Maladies Mentales

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ma l adies m neta les hlaihel karl


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alzheimer’s 05

anorexie mentale 05

anxiété 05

autisme 05

dépression 05

phobie sociale 05

schizophrénie 05

troubles bipolaires 05

trouble du déficit de l’attention 05

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ALZHEIMER’S

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Quelle est la toute première chose que vous faites lorsque vous vous levez le matin? Tirer les rideaux? Vous blottir contre votre compagne ou votre compagnon d’oreiller? Sauter du lit et faire une série de dix pompes pour activer la circulation? Non, la première chose que vous faites et que tout le monde fait, c’est de regarder l’heure. Perché sur la table de nuit, le réveil nous donne nos repères et nous indique non seulement où nous en sommes par rapport au reste de la journée, mais aussi comment réagir. S’il est tôt, je ferme les yeux et tente de me rendormir. S’il est tard, je saute hors du lit et me dirige immédiatement vers la salle de bains. Dès le tout premier moment de la journée, le réveil mène le jeu. Et il en ira de même jusqu’au soir. Tandis que nous courons d’un rendez-vous, d’une échéance à l’autre. Chaque moment s’inscrit dans un emploi du temps général et, où que nous regardions, qu’il s’agisse de la table de nuit, de la cantine du bureau, de l’écran de notre ordinateur ou de notre propre poignet, l’heure tourne, suivant nos progrès, nous enjoignant de ne pas prendre de retard. Dans notre monde moderne et rapide, le temps nous semble un train sur le point

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de quitter la gare au moment où nous arrivons sur le quai. Aussi vite que nous allions et quelle que soit l’efficacité de notre organisation, il n’y a jamais assez d’heures dans une journée. Dans une certaine mesure, il en a toujours été ainsi. Mais aujourd’hui nous ressentons plus que jamais cette pression du temps. Pourquoi ? En quoi sommes-nous différents de nos ancêtres ? Si nous devons jamais parvenir à nous arrêter de courir, il nous faut d’abord comprendre ce qui nous fait accélérer le rythme et pourquoi le monde tourne à ce régime, avec un emploi du temps si fermement cadenassé. Pour cela, nous devons revenir au début, en explorant notre relation au temps lui-même. L’humanité à toujours été fascinée par le temps, ressentant sa présence et son pouvoir, sans jamais être sûre de pouvoir le définir. Au IVème siècle, saint Augustin songeait : Qu’est-ce que donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si j’étais désireux de l’expliquer à qui me le demande, à l’évidence, je n’en saurais rien. »

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Seize cents ans plus tard, après avoir bataillé avec quelques pages de Stephen Hawking, nous comprenons exactement son sentiment. Car si le temps reste insaisissable, chaque société a pourtant élaboré des moyens de mesurer son passage. D’après les archéologues, il y a vingt milles ans, les chasseurs européens de l’âge glaciaire comptaient les jours écoulés entre les phases lunaires en inscrivant des lignes et des trous dans le bois l’os. Chaque grande civilisation de l’Antiquité Sumériens et Babyloniens, Egyptiens et Chinois, Mayas et Aztèques a créé son propre calendrier. L’un des premiers documents à

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sortir de l’imprimerie de Gutenberg fut le Calendrier de 1448. Une fois que nos ancêtres eurent appris à mesurer les années, les mois et les jours, il leur restait à découper le temps en unités plus petites. L’un des plus anciens instruments connus permettant de diviser le temps en parts égales est un cadran solaire égyptien datant de 1500 av. J.-C. Les premières horloges se basaient sur le temps écoulé à faire passer de l’eau ou du sable par un trou, ou à faire brûler une chandelle ou une coupe d’huile. La mesure du temps fit un bond en avant au XIIIème siècle, avec l’invention, en Europe, de l’horloge mécanique. A la fin du XVème siècle, les gens mesuraient précisément non seulement les heures, mais également les minutes et les secondes. L’une des motivations essentielles de la mesure du temps fut la subsistance. Les civilisations antiques usaient de calendriers pour savoir quand planter et récolter. Dès son origines, cependant, ce calcul du temps s’est révélé être une arme à double tranchant. Les plannings ont ceci de bon qu’ils peuvent rendre n’importe qui plus efficace de l’agriculteur à l’ingénieur en informa-

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tique -, mais dès que nous commençons à découper le temps, les rôles s’inversent et c’est le temps qui prend le dessus. Nous devenons esclaves de notre emploi du temps ; les horaires nous donnes des délais à respecter, et ces délais, par leur essence même, nous donnes des raisons de nous presser. Comme le dit le proverbe italien, “l’Homme mesure le temps, le temps mesure l’Homme”.

