santé N°112 / juillet - août 2009 / 1€ www.defense.gouv.fr/sante
Actualités du service de santé des armées
DRSSA de Metz
Pages 10 à 21
BÂTIMENTS DE LA MARINE S’ENTRAÎNER À SOIGNER LA PROTECTION BALISTIQUE DU COMBATTANT : UNE PRÉOCCUPATION INTERNATIONALE LES LABORATOIRES AÉROTRANSPORTABLES DU SPRA Pages 4 et 5
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Sommaire Activités opérationnelles Bâtiments de la marine s’entraîner à soigner
Pages 4 et 5
Vie du service La PMP de Brest et l’ECMMSSA de Mondeville ferment
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Les laboratoires aérotransportables du SPRA Page 24 Journée « forces, hôpitaux et institut » à Toulon
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En direct de la 40e session du CFMSSA
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Actualités scientifiques La protection balistique du combattant : une préoccupation internationale Pages 8 et 9
Dossier La direction régionale du service de santé des armées de Metz Pages 10 à 21
Exercice Des Mirages français en Alaska
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Médecin réserviste à l’exercice
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Quoi de neuf
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© photo couverture : SMCN (R) Benoît Leduc
Camp de Mourmelon - Exercice Fortel 2008 Direction centrale du service de santé des armées Bureau communication et information Fort neuf de Vincennes - Cours des Maréchaux 75614 Paris Cedex 12 - Tél : 01 41 93 27 77 Mél : bcissa@sante.interarmees.defense.gouv.fr www.defense.gouv.fr/sante Directeur de la publication : Médecin général inspecteur Joël Marionnet Rédacteur en chef : Médecin chef des services Anne Robert
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Secrétaire de rédaction : Infirmier anesthésiste cadre de santé Alexandre Schauer Maquettiste PAO : Secrétaire médical de classe normale Irina Toussaint ép. Vincent Impression : Pôle graphique de Tulle BP 290 - 19007 Tulle Cedex - Tél : 05 55 93 61 00 Edition : DICOD 1, place Joffre - 75007 Paris Abonnements : ECPAD 2 à 8 route du Fort - 94205 Ivry sur Seine Tél : 01 49 60 52 44 Numéro de commission paritaire : N°0211 B05691 ISSN : 1165-2268 Dépôt légal : Mars 2009 Tirage : 17 300 exemplaires 6 numéros annuels
Service de Santé des Armées
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Activités opérationnelles
Bâtiments de la
s’entraîner à s Le service de santé d’une force navale a pour mission d’assurer la médecine de soins, d’expertise et de prévention. Il participe aussi navigantes. La disponibilité d’une compétence médico-chirurgicale, paramédicale et secouriste, d’une capacité en équipements d adapté d’entraînement santé et la maîtrise des risques sanitaires sont les quatre grands axes de sa participation. Secourir et soigner Selon la mission, la présence d’une équipe chirurgicale à bord peut s’avérer indispensable. Une situation caractéristique concerne les patrouilles de Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) où le service médical se compose d’un médecin et de deux infirmiers, pour faire face à la plupart des urgences de manière autonome. L’indispensable entretien des connaissances et du savoir-faire de cette équipe représente un investissement considérable.
Pour des déploiements de moindre envergure, la compétence santé s’appuie sur le binôme médecininfirmier voire la seule présence de l’infirmier. Cette dernière posture correspond à la plupart des missions des Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA). Le rôle du chef du service de santé de la force navale consiste à éclairer le commandement sur le niveau médico-chirurgical à mettre en œuvre pour chaque type de mission. Il veille à pourvoir une compétence secouriste au sein de l’équipage. Celle-ci est cruciale lorsqu’un petit
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Adapter les équipements Pour chaque type de bâtiment de surface et de sous-marin, l’ensemble des équipements, des médicaments et consommables santé est inventorié dans un Etat d’allocation en matériel (EAM) santé. Il inclut aussi les moyens de prévention et de traitement utilisables face au risque NRBC1. Selon la mission ou la situation opérationnelle du bâtiment, des lots complémentaires chirurgicaux, gynécologiques, pédiatriques ou dentaires sont embarqués. Le maintien en condition opérationnelle des équipements nécessite des investissements financiers importants. Les contraintes budgétaires actuelles impliquent des choix éclairés et une rationalisation des dépenses. Pour les bâtiments de surface, la perspective de dotation de nouvelles trousses du combattant conduit à s’interroger sur l’opportunité de mettre à la disposition des marins des trousses individuelles de secourisme.
