cb TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NOUVELLE-CALEDONIE
N° 1400309,1400310 ___________ Association Ensemble pour la planète (EPLP) __________ M. Schnoering Rapporteur ___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie
M. Arruebo-Mannier Rapporteur public ___________ Audience du 12 mars 2015 Lecture du 2 avril 2015 ___________
Vu, I, la requête, enregistrée le 19 septembre 2014 sous le numéro n° 1400309, présentée pour l'association Ensemble pour la planète (EPLP), dont l'adresse postale est BP 32008 à Nouméa (98897) par Me Charlier, avocat; l’association Ensemble pour la planète (EPLP) demande au tribunal : - d’annuler la décision implicite de rejet née du silence de la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur sa demande en date du 10 juin 2014 tendant à l'interdiction des épandages aériens de malathion et à l'adoption d'une réglementation biocides ; - d’enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'interdire les épandages de malathion conformément à l'article L. 911-1 du Code de justice administrative et ce, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; - d’enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'adopter une réglementation biocide dans un délai raisonnable et ce, conformément à l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; - de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - son intérêt à agir est clairement établi ; - son recours est recevable ;
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- le principe de précaution défini par l’article 5 de la Charte de l’environnement est violé ; - en outre, en application du principe de prévention, l’autorité publique est tenue d’édicter une réglementation afin de prévenir des troubles à l’ordre public résultant des risques sanitaires ; - l’Union européenne interdit les usages biocides du malathion et, en usages agricoles, les restreint aux lieux clos ; - les risques d’utilisation du malathion pour la santé humaine et l’environnement présentent un caractère réel ; - dans un avis n° 2009-SA-0338, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) précisait notamment que l’évaluation du risque présenté par les différents insecticides doit être réalisée au cas par cas ; - la Guyane a autorisé, par voie de dérogation, l'utilisation du malathion dans le cadre de la lutte contre les moustiques vecteurs du chikungunya mais uniquement pour une durée de 180 jours ; - M. Christophe Duplais, en sa qualité de chimiste du Centre national de la recherche scientifique, a rappelé que le malathion est une molécule qui va se dégrader en malaoxon considéré comme étant 60 fois plus nuisible, que les pulvérisations se font depuis la route, sur 5 à 10 mètres, que plus loin, on ne trouve que des traces du produit qui ne suffisent pas à tuer le moustique mais constituent des doses homéopathiques qui favorisent sa résistance, que le produit va dans les jardins, les fruits, les légumes et s'attaque aussi aux insectes « utiles», comme les abeilles et que, dans les zones aquatiques, il s'avère nocif pour les populations d'amphibiens ; - une analyse des risques liés à synergie toxique en cas d'exposition à des insecticides d'autres catégories apparaît également nécessaire ; - aucune réglementation de police administrative centrée sur la prévention des troubles à l'ordre public résultant du risque sanitaire que constitue l'utilisation des biocides n'a été, à ce jour, adoptée ; - le malathion est utilisé en Nouvelle-Calédonie et spécifiquement à Nouméa de façon continue y compris en période scolaire et pendant la floraison depuis plusieurs années et ce, en l'absence totale d'évaluation de son efficacité et de ses effets toxiques et écotoxiques laquelle permettrait assurément de délimiter le périmètre des risques afférents à de tels épandages aériens ; - dans le cas des épandages de la lutte anti-vectorielle, même utilisé à dose plus faible qu'en usage agricole, les personnes sont au cœur du nuage de malathion, y compris les populations à risque plus élevé, enfants, malades, femmes enceintes et allaitantes alors même que l'ensemble des fiches de sécurité mentionnent les précautions particulières à utiliser pour la protection des enfants et adolescents ; - il est à cet égard recommandé de « ne pas former de brouillard» lors de l'utilisation du malathion alors que l'épandage consiste justement en la production d'un brouillard de gouttelettes très fines, beaucoup plus fines qu'en usage agricole et suspendues dans un pétrole léger, ayant de ce fait un temps de suspension dans l'air plus long et un pouvoir de pénétration plus élevé, par inhalation et voie cutanée notamment ; - la toxicité est quadruple avec la toxicité propre au malathion, cette toxicité augmentant si le produit est stocké depuis plus de 3 mois et si la température est élevée ; - à Nouméa, le stockage concerne plusieurs milliers de litres à proximité immédiate notamment de l'école Céline Teyssandier de Laubarède sous un abri de tôle alors même que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recommandait un stockage au frais ; - aucun contrôle du niveau d'isomalathion, impureté à risque, n'est réalisé ;
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- elle a été destinataire de nombreuses plaintes d'apiculteurs concernant la perte de tout ou partie de leurs cheptels apicoles ; - les niveaux d'exposition modélisés conduisent à des risques inacceptables pour les applicateurs les personnes présentes dans la zone traitée avec du malathion ; - les véhicules utilisés par la commune de Nouméa pour répandre le malathion ne sont pas pressurisés mais uniquement climatisés permettant ainsi l'entrée des substances toxiques dans l'habitacle ; - de même, les équipements de protection individuelle s'avèrent inefficaces ; - en outre, des risques potentiels d'une accumulation de cette toxine dans les eaux, les sédiments des cours d'eau et des mangroves en zone urbaine et conséquemment, du littoral sont avérés entraînant des effets délétères sur la faune et la flore de ces milieux ; - est également relevé un risque de bioaccumulation et de bioamplification chez les poissons et crustacés consommés par l'homme en bout de chaîne alimentaire ; - les cultures avoisinant le traitement insecticide sont susceptibles d'être contaminées ; - une exposition via les denrées disposées sur les étals exposition indirecte des aliments, via la vaisselle, les ustensiles de cuisine et les surfaces contaminées est également envisageable ; - l'Agence a recommandé certaines mesures de gestion supplémentaires en cas d'autorisation d'utilisation du malathion ou du fénitrothion ; - sont préconisés en lieu et place ou en complément de la lutte chimique avec des substances biocides autorisées en Union européenne, divers moyens de «lutte physique visant à rendre l'environnement hostile à la population de vecteurs par l'élimination des gîtes larvaires par drainage, colmatage des cavités naturelles, gestion des déchets, gestion des plans d'eau et gestion des eaux usées notamment en zones urbaines ; - bien qu'informé et connaissant l'existence de risques sanitaires quant au fait de répandre volontairement en zone urbaine un puissant toxique, aucune réglementation n'a été adoptée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour prévenir ce risque sanitaire ; - en application de l'article 22 alinéa 4 de la loi organique du 19 mars 1999, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière « d'hygiène publique et santé » et peut ainsi, lorsqu'il existe un risque d'atteinte à la santé publique, imposer des contraintes aux particuliers et aux services publics locaux ; - de plus, l'article 134 de la loi organique modifiée du 19 mars 1999 prévoit que dans les matières relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, le président du gouvernement exerce les pouvoirs de police administrative et de réquisition ; - la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a manifestement commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande de l'association tendant à interdire les épandages aériens de malathion ; - la carence de l'intervention du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans l'exercice de ses pouvoirs de police afin de garantir la santé publique a pour conséquence d'exposer la population calédonienne à un risque sanitaire et environnemental ; - la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a manifestement commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande de l'association tendant à réglementer l’usage des biocides ; - il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles ; Vu le mémoire, enregistré le 15 janvier 2015, présenté pour la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui conclut au rejet de la requête ;
