janvier, février, mars 2014
N° 153
FONCABA
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Formation de cadres africains Rue du Progrès 333/03 B-1030 Bruxelles (Belgique) - Tél: 02/2010383 Fax: 02/2051739 e-mail: info@kba-foncaba.be www.kba-foncaba.be
Karibu BURUNDI: LES ACCORDS D’ARUSHA, UNE BIBLE congo: HOMMES ET FEMMES, LES MEMES CHANCES Bureau de dépôt Gent X - P602401 1e trimestre 2014
contenu 4 BURUNDI: « TOUCHE PAS A MON ACCORD » L’Accord d’Arusha, signé en août 2000, fut pour le Burundi le prélude d’une paix durable et jetait les bases pour un développement de la démocratie, avec entres autre une grande liberté d’expression. Le pouvoir voudrait introduire des changements dans la Constitution, mais cette proposition crée beaucoup de remous. 10 CONGO: LES ÉLECTIONS LOCALES…POUR DEMAIN? La Commission Electorale Nationale Indépendante CENI) est prête avec son calendrier électoral. Cette fois-ci les élections locales se dérouleraient en premier lieu. Mais le parlement, le sénat et la société civile rejettent la feuille de route. 16 UN LEG POUR LA FONCABA Votre engagement pour l’Afrique devient perpétuel. 18 CONGO: HOMMES ET FEMMES, LES MEMES CHANCES Dans la province de Bandundu, le principe d’égalité de genre est vu comme une opportunité pour donner de la responsabilité aux femmes. Certains témoignages sont encourageants. 28 DROIT A L’ALIMENTATION: VERS LA DECENNIE DES IGNAMES ? Avant l’arrivée des Bantu, des Soudanais et des Nilotiques, dans les campements Pygmées de l’actuelle République démocratique du Congo, on mangeait les ignames et beaucoup d’autres produits forestiers non ligneux. La promotion de la production des ignames améliorerait la ration alimentaire de dizaines de millions de Congolais.
editorial « L’avenir de l’Afrique est entre les mains de la femme », une affirmation émise fréquemment. Et pourtant les droits de la femme en Afrique font encore l’objet de débats, d’écrits, de revendications. L’égalité des genres est sans doute inscrite dans la Constitution des pays d’Afrique, mais son application dans la vie concrète est loin d’être réalisée. S’agirait-il d’une prise de conscience et d’une appropriation qui demande du temps ? Même en Belgique ou en Europe, des pas sont encore à franchir dans la recherche de la parité. Pensons à la répartition des postes à responsabilité, tant sur le plan politique qu’économique, signalons la question de l’égalité salariale, observons la participation équitable dans les travaux ménagers. Qu’en est-il en Afrique ? L’égalité des genres serait-elle un phénomène à la mode en Europe qui serait exporté en Afrique ? Dans ce KARIBU, un couple et quelques femmes de Kikwit (Bandundu) au Congo, nous parlent positivement de cette égalité entre les hommes et les femmes. Pour la FONCABA, dans son travail et ses projets avec ses partenaires en Afrique, le facteur « genre » est une priorité : le respect des droits de la femme, la nécessité de son renforcement, la requête de sa prise de responsabilité dans la société. Chers amies et amis de la FONCABA, nous vous remercions d’être à l’écoute de ces femmes d’Afrique et d’appuyer la FONCABA dans ses projets où la femme est respectée dans sa dignité, où elle se met debout en prenant ses responsabilités. Luc Bonte Président
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BURUNDI « Touche pas à mon Accord » Depuis une dizaine d’années, après une longue période de conflits et de guerre, le Burundi, ce petit pays de l’Afrique centrale, avec plus de 8 millions d’habitants, à vocation agricole et avec une économie fragile, basée sur l’exportation du café, connaît la paix. L’Accord d’Arusha, signé en août 2000, fut le prélude d’une paix durable. Et le choix politique de la démocratie est pour ce pays un immense pas en avant. Où en est-on aujourd’hui ? Aloys de Gonzague Niyoyita, Journaliste Free Lance à Bujumbura, nous fait une petite analyse.
Les Accords d’Arusha ont donné à la population beaucoup d’espoir et une guerre civile s’en est suivi, faisant plus de 300.000 morts, 300.000 réfugiés et 300.000 déplacés internes selon les estimations du UNHCR (Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés).
Les Accords d’Arusha : une bible
Depuis son indépendance en 1962 jusqu’en 2000, le Burundi n’a jamais connu de paix et de sécurité durable. Des guerres cycliques ont opposé les deux ethnies, les Hutu majoritaires et les Tutsi minoritaires en lutte pour le contrôle du pouvoir. Durant les 30 années qui ont suivi l’assassinat du Prince Rwagasore, les Hutus ont été écarté du pouvoir. L’armée dominée alors majoritairement 4
par les Tutsi (14% de la population) s’y est maintenue, les différents coups d’état n’étant qu’une querelle de palais. Mais, l’assassinat du premier président Hutu, Melchior Ndadaye, élu démocratiquement en 1993, trois mois seulement après sa prise de fonction, a convaincu les Hutu (85% de la population) qu’il leur fallait des armes pour prendre le pouvoir et le garder. Ainsi, ils ont créé des rébellions
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En août 2000, la grande majorité des Burundais ont poussé un grand soupir de soulagement quand le groupe de partis politiques d’obédience Tutsie connu sous le nom de G10 et le groupe des partis politique d’obédience Hutue connu sous le nom de G7 ont signé un accord de Paix dit “Accord de Paix d’Arusha pour le Burundi”. « C’est un bébé enfanté dans une grande douleur » disait Feu Nelson Mandela, ex-président de l’Afrique du Sud, qui était alors médiateur du conflit burundais, lors des cérémonies de signatures à Arusha, une ville du nord de la Tanzanie. En signant un accord de paix, les Burundais ont eu davantage d’espoir en voyant les anciens mouvements armés Hutu désarmer et intégrer la nouvelle armée
et police composées de 50% de Hutu et 50% de Tutsi. Les Accords d’Arusha prévoient aussi que les Tutsi obtiennent 40 % et les Hutu 60% au sein des institutions y compris le parlement et le gouvernement. La Constitution issue des Accords de Paix dit qu’aucun président élu au suffrage universel, ne doit aller au delà de deux mandats présidentiels. Apres 10 ans de paix, beaucoup de Burundais font référence aux Accords d’Arusha comme à « une Bible burundaise »
Adapter la Constitution ? Deux élections successives de 2005 et 2010, remportées par le parti CNDDFDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie) ont donné un espoir d’une paix durable et d’une démocratie consensuelle basée sur un dialogue permanent. Il est vrai que les partis d’opposition ayant boycotté les élections parlementaires et présidentielles de 2010, l’opposition parlementaire est très faible. Cela a comme conséquence qu’il n’est pas étonnant que l’opposition n’ait pas suffisamment droit
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au chapitre lors de la prise des décisions au Parlement. C’est maintenant que cette opposition voit que la stratégie de la chaise vide exercée par ces partis politiques de l’opposition lors du scrutin de 2010 a tourné à leur désavantage. La seule pression qu’ils peuvent exercer sur le gouvernement ne consiste qu’à des mises en garde et des prises de position. Certains disent que le Président actuel peut prétendre à un nouveau mandat parce que pour le premier mandat il n’a pas été élu au suffrage universel. D’autres rejettent cet argument en affirmant qu’en 2015, le président Nkurunziza, aura fait deux mandats et qu’il ne peut pas briguer un troisième mandat. Aujourd’hui, beaucoup d’observateurs pensent que le projet de changement de constitution que le gouvernement proposerait au Par-
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Il est vrai que l’opposition parlementaire est très faible
lement, vise à éliminer cette contradiction et à permettre au Président actuel de se représenter aux futures élections. Les partis de l’opposition ne veulent pas entendre parler de changements dans la Constitution. La société civile aussi trouve qu’il est trop tôt pour toucher aux Accords d’Arusha, craignant un accaparement du pouvoir et un déséquilibre ethnique dans le partage de ce pouvoir. Certains observateurs trouvent qu’il y a des organisations de la société civile qui veulent se substituer aux partis politiques de l’opposition, ce qui n’est pas leur rôle. La société civile devrait servir de pont d’entente entre la majorité au pouvoir et
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et la liberté d’organiser toute manifestation publique sans l’aval préalable du gouvernement, semble porter atteinte à cette liberté d’expression. On parle aussi de grotesques montages de dossiers criminels contre certains leaders de l’opposition suivis de leur emprisonnement. L’opposition s’insurge contre les ingérences intempestives et répétitives du ministre de l’intérieur dans les affaires internes des partis politiques visant à les affaiblir.
