"Junkspace", "Non-Lieux", "Délaissés": des réserves pour la ville d'aujourd'hui ?

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ENSAM - école Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Luminy Directrice de mémoire Sarano Florence - S6 année 2012

«Junkspace», «Non-Lieux», «Délaissés»: des réserves pour la ville d’aujourd’hui? étudiante Kim Consigny



ENSAM - école Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Luminy Directrice de mémoire Sarano Florence - S6 année 2012

«Junkspace», «Non-Lieux», «Délaissés»: des réserves pour la ville d’aujourd’hui? étudiante Kim Consigny

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«Junkspace», «Non-Lieux», «Délaissés»: des réserves pour la ville d’aujourd’hui?

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Sommaire

INTRODUCTION

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CHAPITRE I: JUNKSPACE, VISION CYNIQUE DE LA RESERVE Le Junkspace, l’absence totale de logique 8 Circulation et désorganisation 10 Le tromphe du divertissement et du non retour 11 CHAPITRE II: NON-LIEU, L’ANTHROPOLOGIE DU RESERVE Le Non-Lieu, une notion anthropologiue et sociale 13 Le lieu et l’espace: deux notions à distinguer 16 Le Non-Lieu et son rapport à la surmodernité 17 La perte d’identité 21 CHAPITRE III: DELAISSES, DES RESERVES DANS LA VILLE? Les délaissés, limpensé de la ville 23 Différents espaces délaissés 26 Statut et origine: les racines d’une déconsidération 27 CHAPITRE IV: LES DELAISSES, DES RESERVES POUR UNE NOUVELLE VISION DE LA VILLE Dimension communautaire 30 Le Tiers Paysage, une réserve pour la vie 31 Détroit ville sauvage, un exemple de transformation 38 Patrick Bouchain, la diversité des possibles 40 CONCLUSION

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Introduction

Alors que la ville cherche aujourd’hui à se densifier à nouveau face à de nouvelles questions sociales et économiques, existe-t-il encore des réserves urbaines? Avant tout, qu’est ce qui peut constituer ces réserves? Quels lieux, quels territoires, quels espaces peuvent avoir ce statut? Où se situent-elles: dans le centre, en périphérie? Pour quelles raison ne sont-elles pas encore utilisées? La notion de «réserve» a plusieurs sens, et sa définition nous permet de considérer ses différentes qualités potentielles pour la ville d’aujourd’hui.

Premier sens: «Quantité mise de côté en vue d’un usage ultérieur au moment nécessaire.» Deuxième sens: «Ce qui est mis de côté par mesure de sauvegarde ou de protection.» Troisième sens: «Non engagé et laissé disponible.»

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Introduction

La réserve, c’est donc ce qui est laissé de côté, en prévision d’une utilisation prochaine et programmée. Elle peut aussi être un espace mis de côté dans le but de le protéger (c’est par exemple le cas de la réserve naturelle). Mais ce mot a aussi le sens de quelque chose de retenu, gardé de côté, qu’on ne touche et n’utilise pas, pour une raison ou pour une autre, et ainsi pour ce que l’on a de non encore utilisé, mais d’exploitable et de possible : une réserve pour le projet, et c’est ce qui nous intéresse plus particulièrement ici. Cependant, le terme de réserve peut induire une mise à l’écart volontaire, ce qui n’est pas le cas du délaissé, qui doit être plutôt considéré comme une réserve accidentelle, mais cependant bien réelle.

Interroger la fabrication de la ville d’aujourd’hui c’est interroger les réserves existantes pour son développement. J’ai choisi ce sujet parce que je voulais travailler sur la ville et sa fabrication, et c’est pour cette raison que j’ai décidé de travailler sur les réserves, parce qu’elles ont un fort potentiel de développement. Nous chercherons à exprimer en quoi ces réserves peuvent être des lieux de projets pour la ville telle qu’elle se dessine aujourd’hui : participative, moins planifiée qu’elle le fut à une certaine époque, forcée de travailler différemment d’auparavant à cause des échecs constatés aujourd’hui. Cette ville contemporaine doit s’adapter à de nouveaux constats, et ceux qui font cette ville devront apprendre à composer avec ces vides dans le maillage, pour les apprécier, les mettre en valeur, et finalement en faire quelque chose, transformer ces réserves en véritables espaces de projet. Cette idée de projet apparaît comme très liée à celle d’une dimension participative de la construction de la ville et du bâtiment, qui est une préoccupation nouvelle qui révèle

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Introduction

un besoin d’implication aussi bien de la part des habitants que des constructeurs, qui se tiennent parfois très à l’écart de la réalisation de leurs projets.

C’est dans ce sens et pour ces raisons que nous allons interroger ici les trois notions de «Junkspace», «Non Lieux» et de «Délaissés», en rapport avec la question de la réserve. Trois termes qui recouvrent trois notions différentes, parfois rapprochées ou confondues. Ils interrogent ces espaces que l’on a du mal à nommer, à définir et à identifier, parce qu’on ne veut pas les voir: les espaces délaissés, non investis, aussi bien dans l’espace physique de la ville que dans l’espace mental qu’on lui accorde. Ils traitent tous de la question de ces espaces en bordure ou au coeur de la ville qu’on a rejetés, laissés pour compte, en lien étroit avec les enjeux actuels d’un monde d’abord post industriel, puis post moderne.

Afin de révéler, d’interroger, de reconsidérer ces espaces comme pouvant constituer une réserve pour une ville futur, nous allons comparer ici sur trois notions que nous avons jugées comme des clefs pour aborder la notion de réserve: le Junkspace, constat cynique d’une impasse moderne dans la gestion urbaine proposé par l’architecte et théoricien Rem Koolhaas, le Non-Lieu, notion anthropologique définie par Marc Augé, dressant là aussi un constat, mais plus nuancé et pas sans appel à l’inverse de celui de Koolhaas, et enfin ce que l’on peut considérer comme leur traduction architecturale et urbaine via les délaissés, question qui a notamment beaucoup intéressé des architectes comme Patrick Bouchain et des paysagistes tels que Gilles Clément.

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Introduction

Nous développerons donc une comparaison entre ces notions, de façon à déterminer lesquelles peuvent aider à définir une réserve pour la ville d’aujourd’hui, mais aussi comment et pourquoi elles le pourraient, ce qu’il faudrait en faire, et quel est leur interet par rapport à un espace plus classique, et pas dévalorisé socialement comme le délaissé.