Renforcer l’entraînement Pour retrouver un niveau adapté, l’entraînement est une phase prépondérante de la préparation opérationnelle. Ces dernières années, la raréfaction de la ressource médicale embarquée l’a rendu problématique. Plusieurs voies sont explorées telles que l’établissement d’une doctrine encadrant les pratiques de secours, la conception Actu Santé - N°
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© photos: Olivier Merlin
De même, lors du déploiement du groupe aéronaval, c’est l’Elément chirurgical embarqué (ECE) qui vient étoffer la fonction santé du porte-avions. Il se compose de trois spécialistes hospitaliers et de six paramédicaux. Dans l’hypothèse d’un conf lit naval de haute intensité, des capacités médicochirurgicales comparables à celle d’un Hôpital médico-chirurgical (HMC) peuvent être regroupées à bord d’un bâtiment de projection et de commandement.
bâtiment, sans médecin ni infirmier, se trouve en situation de combat mais également quand une grosse unité est confrontée à des pertes massives.
Exercice à bord du Jean Bart
de schémas d’intervention ou les modalités d’évaluation des pratiques recensées. L’ensemble de l’équipage doit s’impliquer afin que chaque marin soit en mesure de prodiguer les gestes de premier secours, de relève et de brancardage. C’est l’entraînement de toute la chaîne santé, qu’il s’agisse des médecins, des paramédicaux ou des secouristes, qui doit susciter intérêt et vigilance. Le maintien d’un niveau suffisant passe nécessairement par l’entretien de certains savoir-faire techniques de haut niveau. Les forces navales sollicitent régulièrement les Hôpitaux d’instruction des armées (HIA) afin de contribuer à la formation opérationnelle des personnels. Ces activités prennent une place prépondérante dans les unités de la Force océanique
Activités opérationnelles
a marine
soigner e aussi à la préparation opérationnelle des unités ments de diagnostic et de traitement, un niveau
Bureaux d’un EMO 1- effectifs 2- renseignement 3- conduite 4- soutien 5- planification 6- systèmes d’information et de communication 7- doctrine 8- finances 9- actions civilomilitaires
embarqué. Il incombe au service de santé de la force navale de mettre en place les procédures permettant d’exercer de façon efficace, pragmatique, crédible et traçable, la responsabilité de la situation sanitaire des bâtiments. Par décret du ministère chargé de la santé, les médecins militaires sont habilités, depuis 2007, à délivrer le certificat ou l’exemption de contrôle sanitaire au bénéfice des bâtiments des marines française et étrangères. Ce certificat nécessite des visites préalables de contrôle et d’inspection associant les médecins militaires, les services vétérinaires et les prestataires de la marine qui constatent l’absence de nuisibles (rats et insectes) à bord.
stratégique (FOST). Elles y sont formalisées et des créneaux de temps leur sont réservés.
Prévenir les risques sanitaires Les bâtiments de la marine entrent désormais dans le champ d’application du règlement sanitaire international, dont la version 2005 élargit considérablement la maîtrise des risques liés aux maladies transmissibles. La menace d’une pandémie grippale ou de la dissémination, au gré des migrations humaines, des germes responsables de fièvres émergentes n’est évidemment pas étrangère à cette évolution. Au-delà de tout aspect réglementaire, la prévention des risques sanitaires est une préoccupation du médecin
Ainsi, les services de santé des forces navales ne se résument pas à des ensembles de médecins et infirmiers oeuvrant dans des cabinets médicaux embarqués. Ils contribuent activement à la préparation opérationnelle des bâtiments. Ils confrontent et ajustent, en permanence, aux exigences de la mission, les capacités humaines et matérielles, le niveau d’entraînement des personnels impliqués dans les secours et la situation sanitaire des bâtiments. Médecin chef des services Yves Claudot Force d’action navale Médecin chef des services Hubert de Carbonnières Forces sous-marines
1 NRBC : nucléaire, radiologique, biologique et chimique.
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état-major opérationnel santé, une nouveauté La réforme du commandement stratégique des opérations réunira à Balard tous les acteurs centraux du domaine opérationnel.
