Article Le Monde 101115

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Mardi 10 novembre 2015 - 71e année - No 22026 - 2,20 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr ―

Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Jérôme Fenoglio

VW, la culture de la peur au cœur du scandale ▶ Selon le « Bild » publié

▶ Au sein du groupe, les té-

▶ « VW était dirigé comme

▶ Cette culture de la peur a

dimanche, des techniciens de Volkswagen ont avoué le trucage des tests qui ont mesuré les émissions de CO2 de certains véhicules

moignages se multiplient : face à des objectifs irréalisables, les ingénieurs préféraient tricher qu’affronter la colère du patron

une monarchie absolue. Ce qui n’était pas autorisé n’avait pas le droit d’exister », confie un connaisseur de Wolfsburg

une longue tradition, insufflée dans les années 1990 par Ferdinand Piëch et perpétuée par son successeur, Martin Winterkorn

Aung San Suu Kyi triomphe en Birmanie

▶ Le parti de la Prix Nobel de la paix

remporterait plus de 70 % des sièges ▶ Les électeurs sont massivement allés voter, pour ce premier scrutin libre depuis un quart de siècle → L IRE

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▶ En demandant à ses

troupes de ne rien lui cacher, le nouveau PDG, Matthias Müller, a ouvert la boîte de Pandore → LIRE

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QUELLE VICTOIRE POUR LES RÉPUBLICAINS ?

A

quatre semaines du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, le dépôt des listes a été clos lundi 9 novembre, à midi. En moyenne, une dizaine de listes devraient briguer les suffrages dans chaque région. La droite est donnée largement favorite. Mais Les Républicains commencent à redouter que leur victoire n’ait pas l’ampleur attendue. Ils s’inquiètent de la perspective de nombreuses triangulaires, plus ou moins incertaines. Des succès du FN dans une ou plusieurs régions pourraient ternir, voire éclipser, leur succès.

→ LIRE

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PROVENCE-ALPESCÔTE D’AZUR

L’INÉVITABLE DUEL DU FN ET DES RÉPUBLICAINS

Devant le siège du parti d’Aung San Suu Kyi, à Rangoun, dimanche 8 novembre. YE MIN AUNG/AFP

▶Notre supplément

sur les élections régionales

CULTURE

UN MULTIPLEXE PARISIEN SÈME L’ÉMOI DANS LE CINÉMA D’ART ET ESSAI

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n nouveau quartier du cinéma émerge à Paris, avenue des Gobelins, dans le 13e arrondissement, avec l’ouverture, le 5 novembre, d’un petit multiplexe du patrimoine : Les Fauvettes, créé par les cinémas Gaumont-Pathé, et entièrement destiné aux films restaurés. Il ne dispose que de cinq salles, mais en comptera onze à terme.

Jérôme Seydoux, le propriétaire, fait le pari qu’il existe un public pour revoir en salles les films cultes : « Il y a des films inoubliables, il y a maintenant un cinéma pour les rendre éternels », annonce le multiplexe. L’ouverture du centre bouscule les cinémas indépendants, déjà soumis à une concurrence sévère.

→ LIR E

RENAULT, LE JEU DANGEREUX DE L’ÉTAT →

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PAGES 16-17

LE REGARD DE PLANTU

TECHNOLOGIE

POURQUOI MICROSOFT INVESTIT EN FRANCE → LIR E

LE CAHIER ÉCO PAGE 3

IMMOBILIER

fabriqué en france

À GRASSE, UN PALAIS SANS PERMIS DE CONSTRUIRE eXclusif 2 DIDIER GOMEZ

→ LIR E

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ÉCONOMIE

AVIS DE GROS TEMPS SUR L'AFRIQUE → LIR E

le beau aura toujours raison

LE CAHIER ÉCO P. 6-7

Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA


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Les cinémas parisiens au bord de la crise de nerf L’ouverture du multiplexe Les Fauvettes, consacré aux films de patrimoine, bouscule les salles indépendantes, dans un contexte de concurrence effrénée

