaux situés sur place. Mais on ne comprend pas le “sens” de ces forteresses si l’on ne tient pas compte du contexte local, du tissu nobiliaire et familial dans lequel elles s’inscrivaient. L’existence d’un château à Besozzo – de même qu’à Azzate – s’inscrivait dans une “histoire de famille” plus vaste dont les lieux portent encore les traces aujourd’hui. Une histoire bien différente, par exemple, de celle des châteaux-forts des Visconti dans les localités voisines (Somma, Albizzate et bien d’autres). Les châteaux des Visconti dans le Seprio ont été bâtis vers la fin du XIIIe s. en des lieux qui n’étaient pas marqués par le profond enracinement de membres de la famille. Et l’on n’y trouve autour aucune trace de ce “substrat familial” dans lequel s’inscrivent au contraire les forteresses des Besozzi et des Bossi. Terre des Bossi, Azzate est la première étape de l’itinéraire proposé. Auparavant, l’église de Santa Maria de Brunello, avec son splendide Jugement dernier de la fin du XVe s., en donne un petit avant-goût lorsque l’on arrive depuis l’autoroute A8. Après avoir quitté Santa Maria, suivre les panneaux jusqu’à Azzate pour y découvrir ses châteaux et nobles demeures. Après avoir admiré le lac de Varèse et les collines alentour depuis la belle terrasse de via Monte Grappa, on quitte le village en direction du lac que l’on longe jusqu’à Bardello. A la hauteur de Bodio, la route croise une magnifique avenue bordée d’arbres qui conduit à la villa Bossi, bâtie au seizième siècle (mais plusieurs fois remaniée depuis) sur les restes de ce qui devait être un ancien fort médiéval de famille. Une fois à Bardello, quitter le village en suivant les indications pour Gavirate puis bifurquer au bout de quelques centaines de mètres en direction de Besozzo. Le château, accessible à pied ou en voiture, se dresse au sommet de la colline qui domine le cœur actuel du village. Sur la colline d’en face se trouve l’église paroissiale Santi Alessandro e Tiburzio, fondation ancienne étroitement liée à la famille Besozzi. L’itinéraire se termine par la visite de deux autres édifices religieux dont l’histoire se mêle à celle de cette famille noble. A Brebbia (à 2 km environ de Besozzo), l’église Santi Pietro e Paolo est l’un des plus beaux exemples d’architecture romane de la province de Varese avec ses fresques datées du XIVe au XVIe siècles. Des membres de la famille Besozzi y ont officié en tant que prévôts et chanoines pendant tout le Moyen Age et jusqu’à l’époque moderne. Mais les liens d’agnation sont encore plus étroits avec l’ermitage de Santa Caterina del Sasso, tout proche. Sa fondation serait due en effet, si l’on en croit la tradition, au nom d’un “saint de famille”, le bienheureux Alberto Besozzi. A la sortie de Brebbia, on accède au monastère en suivant d’abord les indications pour Laveno-Mombello puis pour Lago-Bozza, jusqu’au croisement avec la strada Provinciale 69. Après avoir tourné à droite, on arrive, au bout de 5 km environ, à la route pour Santa Caterina. Facilitée aujourd’hui par un ascenseur, la descente jusqu’au monastère, à pic au-dessus du lac, ne dure que quelques secondes. On y embrasse du regard une grande partie du Verbano et des collines environnantes. 148
Le Jeu de tarots, XVe s., détail. Azzate, villa Lampugnani.
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VILLA BOSSI ZAMPOLLI
CHATEAU ET MAISONS BOSSI COMMUNE : Azzate (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLES : Bossi, Obicini, Zampolli ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
Bâti sur la dorsale dominant le lac de Varèse, le bourg d’Azzate était protégé par des structures fortifiées dès le XIIIe s., époque où les seigneurs du lieu rallièrent les rangs des Visconti pour prendre le contrôle de Milan. Il n’est toutefois pas facile de repérer un château-fort “classique” dans le tissu urbain actuel. En effet, le bâtiment au sud du bourg en vue du val Bossa ou Bodia, toujours connu sous le nom de château (villa Bossi Zampolli) ainsi que l’autre complexe plus Entrée de la villa Bossi Zampolli, Azzate.
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vaste situé dans le village, à l’autre bout du site (villa Benizzi Castellani : mairie et Locanda dei Mai Intees), sont décrits jusqu’à la fin de l’époque moderne non pas comme de véritables manoirs mais davantage comme des ensembles de maisons fortifiées. Des groupes d’habitations nobiliaires serrées les unes contre les autres qui ne furent transformées en élégants palais de villégiature qu’aux dix-septième et dixhuitième siècles, et ont toujours appartenu à la famille noble des Bossi qui, dès le Moyen Age, imprima sa marque dans la vie du village. Exactement comme à Besozzo et à Castiglione Olona pour les Besozzi et les Castiglioni, les principales habitations d’Azzate appartenaient aux Bossi et il est souvent impossible de déterminer à laquelle des nombreuses branches de cette immense lignée appartenaient à l’origine les différents petits palais du village.
AZZATE
Situé dans la via Castello, sur une hauteur légèrement en retrait du centre, le “castello” ou villa Bossi Zampolli – le plus imposant des bâtiments du village – relève sans aucun doute de la lignée de la maison inféodée depuis le XVIe s. à tout le val Bodia. Cette famille en a été propriétaire probablement du XIVe s. jusqu’à 1810 et l’a transformé au XVIIIe s. en une élégante villa de campagne, physionomie que l’ensemble conserve encore aujourd’hui. On distingue quelques rares vestiges du XVe siècle dans certaines dépendances de la villa (une fenêtre en ogive encadrée de terre-cuite) et dans les peintures de l’oratoire du château de San Lorenzo, attesté depuis le XIIIe siècle. C’est en exploitant certaines pièces préexistantes qu’au XVIIIe s. un architecte inconnu a remodelé le palais pour créer une entrée majestueuse malgré le peu d’espace disponible. Une série de bâtiments formant un encadrement, sur lesquels trônent les armoiries des Bossi, délimitent une perspective en entonnoir qui, entre les placettes et les cours étroites, canalise le regarde du visiteur vers les arcades toscanes architravées de la cour d’honneur. Derrière, la villa dresse sa silhouette compacte, imposante, donnant sur les parterres d’un jardin à l’italienne qui évolue vers un gazon à l’anglaise avec une vue splendide sur le lac de Varèse et le massif du mont Rose. En poursuivant la visite du petit site d’Azzate, on rencontre souvent la représentation des bœufs de l’emblème des Bossi, généralement de couleur argent sur fond rouge : ce sont les fameux bö d’Azzàa du dialecte “bosino”. Au fil d’un dédale de ruelles aux vues magnifiques sur le lac et les monts, entre tours néogothiques, petits palais baroques et sévères églises Renaissance (voir au moins la façade de l’église désaffec-
tée Sant’Antonio dans la via Volta), on distingue différents vestiges du XVe siècle. Un magnifique portique au numéro 20 de via Volta et, au bout de cette même rue, presque devant l’entrée de la villa Benizzi Castellani, une cour enjolivée de puissants arc gothiques sur des piliers carrés portant des traces de fresques. Sous les arcades de la villa Benizzi Castellani (mairie), qui a complètement perdu son aspect du XVe s., demeurent des restes de devises Renaissance entre les rocailles en trompe-l’œil et, dans le même ensemble, figure la plaque commémorative des travaux de réfection commandités par Giovanni et Matteo Bossi en 1495 (la plaque se trouve à l’arrière du palais, autrefois flanquée de médaillons de marbre conservés aujourd’hui au Château Sforzesco de Milan). Face à cette même villa, on trouve des vestiges, peut-être romains, d’une autre fortification appelée «prétoire» et les maisons alentour – véritable cœur du village – conservent chez des particuliers certaines des plus belles pièces peintes durant le XVe s. lombard. Emblèmes indéchiffrables, armoiries, devises et scènes de cour y alternent avec les bandes à l’ancienne réalisées à graffito. Autre lieu seigneurial important, la placette de via Riva (toujours non loin de la villa Benizzi Castellani), entourée de bâtiments nobiliaires, avec leurs dépendances, et une tour-colombier arborant la vouivre des Visconti qui semble, parmi toutes ces réfections romantiques, un original du quinzième siècle. Pour finir, impossible de ne pas faire une halte sur l’esplanade-belvédère, récemment aménagée dans la via Monte Grappa, qui offre l’une des plus belles vues de Lombardie sur le lac de Varèse, le massif du mont Rose et le Campo dei Fiori. 151
PALAIS CADARIO ET ADAMOLI
CHATEAU DE BESOZZO COMMUNE : Besozzo (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLES : Besozzi, Adamoli, Foderati di Val d’Elsa ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
La tour du XIIIe s. dans le jardin du palais Adamoli, Besozzo.
Tour d’entrée du palais Cadario avec loggia, Besozzo. 152
Le château se dresse au sommet de la colline de Besozzo Superiore, dominant la rivière Bardello et le centre moderne de l’agglomération. La tour du XIIIe s. située dans l’un des jardins, bien visible également depuis plusieurs endroits de la plaine, est le plus ancien témoi-
gnage de cette construction. Il ne reste plus rien des structures les plus anciennes de la forteresse, aujourd’hui articulée en deux édifices du XVe s. restaurés à plusieurs reprises. Tout de suite à gauche en montant par la via Giulio Adamoli se trouve le palais Cadario, dont l’entrée est surmontée d’une grande tour Renaissance, couronnée d’éléments en saillie (corbeaux) et d’une élégante loggia. La porte, profilée par la décoration en bossage qui caractérise tout l’édifice, permet d’accéder à la cour. On y découvre un élégant portique du XVIe s. aux colonnes en pierres d’Angera ainsi qu’un escalier d’honneur conduisant aux pièces intérieures, en partie décorées à l’époque moderne. Fac à l’entrée du palais Cadario, une belle porte en serizzo du XVIe s. ornée de fleurs stylisées, tient lieu d’entrée au palais Adamoli, le second corps de bâtiment de l’ensemble actuel. On remarque des restes de décoration a graffito d’époque Renaissance dans l’aile du fond de la belle cour ouverte côté est. En 1863, Giuseppe Garibaldi, hôte du général Adamoli, a dormi à l’étage noble du bâtiment, dans la partie qui appartient aujourd’hui aux Foderati de Val d’Elsa. Ce “célèbre” lit figure toujours dans l’appartement, parmi les antiquités et meubles de collection et il faut croire qu’il est confortable car, en 1867, après Garibaldi, il a également accueilli Giuseppe Mazzini. Le nom de la lignée principale des Besozzi, ancienne noblesse capitanale, profondément enracinée dans le village dès l’époque précommunale et dans toute la région alentour, est lié de manière indissoluble à l’histoire de la forteresse. La branche “châtelaine” de cette famille a dû connaître son apogée au début du XVe s., à la période
BESOZZO
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Santa Caterina del Sasso Littéralement accroché à une falaise plongeant à pic dans le lac Majeur, l’ermitage de Santa Caterina del Sasso de Leggiuno (Santa Caterina al Sassoballaro selon les documents anciens) offre sans nul doute l’un des plus beaux panoramas du Verbano, côté Varèse. Articulé en trois corps de bâtiments reliés par de ravissantes placettes et desservis par d’élégantes loggias avec vue sur le lac et les collines, le monastère est accessible à travers une volée de marches escarpées ou par un ascenseur mais aussi par voie d’eau. Les origines de cette cénobie, autrefois dédiée à saint Nicolas de Bari, et l’histoire de la vie du bienheureux que l’on y vénère, Alberto Besozzi, se perdent dans la légende. On raconte en effet que, surpris par une tempête alors qu’il naviguait sur le lac, il invoqua l’aide de sainte Catherine d’Alexandrie. Ayant réchappé du péril, ce noble milanais, riche marchand et usurier, aurait alors abandonné ses richesses et son mode de vie pour se faire ermite sur cet éperon rocheux. A la fin du XIVe s. ce petit centre religieux connut un nouvel essor grâce aux liens noués avec les ermites de Sant’Ambrogio ad nemus, un monastère bâti à la limite du parc du château de Milan. Entre la fin du XIVe et le début du XVe s., la cénobie adopta définitivement la dédicace à sainte Catherine d’Alexandrie et fut étendue et restaurée. Dans ces circonstances, l’activité de patronage déployée par Donnina Rusca, épouse de Pietro Besozzi (seigneur de l’église de Brebbia) mais avant tout fille de Franchino (seigneur destitué de Côme) et petite-fille de Bernabò Visconti, fut probablement déterminante. La mise en valeur de l’ermitage et du sanctuaire aux soins de la nobildonna était destinée à consolider les liens familiaux des Rusca et des Besozzi ainsi que leur domination sur la partie inférieure Verbano. Différents vestiges de fresques témoignent des campagnes décoratives mises en œuvre à cette époque : on remarquera notamment le groupe d’hommes en armes peint dans la salle du Chapitre (bloc sud de la cénobie), faisant partie d’un cycle pictural ancien, qui fournit une description très exacte des armures du XIVe siècle. Les Besozzi ont détenu pendant des siècles une sorte
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Pietro Crespi, Crucifixion, 1510. Leggiuno, Santa Caterina del Sasso.
de patronage de fait, sans fondement juridique réel, sur l’ermitage. Dans les années 1630, la nobildonna Angela Carcano (petite-fille d’une Besozzi) et le noble milanais Francesco Besozzi, notaire, y ont vraisemblablement fait réaliser d’importantes décorations. Le notaire, célèbre commanditaire du peintre Bernardino Luini, est représenté solennellement dans la chapelle dédiée à sainte Catherine d’Alessandria (protectrice des Besozzi) en l’église San Maurizio à Milan. A cette époque, la découverte de la dépouille du bienheureux Alberto Besozzi (13 juillet 1535) est venue redorer le blason du centre religieux. Il reste, en témoignage des travaux commandités au début du XVIe siècle, la belle peinture de la Crucifixion datée et signée du peintre Pietro Crespi et différents cycles de fresques attribuées à des peintres locaux inspirés du travail de Luini.
loggias, colonnes et chapiteaux ou encore des portes d’accès richement ornées les distinguent nettement de la moyenne des architectures rurales de la même époque. Surmontant les entrées, on distingue encore de nombreux aigles gibelins, ancien emblème des Besozzi. On remarquera notamment celle de via Monfrini, à la hauteur du numéro 3, bien conservée depuis le XVe siècle. Depuis la même rue, des escaliers conduisent à l’église Santi Alessandro e Tiburzio, ancienne fondation contrôlée par les Besozzi et sépulture de nombreux membres de la famille, aujourd’hui siège de la paroisse, rénovée entre les XVIe et XVIIe siècles.
BESOZZO
trouble qui a suivi la mort de Gian Galeazzo Visconti (1402). Pendant ces années, Pietro, chef de la faction gibeline qui sévissait près du lac Majeur – apparenté aux Visconti et à une autre famille importante d’aristocrates, les Rusca – a obtenu l’investiture féodale officielle non seulement sur Besozzo mais également sur toute la circonscription plébane de Brebbia. Destinée à faire long feu, cette investiture fut réduite à Besozzo dès 1417 et les décennies suivantes montrèrent que la famille n’avait plus la stature pour jouer un rôle de premier plan sur un échiquier politique plus vaste. Cependant, les familles “majeures” de la lignée mais aussi les branches mineures continuèrent à exercer un pouvoir local fort, qui ne s’est pas démenti y compris à l’époque moderne. Nombreuses, souvent riches et profondément enracinées à tous les niveaux de la vie locale, les différentes ramifications de la maison Besozzi étaient la colonne vertébrale de la société de toute la région ainsi que le fondement de la puissance des grands noms de la parenté. Cette dimension de pouvoir “familial” ressort dans l’observation du quartier resserré autour de la forteresse. Après avoir quitté le château, faire quelques pas dans les rues voisines (en poursuivant dans via Adamoli et via Sant’Antonio, ou en prenant via Monfrini) pour découvrir les nombreux palais qui occupent le sommet de la colline, disposés en couronne autour du château, ancienne propriété des nombreuses branches mineures des Besozzi qui y habitaient. Souvent fractionnées et parfois délabrées aujourd’hui, ces “maisons nobles” portent toutefois, malgré les interventions successives et l’incurie, les signes de leurs fastes d’antan. Des cours agrémentées de magnifiques
Entrée du palais Adamoli, Besozzo.
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Sur les traces des Castiglioni Un territoire qui suit le cours de l’Olona VARESE, MASNAGO CASTIGLIONE OLONA VENEGONO SUPERIORE TRADATE
Peintre lombard, Chasse au faucon, moitié du XVe s. Varèse, château de Masnago, sale des distractions (Svaghi).
Les Castiglioni sont l’une des plus anciennes familles milanaises. La mémoire de ses membres les plus éminents fut célébrée dès le XVe s. à travers une série de tapisseries relatant l’histoire de la famille et de célèbres galeries de portraits qui décoraient les palais de Milan et les résidences de Castiglione Olona. Ses différents membres se sont illustrés comme hauts prélats (abbés, évêques et cardinaux), juristes, marchands, commerçants, banquiers, chanceliers, secrétaires et conseillers ducaux. D’autres embrassèrent la carrière militaire ou furent des hommes de lettres à succès. Leur célébrité arriva jusque dans les Flandres et en Hongrie, contribuant ainsi au bouillonnement culturel de la Renaissance. Certaines branches de la famille s’établirent à Bari et à Mantoue ; c’est là que naquit le célèbre Baldassarre, auteur de l’ouvrage Le Livre du courtisan (Il cortegiano en italien), texte emblématique de la Renaissance italienne. Si à Milan les Castiglioni, guelfes, avaient leur quartier général autour de la place actuelle de la Scala, non loin des vieilles maisons des Torriani, à la campagne, le siège géographique de leur pouvoir suivait en partie le cours de la rivière Olona. Le centre de ce domaine était le bourg ancestral de Castiglione mais le territoire contrôlé par la famille s’étendait au-delà de la vallée, jusqu’aux villages de Morazzone (donnant sur la vallée de la rivière Arno), Casciago et Masnago (tournés vers le lac de Varèse), Binago, Appiano et Mozzate (près de Côme). Les Castiglioni se sont disputé le contrôle du cours de l’Olona avec d’autres familles milanaises, notamment les Pusterla, seigneurs de Tradate. Au XIVe et au début du XVe s. les affrontements entre Castiglioni et Pusterla ont fait rage sur les terres du Seprio du haut pays milanais, parallèlement aux complots qui ont scandé la difficile conquête du pouvoir des Visconti à Milan. Si la seigneurie des Pusterla sur Tradate brisait le contrôle de l’Olona au milieu de son cours, celle des Lampugnani (autre maison noble enracinée dans le territoire) sur Legnagno en privait les Castiglioni à l’endroit où la rivière, quittant les collines, parcourait la bruyère en direction de la ville. Cependant, les Castiglioni ont su instaurer avec les Lampugnani des relations pacifiques, consolidées par une politique matrimoniale avisée comme en attestent les différentes armoiries des deux maisons encore entrelacées dans les fresques des différents châteaux de famille. Parmi les nombreuses branches de la famille, les plus aristocratiques étaient celle originaire de Casciago, seigneurs de Garlasco dans la Lomellina (1436) et de Marano dans le Novarese (1466), et celle plus profondément enracinée à Castiglione Olona, dont faisait partie le cardinal Branda, qui obtient en 1454 le titre de comte de Venegono Superiore. La visite commence par la salle des Vices et des Vertus du château de Masnago, d’où l’on peut se rendre ensuite à Casciago, une terre qui accueillit 157
SUR LES TRACES DES CASTIGLIONI
Masolino da Panicale (en collaboration avec Lorenzo di Pietro dit Le Vecchietta ?), Paysage montagneux avec ville et châteaux, 1435 environ, détail. Castiglione Olona, palais Branda Castiglioni.
saint Augustin après sa conversion et lieu d’origine d’une des souches des Castiglioni. Il ne reste rien du château de Casciago mais des tours, fruits de revivals dix-neuvième, se dressent ici et là, derrière les portails en fer forgé et les arbres centenaires qui peuplent les parcs des très nombreuses villas perchées sur la colline qui descend vers le lac de Varèse. Le panorama depuis le jardin de la villa Castelbarco (qui englobe peut-être, avec les structures voisines, une partie de l’ancien château) mérite une halte. Cette villa accueille aujourd’hui la mairie et les écoles élémentaires. Depuis le bloc de villas qui forment le centre du village, des ruelles tortueuses et des escaliers descendent jusqu’aux vieilles maisons des paysans et le regard embrasse tout le lac jusqu’au mont Rose. En revenant vers Masnago et Varese, impossible de ne pas être frappé par l’impressionnante silhouette de pierres qui se détache sur le verdoyant Sacro Monte : il s’agit de la tour de Velato, dernier vestige d’un castrum de la fin de l’Antiquité, remanié au XIe s. (époque à laquelle remonte la tour) et rendu inutilisable dès le XIIe siècle. La tour fait partie depuis peu du patrimoine du FAI (Fondo Ambiente Italiano, Fonds pour le paysage, l’art et la nature en Italie). On résistera à la tentation de prendre la route vers Sant’Ambrogio qui serpente entre les parcs des villas Liberty car le Sacro Monte – avec ses chapelles XVIIe, son église baroque sur une structure Renaissance et ses vestiges du XIIIe s. – mérite une journée de visite à part entière, avec une halte éventuelle au Borducan (joli restaurant avec vue) pour déguster l’élixir de Borducan : une liqueur dont la recette secrète mêle herbes alpines et fruits méditerranéens, invention d’un globe-trotter établi à Varèse. L’itinéraire reprend en traversant le chef-lieu préalpin en direction du centre de Bizzozero. Ici, la place de l’église présente les premiers signes de la structure d’un château dans les formes harmonieuses des tours, refaites peut-être au XIIe s. lors d’un regain local précoce de l’architecture médiévale. Derrière l’église Santi Evasio e Stefano, une ruelle conduit à l’ancien château. Actuellement résidence privée, la structure a une silhouette évoquant vaguement une tour et conserve quelques fenêtres jumelées (peut-être dues à des réfections). Son importance stratégique saute aux yeux : la domination de la vallée de l’Olona en contrebas est immédiate et la vue porte jusqu’à la route 158
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 7
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SUR LES TRACES DES CASTIGLIONI
Les archives des Castiglioni de Castiglione Olona La municipalité de Castiglione Olona conserve dans l’ancien palais du cardinal Branda une collection singulière de documents de famille. Il ne s’agit pas des piles habituelles de papiers dues à l’accumulation de contrats et registres comptables pour la gestion patrimoniale mais du fruit du patient travail du comte Francesco Castiglioni (mort en 1846 et héritier des comtes de Venegono) destiné à tracer, indexer et enregistrer tous les actes concernant la maison Castiglioni conservés dans
les anciennes Archives notariales du Broletto à Milan (les anciens actes notariés sont actuellement conservés aux Archives d’Etat de Milan, dans la via Senato). Dans une élégante série de petits volumes sont consignés, comme dans un répertoire, des indexes infinis de documents notariés en partie résumés, parfois seulement énumérés (dont les originaux ont souvent disparu) qui constituent un témoignage précieux pour reconstituer l’histoire de la maison entre les XIVe et XIXe siècles.
pour Côme. Le château appartenait aux Castiglioni de Casciago (qui administraient également les terres en contrebas et les moulins de Gurone) mais il passa aux mains de la famille Bizzozeri dès le XVIe s. par voie de mariage. Toujours à Bizzozero, l’église de Santo Stefano mérite un petit détour. Non loin du bourg, sur un ancien site romain, l’édifice présente une structure romane. À l’intérieur, une étonnante stratification de fresques votives culmine dans le cycle Renaissance signé Galdino da Varese (1498), le plus grand peintre du XVe de la région, qui a décliné à sa manière les putti en liesse et les architectures en trompe l’œil de la Renaissance. L’élargissement de la vallée de l’Olona sous Lozza annonce l’arrivée à Castiglione Olona. On croit encore distinguer tout autour, au sommet des collines, sinon les châteaux du moins les tours qui contrôlaient le pont sur l’Olona avec l’auberge voisine, surveillant avant tout le passage entre Varèse et Milan. C’est en effet l’un des principaux nœuds routiers qui reliaient le chef-lieu lombard à Varèse et à la Suisse. Les nombreux entrepôts industriels ont défiguré une partie de la vallée qui, sous le bourg de Castiglione, se resserre en entonnoir. Audessus de la vallée étroite se dresse l’âpre colline où se trouvait le château des Castiglioni qui a laissé place à l’église collégiale d’époque Renaissance. Au-dessus de Castiglione se dresse Venegono Superiore d’où les Castiglioni étendirent leur influence jusqu’à Binago, point de contrôle sur la route pour Côme, et à Appiano, où se trouve la dernière église plébane avant la frontière avec Côme. On ne peut ignorer qu’à quelques kilomètres de Castiglione et Venegono se trouvent les vestiges de l’ancien Sibrium (Castelseprio), le village remontant à la fin de l’Antiquité qui a donné son nom à la région du Seprio. Détruit par les Milanais en 1287, Castelseprio est célèbre pour les belles fresques de l’église Santa Maria foris portas. Ces peintures, réalisées par un artiste anonyme byzantin ou syrien entre les VIIIe et IXe s., sont uniques en Europe de l’Ouest. Pour rester toutefois dans l’ambiance Renaissance, rappelons que l’église de Santa Maria était décorée d’une splendide fresque représentant une Nativité qui a été détachée pour être conservée dans l’église de San Martino à Carnago, ville voisine. Le raffinement de l’architecture, les nombreux motifs inspirés de la Rome antique (si chère aux hommes de la Renaissance) 160
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 7
et les drapés révèlent la sensibilité du peintre aux expérimentations artistiques de Ferrare. Et l’on se demande qui a pu faire appel pour décorer une église perdue au milieu des bois de l’ancien Sibrium à un peintre provincial mais au fait des dernières évolutions artistiques. La peinture apporte également un témoignage direct de la manière dont devaient être décorés les châteaux des Castiglioni, des Pusterla et des Visconti à la fin du XVe siècle. Sous la colline de Castelseprio, la tour de Torba, ancienne ramification de la fortification du bourg et aujourd’hui propriété du FAI, était au XVe s. un monastère géré par les femmes de la maison Pusterla. La puissante lignée rivale des Castiglioni contrôlait à Milan tout le quartier de porta Ticinese et, au sud de la ville, les terres fertiles autour de Carpiano (Milan). Il ne reste aucun vestige du XVe s. du puissant château de la famille à Tradate mais le village dévoile des structures intéressantes remontant aux nombreuses maisons anciennes que les Pusterla possédaient sur place. On reprend la route provinciale pour Saronno et, quelques villages plus tard, on arrive au hameau de Mozzate dit San Martino. Au cœur d’une végétation luxuriante on découvre, presque adossé à la route, un édifice qui ressemble aujourd’hui à une villa. Son architecture compacte et fermée autour d’une cour témoigne encore de la présence de l’ancien château de San Martino sous les décorations et les balcons en fer forgé d’époque dix-huitième. Propriété des Castiglioni, ce fut leur premier château sur la route venant de Milan qui leur offrait un abri sûr lors des vives tensions politiques en ville et une agréable maison de campagne le reste du temps. Derrière le palais, au milieu du tissu urbain moderne, se dresse le sanctuaire de Santa Maria Solaro qui, autrefois, relevait vraisemblablement de la forteresse. Il conserve d’autres vestiges de peinture Renaissance (1490-1500 environ), une fois encore à l’orientation très provinciale. Sous la Vierge en trône figure une succession de portraits de dévots, tous des hommes, réalisés avec un bel effort artistique : s’agit-il des membres d’une fraternité ou de la famille Castiglioni ? Un peu plus loin se trouve Cislago, avec son palais flanqué de tours mais nous sommes ici de nouveau sur les terres des Visconti. Dévots, détail de la Vierge au trône, dernière décennie du XVe s. San Martino di Mozzate, Santa Maria Solaro.