Par le boycott des élections de 2010 par l’opposition, le CNDD-FDD acquiescait beaucoup de pouvoir au parlement
les partis de l’opposition. Une analyse objective et constructive tant des décisions et des actions du pouvoir en place que des critiques et actions de l’opposition, devrait inciter les deux camps à ne pas chercher des intérêts égoïstes, mais à se mettre autour d’une table pour dialoguer et préserver à tout prix la paix. Ce dialogue rétablirait la confiance entre tous les partenaires politiques. Une année avant le rendez-vous de 2015 pour de nouvelles élections démocratiques, il y a des signaux inquiétants.
Réduire les notes dissonantes En comparaison avec les trente ans qui ont suivi l’indépendance du Burundi, sous un pouvoir dictatorial dirigé par une oligarchie militaire et civile, et les années de guerre civile qui ont suivi l’assassinat du président Melchior Ndadaye, la liberté d’expression n’a jamais été aussi grande. Toutefois, la nouvelle loi sur la presse
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Ainsi, la crise actuelle au sein de l’ancien parti unique UPRONA (Le Parti pour le Progrès National), a amplifié mais surtout semble justifier la crainte de l’opinion sur les intentions de l’actuel parti au pouvoir. Dès lors, l’opposition ne s’empêche pas
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La liberté d’expression n’a jamais été aussi grande
Tous en enfants à l’école
d’accuser le pouvoir de vouloir affaiblir tous les acteurs politiques susceptibles d’être ses concurrents lors du scrutin à venir en 2015 et de ne pas vouloir de concurrent de taille. Pour certains partis de l’opposition, la crainte existe de faire retomber le pays dans les dérives autoritaires des anciens pouvoirs militaires qui dirigeaient le pays après l’indépendance.
Déclaration du 11 mars 2014 de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale, asbl (extraits) L’Observatoire de l’Action Gouvernementale, 0AG, asbl, suit avec inquiétude la réapparition d’un climat d’intolérance politique dans le pays. Il constate une tendance à une violence verbale entretenue entre certaines formations politiques, mais aussi une violence physique dont seraient auteurs certains jeunes des mouvements des partis politiques… Le drame est encore arrivé ce samedi 8 mars 2014 ….à l’endroit de femmes de l’Union des Femmes Burundaises (UFB) rentrant d’une manifestation à l’occasion de la Journée Internationale de la femme et de l’anniversaire de leur organisation. …Concernant le traitement violent à l’endroit des femmes sans défense, l’OAG le trouve dégradant et répréhensible. Rien ne pouvait justifier l’usage de coups et de gaz lacrymogènes du moment qu’elles ne causaient aucun désordre. …La situation révèle un usage excessif et disproportionné d’armes à feu et de gaz lacrymogène largué par la police pour disperser les manifestants, en violation du droit international, notamment les principes des Nations Unies sur l’usage de la force et des armes à feu par des agents de maintien de la paix… FONCABA I KARIBU 153 I janvier, février, mars
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Ne pas toucher aux Accords d’Arusha « Si le Burundi connaît une paix relative, le gouvernement actuel venu au pouvoir par le même accord doit savoir qu’en faire fi serait vouloir ramener le pays à la case de départ, c’est-à-dire la période des insécurités et des coups d’état militaire que cet accord a remédiés », a déclaré Mr. Léonce Ngendakumana, négociateur de l’accord de paix d’Arusha pour le Burundi et ancien président du parlement, actuellement président d’une coalition des partis de l’opposition.
L’école primaire de Mushasha-Gitega Des mérites significatifs La réforme effective des forces de l’ordre établissant l’équilibre ethnique, tant dans l’armée que dans la police, fait qu’aujourd’hui la population, n’a plus peur des agents de l’ordre. Par ailleurs, l’influence des forces de sécurité sur la politique semble avoir diminué. Ainsi elles se lancent avec succès dans des missions de paix en Afrique (Somalie, Mali, Centrafrique). Par la construction d’hôpitaux de district et de nouveaux centres de santé, ainsi que par les soins gratuits aux enfants de moins de 5 ans et aux mamans enceintes, la situation s’est nettement améliorée. Quant à l’enseignement, aujourd’hui, tous les enfants ont la possibilité de fréquenter l’école primaire. Un gros effort a été fait pour construire de nouvelles écoles. En 5 ans seulement, on a construit trois fois plus d’écoles que pendant les 4 décennies précédentes. Néanmoins, ces efforts en matière de santé et d’éducation ne sont pas suffisamment accompagnés d’équipements et de moyens. 8
Il y a le travail remarquable de la CNTB (Commission nationale des Terres et Autres Biens), nommée par le gouvernement, pour réhabiliter les victimes des événements tragiques du Burundi qui ont été spoliées de leurs biens, surtout après les massacres de Hutus à grande
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L’action de la CNTB ne veut que « justice soit faite.»