A
l’identique des trois armées, qui disposent d’un Etat-major opérationnel (EMO), la Direction centrale du service de santé des armées (DCSSA) a proposé la création d’un EMO santé par évolution de son bureau opérations. Cette mesure prendra effet au 1er septembre prochain. Dans un premier temps, l’EMO santé regroupera fonctionnellement une quinzaine de personnes réparties dans différents bureaux de la DCSSA. Il s’établira, en 2014, avec les autres EMO sur le site de Balard. Un EMO travaille en miroir du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des armées. Les appellations au sein des EMO sont codifiées par des lettres. Le CPCO, qui est interarmées, est défini par la lettre J (Joint), l’armée de terre par G (Ground), l’armée de l’air par A et la marine par N (Navy). La lettre M (Medical) a été retenue pour le SSA. A l’instar de l’OTAN, les bureaux sont numérotés de 1 à 9 (voir encart). Ainsi, M1 sera chargé de la conduite des relèves de personnels, M2 de l’évaluation des risques sanitaires, M3 des MEDEVAC stratégiques et M4 de la distribution des produits de santé en OPEX. Ce système permet de traiter rapidement l’information. Par exemple, l’organisation d’une réunion de planification consiste pour J5 (CPCO/planification) à convoquer ses homologues des quatre EMO (G5, A5, N5 et M5). Médecin en chef Edouard Halbert DCSSA - Chef du bureau opérations
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Vie du service
La PMP de Brest et l’ECMMSSA de Mondeville ferment L
Que deviennent les personnels ? Une procédure de reclassement des personnels a été mise en œuvre conformément aux dispositions du Plan d’accompagnement des restructurations (PAR) de janvier 2009. Elle se traduit par des affectations au sein du Service de santé des armées (SSA) ou d’autres formations de la défense, par des détachements auprès de collectivités territoriales locales et des départs volontaires avec indemnité. Actuellement, moins de cinq personnels n’ont pas encore pris de décision sur les trois propositions d’affectation dans les établissements du SSA qui leur ont été transmises. Pharmacien chef des services François Queguiner DAPSA - Orléans
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Une vocation maritime L
a PMP de Brest est l’héritière santé de l’arrondissement maritime. d’une apothicairerie centrale En 1991, avec la mise en place du plan du port créée par une Armées 2000, les PMP sont rattachées ordonnance du 15 avril 1689, à la Direction des approvisionnements rédigée par Colbert, qui organise et des établissements centraux (DAEC) tout le fonctionnement de la Marine. du SSA. C’est en 1767 qu’une ordonnance royale institue le corps des apothicaires de la Marine. Un arrêté du 7 février 1798 précise entre autres que « les pharmacies des hôpitaux de la marine seront toujours approvisionnées d’une quantité suffisante de drogues simples et composées, pour le service des hôpitaux et Révision d’un coffre marine pour les formations des à la PMP de Brest coffres de remèdes ». Au siècle suivant, la multiplicité des En 1996, l’évolution des forces tâches et la complexification du maritimes et du service de santé se ravitaillement sanitaire imposent la traduisent par la fermeture des PMP séparation du service pharmaceutique de Cherbourg, Lorient et Toulon. Seule en deux : l’un soutenant l’hôpital et celle de Brest reste en fonctionnement. l’autre dédié aux forces navales. Les A la suite du Livre blanc sur la défense décret et arrêté du 13 septembre et la sécurité nationale et de la RGPP, 1910 sont à l’origine des directions le SSA a engagé un programme de du service de santé des arrondistransformation qui prévoit notamment sements maritimes. Le directeur a une adaptation et une modernisation pour adjoint un pharmacien qui de ce dispositif de ravitaillement exerçe une autorité technique sur sanitaire. Dans ce cadre, la PMP de ces deux pharmacies. Brest passera le relais aux En 1968, à la suite de l’unification Etablissements de ravitaillement du fonctionnement des hôpitaux sanitaire des armées (ERSA) à la fin militaires et maritimes, les du mois de juillet 2009, soit plus de procédures d’approvisionnement sont 320 ans après sa création. réorganisées. Les établissements Pharmacien en chef pharmaceutiques chargés du Thierry Chapot ravitaillement des bâtiments Pharmacien (R) Lionel de Moissy prennent le nom de pharmacie PMP - Brest magasin du port. Ils sont placés sous l’autorité du directeur du service de © photo : DAPSA
e passage à une armée professionnelle et l’évolution du contrat opérationnel confié aux armées ont engendré une reconfiguration de la fonction "ravitaillement" du Service. En effet, le ravitaillement sanitaire orienté vers la pro pharmacie et la constitution de dotations de mobilisation est maintenant principalement ciblé sur la constitution des unités médicales opérationnelles pour le soutien des forces en opérations extérieures ainsi que sur l’approvisionnement des Hôpitaux d’instructions des armées (HIA) et des Services médicaux d’unité (SMU). La loi de programmation militaire 19972002 a initié cette évolution en resserrant ce dispositif avec la fermeture de six des sept établissements spécialisés dans la constitution et l’entretien des matériels de mobilisation et de trois des quatre pharmacies-magasins des ports. Les orientations des audits de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) poursuivent cette évolution en portant sur la réduction du dispositif de ravitaillement sanitaire, à travers la fermeture de trois établissements dont celui de l’Etablissement central de matériels de mobilisation du service de santé des armées (ECMMSSA) de Mondeville et de la Pharmacie magasin du port (PMP) de Brest dès 2009.