clarisse fabre

U

n nouveau quartier cinématographique émerge à Paris : l’avenue des Gobelins, dans le 13e arrondissement. Ce n’est pas encore Broadway, mais tous les professionnels sont aux aguets : vendredi 6 novembre, les cinémas Gaumont-Pathé ont rouvert, au terme de longs travaux, Les Fauvettes (ancien « Gaumont Gobelins ») dont les cinq salles sont affectées aux films restaurés. Ce minimultiplexe de patrimoine, avec sa façade clignotante et flashy, est situé au 58, avenue des Gobelins, non loin de l’UGC Gobelins (au 66 bis) qui va bientôt s’agrandir à onze salles. Les Fauvettes s’inscrivent dans le projet de la fondation Pathé-Jérôme Seydoux, situé au 73 de la même avenue, qui vise à conserver les films, à éduquer le jeune public à l’image… L’artère commerçante des Gobelins, située entre la place d’Italie et le Quartier latin, va-telle devenir le nouveau lieu d’affluence des spectateurs, après les Halles et son géant UGC Ciné-Cité, le Carrefour de l’Odéon et ses deux circuits dans un mouchoir de poche (UGG et MK2) ou le bassin de la Villette (MK2 Quai de Seine et Loire) ? Chez les exploitants, ces

« spots » ont un nom : ce sont les « aspirateurs à entrées ». L’image de l’appareil bruyant, qui ramasse tout sur son passage, en dit long sur l’ambiance qui règne dans la capitale : agressive, car très concurrentielle. Paris est une ville à part : les films d’auteur en version originale ne sont plus l’apanage des salles art et essai, mais sont aussi programmés par les circuits. Ceux-ci cherchent à satisfaire la curiosité de leurs spectateurs, surtout lorsqu’ils sont titulaires de la carte UGC illimitée. Dans ce « Paris en v.o. », tout le monde s’arrache les films d’auteur attendus, les Nanni Moretti, les Pedro Almodovar, ou le dernier opus déjanté du Grec Yorgos Lanthimos, The Lobster… Paris, plus de 400 écrans Puisqu’il est question de homard, disons que la bataille dans l’aquarium parisien tourne à l’avantage des grosses pinces. Gaumont-Pathé, UGC et MK2 réalisent 85 % des entrées dans la capitale, un chiffre validé par Michel Gomez, patron de la mission cinéma de la Ville de Paris. « Je ne connais pas d’autre secteur où il n’existe aucun contrat écrit. Les promesses qui sont faites ne sont pas toujours tenues », déplore-t-il. Dernièrement, la Ville de Paris a posé une condition à l’agrandissement de l’UGC Gobelins : le multiplexe doit

« J’ENCOURAGE LES SALLES INDÉPENDANTES À SE COORDONNER. CE POURRAIT ÊTRE LE MOYEN D’AVOIR UN MEILLEUR ACCÈS AUX FILMS » MICHEL GOMEZ

patron de la mission cinéma de la Ville de Paris

prendre des engagements en vue de préserver l’accès aux films de la salle voisine d’art et essai, l’Escurial. La vitrine parisienne, avec plus de 400 écrans, enviée dans le monde entier, commence à craquer. Y a-t-il encore de la place pour un nouveau venu ? Jérôme Seydoux, propriétaire des Fauvettes, fait le pari qu’il existe des spectateurs pour aller (re)voir en salles les films cultes vus à la télévision : le cinéma a ouvert ses portes avec Le Corniaud (1965), de Gérard Oury, avec Bourvil et Louis de Funès, qui a déjà été diffusé douze fois à la télévision depuis 1990, et réunissait 5,7 millions de téléspectateurs sur TF1 le 1er janvier 2013. En novembre, les Fauvettes proposent, entre autres, l’intégrale des films Pixar, Taxi Driver, de Martin Scorsese, ou encore le cycle consacré au cinéaste hongkongais Wong Kar-Wai. Le slogan du complexe a fait bondir la profession : « Il y a des films inoubliables, il y a maintenant un cinéma pour les rendre éternels. » Pionnier de la distribution de films restaurés, directeur et cofondateur de Carlotta Films, Vincent Paul-Boncour fait cette mise au point : « Certes, les Fauvettes sont un prototype : c’est la première fois qu’un circuit investit dans un cinéma consacré au répertoire. Mais la communication donne le sentiment que rien n’existait avant, alors que la capitale offre une programmation de films de répertoire unique au monde », souligne-t-il. Il y a les salles emblématiques du Quartier latin (Champo, Filmothèque, Grand Action…), le Max Linder sur les Grands boulevards, la Cinémathèque française à Bercy, le Forum des Images aux Halles, etc. Les Fauvettes leur fera-t-il de l’ombre ? Jérôme Seydoux n’a pas souhaité répondre à nos questions. L’inquiétude est d’autant plus grande que le secteur connaît un essoufflement : « L’offre de films de patrimoine est devenue très forte, même un cinéphile a du mal à suivre… Cette année, Carlotta ne distribuera que dix films, contre quinze ou seize ces dernières années », poursuit Vincent Paul-Boncour. A la Filmothèque de la rue Champollion, à deux pas de la Sorbonne, Jean-Max et François Causse, disent la même chose. « Un film de patrimoine fait quatre à cinq fois moins d’entrées qu’il y a trente ans. Peut-être les Fauvettes vont-elles générer un nouveau public, moins spécialiste, qui viendra ensuite découvrir nos films ? », s’interroge François Causse. Le père et le fils Causse sont aussi distributeurs et jouent la coopération : en décembre, ils ressortiront en salles Out of Africa, (1985) de Sydney Pollack, avec une copie aux Fauvettes et une séance