échelle de 1972. Les rapatriés ou autres victimes des cycles de violence qu’a connus le pays, sont satisfaits parce qu’ils voient leurs propriétés restituées. Mais les partis politiques ne se donnent pas des cadeaux. Aussi, l’UPRONA et certains politiciens tirent à boulet rouge sur la l’action de la CNTB, alors que celle-ci ne veut que « justice soit faite.»
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Alors que tout le monde s’accorde pour dire que l’Accord de Paix d’Arusha pour le Burundi a permis d’arrêter les rivalités entre les deux principales ethnies du pays et a permis de croire à une paix durable et à une relance de l’économie de ce pays pauvre de l’Afrique Centrale, sa remise en cause par le gouvernement actuel (affirment les protagonistes), est une négation des efforts conjugués par beaucoup d’acteurs tant nationaux qu’internationaux, mais c’est surtout un refus si non le mépris affiché des résultats atteints dont la paix et la stabilité des institutions de Burundi jouissent depuis sa signature. D’où le cri de « Touche pas à Mon accord » que lancent les Burundais et amis du Burundi au gouvernement.
C’est chouette de pouvoir travailler dans ses propres champs
Aloys de Gonzague Niyoyita, Bujumbura, le 24 février 2014
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CONGO Les élections locales…pour demain ? Depuis plusieurs mois, la Commission Electorale Indépendante (CENI), a démarré le processus de réforme avec l’abbé Apollinaire Malumalu, son nouveau président. Mais la publication du calendrier électoral se fait toujours attendre. Qu’est-ce qui bloque? A la mi-février, la FONCABA a accueilli le père Rigobert Minani, président du RODHECIC (Réseau des Organisations des Droits Humains et d’Education civique d’Inspiration Chrétienne), partenaire de la FONCABA, de passage à Bruxelles. Elle lui a demandé quelques éclaircissements.
FONCABA : Le processus électoral ne semble pas démarrer ? R. Minani : J’exprime d’abord une satisfaction de voir la société civile présente au sein de la CENI avec trois représentants et je suis fier que Jean Baptiste Ndundu, qui était le Secrétaire exécutif de RODHECIC ,
Rigobert Minani : La situation à l’Est évolue positivement depuis que le M23 a été neutralisé. Les négociations ont abouti à des accords dans lesquels il est prévu une mesure d’amnistie pour les combattants du M23. Bien sûr, cette mesure n’est pas applicable aux responsables et commanditaires de graves violations des Droits de l’Homme ou de crimes contre l’humanité. Il ne s’agit donc pas d’instaurer l’impunité, comme l’affirment certains observateurs ou media à l’intérieur et à l’extérieur du 10
a été choisi. Cela prouve qu’au sein de la Société civile, le RODHECIC est apprécié pour son travail d’éducation civique de la population, de formation d’observateurs des élections et de lobbying. FONCABA : Pourquoi le calendrier électorale n’est pas encore publié ? R. Minani : La CENI a préparé la feuille de route pour les élections qui doivent avoir lieu à différents niveaux, à commencer par les élections locales. L’abbé Malumalu en a d’ailleurs parlé aux aurorités politiques belges. Mais au Congo, il y a de l’opposition à cette feuille de route au Sénat et au Parlement. Des sénateurs souhaiteraient faire « tabula rasa » et commencer par le recensement et ensuite seulement préparer les élections, en commençant pas les élec-
Commencer les élections par la base Père Rigobert Minani, sj
FONCABA : Vous étiez observateur aux négociations entre le Gouvernement et le mouvement rebelle M23. Comment évolue la situation à l’Est du Congo ?
d’autres pays, même en Europe. Beaucoup de politiciens ne se soucient pas des intérêts de la population, mais de leur propre intérêt. Ils font tout pour garder « leur poste » avec les avantages y afférents. Changer le gouvernement signifie que certains ministres seront remerciés et que d’autres prendront leur place. Mais qui parmi les autres ? Il faut se battre pour obtenir tel ou tel poste. Ce sont ces manipulations politiques qui jouent certainement un rôle.
pays. Cette mesure d’amnistie était nécessaire pour éviter une nouvelle guerre. Cette loi d’amnistie vient d’être votée au parlement ce qui évitera un nouveau conflit et une réintégration des anciens combattants du M23 dans la société. FONCABA : A la clôture des Concertations nationales de 2013, le président Kabila a promis de mettre en place un gouvernement d’union nationale. Jusqu’aujourd’hui, ce n’est toujours pas fait. Pourquoi ? R. Minani : Je pense que c’est un des maux de la classe politique congolaise, mais qu’on trouve également dans
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Si on peut se féliciter de ce que la culture électorale s’enracine petit à petit en République démocratique du Congo (RDC), on ne peut pas par contre passer sous silence le goût d’inachevé que laisse chaque rendez-vous électoral dans ce pays. Depuis les élections 2006, le processus électoral en RDC n’a pas respecté le cycle légal. La hiérarchie a été renversée et les deux fois que les Congolais sont allés aux élections dans l’esprit de la Constitution du 18 février 2006, on n’a tenu que les scrutins présidentiel, législatif et sénatorial, officiellement pour essentiellement des raisons financières, mais en pratique tout le monde le sait que c’est surtout pour des raisons politiques. A la veille de chaque rendez-vous électoral, la même question se pose : va-t-on commencer par le sommet ou la base ? Chaque fois, il a fallu faire un choix difficile entre les impératifs politiques et les exigences démocratiques. Nous sommes à la veille de la troisième expérience électorale en RDC. Nous connaissons le passé électoral récent du pays, nous savons aussi à quoi la population aspire. Par rapport à chaque acte posé dans le cadre du processus électoral, c’est donc bien que chaque Congolais soit en mesure de se faire une opinion et prendre une position. La meilleure position est celle de la paix. Fabien Mbayo Kumwimba, Secrétaire exécutif de CAEDH (Comité Africain des Educateurs aux Droits Humains), partenaire de la FONCABA FONCABA I KARIBU 153 I janvier, février, mars
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L’Accord Cadre pour le Congo Il y a un an, le 24 février 2013, onze pays d’Afrique signaient à Adis Abeba l’Accord Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC.
Foto Ingeta Journal
Père Minani rencontre Bernadette Zubatse, directrice de la FONCABA
tions locales. Cela signifierait un gros retard dans l’organisation des élections. Au parlement, c’est différent. Pas mal de parlementaires s’opposent à l’idée de faire les élections provinciales par suffrage indirect, c’est-à-dire par les élus des élections locales. FONCABA : Est-ce que cela veut dire que tout est bloqué ? R. Minani : Je ne le pense pas. Etant une institution indépendante, la CENI pourrait, semble-t-il, prendre les décisions qui s’imposent sans nécessairement l’aval du Parlement. Nous allons voir dans les prochains jours, si la CENI gardera, avec ou sans adaptations, la feuille route pour les élections. Nous espérons en effet que le blocage disparaisse.