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Vie du service
De la mobilisation aux OPEX © photo : DAPSA
Ils concourent ensuite, notamment à partir de 1978, au soutien des opérations extérieures et de la force d’action rapide.
L’ECMMSSA de Mondeville
Le 1er janvier 1987, le magasin général et la pharmacie fusionnent pour devenir l’établissement central de matériels de mobilisation du service de santé des armées, commandé par un officier du corps technique et administratif.
L’
Etablissement central de matériels de mobilisation du service de santé des armées (ECMMSSA) est né sous sa configuration actuelle le 1er janvier 1987, date à laquelle a été opérée la fusion d’un magasin général et d’une pharmacie générale présents sur le même site, mais sous forme de deux établissements distincts.
L’ECMMSSA de Mondeville est situé à la sortie sud-est de la ville de Caen. Au XVIII e siècle y fut établi un domaine nobiliaire dont subsiste aujourd’hui un manoir, reconstruit en 1831. Il s’agissait alors d’un domaine d’exploitation agricole, d’une superficie d’environ huit hectares, traversé par le Biez, affluent de l’Orne.
L’ECMMSSA a fonctionné en activité pleine avec un effectif moyen d’environ cent personnels militaires et civils, majoritairement ouvriers d’Etat. Le recrutement a cessé en 1997. L’effectif a depuis lors diminué au gré des départs à la retraite. Il était de cinquante-quatre au moment de l’annonce de la fermeture en juillet 2008. Commandant Christophe Jubault ECMMSSA – Mondeville
© photo : DAPSA
Entre 1925 et 1930, le service des poudres installe un complexe pyrotechnique sur le domaine, dédié à la fabrication de munitions. Le site reçoit désormais l’appellation courante de « cartoucherie », qui embauche alors jusqu’à 2 000 ouvriers.
Par arrêté du 16 mars 1957, le domaine immobilier militaire de Mondeville est affecté au SSA. La nouvelle implantation prend effet au 1er août 1957, avec deux établissements distincts, le Magasin général du service de santé n° 39 (MGSS 39) et la Pharmacie générale du service de santé (PGSS) de Mondeville. Les deux établissements assurent, parallèlement au ravitaillement du « service courant » des hôpitaux et formations sanitaires de la 3e région militaire, l’entretien des dotations régionales de mobilisation. Ils sont en outre chargés du reconditionnement des stocks sanitaires rapatriés de Tunisie, du Maroc et d’Algérie.
L’activité de l’ECMMSSA a été, au cours des dernières décennies, étroitement associée au déploiement de formations sanitaires de campagne sur les différents théâtres d’opérations extérieures. Cet établissement a ainsi contribué au soutien opérationnel des forces armées sur tous les théâtres d’Irak, de Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, du Tchad, de Côte-d’Ivoire et d’Afghanistan.
L’établissement contribue dès la mobilisation de 1939 au renforcement des usines d’armement. Sous l’occupation, l’atelier de fabrication reprend son activité au profit du IIIe Reich. Les installations sont cédées en 1946 à la direction des études et fabrications d’armement.
Chaîne d’emballage à l’ECMMSSA de Mondeville Actu Santé - N°
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Actualités scientifiques
histoire des équipements de protection du combattant remonte à l'antiquité. L'évolution des combats, et surtout des techniques, a transformé les armures. Lorsque l’utilisation des armes à feu a rendu les plaques de métal obsolètes, de nouveaux équipements ont dû être recherchés. Il y a près d'un siècle, les protections contre les agressions balistiques ont commencé à se développer. Deux aspects sont cependant restés primordiaux et contradictoires à travers les siècles : la recherche, à la fois, d'une grande mobilité et d'une meilleure protection. Bien que les nouvelles solutions technologiques apportent une protection de plus en plus efficace, l'évolution des menaces et des armes remet constamment en question ces nouveaux équipements, aussi perfectionnés soient-ils.
Quant au blast, ou effet de souffle, il peut occasionner des lésions primaires provoquées par l'onde de choc, mais aussi des lésions secondaires de criblage dues aux projections, qui peuvent générer autant de dommages de type balistique. L’onde de pression proprement dite peut endommager les poumons, l’abdomen (colon, rate, foie, reins…) et le pôle céphalique (oreille, larynx, yeux,…).
Les effets des impacts non pénétrants
Il n’existe plus, aujourd’hui, de structure internationale pour la recherche sur les impacts non pénétrants. Cependant, des échanges internationaux se poursuivent. Ce travail permet de proposer de nouvelles solutions pour les matériaux de protection et d’anticiper les nouvelles menaces. Il sert également à identifier les lésions en fonction de l'agression en vue d’optimiser la prise en charge des blessés.
