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La carte scolaire victime de la démographie
Quatre classes pourraient fermer dans les écoles élémentaires et maternelles d'Épernay à la rentrée de septembre prochain, en raison de la baisse des effectifs scolaires. Qui dit moins d'enfants, dit aussi moins d'habitants, une spirale que la ville ne parvient pas à enrayer.
Comme attendu, le couperet est tombé pour Épernay. Vendredi 24 mars, le Conseil départemental de l’Éducation nationale (CDEN) de la Marne a communiqué le résultat de la carte scolaire du premier degré, qui permet de connaître les ouvertures et fermetures de classe pour la rentrée de septembre 2023. C’est dans un contexte de « baisse constante des effectifs depuis plusieurs années » dans le département que celle-ci a été élaborée : entre les rentrées 2021 et 2022, le territoire a perdu 503 élèves et une nouvelle baisse de 515 élèves est prévue pour la rentrée prochaine. Seul lot de consolation, le taux d’encadrement du département devrait augmenter et atteindre 6,32 postes pour 100 élèves, contre 5,93 au niveau national. En conséquence, à Épernay, des fermetures de classes sont annoncées dans les maternelles Horticulture, Jancelins et Belle Noue (suppression du dispositif moins de 3 ans) et dans l’école élémentaire Vignes Blanches. Cela fait beaucoup pour une ville qui compte 1 700 élèves et 85 classes. Néanmoins, ce sombre tableau n’est pas encore définitif. Les inscriptions dans les écoles sparnaciennes ayant débuté lundi 27 mars, une hausse soudaine des effectifs permettrait d’empêcher des fermetures. La maire d’Épernay y croit. « La période des inscriptions a commencé et nous avons bon espoir d'une hausse des effectifs dans les écoles maternelles Horticulture et Langevin, explique Christine Mazy. Si tel était le cas, cela permettrait d’éviter une fermeture à l’école Horticulture et d’obtenir une ouverture de classe à l’école Langevin. » Malgré cette lueur d’espoir, le constat à la rentrée prochaine sera similaire aux autres années : Épernay perd des élèves… et des habitants. Troisième ville la plus peuplée de la Marne, la capitale du champagne frôlait les 30 000 âmes lors du recensement de 1975, quand elle n'en compte plus que 22 362 à l'issue de la dernière enquête démographique de l’Insee. Régulièrement tancé par l’opposition de gauche sur cet enjeu lorsqu’il était encore maire, Franck Leroy avançait invariablement le même argument : Épernay, cernée par les villages, les vignes, la forêt et la plaine inondable, n’a pas la possibilité de s’étendre et d’offrir de nouvelles solutions de logements, raison pour laquelle elle ne parvient pas à attirer de nouveaux habitants. Lui et sa majorité n'hésitent donc pas à valider les projets des différents bailleurs sociaux, lorsque ceux-ci proposent des opérations de rénovation ou de construction. Franck Leroy nous expliquait, l’an dernier, cette stratégie : « On a un parc locatif qui est souvent vieillissant, donc dès qu’on peut utiliser une part du foncier communal pour permettre à des logeurs d’investir et de répondre à une demande, on le fait, car ça renouvelle et améliore l’offre locative disponible. On est sur de la rénovation complète ou de la construction neuve, avec des normes meilleures que l’existant, c’est bénéfique. »
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À l’échelle de l’agglomération d’Épernay, les élus ont d’ailleurs réalisé un bilan d’étape du programme local de l’habitat, établi pour la période 2019-2025. Face à un scénario de croissance démographique trop optimiste retenu il y a quatre ans (+149 habitants par an) alors que la tendance est à la baisse (-217 habitants par an), ils ont dû changer leur fusil d’épaule. « Les chiffres étaient trop ambitieux, on a donc revu nos objectifs de production de logements à la baisse, à 180 logements par an sur les trois dernières années, au lieu des 200 logements annuels inscrits initialement », explique Gilles Dulion, vice-président d’Épernay agglo Champagne. Concernant l’Opah (opération programmée d’amélioration de l’habitat) engagée à Épernay (des aides publiques pour les propriétaires qui souhaitent rénover les biens vieillissants du centre-ville), le premier bilan est décevant. « C’est une opération de niche, qui s’appuie sur un territoire très restreint du centre-ville, ajoute Gilles Dulion. L’habitat en
7 300 habitants en moins depuis 1975 centre-ville d’Épernay est très complexe, avec des problématiques de logements vacants, bien souvent situés au-dessus des commerces, avec des problèmes d’accès et de rénovation. Les résultats sont en deçà de nos attentes. » Pour le conseiller municipal d’opposition Antoine Humbert (Parti socialiste), le seul facteur de l’habitat n’explique pas l’érosion démographique : « Je veux bien croire que les habitants veulent un pavillon à l’extérieur de la ville ou du logement neuf, mais ce n’est pas à cause de cela qu’on a perdu 7 000 habitants en 40 ans. Il n’y a pas de recette miracle, mais je pense que la pression fiscale y est pour beaucoup, car les taux sont très élevés par rapport aux villes de même strate. » Dans un contexte d’inflation généralisée, la majorité a en effet tout récemment voté pour une augmentation de 2 % des impôts, soit 41,11 % pour la taxe foncière sur les propriétés bâties. « Je pense qu’on pourrait engager une diminution lente et progressive, pour ne pas mettre en péril les finances publiques, mais il faut aussi revoir certains investissements », selon l’élu de gauche. Il pointe du doigt le ballon captif, « une gabegie financière », avec 2 M€ de subventions programmées sur les douze prochaines années. « On aurait pu en faire autre chose. » Autre grief soulevé par Antoine Humbert, mais également par William Richard, le conseiller municipal communiste, le taux de chômage. Souvent présenté, à raison, comme excellent sur le bassin d’Épernay, celui-ci était compris, en 2019, pour la ville uniquement, entre 12,7 et 17 %, selon les méthodes de calcul de l’Insee. « C’est une tendance forte depuis des années, il n’y a pas d’emploi à Épernay et quasiment pas d’offre de formation, fustige William Richard. Il faut se battre pour une ville plus solidaire et des actions sociales plus marquées. Notre vision ne se réduit pas à l’avenue de Champagne. » Lui aussi déplore les investissements de la majorité, comme la construction du parking souterrain du Jard. « Quand on creuse un trou qui va coûter 7 à 8 M€, ça veut dire que l’argent est là, mais qu'il n’est pas utilisé pour construire une ville solidaire et équilibrée d’un point de vue humain. » Enfin, la majorité mise beaucoup sur le projet de construction du quartier Berges de Marne, à l’endroit des anciens ateliers de chemin de fer. La déconstruction a débuté, mais les premiers habitants ne sont pas attendus avant 2027. Où en sera la démographie à Épernay à ce moment-là ?
Simon Ksiazenicki
Une classe pour enfants autistes à Jancelins ?
En parallèle des fermetures de classe annoncées à Épernay, une bonne nouvelle pourrait venir de l’école Jancelins. L’Éducation nationale projette d’ouvrir une unité d'enseignement en maternelle autisme (UEMA) qui pourrait accueillir jusqu’à sept enfants autistes âgés de 3 à 6 ans. « On attend toujours le feu vert du ministère, mais c’est en bonne voie », croit savoir la maire d’Épernay, Christine Mazy, qui a envoyé un courrier au ministre Pap Ndiaye afin d’obtenir « rapidement » une réponse positive.