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Au sein de la Société civile, le RODHECIC est apprécié
R . Minani : L’abbé Malumalu attache beaucoup d’importance à l’éducation civique de la population et à la formation d’observateurs de la Société civile pour le bon déroulement des élections. Je pense que, une fois le calendrier électoral publié, il sera plus facile d’obtenir le financement pour ce projet. FONCABA : Merci beaucoup, père Minani, pour cet entretien.
FONCABA : Et le projet de formation d’observateurs permanents que le RODHECIC veut réaliser avec la FONCABA ? 12
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Signature de l’Accord Cadre le 24 février 2013
L’accord devait contribuer à ramener la paix à l’Est du Congo. La RDC s’engageait à faire des réformes internes, tandis que les autres pays signataires, parmi lesquels le Rwanda et l’Uganda, promettaient de respecter la souveraineté du Congo, entre autre en arrêtant l’appui aux groupes rebelles. La Communauté Internationale s’engageait à renforcer la mission de l’ONU (MONUSCO).
d’autres groupes rebelles congolais et étrangers continuent à être actifs dans l’Est du Congo. L’implication des pays voisins a fortement diminué, mais il n’est pas question encore d’une contribution positive à la paix au Congo. D’après un rapport du groupe d’experts des Nations Unies, des rebelles M23 circuleraient librement en Uganda et continueraient à recruter au Rwanda, ce que ces pays contestent.
Où en est-on, un an après ? Le groupe rebelle M23 a été officiellement écarté, grâce aux évolutions positives de l’armée congolaise et de la brigade d’intervention de la MONUSCO. Mais
Sur le plan des réformes internes au Congo, le progrès est limité. Une réforme approfondie du secteur de la sécurité n’a pas lieu, l’autorité de l’Etat reste absente
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François Muamba, le coordonnateur national du mécanisme de suivi de l’accord d’Addis-Abeba
dans des parties importantes du pays, et il n’est pas encore question d’une réelle décentralisation. La tentative de limiter la liberté de circulation de membres de l’opposition et d’activistes des Droits de l’Homme montre aussi que la réconciliation, la tolérance et la démocratisation ne sont pas encore garanties. Depuis la défaire militaire du M23, des milliers de membres de différents groupes rebelles ont déposé les armes et ont laissé entendre qu’ils voulaient réintégrer la société. Même si fin 2013, un nouveau plan de démobilisation, de désarmement et de réintégration (DDR) d’anciennes forces combattantes fut adopté, jusqu’à aujourd’hui, cela n’a pas encore donné des résultats concrets. Une partie des rebelles qui se sont présentés auraient repris les armes, puisque les facilités n’étaient pas satisfaisantes et qu’il n’était 14
pas encore question d’un appui à la réintégration. C’est une occasion manquée si on pense à la protection de la population.
Le rôle de la Belgique ? La Belgique est un des partenaires mentionné dans l’Accord Cadre. A plusieurs reprises, le Ministre des Affaires Etrangères, Didier Reynders, a exprimé son appui politique à l’Accord et à l’envoyée spéciale des Nations Unies, Mary Robinson. Le Ministre de la Coopération au Développement, Jean-Pascal Labille, montre aussi son engagement pour la région, en lançant un plan de reconstruction pour les provinces des Kivus et en traitant un nouveau Programme Indicatif de Développement (PIC) avec la RDC. Le Ministre de la Défense, Pieter De Crem, poursuit la formation de bataillons de l’armée pour la force d’intervention congolaise. Toutefois, les efforts du gouvernement
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C’est pourquoi pour 11.11.11, il est crucial que notre pays opte pour une implémentation des réformes comprises dans l’Accord Cadre, et pour une implémentation du plan national DDR. 11.11.11 demande au Ministre Labille de prévoir dans le prochain PIC (20142015) suffisamment d’appui financier pour des programmes en rapport avec la bonne gouvernance et avec les réformes internes, et de soutenir la Société civile congolaise.
Radio Okapi/ Ph.John Bompengo
belge, ne peuvent pas être détachés du progrès limité dans la mise en œuvre de l’Accord Cadre. La Belgique ne peut pas sans problème faire de la coopération au développement et militaire en RDC sans reconnaitre les limites institutionnelles et politiques dans le pays. Il n’y a pas de développement possible sans sécurité et bonne gouvernance.
Mary Robinson, l’envoyée spéciale du secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs
Thijs Van Laer, Chargé de plaidoyer Afrique Centrale, 11.11.11, Bruxelles, le 25 février 2014
Mary Robinson salue les progrès un an après A l’occasion du premier anniversaire de la signature de l’Accord Cadre, l’envoyée spéciale du secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, a salué les progrès réalisés en un an et a invité les pays de la région à poursuivre dans cette voie. “Un certain nombre de choses se sont passées au cours de ces 12 derniers mois qui font que l’espoir d’une paix durable n’est plus seulement un rêve naïf d’idéaliste mais une réalité qui nous est presque accessible”, a affirmé Mme Mary Robinson. Selon elle, les progrès enregistrés depuis la signature de l’accord sont “indéniables”. “Ces progrès sont basés sur des engagements spécifiques et fondamentaux pour la paix dans la région, entre autres, celui de ne pas interférer dans les affaires internes des autres pays et, de ne pas tolérer ou apporter un soutien aux groupes armés”. Le M23 a été défait et le gouvernement de la RDC a conclu un processus de paix avec les rebelles. Un plan d’action détaillé pour la mise en œuvre des engagements spécifiques a été adopté au cours du dernier Sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba en janvier 2014, lorsque le Kenya et la République du Soudan ont également accepté de rejoindre le processus de l’Accord Cadre.
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Un legs pour la FONCABA Votre engagement pour l’Afrique continue après vous La FONCABA est ravie de recevoir une donation ou un legs pour ses projets d’Afrique. Comme dernières volontés, la plupart des personnes font un testament. C’est une occasion de traduire leurs pensées pour leur famille, mais également d’offrir une partie de leurs avoirs sous forme de legs ou de donation à une asbl qui travaille dans un pays en voie de développement.
LE LEGS EN DUO Le legs en duo est une donation par testament de biens meubles et/ou immeubles à une ou plusieurs personnes et en même temps à une asbl reconnue comme la FONCABA. Cette technique prévoit qu’en l’occurrence la FONCABA peut prendre en charge les droits de succession de la personne qui reçoit la donation. Si celle-ci est destinée à un parent lointain ou à un ami, celui-ci devra payer normalement beaucoup de droits de succession (jusque 65%). La FONCABA comme asbl ne paiera que 7% (8,8% en Flandres et 12,5% en région bruxelloise).
