Contribution au débat nickel / Rapport Colin

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Février 2016

CONTRIBUTION AU DÉBAT EN VUE DE L’ELABORATION D’UNE STRATEGIE SUR LE NICKEL CALÉDONIEN

Adapter le modèle de gouvernance du nickel et repréciser la stratégie minière et industrielle

INTRODUCTION Le nickel constitue un enjeu économique et social majeur pour la Nouvelle-Calédonie. Sa gouvernance et la stratégie qui la sous-tend demeurent pourtant celles qui ont été définies à une époque où tout le monde croyait à une reprise durable de l’économie calédonienne du nickel, tirée notamment par la Chine et l’Asie, et qui assise, sur la richesse de ses massifs, bénéficiait en outre d’une large adhésion des populations. Par ailleurs, le nombre des acteurs était très limité, se composant principalement de l’implantation séculaire de la SLN, de la construction en cours de l’usine du Nord bénéficiant de façon exclusive de son riche gisement du Koniambo, et de relations stables et bien établies des « petits mineurs » avec leurs acheteurs étrangers traditionnels. Cette époque est révolue et la Nouvelle-Calédonie doit faire face au triple défi de gérer ce secteur central et vital de son économie alors qu’il est lui-même confronté à une période de décroissance tendancielle de la teneur sur le nickel, à un rejet de la part de la population des modes d’exploitation traditionnels du minerai et à la multiplication des acteurs, au niveau des usines comme des importateurs. Les réflexions en cours autour d’un renouvellement de la stratégie sur le nickel sont donc totalement légitimes. Elles correspondent à la constatation que le modèle de gouvernance actuel de l’économie du nickel est dépassé pour répondre aux questions de l’avenir et donc à la nécessité de réinventer un nouveau mode de gouvernance, permettant de définir collectivement les priorités stratégiques et leurs modalités de mise en œuvre. Elles sont juridiquement de la seule compétence des responsables politiques et de la société civile calédonienne, avec si nécessaire et souhaité l’appui et l’expertise de l’État, acteur économique et partenaire politique de l’Accord de Nouméa.

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* * * A) LES PROBLEMATIQUES 1) La place centrale du nickel dans l’économie calédonienne a) Avec près du cinquième du PIB, l’économie du nickel représente, après la fonction publique (un quart du PIB), de très loin la première activité économique de Nouvelle-Calédonie. Assise sur des réserves considérables au plan mondial, surtout si l’on tient compte de ce que des teneurs moyennes calédoniennes sont supérieures de 35% aux teneurs moyennes mondiales, cette richesse a une dimension géostratégique pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. C’est dans ce contexte que s’inscrit la revendication de maîtrise par les acteurs calédoniens de la gestion de cette richesse. b) Par ailleurs, outre une forte dimension identitaire, le sujet du nickel est un sujet majeur dans la problématique de rééquilibrage du Territoire souhaité par les signataires de l’Accord de Nouméa. Ce rééquilibrage comporte un volet économique et social, notamment par l’implantation d’unités industrielles autres que celle que Doniombo SLN, mais aussi géographique et politique, entre les provinces Sud et Nord et entre les côtes Ouest et Est. c) Un modèle en vigueur toujours issu de « l’âge d’or » du nickel. Après la très grave crise des années 90, la remontée des cours, la conclusion des Accords de Bercy en 1998 puis de la STCPI en 1999 ont permis à l’économie calédonienne d’expérimenter sans difficultés majeures un mode de gouvernance de fait assez souple qui correspondait en outre à un monde d’acteurs limités. Les débats du dernier Comité des signataires d’octobre 2014 ont montré la nécessité de reprendre la réflexion sur la gestion et la valorisation des ressources minières, la structure et l’actionnariat des sociétés métallurgiques, la politique d’exportation du minerai brut, la contribution du nickel à la richesse présente et future du pays. Ces sujets renvoient au constat que la stratégie et la gouvernance du nickel issue de l’Accord de Nouméa sont arrivées à leur terme et doivent faire l’objet d’un nouvel élan correspondant aux contraintes et réalités actuelles.

2) La crise du modèle actuel de gouvernance a) Une crise de ressources Au-delà du cumul d’une grave crise cyclique et d’une crise économique qui touchent de plein fouet les acheteurs, mais aussi les grands groupes actionnaires industriels et miniers, plus largement

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que le seul secteur du nickel, une nouvelle époque commence pour le nickel de Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle Calédonie doit gérer la décroissance tendancielle du nickel, à minima en part relative dans son économie, mais aussi peut être en valeur absolue, tout en maximisant son retour économique et social global au profit de la Nouvelle Calédonie. Après un siècle d’exploitation intensive, la baisse de la teneur moyenne qui suppose, pour maintenir le tonnage en nickel contenu, d’augmenter le volume d’extractions, conduit les populations à contester pour la première fois massivement le modèle de l’exploitation minière à outrance (50 MT environ de matériaux extraits annuellement). Le problème environnemental n’est pas un sujet de mode mais de défense et de sauvetage du cadre de vie et de la santé publique. Le modèle de gouvernance actuel repose également sur l’idée, dépassée, d’une adhésion sans limite de la population de la Nouvelle Calédonie à l’exploitation débridée des gisements. Il n’est plus adapté à la demande d’une gestion concertée par tous, dans le cadre d’une très forte réticence des populations à la poursuite des modes actuels d’exploitation, ce qui impacte aussi le modèle économique actuel de ce secteur. Parallèlement la société calédonienne perçoit la nécessité de transmettre aux générations futures une capacité de gestion sur des réserves suffisantes de nickel. Le mythe des réserves inépuisables a disparu, même si les progrès de la géologie, de l’extraction, et de l’industrie métallurgique sont considérables en trente ans au point d’accroitre sensiblement les ressources en gisement potentiels et de travailler des teneurs moindre de près de 50% à celles travaillées au milieu du siècle dernier. Mais ces réserves restent en partie théoriques compte-tenu des coûts d’investissement et de fonctionnement nécessaires pour les exploiter.