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Chapitre un Le Junkspace, vision cynique de la réserve

Le Junkspace est la première notion qui nous intéresse ici, bien qu’il soit historiquement apparu après le Non-Lieu, parce qu’il est le constat le moins nuancé, et le plus sans appel par rapport aux espaces laissés de côté. Le mot « Junkspace », néologisme inventé par Rem Koolhaas dans un ouvrage publié en 2001 1, définie «ce qui reste une fois que la modernisation a accompli son œuvre ou, plus précisément, ce qui coagule pendant que la modernisation suit son cours: sa retombée.». Il est l’espace non contrôlé produit par l’architecture moderne, son pendant; il prolifère, s’étend sans que l’on ait de prise sur lui, colonise le monde et l’espace. Il diffère du délaissé, d’abord parce qu’il est généralement un espace construit, mais aussi parce qu’il n’est pas un espace désinvesti. Il est utilisé, à l’opposé du délaissé, mais il peut en être rapproché, parce qu’il est désinvesti moralement, dénigré. On ne voit pas en lui une fin mais un état transitoire, temporaire, qui devrait amener à un autre état, mais cet autre état ne vient pas. Il n’a pas été voulu ou pensé, et c’est de là que vient sa mise à l’écart. Le Junkspace, l’absence totale de logique Le Junkspace apparaît comme le dommage collatéral d’une modernité qui n’a pas pensé à tout, ou qui aurait voulu tout contrôler mais aurait échoué (cf image 1). Il n’y a aucune logique dans le Junkspace, 1 Koolhaas Rem, «Junkspace», Paris, éd Manuels Payot, 2011 (traduit de l’anglais Junkspace, 2001)

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1. Image de lac ouverture de l’ouvrage Junkspace par Koolhaas

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Le Junkspace, vision cynique de la réserve aucun ordre, et, plus déstabilisant encore, aucune signification. Le Junkspace se crée de lui même, il n’a pas de sens parce que personne ne l’a pensé, n’a cherché à lui donner une signification ou même un rôle. Le Junkspace ne sert à rien, ce qui est très déstabilisant dans une société comme la notre, dans laquelle chaque chose a sa place et son but. C’est l’idée d’une addition sans fin, d’une prolifération infernale qui continue tant qu’il y a de l’espace, sans que l’on sache où, comment, pourquoi il s’arrêtera (ni s’il s’arrêtera simplement). Il n’y a pas un lieu spécifique du Junkspace, dans la mesure où il envahie tout : on le trouve partout, tout le temps, souvent là où l’on ne l’attend pas. Selon Rem Koolhaas, le Junkspace a pour but de départ l’idée de la Mégastructure dans laquelle viendraient s’insérer des systèmes. Seulement, l’échec de cette manière de construire la ville mène à une urbanisation où ne restent que les systèmes, sans les structures. De plus, « le changement a été coupé de l’idée d’amélioration»: sans l’idée de progrès comme valeur et comme but, le changement avance dans tous les sens sans se donner de direction précise, conférant à l’espace sa figure actuelle souvent désordonnée et exempte de logique claire : le Junkspace prolifère dans un schéma tentaculaire. Circulation et la désorganisation Rem Koolhaas considère également que l’espace de circulation en général est Junkspace : aviation, métro, autoroute... tous ces espaces que nous fréquentons tous, mais dans un seul but : aller d’un point à un autre. Ils ne constituent ainsi pas des lieux vécus, en ce qu’ils ne servent qu’au passage, et qu’ils ne sont jamais le but d’un déplacement mais un moyen. Mais l’on emprunte de plus en plus souvent ces espaces, et on finit par y passer beaucoup de temps, alors même qu’ils ne servent

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Le Junkspace, vision cynique de la réserve qu’au transit, leur donnant ainsi une importance qu’ils n’avaient pas à l’origine, et nous forçant à leur accorder une attention plus grande. Dans le Junkspace, il n’y a plus de plan : pour comprendre comment s’organise le Junkspace, il vaut mieux regarder un diagramme. Le plan n’a aucune sens dans le Junkspace, puisqu’il est le résultat d’une accumulation. D’autre part, abandonné, le Junkspace se dégrade : il n’a de sens que dans son augmentation perpétuelle, sans cette augmentation, il périclite. Il n’a en aucun cas pour but de durer : il n’a pas l’ambition d’une structure pérenne, mais seulement celle d’une expansion sans limites, infinie. Rem Koolhaas dit d’ailleurs que « le vieillissement n’existe pas dans le Junkspace, ou alors il est catastrophique. » Le triomphe du divertissement et le non retour L’auteur estime que l’on est passé avec le Junkspace d’une dictature politique à une dictature du divertissement. Cette note n’est pas sans rappeler Les Pensées de Pascal, qui soulignait déjà l’importance perpétuelle de cette idée qui a pourtant pour but de détourner l’esprit de l’essentiel, en dénonçant la vanité des préoccupations humaines. Et dans cette dictature du divertissement, l’espace entier devient vacances en permanence (et donc, plus jamais), le Junkspace anesthésie. On cherche le divertissement partout et tout le temps, et l’espace s’en ressent directement. Il y a une confusion dans le rôle des lieux, privé et public se mélangent. Dans le Junkspace, un point très important mérite d’être souligné : il n’y a pas de possibilité de rédemption. Rem Koolhaas pose le constat de son existence plus qu’il ne propose une solution. C’est avec cynisme

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Le Junkspace, vision cynique de la réserve qu’il dresse le portrait d’une société condamnée par le Junkspace, envahie et dépassée par quelque chose qu’elle a elle-même créé. Selon lui, le responsable de cette débâcle est l’architecture moderne, qui a voulu croire en elle-même en oubliant les valeurs du passé notamment via le principe de la table rase, et a créé en additionnant ses erreurs l’aberration du Junkspace.

Mais le Junkspace est finalement assez éloigné d’un espace capable de servir de réserve telle que nous l’avons définie ici, car il est, tout d’abord, un espace généralement construit, et également presque toujours utilisé (nous avons vu que le Junkspace s’effondre sur lui même lorsqu’il est abandonné). Or, l’essence même de la réserve réside dans le fait qu’elle est d’abord mise à l’écart et non utilisée, laissée en attente. Le problème du Junkspace n’est en aucun cas celui là, il découle plus d’une absence de sens dans sa croissance et non d’une absence d’utilisation, alors que la réserve ne demande qu’à s’imprégner d’un sens social, elle est comme en attente de cette attention que nous ne lui portons que trop rarement. Le Junkspace ne peut donc pas être considéré comme une réserve pour la ville, à laquelle il n’a plus rien à donner. Peut être faudra-t-il un jour le reconsidérer et se poser la question de sa reconversion, mais il existe aujourd’hui à part entière et n’a pas pour le moment vocation à se transformer, ni à servir de lieu de projet.

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Chapitre deux Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve

Une autre notion importante que l’on peut mettre en rapport avec la réserve dans la ville est le Non-Lieu. Là aussi, pas de proposition d’utilisation de ces espaces, il s’agit une fois encore d’un constat d’existence, d’une analyse du monde actuel. Néanmoins, il est important de se demander quelle est la valeur symbolique des ces espaces, ce qu’ils peuvent apporter à la notion de réserve en lui donnant une dimension nouvelle. Le Non-Lieu, une notion anthropologique et sociale Le Non-Lieu est une notion anthropologique exposée par Marc Augé dans « Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité » 2. Il s’oppose au lieu anthropologique tel que le définie l’auteur, et se construit dans cette relation: « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu.». Cette notion est indissociable de celle de surmodernité, puisqu’elle en découle: les Non-lieux ont toujours existé dans les sociétés humaines, mais de nouveaux types apparaissent avec la surmodernité (aéroports, infrastructures, etc). Pour Marc Augé, au sein du lieu, « la marque sociale du sol 2 AUGé Marc, «Non-Lieux», France, éd du Seuil, 1992

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve est d’autant plus nécessaire qu’elle n’est pas toujours originelle ». L’espace est tout à la fois ce qui permet à l’identité du groupe de s’exprimer et se construire, et ce qu’il doit défendre pour en garder le sens. Il a une forte valeur sociale et symbolique.