La FONCABA est une asbl habilitée à recevoir des legs et des donations qu’elle utilise pour ses projets de formation en Afrique. Il suffit d’insérer dans le document la formule suivante : « Je lègue à l’asbl FONCABA à 1030 Bruxelles, la somme de …………….,…….. euro ou …………………… (biens meubles et)………………(immeubles) à l’adresse…………………pour la formation de cadres africains ». Comme le droit de succession est une matière assez compliquée, il est recommandé de consulter un notaire qui fera un petit calcul et vous donnera un avis correspondant à vos souhaits. Pour des informations complémentaires à la FONCABA. Contact : M-Bernadette Zubatse, Directrice Tél.: 02 2010383 ou info@kba-foncaba.be
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Le legs en duo Aussi bien vos héritiers que la FONCABA y gagnent
3 conditions: • vous devez rédiger un testament. • vous léguez une partie de vos biens à une ou plusieurs personnes • vous léguez la partie restante à une institution agréée (comme la FONCABA) qui aura à sa charge le paiement de la totalité des droits de succession.
Tout le monde y gagne! Grâce à la technique du legs en duo, vous laisserez autant (sinon plus) à votre ami ou à votre nièce, tout en soutenant les projets de la FONCABA. FONCABA I KARIBU 153 I janvier, février, mars
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Congo HOMMES ET FEMMES, LES MEMES CHANCES Kikwit est une ville de la province de Bandundu en RD Congo, située à plus de 500 km de la capitale Kinshasa. Malgré cette grande distance, la route asphaltée et d’autres moyens de communication (radio, TV, internet...) assurent des contacts quotidiens permanents. Tout événement politique, social, économique, religieux, sécuritaire ou autre d’une de ces deux villes se répercute immédiatement dans l’autre. Jacques Kusambila, ancien boursier de la FONCABA et ancien animateur des communautés de base de Kikwit, évoque l’évolution des questions d’égalité entre l’homme et la femme (GENRE) dans son milieu. Il rapporte quelques interviews réalisés sur le terrain.
Jacques Kusambila (5ième de gauche, derrière) avec une communauté de base Dès que la problématique de l’égalité de genre apparaissait à Kinshasa vers 1980, Kikwit était informé et commençait aussi à s’intéresser à cette innovation culturelle. Depuis déjà trente ans, ce n’est plus aujourd’hui un interdit de parler du Genre en ville. Mais en milieu rural, à plus de 50 18
km.de Kikwit, cette problématique avance à pas de caméléon. De temps en temps, les équipes de formateurs se rendent dans les villages pour sensibiliser la population. L’espoir est que dans 5 ans, ce problème devienne une actualité aussi dans les villages du fin fond de la province et du pays.
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Le “Genre” pour la bonne presse. Les institutions, les associations et les ONG locales intègrent les femmes autant que les hommes dans leurs entités pour la bonne presse. Dans la compétition aux appuis extérieurs ponctuels ou d’autres financements de bailleurs, la mixité des ressources humaines est retenue comme un critère de bon fonctionnement. Des raisons avérées en matière de gestion matérielle et financière le confirment. De fait, beaucoup de responsables d’associations et d’institutions locales affirment de par leur expérience que lorsque la gestion est confiée à la femme, la comptabilité est transparente, claire, juste et honnête D’après nos enquêtes à Kikwit, le “Genre” est vécu à 75 % dans l’ensemble (administration, ONG, politique, santé, enseignement, etc). La question se pose d’abord si le système matrilinéaire qui régente les familles de Kikwit et du Bandundu a encore une influence. Ce pourcentage élevé pourrait s’expliquer par le fait que traditionnellement la région du Bandundu pratique le système matrilinéaire. En milieu rural du Kwilu et du Kwango, il est bien respecté, surtout dans la tranche d’âge entre 60 - 70 et plus. Les jeunes l’acceptent mais ne le respectent pas. Ils accordent plus d’importance à la cellule nucléaire (papa, maman et enfants). De temps en temps, ils obéissent par peur ou autres obligations sociales (par exemple aider les neveux, les nièces ou oncles maternels) quand ils ont un petit travail. En milieu urbain, comme dans les villes de Kikwit et de Bandundu, le système matrilinéaire n’a aucune influence.
1. De 60 à 70 ans Les personnes nées au village et qui ont trouvé du travail en ville, portent le résidu culturel de leur milieu d’origine. Pour eux, le “Genre” est un problème. Les hommes ont peur de perdre leur “autorité”, leur pouvoir sur leur femme. Les femmes de leur côté se résignent dans leur rôle traditionnel de travail aux champs, à la cuisine. Inutile de leur proposer du changement et surtout pas d’égalité entre homme et femme. A Kikwit ce groupe est minoritaire. Il n’a pas la force d’imposer sa “ sacrosainte coutume”. 2. De 40 à 60 ans Les hommes et les femmes de 40 à 60 ans constituent le “fer de lance” de l’égalité entre homme et femme. Autrefois, ils ont étudié ensemble dans des missions catholiques ou protestantes. Ils ont rencontré et ont accepté d’autres ethnies, et d’autres cultures. Depuis ce temps lointain de leur jeunesse, les filles ont prouvé qu’elles étaient capables de bonnes performances autant que les garçons. C’est cette tranche d’âge qui fournit les promoteurs, les formateurs et les responsables dans le phénomène « genre »-Kikwit. 3. De 25 à 40 ans Les jeunes entre 25 à 40 ans sont les “véhicules et porte-étendard” de l’égalité entre homme et femme. Ils sont sur tous les terrains et militent partout pour le “Genre”. Si cette jeunesse est canalisée, orientée et encadrée, elle constitue une force incontournable dans le domaine de l’égalité entre homme et femme. De plus en plus, on ressent un tournant des rapports égalitaires entre l’homme et la femme.
Nous répartissons en 3 catégories d’âge, la façon dont l’égalité entre homme et femme est acceptée. FONCABA I KARIBU 153 I janvier, février, mars
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Getuigenis 1
Témoignage du couple Jean Ginzazi et Caroline Sona à Mulopo (247 km au Sud Ouest de Kikwit -Territoire de Gungu-Province de Bandundu)
Jean Ginzazi, 64 ans, est enseignant à l’école primaire de Mulopo depuis 21 ans. Il s’est marié à Caroline Sona, 53 ans, qui avait fait l’école ménagère. Ils ont 7 enfants dont 5 garçons et 2 filles. Jacques : Jean, comment vis-tu cette égalité homme-femme ? Jean Ginzazi : Le “Genre” aide notre couple à vivre heureux. Ma femme n’est pas reléguée au deuxième plan. Sans son apport tout s’écroule dans la famille. Jacques : Pouvez-vous donner des exemples concrets? Jean : Oui, quand je reçois mon petit salaire d’enseignant, je l’amène à ma femme et ensemble, nous décidons de ce que nous ferons. Quand nous recevons des visiteurs de son clan ou du mien, nous les écoutons ensemble. Nous nous accordons sur l’aide à leur donner. Nous nous mettons également d’accord sur l’éducation de nos enfants. Jacques : Vous arrive-t-il quelquefois à l’un ou à l’autre, de vous imposer dans la prise des décisions? Jean : Nous avons quelquefois des divergences de vue. Cela peut toujours arriver. Mais nous nous comprenons toujours, …. (rire). L’imposition crée
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Le couple Jean en Caroline
souvent un blocage chez l’autre. Le blocage accumulé engendre l’éclatement du couple et ses conséquences dans la famille. Jacques : Comment pouvez-vous aider votre femme à jouer son rôle en famille et au village? Jean : Notre pays connait du retard dans son développement parce que la femme est restée en marge depuis des décennies. Aujourd’hui dans le cadre de
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la parité, il faut qu’elle s’exprime. Il faut aussi l’encourager, accepter et féliciter ses initiatives. Quand vous observez le village, vous constaterez que tout le poids de la vie repose sur la femme: puiser de l’eau à la source, préparer la nourriture familiale, les travaux des champs, etc. Mais essayez d’entrer en dialogue avec les villageois. C’est l’homme qui monopolise la parole. Cela n’est tout de même pas normal !