b) Une interrogation collective sur l’utilisation des minerais extraits et l’avenir industriel Le consensus de fait qui reposait sur le développement d’usines métallurgiques et la validité du modèle traditionnel d’exportation n’a pas entraîné de véritables débats. La création de deux usines supplémentaires en vingt ans en Nouvelle-Calédonie, plus celle d’une relation de longue durée avec une usine délocalisée en Corée du Sud, au moment où la problématique sur la gestion de la ressource et où les difficultés techniques liées au fonctionnement des outils industriels sont apparus conduisent à rouvrir le débat sur le nombre et la nature des usines métallurgiques qu’il est souhaitable/acceptable de programmer à moyen terme en Nouvelle-Calédonie. Ce débat sur le nombre, la nature et l’implantation éventuelle de ces usines est un préalable indispensable à toute réflexion sur la rénovation de la gouvernance et de la stratégie sur le nickel. c) Une crise de la légitimité de la gouvernance

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Un sujet aussi central pour l’économie et aussi transversal pour l’ensemble des sujets touchant la vie quotidienne d’une large partie de la population calédonienne ne peut être accaparé par une réflexion technicienne, voire technocratique, même avec les meilleurs intentions du monde. Le débat n’est pas un débat de chiffres bruts mais de définitions politiques sur les pondérations des différentes priorités et les modalités de leur choix. - Si la gestion de l’économie du nickel peut être confiée aux responsables économiques et aux organes administratifs, la définition du modèle de gouvernance et de ses règles de fonctionnement ne peut être que de la compétence de la légitimité politique calédonienne, après un débat démocratique avec les responsables économiques concernés et les citoyens. Cet aspect est d’autant plus complexe que la Nouvelle-Calédonie n’ayant ni énergie ni capital accumulé correspondant aux besoins des métiers du nickel (plus de 1500 milliards de F CFP sur les dix dernières années), le débat sort inéluctablement du Territoire et doit prendre en compte l’appréciation qu’ont, de la Nouvelle-Calédonie, les plus grands groupes mondiaux du secteur. A cet égard, le nouveau modèle doit être producteur de confiance, par sa lisibilité et le respect de l’état de droit. - La notion du « risque souverain » que

pourrait représenter à ce titre la

Nouvelle-Calédonie, risque inexistant dans le passé où la seule l’entreprise publique SLN ERAMET était dominante, doit désormais être totalement intégrée à la définition de la gouvernance future. - Il en est de même du fait de l’influence forte de nouveaux acteurs sur les marchés d’exportations, fournisseurs comme acheteurs. La combinaison des appréciations stratégiques des grands groupes mondiaux et de la multiplication des acteurs conduit à revoir le modèle actuel de gouvernance qui était viable pour gérer un petit nombre d’acteurs traditionnels et de proximité, mais qui est devenu peu lisible et, donc peu opérationnel, pour répondre aux demandes des acteurs actuels et aux interrogations des populations et des travailleurs du secteur. Il importe donc de réfléchir à l’ordre des facteurs essentiels à cette gouvernance renouvelée, ainsi qu’aux outils à mettre en place. * * * B) UNE NOUVELLE GOUVERNANCE POUR L’AMONT 1) Les difficultés auxquelles est confrontée la gouvernance actuelle a) Le secteur de l’extraction est confronté à quatre demandes contradictoires : - Celle de maintenir, voire d’augmenter pour conquérir de nouveaux marchés, les tonnages de nickel contenu livrés.

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- Celle de mettre fin au gaspillage dû à la politique d’écrémage des meilleurs teneurs pour valoriser au mieux les minerais extraits. - Celle non seulement de prévenir la destruction de l’environnement, la dégradation excessive des sites, le comblement des cours d’eau, la pollution des nappes phréatiques et du lagon, mais aussi de réparer le plus rapidement possible certains excès du passé et donc de restaurer le niveau des sites antérieurement pollués et évaluer les risques en terme de santé publique des modes de fonctionnement actuels de l’économie du nickel de Nouvelle-Calédonie. - Celle de contribuer malgré tout aux gains de productivité permettant de conserver une bonne compétitivité sur les marchés et de protéger le niveau de vie des travailleurs du secteur. b) La quantité de produits extraits ne peut plus être une simple résultante des besoins de fourniture en nickel contenu - La méthode actuelle met les élus et les populations devant le fait accompli de demandes d’exploitations minières, présentées en ordre dispersé, sans liens entre elles, souvent liées à des opportunités commerciales ou industrielles ponctuelles et sans vision de l’impact global, donc sans possibilité de dégager de vraies priorités. Elle crée des concurrences, voire des compétitions entre les territoires qui ne peuvent qu’être néfastes, voire dangereuses en antagonisant les populations les unes contre les autres alors que la solidarité est la clef de l’Accord de Nouméa. 2) la nécessité d’améliorer la connaissance et la maîtrise de l’amont a) Au-delà de l’indispensable travail sur la définition du schéma quantitatif réservé pour les usines calédoniennes, la connaissance des réserves doit être approfondie. L’apparition de nouvelles techniques non seulement d’utilisation du minerai mais aussi de prospection des massifs doit permettre de mieux répondre à la question légitime du volume des réserves, et donc des capacités raisonnables d’extraction. - De ce point de vue, ils pourraient être utilement envisagé, avec l’appui de BRGM, de renforcer les moyens d’analyse, soit en renforçant les moyens techniques de la DIMENC, soit en confiant, sous l’égide et pour le compte des autorités publiques, des contrats d’évaluation à des entreprises spécialisées, avec pour priorité de préciser les zones encore mal répertoriées. Ces travaux déjà exposés au GTPS pourraient servir de base pour définir les priorités d’approfondissements des connaissances. Ce travail pourrait utilement se faire en mettant en œuvre des synergies avec des organismes de recherche (CNRT, PRESICA). De même, il pourrait être envisagé de mettre en commun, au profit des entreprises de la mine certains des moyens techniques d’expertises, au travers par exemple d’une GIE.