Les retours d'expérience des théâtres contemporains font état d'agressions d'un nouveau type. En effet, les engins explosifs improvisés (IED) se multiplient. Des calibres de plus en plus puissants sont utilisés comme les balles à noyau dur en tungstène ou en acier. Malgré son équipement de protection, le combattant est donc soumis aux effets potentiels des impacts non pénétrants. Ceux-ci peuvent être dus au blast lors d'une explosion ou encore à l'effet arrière de la tenue de protection lors de l'arrêt d'un projectile balistique. Causé par l'impact entre la protection et le corps du combattant, l'effet arrière peut provoquer des contusions, fractures au niveau du thorax mais également des traumatismes crâniens sous le casque de protection.
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Face au besoin de protéger l'individu contre ces nouvelles menaces, un groupe de travail international s'est réuni en avril dernier, à l'école du Valde-Grâce. Il est composé de chercheurs américains, belges britanniques, canadiens, néerlandais, danois, suédois, suisse et français, tous spécialistes en balistique lésionnelle. A l’origine, deux groupes successifs, pilotés par l’OTAN, avaient été créés à la fin des années 1990.
Un consensus sur les protections « Ces échanges sont fructueux et ont abouti à plusieurs résultats, explique le Médecin en chef (MC) Jean-Claude Sarron. On peut citer, à titre d’exemple, l’évolution des plaques souples des gilets de protection vers des plaques plus rigides, avec l’utilisation de la céramique. Le défit actuel est de trouver un matériau qui évite l’effet arrière et les contusions associées. » De nombreux champs sont explorés. Actu Santé - N°
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© photo : IRBA
la protection balistiq une pré du combattant : L’
interna
Modélisation numérique de l’effet d’un impact non pénétrant sur le thorax
Selon les équipes, les expérimentations s'effectuent sur des modèles numériques, physiques, notamment des mannequins équipés de divers capteurs et enfin sur le vivant, grâce à des modèles animaux. Tous présentent bien entendu leurs limites, puisqu'il ne peut y avoir de travail sur l'homme. Ces échanges internationaux ont donc fait évoluer les modèles et les protocoles afin de restituer au mieux les menaces auxquelles sont confrontés les combattants et les concepts de nouvelles protections. « L'utilisation, dans le respect le plus strict des règles d'éthique, du modèle animal, anesthésié, est encore aujourd'hui irremplaçable pour l'étude des effets physiopathologiques en balistique; explique le vétérinaire en chef Casimir Destombe. Néanmoins toutes les données enregistrées aujourd'hui nous permettent d'améliorer sans cesse les modèles numériques et de contribuer ainsi à limiter au maximum l'utilisation d'êtres vivants dans ce type d'études. »
Actualités scientifiques
ique © photo : IRBA
réoccupation nationale Un groupe international de chercheurs s'est réuni les 21 et 22 avril dernier à l'école du Val-de-Grâce. Objectif : mieux comprendre les effets physiologiques et physiques des impacts non pénétrants et proposer de nouvelles solutions de protection pour le combattant.
Ces dernières années, l'équipe française a mené un travail important, en collaboration avec la DGA et le SSA sur les tenues Félin. Cet équipement allie plusieurs types de protections (balistique, NRBC,...), couplées avec des systèmes de communication et de visée. Un des principaux objectifs reste l’amélioration de la qualité d'arrêt des plaques et la limitation des effets arrière. «Il faut désormais trouver des solutions d’amortisseurs anti-trauma au niveau des points vitaux tels la tête et le thorax, soutient le MC Sarron. Il faut aussi trouver le juste milieu entre des solutions efficaces et la mobilité du combattant. Aujourd’hui, on a certes la possibilité d'augmenter la surface protégée grâce au progrès sur la densité des matériaux, mais certaines zones restent toujours difficiles à couvrir.»