Jacques Kusambila s’entretient aussi avec l’épouse de Jean Ginzazi, madame Caroline Sona.
Jacques : C’est intéressant ce que vous dites, mais qu’est-ce que vous faites pour aider Caroline dans ce cadre du GENRE? Jean : Caroline m’est témoin : je cherche l’eau à la source. Pendant les vacances, nous allons aux champs ensemble avec Caroline et les enfants. Le travail d’ensemble procure beaucoup de nourriture et de l’argent à la famille. Cela nous permet de payer les études de nos enfants.
Jacques. Comment cela s’est passé? Caroline : C’était très intéressant. J’ai compris que je pouvais faire quelque chose pour ma famille et notre village.
Jacques : Est-ce que tout le monde accepte d’échanger sur le problème de l’égalité entre l’homme et la femme ? Jean : Pas tout le monde, bien évidemment. La majorité l’accepte et le vit. Mais il y a une minorité de la génération des grands-pères et grands-mères qui ne veut même pas en entendre parler. Cette catégorie de personnes ne souhaite qu’une chose : “Que chaque sexe joue son rôle. L’homme commande et la femme exécute”.
Jacques : Avez-vous déjà entendu parler du GENRE, l’égalité entre homme et femme? Caroline Sona . Oui, une équipe composée de deux hommes et d’une femme est passée ici dans notre village pour la formation.
Jacques : Quoi par exemple? Caroline : Dès la semaine suivante, nous avons créé une association de femmes dont je suis la secrétaire. Nous cultivons des champs communautaires. Les produits sont répartis en trois parts. La première partie est partagée entre les membres, la deuxième partie est vendue (l’argent mis dans la caisse commune) et la troisième partie conservée pour la saison prochaine. Jacques : Les hommes ne vous empêchent-ils de faire ce que voulez dans votre organisation? Caroline : Les hommes ont compris que nous le faisons pour leur intérêt aussi. Ils sont directement ou indirectement bénéficiaires. Jacques : A qui appartiennent ces champs communautaires ? Caroline : Ils appartiennent aux membres du groupe. Les gens font leurs champs dans la brousse près du vil-
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Getuigenis 2
Témoignage de Madame Mamie Georgette Batwa Muzela, gérante de MUCREFEKI
lage. Les terres ne sont pas achetées mais sont sous la responsabilité du chef du village ou du chef des terres. Il est obligé de laisser des espaces pour les champs des villageois. S’il fait autrement, il sera abandonné et isolé. Jacques : Est-il possible que chaque femme membre devienne un jour propriétaire des terres ? Caroline : Les femmes qui travaillent ici, ne seront jamais propriétaires de ces terres. Mais elles ont la garantie d’accéder tout le temps aux terres de cultures. Elles peuvent travailler aussi longtemps qu’elles voudront, mais sans en posséder définitivement la propriété. Dans deux cas seulement, la femme peut devenir propriétaire. D’une part si cela lui a été légué par ses ancêtres et que dans la famille (clan), il n’y a pas d’hommes capables d’assumer la possession de la terre. Dans ce cas, la femme assure et exerce le pouvoir sur ses terres. D’autre part dans le cas d’achat d’une portion de terre ou d’une étendue de brousse pour les besoins de fermage ou d’autres activités de son choix. Jacques : Comment votre mari Jean, vous aide-t-il dans votre rôle de femme, d’épouse, de mère et de secrétaire d’une organisation de base? Caroline : Je dois beaucoup le remercier. Je suis née d’une famille polygame. Mon père se faisait obéir au doigt et à l’oeil. Cela a créé en moi la peur de l’homme et la timidité. Grâce aux conseils et l’aide de mon mari, j’ai compris que tous les hommes ne sont pas méchants. Il y en a qui sont bons
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L’association de Caroline cultive un champ communautaire
comme Jean. J’ai dépassé cette peur et cette timidité. Nous évitons à nos enfants à connaître ce que j’ai vécu dans mon enfance avec mon papa. Chaque soir nous parlons ensemble en famille. Chaque membre (papa, maman et enfants: garçon- fille) raconte sa journée. Cela débloque plusieurs situations et comportements issus de la famille, du clan ou du village. Jacques : Dans votre association, y a-t-il aussi des hommes ? Tenez-vous compte du GENRE? Caroline: Bien sûr que oui. Dans le comité, il y a le Chef du village, le Directeur d’école et 3 autres hommes. Ils nous aident énormément.
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Jacques: Madame Mamie, depuis quand existe MUCREFEKI à Kikwit et quel est son objectif? Mamie Georgette Batwa Muzela : MUCREFEKI existe depuis plus de 10 ans déjà. Son objectif principal est d’aider la femme à augmenter sa capacité à la prise en charge de sa famille. Actuellement beaucoup d’hommes ne travaillent plus ou gagnent un salaire insignifiant. MUCREFEKI sensibilise les femmes à se regrouper dans les organisations de base (O.B.). Elle est constituée de 17 OB dans la ville de Kikwit, 3 OB à Masi-Manimba (à 200 km à l’Ouest sur la route de Kinshasa) et 4 OB à Idiofa (à 150 km à l’Est de Kikwit). Après la formation, elles travaillent ensemble (champs, transformation des produits locaux : fabrication du savon, vin, poisson salé ....) et, dans la mesure du possible, MUCREFEKI leur accorde des petits crédits. Cela donne un apport appréciable aux familles. Jacques: De quoi bénéficie MUCREFEKI? Mamie: L’O.B. bénéficiaire du crédit rembourse avec un pourcentage raisonnable (10 % par exemple). Jacques: Mme Mamie, vous ne parlez que de la femme....? Mamie: (Rire...). Excusez-moi, Mr. Jacques. Je vous arrache la parole parce que je vois où vous voulez arriver. Nous tenons bien compte de la parité,
L’association MUCREFEKI organise les femmes en organisations de base de l’égalité entre homme et femme. Observez bien notre bureau. Vous voyez bien qu’il y a des hommes et des femmes. Dans nos organisations de base aussi cet équilibre existe. Il n’est pas bon que nous travaillions sans tenir compte de la parité. Chaque poste est occupé par une personne compétente quel que soit son sexe. Jacques: Que doit-on faire pour donner plus de parole et plus de place à la femme afin qu’elle participe aussi à la gestion du pays ou de la chose publique? Mamie : Il faut d’abord connaître la femme, ses besoins, ses aspirations et ses capacités. Ensuite lui laisser le temps pour qu’elle s’exprime, qu’elle fasse son choix. Il n’est pas bon d’imposer à la femme ce qu’elle ne veut pas.