Si le lieu s’inscrit sans problème dans la modernité telle que la définie Starobinski : « Présence du passé au présent qui le revendique », ce n’est pas toujours le cas dans la Surmodernité : celle ci serait plutôt productrice de Non-Lieux. Ces espaces ne peuvent êtres considérés comme des lieux anthropologiques tels que les définie Augé, en ce qu’ils ne parviennent pas à intégrer le passé : on décide de le « conserver » au lieu de l’englober, de vivre avec ; on classe les traces du passé, les répertorie, elles sont circonscrites et considérées comme des « lieux de mémoire » et non plus comme des lieux en tant que tels. Ces lieux ne sont plus englobés dans une réalité contemporaine comme le faisait la ville il y encore quelques décennies, et ce nouveau rapport au passé induit également un nouveau rapport à la construction présente de la ville. Si l’idée de départ est de les mettre en valeur, ils souffrent d’une mise à distance, ils ne font plus partie de la vie globale qui les entoure puisque celle ci ne leur laisse pas de place en son sein. Ainsi, on passe avec la surmodernité à la production de Non-Lieux, et à l’individualité solitaire des lieux de passages tels que les réseaux de transports rapides (TGV, avion), les chaînes d’hôtels, les supermarchés... (cf image 2)

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2. Supermarché à Auckland, Nouvelle Zélande

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve Le lieu et l’espace: deux notions à distinguer Marc Augé pose en outre une grande différence entre les notions de lieu et d’espace. Il cite Michel de Certeau, qui n’oppose pas réellement le lieu à l’espace, mais propose de voir l’espace comme un « lieu pratiqué » : il fait une mise en parallèle du « lieu comme ensemble d’éléments coexistant dans un certain ordre et de l’espace comme animation de ces lieux par le déplacement d’un mobile ». Il s’appuie en outre sur l’idée de Merleau-Ponty qui inscrit dans « l’espace géométrique » un possible « espace anthropologique » dit « espace existentiel ». Il est dit existentiel parce qu’il participe d’une « expérience de relation au monde d’un être essentiellement situé en rapport avec un milieu ». Il y a donc deux points importants dans cet espace existentiel : à la fois cette expérience de présence au monde, et sa contingence avec le rapport à l’espace, ils sont indissociables, un milieu sans ce rapport au monde perd sa qualité. Cette double relation est importante, et elle entre en résonance avec la question de la réserve : elle aussi souffre, comme le Non-Lieu, d’une absence de présence au monde, puisque l’on décide de ne pas l’utiliser et de ne pas l’investir émotionnellement, du moins pour un temps puisque son devenir peut être justement d’être transformée. Mais Merleau-Ponty affirme qu’il en va de même de la relation de l’espace au lieu et du mot en lui même et du mot parlé : on « fait » un espace avec un lieu. Il distingue ainsi le « voir » du « faire », et donne l’exemple de la carte : auparavant, les cartes montraient essentiellement le chemin (et donc l’acte de parcourir, le faire), alors que les cartes actuelles font un état des choses que l’on peut trouver en un lieu, et non le cheminement pour le vivre (le voir). Nous verrons plus loin que le voir et le faire sont deux notions importantes aussi dans la réserve, et qu’ils créent une dynamique dans ces espaces.

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve

Le Non Lieu serait donc une absence du lieu à lui même, notamment via l’acte de nommer le lieu : en lui donnant une dénomination, on lui impose des caractères et une identité, nous dispensant ainsi de penser ce lieu, de chercher à le comprendre par nous même. C’est ce qui fait dire à Augé que « l’espace du voyageur serait ainsi l’archétype du non-lieu ». En le nommant, on évite de parler réellement de l’espace, d’y réfléchir, de le définir par nous-même. Le Non-Lieu se constitue selon deux points importants : l’un en rapport à certaines fins (le transport, le transit, le commerce), l’autre selon le rapport des individus à ces espaces. Mais sur la question du mot qui désigne le lieu, Augé propose aussi une théorie un peu différente de celle de De Certeau : il affirme que certains lieux n’existent que par let mots qui les évoque, ce qui fait d’eux des Non-Lieu, ou des lieux imaginaires. Il se rapproche ici de la notion d’hétérotopie développée par Foucault 3, pour qui les hétérotopies sont des réalisations physiques de l’utopie, étymologiquement, des lieux fondamentalement autres. Le Non-Lieu et son rapport à la Surmodernité Dans la surmodernité, le Non-Lieu se définie aussi par la multitude de textes qu’il nous impose : il communique avec nous via des directives qu’il nous donne. Augé relève trois types de textes : prescriptifs, prohibitifs, informatifs. Il note que dans les Non-Lieux (l’autoroute par exemple), nous sommes assaillis par des textes qui nous proposent de regarder des choses, d’en apprendre d’autres, etc, concentrant notre attention sur cette information pas toujours très utile (on nous signale la proximité de tel ou tel monument que l’on ne peut pourtant pas apercevoir) et non sur la chose en elle même. On se trouve 3 Foucault Michel, «Le corps utopique / Les hétérotopies», France, éd Lignes, 2010

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve comme dispensé de regard, et l’on passe à côté du lieu sans le vivre et sans le voir, tout juste en le nommant. Le fait de nous signaler la proximité de l’objet nous dispense de le voir et le regarder par nousmême. Dans le domaine du transport, on peut noter que la route et la voie ferrée existaient déjà à l’époque moderne, mais la relation au monde qui en découlait était très différente de celle que l’on trouve dans la surmodernité : tout d’abord, à la différence de l’autoroute qui contourne les agglomérations, la route nationale passait par les villes et les villages, et le texte que l’on pouvait croiser ne s’adressait pas directement à l’automobiliste (on pouvait déchiffrer des messages dans le village adressés aux piétons, ce qui est très différent des messages sur l’autoroute destinés aux seuls automobiliste, s’adressant à eux personnellement mais les visant tous). Pour ce qui est de la voie ferrée, le train traditionnel allait bien moins vite que l’actuel TGV, il longeait les maisons et invitait le voyageur à jeter un œil dans l’intimité des habitations qu’il côtoyait. On est loin du Train à Grande Vitesse, occupé seulement à nous faire trouver le temps un peu moins long entre le point de départ et celui de l’arrivée. Marc Augé souligne d’ailleurs ce changement en utilisant deux dénominations différentes : « voyageur » pour celui qui prend le train qui sillonne le territoire en le regardant, « passager » pour celui qui le traverse à toute vitesse dans un TGV. De cette nouvelle manière de se déplacer découle un perte de connaissance du territoire, on ne vit plus ces lieux, qui deviennent alors des Non-Lieux. Les interpellations citées plus avant à propos de l’autoroute n’existent pas que sur celle-ci : les Non-Lieux sont multiples, et la plupart ont cette propriété de s’adresser à chacun d’entre nous en même temps et indifféremment : elles visent l’homme moyen que fait de nous le Non-Lieu. L’utilisateur a avec celui-ci une relation

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3. AĂŠroport de Toulouse

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve contractuelle : on pense au ticket d’autoroute, au billet d’avion, à la carte bleue pour régler ses courses... (cf image 3) De là, l’auteur estime que l’utilisateur est toujours tenu d’en quelque sorte « prouver son innocence », de justifier de son identité à l’entrée du Non-Lieu pour ensuite pouvoir sombrer dans cette solitude a-identitaire qui en est caractéristique. Et finalement, un étranger se sent plus à l’aise dans un Non-Lieu, semblable dans la plupart des pays, qu’ailleurs, puisqu’il s’y retrouve. Le Non-Lieux, c’est la fin de l’exotique.