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- Dans le même temps, la participation à des groupes de travail avec les autres pays producteurs de nickel de la zone ne peut être que bénéfique. Si la structure du marché, imperméable aux pressions des plus grandes multinationales et des conglomérats chinois donne peu d’espoir à une action sur les prix, une « OPEN » de la connaissance du marché du nickel ne peut être que bénéfique. b) Par ailleurs, le sujet de la date limite de 2019 pour la reconnaissance des gisements déjà attribués ne peut être éludé. Au rythme actuel de travail des différents groupes concernés, il est peu vraisemblable (surtout avec le frein à ces dépenses que constitue la crise actuelle) que le taux de reconnaissance des massifs espéré pour les permis actuellement délivrés satisfasse aux obligations à cette date. Un débat politique doit permettre de trancher entre l’option repoussant ce délai, et celle profitant de l’opportunité offerte par la déchéance des titres pour les réattribuer sur une base rénovée, plus transparente et garantissant une meilleure maîtrise collective de la ressource. - Pour l’avenir, il importe de ne pas se retrouver dans une situation comme celle qui va se présenter en 2019. Il pourrait donc être opportun qu’un dispositif de contrôle par les autorités publiques impose aux futurs titulaires de concessions un strict respect des obligations au titre de la provision pour reconstitution de gisement et des obligations au titre de connaissance de leur domaine. Des procédures de déchéances sous le contrôle des tribunaux pourraient même être envisagées en cas de manquements durables.

3) Une gouvernance renouvelée du secteur de l’extraction a) les règles concernant l’extraction pour l’utilisation du minerai apparaissent particulièrement, disparates et éclatées entre les Autorités, et donc confuses. - Les pétitionnaires doivent passer plusieurs étapes régies par des régimes et des instances différentes, ressortissant de deux codes différents, le code minier et des codes environnementaux provinciaux, sans parler du fait que l’on place des opérateurs dans la situation paradoxale de devoir entreprendre l’exploitation du minerai avant même de savoir quelle utilisation ils pourront en faire (hors cession à une usine implantée en Nouvelle-Calédonie), le régime des exportations étant de la compétence du Gouvernement qui se prononce a posteriori sur la base de la règlementation du Commerce extérieur. - Compte tenu de la nécessité de stabiliser les éléments de décision, de rendre le système lisible et transparent et de réduire les conflits qui fragilisent les zones et les opérateurs les plus fragiles, un nouveau mode de gouvernance pourrait être défini.

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b) Le principe pour les nouvelles concessions pourraient reposer sur la règle de la mise en concurrence ouverte sur les gisements que les autorités souhaitent mettre en exploitation (option déjà possible avec le code minier actuel mais qui n’est pratiquement jamais mise en œuvre). - A l’occasion de ces appels d’offre, les critères porteraient en même temps sur les volets financiers et sur les volets qualitatifs dont environnementaux. De même, la destination du minerai, pour celui qui n’aurait pas vocation à être traitée en Nouvelle-Calédonie, devrait explicitement être examinée, ce qui nécessite la définition d’un schéma quantitatif d’exportation prévisionnel sur la base de la teneur à un niveau progressivement évolutif avec le temps, conduite par le Gouvernement et le Congrès et qui soit opposable. A défaut, le risque serait grand que sous la pression des logiques de marché, l’accroissement de long terme de la pression par la demande ne prenne le pas sur une politique raisonnée et maîtrisée de la ressource et de gestion de l’offre. - Afin d’accroître la transparence, la préparation des décisions d’autorisation de concessions futures pourrait être confiée à une Autorité Indépendante, non décisionnaire pour ne pas bouleverser l’équilibre actuel des pouvoirs, mais dont l’avis serait rendu public et pourrait servir de base en cas de recours contentieux. La motivation de la décision finale par rapport à l’avis de l’Autorité Indépendante permettrait de rendre le système plus lisible et d’améliorer le respect de l’état de droit. De même, cette Autorité servirait de « tiers de confiance » pour la détention effective des contrats des opérateurs, mettant fin aux ambiguïtés et au risque du système actuel dans lesquelles certaines Autorités Publiques, étant actionnaires de projets miniers et industriels, se trouvent juges et parties par rapport à leurs concurrents. Cette Autorité Indépendante pourrait être composée de magistrats (judiciaires, administratifs, financiers) et d’experts, personnalités qualifiées, désignés par le Congrès, le Gouvernement, les Provinces et les Maires. - Dans le même esprit, le rôle des communes minières dans les circuits de décision et surtout leurs moyens financiers pourraient utilement être renforcés. Il est anormal que l’échelon démocratique de base ne dispose d’aucune ressource fiscale affectée permettant de répondre aux besoins de compensation des nuisances exprimés par les populations. - Enfin le sujet de la création d’une « redevance/contribution » minière doit être tranché. Des raisons de lisibilité et de stabilité des règles pour les entreprises doivent conduire à en clarifier les taux en fonction de la destination du minerai et que le taux en soit garanti sur une certaine période. S’il est légitime que le taux tienne compte de deux parts variables (teneur et cours du nickel) il peut être problématique que cette redevance s’applique au minerai destiné aux usines déjà installées en Nouvelle-Calédonie, bénéficiant en général d’une clause de stabilité fiscale. En outre, il pourrait être peu opportun de gérer au moyen d’un seul prélèvement ou redevance, les deux sujets distincts que constituent d’une part la remontée financière sur les minerais exportés et d’autre part sur ceux transformés sur place dans les usines implantées en Nouvelle-Calédonie. La création de deux outils chacun propre à chaque secteur paraît souhaitable. Une approche spécifique,