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Getuigenis 3
Témoignange de Mademoiselle Judith Kambondo Judith Kambondo.a 28 ans. Elle est d’une famille de 6 enfants, 3 garçons et 3 filles. Elle vient de terminer ses études d’infirmière à l’ISTM (Institut Supérieur des Techniques Médicales). Pour le moment, elle va commencer le stage de perfectionnement dans un hôpital de Kikwit où elle a déposé son dossier. Elle attend la réponse. Jacques: Voulez-vous me donner votre point de vue sur le GENRE, y-a-t-il égalité entre l’homme et la femme? Judith Kambondo: Je vais essayer de donner mon avis d’après ce que je vis et ce que je vois à ce sujet. A l’école, chacun travaille comme il faut. Le résultat dépend de la façon dont chaque personne s’y met, garçon ou fille. Là, il n’y a pas de différence entre l’homme et la femme. Chacun a les points qu’il mérite. Mais dans la société, en dehors de l’école, la différence ou la discrimination commence. L’homme a plus de chance d’être embauché que la femme. Jacques: D’où vient cette différence ou discrimination? Judith: C’est difficile à répondre d’autant plus que l’homme est à la tête de presque toutes les “institutions”. Voyez par exemple à Kikwit dans l’administration publique ou privée, dans l’enseignement, dans le secteur de la santé. Même dans l’agriculture, domaine réservé à la femme, les responsables sont des hommes. Ce n’est pas du tout juste ! Nous apprenons que dans l’Assemblée Nationale à Kin24
miner en pourcentage l’octroi des postes de responsabilités à l’homme et à la femme. Même dans le marché du travail, au moment de l’engagement. Il y a beaucoup de jeunes qui ont des diplômes, mais qui sont au chômage. Mais le nombre de filles au chômage est plus élevé. Si la femme est associée de plus en plus dans la gestion de ce pays, beaucoup de choses vont changer rapidement, même ici à Kikwit. Je félicite la ville de Kikwit qui a compris ce problème de “Genre” ou l’égalité entre l’homme et la femme. Regardez, il y a 4 communes dans la ville. Nous avons 2 bourgmestres- hommes et 2 bourgmestres-femmes. Tout marche très bien, la ville est calme. Voilà l’exemple à suivre.
Judith Kabondo, infirmière
shasa, il y a 30 % de députés femmes alors que les femmes sont légèrement supérieures aux hommes , en termes de pourcentage. Est-ce cela l’égalité entre hommes et femmes? Jacques: Que suggérez-vous alors? Judith: Cela doit commencer à partir de la famille. Vivre réellement l’égalité entre papa et maman, garçons et filles. Dans nos quartiers à Kikwit, qu’on puisse nommer aussi les femmes “chefs de ces quartiers”. Elles ont autant de capacités que les hommes pour gérer et régler les problèmes qui surgissent. L’Etat congolais doit déter-
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bienvenue dans notre pays et à Kikwit en particulier. Jacques : Merci beaucoup de votre témoignage. Vous incarnez de fait le leadership compétent et engagé socialement à la base, comme dans la vision de la FONCABA. J’espère qu’elle appréciera et partagera avec ses lecteurs et amis. Vous êtes l’incarnation de la jeunesse qui croit dans leur force de transformation communautaire. Ensemble, avançons.
Jacques: dites moi mademoiselle Judith, en vous écoutant, je suis intrigué d’apprendre d’où vous tenez cette conviction profonde? Judith: Ecoutez papa Jacques, j’ai évolué dans un milieu où mes parents sont des défenseurs des droits humains de la première heure. J’ai grandi en entendant parler des souvenirs d’une organisation de Belgique qui appuyait des formations des animatrices et animateurs en les aidant à développer des actions de développement dans les communautés. Elle a partagé des façons de faire qui ont poussé les animateurs et leurs épouses à continuer des actions de défense des droits humains et d’égalité entre les hommes et les femmes à Kikwit et plus loin dans la province. Je suis persuadée que ce genre d’organismes qui octroyait aussi des bourses d’études à nos aînés est la FONCABA I KARIBU 153 I janvier, février, mars
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En route… 26
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LE DROIT A L’ALIMENTATION
Congo Vers la décennie des ignames ? Avant l’arrivée des Bantu, des Soudanais et des Nilotiques, dans les campements Pygmées de l’actuelle République démocratique du Congo, on mangeait les ignames et beaucoup d’autres produits forestiers non ligneux. Le père Jacques J. Paulus, sj, professeur à l’Unité d’Ecodéveloppement et d’Ethnobiologie à l’Université de Kinshasa (Unikin) et directeur de l’ONG JEEP (Jardins et Elevage de parcelles) attire à nouveau l’attention à la production des ignames.
tion vivrière, suivi par les bananes (8%), le maïs (4%), le riz (2%) et la patate douce (2%). Les ignames doivent se trouver environ dans les 1%. Avant 2021, après une “décennie nationale des ignames”, la production d’ignames comestibles devrait atteindre 8%, comme les bananes, diversifiant et améliorant quantitativement et surtout qualitativement la ration alimentaire de dizaines de millions de Congolais.