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Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que : - dans la mesure où le principe de précaution vise à prévenir les risques environnementaux incertains en l'état actuel des connaissances scientifiques, la requérante n'est pas fondée à invoquer un moyen tiré de la violation de l'article 5 de la charte de l'environnement tout en affirmant que ces risques sont avérés : le principe de précaution ne trouve en effet à s'appliquer qu'en cas d'incertitude scientifique empêchant d'évaluer les risques avec suffisamment de précision, l'office du juge se limitant à contrôler les mesures qui doivent être prises par les pouvoirs publics pour parer à la réalisation de ces risques ; - conformément aux dispositions de l'article 3 de la charte de l'environnement, l'existence de risque scientifiquement avéré ne relève pas du principe de précaution, mais du principe de prévention, l'autorité publique étant tenue de prévenir la survenance de ces risques par toutes les mesures appropriées ; - si, par extraordinaire, le Tribunal devait estimer que la requérante est fondée à se prévaloir de la violation des dispositions de l'article 5 de la charte de l'environnement, elle entend démontrer que ce grief est infondé ; - le malathion, substance active de classe III, est considéré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un produit biocide « légèrement dangereux » ; - l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) indique que cet insecticide présente « une faible toxicité sur les mammifères » ; - l'OMS a par ailleurs déterminé que la pulvérisation aérienne de malathion dans les conditions de lutte anti-vectorielle ne cause pas d'effets néfastes sur les vertébrés terrestres et dans le fonctionnement des sols, mais représente un risque moyen pour les organismes aquatiques ; - les épandages de malathion près des cours d'eau sont évités afin de limiter les risques d'exposition des organismes aquatiques ; - conformément à l'arrêté n° 89/863 du 21 juin 1989 réglementant 1'implantation des ruches sur le territoire de la commune de Nouméa, toute personne est tenue de déclarer l'emplacement et le nombre de ruches qu'elle possède auprès de la mairie de Nouméa ; - les propriétaires et détenteurs de ruches sont ainsi systématiquement informés des épandages afin que les ruches soient protégées ; - dans son rapport relatif aux insecticides larvicides et adulticides alternatifs pour les opérations de démoustication en France, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) indique que le malathion est un insecticide peu dangereux pour 1'homme s'il est appliqué suivant les recommandations de 1'OMS ; - l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et l'IRD indiquent que l'OMS préconise aussi son utilisation en aspersion spatiale (ULV) aux doses de 112 à 600 g/ha si la nébulisation est faite à froid et de 500 à 600 g/ha si celle-ci est réalisée à chaud, le malathion possède 1'avantage de se dégrader rapidement dans l'environnement ; - les doses d'emploi du malathion recommandées par l'OMS (112 à 600 g/ha) sont bien respectées dans la mesure où la dose appliquée localement est de 150 g/ha, soit très largement inférieure à la dose maximale recommandée ; - le malathion n'est pas considéré comme une substance active cancérogène, mutagène et reprotoxique au sens de l'article R. 4411-6 du code du travail applicable en métropole ; - contrairement à ce que prétend la requérante, il n'a pas été prouvé de façon incontestable d'effets chroniques ou subchroniques du malathion sur l'homme aux doses recommandées d'utilisation ;
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- les doses de malathion utilisées en tant que produit phytosanitaire à usage agricole peuvent varier de 1 kg/ha à plus de 2 kg/ha, alors que les doses utilisées dans le cadre de la lutte anti-vectorielle sont comprises entre 112 g/ha et 600 g/ha en nébulisation à froid ; - les doses utilisées localement sont près de 10 fois inférieures à celles utilisées par les agriculteurs ; - selon1'agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du Canada (ARLA) l'utilisation de cette substance active ne présente aucun risque inacceptable pour la santé humaine ou pour l'environnement ; - en 2006, l'United states environnemental protection agency a également réexaminé l'innocuité et les avantages liés à l'utilisation du malathion et a conclu que les risques pour l'environnement et la santé humaine n'étaient pas préoccupants ; - c’est le niveau de résistance des moustiques vecteurs au malathion qui a justifié que cette substance active soit autorisée en Guyane pour une durée limitée indépendamment de toute considération d'ordre sanitaire ou environnemental : l'argument avancé par l'association est donc manifestement infondé ; - contrairement à ce que soutient l'association EPLP, la substance active litigieuse n'est pas autorisée dans les pays européens dans la mesure où aucun dossier de demande d'homologation n'a été déposé ; - dans son avis de juillet 2007, l'AFSSET précise ainsi qu'aux difficultés liées à la résistance des moustiques vecteurs s'ajoutent des contraintes liées à l'utilisation/homologation des biocides : les molécules n'ayant pas été notifiées par les industriels dans le cadre de la directive européenne Biocides 98/8/CE ou pour lesquelles aucun dossier d'homologation n'a été déposé, ne peuvent plus être utilisées par les services de démoustication: c'est le cas du malathion ; - les services de l'Etat, interrogés par la Nouvelle-Calédonie sur les raisons pour lesquelles le malathion avait été retiré de la liste européenne des substances actives utilisables en matière de lutte anti-vectorielle ont confirmé que l'absence de dépôt de dossier d'évaluation était le seul motif justifiant le retrait de cette substance ; - depuis 2002, en dehors des périodes d'épidémies, les épandages sont réalisés en mode péri focal uniquement autour du lieu d'habitation du malade, ce qui limite considérablement les risques liés à une exposition chronique de la population au malathion ; - conformément aux exigences internationales, les épandages sont réalisés tôt le matin ou en soirée afin de limiter au maximum l'exposition des habitants ; - des mesures particulières sont également mises en œuvre afin d'éviter que les populations les plus vulnérables soient en contact avec les produits biocides utilisés dans le cadre de la lutte anti-vectorielle ; - les pulvérisations à proximité des écoles et des internats sont réalisés en l'absence des enfants, le soir ou pendant les vacances scolaires ; - les épandages réalisés autour des établissements accueillant des personnes fragiles sont également soumis à des procédures particulières en concertation avec les responsables des établissements ; - des recommandations spécifiques sont également adressées aux agents du service d'inspection et de prévention des risques environnementaux et sanitaires (SIPRES) afin d'éviter que les administrés et notamment les piétons soient en contact direct avec le produit biocide ; - lorsqu'un épandage est prévu dans une zone déterminée de la ville de Nouméa, les riverains en sont informés dans les meilleurs délais, par des messages téléphoniques, radiodiffusés ou télévisés ; - des protocoles de sécurité ont également été établis par la mairie de Nouméa afin de garantir la sécurité des opérateurs qui procèdent aux épandages ;
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- les épandages de malathion respectent les prescriptions internationales, l'argument avancé par la requérante devra donc nécessairement être écarté ; - des mesures particulières sont également mises en œuvre afin de garantir la sécurité du conditionnement et de l'évacuation des déchets des produits biocides utilisés ; - les stocks de malathion sont entreposés dans trois docks séparés par des cloisons étanches situés dans l'enceinte du SIPRES ; - contrairement à ce que soutient l'association EPLP, les produits stockés ne sont pas soumis aux variations de températures puisqu'ils sont entreposés à l'abri de la chaleur et de la lumière, selon les recommandations du fabricant et des fiches de données de sécurité ; - ces docks font l'objet de mesures de sécurité adaptées (fermeture des docks en dehors des heures d'utilisation, système d'alarme en cas d'intrusion, présence d'extincteurs en nombre suffisant et stock de vermiculite en cas de déversement accidentel) ; - une aire de lavage reliée aux deux cuves tampons est située à l'avant des docks de stockage permettant le nettoyage des véhicules et des combinaisons après usage ; - une gestion rigoureuse des stocks empêche tout dépassement du délai de conservation des produits ; - les déchets, conditionnés dans des fûts hermétiques disposés sur bac de rétention, sont enlevés par la société calédonienne de déchets industriels et spéciaux (SOCADIS), seule entreprise habilitée en Nouvelle-Calédonie à exporter de tels produits en vue de leur traitement ; - les recommandations émises par l'ANSES concernant le stockage et l'élimination des insecticides utilisés sont bien respectées ; - l'argument avancé par l'association EPLP selon lequel «plusieurs milliers de litres de malathion seraient stockés à proximité immédiate notamment de l'école Céline Teyssandier de Laubarède sous un abri de tôle alors même que 1'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de 1'environnement et du travail recommandait de le stocker au frais est donc manifestement infondé et ne pourra qu'être écarté ; - il n'existe aucun traitement, ni aucun vaccin contre les arboviroses auxquelles doit faire face la Nouvelle-Calédonie ; - bien que ne constituant qu'une composante de la lutte anti-vectorielle mise en œuvre localement, les épandages de produits biocides ont une importance majeure en Nouvelle-Calédonie ; - le malathion, utilisé en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1970, a été remplacé par la deltaméthrine vers la fin des années 1980 dans le cadre des épandages de confort réalisés sur la commune de Nouméa au cours de la saison chaude, mais compte tenu du phénomène de résistance des vecteurs Aedes aegypti à la deltaméthrine, le malathion a dû de nouveau être utilisé à partir de 2005 ; - l'utilisation alternée de ces deux produits est indispensable sous peine de priver d'efficacité ces deux substances actives et d'exposer la population à des épidémies incontrôlables telles que celles qu'ont récemment connues certains départements et collectivités d'outre-mer ; - l'utilisation alternée de ces substances actives a ainsi permis une réelle diminution de la densité vectorielle en Nouvelle-Calédonie ; - contrairement à ce que soutient la requérante, l’efficacité des produits constitués de malathion dans la lutte contre les moustiques vecteurs a été examinée par l’OMS ; - seules la deltaméthrine et le malathion ont été identifiés par l'ANSES comme substances actives de classe A, utilisables par pulvérisation spatiale contre les moustiques adultes ;
