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HIVER 2014
L’Europe en long en large de travers
- Charte ĂŠthicoriale -
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- EUROPA #38 - Hiver 2014 -
- édito / ours -
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HIVER 2014 _
L’EUROPe EN LONG EN LARGE
DE TRAVERS
They are Ours Codirecteurs de la publication – Laura Compagnon, Rémi Donaint, Igor Maquet et Benjamin Rullier Coordinateur de la rédaction européenne – Marc Desmaillet Coordinateur de la rédaction nantaise – Clément Bouchet Maquettiste – Marianne Mingant Graphistes – Sophie-Charlotte Colrat, Jérémy Le Gouic Muse-poulpe artistique – Jérémy Le Gouic Secrétaires de rédaction – Arnaud Douillard, Fiona Mazeaud, Rémi Donaint, Benjamin Rullier - sosie d’Ethan Hawke mais en mieux -, Côme Tessier, Clément Bouchet, Sébastien Peillet, Marine Ducept, Pauline Durillon, Guillaume Loiseau, Pierre Monnier, Nadège Azarias, Charline Birault, Marc Desmaillet, Julien Rivière, Tiffaine Triboire, Marine Debelloir, Louise Coly, Maëlle Gemeinder, Mélina Kozusnova - sosie de Jack Nicholson Rédactrice en chef web – Marine Debelloir Responsable communication à bon dos – Mélina Kozusnova Coordinatrice de l’association – Marianne Mingant _ RÉDACTRICE-TEUR-S BELLES ET BEAUX Julien Rivière, sosie d’Adrien Brody Manux Joseph, sosie d’Alain Bashung Andre Derivnais, sosie d’André Dussollier Marine Debelloir, sosie de Barry White Lôman Lefort, sosie de Bruce Willis Guillaume Loiseau, sosie de Daniel Brühl Sébastien Peillet, sosie de Dave Grohl Marion Dano, sosie de Diane Krüger Pierre Monnier, sosie du Dormeur du val Tiffaine Triboire, sosie d’Effy Fiona Mazeaud, sosie d’Emma de Caunes Rémi Donaint, sosie de Franck Fort Côme Tessier, sosie de Hugh Grant Marc Desmaillet, sosie de Hugh Jackman Nadège Azarias, sosie d’Isabelle Adjani Felipe Portero, sosie de Javier Bardem Tamas Dezso, Kaiser sosie Marine Ducept, sosie de Kate Middleton May Bindner, sosie de Ken Wood Charline Birault, sosie de Maria Sharapova Fanny Bonnin, sosie de Marion Cotillard Mélissa Le Royer, sosie de Mélanie Laurent Louise Coly, sosie de Natalie Portman Arnaud Douillard, sosie d’Orlando Bloom Ainhoa Muguerza, sosie de Penelope Cruz Pauline Durillon, sosie de Renée Zellweger Clément Bouchet, sosie de Ryan Gosling Mathilde Colas, sosie de Scarlett Johansson Tiphaine Gault, sosie de Tiphaine Gault Thomas Desset, sosie d’Antonio Banderas Jonathan Josse, sosie de Jamel Debouzze _ Illustrateurs Fanny Bonnin, France – Entre Vues David Fleck, Brighton (davidfleck.co.uk) & Ooli Mos, SaintPétersbourg (behance.net/Ooli_Mos) – Planches centrales _
SPEED RACERS Premier octobre, ça démarre sur les chapeaux de roues. Un bureau à peine encombré, bientôt le carton d’un nouvel ordinateur, un parfum enivrant de possibilités. Objectif : animer-la-rédac-accueillirles-bénévoles-écrire-un-magazine-nourrir-un-site-web-un-demisucre-dans-le-café-merci. À peine le temps d’imaginer où nous amène cette mission qu’il faut déjà passer la troisième. Presto, des dizaines de nouveaux visages, des figures, des prénoms. Faire fissa tout le monde se met à cogiter, réfléchir, noter et proposer. Des articles, des mails et coups de fil en pagaille, un demi-sucre dans le café oui merci. De Kiev à Madrid, en passant par Istanbul, Rome ou Glasgow, entre conférences de rédaction, projets européens, un mag’ en attente et autres partenariats, on a à peine le temps de laisser passer l’ange Emmanuel que déjà les pneus chauffent. Grattage. Publier sous 48 h, décoller vers de plus amples projets, depuis Nantes, à travers tout le continent. Se creuser la tête pour trouver le titre qui claque, le mot juste, la ponctuation parfaite. Commencer nos phrases en français, les développer en anglais et les conclure en italien. Se rendre compte qu’on a délaissé l’allemand, le roumain, l’espagnol, le portugais, l’ukrainien ou le grec. Un sucre et demi dans le café, merci. Plus vite. Les heures, jours, mois défilent depuis et si nous accueillons toutes les bonnes volontés et les bonnes occasions, le temps presse, et on se demande si on aura le temps de tout faire. Tiens, on n’a qu’à poser la question au lecteur. Tu sais quoi ? Laisse-moi la boîte de sucres à côté du thermos de café, merci. Allez, tout doux… Le trimestriel est bien arrivé dans vos mains, réglé comme une horloge, pile à l’heure, aussi ponctuel que les Jeux olympiques, Mardi gras ou le Beaujolais. Quarante-huit pages bien léchées comme une patte d’ours, joliment illustrées, et pour lesquelles nous avons pris le temps d’apprendre la procrastination structurée. ̕lut ! Europa l’temps de signer
Europa est édité par l’association Europa Production Nantes avec le soutien de :
Photographes Tamas Dezso, Budapest (tamas-dezso.com) - Reportage Marcus Haydock, Glasgow (marcushaydock.co.uk) - Deux sur sept cent millions _ Un IMMENSE merci À tous les bénévoles qui s’investissent dans l’association. À Clément Papot, responsable du développement technologique d’Europa, aussi. À la Station [lieu de convergence] : l’AFEV, l’Atelier des initiatives, DIPP, Ghetto Art, Accès au cinéma invisible et ADDAN. Aux abonnés pour leur soutien. Aux intégrateurs de fautes.
Imprimé par La Rochelaise (Label Imprim’Vert) à 4 000 exemplaires sur un papier issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées, certifié pefc. ISSN - 1778-171X. Dépôt légal - janvier 2014.Toutes les œuvres (illustrations, photos et textes) publiées dans Europa sont la propriété de leurs auteurs. Celles comportant la mention Creative Commons (CC) sont distribuées sous licence libre.
- EUROPA #38 - Hiver 2014 -
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- auto-rĂŠclame -
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www.journaleuropa.info www.journaleuropa.info
- EUROPA #38 - Hiver 2014 -
- Sommaire -
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apostilles
Loupé, c’est gagné 07
deux sur sept cent millions par Marcus Haydock 09
faits courts
28
Rase campagne – Pipolitique – Aïe tech’ +1 point Godwin – Symbolite grecque
REPORTAGE
Notes for an epilogue par Tamas Dezso 34
ENTRE VUES
Rencontre du troisième type Entretien avec Jan Kounen 36
OUT OF EUROPA
Leçons latines pour une Europe qui patine
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Dossier
Le temps t’accule Le temps ! Celui qu’on prend, qu’on trouve court, qu’on presse ; celui qui glisse entre les doigts ou nous laisse l’appréciation de l’ennui. Sommes-nous en avance ou bien en retard ? Dans la vie, les infrastructures ou les institutions, il n’y a jamais de réponse définitive. Ici, nous ne pouvons que veiller à la bonne concordance des temps.
C’était mieux après
Une révolution en trompe-l’œillet 05
22
Cherchez l’instru
Bouzouki voulait traverser l’Europe 40
Voix de la V.O. Quo vadis Kiovia ? 42
Euro-plat
À la pêche à l’amande, le risalamande 44
Fiction
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Pile à l’heure, montre en main
planches centrales par David Fleck & Ooli Mos
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27
Rendez-vous européens à Nantes, Rennes et Angers
En bas d’chez toi
Clichés
Une fois n’est pas coutume – Carte postale La grande tambrouille
- EUROPA #38 - Hiver 2014 -
- Apostilles -
LOUPÉ c’est gagnÉ Ou comment se planter en beauté
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FRANCE Sous les refus, la Dune Le meilleur film jamais réalisé ne l’a jamais été. La démesure et la frilosité ont eu raison de Dune version Jodorowsky. Il y avait pourtant une dream team autour de Jodo pour aboutir à une version efficace et fidèle de la saga de Frank Herbert : Michel Seydoux pour le soutien financier, Mœbius au storyboard, le Suisse Giger pour les décors Harkonnen, l’Anglais Chris Foss pour les vaisseaux... et même Dalí dans le rôle de l’Empereur fantasque. Pas suffisant pour rassurer les studios états-uniens. Si le projet s’arrête subitement pour quelques dollars, le travail de défrichage servira. À Jodorowsky, qui se lance dans la bd, et à l’industrie du cinéma qui en reprendra des plans, des décors et un imaginaire entier, depuis Star Wars jusqu’à Oblivion. Un film ne vit pas qu’une fois : JODO. _C.T.
Crédit : Rachel Kramer (CC-BY-NC) 06
_ ESPAGNE Avé Miracle
_ FRANCE French Destouches
Dieu est–il rancunier ? Le village de Borja en Saragosse, Espagne, n’en croit rien. Fin 2012, Cecilia Gimenez, octogénaire de la paroisse, ne voyant arriver la restauration d’une peinture du Christ d’Elias Garcia Martinez, s’est juré de traiter elle-même le problème. Le résultat, digne d’un dessin d’enfant, a rapidement fait le tour de la Toile, établissant Borja comme nouveau lieu de pèlerinage pour des curieux venus admirer le Goya du XXIe siècle. Dès lors, un débat se pose : faut-il restaurer la restauration ? C’est que l’icône rapporte au village : plus de 57 000 euros en un an. Mais pas d’inquiétude : sa mère artistique a promis de reverser l’intégralité de ses 49 % de royalties à des associations caritatives. Ouf, la morale est sauve... _P.M.
Que s’est-il passé en 1932 dans l’esprit de Benjamin Crémieux, alors membre du comité de lecture des éditions Gallimard, pour demander à l’entêté docteur Destouches, alias Céline, d’élaguer son roman Voyage au bout de la nuit ? Qu’à cela ne tienne : Céline, convaincu d’être le prochain prix Goncourt, propose son manuscrit à l’éditeur Robert Denoël. Succès littéraire et prix Renaudot à la clef la même année. En 1951, André Malraux, flairant le bon coup et l’attachement de Céline à Gallimard, convainc le fils Gaston de faire signer l’auteur. Céline, libre de tout éditeur, exige et signe contre avantages non négociables : 18 % de droits d’auteur et publication dans la collection La Pléiade. Contrat gagnantgagnant pour l’une des plus grandes œuvres littéraires du XXe siècle. _N.A.
