Frictions extrait

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En guise de prologue

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Je me souviens que tout récemment encore, il y a quelques années à peine, quand un écrivain voulait publier un recueil d’ essais, de nouvelles ou d’ articles, sa grande préoccupation était l’ unité, ou plutôt le manque d’ unité thématique qu’ on pourrait reprocher à son livre (comme si une conversation — un livre — devait soutenir des heures durant le même thème, la même forme ou la même intention), et il avait alors recours à cette grande invention (seulement comparable aux forceps en matière d’ accouchement) appelée prologue, pour tenter de convaincre ses possibles lecteurs qu’ il était bien élevé et que tout ce qu’ il leur présentait en deux cent cinquante pages, aussi divers que cela parût, traitait en fait d’ un seul thème, celui de l’ esprit ou celui de la matière, peu importait, mais assurément d’ un seul thème.

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Au lieu d’ imiter la nature, qui ressent l’ horror vacui, ils étaient victimes d’ une horror diversitatis qui les conduisait infailliblement sur le chemin des vérités qu’ il faut soutenir, des mensonges qu’ il faut combattre et des attitudes ou des erreurs du monde qu’ il faut condamner, exactement comme dans les mauvaises conversations.

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Augusto Monterroso La lettre e

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1. FRÔLEMENTS

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Assoupissement

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J’ arrête le réveil d’ une tape de la main et je sors de chez moi sans m’ être douché. Devant la glace de l’ ascenseur, je me coiffe comme je peux et j’ observe mes yeux rougis par le sommeil. Je passe devant le concierge, qui ne lève même pas la tête pour me dire bonjour. Et quand je sors dans la rue, je découvre un spectacle dévastateur : une épidémie de sommeil semble s’ être emparée de la population tout entière.

Le kiosquier somnole sur ses journaux, le facteur est allongé sur le trottoir, tête appuyée sur sa carriole, les voitures sont arrêtées au milieu de la chaussée et leurs conducteurs assoupis sur leur volant. Et bien qu’ il règne un chaos absolu, le pire c’ est le silence insolite, qui fait de ce spectacle quelque chose d’ absolument terrifiant. Je me mets à courir d’ un côté et de l’ autre, en criant comme un possédé et en secouant