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plus liée au débat sur le rôle des collectivités publiques dans les usines métallurgiques et les modalités de leurs interventions serait plus appropriée pour traiter le sujet des usines calédoniennes. 4) Une nouvelle gouvernance pour les usines métallurgiques La priorité à l’implantation d’usines sur le Territoire même de Calédonie ne peut être contestée. Toutes les études menées confirment que ce sont elles qui apportent le maximum d’avantages en termes d’emplois créés, de diffusion d’un réseau de sous-traitants, de rééquilibrage territorial et social. Cette priorité doit cependant s’accompagner d’un certain nombre de précautions et nécessite que des débats préalables soient tranchés. a) Le nombre, la nature et le phasage des usines supplémentaires doivent faire l’objet d’un débat collectif, non seulement avec toutes les instances politiques mais aussi avec les syndicats et les populations. En effet, le passage à un rythme massif de condition de travail industriel a un effet structurant dont les conséquences

sociologiques

sur

une

partie

de

la

population

ne

doivent

être

sous-estimées. C’est effet est d’autant plus lourd que le nombre de sites susceptibles d’accueillir des usines supplémentaires est limité et que l’introduction de nouveaux acteurs économiques majeurs compliquerait le fonctionnement institutionnel déjà fragile. b) le débat recouvre également celui posé au précédent comité des signataires du rôle et de la légitimité de l’entrée directe des collectivités au capital de ces usines. Traditionnellement l’entrée des collectivités locales au capital des entreprises privées est d’abord justifiée par un apport public au capital au profit de jeunes entreprises fragiles. Ce schéma n’a aucune pertinence en Nouvelle-Calédonie, où les capacités financières des collectivités sont marginales par rapport aux besoins de financement des grands projets portés par des firmes internationales (plus de 2 Md de € sur les années à venir soit près de 240 Mds FCFP) et où, lorsqu’elles sont de facto au capital, les collectivités sont dans l’incapacité de répondre en période de difficultés à leurs devoirs d’actionnaires en remettant les sommes nécessaires au maintien de l’exploitation ou aux investissements nécessaires. Historiquement, l’entrée au capital des collectivités a des origines disparates, et sans rapport avec l’accomplissement normal d’un rôle d’actionnaires financiers. - Pour la Province du Nord, la possession à 51% du capital de KNS est le résultat de l’accord politique de Bercy et la contrepartie de l’apport du massif du Koniambo grâce à l’aide de l’État. Le système a d’ailleurs été conçu pour que la totalité du financement soit apporté par l’opérateur industriel (Falconbridge puis Xstrata puis aujourd’hui Glencore) sans aucune exposition en risque financier de la Province Nord (la souscription d’une dette junior par la Province Nord est une

décision très

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postérieure et sans rapport avec l’Accord de Bercy et sans lien avec le schéma industriel et institutionnel du projet initial). - Les 34 % de SLN détenus suite aux accords de « la Chapelle » par la STCPI (et les 4 % détenus dans ERAMET) avaient comme objectif principal, grâce à un partage différencié des revenus (50% Nord, 25% Iles, 25% Sud), d’assurer un rééquilibrage financier au profit du Nord et des Iles, puis d’assurer, grâce à la minorité de blocage, un contrôle et une orientation stratégique de la Nouvelle-Calédonie sur les décisions majeures de SLN. Ce dernier objectif suppose qu’ERAMET laisse à la SLN une véritable autonomie de gestion tenant compte de la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie. - La prise de participation de la Province Sud dans l’usine de Goro, INCO, puis Vale, a eu une motivation principalement financière, compte tenu de la nature très minoritaire de la participation, financée au demeurant par emprunt. - L’accord d’association NMC-SNNC qui implique une part importante des autres acteurs miniers néocalédoniens n’a pas pu utilement être analysé, compte tenu de l’insuffisance d’information détaillée sur les contrats, les montages et les rapports financiers et, d’analyse des pouvoirs réels entre Posco, SNNC, NMC et SNNC d’autant que le modèle est séparé en deux entités distinctes (mine en Nouvelle-Calédonie, usine en Corée). c) L’existence des trois usines (et de l’accord coréen) constituent des faits acquis, résultant des démarches historiques différentes, et qu’il serait vain de vouloir réunifier dans un modèle unique. Cependant, et au cas où de nouvelles opérations seraient mises en œuvre dans l’avenir, ou si les évènements conduisent de facto à modifier l’équilibre des montages actuels des trois usines, un certain nombre de questions doivent être débattues. - Au-delà de la légitimité politique, l’entrée directe des collectivités au capital a-t-elle une soutenabilité suffisante

dès lors que l’instabilité cyclique de nickel rend improbable pour les

collectivités un retour financier régulier tandis qu’elles sont confrontées par ailleurs à des demandes

d’apports

de

capitaux

qu’elles

ne

peuvent

fournir.