C’est pourquoi il est particulièrement intéressant de se rendre compte du fait que plus les Non-Lieux prennent de place dans nos vies et dans la ville que nous pratiquons, et plus le désir d’authenticité augmente lui aussi, ce qui fait dire à Marc Augé que « le retour au lieu est le recours de celui qui fréquente les Non-Lieux » (ce qui est manifeste par exemple dans le désir d’acquérir une maison de campagne, à laquelle on se rend à des dates précises par l’autoroute... encore, ou dans la transformations des boutiques des aires d’autoroutes en véritables promoteurs de la région dans laquelle elles sont situées). On se rend également compte que dans le cas de la réserve, on se trouve souvent face à des projets qui jouent la carte du retour au lieu, à la terre, à l’authenticité et au partage, comme si les valeurs (ou les non valeurs?) du Non-Lieu poussaient à un retour en arrière, vers des repères plus anciens, éloignés des préoccupations jugées futiles associées au Junkspace ou au Non-Lieu.

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve La perte de l’identité L’auteur liste également une série de termes que l’on peut opposer : d’un côté le lieu, de l’autre le Non-Lieu :

transit / demeure échangeur / carrefour passager / voyageur ensemble / monument communication / langue

Le Non-Lieu est comme une immense parenthèse dans la vie, il est le contraire absolu d’une utopie, bien qu’il possède une caractéristique en commun avec elle, celle d’être un anti espace vécu. Marc Augé dresse un constat dans son livre, sans pour autant condamner ce qu’il a mis en lumière : le Non-Lieu existe, intimement lié à la surmodernité, mais il n’est ni une fatalité, ni quelque chose de dramatique : simplement, il existe. Il apparaît donc comme étant en marge des lieux pratiqués, il est comme le Junkspace la plupart du temps un espace construit (mais pas toujours, car on ne peut considérer un train ou un avion comme un bâtiment à proprement parler). Il nous permet de considérer différemment la réserve, et de ne pas simplement

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Le Non-Lieu, l’anthropologie de la réserve la voir comme un espace physiquement vide, mais comme un espace à l’origine vide de sens, qui a la possibilité cependant d’absorber ce sens qui lui manque, et que nous pouvons lui donner, pour trouver de nouvelles qualités et cesser d’être un espace isolé. Le Non-Lieu éclaire la réserve d’un sens social fort, qu’il faut prendre en considération dans les actions que l’on mènera avec celle-ci, pour ne pas passer à côté d’une dimension vraiment importante. Il nous aide à reconsidérer la réserve, mais l’on constate que le Non-Lieu en lui-même n’est pas une réserve pour la ville: on pourra en faire quelque chose, mais il n’est pas un espace libre où tout reste à faire.

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Chapitre trois Le Délaissé, une réserve dans la ville?

Nous avons étudié les différentes caractéristiques du Junkspace et du Non-Lieu, mettant en évidence leur commun manque de sens, de valeur émotionnelle dans la ville. La comparaison de ces deux notions nous conduit à nous interroger à propos du délaissé, en tant que tel tout d’abord et aussi en tant que possible réserve pour une construction différente de la ville contemporaine. Les délaissés: l’impensé de la ville. En amont de ce questionnement sur les espaces délaissés, se situe le moment du constat de leur existence, de la prise de conscience de leur place (et de leur absence de reconnaissance) dans la ville contemporaine. Un constat, mais surtout une prise de conscience: constater que la ville si dense, toujours à la recherche de nouvelles parcelles pour construire, nie ces espaces, s’en détourne, refuse de leur reconnaître une existence administrative, un statut propre, une possible vie nouvelle, provoque une interrogation: pourquoi sont-ils ainsi mis à l’écart? Ces espaces, qui appartiennent pourtant à la ville, sont laissés de côté, on ne s’en préoccupe pas, ils ne sont pas nommés, oubliés, ils en deviennent indéfinissables. (cf image 4) Pour différentes raison que

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Le Délaissé, une réserve dans la ville? nous expliquerons ici, les délaissés sont abandonnés, physiquement mais surtout moralement, ce qui a des conséquences plus grave sur la pensée de la ville. On refuse de les intégrer à l’urbain, parce qu’ils diffèrent trop de l’idée qu’on en a, alors même qu’ils peuvent avoir des qualités importantes que l’on ne retrouve pas dans d’autres terrains.

Comme le souligne Romain Paris dans son texte « La valeur des délaissés » publié dans l’ouvrage «Construire Autrement»*, c’est de la diversité des délaissés que naît leur absence de statut administratif. Il existe bien quelques dénominations pour des espaces ruraux en friches (encore que ceux-ci ne soient nommés que dans le but de leur redonner à terme la rentabilité qu’ont leurs voisins), mais les délaissés urbains, eux, souffrent d’une absence totale d’existence juridique. Mais les découvrir, s’intéresser à eux, c’est déjà leur donner une nouvelle vie, ré-injecter en eux l’espoir d’une transformation (et ce faisant, passer d’un délaissé à un espace investi, en faire un lieu qui perd les qualités du délaissé au profit de nouvelles qualités, fruits de la rencontre du projet avec cet espace particulier). Un recensement de ces espaces pourrait permettre, en les considérant, de leur redonner une valeur, de reprendre en considération leur existence dans la ville puisqu’ils seraient nommés et classés selon leurs qualités. Mais pour entreprendre un recensement, il faut encore être capable de les identifier, les définir, et comprendre d’où ils viennent, pourquoi ils sont là, et quelle a été leur existence jusqu’à aujourd’hui.