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CHÂTEAU DE MASNAGO
COMMUNE : Varèse, Masnago TYPE : château seigneurial FAMILLE : Castiglioni, Castiglioni Stampa, Mantegazza, Panza ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument, accueille le Musée municipal d’art moderne et contemporain
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La présence de fortifications à Masnago est attestée depuis le XIe siècle. Il existait une clôture fortifiée avec des tours, englobant l’église paroissiale de San Pietro et le château actuel, étroitement liée aux forteresses de Velate, Santa Maria del Monte, Casciago et Varèse. Le château appartient à la famille Castiglioni de Casciago depuis le XIVe siècle. Ce sont les frères Obizzo, Giovanni, Guarnerio et Giovanni Andrea, tous juristes ayant fait leurs études à Pavie et occupant des charges importantes dans le gouvernement de Filippo Maria Visconti (14121447), qui ont habité le château et l’ont reconstruit au XVe siècle. Le manoir est resté pendant des siècles aux mains des Castiglioni mais il est passé à d’autres branches de la lignée. Au début du XIXe s. les propriétés de Masnago ont été vendues à Angelo Mantegazza. Les biens sont ensuite passés aux mains des Panza puis, en 1981, le bâtiment a été cédé à la commune de Varèse. Bâti au sommet d’une colline en vue du lac de Varèse et du Sacro Monte, le manoir présente de nos jours l’aspect d’une simple villa lombarde. Articulé autour d’une cour en partie agrémentée d’arcades, l’édifice se divise en deux corps de bâtiments tout à fait distincts : à l’est, un bloc trapézoïdal compact datant du XVe s. et, au sud-ouest, la villa dix-septième en forme de L qui entoure la cour et se raccorde aux structures préexistantes. L’entrée, située au nord, est flanquée d’une tour. Si les créneaux qui couronnent le donjon est du dixneuvième, sa maçonnerie en pierre (que l’on voit dans la cour depuis une restauration récente) révèle ses origines anciennes et son appartenance au complexe primitif. Le plus intéressant est le corps de bâtiment à l’est. Soudé à la tour, il donnait autrefois sur la cour à arcades et une colonne du XVe s. émerge encore de la maçonnerie. Les autres côtés de la cour, où se trouvent aujourd’hui les
VARESE, MASNAGO
ailes du XVIIe s., devaient être fermés peut-être par de simples murailles au XVe siècle. À partir de 1938, on a découvert les cycles décoratifs des pièces de cette aile. Au rez-de-chaussée, dans le salon des Distractions (salone degli Svaghi) un paysage continu de lacs et de collines accueille des scènes de divertissement de la cour. On navigue sur les lacs préalpins dans d’élégantes barques tandis que des dames à la mode échangent des fleurs ou jouent aux tarots. Les nobles chassent avec un faucon. D’autres dames jouent de la musique sous des pavillons somptueux, installés sur des gazons fleuris et décorés de luxueux tissus relatant les hauts-faits de la famille. Sur les crêtes des collines alternent tours, châteaux et oratoires de campagne. Le visiteur est plongé dans l’atmosphère du lac de Varèse au XVe s., rien ne manque, pas même les canards dans l’étang, mais au-dessus de la porte du mur nord on remarque un léopard. Peut-être cet animal exotique, étranger à la région, rappelle-t-il les décorations bien plus prestigieuses de la salle des Léopards au château de Pavie et le beau calepin bergamasque de Giovannino de’ Grassi avec ces élégants félins dessinés dans différentes poses. Il est probable que les Castiglioni aient vu ces fauves car la maison où le duc Filippo Maria Visconti gardait ses félins était proche du palais milanais des Castiglioni de Casciago. A l’étage supérieur figurent quatre pièces décorées. Le salon des Vices et des Vertus se trouve au-dessus de celui des Distractions. Ici, sur un fond rouge, peut-être recouvert autrefois d’une peinture bleu lapis-lazuli, des personnages symboliques, parfois énigmatiques, peuplent les murs. Chaque vertu est accompagnée de deux vices en contrepoint. Les personnifications des vices et des vertus sont peintes dans leurs comportements les plus emblématiques : sur le mur côté est on admire la chasteté
dans sa tenue monacale entourée de la luxure provocante et de la dame représentant la vanité, avec son miroir de poche et une épingle à cheveux. Les décorations des deux pièces principales sont datées des années où le château accueillait Giovanni Castiglioni (mort en 1443) et Maria Lampugnani, fille des seigneurs de Legnano. Les emblèmes des Lampugnani et des Castiglioni sont en effet entrelacés presque tout au long de la décoration. La décora-
Peintre lombard, Dame à l’orgue portatif, moitié du XVe s. Varèse, château de Masnago, salle des Distractions (Svaghi).
Tour du XVe s. du château de Masnago, Varèse. Remarquer les créneaux XIXe s. 163
Salle des Vices et des Vertus. Varèse, château de Masnago.
Peintre lombard, Avarice, Parcimonie et Prodigalité, moitié du XVe s. Varèse, château de Masnago, salle des Vices et des Vertus. 164
tion de la salle voisine (côté est) avec un motif géométrique en vogue à la fin du XIVe s. et dotée d’une niche accueillant la peinture d’une Crucifixion et saints pourrait remonter à cette même époque, voire à quelques années auparavant. L’atmosphère des deux autres salles est radicalement différente. Dans celle de l’angle nord-est figurent des décorations de la fin du XVe. Une curieuse colonnade s’étire d’un bout à l’autre de la pièce. Les troncs des colonnes sont brisés par des masques monstrueux. La frise qui domine présente des médaillons soutenus par d’autres monstres et contenant des portraits de membres de la dynastie et de personnages historiques ou mythologiques. Les thèmes iconographiques de la dernière salle, remontant peutêtre aux années 1520-1530, sont toujours nimbés de mystère. Sous un pla-
fond en bois du XVe s., finement décoré, d’élégantes frises encadrent des images au sujet énigmatique. Les thèmes sont sacrés et profanes. La femme nue endormie est peut-être Ariane abandonnée. Des emblèmes bordés d’inscription désormais effacées dissimulent une signification symbolique qui n’est plus accessible aux visiteurs d’aujourd’hui. Le village qui s’étend entre le château et l’église présente des vestiges encore visibles du passé. En face de l’église, la base d’une grande tour tronquée atteste que les fortifications devaient arriver jusque là, traçant une vaste clôture qui protégeait les maisons des Castiglioni de Casciago. Côté sud, le château est actuellement bordé d’un gazon à l’anglaise qui s’étend jusqu’au grand portail surmonté de lions XVIIIe, emblème traditionnel des Castiglioni.
VARESE, MASNAGO
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BOURG DE CASTIGLIONE OLONA
CHATEAU DE CASTIGLIONE OLONA COMMUNE : Castiglione Olona (Varèse) TYPE : château-fort FAMILLE : Castiglioni ETAT DE CONSERVATION : vestige historique ; la collégiale et le baptistère se trouvent sur le site du château
Vue aérienne du bourg de Castiglione Olona, à droite la collégiale.
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L’histoire du château de Castiglione Olona est une succession sans fin de destructions et de restaurations. Le préfixe du toponyme (qui contient le mot castello, château en italien) et la présence des fortifications voisines datant de la fin de l’empire romain de Torba et Castelseprio laissent penser qu’il existait un castrum au sein du système fortifié des Romains destiné à contrôler la vallée de l’Olona et les routes convergentes qui reliaient Côme à Novare et
Milan aux Alpes. Les informations certaines au sujet du château datent du XIe siècle. Détruit puis rebâti à plusieurs reprises au XIIIe s. lors des affrontements entre Torriani et Visconti, ce bâtiment a été reconstruit à partir de 1423 à l’initiative des Castiglioni encouragés par le cardinal Branda. Dès lors, avec la construction de la collégiale, le château est également devenu le centre religieux du village. Le château et les aumôneries de la collégiale étaient gérés en copropriété par le consortium de la noblesse des Castiglioni qui élisaient en assemblée le château et les aumôniers et participaient ensemble aux frais de réfection de la forteresse. Après la mort du duc Filippo Maria Visconti (1447), plusieurs Castiglioni encouragèrent Filippo Maria Visconti, comte d’Albizzate et partisan de Francesco Sforza (1450-1466), à instaurer la République Ambrosienne (1448-1451). Après la fuite de Ludovic le More
CASTIGLIONE OLONA
(1480-1499) et l’arrivée des Français à Milan (1499), presque tous les membres de la lignée de Castiglioni se rallièrent aux Français. Au cours de la décennie suivante, le château a été plusieurs fois le théâtre d’échauffourées entre les mercenaires des Cantons suisses et les armées du roi de France. Les pillages de 1510 furent particulièrement violents également pour les habitants de Castiglione. Avec l’accession au trône ducal de Massimiliano Sforza (1512-1515), les membres les plus éminents de la dynastie des Castiglioni furent déclarés rebelles et leurs biens confisqués. En 1513, le duc ordonna au sénateur Giovanni Battista Pusterla de raser le bourg et le château de la carte mais les Castiglioni, moyennant une énorme somme d’argent, réussirent à convaincre (sur la route entre Varèse et Bizzozero) le capitaine suisse chargé de la mise à sac de ne détruire que le château. Les palais et les églises de la famille furent ainsi sauvés. La partie du fort qui avait survécu fut ensuite anéantie en 1522 par Francesco II Sforza (1521-1535) ; à son retour, de nombreux Castiglioni furent de nouveau condamnés et leurs biens confisqués. Les ruines du berceau des Castiglioni se dressent sur l’éperon qui domine la vallée de l’Olona. Le plan des remparts devait être pratiquement carré et, sur trois côtés, la défense principale était assurée par le précipice d’une vingtaine de mètres au-dessus de la rivière. Différentes sources font état de puissantes tours qui élevaient encore la silhouette de l’ensemble sur la vallée. Il ne reste du château que l’imposante porte d’entrée, au sommet d’un raidillon qui monte depuis le bourg et défendue autrefois par un pont-levis enjambant des douves aujourd’hui comblées. La tourelle à
côté de la sacristie de l’église, peutêtre, le clocher et l’édifice englobant le baptistère sont des vestiges des anciennes tours fortifiées du manoir. Lors de la visite du château de Castiglione Olona, impossible donc de négliger la collégiale et le baptistère qui s’inscrivent dans le circuit de l’ancienne forteresse. L’église de Santi Stefano e Lorenzo a été édifiée au château entre 1421 et 1428, en remplacement d’une ancienne église dédiée à saint Pierre, par Alberto, Giovanni et Pietro Solari, fils de Marco da Carona, lui-même architecte de la cathédrale de Milan. Les ouvrages décoratifs y ont été réalisés après 1431. On lit la date de 1435 sur le baptistère et les décorations de la collégiale remontent à ce court laps de temps. On trouve sur les autels de l’église, au lieu des tableaux habituels, des retables de pierre vivement colorés, réalisés par des
Masolino da Panicale, Anges, détail du Baptême du Christ, 1435. Castiglione Olona, baptistère.
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Façade du château de Monteruzzo, Castiglione Olona.
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artisans de Carona. Le monument funéraire du cardinal Branda (1443 environ), œuvre des mêmes artisans, s’inscrit dans une arche à gauche du maître-autel et l’on distingue également de nombreux vestiges d’autres sépultures des Castiglioni. Les fresques sont l’œuvre de l’artiste d’âge mûr Masolino da Panicale (Florentin), qui a réalisé la cuvette de l’abside décorée avec l’Histoire de la Vierge, et des jeunes Lorenzo di Pietro dit le Vecchietta (Siennois) et Paolo Schiavo (Florentin peut-être d’origine slave) qui peignirent l’Histoire de saint Etienne et saint Laurent. Situé à l’extrémité opposée du château par rapport à l’église (il devait y avoir un cloître entouré des maisons des chanoines entre ces deux bâtiments), le baptistère avec ses deux petites pièces voûtées conserve des fresques de Masolino retraçant l’Histoire de saint JeanBaptiste, chef-d’œuvre incontestable de la Renaissance italienne. Ici, comme sur les peintures de la collégiale, les artistes toscans qui ont
opéré, bien que porteurs d’un style propre, semblent davantage enclins à se laisser séduire et influencer par l’esprit encore gothique-courtois de la peinture milanaise qu’à révolutionner l’art lombard. En poursuivant la visite de Castiglione Olona, on remarque que le village est blotti entre les hauteurs du château et la colline de Monteruzzo. Sur cette dernière se dresse aujourd’hui la silhouette d’un château (en réalité un faux du XVIIe s.) : le palais des Castiglioni de Monteruzzo qui, côté sud, domine le bourg de ses tours élancées. Autrefois, toutes les maisons du village au pied du château appartenaient à la lignée des Castiglioni. Pour les membres les plus éminents de la maison, il s’agissait de résidences secondaires, en alternative à leurs demeures milanaises, mais jalousement conservées comme un signe tangible de leurs racines et de contrôle du territoire. Ce n’est qu’au XVIIe s. que certaines de ces demeures patriciennes passèrent aux mains des Clerici, des Magenta
CASTIGLIONE OLONA
et des Piccinelli, les familles montantes de l’époque entre Milan et le Seprio. Les ruelles escarpées et en lacet du bourg regorgent de plaques et d’emblèmes portant le lion bondissant avec le château, emblème de famille. Au pied du palais de Monteruzzo se trouve la Corte del Doro, ancienne maison des Castiglioni désormais propriété de la commune, transformée pour accueillir le MAP (Musée de l’art plastique), le premier musée italien entièrement consacré à des œuvres d’art réalisées en matière plastique, témoignage, avec l’immense zone industrialisée de la vallée au nord du château, du récent virage historique qu’a pris Castiglione Olona. Mais parmi les œuvres d’art en plastique, l’atmosphère des châteaux du duché est évoquée ici
dans les belles décorations mises au jour dans la cour et à l’intérieur : de petits lièvres blancs batifolent dans une végétation luxuriante, sous le vol attentif de grands hérons, le tout entremêlé de décorations géométriques raffinées et de faux encadrements aux couleurs vives. Sur la place créée par le carrefour des anciennes rues du bourg se dresse le palais du cardinal Branda qui devint au XVe s. le pôle alternatif au château comme centre du village. Le palais du cardinal s’articule en deux corps de bâtiment : le premier, du XIVe s., donnant sur la cour interne et le second, du XVe s., tourné vers la rue. Ils sont reliés par un bâtiment-charnière caractérisé par une élégante logette et qui abrite la petite chapelle San Martino. Côté rue, le palais présente des
Le cardinal Branda Maîtres de Carona, Sarcophage du cardinal Branda, après 1443, détail. Castiglione Olona, collégiale.
Branda Castiglioni (Milan, 1350-Castiglione Olona, 1443), fils ainé de Maffiolo et Lucrezia dei conti Porro, a étudié le droit canonique à Pavie avant d’enseigner lui-même cette matière dans la même université. En 1389, Gian Galeazzo Visconti l’envoya à Rome, à la cour pontificale, où sa carrière a pris son essor : auditeur de la Rote, protonotaire apostolique, évêque de Plaisance (1404), cardinal (1411), légat pontifical en Allemagne, Hongrie et
Bohème. Il participa au premier chef aux conciles de Constance (1414-1418) et Bâle-Ferrare-Florence (1431-1445). Ami personnel de l’empereur Sigismond du Luxembourg, Branda Castiglioni devint comte de la région hongroise de Veszpém. Il œuvra en faveur du renouveau de son bourg de famille mais fut également le commanditaire de l’église San Clemente à Rome et fit bâtir un palais à Milan pour ses neveux (l’actuel palais Cagnola dans la via Cusani). Il fonda à Castiglione Olona une école de grammaire dont le premier enseignant fut le Morave Giovanni da Olmütz, auteur d’une biographie élogieuse du cardinal retrouvée en 1935 dans la tombe du prélat à Castiglione. De retour du concile de Florence, Branda se retira à Castiglione où il mourut en 1443 à l’âge de 93 ans.
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Scènes champêtres, moitié du XVe s. Castiglione Olona, Corte del Doro, salle du premier étage.
vestiges des anciennes fenêtres en terre cuite et la belle porte de marbre avec l’emblème ducal surmonté des incontournables armes familiales. Ce bâtiment devait présenter sa physionomie actuelle dès 1431 tandis que les décorations ne furent probablement réalisées à l’intérieur qu’entre 1435 et 1438, à une période où le cardinal y séjourna à demeure ; il résidait en effet à Castiglione entre deux sessions du concile de Bâle. Les décorations des pièces du palais sont d’une grande beauté. Les murs de la chapelle, de la loggia, de la salle des Putti et de la salle du Paysage conservent des fragments décoratifs qui, comme à Masnago, font revivre l’atmosphère des cours du XVe siècle. Dans la chapelle San Martino, peinte par Vecchietta, artiste siennois, entre 1435 et 1440, des saintes vierges et des saints confesseurs défilent face à face autour d’une Crucifixion aux tons subtils variant du rose au mauve et au vert (les fresques n’ont été redécouvertes qu’en 1982). Cette décoration était autrefois rehaussée d’éléments dorés et émail170
lés qui décuplaient la luminosité et le raffinement des lieux. La logette supérieure, défigurée par l’installation des escaliers, arbore un programme iconographique moralisant où les vertus sont personnifiées par divers héroïnes et héros : la belle nature morte figurant presque par hasard sous la structure architecturale peinte est admirable. Le programme de la salle des Putti paraît lui aussi conçu dans un objectif éducatif. Des enfants nus semblent folâtrer et s’amuser sous des arbres feuillus sur un fond rouge vif (qui était peut-être autrefois d’un bleu lapis-lazuli étincelant) mais les cartouches et inscriptions indiquent qu’il ne s’agit pas simplement d’activités ludiques mais d’enseignements moraux : chaque geste des putti peut en effet traduire un comportement vertueux. La pièce suivante déroule le beau paysage idéal inachevé signé peut-être de Masolino. Entre des falaises roses et des prairies vert-mauve se dressent des cités imaginaires et des châteaux ponctués de tours à l’architecture improbable, le tout encadré de ravis-
CASTIGLIONE OLONA
santes frises et des immanquables armoiries des Castiglioni alternant avec celles des Terzaghi, des Pusterla et d’autres parents. Face au palais du cardinal, sur le “palazzo dei familiari” (ancienne demeure probablement de différents neveux de Branda), on admire les vestiges d’un magnifique portail en terre cuite qui, dans une atmosphère suspendue entre la fin du Moyen Age et la Renaissance, alterne portraits impériaux et cimiers à plumes sur des carreaux. Toujours sur la place centrale du bourg, à l’embouchure de la montée vers l’ancien château, se dresse, sur l’emplacement d’une chapelle précédente, l’église de Villa dédiée au Corps du Christ et aux quatre docteurs de l’Eglise (débutée en 1437 et certainement achevée en 1444). Avec son plan centré, peut-être en souvenir de la structure du Saint
Sépulcre, elle est le seul édifice en terre lombarde à évoquer le style toscan mais ici le jeu de clair-obscur entre les nervures architecturales et les murs enduits n’est pas dû à la pierre de Florence (pietra serena en italien) mais à celle extraite des carrières voisines de Malnate et Saltrio, et tout le travail de la pierre et de la terre cuite indique l’intervention d’artisans locaux. Le cube ponctué de bandes d’encadrement corinthiennes et surmonté d’une tourlanterne circulaire à arcades témoigne du degré d’évolution de la petite cour familiale des Castiglioni. A l’intérieur, on remarquera le monument funéraire du juriste Guido Castiglioni, mort à Alexandrie en 1485 et petit-neveu du cardinal Branda, dédié à son époux par sa veuve Margherita Feruffini, qui se rapproche de la production de l’atelier d’Amadeo.
Les Castiglioni et la Rome antique Masolino da Panicale, Vue de Rome, 1435, détail. Castiglione Olona, baptistère.
La vue aérienne de Rome peinte dans le baptistère de Castiglione Olona est célèbre. Les ruines de la ville devaient fasciner les Castiglioni, comme la plupart des hommes de la Renaissance de manière générale. Cette fresque est peut-être destinée à célébrer la dignité de cardinal de Branda mais elle rappelle surtout la passion du prélat et des membres de sa famille pour l’Antiquité, passion peutêtre encouragée par leur amitié avec Ciriaco d’An-
cona, l’un des plus fins connaisseurs de l’Antiquité du début du XVe s. et qui a séjourné à Castiglione en 1443 à l’occasion des funérailles du cardinal. Partageant cette passion pour les vestiges antiques avec des humanistes européens, les Castiglioni se sont amusés à fouiller leurs campagnes et les bois du Seprio pour y rassembler autels, stèles et cippes romains qu’ils ont installés dans des musées avant la lettre dans leurs résidences de Castiglione et leurs palais milanais. Un parent du cardinal fut même surnommé “le Romain” en raison de son importante collection de statues, épigraphes et médailles anciennes. Ces recueils ont été presque tous perdus mais certains autels et cippes sont encore conservés dans la cour du palais de Branda. 171
CHÂTEAU DE VENEGONO SUPERIORE
COMMUNE : Venegono Superiore (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Pusterla, Castiglioni, Saglier, Collini, Broggi ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : accueille l’Institut des Missions africaines de Daniele Comboni
Vue aérienne du château de Venegono Superiore.
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La première mention du château de Venegono remonte au XIe siècle. Dès 1316 les Pusterla (installés à Tradate depuis la moitié du XIIIe s.) commencèrent à acquérir des biens à Venegono et devinrent probablement propriétaires du château. L’extension de l’influence des Pusterla dans la zone où les Castiglioni exerçaient leur pouvoir suscita la rivalité des deux
familles et durcit leur lutte déjà âpre sur la place milanaise. En 1409, les Pusterla capturèrent Ubertino Castiglioni et l’enfermèrent d’abord au château de Venegono puis à Monza avant de l’échanger contre le paiement d’une importante rançon et la cession de plusieurs propriétés des Castiglioni. Mais la situation s’est renversée après que Giovanni Pusterla a participé au complot contre le jeune duc Giovanni Maria (1402-1412), assassiné à l’église San Gottardo in Corte en 1412. Le nouveau duc Filippo Maria (1412-1447), frère de la victime, confisqua une grande partie des biens des Pusterla. En 1425, le château de Venegono Superiore fut acheté par les quatre neveux du cardinal Branda grâce à l’intercession du prélat. C’est vraisemblablement à la même époque que
VENEGONO SUPERIORE
les Castiglioni entrèrent également en possession du petit château et des propriétés de Venegono Inferiore, ces dernières leur ayant été disputées par les Pusterla jusqu’au XVIIe siècle. Le 2 janvier 1454, l’empereur Frédéric III de Habsbourg nomma Francesco Castiglioni (l’un des quatre neveux du cardinal Branda) comte de Venegono Superiore. Jusqu’à la fin du siècle, les Castiglioni continuèrent d’acquérir les biens des Pusterla à Venegono. A la mort du premier comte (1478), le château fut divisé entre ses trois enfants. Au tout début du XVIe s., suite aux bouleversements politiques et à l’adhésion des Castiglioni au parti proFrançais, le territoire et le château de Venegono subirent les incursions et les pillages des troupes helvétiques. Avec le retour des Sforza (1512), la plupart des Castiglioni furent déclarés rebelles et leurs biens confisqués mais Venegono Superiore fut le seul château à rester aux mains de la maison. C’est depuis le manoir de Venegono que les Castiglioni ourdirent leur vengeance contre les Pusterla : le 25 juillet 1515 Fioramonte Castiglioni (neveu du comte Francesco), accompagné de quelques parents, assassina les Pusterla qui avaient occupé les biens confisqués à Venegono Inferiore et participé à la destruction de la forteresse de Castiglione Olona. Le château resta ainsi aux mains des différentes branches des comtes de Venegono jusqu’en 1703, lorsque les Castiglioni vendirent leur partie de l’édifice à Giovanni Saglier, militaire, aventurier et peintre, ami des princes Borromeo et en quête d’anoblissement. Différentes parties du bâtiment passèrent peu à peu aux mains de divers propriétaires et, entre 1921 et 1926, le château fut acquis par les Comboniens et devint le siège du noviciat de cet ordre.
