Ouverture du 12e comité des signataires 3 octobre 2014 - Hôtel Matignon Allocution de Manuel VALLS, Premier ministre Madame la ministre, Madame, messieurs les parlementaires, Monsieur le président du congrès [Gaël YANNO], Madame la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie [Cynthia LIGEARD], Messieurs les présidents des Provinces du Nord et du Sud [Paul NEAOUTYINE, Philippe MICHEL], Monsieur le haut-commissaire [Vincent BOUVIER], Mesdames, messieurs les membres du comité des signataires ; Je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation. C’est avec grand plaisir, mais aussi avec une certaine émotion que je retrouve, ici, des visages connus, des personnalités fortes qui ont marqué ma mémoire. L’histoire de la Nouvelle-Calédonie, c’est un peu un fil rouge de mes années à Matignon. C’est donc un bonheur sincère de vous retrouver et de pouvoir vous accueillir à Matignon. Matignon, dont le nom est si étroitement attaché à l’Histoire de la Nouvelle-Calédonie. Je veux saluer le chemin accompli depuis plus de 25 ans par les Calédoniens. Qu’ils se définissent comme indépendantistes ou nonindépendantistes, les Calédoniens peuvent être très fiers de ce qu’ils ont réalisé ensemble : la paix bien sûr, mais aussi la mise en place d’institutions originales associant chaque communauté à la gestion de la Nouvelle-Calédonie. Parce que la situation l’exigeait, des femmes et des hommes engagés, clairvoyants, courageux ont su dépasser leurs différences. Les mains tendues, l’attention aux symboles, le respect de l’adversaire politique, les concessions réciproques dans l’honneur… tout cela ne peut que susciter l’admiration. Et je veux saluer cet esprit 1
constructif qui a permis de dépasser les clivages. Il faut – je le sais – du courage pour cela. Avec George PAU-LANGEVIN, nous savons que la Nouvelle-Calédonie n'est pas un sujet comme les autres. Il suffit de relire la Constitution pour s’en convaincre. Ce qui a été accompli en Nouvelle-Calédonie est d’ailleurs unique au monde : un processus de décolonisation fondé, non pas sur la violence, mais sur le dialogue, le partage et le rééquilibrage économique et social. Cela n’a été réussi nulle part ailleurs. Retenons-en la leçon : discuter n’est jamais une perte de temps, ni une preuve de faiblesse. Dialoguer, sans a priori, ne préjuge pas de la solution retenue en fin de compte. Et c’est par le débat que nous continuerons à construire les solutions originales et innovantes auxquelles aspirent les citoyens calédoniens.
1. Un Etat, partenaire loyal et transparent, des Accords.
Mesdames, messieurs, Ce 12e comité des signataires se déroule à un moment crucial pour la Nouvelle-Calédonie. C’est au cours de cette législature que le Congrès de Nouvelle-Calédonie pourra demander une Consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. A défaut, il reviendra à l’Etat, conformément aux textes des Accords, d’organiser ce vote par referendum à compter de mai 2018. Notre responsabilité est donc immense. Il s’agit de permettre aux Calédoniens de se prononcer démocratiquement sur leur avenir, et sur le lien qu’ils souhaitent avoir avec la France. Il est de notre devoir collectif que ce processus se déroule de manière transparente et incontestable. Notre feuille de route est claire : aider les Calédoniens à faire en toute conscience un choix qui n’appartient qu’à eux. Je le redis devant vous : le rôle de l’Etat, c’est d’être un partenaire à la hauteur des enjeux. Lors de nos entretiens, les élus calédoniens ont tous exprimé leur souhait que l’Etat s’implique de manière forte et volontaire. 2
Ils ont raison, vous avez raison : on ne pourrait que reprocher à l’Etat son inaction ou sa passivité. Mais un Etat fort et actif ne signifie pas un Etat partial qui interfère dans le jeu politique local ou qui prend parti en faveur d’un camp. L’Histoire de la Nouvelle-Calédonie nous le montre, nous ne pourrons progresser que dans la transparence et la confiance. Et je tiens, ici, à tordre le coup aux rumeurs, qui se propagent si rapidement et si massivement sur les réseaux, sur Internet : il n’y a ni plan caché, ni accord secret, ni volonté de passer en force ou d’imposer une lecture partisane de l’Accord de Nouméa. La parole donnée par l’Etat est celle du libre choix des Calédoniens, et cette parole sera respectée. Il est exclu que le Gouvernement se substitue au choix des acteurs calédoniens. L'Accord de Nouméa, signé en 1998, a confirmé votre volonté de construire ensemble un destin commun fait de paix, de solidarité et de prospérité. C'est notre horizon politique.