Un

système

de

« redevances/contributions », fondées sur le cours du nickel et déconnectées des choix des entreprises en matière de distribution de dividendes, pourrait être de nature à satisfaire la légitime demande des collectivités de retour des fruits de l’activité industrielle et il est plus conforme aux standards internationaux contemporains. - Par ailleurs, l’expérience a démontré que la participation au capital, même à de niveaux élevés, n’est pas, ipso facto de nature à garantir un suivi efficace des politiques d’entreprises, en raison de la complexité des pactes d’actionnaires qui en régissent la Gouvernance. A cet égard, la règle adoptée par la plupart des pays développés pour contrôler et orienter la gestion, par des exploitants privés choisis après appel d’offre, de leurs ressources stratégiques (en particulier énergétiques mais parfois aussi industrielles), qui est celle de « l’action stratégique » et d’un poste de censeur au Conseil d’administration pourrait utilement être examinée. L’« action

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stratégique » qui confère à la puissance publique un droit de veto sur les orientations stratégiques permet, de fait, une négociation permanente en amont et une résolution des conflits en période de tension, d’autant que la présence du Censeur au Conseil d’administration permet à l’Autorité publique d’être informée en permanence, et même en temps réel, des problèmes de gestion et de la préparation des décisions stratégiques. - Enfin, compte tenu de leur rôle stratégique dans l’économie calédonienne, il ne serait pas illégitime de réfléchir à ce que les Autorités calédoniennes imposent aux entreprises du secteur des règles de bonne gouvernance en matière financière. La plupart des pays occidentaux et l’Union européenne imposent des règles prudentielles au secteur bancaire considéré comme central pour leur système économique. En Nouvelle-Calédonie, ce ne sont pas les banques qui jouent le rôle central, mais, en tout cas dans la période actuelle, les usines métallurgiques. Il ne serait pas illégitime que les pouvoirs publics imposent à ces entreprises, par l’intermédiaire d’une loi de pays, des ratios prudentiels de fonds propres à conserver

pour faire face aux besoins de trésorerie liés aux retournements

conjoncturels des cours, et aux besoins planifiés de gros investissements (réfection de fours, installations de production électrique, etc…). Ceci permettrait d’éviter les situations fausses dans lesquelles toute phase de retournement de cycle ou de réalisation de gros investissements donne lieu à des négociations avec les actionnaires dans des conditions qui risquent de dégrader le climat de confiance et de sérénité nécessaire à un partenariat durable. - Enfin, sans pouvoir être tranché, le débat de savoir si la politique industrielle en matière de nickel doit demeurer de nature provinciale ou être territorialisée ne peut être passé sous silence. De même que la prise d’engagement à l’étranger pour l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie pour la fourniture de minerai en grande quantité, sur des teneurs élevés et sur des dizaines d’années pourrait être réservée aux « Autorités Territoriales », en outre pouvant seules négocier des contreparties commerciales sur d’autres sujets, de même la multiplication de politiques provinciales, voire infra provinciale, en matière de développement de projets sur le nickel risque de déboucher sur un éclatement du Territoire, une balkanisation de fait si, a minima, des critères communs et des règles communes de décision ne sont pas définis.

5) Reconnaître une priorité de traitement du secteur du nickel par la création d’un « guichet unique » pour le nickel a) Le secteur du nickel représente, on l’a vu, un élément essentiel de l’équilibre économique mais aussi social de la Nouvelle-Calédonie. L’expérience a montré que les difficultés qu’y apparaissaient concernaient très rapidement l’ensemble de l’économie et de la société calédonienne et pouvaient mettre en cause sa crédibilité par rapport aux opérateurs extérieurs.

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L’existence de différences d’appréciations et même de divergence sur l’opportunité de décisions économiques dans le secteur du nickel est tout à fait légitime. Il est de la nature même du débat politique démocratique de faire apparaître ces divergences et d’y apporter une décision. Force est pourtant de constater que la multiplicité des procédures et des interlocuteurs multiplie les occasions de conflits, malentendus, retards dont le cumul forme un climat néfaste à la fois à la sérénité nécessaire pour les acteurs économiques et à la clarté du débat politique dont les enjeux apparaissent brouillés par de nombreuses contestations marginales sans rapport avec les sujets de fonds. b) A ce titre, il ne serait en aucune façon illégitime de reconnaître la place centrale du nickel en offrant à la petite dizaine d’opérateurs miniers et industriels du secteur l’accès à une procédure de « guichet unique » pour l’ensemble de leurs demandes administratives et juridiques. Il n’est pas proposé de créer une administration spécifique mais d’ouvrir un espace dédié (dont la DIMENC pourrait utilement être le point d’entrée), fonctionnant en réseau, de fonctionnaires des diverses administrations compétentes qui auraient été préalablement formés à la spécificité des données de la mine et de la métallurgie. Ceci ne donnerait en rien un droit de priorité ou de dérogation au secteur du nickel par rapport aux règlementations existantes, mais garantirait que le niveau de compétence et de disponibilité des agents en charge de leurs dossiers ait été organisé pour garantir que des réponses rapides fassent émerger l’existence d’accords sur des dossiers ou de désaccords pour des raisons de fond, et non de simples incompréhensions. Le réseau de fonctionnaires « dédiés » serait d’ailleurs aussi utile aux autorités politiques qu’aux entreprises en permettant, par un circuit court et spécialisé, de s’assurer que les priorités politiques définies démocratiquement sont bien comprises des fonctionnaires chargés de les appliquer. 6) La nécessaire clarification du débat sur les exportations a) Définir le concept de « l’usine off shore » - Dès lors que dans le montage d’une usine off shore, les sociétés minières (en Calédonie) et métallurgiques (à l’étranger) sont dissociées et non implantées en Nouvelle-Calédonie, l’usine off shore s’analyse juridiquement et économiquement comme une opération d’exportation de minerai au profit d’une usine métallurgique à l’étranger (en l’occurrence contrôlée par une entité néocalédonienne) suivie d’une opération de réinvestissement des revenus de l’exportation dans le capital de l’usine off shore. Ceci est confirmé par le fait que le minerai destiné à une telle usine fait l’objet, dans les faits, d’une autorisation spécifique d’exportation au titre de la législation sur le commerce extérieur.