Bâti sur la colline dominant le bourg et la campagne environnante de Vedano à Binago et jusqu’à Venegono Inferiore, le château présente aujourd’hui encore un plan rectangulaire proche de celui d’origine. Sa physionomie est le fruit de restaurations néogothiques effectuées par les Broggio à la fin du XIXe s. et par les Comboniens après 1921. Bien que ces travaux aient contribué à lui conserver vaguement l’aspect d’un château, ils ont compromis la lisibilité de sa structure médiévale en particulier dans l’aile nord où les deux puissantes tours d’origine ont disparu, englobées dans une construction moderne. Les principaux corps de bâtiment devaient être autrefois en fer à
Armoiries des Castiglioni et motif héraldique de Francesco Castiglioni, moitié du XVe s. Venegono Superiore, château, extérieur de l’aile ouest.
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1520, chasse aux sorcières à Venegono
Entre mars et juin 1520, plusieurs femmes de Venegono Superiore furent accusées de sorcellerie par un artisan de Monza. Lors du procès qui eut lieu au château, en présence du comte Fioramonte Castiglioni, les sorcières présumées furent également accusées d’avoir tué un enfant du comte. Après des mois de procès et
de tortures, certaines d’entre elles “avouèrent” et s’accusèrent les unes les autres de différents crimes tandis que d’autres continuèrent à crier leur innocence. Tous les hommes impliqués furent acquittés mais sept femmes furent condamnées au bûcher et brulées sur la colline de Monte Rosso, en face du château
Page du procès-verbal des interrogatoires du procès des sorcières de Venegono Superiore, 1520. Milan, Archivio di Stato.
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VENEGONO SUPERIORE
cheval dans la partie nord du quadrilatère tandis que, côté sud, la grande cour était peut-être fermée (comme à Jerago) par un simple mur. Le château était entouré de douves et l’entrée principale se situait à la moitié de l’aile ouest. Une tour se dressait au-dessus de la porte ; décorée autrefois par deux statues de saints en pierre, elle a été ensuite transformée au XIXe siècle. Deux autres tours ponctuaient les angles de l’aile nord et une structure elle aussi munie de tours devait se dresser au sommet de l’aile sud, là où l’on voit aujourd’hui une grosse tour néogothique. Une partie de la spacieuse cour interne devait être couverte d’arcades dès le XVe s. et des escaliers extérieurs desservaient les étages supérieurs. D’intéressants vertiges de fresques du XVe s. ont été mis au jour dans l’aile ouest du bâtiment, témoignage de l’aspect d’origine de la décoration. Outre les écussons habituels avec le lion bondissant et le château, accompagnés des lettres FA (se rapportant peut-être au premier comte Francesco) et d’autres vestiges héraldiques, on trouve également un personnage très intéressant, philosophe ou juriste. Cette belle fresque monochrome (un homme barbu et encapuchonné, peint dans des tons ocre) faisait peut-être partie d’un cycle de personnages mythiques ou allégoriques semblables à ceux retrouvés dans d’autres châteaux ou palais des Castiglioni. Il n’est pas impossible que, autour de la cour de château, se soit étalée une série de personnages célèbres imitant le célèbre cycle de héros et héroïnes peint par Masolino da Panicale (artiste bien connu des Castiglioni) au palais Orsini de Monte Giordano à Rome. Le livre que l’homme tient de la main gauche et
désigne de la droite rappelle la bibliothèque très fournie que les Castiglioni conservaient au château de Venegono, jusqu’aux pillages du début du XVIe s., avec ses ouvrages en italien, latin, français et hébreu. Bien que le château ne soit pas directement relié au village, au pied de la colline, les premières maisons se rattachent au complexe à travers l’église de Santa Maria Assunta, dite “alla Fontana”, peutêtre édifiée sur une précédente église appelée Santa Maria in castro. Cette petite église conserve plusieurs fresques datées de la moitié du XVIe s. et les portraits de leurs commanditaires : Giovanni Battista Castiglioni et Ippolita Figini.
Philosophe ou juriste, moitié du XVe s. Venegono Superiore, château, aile ouest.
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CHÂTEAU PUSTERLA MELZI
COMMUNE : Tradate (Varèse) TYPE : château seigneurial FAMILLE : Pusterla, Melzi ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : accueille l’Institut Barbara Melzi des Filles de la Charité Canossiennes
, ct
Façade de l’Institut Barbara Melzi des Filles de la Charité Canossiennes, Tradate.
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La présence de la famille milanaise des Pusterla à Tradate est attestée dès le XIIIe siècle. En 1221, un Obizzo Pusterla fut nommé capitaine du Seprio ce qui prouve le prestige que cette famille était en train de gagner au nord de Milan. Le château de Tradate fut construit, ou plus exactement, reconstruit par les Pusterla autour de la moitié du XIVe siècle. L’église Santa Maria di Castello fut fondée par l’archevêque de Milan, Guglielmo Pusterla (1361-1370), qui résida longtemps à la cour papale d’Avignon et était hostile aux Visconti. Le neveu de l’archevêque, Tommaso Pusterla, évêque de Brescia (1397-1399), y fonda
une aumônerie qui fut pendant des siècles le lieu de rassemblement religieux de la famille, avec l’église milanaise de San Sebastiano de la porta Ticinese. Les rapports des Pusterla avec le pouvoir des Visconti fut souvent orageux. En 1341, Francesco Pusterla ourdit un complot qui regroupait une partie de sa famille et d’autres aristocrates milanais contre Luchino Visconti. Soixante-dix ans plus tard (1412), un autre Pusterla joua un rôle de premier plan dans l’assassinat du tout jeune duc Giovanni Maria Visconti. Ces événements prouvent le prestige et le pouvoir de cette famille qui prit la tête des nobles milanais contre les seigneurs Visconti. La participation aux complots se soldait par l’élimination (souvent physique) des branches les plus puissantes de l’agnation et par la confiscation de nombreux biens immobiliers. A ces situations politiques s’ajoutaient les luttes séculaires sur la place locale avec la famille noble des Castiglioni. Les deux maisons se sont en effet disputé pendant des siècles le contrôle de la vallée de l’Olona entre Venegono Superiore et Tradate. Pendant encore tout le XVe s. les Pusterla ont su gérer presque d’égal à égal les relations avec la famille ducale des Sforza. C’est le puissant Pietro Pusterla (petitneveu de l’archevêque de Milan) qui dirigea les rangs gibelins et pesa de tout son poids dans la politique du duché après l’assassinat de Galeazzo Maria (1476) en imposant aux ducs le retrait et la décapitation du premier secrétaire calabrais Cicco Simonetta. Baldassarre, fils de Pietro, engendra les seigneurs de Frugarolo, Casalnoceto et Abbiategrasso, la branche la plus noble et la plus éminente de la lignée jusqu’au XVIIIe siècle. Au XVIIe s., l’entreprenant sénateur
TRADATE
Fabrizio Luigi Pusterla, de la branche de Tradate, réussit – à travers des procès fleuves frisant la fraude – à arracher aux aristocrates milanais les biens ancestraux de Tradate et les droits de patronage sur l’église du château de Santa Maria. A la fin du XVIIIe s. le mariage de la dernière descendante de Fabrizio avec un Melzi fit tomber le château dans l’escarcelle de cette dernière famille. Barbara Melzi (1825-1898), dernière héritière de la famille, fonda l’Institut des Canossiennes de Tradate. Le château se dresse sur une hauteur de Tradate et domine le bourg et la vallée de l’Olona. Le regard porte jusqu’à la chaîne du mont Rose. Le château se présente comme un puissant palais dix-septième et ne conserve rien de son aspect médiéval et Renaissance. Il est difficile d’imaginer la structure du manoir d’origine mais on peut supposer qu’il ressemblait à la fortification voisine de Venegono Superiore. Le seul vestige médiéval est l’église de Santa Maria in Castello ; transformée en style néogothique par Barbara Melzi, elle conserve la précieuse arche en marbre de Tommaso Pusterla qui fait office de retable d’autel et a été réalisée par des maîtres de Campione. La sépulture atteste avec majesté du prestige de cette lignée au XIVe siècle. Les décorations internes de la construction actuelle sont intéressantes. Réalisée à la fin du XVIIe s., la campagne décorative du château témoigne peut-être du désir de légitimation absolue de la branche des Pusterla de Tradate sur celle de Frugaroloo. Dans le grand salon du premier étage et plusieurs pièces voisines, les Pusterla ont fait réaliser un cycle presque unitaire voué à glorifier leur maison : vingt-huit aïeux, triés
sur le volet parmi les plus en vue entre les XIIe et XVIe s., sont représentés dans de fausses niches. On trouve également deux personnages héroïques à cheval en souvenir des Pusterla partis aux Croisades. Dans une pièce à part sont célébrées les gloires des prélats de la maison. Ce cycle est vraisemblablement l’œuvre des peintres Salvatore et Francesco Maria Bianchi de Velate et Federico Bianchi. Comme à Castiglione Olona, le château se dressait certainement autrefois au milieu de maisons de famille. Les anciennes habitations du centre de Tradate, entre le château et l’église paroissiale, présentent les armes de famille, témoignant ainsi leur appartenance aux différents Pusterla. Les maisons alternaient avec les cloîtres de plusieurs couvents fondés par les membres de l’agnation où l’on trouve des sépultures de nobles locaux. Le contrefort de la colline où se dresse le château accueillait les résidences de famille, peut-être anciennes tours de guet ou annexes fortifiées du manoir. A la fin du XVe et durant une partie du XVIIe s., les Pusterla de Frugarolo étaient propriétaires de Monteoliveto (aujourd’hui villa Citterio située au nord du château), qu’il faut imaginer comme une somptueuse résidence de campagne Renaissance. Le chevalier Giovanni Battista Pusterla, inhumé à Santa Maria del Monte au-dessus de Varèse, y conservait une petite collection d’art. Il se peut que la villa Sopranzi Stroppa (aujourd’hui Istituto Lodovico Pavoni situé au sud du château) ait été une résidence des Pusterla. Elle doit son aspect de château à l’architecte Giuseppe Jappelli qui y réalisa des travaux néogothiques. Il reste bien peu du magnifique parc d’antan aves ses serres gothiquisantes et ses pavillons aux tours d’inspiration médiévale. 177
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 8
Un panorama de châteaux “en mouvement” Entre Ticino et Agogna lors de la seconde moitié du XVe NOVARA GALLIATE CALTIGNAGA FONTANETO D’AGOGNA DIVIGNANO OLEGGIO
La fondation de Milan, in Manipulus florum seu Historia Mediolanensis ab origine urbis ad a. circiter 1333 de Galvano Fiamma, première moitié du XIVe s. Milan, Biblioteca Nazionale Braidense.
Le Novarese, la région située autour de Novare, n’a nullement usurpé sa réputation de “terre de châteaux”. Qu’ils se situent dans de petits villages perdus entre les champs et les rizières ou à proximité d’agglomérations plus importantes, les châteaux, tours et forteresses de tout type – plus ou moins bien conservés – foisonnent dans cette région. Et plus nombreux encore sont ceux dont il ne reste qu’une simple évocation. Depuis le milieu du Moyen Age, si l’on en croit les différentes sources, le Novarese s’affiche comme un territoire profondément marqué par la présence de châteaux puisque chaque village, chaque hameau, ou presque, disposait de son castrum. Il suffit pour s’en convaincre de consulter la carte qui accompagne l’ouvrage de référence des châteaux autour de Novare Andar per castelli. Da Novara tutto intorno signé Giancarlo Andenna, où la tentative de matérialiser visuellement toutes les informations sur la présence de châteaux sur le territoire a donné naissance à une carte exhaustive où l’on cherche en vain les espaces vides. Ainsi, quiconque s’intéresse aux châteaux de la province actuelle de Novare peut avoir l’impression d’être face à un élément immuable – une sorte de constante toujours égale à elle-même – de ce panorama. Or cette impression est fausse. Fausse car derrière la continuité d’attestations de la présence de châteaux dans un lieu donné se cache souvent d’importantes modifications structurelles et parce que, malgré la forte stabilité des bâtiments, il peut y avoir de profonds changements dans leurs fonctions spécifiques. Au-delà de son indéniable continuité au fil des siècles, le panorama des châteaux – à Novare comme ailleurs – reste toujours “en mouvement”. Dans le cas du Novarese, le grand bouleversement qui – comme cela fut le cas à la même époque en d’autres lieux du duché de Milan – caractérisa l’histoire des châteaux du territoire au temps des Sforza, lors de la seconde moitié du XVe siècle, en est la meilleure preuve. De nouvelles forteresses virent le jour là où rien n’existait encore ; d’autres, plus souvent, furent bâties sur les cendres d’anciens complexes, avec des formes et des fonctions totalement neuves. Ce renouveau à partir de 1450 sera le fil conducteur de notre itinéraire à travers les châteaux de la partie la plus à l’ouest du Novarese, entre les rivières Ticino et Agogna. Les ducs sont naturellement les hommes forts de ce pan d’histoire. Il suffit en effet de se remémorer les ouvrages qu’ils ont entrepris dans les années 1470 à Galliate ou encore les travaux réalisés autour de la forteresse qui protège la ville de Novare. Mais à côté des ducs, d’autres personnages participèrent au premier chef au renouveau des châteaux de la région. A commencer par les aristocrates : ceux de Novare, comme les Caccia, mais aussi ceux d’ailleurs, comme les Visconti et les Borromeo. Lors de la seconde 179
UN PANORAMA DE CHÂTEAUX “EN MOUVEMENT”
moitié du XVe s., certains membres de ces familles nobles ont élevé des constructions entièrement neuves ou remanié en profondeur de vieux complexes, multipliant parfois le nombre de châteaux-forts sur les lieux où leur famille avait traditionnellement des intérêts. Comme les Caccia à qui l’on doit en quelques années l’édification – plus ou moins ex novo – de non moins de quatre châteaux dans la tranche de territoire comprise entre Caltignaga, Proh, Castellazzo et Mandello. En résultat de tant d’efforts, cette activité intense de construction s’accompagne souvent de l’exercice d’une influence allant au-delà des limites admises : la création de petits potentats seigneuriaux où l’autorité ducale elle-même avait du mal à s’imposer. Après avoir fait construire un nouveau grand château à Fontaneto, le noble Filippo Maria Visconti en fit l’une de ses résidences préférées, point de départ idéal pour ses sacrosaintes battues de chasse dans la vallée du Ticino. Personnage parmi les plus influents dans le Milan de l’époque des Sforza, Filippo Maria a également su faire de son château-fort de Fontaneto le cœur d’une zone “réservée”, pratiquement hermétique aux interférences externes, y compris à celles des officiers ducaux ou du prince lui-même. Ayant reçu la mission de réprimer le commerce illégal dans le Novarese, il saisit au contraire l’occasion pour prendre la tête des contrebandiers et les accueillit au château où – comme s’en plaignait Ludovic le More – «ceux qui passaient des céréales en fraude» recevaient «faveur et aide». Si ducs et grandes familles aristocratiques jouaient le rôle principal, il ne faut toutefois pas négliger la présence sur scène d’autres acteurs. En effet, d’importantes communautés rurales faisaient avancer leurs propres projets : c’est le cas d’Oleggio, dont les habitants obtinrent dans les années 1450 de Francesco Sforza (1450-1466) de pouvoir édifier un important rempart pour défendre leur bourg, dont on distingue aujourd’hui des vestiges. Ce dynamisme communautaire, inhabituel dans d’autres régions du duché, permet de souligner à quel point il serait réducteur de proposer une lecture univoque des transformations qui ont eu lieu après 1450 dans le panorama des châteaux, transformations qui Vue du château de Proh, Briona.
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PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 8
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UN PANORAMA DE CHÂTEAUX “EN MOUVEMENT”
sont étroitement liées à des besoins et à des acteurs très divers. Il convient aussi de souligner, dans le cadre de ces transformations, les répercussions du changement qui modifièrent les équilibres politiques dans le duché de Milan après l’avènement de Francesco Sforza. Fort de ses armes et d’un mariage avantageux (avec Bianca Maria, fille du dernier duc Visconti), mais menacé par de nombreux rivaux, Francesco réussit avec difficulté à établir son pouvoir uniquement à travers des accords systématiques avec les acteurs politiques les plus importants de l’Etat. En premier lieu avec les villes, qui jouaient traditionnellement un rôle clef dans la constitution matérielle du duché. Mais également les gros bourgs, comme Oleggio justement, désireux de sauvegarder ses privilèges urbains traditionnels. Sans oublier des aristocrates comme Filippo Maria Visconti, titulaire du châteaufort de Fontaneto, ou encore les Caccia – très utiles à Sforza lors de la conquête de Novare mais aussi pour s’emparer du château de Pavie – qui obtinrent ainsi la permission de construire le château de Caltignaga. Dans le cadre d’une légitimation gouvernementale obtenue avant tout “par le bas”, Francesco Sforza fut ainsi tenu de reconnaître des marges d’autonomie inédites, souvent à des sujets qui en avaient été privés jusque là. Des fortifications comme celles de Fontaneto, Oleggio, Caltignaga et Divignano devinrent alors le signe tangible des nouveaux équilibres entre les princes et les dominés à l’époque des Sforza : elles évoquent un pouvoir contraint d’une certaine manière à “dialoguer”, à négocier davantage. L’itinéraire au fil des forteresses à l’ouest du Novarese permet ainsi de visualiser sur le terrain l’évolution des structures institutionnelles du duché. La voix des ducs eux-mêmes se fait parfois entendre dans ce contexte. Elle résonne – comme nous l’avons rappelé – avant tout dans les châteaux de Novare et de Galliate, qui ont d’ailleurs connu d’importantes transformations sous le règne de Galeazzo Maria (1466-1476) et Ludovico Sforza (1480-1499), fils de Francesco, à l’époque où la tentative de rendre une autorité autonome à la figure du prince se fit plus pressante que quelques années auparavant. Après la visite de ces deux forteresses, l’itinéraire se poursuit, sur la nationale SS 229, en direction des châteaux-forts seigneuriaux des Caccia à Caltignaga et des Visconti à Fontaneto. On ne manquera pas, sur le trajet, de visiter l’église de la Santissima Trinità de Momo. Sur le même parcours, quelques petits crochets par les châteaux de Proh et Castellazzo conduiront les visiteurs peu pressés à la découverte d’autres manoirs construits par la famille Caccia, parmi les mieux conservés de toute la province de Novare. Une fois à Fontaneto, poursuivre sur les pittoresques routes secondaires en direction d’abord de Cressa puis de Bogogno, Agrate et Conturbia, pour rallier en dernier lieu l’autre château seigneurial de Divignano, portion sud de l’ancien “Etat des Borromeo”. D’ici, emprunter la nationale SS 32 pour revenir vers Novare et s’arrêter en chemin pour découvrir les vestiges du mur d’enceinte édifié par la communauté d’Oleggio. 182
Giovanni Ambrogio De’ Predis (attribué), Ludovico Maria Sforza, in Codice Trivulziano 2167, 1496-1499 environ. Milan, Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana.
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 8
L’église de la Santissima Trinità de Momo Terre de châteaux, le Novarese est également terre d’églises, de baptistères et de chapelles rurales souvent décorés de fresques anciennes voire très anciennes. Comment ne pas se rendre par exemple à l’église romane de San Michele à Oleggio, parmi les localités visitées par l’itinéraire ? Parmi les innombrables possibilités, on peut aussi opter, pour se replonger dans l’atmosphère du XVe, pour l’église de la Santissima Trinità de Momo. Située sur la nationale SS 229 – non loin de la sortie
nord du village de Momo – cette église remonte probablement au XIe s. mais se distingue surtout par les fresques de la fin du XVe s. conservées à l’intérieur. Probablement signé Francesco et Giovanni Cagnola, à la tête d’un des ateliers les plus actifs dans la région de Novare à la fin du XVe, ce cycle pictural occupe une grande partie de l’édifice. Il propose une Trinité, à la hauteur de l’abside, trente scènes de la Vie du Christ ainsi qu’un important Jugement dernier.
Francesco et Giovanni Cagnola (?), Jugement dernier, fin du XVe s. Momo, Santissima Trinità.
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CHÂTEAU VISCONTEO-SFORZESCO DE NOVARE
COMMUNE : Novare TYPE : forteresse FAMILLES : Della Torre, Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument, accueillera bientôt un musée et des expositions
Le château se dresse à l’extrémité sud-ouest de la partie la plus ancienne du vieux, à la hauteur d’un angle des remparts qui ceinturaient Novare à l’époque romaine et médiévale. Davantage destiné à contrôler la ville qu’à la défendre, il s’inscrit dans la commune parmi des possessions plus vastes et ce n’est pas un hasard si les Dalla Torre, anciens seigneurs de Milan qui avaient également conquis Novare vers la fin du XIIIe siècle, en sont à l’origine. Ainsi que l’atteste Bernardino Corio, historien Façade est du château de Novare.
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de l’époque des Sforza, Francesco Della Torre aurait fait construire en 1272 un château-fort à l’emplacement d’un palais appartenant à la famille Tettoni, l’une des principales factions qui combattaient la domination des Torriani dans la ville. Les Della Torre ayant été rapidement détrônés, leur château cesse d’être mentionné dans les sources d’information et il faut attendre que Novare repasse sous un joug étranger – celui de Matteo Visconti (1287-1302, 1311-1322), seigneur de Milan, devenu en 1290 également seigneur de Novare – pour en retrouver la trace et apprendre que des travaux ont été effectués autour. La forteresse était cependant destinée à un sort funeste. Avec le déclin momentané de l’emprise des Visconti, et en raison des violents affrontements entre les factions de la ville, le complexe fut abattu en 1315 – «explanato» selon les sources d’époque – par les Guelfes dirigés par Brusati et
NOVARE
Angle nord-ouest du complexe du château de Novare avant restauration.
Cavallazzi. Et malgré le retour au pouvoir (1322) de la faction adverse, la pars Rotunda ou gibeline entraînée par les Tornielli, le château ne fut pas remis en état. Le gouvernement s’occupa davantage de redéfinir, au sein de l’échiquier urbain, un véritable quartier gibelin. Une importante partie de la ville fut fortifiée et réservée aux hommes de la pars Rotunda : aucun ennemi ne pouvait y entrer ni y habiter. Les habitants qui n’appartenaient pas à la faction et possédaient des maisons dans ce secteur furent obligés de les vendre tandis que les clefs de toutes les entrées du quartier furent remises aux Tornielli. Il faut donc attendre le retour de Novare sous le contrôle des Visconti, en 1332, pour assister à une véritable résurrection du château détruit. Ainsi que le rappelle le chroniqueur Pietro Azario, le nouveau seigneur Giovanni Visconti (1339-1354) a recommencé à s’intéresser à l’endroit occupé par l’ancienne forteresse détruite en y
faisant bâtir un castrum «vraiment remarquable», qui a ensuite été renforcé par ses successeurs Galeazzo II (1354-1378) et Gian Galeazzo (1378-1402, duc à partir de 1395), à qui l’on doit également la réalisation d’un nouveau château-fort en ville, la Citadelle (au sud-est du site). C’est sous les Sforza, après 1450, que le complexe a pris sa forme actuelle. Il existe des témoignages au sujet de travaux et de réparations dès l’époque de Francesco Sforza mais c’est surtout à son fils, le duc Galeazzo Maria, que l’on doit les principales transformations. Après avoir donné l’ordre de démolir la Citadelle, peu utile et d’un entretien trop onéreux, Galeazzo Maria s’intéressa de près au château. A partir du début des années 1470, sous la direction de Bartolomeo Gadio et d’autres grands ingénieurs du duché, le noyau dur de la forteresse fut entouré d’une importante muraille crénelée, protégée par de larges douves. Quatre tours, hautes de 185
près de 40 brasses au-dessus du fond des douves, furent érigées à chaque angle des remparts, selon la lettre qu’écrivit B. Gadio au puissant secrétaire ducal Cicco Simonetta en septembre 1476, annonçant la fin prochaine des travaux. Une autre tour ainsi qu’une défense avancée destinées à sécuriser la porte d’entrée furent achevées sous le règne de Ludovic le More mais, à l’époque moderne, le complexe finit par être englobé dans les nouveaux remparts de la ville, aujourd’hui détruits à cet endroit. Utilisé comme prison jusque dans les années 1970, le château n’a été restauré qu’à cette époque, ce qui a donné lieu à des débats houleux. La tour moderne visible au-dessus de l’entrée de piazza Martiri della Libertà a notamment été rehaus-
Inscription commémorative de Galeazzo Maria Sforza, après 1476. Novare, château Visconteo-Sforzesco.
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sée, à la hauteur de l’ancienne défense avancée, aujourd’hui disparue, et l’on a bâti un nouveau pont piétonnier en bois sur le côté sud des douves (allea San Luca). Les murs d’enceinte construits à l’époque des Sforza, qui ne dépassent plus du reste de la forteresse, sont en partie détruits, notamment près des tours d’angle. La partie restante continue toutefois d’impressionner les visiteurs, notamment les tronçons sud et ouest qui donnent sur un parc. Autrefois destinée à accueillir soldats, armes et munitions, la cour intérieure est actuellement en travaux pour rénover les bâtiments présents et créer un musée. On distingue des vestiges d’édifices de l’époque des Visconti et de structures plus anciennes encore, notamment des restes de maçonnerie romaine.