événement dans « une trentaine de salles Gaumont-Pathé ». S’il y a une rue « art et essai » dans la capitale, c’est bien la rue Champollion, avec le Champo, le Reflet Médicis et la Filmothèque. « A eux trois, les exploitants de la rue Champollion forment une sorte de multiplexe. J’encourage les salles indépendantes à se coordonner. Ce pourrait être le moyen d’avoir un meilleur accès aux films », souligne le patron de la mission cinéma de la Ville de Paris. Mais cela ne va pas de soi. « J’ai dit à Michel Gomez : on est des indépendants, il faut nous prendre comme ça », sourit Jean-Max Causse. Deuxième étage de la fusée Mais d’autres « indés » sont en train de s’organiser. Vingt-deux d’établissements – soit 39 écrans – sont déjà réunis au sein de l’association des Cinémas indépendants parisiens (CIP), présidée par Isabelle Gibbal-Hardy, directrice du Grand Action. Y figurent, entre autres, le Balzac, l’Etoile-Lilas, le Louxor, l’Arlequin, le Studio des Ursulines ou les MK2. Jusqu’à présent, leur coordination se limitait à diverses programmations « jeune public ». Dé-

Bain de lumière et de pixels pour Les Fauvettes

L

e projet architectural a découlé de la taille des écrans. Ainsi l’a voulu Françoise Raynaud, de l’agence d’architecture Loci Anima, pour la réhabilitation du cinéma Les Fauvettes, dans le 13e arrondissement de Paris. Afin d’offrir les meilleures conditions de visibilité et d’écoute aux futurs spectateurs de l’ancien Gaumont Gobelins, désormais consacré à la programmation de films classiques remasterisés, l’architecte a appliqué un principe de calcul à partir de la largeur de projection. Résultat : de 1 146 places hier, il en offre aujourd’hui 646. Car, une fois le gabarit des salles défini, Loci Anima a voulu faire entrer la lumière partout ailleurs. La parcelle où est implanté le projet est enclavée dans l’angle de deux rues. « Nous avons voulu tout ouvrir, indique l’architecte. Tout ce qui n’était pas salle de projection est devenu un espace baigné de lumière. » Partout où cela a été possible, de vastes verrières

coiffent les volumes. Toutes les circulations, les couloirs, les ascenseurs et les escaliers mènent au même endroit : un « lounge » (foyer). Une simple paroi vitrée le sépare d’un patio jonché de grandes ardoises et planté d’essences légères. Mobilier rétro-moderne L’ensemble, propice à la déambulation, est soumis à un jeu de dehors-dedans. De longs et épais bastaings de bois naturel tracent les proportions géométriques de l’ensemble, en l’absence de toute courbe. Il y a ici des airs de Japon, un pays que connaît bien l’architecte. Pour souligner ce souci de rigueur légère, l’agence Loci Anima, qui parle à propos des Fauvettes de « cinéma des nostalgiques », a fait appel au décorateur et architecte d’intérieur Jacques Grange. Il a dessiné un impeccable mobilier rétro-moderne : le bar et les banques d’accueil tendus de métal, de brun et de rouge. L’autre point remarquable des