2. La question partisane.
calédonienne sera gérée de manière non-
Dès ma prise de fonction comme Premier ministre, j’ai rencontré les responsables politiques et institutionnels de Nouvelle-Calédonie. Lors de ces entretiens, j’ai tenu un même langage : la Nouvelle-Calédonie ne doit pas être instrumentalisée à des fins de rivalités partisanes. Les accords de Matignon-Oudinot, comme celui de Nouméa, ont été respectés et fidèlement mis en œuvre par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite. Les Présidents de la République, François MITTERRAND, Jacques CHIRAC, Nicolas SARKOZY ont tous été les garants de la parole donnée par la République. C’est le même mandat qui m’a été confié par le Chef de l’Etat. A cet égard, le rapport de messieurs COURTIAL et MELINSOUCRAMANIEN a produit un résultat très intéressant. Sans jamais prendre parti, et dans le respect de toutes les sensibilités, ce rapport 3
ouvre de nombreuses perspectives. Je crois aussi qu’il nuance les conséquences concrètes de certaines lignes de clivage. Ce rapport a initié un débat public approfondi sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ce débat, il faut désormais le faire vivre car il nous interpelle tous sur la nécessité – et presque l’urgence ! – d’anticiper toute une série de questions. Je souhaite que chacune des forces politiques en présence puisse se positionner, à son rythme, et selon des modalités qu’elle se choisit librement. Et pour que l’Etat joue pleinement son rôle de partenaire et apporte sa pierre aux travaux sur l’avenir institutionnel, j’ai demandé à deux grands connaisseurs, Alain CHRISTNACHT et Jean-François MERLE, de réaliser une mission d’écoute et de conseil pour le compte de l’Etat. Si les partenaires calédoniens le demandent, messieurs CHRISTNACHT et MERLE pourront se mettre à leur disposition. Ce choix repose avant tout sur une compétence et une expérience reconnues. Ils disposent en outre de mon entière confiance, et d’un lien direct avec mon cabinet. Mais cette mission n’a pas vocation à se substituer aux acteurs politiques ou aux autorités administratives. Elle n’a pas reçu de mandat de négociation. C’est aux acteurs qu’il appartient d’exprimer leur vision de l’avenir dans le débat démocratique. * Si j’ai voulu que cette mission se mette en place avant ce douzième comité des signataires, c’est pour qu’elle puisse contribuer à sa préparation. Elle a tenu, à Paris et à Nouméa, un grand nombre d’entretiens, et je souhaite qu’elle poursuive sa tâche. Compte tenu de la complexité juridique des questions qui se poseront à nous, quel que soit le libre choix des calédoniens, je souhaite que nous mobilisions toutes les intelligences et toutes les expériences. Aussi, je propose aux membres du comité des signataires la mise en place d’un groupe d’experts qui pourrait, si vous en étiez d’accord, être réuni et consulté régulièrement par la mission et le Gouvernement. Il pourrait être composé de personnalités aux parcours diversifiés et reconnues pour leur connaissance de la Nouvelle-Calédonie et de ses institutions. Enfin, j’ai souhaité que cette approche transpartisane se fasse en lien avec le Parlement. C’est pourquoi, un groupe de travail parlementaire, 4
associant majorité et opposition, sera mis en place afin de suivre les travaux sur la Nouvelle-Calédonie. A l’Assemblée nationale une mission d’information relevant de la conférence des présidents devrait être créée dans les tous prochains jours. Le Sénat fera de même dès que ses nouvelles instances auront été installées.
3. L’Etat continuera d’accompagner les Calédoniens.
Je l’ai dit devant l’Assemblée nationale, je le redis devant vous : la Nouvelle-Calédonie est une priorité de mon Gouvernement. Bien sûr, il y a les questions institutionnelles – elles sont majeures –, mais je n’ignore rien des difficultés quotidiennes des Calédoniens : les problèmes d’emplois, de logement, la vie chère, les enjeux d’éducation et de formation professionnelle, ou encore les questions de sécurité. Ces difficultés doivent trouver des réponses concrètes. En Nouvelle-Calédonie aussi, les citoyens attendent que l’Etat soit présent au plus près des attentes des habitants et qu’il soit le garant de l’ordre public et de la justice. C’est la mission du Haut-commissaire, de forces de police et de gendarmerie, et de la Justice. Tous doivent agir avec la plus grande fermeté contre les fauteurs de trouble et pour garantir la cohésion. L’Etat doit également être pleinement mobilisé pour cette grande priorité arrêtée par le Président de la République : la jeunesse. Ensemble, autorités politiques, administratives ou coutumières, nous devons agir pour redonner à nos jeunes cet espoir, cette confiance dans l’avenir qui leur manque trop souvent. L’Etat tiendra ses engagements en matière de rééquilibrage économique et de contrats de développement. Plus de 48 milliards de Francs Pacifique (400 millions d’euros) ont été engagés entre 2011 et 2015. Pour la prochaine génération de contrats de développement, ce montant – je tiens à la souligner – sera maintenu. L’Etat continuera ainsi de soutenir la Nouvelle-Calédonie, d’investir dans la formation des jeunes calédoniens mais aussi dans la recherche et la santé. ** Mesdames, messieurs, 5
La réunion de ce 12e comité appelle un ordre du jour très riche et très dense : avenir institutionnel, listes électorales, transferts de compétence, Nickel. Autant de sujets décisifs pour la Nouvelle-Calédonie. Je suis attaché à ce que ce comité des signataires se déroule, comme par le passé, dans la sérénité. Il est le lieu où les partenaires peuvent échanger, sur leurs accords ou sur leurs points de divergences. Il est dans tous les cas un lieu où l’on progresse ensemble. Progresser ensemble : c’est ce mot d’ordre qui doit accompagner nos travaux, avec un seul objectif en tête : construire un avenir commun en Nouvelle-Calédonie. Mais avant de commencer, je vous propose que nous ayons ensemble une minute de silence pour saluer la mémoire de Jacques LAFLEUR et de Jean-Marie TJIBAOU, ces deux hommes d’Etat, ces deux visionnaires qui ont rendu possible la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui. * Je vous remercie. ***
6