Des données de terrain difficiles à recueillir Les retours d’expérience américains des théâtres d’Irak et d'Afghanistan montrent que plus de 70% des blessés en action sont dus à des engins explosifs improvisés, 68% d’entre eux seraient des traumatisés crâniens. En réalité, il est extrêmement difficile d'obtenir des données de terrain. D'une manière générale, le nombre de blessés par IED est souvent sous-estimé car les sujets victimes de troubles modérés ne consultent pas forcément. Certains auteurs avancent cependant que 20% des soldats ayant servi en Afghanistan ou Irak pourraient souffrir de séquelles de traumatisme crânien et 30% de troubles neurologiques. Toutefois, les études de cas sont rares et les études épidémiologiques difficiles à réaliser. «L’absence d’informations exhaustives sur les retours d’expérience montre que nous devons continuer ce travail de mutualisation des connaissances, affirme le MC Sarron. Les nouvelles menaces doivent être anticipées. Un effort international devra donc porter sur le recueil et la transmission des données de terrain.» Emmanuelle Chartier EVDG - Cellule de formalisation des projets de recherche
Combattants équipés de la tenue Félin Actu Santé - N°
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Exercice
Des Mirages français en
Alaska
Du 16 avril au 1er mai 2009, cinq Mirage 2000D de la Base aérienne (BA) 133 de Nancy et trois Mirage 2000N de la BA 116 de Luxeuil participent à l’exercice Red flag Alaska 09-2. Cent cinquante Français dont quarante-six personnels navigants soutenus par un médecin et un infirmier sont déployés sur la base d’Eielson en Alaska. origine de ces exercices remonte à la guerre du Vietnam. De nombreux équipages disparaissaient au cours de leurs premières missions de guerre par manque d’expérience du combat. A l’occasion de Red flag les équipages effectuent jusqu’à dix missions d’intensité croissante sur la plus vase zone d’entraînement aéro-terrestre des Etats-Unis, le joint Pacific Alaska range complex.
L’
Mirage 2000D en vol au dessus de l’Alaska
Deux semaines intenses La mise en place nécessite un convoyage de cinq jours comprenant deux ravitailleurs C135FR, sur une distance de 11 500 kilomètres, avec deux survols océaniques et un décalage horaire de dix heures. Lajès aux Açores, Bangor dans le Maine et Winnipeg au Canada sont les trois escales nécessaires afin d’acheminer ce convoi. Des escadrons américains participent également à Red flag, notamment des F16 dont certains sont basés en Corée du Sud. Durant cette manœuvre, les chasseurs doivent pénétrer une zone hostile et déjouer les menaces sol-air et air-air, pour délivrer de l’armement inerte ou réel sur des objectifs terrestres. Ils réalisent aussi des missions de close air support1 que les équipages de 2000D effectuent régulièrement au profit de l’ISAF 2 en Afghanistan. D’autres participent à deux exercices de RESCO3. Le réalisme, l’intensité et l’ampleur des entraînements sont particulièrement profitables aux navigants comme aux mécaniciens.
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© photo: LTT LASCAUX
Un organisme éprouvé Le soutien médical commence dès le convoyage auquel participe le médecin. En dehors des affections intercurrentes habituelles, l’activité se concentre sur la gestion de la fatigue et du décalage horaire. Les phases de transit et d’exercice exposent tout le personnel à des durées de travail importantes. Les vols durent jusqu’à trois heures pendant l’exercice et plus de quatre heures pour le convoyage avec de longues phases de préparation et de restitution des missions. Grâce à une information collective avant le départ, les personnels s’adaptent rapidement à l’horaire local et s’astreignent à suivre le rythme de vie en Alaska. La prescription d’un somnifère afin de faciliter la resynchronisation et lutter contre les effets du jet lag s’avère nécessaire. Tous doivent s’adapter au climat. En effet, à 175 kilomètres au sud du cercle polaire arctique, les Actu Santé - N°
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températures vont de -10°C la nuit à 20°C en journée avec une hygrométrie très faible. Pour l’équipe santé, ce détachement est l’occasion d’échanger son expérience avec le personnel du groupe médical de la base d’Eielson et les renforts venus avec leurs escadrons pour participer à l’exercice. Les périodes de repos ont permis quelques visites des environs de la base pour découvrir l’histoire palpitante et la culture de ce territoire de pionniers, profiter des magnifiques paysages de l’Alaska, apercevoir sa faune sauvage et admirer le spectacle des aurores boréales. Médecin principal David Gras Infirmière de classe normale Mathilde Catteau Centre médical en BdDe - Nancy 1 Close air support: appui aérien rapproché des troupes au sol 2 ISAF : international stabilization and assistance force 3 RESCO : recherche sauvetage au combat
Exercice
Médecin réserviste à l’
exercice
Le médecin principal (R) Philippe Morales vit en Polynésie depuis près de 20 ans Il a participé à l’exercice Marara 2009 qui a eu lieu dans les îles Sous-le-Vent. Récit. © photos: DIASS Polynésie
Exercice de conditionnement d’un blessé