Fauvettes tient à l’intervention de l’artiste Miguel Chevalier sur les façades donnant, d’un côté, avenue des Gobelins, de l’autre, rue Abel-Hovelacque. Ce pionnier de l’art numérique a composé un mur de pixels où s’impriment des extraits de films mêlés à des effets de palette graphique. Les images sont puisées de manière aléatoire dans le catalogue des bandes-annonces des films programmés (publicités comprises). L’architecte des bâtiments de France n’a rien trouvé à redire. Il faut s’en réjouir. La métamorphose à l’œuvre avenue des Gobelins se poursuit sous d’autres formes dans l’ensemble des salles que Jérôme Seydoux (frère de Nicolas, président de Gaumont) entend adapter aux standards actuels. Egalement réhabilités ou sur le point de l’être : le Pathé Belle Epine, le Gaumont Alésia, le Gaumont Convention, le Pathé Beaugrenelle et le Gaumont Mistral. p jean-jacques larrochelle


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Le Cirque Romanès jongle avec les extrêmes Une manifestation de soutien à la troupe, qui se dit victime d’actes racistes, a failli croiser le 7 novembre, à Paris, un cortège d’ultra-droite

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Inauguration du cinéma Gaumont La Fauvette, avenue des Gobelins, à Paris, le 5 novembre. STEPHAN ZAUBITZER POUR « LE MONDE »

sormais, les CIP bâtissent le deuxième étage de la fusée, avec un projet de carte, une tarification commune et un site Internet qui devraient voir le jour début 2016 – MK2 a toutefois réservé sa réponse sur le projet de carte, précise la présidente des CIP. « Ce sera “l’Allociné” des indépendants, résume l’ancienne publicitaire. On veut affirmer notre travail d’artisans. On suit des auteurs, on organise des rétrospectives, des échanges avec le public. Aller dans une salle indépendante, c’est un peu comme acheter du café équitable. » « C’est le pluralisme qui fait la diversité », insiste Renaud Laville, délégué général de l’Association française des cinémas d’art et essai (au nombre de 1 300 en France). Bruno Julliard, premier adjoint de la maire de Paris, Anne Hidalgo, vient d’adresser un courrier à Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, dans lequel il plaide pour « la mise en place d’une instance de régulation dans la capitale », explique-t-il au Monde. Il annonce par ailleurs la création d’un futur établissement art et essai dans le quartier Voltaire : il s’agit d’une ancienne centrale électrique, au 14, avenue Parmentier, actuellement occupée

par la coopérative artistique La Générale. Mais il y a aussi des mauvaises nouvelles : le mythique cinéma La Pagode vient d’annoncer sa fermeture, à la suite d’un long feuilleton judiciaire opposant la propriétaire des lieux et les exploitants. « Il faut encourager l’agrandissement des cinémas d’art essai, ou la construction de nouveaux lieux », souligne pour sa part Michel Ferry, qui assure la programmation, entre autres, du Cinéma des Cinéastes, proche de la place de Clichy et confronté à l’appétit du Pathé-Wepler. Dans ce paysage tendu, le Louxor du quartier Barbès, rénové par la Ville de Paris et géré en délégation de service public, tire son épingle du jeu. Martin Bidou, qui assure la programmation au Louxor et au Nouvel Odéon, mesure la différence entre les deux lieux. « Au Louxor, on a tous les films qu’on veut. Au Nouvel Odéon, on n’en a aucun, avec la proximité des circuits du carrefour de l’Odéon. » Comment tenir ? En programmant des films Haut et Court, dont Martin Bidou est le distributeur : « Si je ne le faisais pas, le Nouvel Odéon serait mort », dit-il. Mais se contenter d’opposer les indépen-