* Bouchain Patrick, Construire autrement, France, éd L’impensé Acte Sud, 2006

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4. Délaissé aux abords d’une infrastructure

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Le Délaissé, une réserve dans la ville? Différents espaces délaissés Ces espaces délaissés sont multiples: certains sont de simples terrains vagues laissés à l’abandon (chantiers arrêtés, constructions démolies, etc), d’autres sont les marques d’un passé industriel aujourd’hui révolu (friches d’anciennes usines dont l’activité a cessé, entrepôts vides de leurs marchandises depuis longtemps), ou encore des terrains prêts dédiés à des activités qu’on n’a finalement pas amenées... Ils peuvent aussi naître de problèmes administratifs et exister depuis longtemps, de vieilles maisons abandonnées, parfois aussi, pour les plus récents, découler des infrastructures telles que les voies ferrées, les autoroutes, tous ces lieux qui ne sont pas pensés pour être vécus, mais pour être traversés seulement, pour équiper le territoire. Comme nous l’avons noté plus haut avec le Junkspace, toute construction produit immanquablement du vide autour d’elle, et ainsi naissent de nouveaux espaces délaissés (c’est particulièrement vrai pour les infrastructures, dont la ville essaie de se tenir à l’écart, créant ainsi des « zones tampon » laissées telles que). A chaque fois que l’on construit quelque chose, on produit du délaissé. Ces lieux créent une multitude de zones désinvesties aussi bien physiquement que mentalement. Comme le constate Romain Paris dans un texte extrait de «Construire autrement» de Patrick Bouchain 4, «La diversité des cas et des situations est grande entre friches économiques, bases militaires abandonnées, délaissés aux abords d’infrastructures, franges des grands ensembles, confins de zones commerciales et lotissements pavillonnaires aux limites floues.» C’est de ces grandes différences que naît l’incapacité évoquée précédemment à classer, nommer et qualifier ces espaces.

4 Bouchain Patrick, «Construire autrement», France, éd L’impensé Acte Sud, 2006

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Le Délaissé, une réserve dans la ville? Statut et origine: les racines d’une déconsidération Les délaissés souffrent donc d’une absence de statut dans la pensée que les habitants se font d’une ville: leur absence de dénomination et de considération les empêche d’avoir la place qu’ils devraient occuper dans l’image de la ville. Souvent, ils n’apparaissent sur les cartes que comme des blancs, des espaces laissés hors de l’intérêt que suscitent les autres. Ils ne sont pas définis par leurs qualités mais par l’absence de celles ci, ils ne sont pas, ils sont l’absence de quelque chose. Ils sont ce qui reste une fois que tous les autres espaces ont été nommés, qualifiés : on ne les définie pas par le positif, mais par le négatif. On ne les nomme pas, ne les classe pas: on ne leur accorde pas l’attention que l’ont peut accorder à d’autres espaces, on refuse de les qualifier et par là même d’accepter leur existence dans la ville. En effet, s’ils ont probablement toujours existé, ils prolifèrent aujourd’hui, et renvoient de la ville la désagréable image d’une faillite, de l’échec d’un idéal.

Patrick Degeorges et Antoine Nochy notent, toujours dans «Construire autrement» 5, que les délaissés « sont les restes d’une division qui ne tombe pas juste, les chutes du découpage fonctionnel de l’espace ». C’est donc d’une volonté de diviser, de classer et d’organiser l’espace via de grandes opérations urbaines que l’on crée du délaissé. Tous les espaces qui ne rentrent pas dans les cases prévus par un urbanisme parfois abusif se trouvent mis à l’écart et créent ensuite ces zones mises de côté. Or, l’époque de cet urbanisme qui ne tient compte que d’une volonté de « faire de la ville » organisée, claire, est révolue, et il faut désormais apprendre à composer avec ces espaces qui existent et qu’on a voulu nier jusqu’ici, parce qu’ils représentaient tout ce que l’urbanisme et ceux qui font la ville voulaient éviter, et 5 Bouchain Patrick, «Construire autrement», France, éd L’impensé Acte Sud, 2006

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Le Délaissé, une réserve dans la ville? qu’ils ont pourtant produit. Le problème de ces espaces est aussi qu’ils ne s’inscrivent plus dans un contexte, puisque celui de leur origine a disparu : ils se trouvent alors coupés de ce à quoi ils appartenaient, et on peine à les lier à quelque chose, à les identifier clairement. Ils ne sont reliés à rien, n’ont plus d’appartenance, et ainsi on ne les comprend plus. La représentation de la ville les oublie, volontairement ou non, et celle ci voit donc fleurir en son sein toujours plus d’espaces sans fonction, oubliés, laissés de côté, dédaignés: on ne sait pas comment les valoriser. Ils sont pointés du doigt comme des lieux où le pouvoir de l’homme faiblit, où la nature reprend ses droits sur l’homme : le besoin de montrer sa suprématie pousse l’homme à dénigrer le délaissé, qu’il comprend comme un synonyme d’échec.

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5. Jardins ouvriers Ă Marseille

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Chapitre quatre Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville

Dimension communautaire L’intérêt de ces espaces est avant tout qu’ils n’ont pas vocation à accueillir un bâtiment, ou le type de bâtiment qu’on veut y construire. Mais du fait qu’ils ne sont à priori pas appropriés pour être investis par telles ou telles idées découle une certaine liberté: ils ne sont finalement plus faits pour rien, la ville et ses habitants n’en attendent plus rien; et donc, tout peut y arriver. C’est précisément cette liberté qui attire l’attention des architectes: ces endroits ouvrent le champs des possibles. Le délaissé peut permettre aux hommes, et peut être plus spécifiquement aux architectes, d’expérimenter des choses nouvelles, en marge de ce que l’on propose habituellement, et c’est en cela qu’ils peuvent être considérés comme des réserves. C’est dans cette multitude de possibles que réside le principale attrait du délaissé : il permet de penser la ville d’une manière différente de celle que l’on a longtemps eu l’habitude d’avoir, en laissant une place à l’humain dans la construction. En effet, un point important est qu’ils sont souvent l’occasion de projets où l’on travaille ensemble pour construire quelque chose, se ré-approprier collectivement l’espace. (cf image 5) Ensemble, car ces projets sont généralement le résultat d’une rencontre: rencontre entre un lieu déjà chargé symboliquement (en tant que friche, qu’espace en

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville marge de la ville construite et vécue) et un programme neuf, rencontre entre un architecte ou un paysagiste et les destinataires du projet. Ces délaissés ainsi réinvestis se chargent alors d’une nouvelle symbolique, reprennent vie à travers une nouvelle fonction, et participent d’une manière alternative de voir la ville: profiter des espaces laissés pour compte afin de proposer d’autres solutions pour construire, pour habiter, pour échanger. La production que génèrent ces lieux peut bien sûr être architecturale, mais aussi s’inscrire dans un démarche plus paysagère et sauvage, comme le propose par exemple Gilles Clément au travers de son manifeste du Tiers Paysage. Le Tiers Paysage, le délaissé comme réserve pour la vie C’est dans la démarche de Gilles Clément que le rapport entre le délaissé et la réserve est le plus évident: il considère les délaissés comme des espaces qu’il est important de prendre en compte, de conserver parce qu’ils ont une place dans la ville. Ils sont pour lui des lieux dans lesquels peut se développer une nature sauvage, même en plein coeur de la ville, créant ainsi ce qu’il appelle le Tiers Paysage.