NOVARE
Le déclin des Sforza. La bataille de Novare Bataille de cavaliers entre les Sforza et les Français, in El Fatto d’arme del duca di Milano contra del re de Franze, Milan 1515 environ. Milan, Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana. La capture de Ludovic le More à Novare marqua la fin de l’indépendance du duché de Milan, déclenchant de vifs affrontements pour sa possession entre Français et Espagnols.
Le déclin des Sforza. La bataille de Novare. C’est à Novare que la domination instable des Sforza sur le duché de Milan subit un premier revers important. Rebelle au gouvernement de Ludovic le More, la ville ouvrit en effet ses portes à Louis d’Orléans, cousin du roi de France Charles VIII et aspirant à la couronne ducale milanaise en sa qualité de descendant de Valentina Visconti, fille du duc Gian Galeazzo. La reconquête des Sforza eut lieu quatre mois plus tard, après un siège difficile. Or Novare allait bientôt être le théâtre du dernier acte décisif des affrontements entre Louis d’Orléans et les Sforza. Début septembre 1499, après avoir appris la double invasion franco-vénitienne, Ludovic le More abandonnait Milan où, le 18 octobre, Louis d’Orléans, désormais roi de France sous le nom de Louis XII, faisait une entrée triomphale. Quelques mois suffirent cependant (février 1500) à Ludovic, réclamé par les Milanais déjà mécontents du gouvernement étranger, pour faire son retour en ville. À l’exception du château Sforzesco, resté aux mains des Français, la capitale repassa sous son contrôle. En quelques semaines, les églises mila-
naises furent dépouillées de leurs trésors et Ludovic soudoya des mercenaires suisses avec la recette. Une fois l’armée levée, l’offensive entre les Français et les Sforza se prépara devant Novare début avril 1500. Mais à l’aube de l’affrontement, les mercenaires confédérés sur qui Ludovic comptait tant battirent subitement en retraite. Il ne restait au More que la fuite : il se déguisa d’abord en Franciscain puis en fantassin suisse (10 avril). Mais, reconnu par l’ennemi, il fut capturé et transporté en France où il mourut en prison en mai 1508. Une partie des aristocrates milanais qui l’avaient suivi au champ de bataille furent emprisonnés au château de Novare puis libérés contre le paiement d’énormes rançons. Entretemps, la ville de Milan, vidée de ses hommes, s’apprêtait à faire face à l’assaut des Français. Ainsi que l’écrivit l’ambassadeur de Venise : «toutes les maisons de Visconti de belle facture furent mises à sac par les Français et les Italiens, qui se trouvaient au château, lesquels entrèrent subrepticement dans les foyers et emportèrent toutes les richesses. Notamment les maisons Crivelli et Landrinai furent saccagées et les femmes mariées «ne furent pas épargnées».
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CHÂTEAU DE GALLIATE COMMUNE : Galliate (Novare) TYPE : résidence ducale FAMILLES : Sforza, Trivulzio ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument, accueille la Bibliothèque municipale, le Musée d’art moderne Angelo Bozzola et la Salle Musée Achille Varzi
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Dire que le château de Galliate est grand ne revient pas à en faire une description élégante. Il frappe avant tout par ses dimensions lorsqu’on l’observe depuis la piazza Vittorio Veneto, la belle place du centre ville, dont le côté nord est entièrement occupé par une partie de la fortification de plus de 100 m de long. Il faut dire que le bourg de Galliate était déjà d’une taille importante lors de la construction du château. Situé à un emplacement de choix sur la route entre Novare et Milan, à la hauteur d’un important nœud fluvial sur le Ticino, le site était en effet l’un des plus peuplé de toute la région de Novare dès le Moyen Age. Si son emplacement stratégique a valu au bourg d’être au cœur des affrontements entre les deux communes, avec parfois des destructions à la clef, son camp politique incertain – en tant que bourg de frontière – a permis à l’entreprenante communauté de Galliate d’obtenir d’importants privilèges en matière fiscale et juridique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, en 1448, la commune fut l’une des rares, au vu du grand nombre de communes de l’État, à négocier elle-même son allégeance au futur duc Francesco Sforza. A cette occasion, elle exigea notamment la séparation totale du district fiscal de la ville de Novare ainsi que la garantie de ne pas être inféodée (malgré la promesse de Francesco Sforza, ce dernier point ne fut pas respecté et Galliate devint en quelques années le fief du condottière Ugolino Crivelli). La construction de l’imposant château n’est pourtant pas le fait de cette communauté entreprenante ni de son seigneur féodal. Après le décès du comte Ugolino Crivelli (1469), Galliate devint tout
GALLIATE
d’abord le fief du favori du duc, Battista de Montignana, puis de Carlino de Varèse. Cependant, dès le début de l’année 1473, la terre et toutes ses recettes repassèrent sous le contrôle direct du duc Galeazzo Maria. Ce dernier, passionné de chasse, choisit justement Galliate qu’il fréquentait déjà pour cette raison, comme point de départ pour ses battues automnales dans les vallées du Ticino. Il fit ainsi modifier le système des fortifications qui existaient alors sur le site du château actuel – un bâtiment du XIVe s. ancienne propriété des archevêques de Milan et une enceinte fortifiée appartenant à la communauté – pour y bâtir une nouvelle résidence répondant à ses besoins. A partir des années 1472-1473, sous l’ordre de Galeazzo Maria, on commença par creuser un canal destiné à irriguer les douves ; ces travaux se poursuivirent avec difficulté au cours des années suivantes, freinés par les incertitudes et les conflits avec les citoyens de Novare. Les premières informations certaines au sujet des ouvrages réalisés autour
de la nouvelle résidence remontent à 1476, ouvrages gérés par les meilleurs ingénieurs au service du duc. Après un remaniement en profondeur des anciennes structures, on construisit un long rempart quadrangulaire toujours visible partiellement, avec des tours d’angles et deux autres tours de protection des entrées côté sud (vers la piazza Vittorio Veneto) et nord. A l’intérieur, un bâtiment central, aujourd’hui disparu, accueillait les cuisines, de nombreuses chambres et différentes salles dont une destinée au “jeu de la balle”. Galeazzo Maria s’est penché sur ces travaux quelques jours encore avant sa mort : il ordonna d’abattre des cloisons, de percer de nouvelles fenêtres, de rehausser des plafonds et de colmater les fissures dans la porte de sa chambre afin que – comme il l’écrivit – «nul ne puisse regarder dans la chambre du Seigneur». Dans la cadre de vastes activités de promotion et de transformation du bourg, la grande place devant la forteresse fut elle aussi remaniée par le duc. On y construisit la nouvelle église
Façade du château de Galliate.
Vue sur les tours d’angle et les douves du château de Galliate. 189
Structures XIXe ajoutées à l’ancien château, Galliate.
Façade latérale du château avec les douves, Galliate. 190
paroissiale et l’on envisagea d’établir un couvent franciscain observant afin de répondre aux besoins spirituels du prince et de sa cour. Mais la mort de Galeazzo Maria, assassiné à Milan dans l’église Santo Stefano le 26 décembre 1476, mit un terme à ce programme ambitieux. D’autres travaux autour du château furent également réalisés sous la domination de Ludovic le More bien que ce dernier préféra à Galliate sa résidence de Vigevano, qui bénéficia ainsi de davantage de soins et initiatives artistiques. Inféodée à Gian Giacomo Trivulzio après la chute du More, cette terre passa entre 1525 et 1532 aux mains des héritiers de Carlo Sforza, puis à un fils du More, Giovanni Paolo Sforza, qui la conserva jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Selon des descriptions datées de 1646 et de 1699, au cours des deux siècles suivant le
décès du More, on construisit deux défenses avancées destinées à protéger les entrées ainsi que de nouveaux appartements à la hauteur des murs d’enceinte, notamment sur le côté sud de la forteresse. Le donjon central flanqué de trois hautes tours mentionné dans la description de 1699 fut démoli courant XIXe tandis que les défenses avancées et la partie la plus élevée (côté ouest) du mur d’enceinte avaient subi le même sort dès le siècle précédent. La partie de la muraille d’enceinte qui a survécu au temps – avec ses tours d’angle et les grosses tours de protection des portes d’entrée – reste donc le seul vestige toujours visible de la résidence édifiée par le duc Galeazzo Maria. Mi-privé et mi-communal, le château accueille la Bibliothèque municipale, le Musée d’art contemporain Angelo Bozzola et la Salle Musée Achille Varzi, célèbre pilote originaire de Galliate.
GALLIATE
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CHÂTEAU DE CALTIGNAGA
COMMUNE : Caltignaga (Novare) TYPE : résidence seigneuriale FAMILLES : Caccia ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : résidence privée
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A l’instar d’autres villages du Novarese, Caltignaga a bâti son complexe fortifié à la fin du Moyen Age sur un ancien castrum, un site plus vaste protégé par une muraille et renfermant des habitations, dont l’évolution se lit encore dans la disposition compacte des bâtiments actuels. C’est à cette fortification primitive, attestée dès l’an 1000 environ, que les sources de la moitié du XVIe s. font allusion. Le terme de «castellaccio» qu’elles utilisent laisse toutefois supposer que les appareils défensifs étaient considérablement dégradés. Ce vaste “château” accueillit ainsi la forteresse actuelle, édifiée par la famille Caccia, l’une des lignées les plus éminentes sur la scène politique de Novare – à qui l’on doit notamment la construction des forteresses voisines de Proh, Castellazzo et Mandello. Les membres de cette famille participèrent au premier chef aux importants travaux de reconstruction des châteaux dans le Novarese à partir de l’avènement de Francesco Sforza, duc du Milan à partir de 1450. Dans le cas de Caltignaga, le lien entre la difficile prise de pouvoir du nouveau duc et l’histoire du château-fort est particulièrement clair. La construction du complexe est en effet étroitement liée à l’activisme pro-Sforza déployé par Giacomo Caccia, châtelain avec son frère Azzone du château ducal de Pavie, qui s’est immédiatement rallié au camp des Sforza en se déclarant prêt à lui céder le contrôle de cette forteresse stratégique et à lui faciliter la conquête de Novare. En récompense de l’aide apportée par leur père, ses héritiers – Giacomo Caccia étant entretemps décédé – reçurent l’investiture féodale de Caltignaga et des terres environnantes, avec la garantie d’une immunité fiscale totale. Les nouveaux seigneurs
CALTIGNAGA
féodaux se lancèrent alors immédiatement dans la construction de la forteresse. Une fois achevée, elle fut toutefois confisquée en 1497 aux petits-fils de Giacomo Caccia qui étaient entrés en conflit avec le duc Ludovic le More avant de se rallier aux factions pro-Français. Il ne fallut toutefois que quelques années à Obicino “le Blanc” et Obicino “le Noir”, titulaires du fief bannis par Ludovic, pour récupérer leurs biens. Ludovic ayant été battu par le roi de France Louis XII, devenu ainsi nouveau seigneur de Milan, les deux Obicino firent valoir leur fidélité à la cause française et reprirent possession de leurs biens y compris de la forteresse de Caltignaga qu’un bataillon français aurait toutefois incendié en 1524 par mesure de rétorsion après la trahison des Caccia alliés aux Sforza et à l’empereur. Le château de Caltignaga se présente aujourd’hui sous la forme d’une grande villa, précédée d’un élégant jardin, aux visiteurs qui s’arrêtent près de l’église paroissiale de San Salvatore, sur la piazza XXV Aprile. Il offre par contre un visage bien différent, moins raffiné, aux observateurs qui auront fait quelques pas dans via Marconi, tourné à droite dans via Volta puis parcouru via Castello pour découvrir la façade est du complexe où l’on distingue encore clairement les formes d’origine de la forteresse remontant aux XVe et XVIe siècles. De nombreux édifices se succèdent au long de ce parcours tortueux : habitations et communs, parfois abandonnés, qui remplissent les espaces autour du château-fort, allant parfois jusqu’à le dissimuler. Des structures relativement récentes, pour la plupart, dont la présence porte toutefois la trace de vestiges du cadre où la forteresse fut construite à partir de la moitié du XVe.
Nécessitant une restauration, le château fut remis en état autour de 1650, période à laquelle remonte la réadaptation de la cour interne et des salles adjacentes. On remarque aujourd’hui surtout la façade ouest du complexe, précédée par des douves et dominée par la haute tour centrale qui en protège l’entrée. Deux grandes fenêtres à une seule ouverture, bordées de terre cuite, se détachent du mur d’enceinte récemment consolidé. Juste audessus de la porte d’entrée trône l’écusson de la famille Caccia qui accompagne l’inscription FORTITUDINIS NOSTRAE CALTINIAGAE.
Giovanni De Campo et son atelier, Saint Second, seconde moitié du XVe s. Caltignaga, San Salvatore.
Côté ouest du château de Caltignaga avec la tour d’entrée. 193
CHÂTEAU DE FONTANETO
COMMUNE : Fontaneto d’Agogna (Novare) TYPE : château seigneurial FAMILLES : Visconti ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
Entrée du nouveau palais. Fontaneto d’Agogna, château.
Château de Fontaneto, 1636, détail de la “carte de Dulio”. 194
Non loin de la rivière Agogna, au nord de la mairie et de l’église paroissiale de Santa Maria, le château de Fontaneto est aujourd’hui de dimensions nettement plus modestes que jusqu’à la moitié du XVIIe s., époque où il arborait l’aspect sévère d’un manoir avec des tours et où il était décrit comme «vaste et fort grâce à ses épaisses murailles capables de résister longtemps à tout assaut». Quatre tours circulaires rythmaient les angles de la forteresse et des douves «alimentées en continu notamment par des sources» courraient le long des remparts. Deux autres tours, protégées par une défense avancée, défendaient les entrées situées à la hauteur actuelle de piazza Castello et piazza Annunciata. On doit la construction de cette
imposante forteresse, à partir de 1550, à l’une des branches les plus éminentes de la lignée des Visconti, dirigée par Filippo Maria le magnifique, seigneur de moult terres et châteaux au nord de Milan et personnage parmi les plus puissants de la ville à l’époque des Sforza, à ne pas confondre avec le seigneur homonyme de Milan. D’autres structures défensives existaient auparavant près du site du château des Visconti. Derrière le monastère de San Sebastiano, fondé à Fontaneto au début du Xe s. par le vicomte Gaiardo de Vercelli, il existait avant même l’an 1000 une colonie fortifiée qualifiée de «castrum» par les sources d’époque. Ce premier site, à mi-chemin entre un monastère et un château, fut accompagné au cours des siècles suivants d’un bourg important, probablement protégé à son tour par des douves ou une palissade. Les seigneurs du village, également propriétaires d’une grande partie des terres alentour, étaient probablement dès la moitié du XIe s. les moines de l’important monastère des Santi Felino e Gratiniano, qui contrôlèrent le village jusqu’à la fin du XVe s. avant de céder les biens et droits sur Fontaneto au comte Manfredo Barbavara, personnage de premier plan de l’entourage du duc Gian Galeazzo Visconti. Lors des bouleversements qui secouèrent le duché dès la disparition de Gian Galeazzo Visconti (1402), la domination sur Fontaneto devint une pomme de discorde entre les Barbavara, le monastère des Santi Felino e Gratiniano, la puissante famille Tornielli de Novare et la branche des Visconti à laquelle appartenait Filippo Maria. Le site qui échut finalement à Filippo Maria Visconti était pro-
FONTANETO D’AGOGNA
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Francesco et Giovanni Cagnola, Frise héraldique, avant 1511, détail. Fontaneto d’Agogna, château, nouveau palais. On reconnaît l’écusson du roi de France Louis XII et celui de Charles d’Amboise.
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fondément marqué par des décennies de conflits. Comptant peu d’habitants, le bourg était décrit en 1450 comme disposant d’à peine 20 foyers (moins de 100 habitants) et exempt de tout appareil défensif : «Fontaneto n’a pas de château», écrivait cette même année un officier de Novare à Francesco Sforza. Il incomba donc à Filippo Maria, qui fit de Fontaneto sa résidence privilégiée, de se lancer dans de difficiles travaux de reconstruction au point que, deux siècles plus tard, son nom était encore associé à celui qui «reconstruisit et donna une nouvelle vie à Fontaneto, lieu détruit et sans bâtiments». Bâti sur le site de l’ancien monastère de San Sebastiano, dont l’église fut englobée
dans la forteresse naissante, le nouveau château devait déjà être achevé lorsque Filippo Maria y mourut, en 1482. Les documents d’époque font état à la fois des pièces de la partie résidentielle de la forteresse et des ouvrages destinés à leur défense, comme les douves et les défenses avancées des entrées. Par contre, la présence des tours qui frappent tant dans les tableaux et les descriptions du château n’est pas attestée ; elles sont peut-être l’œuvre de Maria Ghilini et Giovanni Maria, sa veuve et son fils, après la disparition de Filippo Maria. Elles ont toutefois dû être achevées avant 1513 et c’est sans nul doute à Maria Ghilini que l’on doit la construction d’une nouvelle aile résidentielle, au sud-est du château : le “palazzo nuovo”, la partie la plus remarquable du complexe grâce aux fresques, toujours visibles, que Maria Ghilini fit peindre. Partagé après le décès de Filippo Maria entre les enfants de ses premier et second lits, le château a encore été divisé au cours des décennies suivantes mais sans porter atteinte à son appareil défensif extérieur qui, jusqu’au début du XVIIe s. a conservé les formes d’origine des quinzième et seizième s. évoquées plus haut. Déjà abaissées en 1639 pour permettre d’y installer des canons, les grandes tours du château-fort furent définitivement démolies sur ordre du gouverneur de Milan, six ans après, en 1645, de même que toutes les autres structures défensives. Elles furent dynamitées sans aucune précaution et endommagèrent gravement les bâtiments résidentiels à l’intérieur des remparts. L’aspect de piazza Castello est donc aujourd’hui bien différent
FONTANETO D’AGOGNA
d’avant les démolitions du XVIIe s., à l’époque où une défense avancée protégeait l’entrée de la forteresse, surmontée d’une tour, encore visible sur le beau retable d’autel de Tanzio de Varallo conservé dans l’église paroissiale de Santa Maria. On remarquera toutefois, sur le côté gauche de la place, l’église de San Sebastiano, avec sa façade XVIIe, construite sur l’emplacement d’une église plus ancienne, et bien plus vaste, relevant du monastère du même nom. A l’intérieur, les fresques de la nef (Saint Bartholomée) et de la partie sous le toit (Annonciation, Saint Blaise) datent du XVe s. et sont peut-être signées Cristoforo Moretti, peintre dont la demeure milanaise faisait face au palais de Filippo Maria Visconti, qui lui a probablement commandé l’ouvrage. A côté de l’église, à gauche, un portail conduit à la cour du
“palazzo nuovo”, où l’on distingue la frise début XVIe commandée par Maria Ghilini et son fils Galeazzo Maria Visconti. Au milieu d’anges, de cornes d’abondance et de rinceaux d’acanthe figurent douze écussons héraldiques de la lignée des Visconti mais aussi d’autres maisons étroitement liées à cette branche de la famille. Au milieu, on remarque les armoiries de Charles d’Amboise, gouverneur français à Milan, et du roi de France Louis XV lui-même, témoignage des orientations politiques de Maria Ghilini et de son fils qui s’étaient ralliés aux Français durant la guerre. En revenant sur ses pas, une promenade autour du château permet d’observer les vestiges des anciennes douves et d’accéder à l’autre entrée de la forteresse, à la hauteur de piazza Annunciata.
Cour du nouveau palais. Fontaneto d’Agogna, château. On remarque à droite la loggia soutenue par des corbeaux (éléments en saillie).
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CHÂTEAU DE DIVIGNANO
COMMUNE : Divignano (Novare) TYPE : château seigneurial FAMILLES : Visconti, Borromeo ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument (propriété privée)
Le château se dresse près de la place centrale du village, piazza Matteotti, au bord d’une colline qui plonge brusquement vers l’ouest, en direction de Conturbia et Agrate. Site de petite taille pendant tout le XIVe s., sous le contrôle direct de la commune de Novare, Divignano a fini, au début du XVe s. par éveiller l’intérêt des aristocrates tournés vers la région basse du lac Majeur et de ses alentours. Le village fut inféodé pour la première fois en 1413 par le duc de Milan Filippo Maria Visconti (1412-1447) à Lancillotto et Ermes Visconti, seigneurs de Castelletto et Sesto Calende, qui ont au fil des ans étendu leur influence sur de nombreux villages de la région compris entre les rivières Ticino et Agogna. Cependant, en 1447, Filippo Maria – entretemps en conflit avec les deux Visconti – assigna Divignano et les terres alentour à son riche trésorier Vitaliano Borromeo, probablement afin de lui rembourser une part importante de la dette contractée envers lui. Le village et son château sont ainsi venus grossir le domaine vaste et compact que la famille Borromeo constituait à cette époque autour du lac 198
teau fut en effet agrandi et muni de quatre tours, une à chaque angle du quadrilatère à cette époque peut-être protégé par des douves du côté de la place. Seules trois des tours du XVe s. sont encore visibles aujourd’hui : celles du sud-ouest, du nord-ouest et du nord-est (côté place). C’est entre ces deux dernières que figure le seul pan des remparts de la fin du Moyen Age encore visible, à la hauteur de via Buozzi : massif mais élégant, il est scandé par les profils de grandes cheminées et par de nombreuses fenêtres en ogive, aux bords ornés de terre cuite. Démolis avant le XVIIIe s., les trois autres pans du mur du château présentent aujourd’hui des formes issues de remaniements successifs, destinés à accentuer la fonction résidentielle et agricole de l’ensemble. Le réaménagement de la cour intérieure, la transformation en communs de l’espace autour de la tour sud-ouest mais surtout la construction de l’aile noble donnant sur la place, reliée à la tour nord-est du XVe, datent du début du XVIIIe siècle.
Giovanni da Vaprio (attribué), Licorne des Borromeo, détail du Diplôme de Filippo Maria Visconti, 1445. Milan, Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana.
L’aile XVIIIe avec la tour est, Divignano.
Tour est du château de Divignano. 199
DIVIGNANO
Majeur, dans une région s’étendant au nord jusqu’à Canobbio et au val d’Ossola et, au sud, jusqu’à Divignano et les petites terres environnantes, dont les ressources forestières et la qualité du terrain étaient le principal atout. Les initiatives des Borromeo furent ici favorisées, ainsi qu’en bien d’autres occasions, par des intérêts préexistants des différentes lignées des Visconti. Cependant, comme pour Arona, passée quelques années auparavant du contrôle d’une branche latérale des Visconti à celui des Borromeo, là encore, c’est un mariage qui facilita la transaction, celui de Franceschina Visconti, fille de Lancillotto, ancien seigneur de Divignano, avec Filippo Borromeo, fils de Vitaliano. C’est en effet de l’époque du règne de Filippo Borromeo (décédé en 1464), ou peut-être de son fils Giovanni, que date une phase fondamentale de transformation du complexe fortifié de Divignano, qu’un rapport de 1450 qualifie de «petit» («modicum»). Après la moitié du siècle, le châ-
ENCEINTE FORTIFIÉE D’OLEGGIO
COMMUNE : Oleggio (Novare) TYPE : enceinte fortifiée du bourg APPARTENANCE : communauté d’Oleggio ETAT DE CONSERVATION : faiblement préservée
Construits en briques et renforcés par de grandes tours d’angle, les remparts d’Oleggio – avec leurs créneaux, leurs mâchicoulis et leur chemin de ronde – ceinturaient tout le vieux bourg, le centre historique actuel. Ils étaient percés de six portes dont deux sont toujours visibles : à l’est, le long de la descente de la corte dei Mazzeri, et au sud, en direction de Novare, dans la via Pozzolo. C’est d’ailleurs à proximité de cette dernière ouverture que l’on distingue aujourd’hui encore le dernier vestige des anciens remparts : désormais privé de ses créneaux et en partie couvert par des construc-
Vue des remparts fortifiés du bourg d’Oleggio.
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tions récentes, il demeure toutefois imposant près de la remarquable tour d’angle. Plus que sa physionomie actuelle, c’est l’histoire de sa construction qui distingue le château-fort d’Oleggio des autres de la région. En effet, bâti lors de la seconde moitié du XVe s., le mur d’enceinte n’a pas germé de la volonté du duc ou d’une famille d’aristocrates, comme c’est le cas pour la plupart des fortifications de la région. C’est la communauté elle-même, l’une des plus importantes de la campagne de Novare, qui en a décidé la construction. A la fin du Moyen Age, Oleggio accueillait un marché hebdomadaire et son port communal sur le Ticino était l’un des principaux lieux de transit le long du fleuve. En 1450, un officier ducal indiquait la présence de 400 foyers, soit un peu moins de 2000 habitants, population qu’aucun autre village du Novarese n’atteignait à cette
OLEGGIO
époque. Le premier témoignage concernant la fortification encore existante voulue par cette communauté entreprenante remonte à trois ans auparavant, du temps où Milan était un gouvernement républicain. En effet, le 9 octobre 1447, des représentants de la commune d’Oleggio se sont présentés devant les capitaines de la République Ambrosienne pour obtenir confirmation de plusieurs requêtes concernant des points fiscaux et juridiques ainsi que la possibilité de fortifier leur bourg. A cette époque, Oleggio disposait sans doute déjà d’un appareil défensif destiné à protéger tout le village et, en son cœur même, à côté de l’église paroissiale de San Pietro, se trouvait un ancien castrum, sorte de quartier fortifié déjà mentionné au Xe s., principalement habité par des membres de la famille noble des Boniperti. Mais le projet proposé était bien plus ambitieux et consistait en un large rempart destiné à transformer tout le bourg en une seule et unique forteresse. Approuvé en 1447, ce projet obtint même les faveurs de Francesco Sforza qui, en 1455, exonéra les habitants de certaines charges eu égard à leurs efforts pour bâtir ces remparts. Cette entreprise n’était cependant toujours pas achevée en 1473. Les consuls d’Oleggio écrivaient en effet cette année-là à la duchesse que la terre «principiata est murari» et il est probable que ce grand œuvre n’ait été mené à terme qu’au cours de la décennie suivante. Détruit en grande partie entre les XVIIIe et XIXe s., le mur d’enceinte ne demeure aujourd’hui, comme nous l’avons mentionné, qu’à côté de la porta Pozzolo. Après avoir franchi cette porte, entrer dans le
centre historique puis prendre la rue à droite pour suivre depuis l’intérieur le parcours de la fortification jusqu’à la place de l’église paroissiale de San Pietro. Sur l’autre belle place au sommet de la colline – où se déroulait le marché et qui accueille aujourd’hui l’hôtel de ville – on remarquera la tour élancée dite “dei Bagliotti”. Elevée à la fin du Moyen Age, sa fonction est inconnue et elle est aujourd’hui surmontée d’un bulbe daté du XVIIIe siècle.