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- la classe A regroupe les substances actives suffisamment connues pour pouvoir être ordonnées par jugements d'experts selon leur intérêt, en prenant en compte leur efficacité, leur toxicité, leur écotoxicité, les usages ou encore leur disponibilité sur le marché ; - selon l'IRD le malathion possède de nombreux avantages ; - la pulvérisation spatiale de malathion, bien que nécessaire, ne constitue qu'une composante de la lutte anti-vectorielle ; - de nombreuses stratégies permettant de limiter le recours aux épandages de produits adulticides sont actuellement étudiées par les services de la Nouvelle-Calédonie, la mairie de Nouméa et l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie ; - le principe de précaution n'a aucune vocation à garantir le « risque zéro », il appelle à une prise de risque raisonnable dans un contexte jugé encore incertain ; - les inconvénients liés à l'utilisation du malathion sont en l'état actuel des connaissances scientifiques seulement suspectés, alors que les conséquences des épidémies de maladies transmises par le moustique Aedes aegypti sont elles avérées et inacceptables pour les personnes qui en sont victimes ; - il ressort du rapport du sénat du 21 mai 2014 relatif à la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation qu'il appartiendrait aux autorités publiques compétentes, non pas de renoncer, par précaution, aux décisions ou projets en cause, mais de mettre en œuvre des procédures d'évaluation des risques et d'adopter des mesures provisoires et proportionnées pour empêcher que le risque se concrétise ; - il est de jurisprudence constante que la légalité des mesures prises par une autorité administrative sur le fondement du principe de précaution est subordonnée au respect du principe de proportionnalité ; - en l'espèce, des mesures adaptées et proportionnées au risque d'exposition des habitants de la commune de Nouméa ont été mises en œuvre ; - en l'absence d’alternative biocide efficace, interdire les épandages de malathion aurait pour conséquence d'exposer la population à des risques sanitaires inacceptables ; - il ressort d'une lecture combinée des articles 22-4° et 83 de la loi organique statutaire que l'exercice de la compétence normative en matière de « santé publique » relève du congrès de la Nouvelle-Calédonie et non de l'exécutif ; - bien que l'article 134 de la loi organique attribue à la présidente du gouvernement un pouvoir de police spéciale, il n'en demeure pas moins que la compétence réglementaire en matière de santé publique reste dévolue au congrès de la Nouvelle-Calédonie ; - les dispositions de l'article L. 1411-1 du code de la santé publique applicable en métropole ne sont toutefois pas applicables en Nouvelle-Calédonie conformément au principe de spécialité législative consacré par l'article 6-2 de la loi organique ; - l'association considère qu'il résulte de l'absence de cadre réglementaire applicable aux produits biocides une absence de prise en compte des risques sanitaires et environnementaux liés à l'utilisation de ces produits et plus particulièrement du malathion mais la prise en compte des risques sanitaires et environnementaux n'implique pas nécessairement l'adoption d'un texte réglementaire ; - la Commission européenne a précisé que le recours au principe de précaution ne se traduit pas nécessairement dans l'adoption d’actes visant à produire des effets juridiques qui sont susceptibles d'un contrôle juridictionnel ; - l'adoption d'un texte réglementaire ne constitue qu'un des moyens d'actions à la disposition des pouvoirs publics ; - en concertation avec la commune de Nouméa, elle a mis en œuvre une série de mesures destinées à prévenir tout risque sanitaire lié à l'utilisation du malathion ;
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- bien que n'étant pas consacrées par un acte juridique, ces mesures sont conformes aux exigences internationales et aux recommandations des agences sanitaires nationales, garantissant ainsi à la population calédonienne un niveau approprié de protection sanitaire ; - contrairement à ce que soutient la requérante, l'absence de cadre normatif applicable aux produits biocides n'a pas pour effet d'exposer la population à un risque sanitaire inacceptable ; - l'ensemble des mesures préventives, organisationnelles et techniques mises en œuvre par la Nouvelle-Calédonie ont précisément pour objet d'évaluer et de limiter ce risque sanitaire en s'appuyant sur des expertises et des évaluations scientifiques réalisées par l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, l'OMS ou encore l'ANSES ; - les demandes d'injonction ne pourront qu’être rejetées ; - la demande de frais irrépétibles ne pourra qu’être rejetée ; Vu l'ordonnance en date du 19 janvier 2015 fixant la clôture d'instruction au 24 février 2015, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative ; Vu, enregistré le 20 février 2015, le mémoire présenté pour l'association Ensemble pour la planète (EPLP) qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; Elle ajoute que : - le risque encouru à travers l’utilisation du malathion est potentiel ; - aucune étude scientifique n’a été réalisée en Nouvelle-Calédonie permettant d’évaluer les risques pour la santé humaine et l’environnement ; - les mesures adoptées par la ville de Nouméa comportent des risques sanitaires et environnementaux ; - l’information de la population est insuffisante ; - aucune réglementation biocide n’a été, à ce jour, adoptée par la NouvelleCalédonie ; - la carence de la Nouvelle-Calédonie dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative est donc manifeste ; - l’injonction sollicitée est justifiée ; Vu, enregistré le 23 mars 2015, la note en délibérée présentée par Me Charlier pour l’association Ensemble pour la planète ;
Vu, II, la requête, enregistrée le 19 septembre 2014 sous le numéro n° 1400310, présentée pour l'association Ensemble pour la planète (EPLP), dont l'adresse postale est BP 32008 à Nouméa (98897) par Me Charlier, avocat ; l’association Ensemble pour la planète (EPLP) demande au tribunal : - d’annuler la décision implicite de rejet née du silence du maire de la commune de Nouméa sur sa demande en date du 10 juin 2014 tendant à l'interdiction des épandages aériens de malathion dans le cadre de la lutte anti-vectorielle ; - d’enjoindre au maire de la commune de Nouméa d'interdire les épandages de malathion conformément à l'article L. 911-1 du Code de justice administrative et ce, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
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- de condamner la commune de Nouméa à lui payer la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - son recours est recevable ; - le principe de précaution défini par l’article 5 de la Charte de l’environnement est violé ; - en outre, en application du principe de prévention, l’autorité publique est tenue d’édicter une réglementation afin de prévenir des troubles à l’ordre public résultant des risques sanitaires ; - l’Union européenne interdit les usages biocides du malathion et, en usages agricoles, les restreint aux lieux clos ; - les risques d’utilisation du malathion pour la santé humaine et l’environnement présentent un caractère réel ; - dans un avis n° 2009-SA-0338, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) précisait notamment que l’évaluation du risque présenté par les différents insecticides doit être réalisée au cas par cas ; - la Guyane a autorisé, par voie de dérogation, l'utilisation du malathion dans le cadre de la lutte contre les moustiques vecteurs du chikungunya mais uniquement pour une durée de 180 jours ; - M. Christophe Duplais, en sa qualité de chimiste du Centre national de la recherche scientifique, a rappelé que le malathion est une molécule qui va se dégrader en malaoxon considéré comme étant 60 fois plus nuisible, que les pulvérisations se font depuis la route, sur 5 à 10 mètres, que plus loin, on ne trouve que des traces du produit qui ne suffisent pas à tuer le moustique mais constituent des doses homéopathiques qui favorisent sa résistance, que le produit va dans les jardins, les fruits, les légumes et s'attaque aussi aux insectes « utiles», comme les abeilles et que, dans les zones aquatiques, il s'avère nocif pour les populations d'amphibiens ; - une analyse des risques liés à synergie toxique en cas d'exposition à des insecticides d'autres catégories apparaît également nécessaire ; - aucune réglementation de police administrative centrée sur la prévention des troubles à l'ordre public résultant du risque sanitaire que constitue l'utilisation des biocides n'a été, à ce jour, adoptée ; - le malathion est utilisé en Nouvelle-Calédonie et spécifiquement à Nouméa de façon continue y compris en période scolaire et pendant la floraison depuis plusieurs années et ce, en l'absence totale d'évaluation de son efficacité et de ses effets toxiques et écotoxiques laquelle permettrait assurément de délimiter le périmètre des risques afférents à de tels épandages aériens ; - dans le cas des épandages de la lutte anti-vectorielle, même utilisé à dose plus faible qu'en usage agricole, les personnes sont au cœur du nuage de malathion, y compris les populations à risque plus élevé, enfants, malades, femmes enceintes et allaitantes alors même que l'ensemble des fiches de sécurité mentionnent les précautions particulières à utiliser pour la protection des enfants et adolescents ; - il est à cet égard recommandé de « ne pas former de brouillard » lors de l'utilisation du malathion alors que l'épandage consiste justement en la production d'un brouillard de gouttelettes très fines, beaucoup plus fines qu'en usage agricole et suspendues dans un pétrole léger, ayant de ce fait un temps de suspension dans l'air plus long et un pouvoir de pénétration plus élevé, par inhalation et voie cutanée notamment ; - la toxicité est quadruple avec la toxicité propre au malathion, cette toxicité augmentant si le produit est stocké depuis plus de 3 mois et si la température est élevée ;