L’
exercice se déroule dans l’archipel de la Société sur les îles de Raiatea et Huahine, distantes respectivement de 220 et 170 kilomètres de Tahiti. Outre les forces armées de Polynésie française, des éléments se déplacent de NouvelleCalédonie, du Chili pour une opération de rétablissement de l’ordre durant une semaine. D’importants moyens maritimes, aériens et terrestres sont déployés. J’assure le soutien santé d’une compagnie du Régiment d’infanterie de marine du Pacifique – Polynésie (RIMaP-P). En raison du début d’une épidémie de dengue de type 4, dont l’île de Huahine se trouve indemne, l’exercice commence par une désinsectisation et une destruction des gîtes larvaires aux abords de la base-vie. Les recommandations d’usage sont prodiguées à l’ensemble du personnel : port de treillis manches longues imprégnés de répulsif, difficiles à supporter à en raison de la chaleur, désinsectisation des avions de transport et des tentes… Accompagné d’un infirmier et d’un brancardier-secouriste, doté d’un
véhicule sanitaire équipé de tout le matériel nécessaire, nous montons à bord du bâtiment de transport léger Dumont d’Urville chargé de convoyer hommes et matériel jusqu’à Uturoa, village principal de Raiatea. Arrivés au petit matin, nous sommes aussitôt mis en situation, partageant notre temps entre soins réels, blessés fictifs et attente des ordres d’évacuation sanitaire donnés par le médecin-chef du régiment, après sécurisation de zone. Les journées sont souvent longues, les nuits courtes, les repas constitués de rations de combat. Confrontés à des problèmes de liaison radio en raison de la topographie des lieux, et de transmission des ordres, nous réalisons combien les communications sont vitales à tous les niveaux d’intervention. S’agissant d’un exercice interallié, toutes les communications se font en anglais. Pour le soutien réel, nous disposons d’un téléphone satellitaire. L’impressionnant déploiement de forces armées, l’animation engendrée par l’exercice contrastent avec le calme habituel de ces îles. Aucun blessé grave Actu Santé - N°
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ni incident majeur n’est à déplorer durant l’exercice. Il y a vingt ans j’ai effectué mon service national civil aux Marquises, au titre de l’aide technique. L’immersion dans ce milieu est riche d’enseignement, tant au niveau pratique qu’humain. Aujourd’hui, je souhaiterais pouvoir la prolonger par une formation complémentaire, militaire et médico-militaire. Médecin principal (R) Philippe Morales DIASS Papeete
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Vie du service
Les laboratoires aérotransportables du SPRA En tout lieu et à tout moment, le Service de santé des armées (SSA) peut projeter ses installations de mesures radiotoxicologiques et anthroporadiométriques. Les laboratoires mobiles du Service de protection radiologique des armées (SPRA) de Clamart sont aérotransportables.
C’
est à l’occasion d’un exercice de sécurité nucléaire de niveau national sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, en avril 2009, que le SPRA a définitivement validé la projection par voie aérienne de son laboratoire mobile de surveillance de la contamination interne des personnels susceptibles d’être exposés aux rayonnements ionisants.
Trois véhicules de terrain Le diagnostic de contamination interne peut être effectué par l’analyse
radiotoxicologique d’échantillons biologiques (mucus nasal recueilli sur mouchoirs ou drapeaux, urines ou selles) ou par anthroporadiométrie. Pour effectuer ces examens sur le terrain, le SPRA dispose de trois véhicules complémentaires. Un véhicule laboratoire analyse les échantillons biologiques et deux véhicules dépistent une éventuelle contamination interne.
Des analyses de qualité Les points forts de ces laboratoires reposent sur leur potentiel en analyses (comptage ou identification des
principaux émetteurs alpha, bêta ou gamma) et leur capacité à fournir rapidement des résultats de qualité, tout en travaillant de concert avec le laboratoire du SPRA à Clamart. Ils permettent également l’analyse d’échantillons environnementaux (sols, eaux, végétaux). Un technicien du laboratoire de dosimétrie peut compléter le dispositif pour lire sur le terrain des dosimètres passifs. Grâce à cet ensemble de moyens, le SPRA peut mesurer simultanément l’exposition externe et interne des personnels impliqués dans un événement radiologique ou nucléaire.
Des laboratoires homologués La création des unités du laboratoire mobile du SPRA est le résultat d’un long processus d’homologation initié par le centre aéroporté de Toulouse et finalisé au centre d’expérience aérienne militaire de Mont-de-Marsan fin 2006. Pour l'aboutissement de ce projet il a fallu notamment concilier les impératifs suivants : souscrire aux conditions de gabarit imposées par les avions de transport de l'armée de l'air et conditionner les produits dangereux (réactifs, acides…) conformément à la réglementation internationale des transports aériens. En 2003, les laboratoires mobiles ont été validés par l’OTAN pour la prévention des risques radiologiques des combattants.