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ANOREXIE MENTALE

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2. LE SPECTACLE La salle à manger est un théâtre dont la cuisine est la coulisse et la table la scène. A ce théâtre il faut un aménagement, à cette scène il faut des décors, à cette cuisine il fut une machination.

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LA MISE EN SCÈNE Au succès de la pièce plusieurs responsables concourent. Le spectacle est une gageure: pas de répétitions, pas de « couturière », une seule représentation : un accroc, c’est la débâcle. L’amphitryon est meneur de jeu. Producteur, tout lui incombe : « roi de la table, son pouvoir dure autant que le repas et expire avec lui. « Il « assigne la place des convives, commande l’ordre du service, verse ou fait circuler les vins fins, lève la séance. Exerçant avec rigueur les lois de l’hospitalité, il veille, en père de famille, au bien être des estomacs qui se sont confiés à sa sollicitude, rassure les timides, encourage les modestes, provoque les vigoureux. La police de la table lui appartient.

La part du chef est décisive. Toute préparation s’épanouit dans une forme, les plats ne révèlent leurs secrets, ne diffusent leurs saveurs que par l’artifice des agencements. Le maître d’hôtel les insère dans un ensemble. Le décor s’étend au-delà de la table et de ses garnitures, il se dispose avant

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que ne surgissent les mets affublés d’ornements. Baleine l’avait deviné dès l’ouverture du Rocher de Cancale: “Rien n’était oublié par cet homme vraiment pénétré de sa mission : des oranges, des grenadiers, des lauriers-roses étaient placés sur l’escalier qui conduisait à la salle des festins. Un couvert magnifique était dressé par lui; des girandoles de chez Ravio étaient arrangées avec symétrie. Les fleurs les plus belles brillaient dans des vases de cristal; des garçons arrosaient de quart d’heure en quart d’heure. Par un raffinement d’atticisme, on dînait presque toujours aux lumières, même en été. On prétendait que le jeu de bougies donnait plus de gaieté à un repas que la gaieté facilitait la digestion.” … » Au début du XIXe siècle, alors que la scène s’engourdit dans la convention, la gastronomie réconcilie tous les arts, rassemble les perceptions. Le dîner est une peinture: “Le clair-obscur doit être observé comme dans un tableau. C’est le chatoiement des couleurs, le brillant des sauces, la transparence des gelées,

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la limpidité des vins. Il tient à l’art monumental : « Ces palmiers, ces trophées militaires, ces lyres, ces cassolettes, ces pièces montées ; ces socles décorés supportant des dindes en daubes, des jambons glacés et historiés, ces plats de rôts, de faisans et de poularde, ces entrées froides de salmis, de perdreaux rouges, tout annonce la magnificence d’un grand personnage”. L’odorat est à la fête avant que le goût ne sanctionne, arômes enveloppant l’atmosphère, parfois tenaces, parfois volages, sensuels à mesure de leurs concentrations et de leurs mélanges. La représentation ne s’arrête pas à la surface, elle incorpore les aliments.

Du spectacle, le convive est bénéficiaire, coréalisateur, interprète. Étonnez-vous que les régisseurs concentrent sur lui leurs effets : jeux de mains, de jambes, fascinations: Dugniol [...] sait par des

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ressources infinies mettre tous les sens du convive à l’épreuve, il devient le tentateur, le conseil. Après avoir préparé l’ouïe, disposé l’imagination, il séduit le regard par une exposition de horsd’œuvre, de crustacés, de primeurs et de fruits dont la fraîcheur le dispute à la beauté. Le maître d’hôtel n’est plus artiste, c’est un psychologiste, un hypnotiseur. »

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LE CÉRÉMONIAL Au-delà du bonheur des sens, la mise en scène vise à l’édification. L’ordonnateur est un prêtre, le mangeur un communiant. Qui n’a pas compris ce dessein, qui va à table comme au divertissement, n’est pas mûre pour le dîner.