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- à Nouméa, le stockage concerne plusieurs milliers de litres à proximité immédiate notamment de l'école Céline Teyssandier de Laubarède sous un abri de tôle alors même que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recommandait un stockage au frais ; - aucun contrôle du niveau d'isomalathion, impureté à risque, n'est réalisé ; - elle a été destinataire de nombreuses plaintes d'apiculteurs concernant la perte de tout ou partie de leurs cheptels apicoles ; - les niveaux d'exposition modélisés conduisent à des risques inacceptables pour les applicateurs les personnes présentes dans la zone traitée avec du malathion ; - les véhicules utilisés par la commune de Nouméa pour répandre le malathion ne sont pas pressurisés mais uniquement climatisés permettant ainsi l'entrée des substances toxiques dans l'habitacle ; - de même, les équipements de protection individuelle s'avèrent inefficaces ; - en outre, des risques potentiels d'une accumulation de cette toxine dans les eaux, les sédiments des cours d'eau et des mangroves en zone urbaine et conséquemment, du littoral sont avérés entraînant des effets délétères sur la faune et la flore de ces milieux ; - est également relevé un risque de bioaccumulation et de bioamplification chez les poissons et crustacés consommés par l'homme en bout de chaîne alimentaire ; - les cultures avoisinant le traitement insecticide sont susceptibles d'être contaminées ; - une exposition via les denrées disposées sur les étals exposition indirecte des aliments, via la vaisselle, les ustensiles de cuisine et les surfaces contaminées est également envisageable ; - l'Agence a recommandé certaines mesures de gestion supplémentaires en cas d'autorisation d'utilisation du malathion ou du fénitrothion ; - sont préconisés en lieu et place ou en complément de la lutte chimique avec des substances biocides autorisées en Union européenne, divers moyens de lutte physique visant à rendre l'environnement hostile à la population de vecteurs par l'élimination des gîtes larvaires par drainage, colmatage des cavités naturelles, gestion des déchets, gestion des plans d'eau et gestion des eaux usées notamment en zones urbaines ; - bien qu'informées et connaissant l'existence de risques sanitaires quant au fait de répandre volontairement en zone urbaine un puissant toxique, aucune réglementation n'a été adoptée par les autorités publiques de la Nouvelle-Calédonie pour prévenir ce risque sanitaire ; - la compétence du maire de la commune de Nouméa est dès lors évidente lorsqu'il s'agit de prendre des mesures de police administrative centrée sur la prévention des troubles à l'ordre public résultant du risque sanitaire que constituent l'utilisation des biocides et particulièrement les épandages de malathion dans le cadre de la lutte anti-vectorielle ; - dès lors que les circonstances le justifient et que la mesure est proportionnée à l'objectif recherché, l'autorité publique peut légalement prescrire en vue de sauvegarder la santé publique les mesures de précautions destinées à préserver la santé des populations ; - le Conseil d'Etat considère que la carence de l'autorité de compétente à mettre en œuvre son pouvoir de police peut entraîner l'annulation de ce refus d'agir ; - le maire de la commune de Nouméa a manifestement commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande de l'association tendant à interdire les épandages aériens de malathion ; - il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles ; Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2014, présenté pour la commune de Nouméa par son maire en exercice qui conclut au rejet de la requête ;
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Elle soutient que : - en droit, le principe de précaution n’a vocation à s’appliquer que lorsque la réalisation du dommage est incertaine en l’état des connaissances scientifiques ; - en l’espèce, les conséquences sur l’environnement et la santé humaine du malathion sont aujourd’hui parfaitement déterminées ; - au cas d’espèce, il existe une norme internationale qui permet de déterminer une dose d’emploi du malathion en deçà de laquelle le principe de précaution n’est pas applicable à savoir la valeur plafond de 600 g/ha ; - les nébuliseurs utilisés par la commune sont réglés pour diffuser une quantité de malathion comprise entre 136,5 et 180g/ha ; - le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution sera écarté comme inopérant ; - la légalité des décisions prises par le maire sur le fondement du pouvoir de police générale n'est pas subordonnée au respect du principe de précaution et, de surcroît, le maire ne pourrait pas même prendre compétemment une mesure de police administrative générale se fondant sur le principe de précaution. - en l'espèce, les mesures prises par le maire de la commune au titre de la lutte antivectorielle, dont fait partie l'épandage de malathion, relèvent de son pouvoir de police générale en vertu de l'article L. 131-2 du code des communes de Nouvelle-Calédonie ; - l'obligation de mettre en œuvre le principe de prévention ne s'impose au pouvoir réglementaire que si le législateur est préalablement intervenu pour fixer un cadre normatif ; - aucune loi de pays ni aucune loi relevant des matières pour lesquelles l'Etat est compétent en Nouvelle-Calédonie n'institue un cadre législatif qui aurait obligé le maire de la commune à mettre en œuvre, sur le plan réglementaire, le principe de prévention à l'occasion des mesures de police générale destinée à lutter contre les maladies épidémiques ; - en l'absence de cadre législatif, le principe de prévention ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre du refus du maire d'interdire les épandages de malathion ; - le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe sera donc écarté en raison de son inopérance ; - l'association requérante insinue ainsi dans ses écritures que c'est la dangerosité du malathion sur l'environnement et sur la santé humaine qui aurait entraîné une interdiction de commercialisation de la part des autorités sanitaires françaises et communautaires ; - en réalité, l'interdiction de la commercialisation du malathion en France et dans l'espace communautaire résulte tout simplement de l'absence de demande de commercialisation faite par les opérateurs économiques ; - rien ne permet d'affirmer que, si une telle demande avait été faite, elle aurait été rejetée par les autorités sanitaires ; - l'utilisation de la deltaméthrine, à laquelle la requérante est également opposée pour des motifs peu ou prou identiques à ceux avancés à propos du malathion, a bien été autorisée par les autorités française et communautaires ; -la sensibilité et la résistance des populations locales d'aedes aegypti au pesticide utilisé sont régulièrement contrôlées, à la demande de la DASS, par l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie suivant les protocoles de l'OMS ; - la perte de sensibilité à la deltaméthrine (famille des pyréthrinoïdes) a été mise en évidence en 2003 ; - ce produit a été remplacé pour la lutte anti vecteurs dirigée contre les moustiques adultes par le malathion (famille des organophosphorés) dans les communes touchées par la résistance (Nouméa, Mont-Dore et Dumbéa) de 2007 à 2009 ; - le retour d'une meilleure sensibilité des vecteurs à la deltaméthrine et les contraintes d'utilisation du malathion ont permis un retour vers la deltaméthrine jusqu'en 2011, année de