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_ RUSSIE Kandinskivre Abuser des bonnes choses peut parfois vous jouer des tours. Vassily Vassilyevich Kandinsky en a probablement fait les frais. Un soir, rentrant chez lui aviné, il se trouva dans son atelier de Murnau face à une œuvre qui en 1910 relevait du jamais-vu. Cette aquarelle, peinte en couleur pastel, composée de formes qu’on n’aurait su définir en des termes concrets. Choc. Mais comment pareille œuvre avait-elle bien pu atterrir ici ? Ivre, le peintre russe n’avait su reconnaître son propre tableau, posé de côté sur son chevalet. De la confusion née ce jour-là et de son incapacité à identifier son travail dans son propre atelier, naquit quelques temps plus tard la première œuvre d’art abstrait. Parfois, l’étourderie a bon dos. _M.D.
- deux sur sept cent millions -
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Inconnue - Brighton, Angleterre - 2009 Par Marcus Haydock - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
- deux sur sept cent millions -
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Inconnu - Brighton, Angleterre - 2009 Par Marcus Haydock - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
- détente -
faits courts _ Rase campagne
It’s raining Kate’s and dogs Depuis le 1er janvier 2014, les Roumains et les Bulgares sont autorisés à venir travailler au Royaume-Uni, comme dans tous les autres pays de l’Union européenne. Pour les en dissuader, le gouvernement britannique avait projeté, début 2013, de lancer une campagne décriant leur île : une pluie omniprésente et une malbouffe permanente… Le quotidien roumain Gandul avait aussitôt répondu par une opération de communication humoristique incitant les Anglais à venir en Roumanie à l’aide de slogans sarcastiques : « Chez nous, la moitié des femmes ressemblent à Kate, les autres à sa sœur » ou encore « notre bière pression est moins chère que votre eau minérale ». Cruel dilemme. Boire ou partir, il faut choisir. _F.B.
Crédit : Leonid Mamchenkov (CC-BY)
_ +1 point Godwin
Auschwitz, Treblinka, Belzec… Palazzo Grazioli ?! L’université de Milan manquait-elle de professeurs d’histoire à l’époque où Silvio Berlusconi en fréquentait les bancs ? Suite à sa condamnation pour fraude fiscale en août 2013, ce dernier s’est confié au journaliste Bruno Vespa. Dans l’entretien, l’homme politique juge que ses enfants « se sentent comme devaient se sentir les familles juives en Allemagne sous le régime d’Hitler ». Décidément, l’exubérance italienne est un cliché que Berlusconi cultive avec brio. À l’en croire, une cabale est à l’œuvre ; les juges italiens participent à une purge ; les trains, pleins de petits Berlusconi, filent vers la mort dans le plus grand secret. Tout n’est peut-être pas rose pour la famille du Cavaliere mais la couleur des camps nazis n’est certainement pas celle du marbre des palais romains. _S.P.
_ Aïe tech’ Crédit : MariyaZ (CC-BY-NC)
_ Symbolite grecque
Nu : Je suis une petite consonne occlusive nasale alvéolaire qui trimballe depuis la nuit des temps les deux facettes d’une humanité langoureuse qui se cherchent, s’attirent et se désirent. Ne vous y trompez pas, inutile d’être nu pour pénétrer laboratoires interdits et autres ateliers où chimistes et physiciens s’emploient à jouer de mes coefficients stœchiométriques en excitant mes neutrinos sur un air de nu-metal. Car formule après formule, il fallait bien une preuve au pêché originel. Le coefficient Poisson, qui permet de caractériser la contraction de la matière perpendiculairement à la direction de l’effort appliqué, a mordu à l’hameçon. Ainsi, Adam pourra toujours appliquer son χiχi sur la partie broussaille de son Ève, en prenant la position perpendiculaire, la science les amende. _J.J.
Mais casque t’es lent ! « I’m up all night to get... » Slowly. Hélas, bien qu’il y ressemble, il ne s’agit pas du nouveau casque des Daft Punk. Bien plus étonnant, The Decelerator Helmet est une œuvre plus design qu’utile, qui vous permet de voir la vie non pas en rose, mais au ralenti, en temps réel. Avec ça, on est certain de ne pas se voir dépassé par les événements, puisque len-te-ment... on appréhende… l’instant… présent. Fabriqué par Lorenz Potthast en 2012, lors d’un cours de design interactif à l’université de Brême, en Allemagne, ce scaphandre à écran intégré s’accompagne d’une télécommande nous permettant de visualiser la réalité selon trois vitesses différentes. De quoi vous faire tourner la tête, bien que celle-ci soit protégée… _M.LR.
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Crédit : Amshudhagar (CC-BY)
_ Pipolitique
Million Dollar Kady Joue-la comme Tyson ! En avril dernier, le recadrage sur un ring a été le meilleur moyen que le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, ait trouvé pour faire comprendre à Ismaïlov, son ministre des Sports, qu’il devait se mettre au travail. Kadyrov, ex-champion de boxe poids lourd, estimait que les locaux du ministère n’étaient pas suffisamment bien entretenus. Le ministre, visiblement éprouvé après ses deux rounds, semble avoir compris le message. Un coup marketing supplémentaire pour le dirigeant tchétchène, qui a eu le mérite d’affirmer publiquement son autorité. Une méthode atypique pour éviter les bleus dans son gouvernement ? Pas sûr pour tout le monde... _G.L.
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Le temps t’accule « Cette chose, toutes choses dévore, Oiseaux, bêtes, arbres, fleurs. Elle ronge le fer, mord l’acier, Réduit les dures pierres en poudre, Met à mort les rois, détruit les villes, Rabat les montagnes. » (Sméagol) C’est le temps, cher ami. Le temps ! Celui qu’on prend, qu’on trouve court, qu’on presse ; celui qui glisse entre les doigts ou nous laisse l’appréciation de l’ennui. Celui qui, les yeux rivés sur un téléphone, une montre, un coin d’écran, un four, nous questionne tout le temps. Sommes-nous en avance ou bien en retard ? Dans la vie, les infrastructures ou les institutions, il n’y a jamais de réponse définitive. Ici, nous ne pouvons que veiller à la bonne concordance des temps.
Crédit : Brian Gratwicke (CC-BY)
Visuels par Jérémy Le Gouic, wanderlustid.com
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Temps qu’À faire Par Thomas Desset
Pas le temps, pas le moment... La course au temps est l’affaire d’une vie et notre société elle-même fonctionne de manière temporelle. Nous sommes donc perpétuellement confrontés à l’objectif d’en gagner. Mais qui a vraiment le contrôle du temps ? Est-ce lui qui nous fait ou nous qui le faisons ?
La société est fondée sur une façon d’aborder le temps, avec les normes et les traditions qui déterminent notre réalité. Les premières civilisations l’ont modelée à partir des cycles solaires et lunaires, considérés comme intangibles. En définissant des valeurs de référence – l’heure, le mois, l’année –, ils ont posé un cadre pour leur existence et rationalisé le temps en vue de le maîtriser. L’organisation du temps selon une référence commune permet la mise en place de la vie sociale, économique et religieuse dans une même sphère temporelle.
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Invention humaine, le temps est dû à la conscience que notre vie a un début et une fin, qu’il y a un passé et un futur, et que nous ne pouvons rien y faire. Les événements importants de la vie d’un humain sont intimement liés au contexte dans lequel il vit, aux lois, aux mœurs. Ainsi, chaque pays a sa propre temporalité.
Chaque chose en son temps
_ 1. « L’enseignement obligatoire en Europe 2013/2014 », Commission européenne 2. « Le redoublement dans l’enseignement obligatoire en Europe : réglementations et statistiques », Commission européenne 3. « L’âge au premier rapport sexuel », ined.fr 4. OCDE, 2007 5. Eurostat, 2006 6. Eurostat, 2011
Au Royaume-Uni, à la naissance d’un enfant, on ouvre un compte voué à financer ses études. Et il devra marcher, parler, écrire, lire à l’âge fixé selon les critères scientifiques de la pédiatrie. L’école maternelle est considérée comme essentielle pour l’apprentissage ; pourtant, la scolarisation n’est obligatoire que de 6 à 16 ans dans la majeure partie de l’Europe1. Le niveau scolaire est associé à l’âge, sans considération pour le développement personnel de l’enfant. De là naît le souci - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
de réussite, de retard ou de précocité, de gain ou de perte de temps par le saut d’une classe ou le redoublement. Dans ce dernier domaine, les législations varient : recours fréquent en France ou au Portugal ; passage automatique à la classe supérieure en Norvège, alors que la Suède en fait un usage limité, les élèves suivant des cours à leur niveau tout en restant dans leur promotion2. La sortie de l’enfance varie également selon les pays. La moyenne européenne du premier rapport sexuel, de plus en plus précoce, est de 18 ans3. L’âge légal pour consommer de l’alcool fort en Norvège est de 20 ans, quand les Autrichiens obtiennent ce droit en même temps que celui du vote, à 16 ans. Quant au permis de conduire européen, mis en place en janvier 2013, il situe l’âge minimum à 18 ans, l’âge de la majorité civile… L’enfance est la période où notre temps et nos obligations sont conditionnés par d’autres que nous. Avec le projet du premier logement, la liberté semble devenir réalité, mais se heurte au manque de moyens. En effet, seuls 40 à 50 % des jeunes actifs occupent un logement indépendant. En conséquence, l’âge médian d’accès au logement en Europe est de 22 ans.
Le temps d’hésitant Indépendance acquise, le temps devrait désormais être l’affaire d’une seule personne. Mais encore faut-il l’acquérir. Du fait de la précarité de l’emploi, le temps de la jeunesse s’est allongé en même temps que
- dossier -
la durée des études. Les Français comme les Belges restent en moyenne beaucoup plus longtemps scolarisés que les jeunes Danois, Néerlandais ou Britanniques. Le taux de chômage des Espagnols de moins de 25 ans atteint même les 56 %4. Une nouvelle tranche d’âge s’est donc progressivement créée, caractérisant cette jeunesse qui retarde son entrée dans la vie active et sa prise d’indépendance : l’adulescence. Elle précède l’établissement dans la société et la reconnaissance comme adulte à part entière. Le moment de fonder une famille est une étape majeure, synonyme parfois d’aboutissement ou de coup de vieux. L’âge moyen de l’arrivée du premier enfant est symptomatique des variations de temporalité en Europe : il va de 25,7 ans en Bulgarie à 30 ans en Italie, en passant par 28 en France5. On peut noter l’écart avec celui du mariage, qui est de 32 ans en France contre 26 en Italie. La vie est ensuite indissociable de la nécessité de s’occuper de sa famille, ce qui peut aller jusqu’à l’accaparer entièrement et obliger à mettre de côté ses désirs personnels. Cette épée de Damoclès amène à vouloir « profiter de sa jeunesse », par exemple en partant à l’étranger « tant que c’est possible ». À l’angoisse de la vie s’ajoute celle d’être en accord avec ceux qui vivent autour de nous. Le temps ne se contente pas de définir ce que nous sommes, il nous impose des délais que nous essayons de respecter. De notre peur des échéances découle celle de ne pas avoir le temps de tout faire et de nourrir des regrets.