dants, d’un côté, et les circuits, de l’autre, serait injuste et partiel. Le problème est plus complexe, souligne Julien Rejl, responsable de la distribution chez Capricci, par ailleurs vice-président du Syndicat des distributeurs indépendants (SDI) : « Les films pointus essuient souvent des refus et ne trouvent pas de place, ni dans les salles art et essai, ni dans les circuits. Parfois, les exploitants n’ont même pas vu les films. Il y a un certain mépris, ou de l’ignorance à l’égard des films de la diversité. » Il ajoute : « Sur les douze ou treize films qui sortent chaque semaine, il y en a quatre ou cinq qui sont demandés par tout le monde. L’offre à Paris s’est uniformisée : on se demande si le film est encore au centre de la programmation des salles », déplore Julien Rejl. Dur constat pour la capitale du cinéma. p

lle est belle, Délia, dans le soleil rasant de l’hiver qui éclaire le petit chapiteau rouge du Cirque Romanès d’une flamme de révolte. Elle est belle avec ses dents en or, pasionaria haranguant la petite troupe venue lui apporter son soutien. Robe tzigane, accent tzigane, joie tzigane… Depuis le temps que Délia et Alexandre Romanès le disent, le chantent, l’écrivent, en font spectacle, on devrait l’avoir compris : les Tziganes, c’est eux. Or voilà que, dernièrement, ils sont, expliquent-ils, la cible de racistes qui, décomplexés par la montée du FN et effrayés par l’afflux de migrants, se déchaînent sur leur modeste chapiteau. On les a menacés, on leur a volé des instruments et des robes, cassé leur boîtier Internet… Et voilà que ce samedi 7 novembre, l’ultradroite organise une manifestation devant l’ambassade de Hongrie, à deux rues de là, en soutien au premier ministre, Viktor Orban, érigé en défenseur de l’Occident face aux invasions barbares. Il n’en fallait pas plus à Délia pour donner l’alarme. A part les Tziganes – les autres, qui semblent s’en moquer –, elle a été entendue. Le Front de gauche a appelé à manifester, les « antifas » (antifascistes) se sont donné le mot sur les réseaux sociaux et les télés sont là. Sauf que l’ennemi qui s’est rassemblé avenue Foch semble n’en avoir rien à faire du Cirque Romanès. C’est caricature d’extrême gauche (« Tous les chemins de l’amour mènent à Romanès », disent les slogans, fanfare en appui) contre caricature d’extrême droite, avec rombières s’agaçant sur la garde des sceaux, Christiane Taubira, jeunes bien mis tendance bénitier et une brochette de skins aux tee-shirt sibyllins : « L’histoire, ça se brusque. » Des deux côtés : plus de CRS que de manifestants. Vingt-deux ans que les Romanès ont planté leur cirque à Paris. On les a connus place de Clichy, porte de Champerret, à la caserne de Reuilly… Depuis un an, la Mairie de Paris leur a trouvé ce nouvel emplacement, porte Maillot, dans

UN HYMNE AU CINÉMA, À LA CRÉATION ARTISTIQUE ET À I’AMOUR. TRANSFUGE

Déclassé, MK2 dépose un recours

UN AGENT DE SÉCURITÉ DE LA VILLE DE PARIS

le XVIe arrondissement, à la lisière du bois de Boulogne. Depuis, rien ne va plus… Ils n’en voulaient pas, Délia et Alexandre Romanès (fils de Bouglione, ami de Jean Genet, poète édité chez Gallimard, à la gentillesse faconde) de ce no man’s land chez les riches, qui ne se sont pas privés de sortir la machine à pétitions en voyant débarquer ces intrus si fièrement gitans. Depuis sa mairie d’arrondissement, le Républicain Claude Goasguen n’aime rien tant que ferrailler avec l’équipe de la maire de Paris, Anne Hidalgo (« Ici, les Romanès occupent un jardin public… »), mais s’offusque de toute allégation d’illégalité : « Nous ne sommes pas des punks. » D’ailleurs, il a déjà mieux à combattre : il fait pétitionner contre ce qu’il appelle un « Sangatte au bois de Boulogne », le projet d’un centre d’accueil pour réfugiés, du côté de la porte de Passy. « Le problème avec tout ça, confie un agent de sécurité de la Ville de Paris, affecté au secteur, c’est qu’on a bien vu des dégradations, mais pas un seul tag sur la palissade qui entoure le campement : des incivilités, du cambriolage, oui… Du racisme, je ne sais pas, il n’y a pas eu enquête, les Romanès n’ont pas voulu déposer plainte. » La bataille n’aura donc pas eu lieu. Sous le chapiteau, Alexandre a fait entrer tout le monde pour le spectacle. Sur les gradins, les jeunes antifascistes ont rangé leurs airs guerriers sous des sourires d’enfant. Si l’appel à manifester était un appel à la fête, célébrons-le. p laurent carpentier