Pour Gilles Clément, la notion de Tiers Paysage renvoie à celle de Tiers État (et non de Tiers Monde) : il est un espace qui n’exprime ni le pouvoir, ni la soumission au pouvoir. Dans son texte 6, il considère que le délaissé « procède de l’abandon d’un terrain anciennement exploité ». Mais à la différence des autres textes que nous avons vus, celui ci donne délaissé et friche pour synonymes (cependant, là aussi les origines sont multiples et peuvent aussi bien être agricoles qu’industrielles, urbaines ou encore touristiques). Clément fait la 6 Clément Gilles, «Le manifeste du tiers paysage» http://www.gillesclement.com

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville lecture d’un paysage composé, assemblage de parties différentes (usines, villes, champs, forêts), dans lequel il note « quantité d’espaces indécis » : ce sont les délaissés. Ils n’ont pas de fonction, là encore pas de nom, et sont en marge ou à la lisière, dans tous les espaces que l’homme n’est pas capable d’exploiter de manière suffisamment rentable. Cette notion de rentabilité est par ailleurs très importante et très liée au délaissé, puisqu’elle est généralement la cause de l’abandon de ces espaces. Par ailleurs, Clément dégage trois thèmes importants dans le paysage : l’ombre, la lumière, le tiers paysage. Pour lui, il est fondamental de comprendre que tout aménagement génère un délaissé. Ils sont différents en ville et en milieu rural (leur origine n’est pas la même : là où les machines ne vont pas à la campagne, terrains en attente d’affectation en milieu urbain). Plus le tissu est distendu, et plus le nombre de délaissés augmente : s’il y en a peu dans les centres-villes, ils sont plus nombreux dans les banlieues. (cf image 6) Finalement, c’est la possibilité ou non d’exploiter le territoire qui donne plus ou moins d’importance au délaissé et donc au tiers paysage. Dans ces espaces, à partir du moment où l’on s’en désintéresse, se crée une forte dynamique de la flore, jusqu’à trouver plus tard un équilibre. Ils sont très différents des ensembles dits « primaires » (jamais soumis à l’exploitation, ils affichent une biodiversité élevée) et des réserves, espaces protégés par décision et dont la biodiversité n’est pas sensée évoluer (on retrouve ici la mise à l’écart de l’ancien dont parle Augé dans son livre). (cf image 7)

Le délaissé souffre d’un statut dévalorisé par rapport aux autres espaces naturels dont nous avons parlé : si la réserve (à entendre ici comme réserve naturelle protégé par une décision publique) est

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6. Les relachements dans le maillage urbain

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville valorisée et fait l’objet d’une protection, d’une surveillance et de sanctions, ce n’est pas le cas du délaissé que l’on cherche à supprimer, à rayer de la carte. Pourtant, comme le souligne Clément, ils sont deux composantes de la biodiversité, tous deux constituent un refuge pour celle-ci. Ils représentent le futur biologique, en ce qu’ils sont en constance mutation, et sont donc très importants pour le territoire. Plus les villes augmentent, plus les axes de communication se font nombreux et plus la fragmentation du Tiers Paysage est grande. Mais cette multiplication des délaissés crée aussi plus de refuges pour la biodiversité, et n’est donc pas un mal en soi. Le rapport du Tiers Paysage à la société est complexe : il est tout à la fois vu comme un espace de nature et de loisir, comme un espace sacré ou encore improductif. On voit donc combien est ambivalente la position du délaissé dans l’espace de la représentation mentale du territoire. D’autre part, la nature même du délaissé se trouverait changée si l’ont le sacralisait trop : ériger un délaissé au statut de patrimoine le fige, entre en contradiction avec sa nature même, et l’empêche de poursuivre sa dynamique naturelle et conduit le tiers paysage à sa disparition pure et simple. Selon Clément, les raisons qui poussent l’institution à délaisser ces espaces sont multiples : tout d’abord, c’est l’économie qui pose problème, puisque l’exploitation de ces espaces apparaît comme impossible, irrationnelle, ou non rentable. Ces espaces sont aussi qualifiés de déstructurés, incommodes, impraticables, de rejets, de déchets, de marge, mais encore d’espaces d’insécurité, non revendicables et surtout privés d’espérance. Le tiers paysage est en constante évolution, il favorise l’invention et s’oppose à l’accumulation (et par là au Junkspace). Le manifeste du tiers paysage dresse une liste de ce qui le définie,

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7. Les diffĂŠrents espaces naturels selon Gilles ClĂŠment

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville et de ce qu’il faudrait faire pour sauvegarder son existence : redonner une valeur positif au « non-faire », trop souvent dévalorisé par une société dans laquelle seul compte le « faire ». Ainsi, le non-aménagement est un principe vital, le pendant obligatoire de l’aménagement lui-même. Cela peut passer par la création d’un maillage moins serré, plus large et plus perméable, qui permettrait au tiers paysage de se développer naturellement. Ce point est très importante dans une société où le « faire » est très valorisé, et où l’inaction est synonyme d’échec et pire, de régression. Il apparaît pourtant primordiale de laisser des blancs, des espaces indéfinis et indécis pour servir d’espaces tampons et absorber les irrégularités de la ville. Finalement, le Tiers Paysage doit être vu comme le refuge de la biodiversité, et doit être revendiqué et mis en avant mais surtout pas protégé et enfermé au risque de le voir s’éteindre de lui-même. Le Tiers Paysage est donc une manière très positive de considérer le délaissé, même si son éloge de l’improductivité n’est pas en accord avec les politiques actuelles et ne pourra voir le jour qu’après un changement conséquent de notre manière de penser et d’envisager le territoire et la ville.

La démarche consiste en réalité à voir de la ville là où l’on croit que celle-ci abandonne; ces espaces blancs peuvent apparaître comme des réserves. Réserves, parce que le mot a plusieurs sens qui peuvent s’appliquer ici:

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville

Quantité mise de côté en vue d’un usage ultérieur au moment nécessaire. Non engagé et laissé disponible. Ce qui est mis de côté par mesure de sauvegarde ou de protection.

Ils sont donc des espaces de réserve comme en peinture, des blancs dans la toile de la ville, aussi bien que des zones pleines de possibilités mais laissées à l’écart, disponibles au besoin dès que l’attention de la ville se sera reportée sur elles, après des années d’ignorance. Les différents sens du mot peuvent nous éclairer sur les nouvelles manières de voir cet espace, comme un lieu en puissance, ne demandant qu’à être finalement révélé par l’action et la pensée humaines. Ces délaissés constituent donc de véritables réserves pour la ville, à construire ou non (comme le propose Gilles Clément dans son manifeste du tiers paysage), et des occasions de projet tout en fournissant une nouvelle manière de penser la ville (puisqu’il s’agit d’occuper une parcelle laissée à l’abandon et généralement mal vue dans la ville ou de reconvertir un bâtiment pré-existant). Plus que construire sur ces parcelles, il s’agit de les requalifier, leur redonner une vraie valeur. Faut-il habiter ou non le vide que créent ces délaissés? On s’efforce dans la ville de créer toujours plus de plein, mais c’est le vide que l’on habite véritablement, et il est peut être bénéfique de parfois laisser ces espaces tels qu’ils sont.