Montée de porta Mazzeri, Oleggio.
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PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 9
Lettres d’une bataille Du val d’Ossola à Giornico VOGOGNA DOMODOSSOLA GIORNICO
La bataille de Giornico (28 décembre 1478), in Cronaca lucernese de Diebold Schilling le Jeune, 1513. Lucerne, Korporationsgemeinde der Stadt Luzern.
Giornico est un village du val Leventina, à quelques kilomètres au nord de Bellinzona, que la bataille de décembre 1478 a rendu célèbre. Elle opposa les troupes du duc du Milan à une poignée d’habitants de la vallée et aux rangs de l’armée suisse. Ce sont ces derniers qui l’emportèrent, sorte de victoire de David contre Goliath, immédiatement célébrée ou redimensionnée par les vainqueurs et les perdants puis par leurs descendants. Plus récemment, aux XIXe et XXe siècles, elle a souvent été une pomme de discorde entre les partis pro-Suisses et pro-Italiens et les chroniques correspondantes et donc opposées. De nos jours, la polémique étant retombée, les historiens ont pu progresser dans la reconstruction objective des événements et de leur contexte. Et ce notamment grâce à l’édition des sources d’information concernant la bataille : débutée dès la première moitié du XXe s., elle s’est achevée récemment par la publication d’un volume de la collection Ticino ducale (dont sont issues toutes les citations ci-dessous) contenant un volume considérable de documents issus d’archives milanaises qui relatent cet affrontement. A l’instar de guerres et batailles plus proches de nous, pour Giornico, la clef des entreprises militaires fut ce que l’on appelle aujourd’hui la gestion de l’information. Pour revenir au camp milanais, le mieux documenté dans la “bataille du papier”, cela signifie que l’on dispose aujourd’hui de centaines de lettres relatant les événements et leur contexte : signe tangible des nombreux échanges, logiquement, entre le siège du gouvernement central (Milan) et le théâtre des opérations de l’avancée suisse. On y trouve des rapports inquiets au sujet de la progression de l’ennemi, des mots rassurants annonçant l’arrivée prochaine de renforts mais aussi des ordres concernant l’approvisionnement des troupes ou encore les stratégies à adopter pour contrer l’adversaire. Et bien plus encore, fruit d’un échange continu d’informations qui dépassent les frontières du duché. On déplore certes des blancs et des lacunes dans les sources disponibles. Cependant, les documents permettent de reconstruire précisément les deux mois que durèrent les affrontements jusqu’à la bataille décisive de Giornico. Nous savons ainsi que les premières informations au sujet d’une éventuelle attaque suisse, dont le lieu était encore inconnu et incertain (val d’Ossola ? Locarno ? Bellinzone ? la Valtellina ?) parvinrent à la cour de Milan début novembre 1478. Leurs auteurs, très inquiets, étaient des officiers du duc, comme le commissaire de Bellinzone ou le capitaine de Domodossola, ou encore des seigneurs féodaux comme le comte Pietro Rusca, depuis son château de Locarno, et des “alliés”, comme le seigneur de la Mesolcina, le comte Enrico Sacco. Cependant, la capitale, en proie à une forte instabilité politique depuis près de deux ans, fut totalement désemparée. Le duc Galeazzo 203
LETTRES D’UNE BATAILLE
Maria était mort – assassiné – le 26 décembre 1476, laissant la couronne ducale à un enfant, son fils Gian Galeazzo (1476-1494). Le sort du duché était donc entre les mains de la duchesse Bonne de Savoie, sa veuve, aidée par un Conseil de régence dirigé par le secrétaire Cicco Simonetta qui détenait une grande partie du pouvoir réel. De puissantes familles milanaises tentaient de s’opposer à son pouvoir excessif ainsi que les frères mêmes du duc défunt, et notamment Ludovic le More (14801499), qui allait reprendre les rênes du pouvoir d’ici peu. Précédées par des incursions menées par les habitants du val Leventina et par des combattants réguliers, “populaires”, échappant au contrôle des autorités cantonales, les troupes suisses régulières arrivèrent à Bellinzone – choisie finalement comme cible – autour de fin novembre. Bien armés et disciplinés, les escadrons suisses eurent raison des rares hommes se trouvant alors à dans la ville. Elle fut prise d’assaut et, début décembre, la Murata (les remparts) était contournée. Des fantassins confédérés poussèrent jusqu’à Lugano, semant la panique dans toute la région entre le lac Majeur, Varèse et Côme. A Milan, la Régence se décida finalement à envoyer une armée importante mais la mobilisation fut lente et les nombreux soldats dépêchés sur place n’arrivèrent que mi-décembre. En retard certes, mais prêts à livrer une bataille rangée qui, comme l’écrivit à Milan le commissaire de Bellinzone, Carlo da Cremona, a su raviver les fastes des triomphes passés contre les Suisses et rétablir «l’honneur et la gloire de l’art italien de la guerre». A la surprise générale, face aux milliers de fantassins et de cavaliers venus du sud, les Confédérés battirent en retraite. Entre les 15 et 16 décembre, l’assaut de Bellinzone fut levé et, sans coup férir, l’armée ducale sembla donc remporter un succès. Les mauvaises conditions météorologiques – il commençait à neiger – et la difficulté à progresser dans ces régions inaccessibles incitèrent alors les commandants de l’armée milanaise à la prudence. Ils invitèrent ainsi la Régence à se contenter de la libération de Bellinzone et à ne pas aller outre. A Milan cependant, Cicco Simonetta et les autres membres du Conseil de régence étaient d’un tout autre avis : les sommes considérables investies pour lever une armée devaient se solder par une victoire éclatante et, de plus, un succès aurait considérablement redoré le blason du régime aux yeux de ses sujets et des autres puissances italiennes. L’ordre fut donc donné d’attaquer, avec la faveur de la population de Bellinzone désireuse de se venger du val Leventina et inquiète de la cohabitation forcée avec des troupes certes “amies” mais annonciatrices de désordres et de troubles importants dans la vie du bourg. Le jour de Noël, près de 4500 soldats milanais marchèrent ainsi sur la Leventina. Or, en quelques heures à peine, la victoire se transforma en cuisante défaite. Arrivées péniblement dans la vallée enneigée, les troupes étaient 204
Des mercenaires confédérées franchissent le Saint-Gothard pour une expédition en Italie 1478, in Cronaca lucernese de Diebold Schilling le Jeune, 1513. Lucerne, Korporationsgemeinde der Stadt Luzern.
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LETTRES D’UNE BATAILLE
attendues par 200 à 300 hommes de la Leventina ainsi que par une poignée de soldats réguliers confédérés. L’équilibre des forces en présence était donc tout à fait favorable à l’armée ducale mais il n’y eut pas de réel affrontement. Des blocs de roche précipités du haut de l’étroite vallée semèrent la panique dans les premiers rangs d’infanterie des colonnes milanaises. Le désordre se transforma en fuite et la fuite en désastre. De nombreux soldats, isolés, furent tués par les habitants de la vallée, et beaucoup se noyèrent dans le Ticino. On dénombra au total plus de 800 morts parmi les rangs ducaux, un chiffre très élevé pour l’époque. Tel le résumé des faits. En guise de conclusion, on peut ajouter quelques mots sur la conséquence ultime de ces affrontements qui sonnèrent non pas la chute de Bellinzone aux mains des Suisses (destinée à n’avoir lieu qu’une vingtaine d’années plus tard) mais celle de la Régence dirigée par C. Simonetta qui, très affaiblie par ces événements, ne dura plus que quelques mois. Les documents conservés fourmillent toutefois d’autres informations concernant les affrontements de Giornico et de leur contexte. La visite de quelques fortifications touchées de près par les événements qui se sont déroulés entre Ossola, Locarno et Bellinzone lors des derniers mois de 1478, viendra étayer certains de ces thèmes. La visite du château de Vogogna, dans la basse vallée d’Ossola, est la première étape du parcours proposé, facilement accessible par l’autoroute et la nationale Statale del Sempione. Du temps de la bataille de Giornico, cette forteresse, située sur les vastes terres de la famille Borromeo, ne se trouvait pas en première ligne du front attaqué (ou attaquable) par les Suisses. A l’instar de tous les fiefs des Borromeo, elle assurait en effet les arrières du front car située dans la large bande de territoires au nord de Milan et se devait de fournir des hommes pour compléter la défense, des vivres et d’autres moyens de soutien aux troupes. Au vu des événements de 1478, Vogogna rappelle donc avant tout l’importance que revêtait la “logistique” dans Apollonio Pessina, Gros rochers, 1937 environ, maquette. Ligornetto, Casa Pessina.
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Des troupes confédérées au col du Saint-Gothard, in Cronaca lucernese de Diebold Schilling le Jeune, 1513. Lucerne, Korporationsgemeinde der Stadt Luzern
une campagne militaire du XVe siècle, importance attestée par les innombrables documents disponibles qui retracent le dialogue entre le gouvernement central et les officiers et seigneurs féodaux afin de garantir à l’armée le support matériel sans lequel toute entreprise militaire serait vouée à l’échec. Les missives envoyées entre novembre et décembre aux comtes Borromeo, à Vitaliano et à son frère Giovanni le prouvent. Elles leur demandent de fournir des bateaux pour transporter les soldats sur le lac Majeur, les invitent à faciliter le transit des denrées alimentaires destinées aux troupes et à fournir farine, froment et fourrage. Et c’est justement Vogogna, avec l’autre grand château des Borromeo d’Arona, qui faisait office de centre de coordination des efforts demandés. Ainsi, le 22 novembre, tandis qu’on donnait l’alerte au sujet d’offensives ennemies possibles, le duc ne manqua pas de demander au comte Vitaliano Borromeo de se rendre dans sa forteresse du val d’Ossola et d’y établir sa résidence afin d’aider de son mieux les soldats qui marchaient vers les frontières à défendre. Après avoir quitté Vogogna, poursuivre sur la nationale SS 33 vers le nord – et en profiter pour faire une halte à Villadossola et à l’église de San Bartolomeo, l’un des plus beaux édifices romans du val d’Ossola – jusqu’à Domodossola. Ce bourg fortifié, le plus important de la vallée, fut l’un des points clef du front en 1478, longtemps envisagé comme lieu possible de l’attaque ennemie car (selon le capitaine local) «cette terre n’est pas assez protégée […] et les cols ne disposent pas de suffisamment d’hommes pour les défendre». L’importante correspondance entre Milan et Domodossola permet toutefois de souligner des aspects du conflit autres que ceux concernant le lieu de l’attaque des Confédérés. Comme l’importance accordée à de possibles “trahisons” de la population locale. Avant même une conquête militaire, le bourg et sa vallée risquèrent de tomber par reddition spontanée des habitants aux envahisseurs. Les Confédérés lancèrent en effet des invitations explicites en ce sens comme l’écrivait fin novembre à Cicco Simonetto le commandant Ambrogio Longhignana, chargé de défendre le bourg. Le pire soupçon ne fut toutefois pas celui du passage effectif des habitants du val d’Ossola sous la seigneurie suisse mais bien celui d’accords secrets, de pactes occultes destinés à détourner les troupes confédérées Des accords sous le manteau pris par les habitants de la vallée et de Domodossola se réclamant du droit de pouvoir décider librement de faits de “politique étrangère”, témoignage des brèches qui s’ouvraient encore au XVe siècle dans le principe de souveraineté nationale. Autour du 26 novembre, des rumeurs commencèrent ainsi à circuler disant que les habitants de Domodossola et de la vallée avaient 207
LETTRES D’UNE BATAILLE
conclu des accords avec les «Tartonici» (les Suisses). Leur promettant, en échange de la garantie de ne pas attaquer la vallée, d’empêcher les troupes ducales de franchir les cols alpins, troupes qui auraient pu choisir cette voie pour affronter l’armée suisse. Par ailleurs, les habitants voisins de la vallée de Lavizzara, à qui les Suisses avaient demandé de «ne pas laisser passer les troupes ducales», étaient tentés d’en faire de même en échange de la promesse d’épargner leur vallée. Le comte Pietro Rusca se chargea de rappeler à ces hommes les règles d’appartenance à un Etat : de tels accords étaient illicites car, comme il l’écrivit dans une lettre, «ils avaient des seigneurs dont ils devaient respecter la volonté». C’est d’ailleurs vers le château de Locarno du comte Pietro Rusca que se poursuit l’itinéraire, sur une route de montagne d’un peu plus d’une heure. Quitter Domodossola et suivre les indications pour Val Vigezzo et Locarno : la route nationale, la SS 337, monte vers Santa Maria Maggiore, qui constitue une halte parfaite, avec Craveggia, si l’on souhaite effectuer le parcours en deux jours. D’ici, on poursuit vers la frontière suisse pour descendre ensuite, par la route panoramique des Centovalli, sur Locarno. Ici, au sud-ouest de l’ancien village historique, nous attend le château Rusca qui fut menacé, au plus fort de la bataille de Giornico, de subir une invasion depuis les montagnes voisines. C’est de là, durant les mois de novembre et décembre – parfois «totalement désespéré» selon différents témoignages – que le comte Pietro écrivait sans relâche à Milan. Au-delà de l’aide offerte mais surtout demandée, ses écrits fournissent des informations précieuses sur les intentions ennemies. Depuis sa forteresse de Locarno, cœur d’un fief qui s’étendait également aux vallées alentour, Pietro envoyait en effet des espions en terrain hostile. Et sur ces terres, notamment dans la Leventina, le comte Rusca pouvait compter sur des «amis et des fidèles», des hommes «à lui», prêts à rapporter précisément les intentions des «Allemands». Ses missives n’étaient toutefois pas toutes destinées à Milan. Un examen de sa correspondance de fin 1478 révèle en effet un aspect important de tout le “réseau d’informations” étayant une entreprise militaire aussi importante que celle qui culmina dans la bataille de Giornico. En effet, les informations et communications n’allaient pas uniquement de la périphérie vers le centre et inversement. De nombreux échanges avaient également lieu de manière “horizontale”, entre les différentes périphéries, contournant en quelque sorte le filtre du gouvernement central, souvent avec l’assentiment dudit gouvernement mais suggérant parfois des stratégies différentes de celles venues d’en-haut. Ainsi, se sentant en «très grand danger», début décembre, Pietro ne se contenta plus de demander l’aide du duc (qui tardait à venir) mais écrivit directement «à tout le lac Majeur, à l’église de Valtravaglia (contrôlée par son frère Giovanni) et à Ambrogio Longhignana», commandant de l’infanterie arrivée pour défendre Domodossola. Il demanda notamment à ce dernier d’abandonner Domodossola pour courir défendre Locarno. Une demande à laquelle Ambrogio Longhignana, comme il écrivit plus tarde au duc et à la duchesse, répondit non sans embarras, rappelant la nécessité de s’en tenir aux ordres de Milan : «je lui ai fait comprendre que ce qu’il [Pietro Rusca] demandait ne pouvait en aucune façon se faire sans l’autorisation de vos Excellences». A la sortie de Locarno, poursuivre le long du lac puis traverser la plaine de Magadino jusqu’aux imposantes fortifications de Bellinzone, véritable cœur de la bataille. Assiégée pendant la première moitié de décembre, la ville résista malgré la pénurie de vivres et les trouvailles des assaillants comme les 208
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 9
Manufacture milanaise, Boucliers, avant 1478. Lucerne, Historisches Museum. Après la défaite des Milanais, les soldats confédérés ramassèrent les boucliers des ennemis sur le champ de bataille.
échelles construites pour escalader les remparts. On comprend aisément que la plupart des lettres concernant les faits de ces mois-ci arrivées jusqu’à nous ont été écrites ou adressées à Bellinzone. Parmi les nombreuses informations dont fourmillent ces documents, examinons un dernier point pour comprendre comment une campagne rassemblant des milliers de soldats de part et d’autre, au lieu de donner lieu à un véritable affrontement décisif, s’est soldée par une fuite calamiteuse. Faire la guerre, déplacer des soldats et des engins produit en premier lieu un effet sur les esprits. C’est là, plus que sur le terrain, que l’on gagne ou que l’on perd. La seule nouvelle de l’arrivée imminente de troupes suisses a eu pour effet de semer la panique parmi les habitants de Bellinzone, provoquant des fuites et, parmi les officiers ducaux, des craintes au sujet de la loyauté de la ville. Les officiers avaient parfaitement conscience que l’apparition de soldats envoyés par Milan était donc fondamentale, avant même la moindre action militaire, pour rassurer la population et prévenir ainsi tout “débordement” dangereux en direction des ennemis. Le commissaire de Bellinzone écrivait ainsi en ces termes à la duchesse : «dès que les renforts auront fait leur apparition, tout le village sera sans hésitation de notre côté». «Se faire voir» de ses amis comme de ses ennemis, loin d’être un volet accessoire du conflit était au contraire fondamental, crucial pour la défaite ou la victoire. «J’ai décidé d’avancer jusqu’à ce que les habitants retranchés dans la forteresse de Bellinzone nous voient, afin de leur remonter le moral», écrivit ainsi le 13 décembre Pier Francesco Visconti, commandant de l’armée ducale. Parallèlement à la volonté d’infliger des pertes aux ennemis, c’est la volonté de «se montrer aux yeux des sujets», de soigner sa réputation, qui motiva la Régence milanaise à pousser l’armée au-delà de Bellinzone, dans un val Leventina enneigé. Pourquoi ne pas marcher sur les traces de l’armée et pousser jusqu’à Giornico pour voir, sur le côté gauche de la vallée, un peu avant le village, les hauteurs d’où furent probablement précipités les rochers qui ont causé la déroute milanaise. Une défaite porteuse, bien plus que de graves pertes matérielles, d’une terrible «vergogne».
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CHÂTEAU ET FORTERESSE DE VOGOGNA
COMMUNE : Vogogna (Verbano Cusio Ossola) TYPE : forteresse FAMILLES : Visconti, Sforza, Borromeo ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact avec des réfections USAGE ACTUEL : monument, accueille des expositions (château)
Vue du mur d’enceinte et de la tour du château de Vogogna
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Avec ses ruelles étroites et ses pâtés de maisons anciennes, le centre de Vogogna a su conserver en partie de l’image du bourg d’autrefois. D’élégantes résidences nobiliaires (comme la maison Biraghi) ainsi que le beau palais Pretorio, du XIVe s., embellissent
le tissu urbain. Au sommet du village se dresse le château local, dont l’on aperçoit ça et là la tour cylindrique à travers les maisons du bourg. Un peu plus haut, sur les flancs du mont Orsetto, on distingue les ruines d’une seconde fortification appelée “châteaufort”, probablement de la même époque que le château auquel elle était peut-être reliée à une époque. Village d’importance secondaire jusqu’au XIIIe siècle, Vogogna connut au XIVe siècle un tournant pour son avenir. A partir du début du siècle, la population du bourg augmenta et l’on fit élever les remparts – à présent disparus – qui protégeaient autrefois le site. La construction du palais Pretorio remonte à 1348, peu après la promulgation des statuts de la commune (1373) dont les normes attestent l’importance du village comme lieu de transit et de marché. Il est probable que le château et la forteresse qui le domine aient été eux aussi construits à la même époque (à la moitié du XIVe s.) : le premier relié aux remparts du bourg et la seconde, peut-être reliée au château par un mur d’enceinte afin d’empêcher tout contournement depuis le haut. A la fin du siècle, propriété désormais des Visconti, après des années d’instabilité et de conflits sanguinaires entre factions rivales, le bourg est devenu le chef-lieu administratif de l’Ossola Inferiore, siège d’un vicaire disposant d’une vaste juridiction. Les offensives répétées des troupes suisses ont entraîné la construction du château au XVe s. ainsi qu’au début du siècle suivant. La forteresse a en effet subi les attaques des Confédérés en 1410, 1411 puis en 1415, lors de la décennie suivante et jusqu’à la seconde
VOGOGNA
moitié du siècle. Elle a participé aux affrontements de la bataille de Giornico (1478) et a joué un rôle encore plus important dans la campagne militaire de l’Ossola, quelques années plus tard, en 1487, devenant le centre névralgique de la résistance et du rassemblement des troupes ducales face à l’avancée des rangs suisses. A cette époque, à la fin du XVe siècle, le château avait toutefois cessé d’être une forteresse aux ordres directs du duc pour devenir une possession féodale des comtes Borromeo qui exerçaient leur juridiction sur le bourg et toute la basse vallée, ces terres faisant désormais partie du vaste Etat que cette puissante famille constituait à l’époque autour du lac Majeur. L’investiture féodale aux Borromeo, remontant à 1447, suscita une violente opposition de la part des habitants peu enclins à accepter la domination au prince non plus immédiate mais par le truchement de nouveaux seigneurs féodaux. D’où la demande de faire annuler l’investiture que, à la mort du dernier duc Visconti, les habitants de Vogogna adressèrent au régime républicain entretemps au pouvoir à Milan. Acceptée dans un premier temps, cette requête fut ensuite rejetée et, en 1449, Vitaliano Borromeo reçut le renouvellement de la concession féodale sur le bourg et son district. C’est ainsi que débuta la longue histoire de Vogogna avec les Borromeo, destinée à perdurer pendant toute l’époque moderne, interrompue uniquement au temps des confiscations imposées par Ludovic le More – dans les années 1590 – et les Français, lors de la guerre d’Italie. Endommagée par l’occupation de troupes suisses en 1515 soutenues par les hommes du haut val d’Ossola, la forteresse perdit à
l’époque espagnole le rôle d’important bastion militaire qu’elle avait joué jusqu’au début du XVIe siècle. Les structures militaires furent dès lors vouées à l’abandon avant d’être restaurées récemment. L’entrée du château, flanquée de la tour arrondie caractéristique du XVe s., est facilement accessible depuis l’une des nombreuses rues qui montent du site situé plus bas. Après avoir franchi le seuil, le visiteur découvre trois cours sur différents niveaux. La dernière, plus grande et surélevée, offre la meilleure vue sur la partie principale du fort : un corps de bâtiment massif, pris entre la tour arrondie de l’entrée et une seconde tour carrée. On y jouit également d’une très belle vue sur la vallée et le bourg. Seuls les visiteurs qui monteront jusqu’à la forteresse dominant le château, accessible à pied par un sentier court mais raide, bénéficieront d’une vue plus panoramique encore.
Vue du château-fort, Vogogna.
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Vue de la piazza Mercato de Domodossola avec l’accès à via Briona.
Domodossola
Située sur l’une des principales voies de communication entre la plaine du Pô et les terres au nord des Alpes, Domodossola était une ville importante dès l’Antiquité romaine et le début du Moyen Age. Un château fut bâti, probablement au VIe s., au sommet du col voisin de Mattarella tandis qu’en bas de la vallée, le village accueillit une église autour de laquelle s’organisa la christianisation de toute la région. Le castrum novum fut construit à proximité de cette église – englobée dans la zone fortifiée – au onzième siècle. Appartenant aux Visconti, il était destiné à gérer l’important patrimoine foncier dont la famille disposait dans l’Ossola. Il est probable que dès cette époque, Domodossola accueillait chaque semaine un marché très fréquenté, attesté avec certitude peu après l’an 1000. Au début du XIe s., la présence patrimoniale des prélats de Novare revêtit formellement le caractère seigneurial qu’elle allait conserver durant plus de trois siècles, jusqu’à ce que ces terres tombent aux mains des Visconti. Des ambitions autres que celles de l’évêque, notamment de la part des comtes Da Castello, se manifestèrent toutefois en différentes occasions, dues à l’entrelacs inextricable des influences des évêques, des familles seigneuriales laïques puis de la commune de Novare, qui s’étendait à toute la vallée. Évoluant dans ce scénario complexe à partir du début du XIVe s. les seigneurs de Milan prirent possession pour la première fois de Domodossola en 1358 mais leur contrôle véritable sur la vallée ne s’établit que dans les années 1380, au terme de violents affrontements entre factions locales. Cependant, les décennies passées sous les Visconti et les Sforza (à partir de 1450) furent loin d’être paisibles pour le bourg. Durant tout le quinzième siècle, la menace d’invasions suisses pesa sur Domodossola et sa vallée, une éventualité qui se concrétisa à plusieurs reprises au cours de ce siècle. Le passage de la ville aux mains des Suisses était dès lors possible, parfois bien accepté et même favorisé par la population locale. L’année 1410 coïncida avec le début d’une première vague d’affrontements, destinée à se prolonger jusque dans les années 1420 et marquée – au-delà de la destruction du château de Mattarella – par différents passages de Domodossola sous influence helvétique. Ce ne fut pas le cas lors de la bataille de Giornico (1478) mais, là encore, les habitants de la ville furent fortement tentés de se rendre aux Valaisans. Neuf ans après, une nouvelle expédition confédérée conduite par le frère de l’évêque de Sion prit de nouveau pour cible le bourg et ses défenses. Cette fois, la victoire remportée à Crevola par l’armée des Sforza mit momentanément terme aux ambitions des Suisses sur l’Ossola. Des ambitions qui devaient toutefois se ranimer lors des guerres d’Italie, au début du XVIe s. avant que le passage du duché de Milan aux mains de l’empereur Charles Quint n’y mette un point final.