Au temps pour moi Le travail reste un constituant essentiel de notre vie, bien que son poids dans la réalisation personnelle et la création de lien social diminue, notamment en raison de la précarité. La reconversion et la réduction forcée du temps de travail amènent une nouvelle vision de notre temps. Les différentes manières de considérer le temps de travail en Europe se traduisent par de grandes variations dans le nombre de jours fériés, de jours de vacances, le temps de travail hebdomadaire, mais aussi des durées de cotisation avant la retraite : 35 ans en Allemagne et en Espagne contre 40 ans en France. Enfin, l’espérance de vie progresse chaque année en Europe : 84 ans en moyenne6. Les seniors sont devenus une catégorie à part entière, qui dispose d’un temps toujours plus long à consacrer à ses loisirs. Malgré tout le temps que dure la vie, nous avons du mal à nous concentrer sur notre évolution personnelle. Étant donné que nous sommes partie intégrante d’une société, la question est de savoir dans quelle mesure nous avons une capacité de décision. L’impression d’être perpétuellement en retard n’est-elle pas la preuve que nous cherchons trop à nous comparer à des standards ? « La grande affaire et la seule qu’on doive avoir, c’est de vivre heureux ». Voltaire avait vu juste. Ne plus se sentir en retard revient d’abord à accepter de vivre le présent tel qu’il est, d’assumer notre organisation mais aussi les contraintes et les libertés qu’elle occasionne. Pour être heureux, vivons en retard ? - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
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Time After Time Emmett Brown en a une vision très personnelle mais la façon dont nous percevons le temps est subjective. À quoi est-elle liée d’ailleurs ? À la manière dont notre langue maternelle conditionne notre pensée et la structure dès le berceau. Comme une ligne orientée du (retour) passé vers le futur, le « nous venons de faire » précède le « nous allons faire ». Certaines langues tendent même à privilégier la perception qu’on a de l’action depuis le présent, le « il a parlé » et le « il parlait » en français ou le « he spoke » et le « he has spoken » en anglais pour ne citer qu’eux. Les Français se créent des temps imaginaires comme le conditionnel ou le futur antérieur quand les Allemands emploient des modalités distinctes comme le Konjunctiv II. De quoi hérisser les cheveux du professeur fou. _L.L.
- dossier -
Tard, ta gueule. Par Sébastien Peillet
Avoir quelque chose à faire et précisément ne pas s’en occuper, alors qu’on pourrait s’en charger tout de suite. Toute personne y a déjà été confrontée et cela se nomme la procrastination. Elle est souvent perçue comme un signe de paresse ou d’indiscipline personnelle. Pourtant, c’est simplement un mode de gestion du temps. Faute de faire les choses immédiatement, prend-on du retard ? Pas si sûr…
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_ 1. « Procrastination : 7 raisons pour lesquelles vous remettez tout au lendemain », huffingtonpost.fr, 23 avril 2013 2 & 5. Demain, c’est bien aussi, Kathrin Passig et Sascha Lobo 3 & 4. Reportage Arte Tracks sur John Perry 6. Vos droits – Service public
Certains s’en servent de manière occasionnelle : un dossier campe sur le bureau car il n’est pas pressé, la vaisselle sale stagne dans l’évier car il en reste pour servir le prochain repas… Mais d’autres en font une règle de vie, sans que cela ne leur soit préjudiciable. Selon l’essayiste anglais Paul Graham, il existe trois cas de procrastination1. On ne fait rien ; on fait quelque chose de plus important ; on fait quelque chose de moins important que la chose initiale. Mais on ne peut juger de l’importance des choses qu’a posteriori. Schumann, le compositeur allemand, préférait jouer du piano plutôt que d’étudier le droit2 ; on aurait tort de dire qu’il n’aurait pas dû. Ainsi, laissons le temps juger. Le gaspillage de temps n’existe que s’il ne nous procure absolument aucun avantage et prendre son temps contribue à accroître son bien-être. Et n’est-ce pas utile que de se rendre heureux ? Le procrastinateur pense les choses sur le long terme ; il a juste une logique différente. Un dossier à l’échéance lointaine doit-il être réalisé aujourd’hui ? Le non-procrastinateur éliminera la tâche au plus tôt pour éviter d’en accumuler d’autres. Le risque est cependant qu’il ne soit plus à rendre pour une quelconque raison. Alors le temps n’aura pas été utilisé de manière efficiente. Pour le procrastinateur, il y a deux issues possibles : soit il boucle son dossier peu avant l’échéance, par impératif, soit il apprend avec le sourire qu’il n’est plus à rendre. Le procrastinateur est ainsi adapté au monde moderne et travaille en flux tendu3. En outre, les choses peuvent aussi se résoudre sans intervention humaine. Le corps élimine naturellement les maladies bénignes ; aller chez le médecin dès que le nez coule n’est pas forcément nécessaire. Dans un autre registre, les voies de l’électronique étant parfois impénétrables, des appareils fonctionnent à nouveau sans qu’on ne les répare. La procrastination évite des actions inutiles.
Faire les choses et bien les faire Une question se pose également au procrastinateur : toute chose est-elle à faire ? - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
Chaque individu reçoit ou se donne des tâches à effectuer, et chacune se voit attribuer un ordre d’importance. Ainsi, l’individu en réalise certaines et range les autres dans un tiroir ou un dossier “à faire”. En somme, il les range dans une future corbeille à papier. Du moment qu’on ne lui intime pas de rendre des comptes, la chose peut continuer de filer. De plus, si l’on pense à certaines tâches répétitives, il suffit de réduire la fréquence de réalisation pour “gagner” du temps. Puisque le procrastinateur repousse la tâche jusqu’à sa limite, il est possible pour lui de l’effectuer moins souvent. Il dégage du temps pour autre chose. Ce dernier est un peu bipolaire. Il peut être perfectionniste mais il s’en empêche en s’attelant tardivement à la tâche. En commençant trop en avance, le risque est de s’embourber dans le travail. Un projet mal cadré, les éléments qui s’ajoutent au fil du temps, il y a toujours à faire. Un travail ne s’arrête que lorsque l’échéance arrive à terme. Pourtant tout n’a pas besoin d’être parfait. Le plus souvent, une qualité moyenne de travail est satisfaisante. D’autre part, un individu qui réalise le travail au mieux et au plus vite se verra attribuer plus de travail4. Les attentes de son entourage seront décuplées par ses performances. C’est une réalité déjà observée par Paul Lafargue en 1880. Son livre, Le droit à la paresse, dénonçait la surcharge de travail dans l’industrie. Le machinisme a augmenté les rendements sans réduire le temps passé à s’activer à la tâche. Les équivalents d’aujourd’hui sont liés à l’informatique et aux moyens de communication. Plus l’individu est capable, plus on lui en demande. Le procrastinateur sauvegarde son temps en feignant un rendu moyen.
Je-ne-veux-pas-travailler La procrastination n’est pas la perte de temps que l’on peut penser. D’une part, un procrastinateur organisé ne perd pas de temps, il en tire un rendement maximal. En effet, ce dernier choisit de s’atteler à un projet pour deux raisons : l’imminence d’une échéance ou l’intérêt prêté à la tâche. S’agissant du
- dossier -
premier cas, le compositeur italien Rossini écrit dans une lettre : « Rien ne stimule autant l’inspiration que l’urgence »5. Lorsqu’il n’est plus question de reculer, on ne peut que se résoudre à s’exécuter. S’agissant du second cas, la motivation reste l’un des moteurs de productivité les plus intenses. Un travail semble beaucoup plus pénible et fastidieux s’il n’est pas fait avec enthousiasme. Ainsi, ce résultat va de pair avec la tâche si cette dernière s’apparente à un loisir. L’oisiveté observable de la procrastination est aussi un moteur d’inventivité. En effet, forcer à l’exécution d’une tâche provoque de l’agacement, voire de l’énervement. L’individu se braque et il devient difficile d’en obtenir l’effort escompté. À l’inverse, lui éviter une besogne qu’il doit faire revient à laisser demeurer sa réflexion restée sous-jacente et à encourager la décantation de ses idées. La �tâche-excuse� qu’il se donne peut l’inspirer. Il peut alors revenir à l’activité initiale avec le bénéfice de la patience. Prendre le temps, c’est aussi se construire. Dans cette optique, le congé sabbatique est un droit légitime dans certains pays tels que la Belgique, la Suède ou la France6. Il y a le droit de dire « pouce » dans la vie. Non seulement pour reprendre son souffle, mais aussi pour se recentrer sur soi et trouver les solutions adaptées à son existence. En soi, le retard ne peut donc pas résulter de la procrastination. Seule une mauvaise gestion par l’humain risque de l’y mener. Procrastiner est un art qui consiste à flirter avec l’urgence sans tomber dans son piège. Les choix de celui qui procrastine peuvent même lui dégager du temps et améliorer son travail… dans la mesure du raisonnable. Par exemple, réviser ses arts plastiques en dessinant lors d’un examen de mathématiques ne constituera jamais pour l’étudiant, fut-il procrastinateur, le meilleur moyen de le réussir...
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Tout n’est pas bon dans l’cochon Procrastination ? Les Allemands vous répondront que c’est la faute de leur �innere Schweinehund�, leur chien-cochon intérieur. Mauvaise conscience incarnée, ce désagréable et confortable animal, lové dans chaque recoin du cerveau, les empêche de sa grosse voix de faire du sport, de s’attaquer à leurs devoirs ou de changer la litière du chat. Le terme proviendrait du jargon raffiné de la chasse, Schweinehund désignant le chien poursuivant le Wildschwein (cochon sauvage en allemand) jusqu’à son épuisement total. Cette représentation assez cocasse inspire de nombreux psychologues, à l’instar du Dr. Frädrich, qui, au travers de son célèbre Schweinehund, nommé Günter, vante les mérites de la personnification du mal pour mieux le comprendre et parvenir à son bannissement. _L.C.
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- dossier -
Le quart d’heure européen Par Pierre Monnier
L’Europe, construction économique, se rêvait dès ses débuts union politique. Une poignée d’hommes visionnaires lui attribua dès ses balbutiements l’immense tâche de rassembler tous les Européens sous une même bannière. Soixante-dix ans plus tard, l’Europe reste un projet inachevé.