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la première épidémie de chikungunya, durant laquelle il a été décidé de recourir de nouveau au malathion, à Nouméa seulement ; - actuellement, les tests de sensibilité à la deltaméthrine donnent une mortalité oscillant entre 80 et 99 % pour les populations d'Aedes aegypti issues des quartiers de Nouméa, mais cette situation est précaire car seul l'usage du malathion permet d'éviter une sélection des moustiques résistants à la deltaméthrine ; - il est donc particulièrement faux de prétendre qu'aucune évaluation de la résistance des moustiques aux insecticides n'est réalisée ; - de même, la requérante prétend, son propos est erroné qu'aucune mesure n'est prise pour éviter que les populations, notamment vulnérables, ne soient mises au contact des produits insecticides ; - la requérante affirme encore que la commune ne respecterait pas les recommandations sanitaires tendant à proscrire la formation d'un brouillard constitué par une volumétrie trop fine des gouttelettes de produits insecticides : c'est encore faux ; - les parcelles où sont installées des ruches, du reste peu nombreuses en milieu urbain, sont obligatoirement signalées par leurs propriétaires, ce qui permet qu'ils soient systématiquement informés lors des épandages afin que les ruches soient déplacées ou couvertes ; - l’allégation selon laquelle le stockage de milliers de litres de produits insecticides se ferait sous un abri de tôle dans des conditions ne respectant pas les prescriptions thermiques et de sécurité est mensongère ; - en réalité, les produits sont stockés dans des docks situés dans l'enceinte du SIPRES à l'abri de la chaleur et de la lumière, selon les recommandations du fabricant et des fiches de données de sécurité. - de surcroit, les docks bénéficient de mesures de sécurité adaptées ; - le conditionnement et la durée de vie des produits adulticides stockés au SIPRES respectent scrupuleusement les prescriptions du fabricant et une gestion rigoureuse des stocks empêche tout dépassement du délai de conservation des produits ; - les déchets sont conditionnés dans des fûts hermétiquement fermés disposés sur bac de rétention puis sont enlevés par la société Socadis, seule société actuellement autorisée sur le Territoire pour l'exportation de tels produits pour leur traitement spécifique à l'extérieur du Territoire. - bien que l'installation de stockage ne soit pas classée en Installation Classée pour la Protection de l'Environnement (ICPE), compte tenu des faibles quantités de produits stockés, en deçà des seuils déclaratifs, elle a fait réaliser un audit des risques et dangers qui a permis de mettre en œuvre toutes les préconisations émises par le cabinet d'audit en matière de sécurité et de protection de l'environnement ; - l’Evaluation des Risques Professionnels (EvRP) qui a été réalisée en 2012, à son initiative pour la Section de Lutte Anti Vecteurs du SIPRES montre que les risques potentiels liés à la manipulation de produits pesticides sont maîtrisés par la mise en place de mesures physiques, de procédures détaillées et de moyens de sécurité optimums pour la protection des agents mais également de l'environnement immédiat ; - contrairement à ce qui est soutenu, elle a pris des mesures alternatives à l'épandage de produits insecticides ; - des consignes, formalisées à travers des fiches procédures, ont été données afin de ne procéder à l'épandage qu'entre le lever du soleil (de 4h45 à 7h00) et le coucher du soleil (de 16h45 à 19h30), période qui correspond au pic d'activité du moustique aedes aegypti, d'arrêter les épandages lors de grands vents, de pluie ou de fortes chaleurs et de ne procéder qu'à des épandages ciblés autour des cas déclarés de maladies arboviroses ;
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- la réalité de l'organisation des épandages est donc toute autre que celle à laquelle la requérante voudrait faire croire ; - l'épandage de produits insecticides répond à toutes les conditions de légalité applicables aux mesures de police administrative : l'épandage de malathion a pour objectif de prévenir et d'enrayer les épidémies de maladies arboviroses dont la réalité est attestée par les données épidémiologiques existantes et la poursuite de cet objectif s'effectue dans des conditions strictement proportionnées à la gravité de la menace sanitaire que font peser ces maladies sur la population communale ; - toutes les dispositions ont été prises par le maire pour que cet objectif d'intérêt public soit atteint tout en faisant en sorte que soient préservés les autres intérêts en présence ; - si l'on devait faire un bilan coûts/avantages, à partir d'éléments établis, on ne pourrait que constater que, d'un côté, ces épandages contribuent à réduire la mortalité liée aux maladies arboviroses sans porter atteinte à l'environnement et à la santé humaine, compte tenu des précautions prises dans leur organisation, alors que, de l'autre côté, l'interdiction des épandages ne pourrait que favoriser ces maladies sans pour autant qu'il en résulte un bénéfice sanitaire et environnemental établi ; - force est donc d'en conclure non seulement que cette mesure de police est proportionnée à l'objectif à atteindre mais que l'abstention du maire à la prendre serait constitutive d'une carence fautive de sa part dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; - le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le maire en refusant d'interdire les épandages est manifestement infondé ; Vu l'ordonnance en date du 8 décembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 15 janvier 2015, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative ; Vu, enregistré le 15 janvier 2015, le mémoire présenté pour l'association Ensemble pour la planète (EPLP) par Me Charlier, avocat; Elle soutient que : - les procédures d'évaluation des risques exigent un renforcement des recherches scientifiques en amont de la décision, sous forme d'études d'impact approfondies, mais également un suivi scientifique régulier, voire continu, une fois que la décision publique aura été mise en œuvre ; - les autorités publiques doivent également mettre en place des mesures provisoires et proportionnées pour parer à la réalisation du dommage éventuel ; - ces mesures doivent être proportionnées au regard du risque tel qu'il est perçu en l'état des connaissances scientifiques, ce qui suppose, en particulier, qu'elles présentent un coût raisonnable pour la collectivité et qu'en tout état de cause il soit fait un bilan entre le coût et les avantages de ces mesures ; - le principe de précaution constitue donc une règle de procédure permettant de mieux connaître et de mieux évaluer les risques environnementaux et sanitaires et ainsi d'encadrer les pouvoirs de l'administration ; - aucune étude n’a été réalisée afin de définir un bilan coût-avantages de ces mesures ; - la Nouvelle-Calédonie n’a pas saisi l’ANSES (anciennement dénommée l’AFSSET) sur la problématique des épandages de malathion à Nouméa comme le préconisait le ministre de la santé ; - le tribunal de céans ne pourra que s'interroger sur le lieu de destination des surplus d'effluents contenant du malathion, substance active toxique et écotoxique et ce alors même
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que le principal risque de pollution est lié à l'entraînement d'eaux chargées en deltaméthrine et/ou malathion dans les réseaux d'assainissement ; - il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en l'absence de bilan réel des avantages et des risques des épandages aériens de malathion à Nouméa, le principe constitutionnel de précaution s'applique en l'espèce ; - il s'agit donc d'une obligation de moyens, en l'état des connaissances scientifiques, qui incombe aux seules autorités publiques, chacune dans son domaine d'attribution ; - c'est en application de l'article L. 131-2 du Code des communes de la NouvelleCalédonie que le maire, dans le cadre de son pouvoir de police générale, a compétence pour agir ; - le maire de la commune de Nouméa a décidé, de sa propre autorité et en vertu de ses pouvoirs de police générale, d'effectuer des épandages aériens de malathion sur le territoire de sa commune dans le cadre de la lutte antivectorielle : il apparaît donc compétent pour suspendre ou retirer ces mesures et en tout état de cause, pour appliquer le principe de précaution ; - le maire de la commune de Nouméa a manifestement méconnu le principe de précaution en ne mettant pas en œuvre des procédures d'évaluation des risques et des mesures particulières adaptées en fonction de l'état des connaissances scientifiques ; - le refus de la commune d’interdire les épandages aériens de malathion est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ; Vu le mémoire, enregistré le 15 janvier 2015, présenté pour la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui conclut au rejet de la requête ; Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que : - dans la mesure où le principe de précaution vise à prévenir les risques environnementaux incertains en l'état actuel des connaissances scientifiques, la requérante n'est pas fondée à invoquer un moyen tiré de la violation de l'article 5 de la charte de l'environnement tout en affirmant que ces risques sont avérés : le principe de précaution ne trouve en effet à s'appliquer qu'en cas d'incertitude scientifique empêchant d'évaluer les risques avec suffisamment de précision, l'office du juge se limitant à contrôler les mesures qui doivent être prises par les pouvoirs publics pour parer à la réalisation de ces risques ; - conformément aux dispositions de l'article 3 de la charte de l'environnement, l'existence de risque scientifiquement avéré ne relève pas du principe de précaution, mais du principe de prévention, l'autorité publique étant tenue de prévenir la survenance de ces risques par toutes les mesures appropriées ; - si, par extraordinaire, le tribunal devait estimer que la requérante est fondée à se prévaloir de la violation des dispositions de l'article 5 de la charte de l'environnement, elle entend démontrer que ce grief est infondé ; - le malathion, substance active de classe III, est considéré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un produit biocide « légèrement dangereux » ; - l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) indique que cet insecticide présente « une faible toxicité sur les mammifères » ; - l'OMS a par ailleurs déterminé que la pulvérisation aérienne de malathion dans les conditions de lutte anti-vectorielle ne cause pas d'effets néfastes sur les vertébrés terrestres et dans le fonctionnement des sols, mais représente un risque moyen pour les organismes aquatiques ; - les épandages de malathion près des cours d'eau sont évités afin de limiter les risques d'exposition des organismes aquatiques ;