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DOMODOSSOLA
Parcours au fil des chateaux 9
SACRO MONTE CALVARIO
CHATEAU DE MATTARELLA COMMUNE : Domodossola (Verbano Cusio Ossola) TYPE : forteresse FAMILLES : Visconti ETAT DE CONSERVATION : vestige historique, une partie du Sacro Monte Calvario se trouve sur le site du château
Le château se dresse au sommet de la colline de Mattarella, dominant le bourg et la vallée. Fondé durant le Haut Moyen Age, il passa sous le contrôle des évêques de Novare autour de l’an 1000, marquant ainsi la seigneurie qu’ils exerçaient sur le bourg situé en contrebas. Siège des représentants épiscopaux, parfois habitée par les prélats eux-mêmes, la forteresse fut remaniée à plusieurs reprises et renforcée notamment au début du XIVe s. à l’occasion d’un Vestiges de la muraille du château de Mattarella, Domodossola.
Partie du mur d’enceinte avec une tour, Domodossola. 214
affrontement violent entre l’évêque Uguccione et les habitants du bourg. Remise en 1358 aux seigneurs de Milan, elle a accueilli une garnison des Visconti jusqu’à ce que (en 1415) une puissante incursion suisse ne détruise une grande partie de ses structures qui n’ont dès lors jamais retrouvé leur intégrité ni leur fonction. Au XVIIIe s., les vestiges de l’ancien château ont fini par être englobés dans le Sacro Monte construit à flanc de colline. On peut ainsi s’y rendre à pied en suivant l’itinéraire sacré des chapelles (depuis via Mattarella). On peut aussi, pour éviter cette montée escarpée, prendre la voiture ou les transports publics jusqu’au sommet du site appelé aujourd’hui simplement monte Calvario. Après la dernière chapelle, le visiteur découvrira des fragments des anciens remparts et la grande tour centrale du château, remontant probablement au XIIIe siècle. La vue sur toute la vallée alentour est magnifique.
DOMODOSSOLA
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TOUR ET ENCEINTE FORTIFIÉE
COMMUNE : Domodossola (Verbano Cusio Ossola) TYPE : tour du château et enceinte fortifiée du bourg FAMILLES : Visconti, Sforza ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USO ATTUALE : tour privée
Piazza Mercato, Domodossola.
Domodossola, 1710. Au centre, le château et les remparts. 216
L’existence d’un castrum dans la ville de Domodossola, au pied de la forteresse occupant depuis longtemps le sommet de la colline de Mattarella, est attestée avec certitude dès la fin du Xe siècle. Le site fortifié s’étendait au sud-ouest du centre historique actuel, où se trouvait à l’époque une église plébane, et il englobait des maisons ainsi le palais des évêques de Novare. Au début du XIVe s. la construction d’un imposant mur d’enceinte que les habitants firent édifier pour protéger leur bourg, longtemps contrecarrée par les prélats de Novare – engloba l’ancien complexe à l’intérieur des nouveaux remparts. Mais ce n’est qu’au siècle suivant, après la destruction du château de Mattarella, que le site du château subit une transformation radicale, destinée à valoriser sa fonction
militaire effective. Lors de la seconde moitié du XVe s. les ducs de Milan donnèrent l’ordre d’abattre l’église plébane (transférée par la suite à son emplacement actuel) ainsi que les habitations des ecclésiastiques et toutes les maisons se trouvant sur le site. La forteresse, dont la muraille avait été rénovée et protégée par quatre tours d’angle, fut protégée par des douves et adaptée à l’usage de l’artillerie. Ceinturée d’importants remparts et dotée d’une nouvelle forteresse, autour de la moitié du XVIe s., Domodossola était donc une formidable “machine de guerre” capable de stopper l’avancée de troupes venues du nord. Les démolitions du XIXe s. – imposées par l’expansion du bourg devenu une terre industrielle – ont porté atteinte à l’ensemble des fortifications locales et nombre des dispositifs militaires d’autrefois échappent aujourd’hui au visiteur. L’imposante tour située près de piazza Rovereto, récemment restaurée, est le seul vestige du château. Par contre, il subsiste quelques pans du mur d’enceinte et de ses tourelles le long de via Monte Grappa et de via Facchinetti, non loin de l’actuelle église plébane. Par ailleurs, dans via Briona, la tour de l’Évêque, avec sa physionomie XIIIe, rappelle l’existence d’édifices analogues emblématiques de ce quartier (le clocher actuel de l’église de Santi Gervasio e Protasio est lui aussi le fruit de la transformation d’une ancienne tour). Le cœur historique du bourg mérite vraiment une visite à la découverte de la ravissante piazza Mercato, avec ses portiques médiévaux, et du palais Della Silva, tout proche. L’église de Santi Gervasio e Protasio conserve, outre une célèbre toile de Tanzio de Varallo, une architrave romane historiée de scènes de la légende de Charles Magne, provenant selon toute probabilité de la première église plébane.
DOMODOSSOLA
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ÉGLISE DE SANTA MARIA DEL CASTELLO
CHATEAU DE GIORNICO COMMUNE : Giornico (Canton du Tessin) TYPE : château seigneurial FAMILLES : da Giornico ETAT DE CONSERVATION : vestige historique ; l’église de Santa Maria del Castello se trouve sur le site du château Séparée du cœur historique du village de Giornico par le cours du Ticino, l’église de Santa Maria del Castello se dresse sur la rive droite de la vallée. On la reconnaît immédiatement car elle domine les édiVue de Santa Maria del Castello, Giornico.
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fices religieux du petit complexe ecclésiastique construit à droite du fleuve. Tout autour, le visiteur arrivant du village distingue parfaitement les vestiges de l’ancien château qui se dressait autrefois sur ce site ; traces et fragments d’épaisses maçonneries, dont la fonction nous échappe en partie aujourd’hui, de cette résidence seigneuriale dont la mémoire est indissociablement liée au nom de l’église de Santa Maria. Peut-être bâtie dès le XIe s. la forteresse fut agrandie entre 1160 et 1176 par Bernardo de Giornico, un membre de la famille noble la plus puissante de la Leventina. “Avogadro” impérial, Bernardo s’était à cette époque rallié aux rangs de Frédéric Barberousse Ier grâce à
GIORNICO
Une auberge sur la route du Saint-Gothard Parmi les très nombreux monuments dignes d’intérêt à Giornico, la Casa Stanga, ensemble de bâtiments datant probablement du XVe s. situés dans le cœur historique du village, mérite sans nul doute une mention particulière. Ce complexe, qui accueille aujourd’hui le Musée de Leventina (recelant des objets du culte ainsi que des objets et vestiges du passé paysan), était autrefois une habitation et une auberge. Sur sa belle façade, décorée de fresques autour de 1589 par Giovanni Battista Tarilli et Domenico Caresana, figurent les écussons et les armoiries des hauts personnages qui vinrent s’y restaurer et s’y reposer à cette époque. La cour de Casa Stanga, Giornico
l’aide de qui il entendait se soustraire aux prétentions du chapitre de la cathédrale de Milan qui revendiquait la seigneurie sur la vallée. Barberousse ayant été battu à Legnano par la Ligue Lombarde (1176), Bernardo se vit contraint de reconnaître la suprématie de l’Eglise milanaise. L’importance grandissante des communautés locales a ensuite définitivement mis en déroute le pouvoir des Da Giornico. Privés de leur seigneurie, les membres de l’agnation ont toutefois conservé un rôle important dans la société de la vallée mais en qualité de notables des communautés locales : notaires, juges, membres du conseil communal et du chapitre milanais. L’histoire de leur ancien château durant les derniers siècles du Moyen Age est moins connue mais, en 1276, on sait qu’il accueillit l’évêque de Milan Otton Visconti, venu y chercher refuge lors du conflit qui l’opposait à cette époque à ses rivaux, les Della Torre. Entre les XIVe et XVe s., l’’église de Santa Maria a été considérablement agrandie mais on ignore si, parallèlement, l’ancienne
résidence seigneuriale a conservé son rôle ou si, frappée par un incendie en 1370, elle était déjà sur le déclin. Les historiographes s’accordent cependant à affirmer qu’elle fut totalement détruite en 1518 par le Canton d’Uri qui avait entretemps conquis la Leventina. Épargnée par la démolition, l’église de Santa Maria est aujourd’hui la principale attraction du site du château. Dotée de deux absides (celle Vue de la tour d’Attone, Giornico.
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La seule île sur le cours du Ticino Plusieurs ponts enjambent aujourd’hui le fleuve Ticino à Giornico, traits d’union entre la partie historique du site et le versant droit de la vallée. Deux des plus anciens, mentionnés dès le Moyen Age, se trouvent à la hauteur du passage le plus aisé, là où une île sépare en deux bras les eaux du fleuve. Suffisamment grande pour accueillir aujourd’hui encore des bâtiments, l’île a une particularité. Elle est en effet la seule à être habitée sur tout le cours du Ticino, depuis sa source jusqu’au Pô. On y trouvait autrefois des moulins, des ateliers de maréchal-ferrant et des scieries. Et même l’une des plus anciennes chocolateries de la région. Le pont médiéval sur le Ticino, Giornico.
du sud étant la plus ancienne), l’église présente des murs externes ornés de bandes d’encadrement et de petits arcs romans et une façade simple d’où se dresse, à côté de l’abside, le haut clocher (daté du XIIe s.). L’intérieur, divisé en deux
Santa Maria del Castello, Giornico. Au premier plan, les ruines du château.
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nefs par des arcs, offre un beau plafond à caissons (XVIe s., remanié ultérieurement). Le point d’orgue de la décoration réside dans les fresques ornant le chœur nord, réalisé selon l’inscription de 1448 par l’atelier des Da Seregno. La voûte
GIORNICO
Nicolao da Seregno, Trivultus, 1478. Giornico, San Nicolao.
contient un Christ en gloire avec les symboles des Evangélistes tandis que les bandeaux inférieurs affichent un grand Saint Georges terrassant le dragon, une Crucifixion et une série de Saints (les deux derniers à gauche étant plus récents). Parmi eux, on reconnaît leur commanditaire, agenouillé. En contrebas de l’église de Santa Maria, au sein du petit complexe religieux qui englobe également la paroissiale de San Michele et le cimetière adjacent, se trouve l’église de San Nicolao (ou San Nicola) qui mérite absolument une visite. Monument roman parmi les plus importants du Tessin, cet édifice remonte au XIIe siècle. De petits arcs ornent l’extérieur de l’abside et des murs tandis que la façade est séparée en trois par de hautes bandes d’encadrement reliées au sommet par des
arcades aveugles géminées. Les deux portails sont décorés de magnifiques sculptures zoomorphes et anthropomorphes : celui de la façade et celui situé côté sud, à droite de la façade. A l’intérieur, le visiteur découvre tout de suite à gauche une ancienne vasque baptismale romane provenant de l’église paroissiale voisine et datée du XIIe siècle. On distingue des vestiges de fresques – une Cène, un Saint Christophe – peut-être du XIIIe s. – le long de la nef. Les magnifiques fresques de l’abside signées Nicolao de Seregno (dont une représentation – prohibée par la suite – de la Trinité sous forme de Trivultus) remontent quant à elles à 1478. Sous l’abside se trouve la crypte qui renferme des chapiteaux exceptionnels, ornés de motifs géométriques et figuratifs. 221
PARCOURS AU FIL DES CHATEAUX 10
Contrôle des vallées préalpines Les visées de l’aristocratie d’antan ORINO INDUNO OLONA VICO MORCOTE LOCARNO CANNERO RIVIERA
Ducatus mediolanensis finitimarunque regionum descriptio, détail, in Theatrum Orbis Terrarum d’Abraham Ortelius, 1572.
Au-dessus du Campo dei Fiori, entre les lacs Verbano (Majeur) et Ceresio (de Lugano), les vallées alpines et préalpines au nord du Seprio conservent depuis des siècles la double vocation de territoire frontalier et de voie de communication pour le commerce transalpin. Assujetties en partie à la juridiction spirituelle du diocèse de Côme et en partie à l’archidiocèse de Milan, elles étaient autrefois des territoires que se disputaient les deux communes avant de devenir une zone frontalière entre le duché des Visconti-Sforza et les cantons de la Confédération helvétique. Leur administration et leur gestion étaient compliquées non seulement par leur éloignement physique du cœur de l’Etat (Milan) mais également par la pluralité des interlocuteurs locaux : d’un côté les bourgs en bas de la vallée, au bord des lacs (Locarno, Luino, Laveno, Lugano), enrichis grâce au commerce et animés par des notables locaux souvent divisé en factions et, de l’autre côté, les communautés des vallées jalouses de leurs prérogatives, en désaccord entre elles, avec les chefs-lieux et avec le pouvoir central. Par ailleurs, une aristocratie souvent “parachutée” pour contrôler et pacifier mais attisant les conflits au lieu de les calmer, qui était – avec ses ambitions d’expansion territoriale – un souci pour l’Etat régional naissant des Visconti. De vieilles familles détenaient des seigneuries de fait sur le territoire comme les Rusca, seigneurs gibelins de Côme, désireux de créer leur propre Etat dans les vallées du diocèse comasque, ou les Mandelli, originaires du Lario, bien établis à Milan et enracinés jusque dans les riches terres de la vallée du Pô. Dans ce contexte déjà complexe, les ducs Visconti et Sforza sont venus brouiller l’échiquier aristocratique local en accordant des fiefs à d’autres maisons non autochtones : les Borromeo (richissimes marchands d’origine toscane et padouane récemment anoblis), installés à Arona et sur les îles du lac pour faire barrage à l’inquiétante hégémonie de certains branches des Visconti sur le Verbano ; les Sanseverino (haute noblesse napolitaine d’origine normande stipendiée par Filippo Maria Visconti pour diriger des entreprises militaires) implantés dans le Sottoceneri pour contrecarrer le pouvoir démesuré des Rusca entre le Lario et le Ceresio ; les Cotta (ancienne famille capitanale milanaise) introduits dans le Valcuvia pour créer un fief-tampon sur l’importante voie de communication entre le vieux château de l’archevêque d’Angera et les territoires du diocèse comasque. Entre les XIVe et XVe s., chacune de ces familles s’est employée à construire ou restaurer des châteaux et tours de guet s’égrenant au fil des vallées pour défendre les cols et le transit ou sur les rives des lacs. Ces fortifications modernisaient le plus souvent un système défensif préexistant, datant de la fin de l’Empire romain. Presque tous les châteaux et forteresses de cette région furent mis à sac et en partie détruits entre 1510 et 1515 par les troupes helvétiques ; le saccage du château-fort de Travaglia, chargé d’assu223
CONTRÔLE DES VALLÉES PRÉALPINES
rer la défense du Luinese, est resté célèbre. Les Confédérés allèrent jusqu’à raser les puissantes fortifications du château de Locarno (à partir de 1531). Le manoir de Cuvio fut rapidement transformé en villa, de même que celui de Frascarolo. D’autres fortifications furent abandonnées aux broussailles ; le seul témoignage qui donne encore une image, défraîchie certes, de ces anciens forts est la forteresse d’Orino (dont les vestiges se trouvent sur le flanc nordouest du Campo dei Fiori et à l’embouchure de la Valcuvia), et d’où démarre notre itinéraire. Le parcours proposé – qui offre une cohérence historique et paysagère mais englobe une vaste zone territoriale – ne peut être bouclé en une seule journée. On peut le diviser en trois itinéraires qui, en suivant en partie le tracé des trois vallées de Varèse (Valcuvia, Valganna et Valtravaglia) donnent d’un côté sur le Sottoceneri et le Ceresio et, de l’autre, sur le Sopraceneri et le Verbano. D’Orino à Induno Olona à travers la Valganna (35 km environ) Depuis Orino, deux routes permettent de rallier Rancio. La première parcourt le bas de la vallée et dessert Cuvio (où trône, en ville, l’imposant palais, ancien château et siège de la petite cour des Cotta) et la seconde traverse la forêt sur les flancs du Campo dei Fiori et passe par Castello Cabiaglio (où se trouve un autre château des Cotta). Après la visite de Rancio, on reprend la route qui serpente vers Bedero à travers la Valganna direction l’Abbaye (Badia) de San Gemolo. Cette petite cénobie bénédictine, lieu de culte d’un célèbre saint local, était le centre de contrôle d’un vaste domaine qui englobait la Valganna, une partie des vallées adjacentes de Marchirolo et Valcuvia ainsi que l’Induno Olona voisine pour arriver jusqu’à Malnate. Bâtie sous le régime d’une commende octroyée aux Sforza autour de 1477, l’abbaye fut cédée à l’administration de l’Hôtel-Dieu de Milan par son dernier abbé com-
Rancio Valcuvia
Maison typique avec loggia à Rancio Valcuvia.
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Indépendamment de la visite des châteaux, le petit village de Rancio, agrippé au flanc nord du Campo dei Fiori, mérite absolument une halte. Il conserve de nombreuses maisons typiques avec leurs loggias sur plusieurs étages exposées plein sud, les restes d’un monastère de l’Ordre des Humiliés avec des colonnes XVe (via Mazzini), un palais XVIIe (villa Velati dans via Cavour) aux formes plus fin Renaissance que baroques et, dans les bois alentour, quelques vestiges de remparts, peutêtre d’anciennes fortifications. Au milieu coule une rivière qui se jette dans une gorge à l’emplacement de l’ancien moulin et le pont qui l’enjambe offre un excellent point de vue sur les vieilles maisons du village.
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mendataire, Gian Angelo Médicis qui allait devenir le pape Pie IV. On y admire une peinture murale du XVe s. d’une Vierge de la Miséricorde et l’on peut se promener vers la fontaine sacrée (lieu du martyre de saint Gemolo) ou le long du petit lac. Après avoir quitté la Valganna, on arrive à Induno Olona en traversant une zone industrialisée avec plusieurs constructions Art Nouveau. Avant le village, on monte à Frascarolo, où se trouve le château, mais pour avoir une vue d’ensemble sur la villa des Médicis de Marignano et ses tours, il vaut mieux pousser un peu plus au sud dans la vallée de l’Olona (de nouveaux viaducs relient Varèse à l’autoroute) et se retourner pour admirer le plateau verdoyant, planté de cyprès, la tour massive en arrière-plan et les fines tours en premier plan qui entourent le palais. On s’étonnera de trouver ici un morceau de Toscane transplanté au cœur de la Lombardie et l’on se prendra à confondre les célèbres Médicis de Florence avec ceux de Milan. D’Induno à Morcote autour du Ceresio (35 km environ) Sur les traces de la Renaissance, on découvre près d’Induno l’église de San Pietro in silvis qui conserve des fresques du XVe s. d’une qualité certes moyenne mais significatives de la dévotion populaire. Pour ne pas s’attarder, il faut laisser de côté la belle villa Cicogna (XVIe) de Bisuschio pour se rendre directement à Cuasso al Monte. Ici, la vallée s’ouvre et l’on commence à bénéficier de la vue sur le Ceresio. Sur la montagne, à l’ouest de la vallée, se dressait autrefois une puissante enceinte fortifiée protégeant des églises et des citernes. Les vestiges du château (abandonné dès le XVe s.) sont perdus dans les forêts et les monts qui dominent le paysage. Après la frontière et Porto Ceresio, on admire de loin (sur l’autre rive du lac) le château et le vil226
Maître de Santa Maria in Selva, Dévots, détail de la Vierge de la Miséricorde et Annonciation, 1400-1401. Locarno, Santa Maria in Selva.
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lage de Morcote. La route qui conduit à Riva San Vitale serpente entre les escarpements et le lac, offrant des points de vue pittoresques. Il faut contourner presque tout le bassin pour arriver au troisième château. Après avoir visité Morcote et ses vignobles, on peut soit revenir en Italie direction Campione – avec son église Santa Maria dei Ghirli (importantes fresques du Gothique tardif et cycle pictural de Luini avec des scènes de la création inspirées de modèles de Dürer) et son petit musée communal aux nombreuses pièces en marbre Renaissance – soit mettre le cap vers Lugano et boucler l’itinéraire par l’église de la cénobie franciscaine de Santa Maria degli Angeli (construite à l’emplacement de l’ancien château Rusca Sanseverino) pour y admirer le travail de Bernardino Luini (1529) et observer (dans la chapelle Rusca de la même église) la vision inquiétante de la foule de malades et de mendiants semblant sortir de Milan au crépuscule (avant 1528). De la Valcuvia à Locarno en passant par Arcumeggia, Caldè, Luino et Maccagno (85 km environ) Depuis la Valcuvia, entre Casalzuigno (connu pour la belle villa Della Porta Bozzolo appartenant au FAI) et Vergobbio, une route sinueuse monte à Arcumeggia, village célèbre pour ses peintures murales contemporaines. Le parcours se poursuit à l’assaut du relief montagneux impraticable qui sépare la vallée du lac Majeur. On débouche sur le Verbano à Castelveccana et, depuis le hameau de Caldè, on accède au château-fort de Travaglia. Ancienne garnison des archevêques milanais, la forteresse (centre militaire du fief de Rusca) fut rasée par les Suisses probablement en 1513. Sur l’éperon rocheux à pic sur le lac, il ne reste rien des fortifications ni du port militaire sinon quelques murs de pierres et les traces de douves. Seule l’ancienne église de Santa Veronica (fondée au XIIe s. et conservant des restes d’une fresque du XVe s.) atteste l’importance du site. Des sentiers escarpés à travers les bois conduisent jusqu’aux ruines du châteaufort ; la vue magnifique va de Cannero à Stressa et depuis le surplomb sur
Johannes Stumpf, Luggaris vonn Eydgnossen belagert, in Gemeiner loblicher Eydgnoschaft Stetten Landen und Völckern, 1547-1548.
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CONTRÔLE DES VALLÉES PRÉALPINES
Un territoire à la mémoire érudite Le parcours de cet itinéraire est en grande partie calqué sur un ouvrage savant du XVe siècle. L’humaniste Domenico Belli, né à Maccagno Inferiore et rebaptisé Maccaneo, fit ses études à l’école de Cola Montano (la même qui forma les jeunes assassins du duc Galeazzo Maria Sforza), il fut le précepteur de la nombreuse progéniture de l’aristocrate et poète Gaspare Ambrogio Visconti (de la banche de Cassano Magnago) et mourut à Turin en 1530 après une carrière d’historiographe à la cour de la maison de Savoie. Il est l’auteur d’une Chorographia Verbani Lacus imprimée en 1490 à Milano par la typographie de l’Allemand Ulrich Schinzenzeler. Accompagné de la première représentation cartographique du lac Majeur, ce texte est célèbre pour ses références à Bramante (représenté arpentant
les rives du Verbano en quête de belles pierres destinées à imiter l’effet des marbres patinés de la Rome antique) mais il trace également un itinéraire intéressant (des fortifications de Bellinzone jusqu’à la campagne de Vigevano) qui est la carte de référence pour tous les parcours autour de l’ancien duché de Milan. Un autre ouvrage savant de la Renaissance évoque les châteaux de la Valcuvia : le poème latin intitulé Descriptio vallis Cuvi, composé par le noble feudataire Giovanni Stefano Cotta. Cette brève composition poétique fournit pour l’essentiel une liste des lieux de la vallée mais les références aux châteaux d’Orino, Cuvio, Cabiaglio sont exactes et elle mentionne également la riche faune qui peuple la vallée (cerfs, sangliers et oiseaux de proie).
le lac on distingue ça et là les tours des vieilles usines du siècle dernier sur la rive. En alternative, on peut sauter l’étape du château-fort de Caldè pour rallier plus aisément Luino depuis la Valcuvia sur la nationale SS 394 qui traverse la Valtravaglia, sinon on poursuit après Caldè sur la rive du lac direction Porto Valtravaglia et Germignaga. A Luino on peut visiter l’église de San Pietro in Campagna (ancienne église paroissiale extra-muros, désormais près du cimetière moderne) qui conserve une Adoration des Mages du début du XVIe, identique à celle de l’église de San Siro à Lanzo d’Intelvi (autre fief des Rusca), attestant l’inspiration d’un illustre modèle commun. Au bord du lac, toujours à l’extérieur de l’ancien village, se dresse Santa Maria del Carmine (autrefois église conventuelle) dont les montants de la porte arborent les armes des Rusca, accompagnées des initiales du comte Giovanni et de celles du podestat Ambrogio Gritti (en charge de 1489 à 1497). On poursuit ensuite vers la frontière suisse en longeant le lac. Alentour, des tours de défense massives, en pierres, ponctuent les lieux : à Mesenzana (encore dans la vallée), à Ligurno (hameau de Porto Valtravaglia), à Maccagno Inferiore et encore à Pino. Une structure fortifiée plus complexe devait exister à Maccagno, centre d’un fief ancien des Mandelli implanté sur les terres assignées aux Rusca par le duc Filippo Maria Visconti (1412-1447). On arrive enfin au Sopraceneri et, après avoir franchi le Ticino, non loin de son estuaire lacustre, on rallie Locarno, non sans avoir fait halte dans le beau village historique de Muralto. La visite reprend alors le long du lac jusqu’à Cannero : on ne peut admirer les châteaux des îles que de loin (depuis la rive ou, avec un peu de chance, depuis un bateau), en attendant la construction de structures permettant d’y aborder. 228
Le château de Morcote avec le lac de Lugano et les montagnes en toile de fond.