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_ 1. Réflexions sur la monarchie universelle, Montesquieu, 1727 2. « L’histoire de l’Union européenne », europa.eu 3. Le Misanthrope, Molière, 1666 4. Hamlet, Shakespeare, 1601 5. Philippe Buton, « La CED, l’Affaire Dreyfus de la quatrième République ? » Vingtième siècle, no 84, avril 2004 6. Discours de Robert Schuman du 9 mai 1950 7. « L’histoire de l’Union européenne », europa.eu 8. José-Alain Fralon, « Margaret Thatcher : �I want my money back� », Le Monde, 11 mai 2005 9. Hamlet, Shakespeare, 1601 10. Christian Makarian, « Viktor Orban : �L’Europe est devenue un empire� » L’Express, 27 juillet 2013 11. Séance plénière du parlement européen, 23 juin 2011
« L’Europe est un État composé de plusieurs provinces »1, écrit Montesquieu en 1727, pas avare d’un discours alors très largement considéré comme utopiste dans un continent en guerre perpétuelle depuis un millénaire. Alors, fou, Montesquieu ? Il semblerait que non. Même s’il faudra deux guerres mondiales pour que soit imaginée la réalisation d’un continent en paix et prospère par nos �Pilgrim Fathers� européens (Monnet, Schuman, Adenauer, de Gasperi ou Spaak, pour ne citer qu’eux). Ils partaient d’une conviction forte, celle que la paix ne pouvait passer que par la réconciliation des peuples2. C’est sur cette certitude que repose cet édifice européen, qui n’a toujours pas fini de se construire, tandis que plus de soixante-dix années se sont déjà écoulées. Est-ce « une folie à nulle autre seconde que vouloir se mêler de corriger le monde » ?3 Nos pères fondateurs, pas le moins du monde misanthropes, se doutaient bien que ce serait long, qu’il y aurait des obstacles sociaux, politiques, économiques. Seraientils heureux d’apprendre que l’union des nations européennes a prévenu toute guerre intérieure depuis 1945 ? Assurément. Mais la présente Europe est encore très différente de celle qu’ils appelaient de leurs vœux : une Europe fédérale unie économiquement et politiquement.
« Bien que ce soit de la folie, voici qui ne manque pas de logique. »4 L’Europe s’est tout d’abord construite économiquement. Fruit d’une tentative visant à prévenir toute résurgence militaire entre les pays de Goethe et de Molière, la Communauté économique du charbon et de l’acier a vu le jour en 1951. Cette organisation, voulue par la puissance américaine, fut la première structure supranationale à réunir le Benelux, l’Italie, la France et la RFA. Et pourtant, cette réussite fut troublée par un coup de théâtre inattendu : l’échec du projet de la Communauté européenne de défense proposé par la France puis rejeté par elle en 19545. Il fut alors clair que la construction - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
d’une Europe politique ne pourrait découler que de la constitution d’une Europe économique. Comme le soulignait Schuman, « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »6 Dès lors, l’histoire de la construction européenne fut une suite de traités poussant plus avant l’union économique : Rome en 1957 fondant la CEE, l’Acte unique en 1986, le traité de Maastricht en 1992 créant l’Union européenne et enfin le passage à la monnaie unique en 19997. Mais ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Dès les prémices de cette aventure, Churchill poussa à la fondation d’une Europe sans les Britanniques. Cette position initiale fut le marqueur de la politique si particulière de nos amis d’outre-Manche qui préfèrent se tenir à distance de toute avancée pouvant restreindre leur liberté économique. Le « I want my money back »8 thatchérien en fut une fidèle illustration.
« Être ou ne pas être : telle est la question. »9 Cette grande entité supranationale qu’est l’Europe a toujours exercé une fascination ambiguë sur les dirigeants européens. Elle est gage de stabilité démocratique et de développement économique, mais ses prétentions au fédéralisme ont rendu méfiants des souverainistes comme de Gaulle ou plus récemment le président hongrois Viktor Orbán10. Qui plus est, la crise que traverse la zone euro depuis 2010 et celle de la Grèce tendent à propager la contestation du modèle européen au sein même des États qui la composent11. Les vieux réflexes nationalistes se sont ravivés, conduisant à une nouvelle fracture entre un sud « cigale » et un nord « fourmi ». Comme quoi, l’équilibre européen reste fragile. Mais plus encore, c’est la défiance des citoyens vis-à-vis de l’avancée européenne qui pourrait laisser perplexes nos chers visionnaires.
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« À force de sagesse, on peut être blâmable. »12 Nos sages voulaient amener la paix en Europe ; elle semble aujourd’hui acquise. Mais à quel prix ? Les décennies passant, les citoyens européens ont pris pour acquis ce qui relevait du miracle il y a un demi-siècle. Les gains liés à l’Europe ne sont pas perçus par les intéressés eux-mêmes ; un fait perturbateur pour le moins inquiétant. Les plus farouches opposants à l’Europe mettent en lumière l’absence de contrôle des citoyens sur la politique pratiquée, ainsi que la faible incidence du Parlement européen dans le fonctionnement institutionnel, comme en Hongrie, au Royaume-Uni ou même en France13. Bref, les Européens semblent ne plus vouloir jouer complètement leur rôle dans la constitution d’une Europe qu’ils ne reconnaissent plus. Ainsi, la moitié d’entre eux estime que les États sont mieux placés pour lutter économiquement dans la mondialisation et que l’euro « n’a pas atténué les effets de la crise » traversant les économies européennes14. Les citoyens seraient-ils en retard sur l’idée européenne ? L’union fédérale imaginée par les fondateurs ne peut pourtant se passer d’une adhésion des Européens. Bien qu’ils soient conscients de certaines réussites (Airbus, Galileo, Erasmus…), ils attendent peutêtre trop d’une Europe devant leur rapporter sans rien leur coûter. Entendons Don Quichotte : « Ce n’est pas la charge, mais l’excès de charge qui tue la bête »15. Tous se disent européens, mais qui connaît la Journée de l’Europe ? Ses pères fondateurs ? Le concept et ses symboles restent largement méconnus du grand public16. La construction européenne n’est donc ni en retard ni en avance. Les citoyens doivent chercher à peser davantage sur les institutions pour que l’Europe recouvre un véritable sens pour eux, étape nécessaire avant de possibles « États-Unis d’Europe »17. L’Europe n’est pas malade ; c’est un grand patient qui s’ignore. N’est-ce pas, Monsieur Hugo ?
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C’est pas sa journée !
12. Le Misanthrope, Molière, 1666 13. « La démocratie au sein de l’Union européenne. De la constitution composée à la démocratie composée », Laurence Burgorgue-Larsen 14. Sondage Eurobaromètre du 18 octobre 2013 15. L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche, Cervantès, 1615 16. « L’UE en quête de symboles ? », Virginie Timmerman 17. Discours de Victor Hugo au Congrès international de la paix de Paris de 1849 - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
Début 2010, les éditions Anabet baptisent le 25 mars « Journée mondiale de la procrastination » afin de promouvoir la sortie de l’ouvrage Demain, c’est bien aussi ou comment régler ses affaires sans aucune discipline personnelle. En effet, ce livre écrit par les Allemands Kathrin Passig et Sascha Lobo valorise un mode de fonctionnement procrastinateur auquel chacun peut un jour se retrouver confronté. Depuis ce coup marketing, le jour n’a cessé d’être fêté chaque année. Au même titre, d’autres journées internationales plus saugrenues les unes que les autres sont célébrées : la Journée du Gros Pull en Belgique le 20 février ou encore la Journée mondiale des Pâtes en Italie le 25 octobre. _F.B.
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Retard vers le futur Par Arnaud Douillard
Il est commun de dire que « le temps passe trop vite » lorsqu’on n’arrive pas à faire tout ce qui était prévu. Comme s’il avait décidé de s’accélérer. Ce qui a changé, c’est le nombre d’activités que nous pouvons réaliser dans un laps de temps donné. En grande partie à cause du progrès des nouvelles technologies et des transports.
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Si l’on prend comme définition “objective” du temps celui mesuré par nos montres, réveils, horloges atomiques, une seconde reste une seconde. Il n’y a pas d’accélération. En revanche, l’impression de manquer de temps demeure bien réelle. Si ce sentiment d’accélération a commencé à s’exprimer depuis la Révolution industrielle avec l’apparition du chemin de fer, de nombreux aspects de notre mode de vie reposent aujourd’hui sur l’optimisation du temps. Le speed dating, par exemple, nous permet de rencontrer le plus de partenaires possibles en un temps donné.
In speed we trust Le capitalisme repose également sur cette notion de productivité poussée au maximum, et qu’il encourage. Comme le relève l’auteure italienne Carmen Leccardi, « tout ce qui va plus vite [est] considéré comme synonyme d’efficacité et de compétitivité accrues sur le marché ». Et comment les rendements s’améliorent-ils ? Grâce aux progrès techniques et à l’innovation. Dans le domaine de la communication, même constat : le télégraphe, puis le téléphone et évidemment Internet ont multiplié la rapidité avec laquelle on transmet l’information. L’innovation technique accélère notre rythme de vie si bien que la société prend pour valeurs idéales les notions d’immédiateté et de vitesse. La technique nous offre la possibilité de passer moins de temps sur toutes sortes d’activités mais le problème initial perdure : nous manquons toujours de temps.
Du temps ? À pas.
se questionne Hartmut Rosa, sociologue allemand1. L’accélération technique nous permet de gagner du temps si la quantité d’activités reste la même. Or, cette dernière s’est aussi décuplée. La notion de rapidité s’est intégrée à notre vie quotidienne et nous continuons à multiplier les activités. Cela intensifie parfois la pression pesant sur nous et nous donne l’impression que le temps se raréfie. Mais si les nouvelles technologies sont à l’origine de l’accélération que nous ressentons, elles constituent aussi le moyen de nous organiser. Des objets comme les smartphones savent tout faire et permettent d’accéder rapidement à nos contacts ou à Internet. Pas étonnant qu’en Europe, le temps passé sur mobile ait progressé de soixante-quinze minutes par jour en 2008 à cent dix en 20112. De ce fait, les consciencieuses séances de travail s’entrecoupent de sollicitations extérieures : notification sur réseaux sociaux, appel, mail… Nous réalisons plusieurs tâches en même temps ce qui nous déstabilise et nous maintient perpétuellement “dans l’urgence”3. Le “multi-tâche” donne l’impression d’avoir la main sur toutes les choses que nous devons faire alors qu’il nous met surtout face à nos propres limites cognitives : notre cerveau ne peut pas assimiler et traiter autant d’informations en un temps si court. L’accélération du temps est donc un raccourci trompeur qui déforme notre rapport au présent. Un présent qui devient multiple à force de chercher à faire tout, tout de suite et qui explique notre état permanent de “manque de temps”. Car finalement, le temps est un choix.
