Marcopantani extrait

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Merano, province de Bolzano, 4 juin 1994. Le ciel passe du bleu azur au bleu marine. Un vent léger, presque chaud, venu de l’ Adriatique, s’ engouffre sous les arcades de la vieille ville et dans les ruelles attenantes. La réverbération du soleil couchant sur les parois rocheuses et les sommets dentelés des Dolomites donne aux monts pâles qui font face à l’ hôtel une coloration rose. Au bar, trois hommes finissent leur Campari. L’ équipe cycliste Carrera est réunie dans la salle d’ à côté. Leur journée terminée, les coureurs prennent plaisir à se retrouver ensemble au restaurant, dans la douceur de la station thermale où Marco a signé, en fin d’ après-midi, sa première victoire d’ étape sur le Giro d’ Italie.


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Tout le monde est à table, chacun recharge ses accus en sucres lents en dévorant l’ inévitable plat de pâtes. Les hommes ont vu leur travail récompensé. Ils se sont douchés, reposés. Ils ont récupéré, grâce à une longue séance de massage, élasticité des muscles et des tendons. Ils se sont posés dans les jardins ou sur la terrasse, profitant de l’ air pur des lieux. Claudio, leader désigné au départ du Tour, n’ est plus dans la course pour la victoire finale à cause d’ une défaillance survenue dès le quatrième jour. Il est souriant. Il félicite Marco en qui il entrevoit son successeur. Il le chambre également, cherchant à le faire sortir de cette réserve naturelle qui le rend souvent triste et taciturne. Marco apprécie les mots de celui qu’ il vénère et sait qu’ il pourra compter sur lui pour l’ aider à aborder la suite de l’ épreuve avec sérénité. Il a de bonnes jambes. Il récupère bien. Il est affûté. Il a vingt-quatre ans et il possède le gabarit type du parfait grimpeur : 1 m 72 pour 57 kg. Il paraît calme et détendu et il annonce à la petite tablée qu’ il remettrait bien le couvert lors de l’ étape à venir, la


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quinzième, dessinée entre Merano et Aprica, avec trois ascensions majeures au programme : Stelvio, Mortirolo et Santa Cristina. Chiche, répond Claudio qui promet de se porter assez tôt à l’ avant pour lui servir de relais au moment opportun. Le directeur sportif Giuseppe Martinelli approuve. Il intervient pour demander aux autres de monter doucement en pression en cours de route pour permettre au grimpeur de poche d’ être le plus frais possible quand il passera à l’ offensive.


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Quand il s’ élance de Merano, il est détendu mais peu bavard, comme d’ habitude. Il débute la journée en jouant au faux dilettante. Il traîne longuement en queue de course et monte le Stelvio, géant aux flancs râpeux qui culmine à 2758 mètres, sans puiser dans ses réserves. Il se méfie des virages serrés qui débouchent fréquemment sur des murs pentus et casse-pattes. Il faut les jauger au premier coup d’ œil et s’ adapter en conséquence. Il se protège du vent. Passe en haut en milieu de groupe et se replace dans la descente. Et c’ est dans l’ abrupt Mortirolo, à une soixantaine de kilomètres de l’ arrivée, que l’ idée lui vient de sonner la charge. Personne ne l’ attendait si tôt. Jaillissant du peloton de tête qui commence à s’ effilocher, il décoche une flèche et prend rapidement quelques dizaines de mètres à ses poursuivants avant de les décrocher plus encore, pédalant avec souplesse, escaladant le col en danseuse, ne s’ asseyant qu’ en vue du sommet. Profitant de la descente, puis de la vallée, deux coureurs parviennent à le rejoindre mais il accélère dès les premiers lacets de la montée vers Santa Cristina pour les décramponner au train.


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