Embarquement d’un laboratoire mobile
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© photo: SPRA
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Médecin en chef Pierre Laroche SPRA – Clamart
Vie du service
Journée « forces, hôpitaux et institut » à Toulon Une journée « forces-hôpitaux-institut » s’est déroulée le 10 juin 2009 sur l’emprise du 1er / 11e régiment de cuirassiers de Carpiagne au sein de la Base de défense (BdD) de Marseille.
L
e thème principal de la journée est axé sur la prise en charge immédiate des victimes, militaires et civiles, sur les théâtres d’opérations et sur l’évolution des techniques médicales de l’avant. Les intervenants, médecins et infirmiers, viennent d’horizons différents : unités des trois armées, Ecole du personnel paramédical des armées (EPPA) de Toulon, Hôpitaux d’instruction des armées (HIA) Laveran et Sainte-Anne, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antennes de Toulon et de Marseille. Les cent cinquante auditeurs se composent d’invités civils et militaires
et de personnel santé des trois armées et de la gendarmerie. Les seize communications ont porté sur des thèmes aussi variés que : - le soutien santé de la marine dans la lutte contre le narcotrafic, l’assistance à des migrants et la préparation opérationnelle santé, - les particularités du théâtre afghan au travers des OMLT et de la cellule de régulation des blessés de Kaboul, - la prise en charge des seize blessés par balle lors de la journée portes ouvertes du 3e RPIMa et l’extraction d’un blessé à bord d’un char Leclerc, - les évacuations stratégiques
MORPHEE, - l’enseignement de l’urgence avec la prise en charge d’un blessé par des élèves infirmiers et l’évolution du CITERA, - l’incidence des effets de protection en traumatologie de guerre, la transfusion de sang total au combat, la perfusion intra-osseuse, le nouveau garrot du combattant et les pansements hémostatiques, - la conduite à tenir pour des sujets au contact d’un animal enragé, - l’actualité de la grippe A H1N1. Médecin en chef Vincent Laloge DRSSA Toulon
Présentation de véhicules blindés (VAB, VBL et char Leclerc)
© photo: DRSSA Toulon
Actu Santé - N°
112 - juillet - août 2009
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Vie du service
En direct de la 40e session du
CFMSSA
Le Conseil de la fonction militaire du service de santé des armées (CFMSSA) s’est réuni du 25 au 29 mai 2009, à l’Ecole du Val-de-Grâce (EVDG). La séance plénière a eu lieu sous la présidence du directeur central du Service de santé des armées (SSA).
D
urant cette semaine, les membres du CFMSSA réfléchissent et donnent leur avis sur des projets de textes à portée statutaire ou intéressant la condition militaire. Ils ont débattu également d’un thème d’actualité en ces temps de restructuration des armées, la mobilité géographique et professionnelle des militaires. Le dossier d’étude qui a servi de support a été élaboré par la Direction ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) et la sous-direction « Ressources humaines » (RH) de la DCSSA. Ce dossier comportait un point complet sur toutes les formes de mobilité, au sein des armées et à l’extérieur du ministère de la Défense par le biais du détachement, du détachementintégration, de la reconversion, des emplois réservés...
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Séance plénière
Actu Santé - N°
112 - juillet - août 2009
Cette 40e session, bien que dense, a été stimulante et enrichissante. Au sein du SSA, chacun est invité à prendre connaissance du communiqué du CFMSSA et à solliciter largement les membres qui ont siégé. L’idée reste d’obtenir davantage de précisions sur les travaux effectués et de faire part des problèmes et suggestions, en vue de la prochaine session. Médecin en chef Maryline Généro Secrétaire générale du CFMSSA
© photos : DCSSA
S’appuyant sur leur expérience personnelle et les difficultés portées quotidiennement à leur connaissance par leurs pairs, les membres du CFMSSA ont exprimé des demandes, notamment sur les mesures d’accompagnement de la mobilité géographique. Cette mobilité permet souvent de construire un parcours professionnel, mais comporte des contraintes que chacun connaît, sur le plan personnel et familial. Les représentants de la sous-direction RH ont présenté les parcours professionnels des praticiens, des MITHA et des OCTASSA, puis ont répondu à toutes les questions posées. Au cours de cette session, ont été également étudiées les réponses apportées par la DCSSA aux questions écrites que chacun peut poser tout au long de l’année par le biais des
membres du CFMSSA. Le thème spécifique du fonctionnement des centres médicaux en bases de défense a été abordé, avec une présentation par l’adjoint « bases de défense » au bureau « organisation ». Un nouveau point de situation est prévu lors de sessions ultérieures. Au cours de la séance plénière, le CFMSSA présente le fruit de ses travaux au directeur central. Dans une ambiance animée et constructive,
les membres lui ont fait part de leurs préoccupations ou de leurs attentes et lui ont posé des questions sur l’actualité et l’avenir du Service.