« Mais pourquoi est-ce ainsi alors que le progrès matériel devrait nous libérer du temps ? » - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
_ 1. Accélération. Une critique sociale du temps, Hartmut Rosa 2. « Smartphones, réseaux sociaux, médias… Les 2 dernières études à découvrir », frenchweb.fr 3. La Dictature de l’urgence, Gilles Finchelstein
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Un train de sénateur Par Charline Birault
Le droit est accusé de ne pas arriver à point nommé. Il avancerait lentement, négligeant les délais qui lui sont impartis et les attentes de la société. Vraiment ? Pour être en retard, encore faut-il se référer à ce que serait l’heure juste. Le Petit Larousse nous aide à y voir plus clair en nous donnant deux références possibles : « l’action d’arriver, d’agir trop tard », comme le serait un train qui arriverait deux heures après l’heure prévue ou « l’état de quelqu’un, quelque chose qui n’est pas aussi développé qu’il devrait l’être »1.
Des délais délaissés
_ 1. Le Petit Larousse illustré, édition 2012 2. Commission européenne, Internal market scoreboard (février 2013) – évaluation réalisée au 11 novembre 2012 - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
La notion de retard peut d’abord être évaluée en se référant à une norme temporelle, c’est-à-dire à la notion de délai. Prenons le cas des normes nationales qui doivent transposer les directives européennes. À la différence des règlements européens, celles-ci ne sont pas immédiatement applicables. Elles nécessitent d’être adaptées dans une norme nationale pour chaque État membre afin d’entrer en vigueur. Les États disposent d’un délai d’environ deux ans pour les adopter et ont donc, comme le train, une échéance à respecter. De grandes disparités existent entre les États membres de l’Union européenne (UE) dans la transposition de ces directives. La Commission européenne a fixé un taux maximal de non-transposition de 1 %, anticipant leurs retards potentiels, rappelant la latitude de trente minutes de délai de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) avant que le voyageur ne puisse obtenir une indemnisation. Le retard fait donc partie de la normalité des choses. Malgré cette tolérance, plusieurs pays comme la Belgique ou l’Autriche ont dépassé ce taux en 20122.
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Tous les pays ne sont cependant pas condamnés et rétablissent souvent à temps leur situation, le retard pouvant se révéler coûteux. Ainsi, la France a été condamnée en 2008 à payer dix millions d’euros pour un retard de transposition d’une directive européenne relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM)3. Plus inquiétant, la Commission révèle en 2013 que l’Italie, la Grèce et l’Espagne, soit trois pays en crise, jouissent du plus grand nombre de procédures d’infraction engagées. Preuve que ce type de condamnation dérange, les parlementaires français ont fait en juillet 2012 une proposition de loi constitutionnelle visant à simplifier et accélérer les procédures d’adaptation des directives. L’Italie a adopté en 2012 une mesure allant dans ce sens4. D’autres pays comme la Belgique, « championne de la mauvaise transposition des directives »5, pourraient faire de même. Ce n’est que suite à la mise en place d’un comité spécial en 2011 que l’Irlande a pu enregistrer un taux de retard égal à zéro. Cependant, si la Commission souligne les efforts de simplification des systèmes nationaux, elle relève aussi l’importance d’une détermination institutionnelle. Or, celle-ci fait défaut en l’absence de normes européennes. En effet, pour éviter des sanctions dérangeantes, certains gouvernements ont trouvé une parade qui consiste tout simplement à ne pas se fixer de délai. Il est difficile d’être en retard quand aucune échéance n’a été fixée. Un exemple parlant est celui de la révision de la Constitution française de 2003, qui a introduit un droit de pétition au niveau local. Ce droit « s’exerce dans les conditions prévues par la loi ». Pourtant, dix ans après, cette loi n’a toujours pas été adoptée et le gouvernement français ne voit pas vraiment l’urgence de rendre effectif ce droit, le rendant ainsi méconnu pour ses citoyens.
Un retard retors Le droit peut aussi être considéré en décalage quand il pâtit d’un retard de développement pouvant être de deux ordres. Tout d’abord par rapport aux avancées technologiques et scientifiques, qui ont trait à la protection des données privées sur internet ou encore à la procréation médicalement assistée. Ensuite, par rapport à l’évolution des mœurs et de la société. La question du mariage homosexuel fait ainsi débat, les pays européens ne l’ayant pas légalisé tendent désormais à être étiquetés comme retardataires. Il est vrai, l’adaptation du droit aux faits technologiques et sociaux se fait de façon plus lente dans les pays civilistes qui privilégient le droit écrit (France) que dans les pays de Common Law où le juge a un pouvoir plus important pour moduler le droit (Royaume-Uni). Cependant, cette question du retard du droit est biaisée. Selon Michel Vivant, « le droit a toujours su et sait s’adapter »6. D’autant plus que le droit est un outil social. Si la presse souligne la question des mères porteuses comme reflétant l’inadéquation du droit, l’auteur y voit en réalité un choix de valeurs. De même, Atias et Linotte soulignent que s’il « a été soutenu que le droit doit s’adapter aux faits », ce processus ne doit pas être systématique mais être le choix d’une société7. Dans cette optique, l’Union européenne a un rôle primordial à jouer puisqu’elle peut adopter des normes qui reflètent le choix d’une société européenne et amener les pays membres à s’y conformer plus rapidement, voire trop rapidement quelquefois. Si elle n’a eu pour l’instant ce rôle en termes de mariage homosexuel, elle a considérablement influencé la promotion de l’égalité entre hommes et femmes en Europe. Ainsi, dès 19578, le principe d’égalité salariale entre hommes et femmes était inscrit dans le Traité
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de Rome. Ce principe a commencé à être sanctionné dans les années 1970, contraignant plusieurs pays européens à se conformer à cette vision égalitariste. À cet égard, Mazey parle d’un « choc » créé par la politique d’égalité entre hommes et femmes de l’Union européenne sur les politiques nationales9. Ce choc s’illustre récemment par la directive visant à introduire un quota de 40 % de femmes aux postes d’administrateurs non–exécutifs des entreprises européennes cotées en bourse, adoptée par le Parlement européen le 20 novembre dernier. Elle pourrait ne pas passer le Conseil, neuf pays européens s’y étant déjà opposés. Michel Vivant rappelle très justement que le problème principal pour les juristes est de s’adapter à l’évolution souvent « extrêmement rapide » du droit10. Le sénateur serait dès lors nettement plus dans la peau du lièvre que de la tortue. Or, dans la fable c’est la tortue qui gagne. Dans une société où tout s’accélère, y compris le droit et le journalisme, un retard de qualité vaut peut être mieux qu’une avance bâclée.
3. Cour de justice des Communautés européennes, 9 décembre 2008 4. Loi 234 du 24 décembre 2012 5. Porte-parole de Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur, 19 février 2013 6 & 10 . Michel Vivant, « Sciences et praxis juridique », Recueil Dalloz, 1993, p. 109 7. Christian Atias et Didier Linotte, Le mythe de l’adaptation du droit au fait, Recueil Dalloz, chronique XXXIV, 1977, p.251 8. Article 119 du Traité de Rome 9. 9. Sonia Mazey, « The EU and women’s rights: from the Europeanization of national agendas to the nationalization of a European agenda? », Journal of European Public Policy, 1998
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bibliographie _ Demain, c’est bien aussi Kathrin Passig et Sascha Lobo, Anabet, 2010, 320 pages. Les auteurs, grands habitués de la procrastination, nous délivrent leurs précieux conseils pour survivre confortablement dans notre monde ultra-rapide. Ils nous aident à trier nos tâches quotidiennes pour mieux les repousser au lendemain. Le sous-titre du livre, Ou comment régler ses affaires sans aucune discipline personnelle, est un beau programme pour que chacun concocte son propre bordel organisé… _ Accélération. Une critique sociale du temps Hartmut Rosa, La Découverte, 2010, 474 pages. Notre temps libre augmente, mais nous manquons toujours de temps. Nous pestons d’être toujours pressés mais râlons devant la lenteur. Pour répondre à cette apparente contradiction, Rosa développe le concept d’accélération sociale. Celle-ci trouve sa source dans la combinaison de la technique, du changement social et du rythme de vie. Quelles conséquences sur nos sociétés ? L’auteur détaille cinq scénarios possibles, aux conclusions pas forcément très réjouissantes. _
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La Dictature de l’urgence Gilles Finchelstein, Fayard, 2011, 240 pages. Aller toujours plus vite, accroître sans cesse sa productivité, concilier ses multiples vies dans des journées de 24 heures, ne jamais relever la tête vers le passé ou le futur : voilà comment Finchelstein décrit notre société. Il analyse cette dictature et en distingue les causes multiples (techniques, politiques, économiques). Il constate aussi à quel point ce système est nuisible à l’espèce humaine et propose des pistes d’actions pour renverser la vapeur. _ Le Droit à la paresse Paul Lafargue, 1880, rééd. Le Passager clandestin, 2009. À la fin de notre industrieux XIXe siècle européen, Paul Lafargue pourfend un dogme sacré : l’amour pour le travail. Les machines toujours plus efficaces poussent paradoxalement à travailler davantage, engendrant des classes laborieuses toujours plus pauvres. Lafargue pense un modèle de société où nos journées de travailleurs sont réduites à trois petites heures. Chacun, ouvrier comme bourgeois, aurait alors tout le temps de se consacrer à ses loisirs.
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- cherchez l’instru -
Bouzouki voulait traverser l’Europe Par Mathilde Colas
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Feta, raki, sirtaki... De nombreux symboles nous viennent en tête lorsque l’on pense à la Grèce. On trouve aussi parmi eux le son caractéristique du bouzouki, sorte de banjo à l’européenne. Mais l’instrument trouve ses racines non pas en Grèce, comme le laisse à penser l’imaginaire populaire, mais dans les régions slaves sous le nom de tambouras, avant l’arrivée des Turcs sur les territoires balkaniques. Ce luth à caisse piriforme est souvent associé à un héritage de la culture méditerranéenne orientale. Si l’on trouve des formes parallèles au bouzouki dans les pays anciennement byzantins ou ottomans, celui-ci est rarement utilisé au Moyen-Orient et est plutôt dédié à la musique savante arabe et occidentale. Son étymologie parle d’ailleurs d’elle-même, bozuk signifiant cassé ou déraciné en turc, comme si le luth avait été arraché de son territoire d’origine puis réintroduit ailleurs. Le terme persan bozorg, qui signifie tambour et rappelle son ancêtre, est également une origine possible pour ce luth voyageur.
Luth et classes sociales Introduit en Grèce dans les années 1920, le bouzouki est alors utilisé dans le rebetiko, musique folklorique populaire héritée de la diaspora grecque de Turquie et souvent jouée dans les milieux pauvres. Le Traité de Lausanne signé en 1922-1923 a entraîné le départ de ces Grecs pontiques de leur territoire originel, au bord de la Mer noire. Les milieux nationalistes grecs ont cherché à bannir l’utilisation de cet instrument joué par des réfugiés, donc �étrangers� à la culture grecque. Associé aux cultures d’Asie mineure, il porte jusque dans les années 1960 cette image profanatrice dans un pays alors dominé par la culture occidentale. Il est donc difficile de retracer la provenance et le parcours de l’instrument, son histoire étant revisitée par la propagande nationaliste et
récupérée par de nombreuses musiques traditionnelles européennes.