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ANXIETE

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THE EYES OF THE SKIN PALLASMAA JUHANI INTRODUCTION TO THE THIRD EDITION [...]The polemic essay was initially based on my personal experiences, views, and speculations. I had simply become increasingly concerned about the dominance of vision and the suppression of other senses in the way architecture was taught, conceived and critiqued, and the concequent disappearance of sensory and sensual qualities from architecture. During the years since I wrote the book, interest in the signifiance of the senses, both philosophically and in terms of experiencing, teaching and making architecture, has grown significantly. My assumptions about the role of the body as the locus of perception, thought and consciousness, as well as about the significance of the senses in articulating, storing, and processing sensory responses and thoughts, have been strengthened and confirmed by other writers. In particular, philosophical investigations on human embodiment and recent nourological research have provided support for my assumptions. With the choice of the title ÂŤ The Eyes of the SkinÂť,

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With the choice of the title “The Eyes of the Skin�, I wished to express the significance of the tactile sense for our experience and understanding of the world, but I also intended to create a conceptual short circuit between the dominant sense of vision and the suppressed sense modality of touch. Later I learned that our skin is capable of ditinguishing a number of colours; we actually do see by our skin. The significance of the tactile sense in human life has become increasingly evident. The view of Ashley Montagu, the anthropologist, based on medical evidence, confirms the primacy of the haptic realm: [The skin] is the oldest and the most sensitive of our organs, our first medium of communication, and our most efficient protector [...] Even the transparent cornea of the eye is overlain by a layer of modified skin[...]. Touch is the parent of our eyes, nose and mouth. It is the sense which became differentiated into the others, a fact that seems to be recognized in the age-old evaluation of touch as the mother of the senses.

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Touch is the sensory mode which integrates our experiences of the world and of ourselves. Even visual perceptions are fused and integrated into the haptic continuum of the self; my body remembers who I am and how I am located in the world. My body is truly the navel of my world, not in the sense of the viewing point of the central perspective, but as the very locus reference, memory, imagination and integration. All the senses, including vision, are extensions of the tactile sense; the senses are specialisations of skin tissue, and all sensory experiences are modes of touching, and thus related to tactility. Our contact with the world takes place at the boundary line of the self through specialised parts of our enveloping membrane. It is evident that “life-enhancing� architecture has to address all the senses simultaneously, and help to fuse our image of self with the experience of the world. The essential mental task of buildings is accommodation and integration.

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They project our human measures and sense of order into the measureless ans meaningless natural space. Architecture does not make us inhabit worlds of mere fabrication and fantasy; It articulates the experience of our being-in-the-world and strenghthens our sense of reality and self.

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AUTISME S

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Théorie du “mal fait”: Les créateurs qui prétendent faire exécuter leurs projets par la main d’oeuvre dont nous disposons aujourd’hui doivent être conscients que celle-ci, dans la plupart des pays du monde, est une maind’oeuvre non qualifiée. Dans le futur, le “mal fait” sera donc la qualité standard. Le devoir du créateur sera de trouver un vocabulaire et un mode d’exécution qui, même s’il est pauvrement réalisé, aboutira à un résultat hautement expressif.

Toutefois, si les concepteurs recourent ainsi au “mal fait”, encore faut-il qu’ils sachent l’interpréter et le transformer spontanément afin d’en tirer des résultats hautement expressifs, moins tournés vers la beauté traditionnelle et abstraite du passé, mais plus représentatifs du présent et, à mon avis, du

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futur. Dans cette optique se situe également ce que j’appelle la “série diversifiée” ou pluraliste. La possibilité pour des objets standards de devenir des exemplaires uniques au sein d’une série de produits similaires, mais pas identiques, dérive de ce qui vient d’être dit au sujet du “mal fait”.