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- Ce débat sur le modèle « off shore » doit d’abord trancher le fait de savoir s’il est opportun de geler dans la première transformation du minerai les revenus attendus de dizaines d’années d’exportation de minerai à haute teneur. En d’autres termes, il convient de comparer ce que rapporterait en termes financiers (puisqu’une usine off shore ne rapporte, par définition, rien en termes d’emploi et de sous-traitance industrielle hors mine) les revenus actualisés des minerais exportés sur la période, convenablement réinvestis par un fonds souverain, à la somme des dividendes de l’exploitation minière et logistique en Nouvelle-Calédonie et des dividendes rapatriables en Nouvelle-Calédonie attendus d’une telle usine (auquel il conviendrait d’ajouter éventuellement la valeur économique résiduelle de 51% de l’usine à l’expiration du contrat). - Par ailleurs, la question peut être posée de l’opportunité de réinvestir dans la première transformation du nickel, secteur très cyclique et à faible valeur ajoutée, les revenus de l’exportation du minerai soumis à un cycle de même nature et de même intensité. A cet égard, un examen des politiques de placements des fonds souverains des pays disposant d’une forte ressource en matière première (pays du nord de l’Europe par exemple) serait utile. A défaut, la volonté de « maîtrise de l’aval », dès lors qu’elle ne permet pas de maîtriser les prix du minerai risque de se réduire à la recherche de maximisation des profits dans les pays étrangers, par l’exploitation de facteurs qui handicapent la production métallurgique en Nouvelle-Calédonie, c’est-àdire l’utilisation d’énergie bon marché grâce au nucléaire ou de centrales très polluantes mais peu chères, et le recours à une main d’œuvre moins bien rémunérée que celle de Nouvelle-Calédonie. - Au-delà de ces analyses de principe, les modalités de prise de décision et d’engagement de la Nouvelle-Calédonie sur des projets de telle ampleur doivent être définies. L’expérience montre que l’engagement qui concerne en effet l’ensemble de l‘économie de la Nouvelle-Calédonie pour la fourniture de plusieurs millions de tonnes de minerai durant des dizaines d’années a des répercussions très fortes sur l’ensemble de l’économie calédonienne. De la même façon que la poursuite de l’implantation d’usines en Nouvelle-Calédonie doit faire l’objet d’un débat public et de décisions politiques collectives, la décision éventuelle de construction d’usines off shore devrait obéir aux mêmes règles de procédures et de transparence, sur les minerais et les gisements concernés, sur les pays et les montages juridiques économiques et fiscaux envisagés.

b) Hiérarchiser la politique des exportations L’examen des débats en cours sur l’exportation pourrait laisser croire à un observateur non averti que ce secteur ne bénéficie pas de règle de long terme. Pourtant le schéma minier existe et indique avec une assez grande précision les priorités prises en compte dans l’examen des demandes. Cette situation paradoxale provient, dans une certaine mesure, de la nécessité de revoir à l’aune de l’évolution des ressources et des marchés, certains des éléments

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du schéma minier actuel, comme il est totalement légitime de le faire à périodicité régulière. Par ailleurs, une meilleure gouvernance de la chaîne d’expertise et des formes juridiques des prises de décision en matière d’exportation pourrait ne pas être inutile. - Le schéma minier pourrait utilement être « revisité » pour intégrer la possibilité de nouvelles formes d’exportations utilisées dans d’autres secteurs (cuivre et plomb) et reposant sur le travail à façon temporaire, par des industriels en sous-utilisation de capacité, de minerais dont la propriété reste détenue par l’exportateur jusqu’à la livraison du produit raffiné. Cette méthode a l’avantage de permettre avec souplesse, sans engagement de capitaux, de récupérer une partie de la plus-value de la transformation sur des durées limitées, lorsque le marché s’y prête et strictement sur les produits faisant l’objet d’une demande solvable. - Par ailleurs, le modèle de « profit sharing » sur les exportations récemment obtenu des acheteurs japonais constitue également un mode d’exportation à valeur ajoutée renforcée qui pourrait être pris en compte dans le schéma minier. - Enfin, même si le pilotage par la teneur doit indubitablement demeurer la clef de la prise de décision en matière d’exportations, le caractère de stabilité des courants d’exportation, de sureté des contrats proposés (prix minimum et garanties d’enlèvement des quantités contractuels) pourraient être réexaminés. c) Améliorer la gouvernance de la décision - Dans la mesure où, comme il a été dit précédemment, il est peu rationnel d’autoriser l’extraction de minerai sans envisager l’utilisation et donc l’exportation éventuelle, il ne serait pas illégitime que l’Autorité indépendante proposée pour l’examen des attributions de concession formule également un avis consultatif public sur tous les dossiers de demande d’exportation. Ceci permettrait de garantir la prise en compte des différentes priorités, y compris celle de rééquilibrage entre les zones géographiques, et de respect de la diversité des acteurs. - L’organisation de cet avis devra pourrait être coordonné avec l’examen actuel prévu par le Comité Consultatif des Mines. En tout état de cause, il importe de revoir les règles concernant la saisine de ce Comité consultatif. En effet, en l’état actuel des textes et contrairement à tout le mouvement de l’évolution législative récente, les dossiers des demandes d’exportation ne sont pas obligatoirement soumis à l’examen du Comité, la règle étant que l’absence de présentation dans un délai de six mois vaut non pas accord mais refus. De ce fait, de très nombreux dossiers tombent de fait dans une « trappe de vide juridique », leur non présentation entraînant leur rejet sans débat ni motivation et l’absence de fait du recours techniquement possible devant le « Conseil des Mines ». Une telle procédure est nuisible aussi bien à la transparence et à la lisibilité de l’action publique qu’à la sécurité juridique nécessaire dans un secteur aussi sensible que le nickel. - Enfin et pour mémoire, la qualité de la rédaction des décisions en matière d’exportations pourrait utilement être améliorée en pratique, et à tout le moins être mise en conformité avec les