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville Détroit ville sauvage, un exemple de transformation Le film Détroit ville sauvage de Florent Tillon exprime bien la volonté de la population de reprendre possession de ces espaces délaissés : pendant toute la durée du film, l’auteur suit des habitants de la ville, qui lui font découvrir des lieux abandonnés, tombés en ruine, symboles d’une ville autrefois prospère et modèle de l’économie américaine aujourd’hui défaillante. En effet, en un siècle, Détroit a connu une fulgurante ascension de 50 ans, suivie d’une descente tout aussi rapide pendant les 50 années suivantes. Mais depuis quelques années, alors que la ville semblait condamnée à continuer à décroître, on voit celle ci se transformer. De nombreux habitants ne veulent plus voir leur ville comme un lieu sans espoir dans lequel il ne se passe rien, et ont commencé à lancer des projets à leur initiative. Ces projets sont très variés, mais possèdent tous une caractéristique commune : ils procèdent de l’appropriation (légale ou illégale) d’espaces délaissés qu’ils réinvestissent. (cf image 8) On voit ainsi fleurir dans la ville des petites fermes urbaines, des potagers clandestins, des réunions d’assez grande ampleur dans des champs voisins... Si le film tente de montrer les habitants et leurs constats et projets de manière objective, la fierté de ceux qui agissent dans et pour leur ville filtre malgré tout : on comprend que les habitants se sentent concernés par le sort de leur ville, et l’on peut constater à quel point ils ont perdu confiance et espoir en la politique en la matière. Si ce ne sont pas les acteurs du terrains qui font quelque chose pour Détroit, les politiques ne feront rien, peut être parce qu’ils ne comprennent pas l’importance de la dimension symbolique qu’ont pris ces espaces délaissés. Il n’y a dans cette démarche rien d’organisé, et c’est justement ce qui est marquant : ce sont les hommes qui habitent

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8. Image extraite du film DĂŠtroit ville sauvage de Florent Tillon

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville cette ville qui décident d’en faire quelque chose, de ne plus la regarder mourir et décroître sans fin. On peut dire qu’il s’agit là d’une lutte pour habiter la ville, et la prise en main de ces territoires abandonnés est un acte qui prend un sens différent dans cette perspective. L’une des personnes interrogées parle d’ailleurs de Détroit comme d’une « ville imaginée », un « projet humain ». Cette renaissance de la ville n’est pas un retour aux sources, il n’est pas possible : il s’agit d’une avancée vers un futur que l’on veut différent. Le fait que l’on ait cru Détroit vouée à devenir le symbole de la ruine donne finalement une plus grande liberté à ceux qui veulent changer la ville : on n’en attend plus rien, et c’est précisément à ce moment là que tout devient possible, en considérant ces espaces abandonnés comme des réserves pour une ville future.

Patrick Bouchain, la diversité des possibles C’est parce que ces délaissés ne représentent un enjeu majeur pour personne au départ qu’ils peuvent être porteurs de projets différents : ils laissent le champ libre à l’expérimentation, pas tant dans la forme (cela peut se faire ailleurs, dans des projets dont c’est davantage l’enjeu) que dans la manière de produire le projet. (cf image 9) En effet, on peut voir des démarches comme celle de Patrick Bouchain aboutir à des projets très différents de l’image que renvoie généralement l’architecture. L’architecte se focalise sur la manière de concevoir l’objet en tant que projet en mouvement, en commun, où la place de la parole et de la réflexion sont très importantes. Cet architecte se préoccupe autant d’expérimenter que de raconter, par exemple au travers de sa codirection aux éditions Actes Sud de la

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9. Croquis de Bouchain pour le théâtre du Centaure, 2001

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville collection « L’impensé » (titre par ailleurs évocateur si on le met en confrontation avec notre sujet). Bouchain ne cherche pas à faire un « beau » bâtiment, il cherche à faire quelque chose qui s’accorde avec son site, et avec ce que veulent à la fois le maître d’ouvrage, et, c’est moins courant, les habitants des lieux qui jouxtent l’espace qu’il va venir occuper. Bouchain croit en quelques idées qu’il a expérimentées en construisant et qu’il a retenues parce qu’elles fonctionnaient : « ne pas agir mais transformer, faire le moins possible pour donner le plus possible, entraîner tout le monde, interpréter, donner du temps, transmettre, ne jamais faire pareil ». Il n’y a pas de formule magique chez lui, si ce n’est cette obligation de comprendre le contexte et de s’y intégrer, pour créer un projet qui produira de l’inattendu, et donc « de l’enchantement ». Dans l’introduction de « Construire autrement » 7, il note d’ailleurs à propos des espaces délaissés qu’ils sont « (des) espaces de liberté dont nous avons besoin pour produire une architecture chargée de sens et non de normes ». Il y a aussi dans l’oeuvre de Bouchain une importance donnée à la dimension participative : il a conscience d’offrir un bâtiment non seulement au destinataire et à la ville, mais aussi aux hommes qui le regarderont, passeront près de lui tous les jours, et éventuellement le pratiqueront. Le fait de les inclure dans la démarche du projet (via la construction par exemple) permet de créer un vrai lien social, qui, nous l’avons vu, manque généralement dans ces espaces délaissés émotionnellement. Lorsqu’il est sorti de l’école, Patrick Bouchain a tout d’abord refusé de se plier au modèle de construction imposé à l’époque, et sa démarche de projet s’est construite en réaction à ce système qui ne lui plaisait pas. Il s’est tourné vers des gens qui avaient besoin de lieux différents, qu’il a commencé par simplement remettre aux normes (on est ici très loin de la vision monumentale et spectaculaire 7 Bouchain Patrick, «Construire autrement», France, éd L’impensé Acte Sud, 2006

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Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville que peut souvent avoir l’architecture), faisant de l’architecture davantage le théâtre d’un spectacle que le spectacle lui même. Il le dit lui même : « Comme si c’était une architecture de service, au service de la création ». Ainsi, son œuvre ne peut être détachée d’une certaine dimension politique. Patrick Bouchain se sert de l’architecture comme d’une arme politique, elle est tout à la fois une fin en elle même et un moyen pour une ville (et un monde) différents. C’est le dialogue qui permet ces transformations, cette amélioration des relations pour parvenir à une espace plus harmonieux. Bouchain voudrait d’une démocratie participative, dans laquelle le politique se verrai réellement confronté au terrain, et redonnerait du pouvoir à ceux qui sont sur place, et qui sont actuellement condamnés à regarder et laisser faire. C’est dans les espaces délaissés que se manifeste le mieux cette approche sociale du projet. (cf image 10) La question de la règle revêt elle aussi une importance particulière : si elle existe pour faire régner l’ordre, elle doit cependant rester contestable, il faut pouvoir la changer. Pour se faire, il faut l’éprouver, l’utiliser, la confronter avec la réalité du terrain, et enfin éventuellement la modifier. Dans les espaces délaissés, la construction est souvent impossible, ou difficile, et la règle peut alors être un obstacle qui peut paraître insurmontable pour proposer quelque chose d’intéressant. Mais il reste toujours possible de la contester ou la contourner, afin de produire différemment. Il s’agit d’être dans « l’expérimentation de la situation ». Dans son œuvre, il y a aussi une forte importance de la notion de liberté. Liberté d’agir, liberté de ne pas décider de tout, liberté de laisser le choix au commanditaire et aux futurs usager. Quand Bouchain dit qu’il veut en faire moins pour donner plus, c’est parce qu’il estime que plus on en fait, plus on détermine, et plus on ferme le projet à des possibilités que l’on avait pas entrevues. Cette

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45 10. Ferme du bonheur de Roger des PrĂŠs


Les délaissés, une réserve pour une nouvelle vision de la ville liberté découle peut être aussi bien de la démarche de l’architecte que des qualités premières de l’espace, dont on n’attendait rien au départ, lui permettant de devenir quelque chose de neuf, d’original dans sa conception et son fonctionnement. Dans le domaine de la création, les espaces délaissés constituent inévitablement des lieux attirants de plusieurs points de vue (il arrive souvent que l’installation d’artistes dans un quartier considéré comme malfamé ou pauvre entraîne une revalorisation de ce même quartier), et ce sont donc souvent des projets liés à la culture qui prennent vie sur ces parcelles.