La série standard, l’élément architectural répété à l’identique, etc., répondent aux règles du style international. Celui-ci correspondait, au niveau de la créativité, à ce que l’idéologie marxiste du communisme internationaliste souhaitait sur le plan social : la standardisation de la société, c’està-dire la dictature, ainsi qu’on a pu le constater dans les pays où une telle idéologie est devenue réalité. Nous savons maintenant comment les gens se sont rebellés contre cette tentative de nivellement et ont défendu leur individualité au milieu de celles des autres. Voilà pourquoi la série diversi-

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fiée a également pour fonction de transmettre des valeurs politiques. Elle représente, dans le domaine des objets, la réalité nouvelle d’un marché qui, depuis un certain temps, réclame des produits à la fois uniques et cependant industriels ou non artisanaux et susceptibles de nous procurer le plaisir d’établir un rapport d’authenticité avec nousmêmes. Une telle approche caractérisera, selon moi, la troisième révolution industrielle, et il est certain qu’elle reposera sur l’intervention de nouveaux matériaux. La pertinence de la question suivante l’expérimentation sur les matériaux actuels est-elle la condition du renouvellement du langage? - devient donc évidente.

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Elle représente, dans le domaine des objets, la réalité nouvelle d’un marché qui, depuis un certain temps, réclame des produits à la fois uniques et cependant industriels ou non artisanaux et susceptibles de nous procurer le plaisir d’établir un rapport d’authenticité avec nous-mêmes. Une telle approche caractérisera, selon moi, la troisième révolution industrielle, et il est certain qu’elle reposera sur l’intervention de nouveaux matériaux. La pertinence de la question suivante - l’expérimentation sur les matériaux actuels est-elle la condition du renouvellement du langage? - devient donc évidente.

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DÉPRESSION


La beauté vraie dans le Thé, ne peut résider ni dans la perfection ni dans l’imperfection, mais doit se situer dans un royaume où de telles distinctions ont cessé d’exister, où l’imparfait s’identifie au parfait. Telle est la beauté que je qualifie d’irrégulière, faute d’un meilleur mot ; non pas l’irrégulier opposé au régulier, mais simplement ceci : si on se vise pas sciemment l’un l’autre, il demeure toujours quelque chose d’inexpliqué. C’est pourquoi je ne peux qualifier le chemin vers la beauté vraie l’engouement actuel pour toute déformation délibérée. Si je me tourne vers les objets de vraie beauté, ce que je veux exprimer devient clair. Un bol coréen caractéristique, de la dynastie Yi (pl.21), ou une boite à Thé chinoise de la dynastie Song ne peuvent être qualifiés de parfaits ni d’imparfaits. Ils proviennent d’un monde qui existait avant le début de ce dualisme, ou plutôt pas avant ni après mais dans un monde où se dualisme était hors propos. Aucun de ces objets ne fut fait pour quelque chambre de Thé, ou pour des raisons esthétiques, mais pour l’usage quotidien courant. Leurs légères irrégularités sont fruits du hasard et non d’une volonté

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délibérée. Toute coulée de glaçure ou toute autre imperfection fut purement fortuite. Si vous visitez une poterie de la campagne coréenne, vous verrez que le mystère de la beauté de l’imperfection des pots est résolu: tout le déroulement du tournage, du tournassage, de l’émaillage et de la cuisson participe de ce naturel aisé, grossier peut-être, mais beau et imparfait. La fabrication de ces pots est très libre, inconsciemment libre, déborde de bon goût naturel.

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La beauté que je qualifie d’irrégulière, les maîtres du Thé la qualifient de rude. Je voudrais attirer l’attention sur l’acuité avec laquelle les anciens maîtres du Thé saisissaient si sûrement cette qualité. Elle implique un certain amour de la rudesse derrière laquelle se cache le beau; nous y faisons référence par nos adjectif shibui, wabi et sabi. Les bols à Thé ne sont pas une projection de l’intellect. Cependant leur beauté est parfaitement définie; c’est pourquoi on en parle comme de la beauté de l’imperfection et de la beauté rejette délibérément la perfection. C’est cette beauté émanant de l’intérieur qu’on appelle shibui. Ce n’est pas celle que le créateur déploie devant le spectateur; ici créer signifie plutôt: faire une pièce pour amener celui qui la contemple à en dégager la beauté par lui même. En ce sens, la beauté shibui, la beauté de la cérémonie du Thé est celle qui fait du contemplateur un artiste. ()

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Fondé sur la nature, cette qualité de beauté promue par les premiers maîtres du Thé japonais fut la libération d’un naturel sain, la liberté sans soupçon de trucage. Les objets de la cérémonie du Thé ne présentaient aucun individualisme forcé. En cela ils différaient absolument d’objets faits aujourd’hui par des artisans en quête d’expression personnelle, même s’il y a une ressemblance superficielle. Ils sont également différents des pièces en faveur auprès des maîtres du Thé tardifs auxquels la recherche de formules avait fait perdre leur liberté.