Voyage d’un bout à l’autre de l’Europe À la différence des luths occidentaux souvent munis de quinze cordes simples, le bouzouki traditionnel est composé d’un jeu de trois doubles cordes métalliques et peut se jouer soit en créant des accords ouverts en pinçant chaque corde individuellement au moyen d’un médiator généralement en plume, soit en jouant les cordes deux par deux, créant ainsi ces harmonies propres à la musique d’Europe orientale. Un jeu de cordes supplémentaire est ajouté à cet instrument en forme de poire dans les années 1950 afin d’adapter les harmonies aux sonorités occidentales et celtes. L’introduction du bouzouki en Irlande est d’ailleurs advenue par un pur hasard. Le musicien traditionnel irlandais Alec Finn, joueur de blues à Dublin, déménagea à Galway, dans l’ouest du pays, où seule la musique traditionnelle était jouée dans les clubs. Il demanda alors à un ami se rendant en Crète de lui rapporter un luth traditionnel grec pour adapter son blues et reçut à la place un bouzouki. Il se mit alors à la musique irlandaise en y introduisant cet instrument, échu par erreur à l’autre bout de l’Europe. Le bouzouki irlandais est aujourd’hui l’un des instruments phares de la musique irlandaise et a évolué pour s’adapter aux harmonies celtiques, se diffusant dans l’ensemble des milieux celtes dans les années 1970. Curieux voyage pour cet instrument qui a traversé l’Europe pour en joindre les deux bouts. De l’histoire antique hellénistique à son ancrage profond dans le patrimoine celte, on peut dire que le bouzouki a nourri l’Europe en travers. Ce luth au nom singulier a peut-être été bousculé par les conflits entre cultures, se transformant pour s’adapter aux musiques de nouveaux territoires, mais c’est pour mieux alimenter les différentes branches culturelles qui constituent l’arbre européen, aux racines communes.
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Crédit : NathanGibbs (CC-BY-NC)
Le bouzouki est, comme son nom ne l’indique pas, un luth en forme de poire. On le connaît via la musique traditionnelle grecque, mais son histoire est en fait celle d’un instrument voyageur, enraciné dans les cultures européennes d’un bout à l’autre du continent. Carnet de voyage d’un luth qui voulait voir le monde.
- Recycle II - Anna Pantelia, Grèce - EUROPA #36 - printemps 2013 -
- rubrique -
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- Kite Parkour - © David Fleck - EUROPA #38 - hiver 2014 -
- EUROPA #38 - HIVER 2014 -
- rubrique -
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- EUROPA #38 - HIVER 2014 -
- Forever free - Š Ooli Mos - EUROPA #38 - hiver 2014 -
- détente -
CLICHéS
Crédit : Andy Polaine (CC-BY)
_ carte postale
_ Une fois n’est pas coutume
_ La grande tambRouille
Svalbardesque
Raisin avant les raisins
Aux chiottes l’Europe !
Région arctique norvégienne, Spidsbergen, 1 300 km au nord du cercle polaire. Terre gelée sans le moindre arbre. Cernée au nord par l’océan Arctique et au sud par la mer de Barents. Minuit. Il fait grand jour ! Au Svalbard (comme l’appellent les Scandinaves), le soleil est vraiment fascinant. Présent pendant six mois, 24 h/24, il est quasiment au zénith de midi à... minuit ! À Longyearbyen, 2 100 âmes, l’université accueille plus de professeurs que d’élèves. Principale ville de l’archipel, elle sert depuis 2008 de grenier pour les semences de l’humanité. Un étrange bunker enterré dans le permafrost conserve toutes les graines de la planète. Curiosité qui en appelle une autre. Si l’ensemble de l’archipel compte plus de 2 600 humains, la population d’ours polaires est au moins deux fois plus élevée. Hors de question de sortir des colonies sans être armé d’un fusil. L’ours tue régulièrement ici. Ce paisible paysage lunaire cache en réalité un bien curieux far west surréaliste... _J.R.
L’horloge de la Plaza del Sol sonne traditionnellement le passage de la nouvelle année. Les douze coups de cloche à Madrid sont retransmis par télévision pour toute l’Espagne. Le soir de la Saint-Sylvestre, à la Nochevieja, tout le monde est sûr d’avoir un bol de raisin dans les mains. Depuis plus d’un siècle, la tradition consiste à manger douze grains, un par coup de cloche sonnant minuit, et s’assurer ainsi le bonheur pour l’année qui débute. Encore faut-il les manger sans s’étrangler. Mais les us de la Nochevieja ne semblent plus être les seuls. Le « pré-réveillon » est une habitude qui commence à devenir coutume. Elle consiste à se réunir la nuit du 30 décembre, toujours Plaza del Sol, pour simuler la soirée du lendemain, la fin de l’année, avec des amis ou en famille. Les raisins sont substitués par des bonbons. Quid des boissons de célébration ? La raison de cette fête serait le besoin de tester l’horloge de la place et s’assurer que tout soit bien réglé pour le lendemain... Clairement une excuse pour se réunir et profiter d’ores et déjà des festivités. _A.M.
Qui n’a jamais maudit les Turcs de s’éclabousser les godillots ou le fessier dans leurs rustiques commodités ? Certainement David Černý, le sculpteur tchèque, dans son œuvre Entropa, qui a représenté la Bulgarie par les cabinets alla turca. Refusant de reconnaître la paternité de l’orifice maudit, les Bulgares pointent du doigt les Grecs, qui accusent à leur tour les Belges, et voici que l’Europe se retrouve accablée de l’odorant cliché... Mais selon les chercheurs de toutes nationalités, l’éclaboussure sur vos chaussures, c’est à toute l’Asie et au ProcheOrient que vous la devez ! _M.B.
Crédit : Julien Rivière
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NOTES FOR AN EPILOGUE
Photos : Tamas Dezso Texte : Eszter Szablyar/Tamas Dezso Traduction : Erwann de Carheil
« Dans ce pays, nous avons dû manger, dormir, marcher et aimer dans la peur » Herta Müller, écrivaine née en Roumanie, prix Nobel de littérature en 2009.
Photographies Ci-contre : Cyprian, l’ours danseur, Salatruc, 2013 Ci-dessus : fabrique de sodium, Ocna-Mures, 2012 - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
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La dictature la plus sévère d’Europe de l’Est s’est achevée en 1989 avec une spectaculaire exécution le jour de Noël. La scène, théâtrale malgré son côté précipité, fut retransmise en direct par les médias du monde entier : la mort brutale de Nicolae Ceausescu, cordonnier sans instruction devenu apprenti dictateur et de sa femme Elena, qui partageait son culte de la personnalité, avait une importance symbolique. Le régime communiste, développé entre 1965 et la révolution de 1989, avait conduit une politique amicale envers l’Occident mais devint par la suite isolé, du fait des remboursements que ses créanciers occidentaux lui imposaient. Sa chute ne laissa que les promesses de la démocratie dans un pays économiquement et intellectuellement épuisé. Tandis que la révolution donnait à cette société pauvre des tâches importantes à réaliser, l’occasion d’interpréter le passé s’ouvrait parallèlement à la reconstruction. L’héritage encombrant des décennies passées attendait d’être analysé. Ce legs comprenait les images de zones entières recouvertes d’usines en béton armé, fruit d’une industrialisation agressive. Il comprenait également les souvenirs de la détermination du pouvoir central à éliminer les villages et à transformer l’expérience de la vie en leur sein, avec ses traditions et ses modes de vie agraires, en une expérience de vie faite de logements sociaux gigantesques, de bidon-
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Photographies Ci-dessous : cheval de trait, Silvasu de Sus, 2011 En haut : vendeurs de tapis, Pojorata, 2012 En bas : le village inondé de Geamana, 2011
villes et de magasins vides. Il comprenait enfin le traumatisme qu’était le rationnement, incarné par les queues sans fin et la famine. Le changement politique mit fin à la période de terreur intellectuelle ainsi qu’à la souffrance physique qui semblait ne jamais devoir finir. L’interdiction d’avorter fut levée, les persécutions envers les minorités et les communautés religieuses cessèrent. La police secrète, qui, conformément au système paranoïaque qu’elle servait, gardait un œil sur tout, fut remise en laisse, et les prisons politiques qui opéraient comme des centres de rééducation idéologique furent fermées. L’euphorie due au changement a toutefois laissé la place à un silence déçu et au sentiment d’avoir été abandonné. La Roumanie est entrée dans l’Union européenne en 2007 mais le chômage et les flux migratoires représentent toujours un sérieux problème. On assiste à
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la dépopulation complète des villages et des régions industrielles qui se transforment progressivement en zones fantômes. En parallèle, les traditions centenaires et les vestiges des quelques dizaines d’années de dictature communiste sont en train de disparaître. Les vieux bergers et les habitants des villages avec lesquels nous pouvons encore parler sont les derniers représentants d’un mode de vie pastoral, proche de la nature, et sont en même temps les témoins de l’histoire de la dictature. De cette histoire qui s’efface, quelques fragments subsistent. Les wagonnets des mines de charbon sont toujours visibles bien que celles-ci aient fermé, de gigantesques fresques à la gloire du communisme ornent toujours certains bâtiments publics et les murs décrépis des usines révèlent parfois une étoile rouge à la couleur passée.
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Photographies En haut : Victor, Geamana, 2011 À gauche : ferme ovine, Silvasu de Sus, 2011 À droite : chorale, Abrud, 2012
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À ce jour, aucun travail documentaire mêlant images et textes, qui soit à la fois sérieux, complet et dense n’a été effectué sur la manière dont les empreintes du passé sont toujours perceptibles en Roumanie. Ce projet est basé sur notre propre expérience du passé : enfants, nous traversions régulièrement, pour raisons familiales, la frontière entre la Hongrie, dont la rigueur communiste s’adoucissait, et la Roumanie, notre voisine dictatrice. Les longues queues tortueuses devant les épiceries vides et le sentiment de peur permanent font partie de nos souvenirs personnels. Selon nous, ce projet possède une vraie signification, non seulement localement, mais également dans la dimension universelle des phénomènes traités : la vieillesse, la mort, la dépopulation et la migration. Les problématiques qui sont tues, le rôle peu clair, encore maintenant, que la police secrète a joué, l’accès toujours prohibé à certaines archives, tous ces problèmes communs aux sociétés d’Europe de l’Est dans la lutte qu’elles mènent avec leur propre passé sont autant de rappels de l’extrême difficulté qu’il y a à faire un bilan de ces années.