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prescriptions du code qui prévoit que l’origine précise de chaque tonnage avec ses caractéristiques doit figurer dans l’autorisation d’exportation, règle qui n’est appliquée que de façon aléatoire même pour des dossiers à forts enjeux, au risque d’ouvrir la porte à des contestations juridiques compte tenu des pouvoirs exorbitants du droit commun reconnu au Gouvernement à ce titre, si les motivations et les attendus ne respectent les principes qui ont pu justifier ces pouvoirs exceptionnels. * * * C) UN MODELE DE GOUVERNANCE POUR L’APRES NICKEL ET « L’A COTE DU NICKEL » Quel que soit l’avenir du nickel dans l’avenir de l’économie calédonienne, sa place ne peut que décroître. En tout état de cause, l’état de dépendance de l’économie calédonienne à un système aussi spéculatif et cyclique est malsain et dangereux. Il est donc à la fois nécessaire de travailler d’ores et déjà à la mise en place d’un système de réinjection des revenus du nickel dans d’autres secteurs économiques, et de mener une étude collective sur l’utilisation qui pourrait être fait de ces ressources. 1) Un Fonds souverain pour les générations futures

a) L’origine des ressources du Fonds - La création d’une « redevance/contribution » sur l’industrie du nickel au sens large est un des éléments permettant d’alimenter financièrement ce fonds. La situation des différentes utilisations du minerai devra cependant être examinée et tranchée de façon claire, notamment après un débat avec les entreprises. Une étude des schémas d’alimentation des grands fonds souverains, notamment Norvégien, pourrait être utile. - Une « redevance/contribution » sur l’exportation est une méthode généralement utilisée par les pays producteurs de matières premières. En ce qui concerne le minerai la redevance pourrait être assise sur la teneur et le cours du nickel (une taxe sur le prix des contrats risque de conduire à une délocalisation de certains éléments de la rémunération). - Un débat spécifique est nécessaire sur les usines. Si pour les usines futures éventuelles, l’existence de cette rémunération peut être un élément de l’appel d’offre, il y a contradiction pour les usines actuelles entre le principe d’une redevance et celui de la rémunération au titre des dividendes attendus par un actionnaire. Cette contradiction apparente pourrait être levée par la décision, en attendant que soit tranché à terme le sujet de la participation au capital ou en redevance des collectivités calédoniennes, de reverser au Fonds souverain les dividendes éventuels perçus des

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métallurgistes. Ainsi, l’unité d’action serait reconstituée, via le Fonds, quelles que soient les formes d’association, de contrôle et de rémunération des collectivités aux usines métallurgiques. - Le caractère public du Fonds souverain n’exclue en outre pas qu’une partie de ses dotations proviennent, sous une sorte de forme de « partenariat public-privé », des entreprises du secteur. L’expérience montre que la plupart d’entre elles ont déjà créé, sous forme de Fondations, de subventions, des mécanismes de redistribution, en général au profit des territoires concernés par leur activité. Rien n’interdit d’imaginer que les entreprises concernées acceptent de verser ces sommes par l’intermédiaire

du

Fonds

Souverain,

avec

un

contrat

d’objectif

sur

leur

utilisation.

Ceci pourrait même présenter pour elles l’avantage de ne plus être confrontées à une multiplicité de demandes particulières et d’intégrer aussi leurs versements dans le cadre d’une démarche générale, procurant en outre un fort effet de levier aux sommes versées. - De même, le « fonds nickel » pourrait être intégré, avec des règles de gestion spécifiques, au Fonds Souverain pour permettre de mieux financer les actions nécessaires de solidarité à l’égard des PMI du secteur. b) La nature et les objectifs du Fonds plaident pour un Fonds unique pour la Nouvelle-Calédonie. Par contre, le choix d’une gouvernance dépendant du Territoire, ou d’une gouvernance fédérative, comme la STCPI, regroupant les trois provinces est purement politique. Quel que soit le modèle retenu, la gouvernance du Fonds devrait associer les responsables des institutions politiques, les représentants du monde économique et de la société civile, et des experts indépendants qualifiés en économie, en gestion et en placements. c) Des principes directeurs devront être adoptés par les Autorités politiques sur les orientations de l’utilisation des fonds. Ces principes peuvent en effet porter sur des clefs de répartitions territoriales, pour continuer à assurer le rééquilibrage et sur des clefs de répartition entre sommes investies en Nouvelle-Calédonie ou sommes investies dans des placements à l’étranger à forts rendements en dehors de l’activité du nickel (comme c’est la pratique de nombreux Fonds Souverains existants). Rien n’interdit en ce domaine de prévoir une évolution dans le temps de ces clefs, en fonction en particulier de l’évolution de la surface financière de ce fonds, la priorité pouvant être dans un premier temps et compte tenu de la crise économique, l’investissement dans les secteurs créant le plus d’emplois ou dans les secteurs permettant de sortir de la logique de dépendance d’importation « de comptoir colonial » sur la consommation courante, puis dans un deuxième temps, la poursuite du rééquilibrage géographique et le soutien aux activités d’avenir. 2) Les activités d’avenir