UN AUTOPORTRAIT LUDIQUE ET POÉTIQUE. !!! STUDIO CINE LIVE

ARTHUR JOFFÉ FILME LES GENS QU’IL AIME ET QUI L’AIMENT. DIGNE DE WOODY ALLEN ! TÉLÉRAMA

mes pas dans une guerre contre MK2 ou contre quiconque », déclare au Monde Xavier Lardoux. Nathanaël Karmitz n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. Pour mémoire, MK2 a perdu en 2015 le label « art et essai » pour le MK2 Parnasse et le MK2 Quai de Seine. Chaque année, les exploitants doivent remplir un questionnaire afin d’obtenir le classement et les aides correspondantes. En 2015, a été ajoutée une ligne intitulée « recettes annexes », hors billetterie, comprenant la location des salles, la publicité, les bandesannonces payantes, la confiserie… MK2 a refusé de la remplir, au motif que ces données relèvent du secret des affaires. « Entre deux eaux » M. Karmitz s’est mis à dos une partie du milieu art et essai, qui lui reproche d’attaquer subitement la politique de soutien aux salles, dès lors qu’elle lui est défavorable, alors que MK2 en a bénéficié pendant des années. Ses déclarations ont aussi jeté le trouble sur son positionnement : MK2 a bâti sa renommée sur les films d’auteur,

puis est devenu au fil des années un circuit parisien important, rivalisant avec UGC et Gaumont-Pathé. « MK2 est entre deux eaux : il est le petit des gros et le gros des petits », résume un professionnel du cinéma. Il n’empêche, la présidente du CNC, Frédérique Bredin, a bien annoncé une réforme du classement art et essai lors du Congrès des exploitants à Deauville (du 28 septembre au 1er octobre). Mais il n’y a pas de lien de cause à effet, précise le directeur du cinéma du CNC : « Bien avant les déclarations de Nathanaël Karmitz, le CNC avait décidé d’engager une réforme pour moderniser et simplifier le classement art et essai, en confiant une mission à Patrick Raude [Membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes]. La procédure est complexe et manque de lisibilité. » Xavier Lardoux ajoute : « Il ne s’agit pas de déconstruire un dispositif qui concerne 1 200 salles pour une enveloppe d’environ 15 millions par an, mais de le rendre plus simple et efficace en termes de soutien. » p cl.f.

Photo © GILBERT CHAIN

C’

est l’acte 2. Dans le premier, le directeur général de MK2, Nathanaël Karmitz, avait protesté dans Le Figaro, le 27 septembre, contre le soutien aux salles art et essai. Dans le second, il poursuit dans la même lignée. Selon nos informations, Nathanaël Karmitz a déposé, il y a quelques jours, un recours gracieux devant le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) et devant le premier ministre, avant un éventuel recours contentieux. Il met en cause la procédure de classement des salles art et essai qu’il juge opaque et partiale, et vise aussi les aides à la modernisation des salles, réservées aux cinémas de moins de 50 écrans – MK2 est au-dessus du seuil, avec une soixantaine d’écrans à Paris. Par ailleurs, M. Karmitz demande au gouvernement d’abroger des mesures du code du cinéma sur le classement art et essai. L’information est confirmée par le directeur du cinéma du CNC, Xavier Lardoux,qui a rendez-vous avec Nathanaël Karmitz dans les prochains jours. « Nous ne som-

« Du racisme, je ne sais pas, il n’y a pas eu enquête, les Romanès n’ont pas voulu déposer plainte »

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ARTHUR JOFFÉ

LE 11 NOVEMBRE www.filmsdulosange.fr


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