Découvrez les autres photos du projet sur tamasdezso.com et journaleuropa.info - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
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RENCONTRE DU TROISIèME TYPE
Propos recueillis par Manux & MarkUs
Pas facile de capter l’attention du réalisateurproducteur Jan Kounen. Le membre du jury du festival international de sciencefiction Les Utopiales, qui s’est déroulé en octobre dernier à Nantes, est un féru du genre. Les noms d’œuvres s’enchaînent sans jamais s’interrompre. Sans l’intervention géniale de son compère Marc Caro, cette entrevue durait des heures. Un titre manquait* ! Puisqu’ovni dans le paysage cinématographique européen, Kounen est l’un des plus à même de décrypter un genre de passion plus que d’anticipation. Europa : Au regard de votre filmographie et de vos engagements, la sciencefiction ne semble pas être un genre que vous privilégiez particulièrement ?
Cré
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Jan kounen Cinéaste terrien
Jan Kounen a atterri sur notre planète en 1964 dans la ville d’Utrecht, aux Pays-Bas. Après une enfance et une adolescence à l’ « imaginaire […] nourri », il achève ses études à l’École des arts décoratifs de Nice en 1988. D’abord réalisateur de vidéoclips, de documentaires et de films publicitaires, il lâche les chiens en 1997 dans Doberman, polar violent, excentrique, frisant le culte. Il disparaît ensuite pour s’attaquer à l’adaptation de Blueberry, la bande dessinée de Charlier et Moebius. À l’image de Mike Blueberry, Kounen devient incollable sur le chamanisme
sud-américain. En 2005, il change de continent pour offrir à Amma, la « Mère Divine indienne », un documentaire poignant de réalisme : Darshan. En 2007, il filme la satire du monde de la pub dans 99 francs. Le drame et la romance sont abordés par Coco Chanel & Igor Stravinsky en 2009. Ne lui manquait plus que la science-fiction. En attendant les premières prises de La Horde des contrevents, Jan Kounen succède à Dario Argento comme président du jury du festival international du film fantastique de Gérardmer, en février 2014. - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
Jan Kounen : Mon imaginaire d’enfance a été nourri par le genre science-fiction (SF) mais c’est surtout mon adolescence qui en fut marquée. Depuis le premier choc de 2001 l’Odyssée de l’espace, la multitude de films existants, Métal hurlant pour la bande dessinée, jusqu’à la collection Fleuve Noir et bien entendu Isaac Asimov pour les romans. Récemment, l’auteur de Silo, Hugh Howey m’a impressionné. Frank Herbert (l’auteur de Dune, ndlr) m’a beaucoup inspiré ; je ne cache pas que si je devais consacrer un livre de science-fiction, ça serait un des siens. Aujourd’hui encore, même si mes films ne sont pas classés dans ce genre, mon inspiration baigne dans la SF. Blueberry, par exemple, dans mon esprit, ce devait être un film de science-fiction. Vous comptez réussir à changer cette image du cinéma de genre ? J’espère. Je trouve dommage que, culturellement, ce ne soit pas un genre qui se place devant ; parce que ressasser nos histoires du passé, c’est bien, en littérature comme au cinéma. Or, un genre qui explore le futur, qui explore le questionnement des mondes, de nos sociétés, du temps… C’est
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la raison pour laquelle tu regardes devant quand tu conduis. La science-fiction regarde devant. Pour la culture et la planète. Quand on lit les auteurs des années 1970 qui parlent d’écologie, de malbouffe, d’animaux que nous torturons sans fin… C’est l’occurrence de Soleil Vert ! On n’est pas loin de ce qui y était décrit. Qu’est-ce qui vous empêche aujourd’hui de réaliser un long-métrage de SF ? La SF cinématographique n’est pas un genre trop exploité en France, en raison du coût des films. Il reste au monde du cinéma quelque chose qui ne passe pas avec le cinéma de genre. Les productions à gros coût sont appréhendées. C’est aussi le cas en Angleterre, en Allemagne ou dans les pays scandinaves. Sauf si se créent de grosses coproductions européennes. Certains arrivent à l’imposer et c’est pourquoi j’admire le cinéma d’Álex de la Iglesia. Que j’ai adoré travailler avec l’acteur danois Mads Mikkelsen (Coco & Igor) ! L’Europe est-elle un bon système pour faciliter la création et le cinéma de genre ? Par solidarité, je me sens proche des réalisateurs européens, parce qu’il y a une vision du cinéma en Europe où l’on donne une place au réalisateur, un appui. Par exemple, faire un tournage avec un casting anglophone depuis une base de production européenne t’offre en tant qu’auteur, sur le final cut notamment, une sorte de protection, de respect. Les rapports sont les mêmes quand tu te positionnes en tant que producteur. Vous avez repéré des réalisateurs européens pour le cinéma de demain ? C’est dans le monde du court-métrage qu’il y a un vivier ; il existe pas mal de mecs qui bricolent bien, on les voit sur le web notamment. Je vais moins au cinéma qu’avant, alors pour sortir une liste là, c’est difficile. Mais le cinéma italien me plaît, par exemple. Attendez... L’exemple du casting anglophone était quand même bien précis. C’est un genre que j’espère pouvoir aborder pleinement ; j’ai les idées, des scenarii, des projets que je ne désespère pas de voir aboutir. Nous travaillons en ce moment
avec le réalisateur Marc Caro sur une adaptation des romans d’Alain Damasio, La Horde des contrevents. Races, cultures, monde, nous en sommes à la phase de création, le script est terminé. Caro s’occupe de la direction artistique, tandis que Damasio et moi-même élaborons cet univers très dense. C’est un énorme projet, un diptyque en full synthese et motion capture… dont on ne voit que le début. Cet attachement va au-delà de vos origines européennes ? Oui. Je préfère faire du cinéma terrien. Pour moi, c’est travailler avec l’idée de monter des films plus qu’européens ; avec l’Afrique du Sud, l’Amérique du Sud, les États-Unis ou le Canada. Ces dernières années, j’ai travaillé avec des Russes et me suis tourné vers l’Orient, pour des tests de motion capture pour La Horde… Jusqu’au Japon récemment, où tu arrives définitivement dans une toute autre culture. Je suis assez fan de ce qu’ils sortent. Se retrouver au milieu de toutes ces influences, ça ne peut que te nourrir. Vous filmez en Europe et partout ailleurs. Votre pays ne vous manque-t-il pas parfois ? Je ne suis pas très patriote. Je suis français, d’origine néerlandaise. C’est bien d’avoir l’identité de la culture, mais c’est bien de s’ouvrir, voyager, bouger, mélanger les énergies. D’ailleurs, en parlant de culture, je suis en faveur de la notion de « la Culture », la société culturelle créée par Ian Banks. Elle est un peu anarchique, hédoniste, égalitaire et régie sans monnaie. Cette internationalisation, nous la retrouvons dans vos engagements personnels, jusqu’aux confins du Brésil. Je ne vais pas rentrer dans les détails concernant le barrage de Belo Monte. C’est ironique de pouvoir regarder Avatar, d’en apprécier le propos, et de constater le succès du film. Tandis que peu réalisent que c’est ce qu’il se passe là-bas, en ce momentmême, sur notre Terre ! Votre vision de cette planète semble plutôt positive. Oui. Je pense avoir une vision optimiste, que nos pensées et nos idées circulent ainsi, qu’on peut influencer jusque celles d’un nouveau-né. Malgré la gravité de certains - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
sujets, il faut être optimiste par principe. C’est ma vision du monde, comme j’aime l’imaginer. Ça n’empêche pas qu’artistiquement, on peut déployer une vision très pessimiste, comme pour en prévenir l’arrivée. L’optimisme s’exprime alors en gardant la foi. Ce n’est pas gagné pour qu’on ne sombre pas tous, mais cela ne doit pas nous empêcher de rester positif, à son échelle, pour tout le monde.
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*Le titre manquant « Jan Kounen : J’ai lu un truc super récemment. Tu lis de la SF ? Manux : Oui. (s’ensuit une première série de titres de romans et d’auteurs de science-fiction) Jan : Tu connais ce roman où les mecs se mettent une pile dans la nuque, ce qui permet aussi à leur personnalité de changer de corps ? L’auteur est états-unien ou anglais . Manux : Ce n’était pas… (vient alors une autre série, plus longue, de titres de romans) Marc Caro (passant par là) : ?! Jan : C’est sorti il y a quelques années. L’histoire de ce couple avec l’implant dans la colonne vertébrale … La personnalité est confinée dans la pile. Détruire une pile est un vrai meurtre. […] (tandis que le dictaphone s’affole…) Caro : Câblé ! Manux : Câblé ? Jan : Câblé. [...] Manux : Savais-tu qu’Orange Mécanique a été classé dans la catégorie science-fiction à sa sortie ? Caro : Ça s’appelait la spéculative à l’époque. Jan : Oui, et judicieusement. » Messieurs, la bonne réponse est Câblé (Hardwired), roman cyberpunk écrit en 1986 par l’états-unien Walter Jon Williams.
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Leçons latines pour une Europe qui patine Par Felipe Portero
Actuellement, l’Europe vit en pleine crise. Une crise économique qui touchait l’Amérique latine il y a trente ans. Considérée à l’époque comme la pire depuis 1929, la « Décennie perdue » a marqué tout le sud de ce continent dans les années 1980 et se profile aujourd’hui sur l’Europe. Il ne s’agit pas là d’une simple coïncidence ; les deux crises ont beaucoup en commun. L’Europe pourrait tirer les enseignements de cette expérience latino-américaine avant qu’elle ne perde, elle aussi, toute une décennie.
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L’Europe, ainsi que l’Amérique latine, « ont créé des dettes à cause de l’abondance de ressources financières disponibles pour des prêts », d’après le professeur brésilien Gunther Rudzit (docteur ès sciences politiques de l’université de São Paulo). Il ajoute qu’« une crise externe a affecté ces régions dans les deux cas. En Amérique latine, c’était la hausse des intérêts pratiqués par la réserve fédérale et en Europe, c’est la crise des subprimes, venue des États-Unis, qui a propagé des titres toxiques sur les marchés. » Les propos de Rudzit sont suivis par le professeur espagnol Dr. José Juan Benítez (docteur ès sciences économiques de l’université de Málaga) qui insiste sur les similarités des deux crises. « Dans les deux cas, le mot-clé est dette, extérieure pour le cas latino-américain et dette devenue publique pour le cas européen. » José Juan Benítez précise que l’expérience latine devrait rappeler à l’Europe que les réformes institutionnelles sont inévitables pour raccourcir la période de récupération économique car « les politiques économiques inadaptées ont un coût très élevé. Les pays latino-américains ont dû suspendre des paiements, restructurer leurs dettes et mettre en place des réformes qui, à court terme, ont créé des problèmes sur le continent mais à long terme ont stimulé la croissance et le travail. » Parmi les problèmes évoqués, le quotidien brésilien O Estadao de São Paulo affirmait en 1989 que les prix avaient augmenté de 36 850 % pendant la dernière décennie. L’exode rural a frappé bon nombre de pays ; ainsi le Brésil a accusé plusieurs revers : paralysie du gouvernement, prolifération des favelas, menaces de coup d’État, acharnement sur la population indienne. Pendant la « Décennie perdue », l’inflation a dépassé 200 % au Brésil, la croissance s’est réduite et le déficit public a considérable-
ment augmenté. Autre exemple, le gouvernement mexicain a déclaré en 1982 une suspension de paiement, provoquant une frayeur sur tous les marchés internationaux. Cette période a aussi marqué l’accroissement des inégalités sociales, bien que la période de croissance accélérée des années 1970 ait permis de les nuancer. Sur tout le continent, les dettes internes ont augmenté : les peuples ont vécu des périodes de hausse de prix, ainsi que des périodes de baisse de salaire et de chômage. Tout cela contrastant avec l’espoir né avec la fin de plusieurs dictatures.