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De nombreuses réflexions ont déjà été conduites sur les activités d’avenir. Sont régulièrement évoquées la mise en valeur des richesses halieutiques ou agricoles « de niche », à fortes valeur ajoutée et faisant l’objet d’une forte demande des pays asiatiques, ou des savoirs faire locaux (par exemple compétence maritime dans les Iles). - La poursuite du développement des nouvelles technologiques et la sécurisation de l’accès de la Nouvelle-Calédonie à un réseau de télécommunication performant et sûr sont également une priorité. - Les activités s’appuyant sur les progrès techniques liés à l’écologie et visant à la production énergétique non polluante où à la réduction du CO2, notamment grâce aux développements de certaines cultures, reboisements ou plantes marines. Des efforts de recherches marines pourraient ainsi utilement être soutenus, en liaison avec l’Université. - A ce titre la formation pourrait, en tant que telle, être éligible au Fonds. Elle offrirait le triple avantage de concerner directement les générations futures, d’améliorer le niveau de qualification et donc d’encourager au développement des nouvelles technologies et « la recherche développement » et de faciliter l’ouverture de la Nouvelle-Calédonie vers les pays de la zone pacifique. * * * CONCLUSION A ce stade, il est nécessaire qu’un nombre d’options soient examinées avant de progresser. - Le nombre, la nature et le phasage d’usines supplémentaires en Nouvelle-Calédonie doit faire l’objet d’un débat entre les responsables politiques en lien avec les populations, et les acteurs économiques et sociaux. - L’opportunité d’une révision de la gouvernance minière, avec une meilleure connaissance des réserves et coordination entre les aspects miniers, environnementaux et économiques, mise en concurrence ouverte pour les concessions futures avec création d’une « redevance/contribution », création éventuelle d’une Autorité Indépendante consultative est également un élément important. Dans ce cadre, les positions doivent être clarifiées par rapport à la date limite de 2019 pour la connaissance des gisements. - Le rôle central des maires conduit à devoir reposer le sujet d’une fiscalité dédiée au profit des communes minières. - De même le rôle des collectivités comme actionnaires des entreprises métallurgiques doit être clarifiée, en tout cas pour l’avenir, et un modèle alternatif reposant sur des « actions spécifiques », des Commissaires du Gouvernement et une « redevance/contribution » être examinée.

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- La création d’un guichet unique pour les formalités des entreprises du secteur du nickel pourrait être envisagée - La politique d’exportation pourrait être mise à jour et clarifiée, dans ses objectifs, ses modalités de prise de décision, avec éventuellement l’avis de l’Autorité Indépendante sur le statut des usines off shore et sur la hiérarchie de ses priorités. - La création d’un Fonds Souverain pour les générations futures est ambitionnée par tous. Reste cependant à en définir le positionnement, le financement (« redevance/contribution », reversement de dividendes, partenariat public/privé) et le champ de compétence. Sur ces sujets, il serait souhaitable que l’on puisse, pour avancer, recenser les points de consensus ou de convergence avec réserves, sur lesquels le travail de réflexion pourrait d’ores et déjà être approfondi, et les points sur lesquels subsistent des divergences, en les hiérarchisant et en les explicitant. Une méthode pour progresser sur les sujets ne faisant pas l’objet de convergence, serait que chaque structure représentée au Comité des Signataires précise les raisons de ses réticences et objections et que le Comité se réunisse ultérieurement pour délibérer, sur la base de l’expression fournie par chaque groupe, de la façon de surmonter les différents et converger sur des solutions éventuellement autres. * La crise actuelle des matières premières et du nickel en particulier, recouvre une évolution de moyen terme plus pernicieuse pour l’économie calédonienne. Quels que soient les évolutions futures des marchés, il est peu vraisemblable que ceux-ci retrouvent à un horizon de décision opérationnelle utile, des niveaux historiquement haut. Le nickel restera donc durablement vraisemblablement une matière première à assez faible valeur ajoutée, soumise à des mouvements spéculatifs et nécessitants, dès la première transformation, des immobilisations de capital importantes et longues. A ce titre, il est indispensable de préparer dès à présent l’après nickel et l’« à côté du nickel » pour ne pas laisser la Nouvelle-Calédonie à la merci de ce seul secteur. En attendant, tous les efforts devraient être mobilisés dès maintenant pour préserver l’existant en produisant collectivement de la confiance au profit des entreprises qui sont appelées à combler les pertes et poursuivre les investissements, et à maintenir la solidarité nécessaire entre tous les acteurs et territoires du nickel pour éviter que la crise ne retombe de façon irréversible sur les plus fragiles. Le Comité des Signataires offre une tribune visible et reconnue pour réaffirmer ces valeurs collectives et progresser.

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