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CHÂTEAU-FORT D’ORINO
COMMUNE : Orino (Varèse) TYPE : château-fort FAMILLE : Cotta, Visconti Borromeo Arese, Corti, Bonaria, Clivio, Moia, Sangalli, Mascioni ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : résidence privée, accueille des événements
Les remparts du petit fort (Rocchetta), Orino.
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Les restes du château-fort d’Orino se trouvent dans les fourrés, à un kilomètre du village du même nom, sur un promontoire (à 525 mètres d’altitude) au nord-ouest du Campo dei Fiori. Il existait probablement ici une fortification au XIIe s., sur l’axe routier reliant le château de l’archevêque d’Angera aux territoires comasques, mais aucun vestige matériel ni aucun document ne permettent d’affirmer que le complexe actuel date d’avant le XVe siècle. On attribue ainsi la construction du château-fort à la famille Cotta. En 1450 le duc Francesco Sforza (1450-1466), nouvellement élu, investit son conseiller Pietro Cotta du fief de Valcuvia. Tandis
que le centre de la juridiction féodale se trouvait au château de Cuvio (désormais palais Cotta Litta Arese) et malgré la résidence constante des seigneurs féodaux à Milan, les Cotta, de concert avec les Sforza, ont fortifié plusieurs villages de la vallée (Bedero, Cabiaglio et Orino) car ils séjournaient au moins occasionnellement dans leurs châteaux préalpins. Entre 1510 et 1515, comme tous les autres châteaux de la région, la forteresse d’Orino fut occupée et en partie endommagée par les milices des Cantons de Lucerne, Uri et Nidwald. Les Suisses contestaient les prérogatives de la famille milanaise sur la Valcuvia, épaulés par Ercole Rusca (héritier illégitime des comtes de Locarno) mais les seigneurs féodaux (ralliés à Massimiliano Sforza) négocièrent avec les nouveaux maîtres pour tenter de conserver leurs territoires. Malgré le succès des tractations qui permirent aux Cotta de conserver leur fief et le contrôle du château d’Orino, le rôle défensif de la forteresse ne cessa de décliner et dès la fin du XVIe s. l’espace intra-muros fut reconverti en terrain agricole. En 1728, l’ensemble du fief fut cédé par un autre Pietro Cotta (descendant du premier) au comte Giulio Visconti Borromeo Arese. Quelques années plus tard (avant 1757) le château-fort d’Orino (en ruine) fut définitivement vendu aux Cotta avec les 60 “perches” environ (unité de mesure) des propriétés adjacentes. Différents propriétaires s’y succédèrent au cours des siècles suivants et ce n’est qu’au début du XXe s. que l’on procéda à des restaurations pour conserver et réparer l’ensemble. Puis il fut de nouveau abandonné jusqu’à une époque récente. Aujourd’hui, après une nouvelle restauration, ses propriétaires actuels le vouent à des concerts et
ORINO
autres manifestations estivales. Pour atteindre les vestiges, il faut emprunter une route qui monte dans la forêt. La partie encore visible de la fortification renvoie l’image d’un château d’une certaine importance. Un mur d’enceinte presque rectangulaire de 50 mètres sur 100 protège un vaste espace aujourd’hui herbeux mais occupé autrefois par des bâtiments (peutêtre en bois) destinés à accueillir la garnison et utilisés à l’occasion comme refuge pour les habitants du bourg en contrebas. Au sud-est on distingue les restes d’une grande citerne. Le long des remparts externes, les créneaux (notamment au-dessus de l’entrée) et quelques tours de jonction sont le fruit d’un remaniement du début du XXe s. mais le périmètre de l’enceinte suit pour l’essentiel celui d’origine.
A l’intérieur, à l’endroit le plus élevé du refuge (angle nord-ouest vers la vallée) se dresse le donjon renforcé par une tour. Le donjon, de 15 m de hauteur environ et d’une dimension de 4 mètres sur 5,5, réalisé en pierre locale avec des blocs carrés dans les angles, contenait une cage d’escalier qui desservait la petite forteresse (Rocchetta) voisine. Cette dernière formait un bloc compact s’élevant à 12 mètres de haut et occupant une surface de près de 400 mètres carrés. Dans les murs très épais du donjon (1,5 mètre), taillés dans la roche, on observe des traces des éléments en saillie qui soutenaient le chemin de ronde. Les éléments décoratifs (cheminées, piédouches, chapiteaux, colonnes, etc.) qui agrémentaient certainement la Rocchetta n’ont hélas pas survécu aux pillages.
La porte d’entrée du château-fort avec la tour nord-est, Orino.
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CHÂTEAU MEDICI DE MARIGNANO
CHÂTEAU DE FRASCAROLO COMMUNE : Induno Olona (Varèse), loc. Frascarolo TYPE : château seigneurial FAMILLE : Sforza, Zemo, Neri, de Theis, Medici di Marignano, Crivelli ETAT DE CONSERVATION : réfection USAGE ACTUEL : résidence privée
Le donjon du XVIe s. du château des Médicis de Marignano, Induno Olona.
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Une première structure fortifiée est attestée à Frascarolo dès 1162, époque à laquelle, poussé par les affrontements entre Milanais et impérialistes, l’évêque de Milan établit ici son avant-poste contre les habitants d’Arcisate ralliés à Barberousse. L’emplacement choisi était stratégique car le châ-
teau permettait de contrôler à la fois l’entrée étroite de la Valganna, le premier tronçon de la vallée de la rivière Olona et l’accès vers la vallée conduisant à Ceresio. Les propriétaires du fortin étaient les moines de l’abbaye de San Gemolo di Ganna qui demeurèrent toujours fidèles aux Milanais. Entre 1490 et 1495, le château accueillit occasionnellement la petite cour de Varèse de Giulio Sforza, fils illégitime du duc Francesco, époux de la richissime héritière Margherita Grassi et seigneur féodal de l’église de Brebbia. Après différents changements de propriétaire et les pillages habituels de la soldatesque helvétique (novembre 1511), le château fut cédé en 1542 à Giovanni Battista Médicis de Novate, frère du cardinal Gian Angelo (commendataire de San Gemolo) qui allait devenir le pape Pie IV (1559-1565) et du
INDUNO OLONA
célèbre condottière Gian Giacomo dit “le Medeghino”. Les frères Médicis (entrés de plain-pied dans l’aristocratie lombarde) acquirent progressivement les biens de Frascarolo et transformèrent peu à peu l’ancienne forteresse en élégante villa, restaurant également le château de Melegnano dont ils firent un somptueux écrin voué à la célébration de la gloire familiale. Il ne reste de l’ancien château que la puissante tour carrée (de près de 10 m de côté), presque isolée à l’angle nord-ouest du complexe (l’endroit le plus élevé) et caractérisée par sa base talutée et le bossage maniériste des angles et de l’encadrement des fenêtres. Peutêtre la cour voisine a-t-elle également été réalisée dans le périmètre d’origine de la forteresse tandis que les élégantes tourelles au-dessus de l’aile d’entrée furent ajoutées par les Médicis à la moitié du XVIe s. et sont couronnées de corbeaux voulus par Luca Beltrami. Le reste du complexe – avec ses jardins étagés à l’italienne, ses façades peintes en trompe-l’œil et ses portiques décorés de ravissantes grotesques – témoigne du degré de raffinement de la vie à la villa. Seuls les restes néogothiques de la fontaine qui agrémentait les maisons des paysans au début de la rue d’accès évoquent encore un Moyen Age presque entièrement disparu.
Cour est et voûtes des portiques du château Médicis de Marignano, Induno Olona. 233
CHÂTEAU DE MORCOTE
COMMUNE : Vico Morcote (Canton du Tessin) TYPE : forteresse FAMILLE : Visconti, Sforza, Rusca, Sanseverino, Paleari ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument (propriété privée), accueille l’Exploitation agricole Arbostora
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Sur une terrasse du mont Arbostora descendant vers le lac de Lugano (à 475 mètres d’altitude), se dressent au cœur des vignes les vestiges du château de Morcote. De cette hauteur, on contrôle les deux bras du lac (celui donnant sur Ponte Tresa ainsi que le bras principal vers Melide, Bissone et Campione) et l’on bénéficie d’une vue panoramique sur le Valceresio (vers Bisuschio, Arcisate et Induno Olona).
VICO MORCOTE
Des militaires posent dans l’église de Santa Maria del Sasso Domenico Pezzi, Montée au Calvaire, 1513. Morcote, Santa Maria del Sasso.
A Morcote l’église de Santa Maria del Sasso se dresse sur un éperon rocheux en contrebas du château. Rénovée durant la seconde moitié du XVe s. et réformée à la fin du XVIe (avec la réfection de la chapelle principale tournée vers le sud), elle conserve différents éléments de son passé Renaissance. Dans la chapelle du Rosaire, les nouveautés expérimentées à la Chartreuse de Pavie sont déclinées dans un esprit lacustre par un peintre de Varèse adepte du style des ateliers inspirés de Giovanni Martino Spanzotti, qui exerça son art entre le Piémont et la Lombardie entre la fin du XVe et le début du XVIe siècles. Dans la chapelle de la Pêche miraculeuse – il faut savoir que la pêche était l’activité principale du village donnant sur le Ceresio – le peintre local Bartolomeo de Ponte Tresa (ayant exercé entre 1530 et 1550) a décoré les voûtes vers 1520 d’oculus et angelots en hommage à la création de Bergognone, 40 ans plus tôt, dans la villa de Caselle, mais dans la scène de la Pêche il montre qu’il est au fait des dernières évolutions figuratives prônées par Giovanni Agostino de Lodi. La vue de Gênes, derrière le
On connaît mal l’origine de la forteresse, peut-être fondée autour du XIIe s. à l’emplacement d’une tour de guet romaine. Entre 1416 et 1434, Lotario Rusca contrôlait la forteresse de Morcote et détenait l’investiture féodale du Sottoceneri, obtenue en échange de la cession de la Valchiavenna au duc Filippo Maria Visconti. Après la mort de Lotario (1434), le duc manifesta son intention d’éloigner la famille Rusca de la région de Côme – Fran-
cortège de la Montée au Calvaire (dans l’ancienne chapelle principale) attire tous les regards ; ici, le peintre Domenico Pezzi (originaire de la Valsolda mais ayant exercé entre Milan et Gênes lors de la première moitié du XVIe) a représenté non seulement “La Superbe” avec ses fortifications côtés mer et montagne (laissant sur le mur de l’église lacustre l’une des images les plus anciennes et les plus précises de la ville maritime) mais également le cortège de la soldatesque (ayant écumé ces contrées au début du seizième siècle) dans des poses rassurantes inspirées des Triomphes de César d’Andrea Mantegna (autrefois à Mantoue et à présent à Hampton Court).
chino et Lotario avaient été les seigneurs insidieux de Côme de 1408 à 1416 – et il installa, d’abord officieusement (à partir de 1435) puis officiellement (1438), son condottière napolitain Aloisio Sanseverino dans le fief du Sottoceneri et au château de Morcote. Tandis que les nouveaux seigneurs féodaux habitaient Lugano (dans un bâtiment appartenant à l’évêque de Côme) et Mendrisio (bien que les Torriani disposaient de l’ancien château près de
Vue générale du château de Morcote.
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Façade de la forteresse côté lac, Morcote.
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l’église de San Sinisio et que les anciens feudataires Rusca possédaient leur propre demeure), Morcote devint la principale garnison militaire de la région et fut probablement agrandi. Si ce changement de fief récompensait Sanseverino pour les services rendus au duc, les Rusca furent dédommagés avec le comté de Locarno et la possession du val d’Intelvi (1439). Toutefois, après la mort d’Aloisio Sanseverino et du duc (disparus presque au même moment en 1447), les Rusca reprirent possession d’une partie de leurs terres d’antan et du château de Morcote. Les deux familles – l’une guelfe et l’autre gibeline, l’une étrangère et l’autre de Côme – continuèrent à se disputer le fief, émaillant le Sottoceneri de près de quarante ans d’échauffourées.
Les Sanseverino gardèrent la mainmise sur le fief jusqu’en 1485 mais dès 1477 leur rôle dans la gestion du château de Morcote fut définitivement compromis par les troubles politiques à Milan (après l’assassinat du duc Galeazzo Maria) et les luttes de faction entre Guelfes et Gibelins dans la région de Lugano (les Sanseverino étaient naturellement partisans des Guelfes). La forteresse de Morcote fut soumise au contrôle direct du pouvoir central en 1482 par médiation du Gibelin Rusca de Locarno. Différents châtelains d’obédience ducale se succédèrent à la tête du château : d’abord les Paleari (famille introduite dans le tissu local mais surtout à la chancellerie de la cour) puis les Crivelli (puissant et nombreux clan milanais). Il est probable que d’impor-
nombreux, les restes de l’édifice n’en sont pas moins imposants. Au nord on distingue les formes sévères d’un bastion flanqué d’un donjon circulaire et massif. Ce corps de bâtiment conserve les restes d’une citerne, d’une tour romaine et de différentes pièces dont une cuisine et un petit salon. Plus au sud, on aperçoit les traces d’un mur d’enceinte trapézoïdal. A l’angle sud-est, les vestiges d’une tour tenant lieu de défense avancée garde les traces d’un pont-levis. La vue panoramique et la belle campagne plantée de vignes méritent une visite. Dans le village de Morcote, en contrebas, autrefois protégé par des remparts, se dresse la tour dite du Capitaine, avec une porte en ogive et une élégante fenêtre jumelée.
VICO MORCOTE
tants travaux de reconstruction aient eu lieu à cette période sous le contrôle direct des Sforza. En 1512-1513, le château fut en partie détruit par les Confédérés et ses biens furent transportés à Lugano. Avec la cession définitive du Sottoceneri aux Cantons suisses, l’édifice fut cédé en 1517 au capitaine Francesco Paleari (héritier des anciens châtelains). Les Paleari ont conservé la propriété du manoir pendant les quatre siècles suivants. Au début du vingtième siècle, les restes de la forteresse et les terres voisines furent vendus aux Gianini, les propriétaires actuels qui gèrent l’Exploitation agricole Arbostora. Pour se rendre aux vestiges du château, il faut descendre la colline depuis Vico Morcote ; bien que peu
Diplôme de Galeazzo Maria Sforza, 1466-1476. Collection privée.
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CHÂTEAU VISCONTEO DE LOCARNO
COMMUNE : Locarno (Canton du Tessin) TYPE : forteresse, château seigneurial FAMILLE : Visconti, Sforza, Rusca ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument, accueille le Musée municipal et archéologique
Vue du château Visconteo de Locarno.
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Plusieurs fortifications sont attestées dès le XIIe siècle dans la région de Locarno. Il s’agit du château de San Michele à Ascona (sur l’arête rocheuse donnant sur le lac à la limite sud du village), de celui de San Materno toujours à Ascona mais plus proche de la rivière Maggia, du château de San Biagio au-dessus d’Orselina et de celui de Gordola
qui domine Muralto. Chose originale, ces forteresses, dont il ne subsiste que quelques bouts de murs et de donjons, étaient gérées en copropriété par plusieurs familles nobles locales. Contrairement aux châteaux d’Azzate, Besozzo, Castiglione Olona ou Mendrisio, administrés en commun par des membres d’une même lignée (Bossi, Besozzi, Castiglioni et Torriani), ceux de Locarno étaient fractionnés et subdivisés entre deux branches ou plus d’une même maison (Duno, Orelli, Muralto, Magoria, Larocca). Au XIVe s., en intégrant les possessions des Visconti (1342), le bourg de Locarno pouvait compter sur la défense du château de San Biagio (détruit autour de 1380 lors d’affrontements entre factions locales), du château Orelli doublé d’un port for-
LOCARNO
tifié ainsi que d’une sorte de muraille de barrage appelée “Fraccia” (ancêtre de la plus imposante Murata de Bellinzone) située à l’est de Muralto, peut-être parallèle, plus ou moins, au cours du Verzasca pour bloquer la vallée du Ticino. Si un premier manoir est attesté à Locarno dès l’an 866, le château Vis-
conteo actuel – à la limite sud-ouest du village vers le cours du Maggia – est probablement un remaniement des anciennes fortifications des Orelli du XIIe siècle. Lorsque le duc Filippo Maria Visconti, chassant les Rusca du Sottoceneri, accorda à Franchino le fief de Locarno élevé au rang de comté (1439), le château
Ambrogio Annoni, Giorgio Lombardi, Le Château de Locarno, 1912.
Des saints à cheval pour les aristocrates Rusca : San Vittore de Muralto L’un des vestiges les plus intéressants du château de Locarno se trouve muré dans le clocher de l’église de San Vittore à Muralto. Le saint milanais représenté à cheval était, comme tous les saints militaires (saint Georges, saint Martin, saint Maurice, etc.), particulièrement cher à
l’aristocratie mais également le protecteur de la juridiction plébane de Locarno établie justement à Muralto. Le comte Franchino Rusca commanda cette sculpture à Martino Benzoni entre 1460 et 1462 (qui œuvra aussi à la cathédrale de Milan entre 1446 et 1492).
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Fuite en Egypte sur fond de montagnes Bâti sur un éperon rocheux dominant Locarno après une apparition de la Vierge (1480), le sanctuaire de la Madonna del Sasso d’Orselina veille sur plusieurs œuvres magnifiques de la Renaissance lombarde. Outre les deux groupes de bois retraçant la Passion du Christ – la Douleur du maître de Santa Maria Maggiore (avant 1485) et la Piété des graveurs milanais De Donati (1505-1510 environ) – et l’Annonciation de Bernardino de’ Conti (1522 environ), le chef d’œuvre absolu d’Orselina est la Fuite en Égypte de Bartolomeo Suardi, dit le Bramantino (1510-1515 environ). On ignore la provenance d’origine de la peinture, qui devait toutefois être connue dans le diocèse de Côme puisqu’elle a été rapidement copiée par Bartolomeo de Ponte Tresa dans la chapelle Camuzio de Santa Maria degli Angeli à Lugano. En toile de fond, entre des roches alpestres, plusieurs tours crénelées se détachent sur le bleu du ciel. Bartolomeo Suardi (dit le Bramantino), Fuite en Egypte, 1510-1515 environ. Orselina, Madonna del Sasso.
devint le siège de la cour comtale. La résidence princière de la famille Rusca fut alors protégée par un château-fort, sous le contrôle direct du duc, abritant une garnison et dotée de remarquables fortifications s’étendant en direction du bourg et jusqu’au port. Tandis que les ducs avaient fait appel pour son édification à différents architectes et ingénieurs œuvrant également au château de Milan et à ceux de Bellinzone, le comte Franchino avait chargé le sculpteur Martino Benzoni de décorer ses appartements du manoir. Suite à la conquête suisse de Bellinzone (en 1500), on mit l’accent sur le caractère défensif de l’ensemble qui fut renforcé par les Français grâce à une puissante défense avancée en 240
pointe de diamant. Le passage définitif de Locarno à la Suisse marqua en revanche le déclin de la forteresse. En 1531, on décida en effet de démanteler son système défensif et plus des deux tiers du château furent démolis, n’épargnant qu’une partie du palais des Rusca. Entre 1513 et 1798, les baillis (capitaines représentant le gouvernement central) prirent leurs quartiers dans les restes du manoir qui accueille depuis 1920 le Musée municipal et archéologique. En arrivant au château depuis via Bernardino Luini, on découvre les restes des fortifications qui donnaient autrefois sur le bassin portuaire. Parmi les vestiges, la façade du petit palais Rusca, avec ses élégantes fenêtres jumelées (dont les deux du milieu ressemblent à celle
découvre les vestiges de l’imposante défense avancée (désormais étouffée par les habitations modernes) tandis que les restes du puissant donjon de San Vittore (qui fermait le château-fort vers le nord, dominant le village) se trouvent sous les maisons, au croisement entre via Bartolomeo Rusca et via San Francesco. Pour admirer le dernier survivant des donjons, emprunter via San Francesco puis tourner dans via Ripa Canova.
LOCARNO
de l’aile Visconti du château-fort d’Angera), et à gauche un corps de bâtiment en encorbellement (une ancienne tour quadrangulaire) également agrémenté d’une fenêtre jumelée. En montant à droite, on tourne sous un arc en plein cintre surmonté des armoiries des Visconti puis l’on emprunte la via al Castello – délimitée par la longue façade du palais Casorella (dernier quart du XVIe s.) – avant un tournant en épingle qui conduit à la cour à travers un portail architravé. Les loggias et les portiques sont décorés de plafonds en bois, principal attrait de l’ensemble. Les murs portent les armoiries des baillis tandis que sur les chapiteaux et caissons du plafond trônent les nombreux emblèmes des Rusca et des familles apparentées (on comptait autrefois 138 blasons sur la porte). Sous les galeries et dans la cour figurent des fragments épars de sculptures Renaissance provenant en partie de l’église de San Francesco, détruite. Le palier des grands escaliers qui desservent le premier étage conserve une toile Renaissance représentant la Vierge en trône entre saint Jérôme, saint François d’Assise, Catherine d’Alexandrie et la bienheureuse Beatrice Casati Rusca (épouse de Franchino décédée en odeur de sainteté en 1490) présentant son fils Giovanni (mort en 1508), peut-être réalisée vers la fin du XVe s. et signée par un peintre ayant officié également à Pallanza, identifié comme Giovanni Antonio de Montonate. A l’étage supérieur, la longue Salle des audiences (avec ses portes jumelées gothiquisantes), la Salle de réception et un couloir sont eux aussi décorés de plafonds en bois finement ciselés, peut-être l’œuvre de Giacomino Malacrida vers 1505. En poursuivant du château vers le bourg, au bout de via al Castello, on
Donjon du château, Locarno.
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LES CHÂTEAUX DE CANNERO
COMMUNE : Cannero Riviera (Verbano Cusio Ossola) TYPE : forteresse FAMILLE : Borromeo ETAT DE CONSERVATION : partiellement intact USAGE ACTUEL : monument
Vue du château de l’îlot principal, Cannero Riviera.
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Les châteaux s’élèvent sur deux îlots à quelques centaines de mètres de la côte, légèrement au nord du centre de Cannero. Toujours indiqués au pluriel par convention, ce sont en réalité les deux corps d’une même forteresse, articulée en un château-fort principal – d’une surface de près de 2000 mètres carrés – et un donjon secondaire destiné à protéger la forteresse, sur la petite île. L’ensemble, récemment restauré, conserve l’aspect d’une ruine pittoresque à fleur d’eau. Impossible, en les admirant depuis le rivage ou mieux
encore en s’en approchant en bateau, de ne pas succomber à leur charme romantique. Comme Caroline de Brunswick, épouse en exil du roi d’Angleterre Georges IV, qui espéra (en vain) faire sa résidence de ces vestiges envoûtants au début du XIXe siècle. La première mention de l’existence d’un château sur la grande île précède le rêve de Caroline de quatre siècles. Lors des violents affrontements locaux entre Guelfes et Gibelins qui ont suivi la mort du duc Gian Galeazzo Visconti (1402), les puissants frères Mazzarditi de Canobbio – parmi les chefs des Gibelins – ont en effet voulu y construire une forteresse, refuge pour leur partisans et prison pour leurs ennemis. Les habitants de tous les bourgs et villages alentour participèrent, par conviction ou sous la contrainte, à son édification tandis qu’une partie des matériaux de construction étaient récupérés dans les maisons détruites de leurs adversaires ; le château
CANNERO RIVIERA
démantelé de Canobbio des Mantelli, des Guelfes, a ainsi fourni les meilleures pierres à cette entreprise. Le château de la Malpaga, qui se composait peut-être uniquement d’une tour protégée par un mur d’enceinte, ne résista toutefois pas longtemps. Détruit en 1414 par l’armée du duc Filippo Maria Visconti, redevenu maître du bassin lacustre, il ne fut jamais reconstruit et il n’en reste aujourd’hui aucune trace. L’ensemble actuel n’a donc aucun rapport avec la forteresse bâtie par les Mazzarditi et son origine remonte à une initiative de la famille qui, à l’époque même du duc Filippo Maria, commença à établir sa domination sur la rive piémontaise du lac, les Borromeo. Les années de la construction du nouveau château des Borromeo – début du XVIe s. – furent encore marquées par de violents affrontements qui s’étaient désormais propagés aux grandes puissances européennes et ne s’achevèrent qu’avec la fin de l’indépendance du duché de Milan. Farouche partisan du roi de France Louis XII, le comte Ludovico Borromeo – bâtisseur du château – se heurta toutefois rapidement aux Français. Se tournant dès lors vers les Suisses, Ludovico trouva une oreille favorable. En 1518, il obtint la citoyenneté de Lucerne et Berne et l’année suivante, ayant survécu à une tentative d’empoisonnement fomentée par le gouverneur français de Milan – il se réfugia à Locarno, territoire désormais confédéré. Dès lors, en accord avec ses interlocuteurs suisses, Ludovico Borromeo planifia la construction du nouveau château à bâtir tout au nord de ses possessions, près des îles voisines de
Cannero. Sur un site stratégique militairement et proche des terres de ses protecteurs. Baptisée Vitaliana, en hommage au fondateur de la dynastie, la forteresse fut rapidement construite à partir de 1520 et dès 1522 elle était prête à soutenir un siège. Non pas celui des Français, avec qui Ludovico s’était entretemps réconcilié, mais celui des armées impériales de Charles Quint qui avaient déjà eu raison des défenses des Borromeo à Angera et Arona. Les tentatives impériales de conquérir la Vitaliana, jusqu’en 1524, demeurèrent infructueuses, prouvant que le complexe bénéficiait d’une position imprenable. Or, le premier moment de gloire de la forteresse fut également le dernier. Jamais transformée en résidence, elle conserva durant les décennies suivantes une fonction strictement militaire sans toutefois retrouver son importance du début du XVIe siècle. Un inventaire de l’époque la décrit à l’abandon dès 1570 et disposant de peu d’armes et d’artillerie. Toujours aux mains des Borromeo, la Vitaliana ne fut guère entretenue au cours des siècles suivants car désormais sans grand intérêt aux yeux de ses fondateurs et ses bâtiments croulants devinrent même le repaire de bandits et de faux-monnayeurs. Ses vestiges demeurent toutefois imposants, notamment dans la partie la plus forte de l’édifice, à savoir le donjon au nord de la grande île, probablement le premier à être construit. De grosses tours circulaires le défendent tandis qu’un donjon quadrangulaire protège le sud de la même île, destinée autrefois à accueillir une garnison.