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- conformément à l'arrêté n° 89/863 du 21 juin 1989 réglementant 1'implantation des ruches sur le territoire de la commune de Nouméa, toute personne est tenue de déclarer l'emplacement et le nombre de ruches qu'elle possède auprès de la mairie de Nouméa ; - les propriétaires et détenteurs de ruches sont ainsi systématiquement informés des épandages afin que les ruches soient protégées ; - dans son rapport relatif aux insecticides larvicides et adulticides alternatifs pour les opérations de démoustication en France, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) indique que le malathion est un insecticide peu dangereux pour 1'homme s'il est appliqué suivant les recommandations de 1'OMS ; - l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et l'IRD indiquent que l’OMS préconise aussi son utilisation en aspersion spatiale (ULV) aux doses de 112 à 600 g/ha si la nébulisation est faite à froid et de 500 à 600 g/ha si celle-ci est réalisée à chaud, le malathion possède 1'avantage de se dégrader rapidement dans l'environnement ; - les doses d'emploi du malathion recommandées par l'OMS (112 à 600 g/ha) sont bien respectées dans la mesure où la dose appliquée localement est de 150 g/ha, soit très largement inférieure à la dose maximale recommandée ; - le malathion n'est pas considéré comme une substance active cancérogène, mutagène et reprotoxique au sens de l'article R. 4411-6 du code du travail applicable en métropole ; - contrairement à ce que prétend la requérante, il n'a pas été prouvé de façon incontestable d'effets chroniques ou subchroniques du malathion sur l'homme aux doses recommandées d'utilisation ; - les doses de malathion utilisées en tant que produit phytosanitaire à usage agricole peuvent varier de 1 kg/ha à plus de 2 kg/ha, alors que les doses utilisées dans le cadre de la lutte anti-vectorielle sont comprises entre 112 g/ha et 600 g/ha en nébulisation à froid ; - les doses utilisées localement sont près de 10 fois inférieures à celles utilisées par les agriculteurs ; - selon1'agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du Canada (ARLA) l'utilisation de cette substance active ne présente aucun risque inacceptable pour la santé humaine ou pour l'environnement ; - en 2006, l'United states environnemental protection agency a également réexaminé l'innocuité et les avantages liés à l'utilisation du malathion et a conclu que les risques pour l'environnement et la santé humaine n'étaient pas préoccupants ; - c’est le niveau de résistance des moustiques vecteurs au malathion qui a justifié que cette substance active soit autorisée en Guyane pour une durée limitée indépendamment de toute considération d'ordre sanitaire ou environnemental : l'argument avancé par l'association est donc manifestement infondé ; - contrairement à ce que soutient l'association EPLP, la substance active litigieuse n'est pas autorisée dans les pays européens dans la mesure où aucun dossier de demande d'homologation n'a été déposé ; - dans son avis de juillet 2007, l'AFSSET précise ainsi qu'aux difficultés liées à la résistance des moustiques vecteurs s'ajoutent des contraintes liées à l'utilisation/homologation des biocides : les molécules n'ayant pas été notifiées par les industriels dans le cadre de la directive européenne Biocides 98/8/CE ou pour lesquelles aucun dossier d'homologation n'a été déposé, ne peuvent plus être utilisées par les services de démoustication: c'est le cas du malathion ; - les services de l'Etat, interrogés par la Nouvelle-Calédonie sur les raisons pour lesquelles le malathion avait été retiré de la liste européenne des substances actives utilisables
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en matière de lutte anti-vectorielle ont confirmé que l'absence de dépôt de dossier d'évaluation était le seul motif justifiant le retrait de cette substance ; - depuis 2002, en dehors des périodes d'épidémies, les épandages sont réalisés en mode péri focal uniquement autour du lieu d'habitation du malade, ce qui limite considérablement les risques liés à une exposition chronique de la population au malathion ; - conformément aux exigences internationales, les épandages sont réalisés tôt le matin ou en soirée afin de limiter au maximum l'exposition des habitants ; - des mesures particulières sont également mises en œuvre afin d'éviter que les populations les plus vulnérables soient en contact avec les produits biocides utilisés dans le cadre de la lutte anti-vectorielle ; - les pulvérisations à proximité des écoles et des internats sont réalisés en l'absence des enfants, le soir ou pendant les vacances scolaires ; - les épandages réalisés autour des établissements accueillant des personnes fragiles sont également soumis à des procédures particulières en concertation avec les responsables des établissements ; - des recommandations spécifiques sont également adressées aux agents du service d'inspection et de prévention des risques environnementaux et sanitaires (SIPRES) afin d'éviter que les administrés et notamment les piétons soient en contact direct avec le produit biocide ; - lorsqu'un épandage est prévu dans une zone déterminée de la ville de Nouméa, les riverains en sont informés dans les meilleurs délais, par des messages téléphoniques, radiodiffusés ou télévisés ; - des protocoles de sécurité ont également été établis par la mairie de Nouméa afin de garantir la sécurité des opérateurs qui procèdent aux épandages ; - les épandages de malathion respectent les prescriptions internationales, l'argument avancé par la requérante devra donc nécessairement être écarté ; - des mesures particulières sont également mises en œuvre afin de garantir la sécurité du conditionnement et de l'évacuation des déchets des produits biocides utilisés ; - les stocks de malathion sont entreposés dans trois docks séparés par des cloisons étanches situés dans l'enceinte du SIPRES ; - contrairement à ce que soutient l'association EPLP, les produits stockés ne sont pas soumis aux variations de températures puisqu'ils sont entreposés à l'abri de la chaleur et de la lumière, selon les recommandations du fabricant et des fiches de données de sécurité ; - ces docks font l'objet de mesures de sécurité adaptées (fermeture des docks en dehors des heures d'utilisation, système d'alarme en cas d'intrusion, présence d'extincteurs en nombre suffisant et stock de vermiculite en cas de déversement accidentel) ; - une aire de lavage reliée aux deux cuves tampons est située à l'avant des docks de stockage permettant le nettoyage des véhicules et des combinaisons après usage ; - une gestion rigoureuse des stocks empêche tout dépassement du délai de conservation des produits ; - les déchets, conditionnés dans des fûts hermétiques disposés sur bac de rétention, sont enlevés par la société calédonienne de déchets industriels et spéciaux (SOCADIS), seule entreprise habilitée en Nouvelle-Calédonie à exporter de tels produits en vue de leur traitement ; - les recommandations émises par l'ANSES concernant le stockage et l'élimination des insecticides utilisés sont bien respectées ; - l'argument avancé par l'association EPLP selon lequel plusieurs milliers de litres de malathion seraient stockés à proximité immédiate notamment de l'école Céline Teyssandier de Laubarède sous un abri de tôle alors même que 1'agence nationale de sécurité sanitaire de
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l'alimentation, de 1'environnement et du travail recommandait de le stocker au frais est donc manifestement infondé et ne pourra qu'être écarté ; - il n'existe aucun traitement, ni aucun vaccin contre les arboviroses auxquelles doit faire face la Nouvelle-Calédonie ; - bien que ne constituant qu'une composante de la lutte anti-vectorielle mise en œuvre localement, les épandages de produits biocides ont une importance majeure en Nouvelle-Calédonie ; - le malathion, utilisé en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1970, a été remplacé par la deltaméthrine vers la fin des années 1980 dans le cadre des épandages de confort réalisés sur la commune de Nouméa au cours de la saison chaude, mais compte tenu du phénomène de résistance des vecteurs Aedes aegypti à la deltaméthrine, le malathion a dû de nouveau être utilisé à partir de 2005 ; - l'utilisation alternée de ces deux produits est indispensable sous peine de priver d'efficacité ces deux substances actives et d'exposer la population à des épidémies incontrôlables telles gue celles qu'ont récemment connues certains départements et collectivités d'outre-mer ; - l'utilisation alternée de ces substances actives a ainsi permis une réelle diminution de la densité vectorielle en Nouvelle-Calédonie ; - contrairement à ce que soutient la requérante, l’efficacité des produits constitués de malathion dans la lutte contre les moustiques vecteurs a été examinée par l’OMS ; - seules la deltaméthrine et le malathion ont été identifiés par l'ANSES comme substances actives de classe A, utilisables par pulvérisation spatiale contre les moustiques adultes ; - la classe A regroupe les substances actives suffisamment connues pour pouvoir être ordonnées par jugements d'experts selon leur intérêt, en prenant en compte leur efficacité, leur toxicité, leur écotoxicité, les usages ou encore leur disponibilité sur le marché ; - selon l'IRD le malathion possède de nombreux avantages ; - la pulvérisation spatiale de malathion, bien que nécessaire, ne constitue qu'une composante de la lutte anti-vectorielle ; - de nombreuses stratégies permettant de limiter le recours aux épandages de produits adulticides sont actuellement étudiées par les services de la Nouvelle-Calédonie, la mairie de Nouméa et l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie ; - le principe de précaution n'a aucune vocation à garantir le « risque zéro », il appelle à une prise de risque raisonnable dans un contexte jugé encore incertain ; - les inconvénients liés à l'utilisation du malathion sont en l'état actuel des connaissances scientifiques seulement suspectés, alors que les conséquences des épidémies de maladies transmises par le moustique Aedes aegypti sont elles avérées et inacceptables pour les personnes qui en sont victimes ; - il ressort du rapport du sénat du 21 mai 2014 relatif à la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation qu'il appartiendrait aux autorités publiques compétentes, non pas de renoncer, par précaution, aux décisions ou projets en cause, mais de mettre en œuvre des procédures d'évaluation des risques et d'adopter des mesures provisoires et proportionnées pour empêcher que le risque se concrétise ; - il est de jurisprudence constante que la légalité des mesures prises par une autorité administrative sur le fondement du principe de précaution est subordonnée au respect du principe de proportionnalité ; - en l'espèce, des mesures adaptées et proportionnées au risque d'exposition des habitants de la commune de Nouméa ont été mises en œuvre ;