Une culture avec beaucoup de potentialités On se rend compte que depuis 20 ans ou plus, le manioc est en crise à répétitions: maladies virales, et autres. Comme il représente 73% des productions vivrières de la RDC, il a semblé logique de s’empresser à son chevet, d’où de nombreux projets nationaux et internationaux : sélection de variétés résistantes locales, introduction et acclimatation de variétés étrangères, …
Igname du jardin de la paroisse Ste Marie de Kimwenza-KINSHASA en 2012
Une denrée agricole authentiquement ancestrale Avant l’arrivée des Portugais au Congo, et avec eux de quelques variétés de manioc, dans les empires, les royaumes, les chefferies, les villages et les campements de l’actuelle RDC, on mangeait des 28
ignames, des bananes, des coléus, des pois de senteur sauvages (Sphenostylis stenocarpa), et des produits forestiers non ligneux, etc. Selon le ministère congolais de l’agriculture, le manioc occupe 73% de la produc-
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Il serait grand temps de compléter ces interventions curatives par un vaste programme de diversification des tubercules alimentaires et de ramener les ignames au moins à un rang équivalent à celui de la banane (8%). Les changements climatiques en cours fournissent aussi des arguments dans le même sens, celui de la promotion de l’agro-biodiversité. Rappelons-nous aussi que, selon les espèces et les variétés, les ignames contiennent jusqu’à 8 fois plus de protéines que le manioc. Pour les nutritionnistes, plus une alimentation est variée, meilleure elle est. En outre, d’autres acteurs non étatiques aimeraient aussi voir l’Etat mettre à la disposition des moyens appropriés pour promouvoir la filière igname: créer un réseau Ignames, un fonds pour le développement de la filière ignames, l’in-
Apport nutritionnel pour 100 gr d’igname :
Valeur énergétique 101.9 Cal
Sodium: 10 mg
Eau: 68.9 g
Vitamine A: 2 µg
Protéines: 2 g
ß-Carotine: 10 µg
Lipides: 0.1 g
Vitamine D: 0 µg
Glucides: 22.4 g
Vitamine E: 0.1 mg
Fibres alimentaires: 1.7 g
Vitamine C: 10 mg
Calcium: 25 mg
Vitamine B1: 0.09 mg
Fer: 0.9 mg
Vitamine B2: 0.03 mg
Magnésium: 65 mg
Vitamine B6: 0.19 mg
Phosphore: 44 mg
Vitamine B9: 13 µg
Potassium: 393 mg Selon les experts, l’igname contient jusqu’à 8 fois plus de protéines que le manioc. Il combat la kwashiorkor sans provoquer de maladie ni aucune autre forme d’empoisonnement. Source : www.i-dietetique.com
corporation de l’igname comme culture alimentaire prioritaire en RDC, la création de points de vente des ignames, l’information et la formation sur la filière ignames et sa vulgarisation, etc. Les ignames appartiennent toutes au genre Dioscorea qui compte environ 600 espèces connues à ce jour. Etant présentes depuis toujours, c’est à dire depuis des temps immémoriaux en RDC et en Afrique, les ignames possèdent une grande richesse et une très large diversité génétique (c’est à dire beaucoup d’espèces et d’innombrables variétés cultivées et sauvages de cueillette), ce qui n’est pas le cas du manioc venu il
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y a 5 siècles seulement, en petite quantité, d’Amérique du Sud sur les bateaux des négriers effectuant leur commerce triangulaire.
A quand la journée, l’année et même la décennie des ignames? Jacques J. Paulus, décembre 2013.
Les ignames peuvent produire plus de 20 tonnes à l’hectare en moins d’un an et se conservent assez facilement plusieurs mois. Leur valeur marchande est actuellement supérieure à celle du manioc en RDC. En général, les ignames ne doivent pas subir de détoxification comme le manioc. Elles poussent en savane (les espèces cultivées) comme en foret (surtout les espèces sauvages, de protoculture et de cueillette). On compte de 8 à 10 espèces cultivées en RD Congo. Les pygmées pratiquent la protoculture forestière de plusieurs espèces de cette plante. Les jeunes pousses et les feuilles de quelques espèces sont aussi consommées traditionnellement en RDC et ailleurs en Afrique. 30
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La FONCABA investit dans la formation de partenaires locaux autour de 5 thèmes : l’agriculture familiale et la sécurité alimentaire, la démocratie et les droits de l’homme, la prévention de conflits et la construction de la paix, l’éducation des jeunes et l’empowerment des femmes. La FONCABA développe une relation de partenariat honnête, ouverte et profonde, sur un pied d’égalité et basée sur le dialogue. La FONCABA choisit aussi une approche intégrale de l’homme et de sa communauté : les aspects économique, social, politique, culturel et spirituel s’y retrouvent.
Actions dans le Nord
De maniok staat voor 73% van de productie van de levensmiddelen
La FONCABA est une ONG de solidarité internationale, reconnue comme telle par les autorités belges, spécialisée dans le renforcement de la société civile en Afrique. Par des formations, les partenaires locaux et leurs groupes de base reçoivent la possibilité d’augmenter leurs compétences et de restituer leurs connaissances de manière efficace à d’autres. La FONCABA collabore directement et sur base de réciprocité avec des organisations africaines locales.
Les projets
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Les projets: • sont adaptés à la spécificité culturelle de la population locale • stimulent la culture démocratique • créent l’autopromotion • renforcent l’empowerment de la femme • prennent soin du système écologique • ne sont pas imposés mais naissent au sein de la population locale
La FONCABA participe à l’éducation au développement concernant la problématique Nord-Sud et sensibilise les intéressés, les organisations sociales et les sympathisants autour de l’importance de renforcer de manière durable les individus et les groupes au Sud sur base d’un dialogue honnête. La FONCABA participe activement aux campagnes du mouvement Nord-Sud, 11.1111 et le CNCD, comme l’action sur les objectifs millénaires, donne des avis (principalement sur l’Afrique Centrale) et attire l’attention sur les thèmes dans la revue KARIBU et via le site web.
Et Vous? La FONCABA est soutenue par des dons pour une partie de son travail de formation avec des organisations partenaires en Afrique. C’est pourquoi la FONCABA vous remercie 1000 x ! FINTRO : BE 94 1430 6786 22 14 (Pour les dons de 40 euros ou plus, vous recevez une attestation fiscale) KBA I KARIBU 153 I JANUARI, FEBRUARI, MAART
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Karibu est la revue de l’asbl FONCABA et paraît quatre fois par an. Abonnement: La revue est envoyée gratuitement à tous les intéressés
La FONCABA est une ONG reconnue par les autorités, spécialisée dans le renforcement des capacités de la société civile en Afrique. En optant pour la collaboration directe avec des partenaires locaux, les projets obtiennent des résultats durables et un grand ancrage dans la communauté locale. La FONCABA donne des outils pour que les Africains puissent prendre leur propre processus de développement en mains.
Rédaction: M-Bernadette Zubatse Luc Bonte Erick-Bayard Rwantango Dries Fransen Jean Lefèbvre Hendrik Demuynck Adresse: Rue du Progrès 333/03 B-1030 Bruxelles Tél. : 02 201 03 83 Fax : 02 205 17 39 e-mail : info@kba-foncaba.be www.kba-foncaba.be Editeur responsable: M-Bernadette Zubatse (Rue du Progrès 333/03 – 1030 Bruxelles) Photos: FONCABA, J. Kusambila, J.Paulus, site web Radio Okapi Layout et impression: De Riemaecker Printing bvba www.deriemaecker.be
Les articles n’expriment pas nécessairement l’opinion de la FONCABA. Cette revue est imprimée sur papier recyclé. Dit tijdschrift verschijnt ook in het Nederlands
OBJECTIFS DU Millenaire
191 pays ont signé un accord pour réduire la pauvreté vers 2015. Aidez-nous de rappeler aux politiciens leur promesse et à relever le défi. La pauvreté doit disparaître de notre planète!