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PHOBIE S

O

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CIALE


Depuis quelque temps, un mot revient souvent sur les lèvres et sur les murs : ZAD. Ces initiales signifient Zones d’Aménagement Différé, des secteurs où l’État souhaite acquérir des terres pour y implanter une infrastructure. Pour cela, il dispose d’un droit de préemption sur toutes les ventes. La plus célèbre des ZAD est Notre-Dame-des-Landes. Il y a quelques années, ceux qui occupaient là-bas des cabanes et des maisons ont réinventé l’acronyme. Pour beaucoup, ZAD signifie désormais Zone à défendre. En 2012 dans le bocage nantais, lorsque la police tente d’expulser les occupants de Notre-Dame-desLandes, un élan de solidarité parcourt la France et dépasse les frontières. Des milliers de personnes arrivent en renfort pour épauler les habitants et les zadistes qui défendent une zone sensible en empêchant la construction d’un aéroport. La création de nombreux comités de soutien et la médiatisation de cette lutte la popularisent. Le slogan la ZAD est partout se diffuse et devient emblématique de la

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volonté croissante de se réapproprier les terres où les autorités veulent implanter un grand projet inutile. Ces mots, eux aussi bien ancrés dans le langage militant, se réfèrent à toutes les constructions à la fois jugées néfastes pour l’environnement, imposées par la puissance publique et porteuses d’une urbanisation

excessive.

Dans

différents

lieux,

l’opposition s’organise, plus ou moins sur le modèle de la ZAD historique, pour occuper ces espaces et les protéger du bétonnage et des appétits voraces de quelques grosses sociétés soutenues par l’État.

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Bien sûr ce n’est pas nouveau, on se souvient de la lutte menée au Larzac dans les années 70 contre l’extension du camp militaire sur le plateau. Ce qui l’est, c’est peut-être la conscience de plus en plus importante d’une nécessaire convergence des luttes face aux logiques capitalistes, elles aussi globales. Les opposants de Notre Dame-desLandes précisent bien qu’ils se battent contre l’aéroport et son monde. Pour beaucoup de zadistes qui enracinent leurs luttes dans un territoire précis, l’abandon local de tel ou tel projet ne signifiera pas une victoire complète.

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Le souffle de la contestation façon ZAD atteint le Morvan en février dernier lorsque la préfecture envoie des bûcherons couper les premiers arbres du bois du Tronçais pour laisser la place à une scierie-incinérateur. Le jour même, la résistance s’organise. Des cabanes et un dortoir sont montés dans un champ voisin et l’occupation débute. C’est ensuite à Avignon que des gens affluent sur des terres maraîchères pour les squatter et les cultiver dans le but d’empêcher la construction d’une liaison routière en lieu et place de la ceinture verte de la ville. Des ZAD fleurissent aussi à Lyon (pour lutter contre un stade de foot), vers Alès dans le Gard (contre un terrain de golf), à Limoges (contre un parking), à la ferme des Bouillons du côté de Rouen (contre un centre commercial). D’autres endroits ne s’identifient pas aussi explicitement au mouvement ZAD, mais utilisent l’occupation d’un lieu comme moyen de lutte. C’est le cas de la maison de résistance au nucléaire à Bure (village lorrain choisi pour accueillir la poubelle nucléaire), ou encore de la grange de Montabot contre les lignes à Très Haute Tension (THT) qui parcourent la Manche pour

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acheminer l’électricité du futur EPR de Flamanville. À nos frontières, le mouvement No Tav, contre la ligne TGV Lyon-Turin, a pris une ampleur importante du côté italien, avec une occupation permanente du Val de Suze depuis 2005. Habiter sur une ZAD, pour quelques jours ou quelques années, c’est l’occasion d’expérimenter un autre mode de vie. Construction d’habitats, récupération de nourriture et de matériel, cultures maraîchères ou céréalières, etc. rythment les journées. Ceux qui vivent sur place s’organisent avec les moyens du bord et redécouvrent l’autogestion. Les ZAD deviennent ainsi de nouveaux lieux d’expérimentation de la vie en société. Pour Nicolas, souvent sur la ZAD du Morvan, celle-ci permet d’aller chercher ce qui nous appartient sur d’autres grilles de lecture que celle des syndicats, des politiciens. On se repolitise, dans le sens où l’on souhaite retrouver un rôle dans la gestion de notre territoire.