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Informations pratiques Pour tous les lieux de visite, classés par ordre alphabétique selon leur province et commune d’appartenance, sont mentionnées les informations suivantes : adresse, changement d’affectation éventuel du bâtiment, accessibilité, numéro de téléphone, adresse électronique et site Internet y compris ceux des organismes territoriaux. Le terme visitable sous accessibilité signifie que le lieu est aussi accessible aux handicapés, sauf indication contraire. La bibliographie est disponible sur le site www.castellidelducato.eu, auquel nous renvoyons pour la mise à jour des informations pratiques.
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PROVINCE DE MILAN Abbiategrasso Château d’Abbiategrasso Piazza Castello 9 tél. 0294692454 ; pour les visites contacter Pro Loco (portable 3280637390) www.comune.abbiategrasso.mi.it USAGE ACTUEL : monument, Bibliothèque municipale R. Brambilla, Bureau du tourisme, Pro Loco et Fondation prour la promotion de l’Abbiatense ACCESSIBILITE : visitable pendant les heures d’ouverture de la Bibliothèque ; ouverture exceptionnelle le 1er dimanche de chaque mois (sauf janvier, juillet, août et décembre) sur demande à Pro Loco ; ouverture sur demande pour groupes d’au moins 15 personnes SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco Abbiategrasso tél. 0294692464 info@prolocoabbiategrasso.org www.prolocoabbiategrasso.org Ufficio Cultura e Turismo de la commune d’Abbiategrasso tél. 0294692220/92/95 Fondazione per la Promozione dell’Abbiatense tél. 0294692468/58 fondazione@comune.abbiategrasso.mi.it www.fondazioneabbiatense.org Binasco Château de Binasco Via Matteotti tél. 029057811 binasco@tin.it info@comune.binasco.mi.it www.comune.binasco.mi.it USAGE ACTUEL : monument, Hôtel de Ville ACCESSIBILITE : visitable (aux heures d’ouverture de l’Hôtel de Ville) SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Milano tél. 0277404343 turismo@provincia.milano.it www.visitamilano.it 246
Cusago Château de Cusago Piazza Soncino 1 USAGE ACTUEL : monument, résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable www.comune.cusago.mi.it SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de Cusago port. 3493108542 info@prolococusago.org www.prolococusago.org Milan Château Sforzesco Piazza Castello 1 tél. 0288463700 c.serviziocastello@comune.milano.it www.milanocastello.it USAGE ACTUEL : monument, musée, bibliothèques et expositions ACCESSIBILITE : visitable (accessible en partie aux handicapés) SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Milano tél. 0277404343 turismo@provincia.milano.it www.visitamilano.it
PROVINCE DE NOVARE Caltignaga Château de Caltignaga Via Castello USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable www.comune.caltignaga.no.it SUR LE TERRITOIRE : Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it Castelletto sopra Ticino Château de Castelletto Vicolo Garibaldi 33 USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de Castelletto Ticino
port. 3490090145 Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it Divignano Château de Divignano Près de piazza Matteotti www.comune.divignano.no.it USAGE ACTUEL : monument (propriété privée), usine de meubles ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it Fontaneto d’Agogna Château de Fontaneto Piazza Castello www.comune.fontaneto.no.it USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable (seule la cour se visite ; demander à la paroisse attenante) SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de Fontaneto d’Agogna port. 3357291284 info@prolocofontaneto.it www.prolocofontaneto.it Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it
Galliate Château de Galliate Piazza Vittorio Veneto tél. 0321800763 sociocult@comune.galliate.no.it www.comune.galliate.no.it USAGE ACTUEL : monument, Bibliothèque municipale, Musée d’art moderne A. Bozzola et Salle Musée A. Varzi ACCESSIBILITE : sur réservation uniquement ou le dimanche avec visite guidée (contacter l’Ufficio Cultura, tél. 0321800763) ; accessible aux handicapés sauf le Musée d’art moderne A. Bozzola SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Galliate tél. 0321864897 sociocult@comune.galliate.no.it Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it Invorio Tour Viscontea Via XX Settembre 1 www.comune.invorio.no.it USAGE ACTUEL : monument (propriété privée) ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco d’Invorio tél. 0322259324 port. 3338339787 stefanettiwalter@gmail.com Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it Massino Visconti Château des Visconti de San Vito Via Visconti 2 www.castellomassinoviscontidisa nvito.it USAGE ACTUEL : monument (pro-
priété privée), événements visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de Massino Visconti tél. 0322219713 info@massinovproloco.it www.massinovproloco.it Distretto Turistico dei Laghi, Monti e Valli d’Ossola tél. 032330416 infoturismo@distrettolaghi.it www.distrettolaghi.it ACCESSIBILITE : non
Novare Château Visconteo-Sforzesco de Novare Piazza Martiri della Libertà www.castellodinovara.it USAGE ACTUEL : monument ACCESSIBILITE : non visitable (en cours de restauration) SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Novara tél. 0321331620 iatturismo@comune.novara.it www.turismonovara.it Oleggio Enceinte fortifiée d’Oleggio Visible en différents endroits du bourg (près de via Pozzolo) SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco d’Oleggio port. 3357670922 aldospalatino@virgilio.it Atl, Agenzia di Accoglienza e Promozione Turistica Locale Provincia di Novara tél. 0321394059 info@turismonovara.it www.turismonovara.it
et habitations ACCESSIBILITE : se visite sur deman-
de (contacter la municipalité) Pro Loco de Bereguardo port. 3382011127 info@prolocobereguardo.it www.prolocobereguardo.it SUR LE TERRITOIRE :
Cassolnovo Château de Villanova de Cassolnovo Loc. Villanova USAGE ACTUEL : monument, exploitation agricole, résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco di Cassolnovo port. 3355471391 (Domenico Vitale) emily-star@hotmail.it Iat, Informazione Accoglienza Turistica Pavia tél. 0382079943 turismo@provincia.pv.it www.provincia.pv.it Gambolò Château de Gambolò Piazza Castello tél. 0381938256, 0381930781 assarcheolom@libero.it www.comune.gambolo.pv.it
PROVINCE DE PAVIE Bereguardo Château de Bereguardo Via Castello 2 tél. 0382930362 info@comune.bereguardo.pv.it www.prolocobereguardo.it USAGE ACTUEL : monument, Hôtel de Ville, Bibliothèque municipale 247
USAGE ACTUEL :
monument, services publics, Bibliothèque municipale G. Biroli et Musée archéologique Lomellino ACCESSIBILITE : visitable (heures d’ouverture Musée), non accessible aux handicapés SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de Gambolò port. 3206211104 info@prolocogambolo.it www.prolocogambolo.it Iat, Informazione Accoglienza Turistica Pavia tél. 0382079943 turismo@provincia.pv.it www.provincia.pv.it Pavie Château Visconteo de Pavie Viale XI Febbraio 35 tél. 038233853 museicivici@comune.pv.it www.museicivici.pavia.it USAGE ACTUEL : monument, Musées municipaux et expositions ACCESSIBILITE : visitable (accès handicapés par entrée en façade) SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Pavia tél. 0382079943, 0382597001 turismo@provincia.pv.it www.provincia.pv.it Guichet au Château Visconteo, tél. 038233853, 0382304816 Vigevano Château Visconteo-Sforzesco de Vigevano Piazza Ducale tél. 0381691636 (Infopoint) gdegliagosti@comune.vigevano.pv.it infopointcastello@comune.vigeva no.pv.it www.comune.vigevano.pv.it USAGE ACTUEL : monument, Musée international de la chaussure, Pinacothèque, expositions ACCESSIBILITE : visitable Rocca Vecchia Accès depuis 248
piazza
Ducale
(Castello Visconteo-Sforzesco) et via Rocca Vecchia tél. 0381691636 (Infopoint) gdegliagosti@comune.vigevano.pv.it www.comune.vigevano.pv.it USAGE ACTUEL : monument ACCESSIBILITE : visitable Palais Sanseverino Corso Repubblica 21 Pour les visites, port. 3356188431, tél. 038120129 USAGE ACTUEL : monument, résidence privée ACCESSIBILITE : visitable sur demande le 1er lundi de chaque mois (10h-13h, 15h-18h) et lors de la Semaine de la culture ; salle avec fresques dans le restaurant Tastevin attenant (visible sur demande entre 10h-12h et 18h19h, tél. 0381694570)
Château de Sasso Corbaro tél. +41 (0)91 8255906 info@bellinzonaturismo.ch www.bellinzonaturismo.ch USAGE ACTUEL : monument, musée et expositions ACCESSIBILITE : visitable (accessible en partie aux handicapés)
SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica presso Pro Loco Vigevano tél. 0381690269 iat@comune.vigevano.pv.it www.iatprolocovigevano.it
Giornico Église de Santa Maria del Castello 6745 Giornico tél. +41 (0)91 8641321 (contacter la paroisse de Giornico pour les visites) www.giornico.ch/santa-maria-delcastello USAGE ACTUEL : monument ACCESSIBILITE : visitable (non accessible aux handicapés, accès difficile avec la neige)
SUISSE Bellinzone Castelgrande tél. +41 (0)91 8258145 info@bellinzonaturismo.ch www.bellinzonaturismo.ch USAGE ACTUEL : monument, Musée historique et archéologique, Musée artistique et expositions ACCESSIBILITE : visitable (accessible en partie aux handicapés) Château de Montebello tél. +41 (0)91 8251342 info@bellinzonaturismo.ch www.bellinzonaturismo.ch USAGE ACTUEL : monument, Musée archéologique municipal ACCESSIBILITE : visitable (accessible en partie aux handicapés)
SUR LE TERRITOIRE :
Bellinzona Turismo e Eventi tél. +41 (0)91 8252131 info@bellinzonaturismo.ch www.bellinzonaturismo.ch
Torre d’Attone 6745 Giornico www.giornico.ch/torre-dattone USAGE ACTUEL : monument ACCESSIBILITE : non visitable (en travaux) SUR LE TERRITOIRE : Leventina Turismo tél. +41 (0)91 8691533, +41 (0)91 8692642 info@leventinaturismo www.leventinaturismo.ch Locarno Château Visconteo de Locarno Piazza Castello 2
tél. +41 (0)91 7563170/80 servizi.culturali@locarno.ch www.locarno.ch USAGE ACTUEL : monument, Musée archéologique municipal ACCESSIBILITE : visitable (accessible en partie aux handicapés) SUR LE TERRITOIRE : Ente Turistico Lago Maggiore tél. +41 (0)91 7910091 info@ascona-locarno.com www.ascona-locarno.com Vico Morcote Château de Morcote Exploitation agricole Azienda Agricola Arbostora Strada al Castel 27 tél. +41 (0)91 9802414 arbostora@bluewin.ch www.castellodimorcote.com www.alpe-vicania.ch USAGE ACTUEL : monument (propriété privée) ACCESSIBILITE : visitable (non accessible aux handicapés) SUR LE TERRITOIRE : Morcote Turismo tél. +41 (0)58 8664960 morcote@lugano-tourism.ch www.promorcote.ch Lugano Turismo tél. +41 (0)58 8666600 info@luganoturismo.ch www.lugano-tourism.ch
PROVINCE DE VARESE Albizzate Château d’Albizzate Via privata Castello USAGE ACTUEL : résidence privée, ancienne filature (en partie en ruine, propriété communale) ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco d’Albizzate port. 3386004823 info@prolocoalbizzate.com www.prolocoalbizzate.it Agenzia del Turismo della Provincia di Varese
tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Angera Forteresse Borromeo Via alla Rocca tél. 0331931300 roccaborromeo@isoleborromee.it www.borromeoturismo.it USAGE ACTUEL : monument, Musée de la poupée et du jouet ACCESSIBILITE : visitable (non accessible aux handicapés) SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Angera tél. 0331960256 iat.angera@provincia.va.it Azzate Villa Bossi Zampolli Via Castello 48 USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco d’Azzate tél. 0332459694 info@proazzate.org www.proazzate.org Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Besozzo Palais Cadario et Adamoli Via Giulio Adamoli 13, 15 USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : Palazzo Adamoli visitable sur demande (contacter : Foderati di Val d’Elsa, tél. 0331783259) SUR LE TERRITOIRE : Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it
ACCESSIBILITE : non
visitable Pro Loco de
SUR LE TERRITOIRE :
Cassano Magnago port. 3467467782 posta@prolococassanomagnago.it www.prolococassanomagnago.it Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Catiglione Olona Complexe de la Collégiale Via Cardinal Branda 1 tél. 0331858903 info@museocollegiata.it www.museocollegiata.it USAGE ACTUEL : monument, Musée de la Collégiale ACCESSIBILITE : visitable (en cours d’aménagement pour handicapés) ; pour visites guidées Collégiale, s’adresser à : archeologistics.it, port. 3288377206 info@archeologistcs.it www.archeologistics.it didattica@museocollegiata.it Château de Monteruzzo Via Monteruzzo 1 tél. 0331858974 info@castellodimonteruzzo.it castellodimonteruzzo.blogspot.it USAGE ACTUEL : Palais des congrès, Bibliothèque municipale ACCESSIBILITE : non visitable
Cassano Magnago Château de Cassano Magnago Piazza della Repubblica USAGE ACTUEL : résidence privée 249
Cislago port. 3485944384 p.zardoni@alice.it www.cislagoinsieme.it Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it
Corte del Doro Musée de l’art plastique Via Roma 29 tél. 0331858301 info@museoarteplastica.it www.museoarteplastica.it USAGE ACTUEL : Musée de l’art plastique ACCESSIBILITE : visitable durant heures du Musée (en cours d’aménagement pour les handicapés) SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Castiglione Olona tél. 0331858301 iatcastiglioneolona@provincia.va.it Pro Loco de Castiglione Olona tél. 0331850084 info@prolococastiglioneolona.it www.prolococastiglioneolona.it
Cislago Château Castelbarco Visconti Via Cavour USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de 250
Fagnano Olona Château de Fagnano Olona Piazza Cavour 9 tél. 0331616511, 0331610202 USAGE ACTUEL : Hôtel de Ville, Pro Loco ACCESSIBILITE : visitable sur demande (Pro Loco) SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de Fagnano Olona tél. 0331618124 presidente@proloco-fagnanoolona.org www.proloco-fagnanoolona.org Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Induno Olona Château Medici de Marignano Via Castiglioni, loc. Frascarolo USAGE ACTUEL : résidence privée ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco d’Induno Olona port. 3397109919 proloco.induno@alice.it Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Jerago con Orago Château de Jerago Via Castello 9, loc. Jerago www.jerago.com USAGE ACTUEL : résidence privée, événements ACCESSIBILITE : non visitable SUR LE TERRITOIRE : Agenzia del
Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Orino Château-fort d’Orino sentiero da via della Rocca USAGE ACTUEL : résidence privée, événements publics ACCESSIBILITE : ouvert lors d’événements publics SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco d’Orino tél. 0332630727 marteganicarlo@libero.it Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Somma Lombardo Château Visconti de San Vito Piazza Scipione 2 tél. 0331256337 castellovisconti@libero.it www.castelloviscontidisanvito.it USAGE ACTUEL : monument, collections de musée, événements, Fondation Visconti de San Vito ACCESSIBILITE : visitable (en partie seulement pour les handicapés) avec visite guidée SUR LE TERRITOIRE : Iat, Informazione Accoglienza Turistica Somma Lombardo tél. 0331989095 turismo@comune.sommalombardo.va.it Tradate Château Pusterla Melzi Via Barbara Melzi 2 tél. 0331841155 istitutocanossiano@virgilio.it USAGE ACTUEL : Institut B. Melzi des Filles de la Charité Canossiennes ACCESSIBILITE : visitable sur demande SUR LE TERRITOIRE : Associazione Pro Loco de Tradate
tél. 0331826833 (merc. et sam. 9h12h) prolocotradate@libero.it Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it Varese, Masnago Château de Masnago Via Cola di Rienzo 42 tél. 0332820409 musei.masnago@comune.varese.it www.varesecultura.it USAGE ACTUEL : monument, Musée municipal d’art moderne ACCESSIBILITE : visitable (en partie pour les handicapés) SUR LE TERRITOIRE : Ufficio turistico di Varese tél. 0332281913, 0332286056 iatvaresecitta@provincia.va.it www.varesecittagiardino.it Venegono Superiore Château de Venegono Superiore Via delle Missioni 12 tél. 0331865010 combonianivenegono@libero.it www.comboniani.org USAGE ACTUEL : Institut des Missions africaines de D. Comboni ACCESSIBILITE : visitable sur demande (entrée libre extérieur et parc) SUR LE TERRITOIRE : Agenzia del Turismo della Provincia di Varese tél. 0332286163 agenzia@turismovarese.com www.vareselandoftourism.it
PROVINCE DE VERBANO, CUSIO, OSSOLA Cannero Riviera Les châteaux de Cannero Iles de Cannero Riviera USAGE ACTUEL : monument ACCESSIBILITE : navigation autour des îlots SUR LE TERRITOIRE : Pro Loco de
Cannero tel. 0323788943 (ouverture : mars-oct.) proloco@cannero.it www.cannero.it Distretto Turistico dei Laghi, Monti e Valli d’Ossola tél. 032330416 infoturismo@distrettolaghi.it www.distrettolaghi.it Domodossola Sacro Monte Calvario Borgata Sacro Monte Calvario 5 tél. 0324241976 riserva@sacromontedomodos sola.it www.sacromontedomodossola.it USAGE ACTUEL : monument (vestiges du château dans jardins Sacro Monte Calvario) ACCESSIBILITE : visitable (accessible en partie) ; pour visiter le Sacro Monte Calvario voir site Internet/contacter Cooperativa Valgrande, port. 3400505707
Genestredo USAGE ACTUEL :
monument (vesti-
ges) ACCESSIBILITE :
visitable (non accessible aux handicapés) tél. 032487200 municipio@comune.vogogna.vb.it www.comune.vogogna.vb.it SUR LE TERRITOIRE : Distretto Turistico dei Laghi, Monti e Valli d’Ossola tél. 032330416 infoturismo@distrettolaghi.it www.distrettolaghi.it
Tour et enceinte fortifiée Tour : via Filippo Beltrami 15 Enceinte : parties visibles depuis via Monte Grappa et via Facchinetti USAGE ACTUEL : dans la tour, bar Strabilia 2 (fresques anciennes) et restaurant Luigi XIV ACCESSIBILITE : non visitabile SUR LE TERRITOIRE :
Pro Loco de Domodossola tél. 0324248265 info@prodomodossola.it www.prodomodossola.it
Vogogna Château Via del Castello USAGE ACTUEL : monument, expositions ACCESSIBILITE : visitable (non accessible aux handicapés, obstacles en cours de suppression) Château-fort Accessible par un sentier depuis le centre ville ou le hameau de 251
Crédits photographiques
Archivio di Stato, Milano; Archivio fotografico Agenzia Turistica della Provincia di Novara; Archivio fotografico dell’Ente di Gestione dei Sacri Monti. Riserva Speciale del Sacro Monte Calvario di Domodossola. Photographie d’Antonio Maniscalco; Archivio Storico Civico e Biblioteca Trivulziana, Milano copyright ©Comune di Milano - tous droits légaux réservés; Umberto Barcella; Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University, New Haven; Bellinzona Turismo; Manuele Benaglia; Biblioteca estense universitaria, Modena; Biblioteca Nazionale Braidense; Bibliothèque du Musée Condé, Chantilly; Bibliothèque nationale de France, Parigi; Pino Brioschi; Fiorenzo Cantalupi; Franco Canziani copyright ©SIAF CNA Varese; Castello Sforzesco, Milano copyright ©Comune di Milano - tous droits réservés; Castello Visconteo-Sforzesco, Vigevano; Gianni Cattagni; Giovanni Cavajoni; Città di Bellinzona; Civica Raccolta delle Stampe Achille Bertarelli, Milano ©Comune di Milano tous droits réservés; Civico Archivio Fotografico, Milano; Paola Comelli; Giovanni Dall’Orto; Nino De Angelis; Renzo Dionigi; Erich Lessing Culture and Fine Arts Archives; Fondazione Vivi Papi; Fototeca dei Musei Civici di Pavia; Stefano Gusmeroli; Historisches Museum, Lucerna; Korporationsgemeinde der Stadt Luzern, Lucerna; Kupferstichkabinett, Berlino; Paolo Liaci; Marka, Yoko Aziz; Marka, Korzhenko Dariya; Marka, Danilo Donadoni; Marka, Klaus-Gerhard Dumrath; Marka, Christian Goupi; Marka, Kunz Rolf E.; Marka, Giovanni Mereghetti; Graziella Martino copyright ©SIAF CNA Varese; Roberto Mascaroni; Werner Morelli; Musei Civici di Varese (foto Massimo Alari); Museo Archeologico Lomellino, Gambolò; Museo d’Arte Antica, Milano; Museo del Paesaggio, Verbania Pallanza; Museo della Collegiata, Castiglione Olona; National Gallery of Art, Washington; Toni Nicolini; Piero Orlandi; Österreichischen Nationalbibliothek, Vienna; Massimo Pacciorini; Daniele Pasini; Bruno Pellandini (bruno.pellandini@bluewin.ch); Giacomo Perolini; Pinacoteca del Castello Sforzesco, Milano; Pinacoteca di Brera, Milano; Polo Museale Napoletano (Museo Nazionale di Capodimonte), Napoli; Raccolte d’Arte Applicata, Milano copyright ©Comune di Milano - tous droits réservés; Sergio Trippini Stampe Antiche (www.trippini.it); Mario Tagni; Giorgio Telloli; Ivana Teruggi; Silvia Teruggi; The British Library, Londra; The Metropolitan Museum of Art, New York; The Royal Collection, Windsor; Marco Tirelli (fonte : Comuni-Italiani.it); Veneranda Biblioteca Ambrosiana, Milano; Giancarlo Vettore; Zentralbibliothek, Zurigo; Alfonso Zirpoli.
Droits de reproduction : l’éditeur est prêt à acquitter les droits éventuels pour les photos dont la source est introuvable.
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Nous remercions tous les organismes, communes, institutions, châteaux publics et privés pour les informations et clichés aimablement fournis et notamment : Agenzia del Turismo della Provincia di Varese; Agenzia Turistica Locale della Provincia di Novara; Associazione Masolino da Panicale, Castiglione Olona; Bellinzona Turismo; Castello di Besozzo; Castello di Jerago; Castello di Vico Morcote; Città di Bellinzona; Civico Museo d’Arte Moderna e Contemporanea, Varese; Comune di Abbiategrasso; Comune di Angera; Comune di Azzate; Comune di Bereguardo; Comune di Cassano Magnago; Comune di Castelletto sopra Ticino; Comune di Castiglione Olona; Comune di Cusago; Comune di Divignano; Comune di Domodossola; Comune di Fontaneto d’Agogna; Comune di Giornico; Comune di Orino; Comune di Somma Lombardo; Comune di Vogogna; Distretto Turistico dei Laghi, Monti e Valli d’Ossola; Ente di Gestione dei Sacri Monti. Riserva Speciale del Sacro Monte Calvario di Domodossola; ErrePi Organizzazione Eventi, Massino Visconti; Fondazione Castello di Novara; Fondazione Visconti di San Vito; Istituto Barbara Melzi delle Figlie della Carità Canossiane, Tradate; Istituto Missioni Africane di Daniele Comboni, Venegono Superiore; Leventina Turismo; Musei Civici, Pavia; Museo Archeologico Lomellino, Gambolò; Museo della Collegiata, Castiglione Olona; Pro Loco di Abbiategrasso; Pro Loco di Azzate; Pro Loco di Fagnano Olona; Pro Loco di Massino Visconti; Rocca di Orino; Sergio Trippini Stampe Antiche (www.trippini.it); Servizio Teatro, Turismo, Eventi, Musei, Castello e Spazi del Centro Storico del Comune di Vigevano; Settore Cultura, Turismo, Innovazione Tecnologica, Politiche della Scuola, Giovani e Pari Opportunità della Provincia di Pavia; Settore Turismo della Provincia di Milano; Studio BBP, Vigevano; Union Service, Besozzo; Unione degli Industriali della Provincia di Varese.
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Chacun des dix itinéraires thématiques est suivi de fiches descriptives de chaque point architectural sélectionné. L’étude historique réalisée – approfondie et annotée de commentaires inédits – met en valeur chaque lieu de visite, parfois méconnu, afin de mieux appréhender le contexte culturel de l’époque. Les informations pratiques, les cartes du parcours et les photos font de ce guide un outil indispensable pour programmer les itinéraires de visite mais également un récit passionnant à découvrir page après page.
FEDER Fonds européen de développement régional et du projet Le opportunità non hanno confini
PARCOURS AU FIL DES CHÂTEAUX
de Milan à Bellinzone
Parcours au fil des Châteaux de Milan à Bellinzone, guide historique rédigé dans le cadre du projet de coopération transfrontalière Italie-Suisse 2007-2013, est une invitation à visiter un territoire chargé d’art et d’histoire qui, entre Lombardie, Piémont et Tessin, trace les contours de l’ancien duché des Visconti et des Sforza.
PARCOURS AU FIL DES CHÂTEAUX de Milan à Bellinzone GUIDE DES CHÂTEAUX DU DUCHÉ