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- en l'absence d’alternative biocide efficace, interdire les épandages de malathion aurait pour conséquence d'exposer la population à des risques sanitaires inacceptables ; - il ressort d'une lecture combinée des articles 22-4° et 83 de la loi organique statutaire que l'exercice de la compétence normative en matière de « santé publique » relève du congrès de la Nouvelle-Calédonie et non de l'exécutif ; - bien que l'article 134 de la loi organique attribue à la présidente du gouvernement un pouvoir de police spéciale, il n'en demeure pas moins que la compétence réglementaire en matière de santé publique reste dévolue au congrès de la Nouvelle-Calédonie ; - en l'espèce, des mesures adaptées et proportionnées au risque d'exposition des habitants de la commune de Nouméa ont été mises en œuvre ; - conformément aux dispositions de l’article 1.131-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, il appartient au maire « d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » et notamment « de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser ( ... ) les maladies épidémiques ou contagieuses» ; - les épandages de malathion ont précisément pour objet de prévenir et de lutter contre les maladies arboviroses qui menacent la population calédonienne ; - la lutte biocide a ainsi pour seul objet de protéger la population contre les dangers liés aux épidémies d'arboviroses ; - compte tenu de la densité vectorielle dans la zone agglomérée et des niveaux de résistance du moustique Aedes Aegypti à la deltaméthrine, l'utilisation du malathion est indispensable afin de lutter efficacement contre la transmission de ces arboviroses, sous peine d'exposer la population à des épidémies incontrôlables ; - en l'absence d'alternative biocide efficace, interdire les épandages de malathion aurait pour conséquence d'exposer la population à des risques sanitaires inacceptables ; - les conditions dans lesquelles sont réalisés les épandages permettent de garantir une exposition limitée de la population et de préserver 1'environnement ; - conformément aux recommandations de l'ANSES et de l'OMS, des précautions particulières sont mises en œuvre lors des pulvérisations spatiales afin d'éviter que les populations les plus vulnérables soient en contact avec les produits biocides utilisés ; - des protocoles de sécurité ont été établis par la mairie de Nouméa afin de garantir la sécurité des opérateurs lors des épandages ; - outre les évaluations réalisées par l'OMS, l'ANSES et l'Institut Pasteur de NouvelleCalédonie sur 1' efficacité du malathion dans la lutte contre les moustiques Aedes Aegypti, un comité de lutte contre les maladies vectorielles a été créé localement afin d'examiner l'efficacité des mesures mises en œuvre et de surveiller les phénomènes de résistance des vecteurs aux substances actives utilisées ; - l’association requérante ne peut raisonnablement affirmer que les risques liés aux épandages de malathion n’auraient pas été pris en compte par les autorités publiques de la Nouvelle-Calédonie ; - les dispositions de l'article L. 1411-1 du code de la santé publique applicable en métropole ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie conformément au principe de spécialité législative consacré par l'article 6-2 de la loi organique ; Vu, enregistré le 23 mars 2015, la note en délibérée présentée par Me Charlier pour l’association Ensemble pour la planète ; Vu la décision attaquée ; Vu les autres pièces du dossier ;
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Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment la Charte de l’environnement ; Vu la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ; Vu le règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation de produits biocides ; Vu le code de la santé publique ; Vu le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ; Vu le code de justice administrative dans sa version applicable en NouvelleCalédonie ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 : - le rapport de M. Schnoering, rapporteur ; - les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public ; - et les observations de Me Charlier avocat de l’association Ensemble pour la planète et de Mlle Tchako, représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
Sur la jonction : 1. Considérant que les requêtes susvisées n° 1400309 et 1400310 présentées par l’association Ensemble pour la planète (EPLP) présentent à juger la même question et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ; Sur les conclusions à fin d’annulation : 2. Considérant qu’il est constant que la lutte contre les épidémies de dengue et de nouvelles arboviroses telles que le chikungunya et le zika constitue une préoccupation majeure de santé publique de la Nouvelle-Calédonie ; que face à la gravité de cette menace sanitaire, des épandages de malathion sont réalisés sur le territoire de la commune de Nouméa afin de prévenir et de combattre la transmission des arboviroses susdites en luttant contre la prolifération du moustique Aedes Aeypti, vecteur des maladies dont s’agit ; 3. Considérant que l'association Ensemble pour la planète (EPLP) soumet à la censure du tribunal la décision implicite de rejet née du silence gardé par la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur sa demande en date du 10 juin 2014 tendant à l'interdiction des épandages aériens de malathion et l'adoption d'une réglementation biocide; que la même association demande au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Nouméa sur sa demande en date du 10 juin 2014
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tendant à l'interdiction des épandages aériens de malathion dans le cadre de la lutte antivectorielle ; 4. Considérant que l’association requérante soutient, tout d’abord, que les décisions contestées violeraient l’article 5 de la charte de l’environnement qui prévoit que : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » ; 5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les risques potentiels liés à l’usage du malathion ont été suffisamment quantifiés et que les mesures pour y remédier sont suffisantes pour prévenir la réalisation d’un dommage grave et irréversible à l’environnement ; qu’ainsi, en l'état des connaissances scientifiques sur les risques pouvant résulter de l’épandage de malathion, tant pour les habitants de la commune de Nouméa que pour l’environnement naturel et compte tenu des mesures mises en œuvre pour limiter les effets de cet épandage sur l’environnement, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article 5 de la Charte de l’environnement auraient été méconnues; 6. Considérant que l’association requérante soutient également, en application du principe de prévention, que l’autorité publique est tenue d’édicter une réglementation afin de prévenir des troubles à l’ordre public résultant des risques sanitaires ; qu’elle se réfère à cet égard à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique métropolitain ; 7. Considérant, à cet égard, qu’aux termes de l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée « La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (…) 4° Protection sociale, hygiène publique et santé, contrôle sanitaire aux frontières »(…); que l’applicabilité des textes métropolitains en Nouvelle-Calédonie est régie par le principe de spécialité législative ; que les dispositions de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique n’ont pas été étendues à la Nouvelle-Calédonie ; que ces dispositions ne s’appliquent pas de plein droit en vertu de l’article 73 de la Constitution lequel ne régit pas la NouvelleCalédonie ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à se prévaloir du texte dont s’agit ; 8. Considérant que l'association Ensemble pour la planète (EPLP) soutient, par ailleurs, toujours pour démontrer le caractère dangereux des épandages litigieux, que l’Union européenne interdit l’usage biocide du malathion ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que la substance active litigieuse n'est pas autorisée dans les pays européens compte tenu de la simple circonstance qu’aucun dossier de demande d'homologation de la substance dont s’agit n'a été déposé ; que, dans ces conditions, l’association requérante ne peut soutenir que l’absence du malathion sur la liste des types de produits biocides figurant à l’annexe V du règlement couverts par le règlement susvisé du 22 mai 2012, qui, en tout état de cause, n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, serait, à elle seule, révélatrice de sa dangerosité ; 9. Considérant que si l’association requérante souligne la dangerosité potentielle du produit en cause, il est constant que, dans une étude visant à dresser une synthèse bibliographique sur les substituts disponibles pour les opérations de démoustication en France (larvicides et adulticides), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) indique que le