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Les ZAD regroupent des gens très différents, de l’élu à l’anar, et du militant de passage au voisin en quête de convivialité. Certains adhèrent à une association de protection de l’environnement ou d’opposition au projet donné, d’autres sont des électrons libres. Ici, ce n’est pas comme chez Greenpeace. Lorsqu’on veut faire une action, il n’est pas nécessaire dans référer au comité national et d’attendre un retour. On est plus efficace, plus rapide, explique un militant rencontré à Notre-Dame-des-Landes. Revers de la médaille, il est parfois difficile de mener des actions communes entre personnes d’opinions éloignées. Ainsi, à Notre-Dame-des-Landes, les divergences sont légion entre les zadistes, qui sont arrivés pour squatter les terrains menacés, et l’Acipa, l’association de riverains. Mais face à l’enjeu commun de protection du lieu, la solidarité finit généralement par l’emporter.

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SCHIZOPHRÉNIE

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HISTOIRE D’UN PAUVRE RICHE (26 avril 1900) Je veux vous compter l’histoire d’un pauvre riche. Il avait des biens et de l’argent, une épouse qu’il aimait et qui effaçait de son esprit les soucis inhérents aux affaires, une ribambelle d’enfants que ses ouvriers lui enviaient. Ses amis l’aimaient car il réussissait tout ce qu’il entreprenait. Aujourd’hui il a bien changé. Voici pourquoi. Un jour cet homme se dit : “Tu as des biens et de l’argent, une épouse aiméeet des enfants que chacun de tes ouvriers t’envie. Mais es-tu heureux ? Regarde bien : il est des hommes qui manquent de toutes les choses pour lesquelles on t’envie. Mais une grande magicienne dissipe leurs soucis, une magicienne qui s’appelle l’Art. Or qu’est ce que l’art pour toi ? Tu ne le connais même pas de nom. N’importe quel prétentieux peut déposer chez toisa carte de visite et ton serviteur lui ouvre les portes à deux battants. Par contre tu n’as pas encore reçu l’Art dans ta maison. Je sais bien qu’il ne viendra pas tout seul”, continua l’homme. “Mais je veux partir à sa recherche. Il entrera chez moi comme un roi et habitera à mes côtés.”

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C’était un homme résolu ; ce qu’il entreprenait il l’exécutait avec énergie. Le jour même il se rendit chez un architecte en renom et lui dit : “Introduisez l’art dans ma demeure. Je ne regarderai pas à la dépense.”

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L’architecte ne se fit pas prier deux fois. Il se rendit dans l’appartement du riche, en explusa tout les meubles, fit entrer une arméede parqueteurs, laqueurs, maçons, menuisiers, installateurs, potiers, poseurs de tapis, peintres et sculpteurs, de sorte que l’art fut bientôt capturé et emprisonné entre les quatre murs de son client. Celui-ci nageait dans le bonheur. Plein dejoie, il parcourait son appartement renouvelé. Où qu’il regardât, l’art régnait, l’art était en tout et partout. Il touchait de l’art lorsqu’il posait la main sur une poignée, il s’aaseyait sur de l’art quand il prenait place dans un fauteuil, il s’enfouissait dans de l’art quand sa tête fatiguée s’endormait sur un coussin, son pied s’enfonçait dans de la’rt lorsqu’il foulait ses tapis. Il se roulait dans de l’art avec un enthousiasme extraordinaire. Depuis que son assiette s’ornait d’un décor, il coupait son boeuf à l’oignon avec deux fois plus d’énergie.

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On le loua, on l’envia. Les revues d’art le célébrèrent comme une éminent mécène, ses pièces furent reproduites comme des modèles de bon goût, expliquées et commentées. Et elles méritaient cet honneur. Chaque pièce offrait une symphonie de couleurs qui se suffisait à elle-même.

Les murs, les meubles et les étoffes s’accordaient de la manière la plus subtile. Tout objet avait sa place déterminée et se trouvait rélié aux autres selon les combinaisons les plus remarquables.