On comprend donc que différents aspects du délaissé font de lui une parfaite réserve pour la ville, et ce parfois même grâce à des points qui font justement qu’on le laisse à l’écart. En effet, si ces espaces sont vides physiquement, ils sont aussi vides de toute considération: personne ne veut les prendre en compte, s’intéresser à eux, et ils sont donc dénués d’une quelconque importance. Mais c’est de là que vient leur liberté: puisque personne ne s’y intéresse, les enjeux sont moindres pour les décideurs classiques, ce qui laisse plus de place à ceux qui veulent penser la ville différemment. Cette grande liberté ouvre le champ des possibles, permettant au délaissé de devenir une grande réserve pour la ville, pour qui veut bien s’en préoccuper.

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Conclusion

Les réserves sont donc à comprendre comme les lieux, les territoires, les espaces de cette nouvelle ville. La réserve est au départ une simple territoire mis de côté dans un but ultérieur précis, mais aujourd’hui ce sens est dépassé: ce n’est finalement pas ce qui était prévu hier pour la ville d’aujourd’hui qui constitue sa réserve mais au contraire ce qui a été abandonné: le délaissé.

Ainsi, le délaissé comme réserve est un endroit porteur de projet, bien plus qu’une réserve classique mise de côté de façon intentionnelle et prévue. Finalement, la réserve déborde de sa fonction, elle se trouve là où l’on ne l’attendait pas puisqu’on l’avait projetée et voulue ailleurs, dans un cadre définie pour elle. La réserve est porteuse de projet, et n’est pas seulement un territoire physique.

Le délaissé apparaît en lui même comme un espace positif, créatif, permettant à ceux qui font la ville d’aujourd’hui et de demain d’expérimenter des techniques et des approches nouvelles. En mouvement, il est le reflet d’un cycle que l’on voudrait briser en figeant les choses. Le délaissé permet en outre de valoriser le travail communautaire, parce qu’il fait déjà partie intégrante de la vie de ceux

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Conclusion qui le côtoient (bien qu’il soit généralement vu de manière négative à ce moment là). C’est un espace stimulant, un lieu de tous les possibles, qui ouvre le champ de l’expérimentation et du test, permettant de préparer le lancement de nouvelles façons de penser la ville, de la voir, de la nommer, de la construire enfin.

La question de l’expérimentation sur le terrain apparaît comme primordiale, et elle est possible avec le délaissé. Souvent choisis comme lieu de projet par les écoles qui préparent aux métiers d’architectes, de paysagistes, d’artistes etc, ils sont le berceau d’une vision nouvelle. A plus petite échelle, ils peuvent être repris par les habitants d’un quartier, réinvestis dans le respect du lieu, permettant ainsi de leur redonner un sens, tout en impliquant les habitants dans la vie de leur quartier. On voit ainsi se développer depuis quelques années de nombreux jardins et potagers urbains, toujours collectifs et communautaires, ce qu’il est important de souligner puisque c’est une donnée quasi indissociable du réemploie de ces espaces. La création de projets dans ces espaces conduit à des lieux différents, qui ont d’autres enjeux que les lieux habituels, aussi on peut les mettre en relation avec les hétérotopies définies par Foucault, qui sont des lieux fondamentalement autres. A travers les différentes notions que nous avons abordées et les architectes et leurs manières de travailler que nous avons évoqués, il apparaît clair que ces délaissés que la ville rejette encore trop aujourd’hui parce qu’elle ne les identifie pas comme positifs sont au contraire des réserves pour la ville, des lieux sans lesquels celle ci ne pourra se faire dans le futur, et avec lesquels il faudra dorénavant travailler réellement.

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Conclusion C’est une nouvelle manière de comprendre la ville et son processus de fabrication que m’a amené ce mémoire: une autre façon de penser la construction de la ville, et d’appréhender la relation qu’elle a avec les projets qui la font. J’ai pu développer une nouvelle manière de considérer ces espaces, et j’ai compris l’importance qu’ils avaient pris et vont encore prendre dans la ville, et je mesure mieux quels enjeux ces réserves représentent aujourd’hui. C’est sur cette notion de lieux porteurs de projets qu’il faut se pencher aujourd’hui, parce qu’ils ouvrent à de nouvelles possibilités pour faire la ville, de nouveaux processus et de nouvelles manières de faire, ils représentent l’avenir de la fabrication de l’urbain.

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Crédits images 1. Image de couverture de l’ouvrage «Junkspace», KOOLHAAS Rem, source «Junkspace» 2. Photographie d’un supermarché d’Auckland, Nouvelle-Zélande, auteur inconnu, source flickr.com 3. Photographie de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, auteur inconnu, source ladepeche.fr 4. Photographie d’abords d’infrastrucutre, MOUTON Jean-Claude, source unsiteblanc.com 5. Photographie de jardins ouvriers à Marseille, MATHIEU Geoffroy, source radiogrenouille.com 6. Dessins à propos du maillage des villes CLéMENT Gilles, source «Le manifeste du tiers paysage» 7. Dessins à propos des différents espaces naturels, clément Gilles, source «Le manifeste du tiers paysage» 8. Image d’un délaissé de la ville de Détroit TILLON Florent, image tirée du film «Détroit ville sauvage» 9. Dessin de recherche pour un projet de théâtre, BOUCHAIN Patrick, source «Construire autrement» 10. Photographie de la Ferme du Bonheur de Rofer des Prés, WEINER Cyrille, source «Construire autrement»

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Bibliographie / Vidéo Ouvrages Koolhaas Rem, Junkspace, Paris, éd Manuels Payot, ed orig 2011 (traduit de l'anglais Junkspace, 2001) Augé Marc, Non-Lieux, France, éd du Seuil, 1992 Foucault Michel, Le corps utopique / Les hétérotopies, France, éd Lignes, 2010 Bouchain Patrick, Construire autrement, France, éd L’impensé Acte Sud, 2006 Articles Labasse Alexandre, « Assemble », Architecture d'Aujourd'hui n°386 nov/dec 2011 p50-57 Della Casa Francesco, «Dernier Rappel!», Architecture d’Aujourd’hui n°387 janv/fev 2012 p20-45 Sites web Clément Gilles, «Le manifeste du tiers paysage» http://www. gillesclement.com, site consulté le 01/10/2011 «Dans les interstices des villes», dossier documentaire de la Sorbonne, 2008 Bouchain Patrick, «La forêt des délaissés, l’impensé de la ville», Rencontres Nature et paysage, Les délaissés temporaires, 2009 Vidéo Tillon Florent, Détroit ville sauvage, documentaire couleurs 80 min, 2010 51


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