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malathion possède 1'avantage de se dégrader rapidement dans l'environnement et que l’usage de cet insecticide s’avère peu dangereux pour 1'homme s'il est appliqué suivant les recommandations de 1'OMS ; 10. Considérant, à cet égard, que l'IRD et l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) précisent que l'OMS préconise l’utilisation du malathion en aspersion spatiale (ULV) aux doses de 112 à 600 g/ha si la nébulisation est faite à froid et de 500 à 600 g/ha si celle-ci est réalisée à chaud ; qu’il n’est pas contesté que les doses d'emploi du malathion recommandées par l'OMS (112 à 600 g/ha) sont bien respectées dans la mesure où la dose appliquée localement est de 150 g/ha, soit très largement inférieure à la dose maximale recommandée ; 11. Considérant également que l’administration soutient, à juste titre, que le malathion n'est pas considéré comme une substance active cancérigène, mutagène et reprotoxique au sens de l'article R. 4411-6 du code du travail applicable en métropole et que, contrairement aux allégations de l’association requérante, il n'a pas été prouvé de façon incontestable d'effets chroniques ou subchroniques du malathion sur l'homme aux doses recommandées d'utilisation ; 12. Considérant encore que l’administration soutient sans être sérieusement contestée que l’OMS et l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie ont procédé à des évaluations sur l’efficacité du malathion dans la lutte contre les maladies vectorielles ; que, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la commune de Nouméa soutiennent que les procédés d’utilisations et les doses d’emploi préconisés par d’autres organismes en charge de la protection de la santé publique dans d’autres régions du monde infectées par les moustiques ont été scrupuleusement respectés ; 13. Considérant, s’agissant de l’évaluation des risques encourus, que 1'agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du Canada (ARLA) considère que cette substance active ne présente, sous réserve d’une utilisation respectant ses recommandations, aucun risque inacceptable pour la santé humaine ou pour l'environnement ; 14. Considérant également, qu’en 2006, l'United states environnemental protection agency a également réexaminé l'innocuité et les avantages liés à l'utilisation du malathion et a tiré de ses études la conclusion que les risques pour l'environnement et la santé humaine n'étaient pas préoccupants ; que l’association requérante se borne à critiquer l’ancienneté de l’étude réalisée sans citer une étude plus récente qui remettrait en cause le constat établi en 2006 ; 15. Considérant, par ailleurs, qu’il est constant que la sensibilité et la résistance des populations locales d'aedes aegypti au pesticide utilisé sont régulièrement contrôlées, à la demande de la direction des affaires sanitaires et sociales (DASS) de la Nouvelle-Calédonie, par l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie suivant les protocoles de l'OMS ; que, dès qu’une perte de sensibilité d’une population de moustiques est mise en évidence, il s’avère nécessaire de recourir à une substance différente ; 16. Considérant qu’à la suite de la perte de sensibilité des moustiques calédoniens à la deltaméthrine, ce produit a été remplacé pour la lutte anti vecteurs dirigée contre les moustiques adultes par le malathion ; qu’il ne peut être sérieusement contesté que l'utilisation alternée de ces deux produits est indispensable sous peine de priver d'efficacité ces deux
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substances actives ; que cette même stratégie d’utilisation alternée de deux ou plusieurs substances biocides s’est révélée indispensable sur d’autres territoires comme la Guyane ; 17. Considérant, à cet égard, que les constatations réalisées sur le territoire de la commune de Nouméa démontrent que l'utilisation alternée de ces substances actives a permis une réelle diminution de la densité des moustiques ; qu’en outre, ainsi qu’il a été dit au point 9 du présent jugement, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) considère que le malathion possède 1'avantage de se dégrader rapidement ; 18. Considérant, de manière plus générale, qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de l’abondante documentation scientifique à laquelle les parties ont fait référence, que la commune de Nouméa doit être regardée comme ayant mis en œuvre une stratégie globale de lutte adaptée et proportionnée au risque encouru ; qu’en effet, le dispositif de lutte mis en place comprend notamment une surveillance quotidienne des gites larvaires potentiels, des actions de sensibilisation du publics, des formations du personnel municipal, l’épandage ciblé et alterné de produits insecticides et la mise en place de mesures alternatives à l’épandage de produits biocides, à savoir des pièges pondoirs biodégradables ; 19. Considérant que le maire de la commune de Nouméa était tenu de prendre des mesures destinées à lutter contre les maladies vectorielles arboviroses qui sont susceptibles d'exposer la population à des risques sanitaires pouvant se traduire par un risque épidémique si une stratégie de lutte efficace n’est pas mise en place ; que l’association requérante ne démontre pas qu’il existerait une alternative de lutte efficace permettant d’éviter le recours à des épandages de malathion ; qu’elle invoque, comme le souligne à juste titre la commune de Nouméa, d’hypothétiques dégâts sanitaires et environnementaux sans apporter le moindre commencement de preuve de leur réalité sur le territoire communal ; que, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu des impératifs de préservation de la santé publique, les opérations d’épandages litigieux doivent être regardées comme présentant un bilan coûtavantage largement positif ; 20. Considérant qu’aux termes de l’article L. 131-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 4° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (…) » ; 21. Considérant qu’il ne peut être sérieusement soutenu que les agents du service d'inspection et de prévention des risques environnementaux et sanitaires (SIPRES) de la commune de Nouméa n’auraient pas reçu instruction de leur hiérarchie de prendre toutes les précautions et de respecter tous les protocoles utiles afin que les épandages litigieux se déroulent dans des conditions de sécurité maximale pour le public et pour eux-mêmes ; 22. Considérant qu’à cet effet, les dispositions nécessaires sont prises afin que le plus grand nombre de personnes présentes dans les zones concernées par un épandage en soient informées ; que la commune de Nouméa soutient également sans être sérieusement contestée que ses services chargés de la démoustication prennent des précautions particulières lors des
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pulvérisations spatiales afin d'éviter que les populations les plus vulnérables ne soient en contact avec les produits biocides utilisés ; 23. Considérant que la sécurité des agents du SIPRES qui procèdent aux épandages de malathion est également assurée par la stricte obligation qui leur est faite de respecter les protocoles d’utilisation du produit ; qu’enfin, les apiculteurs qui se signalent à la mairie sont informés préalablement de la réalisation d’épandages, ceci afin de leur laisser le temps de prendre les dispositions nécessaires à la protection de leurs abeilles ; 24. Considérant qu’il résulte également de l’instruction que des mesures particulières sont également mises en œuvre afin de garantir la sécurité du conditionnement et de l'évacuation des déchets des produits biocides utilisés ; que, contrairement aux allégations de la requérante, les stocks de malathion, qui font l’objet d’un suivi rigoureux, sont entreposés à l'abri de la chaleur et de la lumière dans trois docks séparés par des cloisons étanches situés dans l'enceinte du SIPRES ; que les lieux de stockage font l'objet de mesures de sécurité adaptées et que les déchets sont pris en charge par une société calédonienne de déchets industriels et spéciaux qui les exporte en vue de leur traitement ; 25. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, qu’en autorisant les épandages de malathion litigieux, la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le maire de la commune de Nouméa n’ont pas entaché leurs décisions d’une erreur manifeste d’appréciation ; que les requêtes de l’association requérante doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l’application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE: Article 1er : Les requêtes susvisées sont rejetées. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'association Ensemble pour la planète (EPLP), à la présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au maire de la commune de Nouméa et au président de l’assemblée de la province Sud.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2015, à laquelle siégeaient : M. Levasseur, président, M. Schnoering, premier conseiller, M. Guéguein, premier conseiller,
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Lu en audience publique le 2 avril 2015. Le rapporteur,
Le président,
J-L. SCHNOERING
A. LEVASSEUR La greffière de séance,
P. CAUDRON