L’architecte n’avait rien, absolument rien oublié. Les cendriers, les couverts, les interrupteurs, tout, tout avait fabriquait par lui. Et il n’avait pas fait appel aux pratiques coutumières des architectes ; chaque ornement, chaque forme, chaque rivet exprimait la personnalité du propriétaire. ( Travail psychologique dont on reconnaîtra la difficulté.)

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TROUBLES

BIPOLAIRES 61


DIVISION Comme la poésie, le montage nous montre que les choses ne sont peut-être pas ce qu’elles sont et qu’il dépend de nous de les voir autrement, selon la disposition nouvelle que nous aura proposée l’image critique obtenue dans ce montage. Maurice Blanchot, dans son essai sur Bertolt Brecht, a compris qu’il fallait avant tout ce sont bien ses premiers lignes poser la question du rapport fondamental qu’entretiennent poésie et dispersion : La poésie : dispersion qui, en tant que telle, trouve sa forme. Ici, une lutte suprême est engagée contre l’essence de la division et pourtant à partir de celle-ci ; le langage répond à un appel qui remet en cause sa cohérence héritée ; il est comme arraché à lui-même ; tout est rompu, brisé, sans rapport ; on ne passe plus d’une phrase à une autre, d’un mot à un autre. Mais, une fois détruites les liaisons intérieurs et extérieures, se lèvent, comme à nouveau, dans chaque mot tous les mots, et non pas les mots, mais leur présence qui les efface, leur absence qui les appelle et non pas les mots, mais les espace mouvant de leur apparition et de leur disparation .

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Tout, en, effet, semble d’abord rompu, brisé, sans rapport. A parcourir l’Arbeitsjournal, on ne cesse jamais de sauter brutalement d’une chose à l’autre : le 4 décembre 1941, par exemple, Brecht raconte qu’il offre à Fritz Lang un dieu Bonheur d’ExtrêmeOrient ; mais c’est une figuration mexicaine de la mort qu’il colle à la page suivante de son journal. . Le 25 février 1942, il illustre la collecte des dons de guerre, aux Etats-Unis, que pour accentuer l’effet de dispersion votive : un tas d’oignons avec un rat mort dans une boite en carton, de vieilles chaussures avec une prothèse de jambe.

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. Le 19 août 1942, Brecht colle sur son cahier une image de paysans ukrainiens contraints à l’esclavage par l’occupant nazi ; mais il écrit tout à côté : Je déjeune vers une heure au bureau, avec les sandwiches que j’ai apportés et une gorgée de vin blanc californien. Il fait chaud, mais nous avons des ventilateurs. Juste avant, soit l’avant veille, il avait noté ceci : la maison est très belle. Dans ce jardin Lucrèce redevient lisible.

. Le 29 avril 1944, il sera encore question de Shakespeare en face d’un document montrant l’arrestation de résistants Yougoslaves par un soldat allemands.

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Contrastes, ruptures, dispersions. Mais tout se brise pour que puisse justement apparaître l’espace entre les choses, leur fond commun, la relation inaperçue qui les ajointe malgré tout, cette relation fût-elle de distance, d’inversion, de cruauté, de non-sens. Il y a sens doute, dans l’Arbeitsjournal, quelque chose de cette idéologie des intervalles que Warburg appela longtemps de ses voeux.

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TROUBLESDUDEFICITDELATTENTION

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LE MARBRE SUR UN PLATEAU Architectes et designers reviennent à la matière marbre. Une volonté d’authenticité en phase avec le concept de développement durable, portée par de nouvelles techniques de fabrication. Un aperçu des dernières applications.

Cette nouvelle inclinaison pour le marbre grâce à l’exploitation d’une malléabilité nouvelle ouvre un dialogue riche et inattendu avec le design. Radicalement pratiqué par les architectes, le marbre s’invite à l’intèrieur. Sur le salon Marmomacc, tous les automnes à Vérone, Michel De Lucchi et Philippe Nigro qui recherche ont pris l’habitude de tailler la pierre pour en faire des bancs publics ou des lavabos privés.

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En avril 2010, à Milan, Marsotto Edizioni invitait cinq designers, sous la direction artistique de James Irvine à concevoir des petits meubles en marbre de Carrare Blanc. Philippe Nigro qui cherche à valoriser le travail de l’artisants réalisait, avec l’associotation Gate 08, une cagette en marbre coupe à fruit.

Ligne Roset édite un piedestal en marbre Stump signé Pierre Charpin et Paolo Ulian proposait pour la quatorzième biennal de sculpture de Carrare en septembre 2010, des pièces et petits paysage domestiques à partir de chutes de marbre dans la galerie F65 à Marina di Carrara. Dans cette veine, la Galerie Ymer&Malta, (Rémi Le Fur et Valérie Maltaverne), nouvelle galerie rue de la Condamine dans le 17ème arrondissement à Paris, a interrogé six designers (quatre studios) sur un sujet imposé : Marbre poids plume. Il est rare d’associer l’idée de légèreté à la matière marbre, mais le marbre peut être semblable à de la peau, explique Benjamin Graindorge

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par sa transparence, ses veines et son velouté, donc léger. Faire du marbre une matière légère est un paradoxe, un challenge. Cédric Dingjian et Eloi Chafaï l’ont décliné en accessoires de bureau ou de table, coupes flottantes comme suspendues. Benjamin Graindorge en a fait des écrins pour jardins miniatures ou des étagères lumineuses. A+A Cooren, Arnaud et Aki, ont évidé un bloc pour en faire un tabouret confortable, et creusé d’autres pièces de marbre de Carrare pour réaliser Orbit, des projecteurs de lumière magiques à la lumière rasante. Extrait de carrières naturelles en Italie, travaillée en Slovénie, la matière première sert des initiatives plus inspirées qu’élitiste.

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TROUBLES

OBESSIONNELS

COMPULSIFS

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RÉGIS LISFRANC, LE COLLECTIONNEUR DE MAINS Quand Régis Lisfranc se met à parler de sa collection, née au milieu des année 1970, on éprouve une sensation étrange. On dirait que les décibels de la rue de Vaugirard baisse d’un cran et qu’une main vous tire vers un univers dont vous n’aviez jamais soupçonné l’existence. Qu’une main ? Non, des centaines. Un Essonne demain. Demain qui touchent, saisissent, reçoivent, offre, indique, caresse, prient, protègent, souffrent, résistent, dominent, écrivent...

Des mains dessinées (notamment par Ernest-

Pignon-Ernest, un grand ami) sculptées (par Rodin, Man Ray, Mitoraj...), momifiées, sacrées, profanes (comme cette fourchette-couteau pour manchot). Des mains rapportées de pérégrinations aux quartes coins du monde et dont la fonction demeure souvent mystérieuse, des mains accrochées aux murs, colonisant chaque meubles et cohabitant dans un savant désordre (la vitrine fermée supprimerait la volupté ou la magie du toucher : un bonheur que la main n’atteins pas n’est pas un vrai bonheur). Des mains cernées par une foret d’ouvrage anatomiques et d’oeuvre littéraires parlant évidemment de la passion du maître

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des lieux. Si le docteur Lisfranc, chirurgien Orthopédiste, a peuplé de mains chaque recoin ou presque de son appartement parisien, ainsi que la clinique où il manie le bistouri (et où il ne passera pas la main avant longtemps, plaisante-t-il avec la superbe qu’autorise l’âge serein), c’est que, de tous les organes de l’homme, la main est celui que l’on voit de façon constante. Surtout, une collection consacrée à cette machine prodigieuse qui assemble la sensibilité la plus nuancé aux forces les plus déliées, dit-il en citant par coeur le discoure aux chirurgien de Paul Valeri, permet d’enjamber toutes les civilisation, et d’excursionner sur chacune des terres de la création.

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En instant, Régis Lisfranc, chineur invétéré avoue un faible pour les mains masculines (les mains de femmes sont très souvent frappées d’arthroses avant les nôtres...) et reconnaît que collectionner est une forme de névrose. Comme dans le donjuanisme, chaque objet à qui, possédé, est dépassé. Sa stratégie d’achat? quand un objet m’intéresse, je passe deux ou trois jours à réfléchir. Dès que j’ai la certitude que je ne pourrais pas vivre sans, je l’achète. Demain? j’aimerai m’atteler à une étude sur les représentation de la main chez Picasso. Dans les années 1920, 1924, il a peint une série de main figurative d’inspiration très ingreste et de toute beauté . Un article rédigé de maitre, en toute logique.

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HLAIHEL Karl ECOLE CAMONDO - 2015





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