Un processus « ni facile, ni indolore » Si la crise mène à un changement nécessaire, il faut considérer qu’en Europe la qualité de vie est très élevée, notamment grâce à l’assistance sociale de l’État, contrairement à l’Amérique latine des années 1980 et d’aujourd’hui. Gunther Rudzit ajoute qu’il « ne sera pas facile pour les gouvernements de convaincre leur population qu’il n’y a pas d’autre sortie à la crise, que des mesures sont nécessaires ». Pour le Brésil, il a fallu attendre près de dix ans et l’arrivée du président Lula pour que ces mesures soient prises : entre autres, réformer la fiscalité pour plus de justice, construire un système de protection sociale solidaire et renforcer les lois du travail2. La mission semble tout aussi difficile pour les Européens, habitués à entendre la litanie des réformes. Les populations des différents États membres réclament des changements, mais semblent avoir peur des conséquences sur leurs modes de vie. Lorsque l’Amérique latine se bat dans les années 1980 pour réanimer son économie, - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
la fuite de ses jeunes entrepreneurs et des hauts diplômés vers d’autres pays devient l’un de ses plus graves problèmes. Gunther Ruditz précise que cette fuite a compromis le développement du territoire. Alors qu’aujourd’hui, la tendance se renverse un peu, des pays comme le Brésil et l’Argentine attirent davantage d’investisseurs. À l’heure actuelle, cette fuite devient un phénomène européen, avec un chômage augmentant plus que jamais. « Cela affecte beaucoup la capacité à reprendre la croissance durable d’une économie à moyen terme. » G. Ruditz ajoute qu’« en continuant ainsi, l’Europe devra faire face à une dynamique sociale très pénalisante et qui lésera son propre développement économique ». La crise actuelle ne favorise guère le futur européen mais l’Europe semble beaucoup plus stable que l’Amérique latine. Elle possède de fortes institutions, qui ont certes besoin d’être revues mais qui lui donnent une capacité de récupération beaucoup plus forte que l’Amérique latine des années 1980. « Depuis 2008, la croissance a été très lente, parfois négative pour quelques pays européens. » Benítez affirme que « nous pouvons cependant déjà commencer à parler d’une perte de crédibilité ». Que ce soit au Brésil ou en Espagne, les analyses se rejoignent sur le futur européen. Pourtant nos experts se veulent encourageants : la décennie peut encore être sauvée. Et José Juan Benítez de renchérir : « l’économie européenne va se remettre sur les rails. J’ai besoin de croire que l’Europe se remettra de ce marasme. » Les conséquences de la crise, dans une Europe en pleine période de doute, amènent les personnes à se tourner vers les institutions et le marché commun européen.
- out of europa -
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The Depression Breadline, sculpture de George Segal pour le mémorial Franklin Roosevelt, en l’honneur du New Deal, qui a apporté une sécurité sociale, une assurance chômage et de meilleures conditions de travail. Crédit : Neuf Cent 9 (CC-NC-ND)
Elles permettent également d’envisager un rétablissement, même à long terme malgré les risques possibles. La situation économique en Amérique latine est aujourd’hui un peu plus favorable mais n’est pas à l’abri d’une rechute. Les investissements étrangers ont été encouragés ces vingt dernières années pour porter le Brésil au rang de dixième puissance économique mondiale. Il reste néanmoins, dans le pays comme sur le continent, des séquelles de la crise des années 1980. L’impôt mis en place a tendance à alléger la participation fiscale des plus riches mais aussi à s’acharner sur les 77 millions de très pauvres que compte aujourd’hui le pays. Cette comparaison, même à plusieurs décennies d’intervalle, prouve que le malaise touche un système entier et va cycliquement causer des traumatismes économiques. Il n’y a pas plus de leçons à donner qu’à recevoir. Hier en Amérique latine, aujourd’hui en Europe, et pour demain, l’Asie ? De nouveau l’Amérique ? Le virus de la dette ne finit jamais, il change seulement de porteur.
_ 1 & 3. economia.estadao.com.br/ noticias/economia-brasil,inflacaoum-problema-que-nao-pode-seresquecido 2 & 4. alterinfos.org/spip. php?article1233 - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
- c’était mieux après -
une révolution en trompe-l’œillet
Par Tiphaine Gault
Le 25 avril 2014, la Révolution des Œillets fêtera son quarantième anniversaire au Portugal. Ce sera l’occasion de commémorer l’achèvement de la dictature salazariste. Mais la jeune démocratie est fragile, incomplète, avec un héritage du général Salazar encore controversé.
Avril 1974
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Voilà quarante et un ans que le Portugal vit l’Estado Novo, dictature nommée ainsi par le général Antonio de Oliveira Salazar, son fondateur, et qui lui a permis de rester trente-cinq ans à la tête du pays. En 1968, suite à son départ du pouvoir pour des raisons de santé, il est remplacé par Marcelo Caetano, qui tente de réformer la politique, en vain. Après des décennies d’un régime autoritaire instauré en 1933, la politique portugaise est en berne. Frileuse en matière d’investissement pour son développement, elle laisse la pauvreté subsister. Par ailleurs, le pays est enlisé dans les guerres d’indépendance de ses colonies (Angola, Mozambique, Guinée...) et la police politique (la PIDE) sclérose les organes du pouvoir. Alors, poussés par ces nombreux échecs politiques et soutenus par la population, de jeunes militaires, ceux qu’on appellera plus tard les Capitaines d’avril, vont initier une révolution pacifique.
Grândola, Vila Morena Dans la nuit du 24 avril 1974, des capitaines du MFA (Mouvement des forces armées) prennent possession d’un des médias lisboètes : la Rádio Renascença (Radio Renaissance). À la diffusion de la chanson Grândola, Vila Morena, de Zeca Afonso, sur ses ondes peu après minuit, les opérations commencent. Partie dans la nuit de la caserne de Santarem, une colonne de blindés entre dans Lisbonne à cinq heures du matin le 25 avril. Menés par le jeune capitaine Fernan-
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do José Salgueiro Maia et soutenus par des généraux ainsi que par les Lisboètes, les militaires se sont donnés pour mission d’arrêter les hauts responsables de l’Estado Novo. Après avoir perdu le soutien de l’armée au cours de cette longue journée de siège, Marcelo Caetano se rend finalement au général Spinola en début de soirée. Le bain de sang est évité, même si, après l’arrestation du Premier ministre, la PIDE tire dans la foule faisant quatre morts et quarante-cinq blessés. Les militaires et les civils en liesse occupent entre autres la place du marché aux fleurs de Lisbonne en cette saison des œillets que tout le monde se distribue. Le Monde reprendra ce détail pour en faire sa couverture le lendemain : « La Révolution des Œillets triomphe au Portugal ! ». L’effervescence révolutionnaire bat son plein durant les mois qui suivent : occupations d’usines, proclamations de quartiers autogérés... Spinola, figure de proue de la révolution, prend la tête du gouvernement provisoire et mène une politique radicalement de gauche. Son gouvernement sera dissous en novembre 1975 par un mouvement militaire, qui conserve tout de même les libertés acquises. Une nouvelle constitution, d’orientation socialiste modérée, voit le jour en 1976.
Crédit : Denis Bocquet (CC-by)
- c’était mieux après -
40 ans après Après la révolution, les Portugais ont acquis des droits fondamentaux : la liberté d’expression, l’instauration du multipartisme, d’un parlement et d’élections libres. Notons encore les libertés civiques, avec le droit d’association et le droit de grève. Le taux d’analphabètes, qui était de 30 % dans les années 1970, a fortement reculé, notamment dans les régions rurales. Toutes ces mesures, entre autres, ont permis au Portugal d’entrer dans l’Union européenne en 1986.
moins incertaine, comme l’expliquait au journal Libération une femme qui fait partie des actuels ultraprécaires : « mes parents ont connu la misère (pendant la dictature, ndlr), mais ils avaient la certitude de toucher un jour une retraite. Pas moi. » D’autres dénoncent la supercherie, comme un professeur de faculté lisboète : « Ils sont en train de saper les piliers du 25 avril, l’éducation se privatise, la santé coûte de plus en plus cher. Il faut réagir. »
Devenus artistes peintres, sculpteurs, médecins ou encore agronomes, les Capitaines d’avril sont peu à avoir poursuivi une carrière politique, notamment du fait de la normalisation du pouvoir, qui les a remisés au rang de figure décorative de la révolution. Mais certains profitent des commémorations pour exprimer leur déception vis-à-vis de la tournure qu’ont pris les événements. Le 25 avril 2011, le capitaine Vasco Lourenço a reconnu des améliorations depuis la fin de la dictature, tout en déplorant que la situation du pays soit encore « loin des idées » de la révolution.
Alors la flamme du 25 de Abril se ravive par les temps qui courent. Le 15 février 2013, Grândola, Vila Morena, qui avait été interdite sous le régime autoritaire de Salazar, a retenti dans le Parlement portugais. Coupant l’actuel Premier ministre, Pedro Passos Coelho, lors de son discours sur la nécessité de poursuivre la politique d’austérité, elle reste une arme pour les Portugais. Celle de l’appel à la révolte pour se libérer du joug de la troïka.
De plus, force est de constater que le général Salazar reste un personnage marquant pour les Portugais. En 2007, un programme télévisé basé sur le sondage des Portugais le consacrait « personnalité la plus importante de l’histoire lusitanienne » avec 41 % des suffrages, devant Vasco de Gama ou l’écrivain Fernando Pessoa. De la dictature de l’Estado Novo reste, pour certains, l’image d’une grandeur nationale aujourd’hui disparue, une époque - EUROPA #38 - Hiver 2014 -
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- voix de la vo -
Камо грядеши, Києве?
Par André Derivnais
Des manifestants à Kiev en 2013 - Crédit : Oxlaey (CC-BY) 40
En ukrainien _ 29 листопада став для України знаковим днем. Саме тоді, з підписанням Угоди про асоціацію між Україною та ЄС могла бути вирішена її подальша доля. Зараз же, знаходячись під тиском двох блоків, країна потроху скочується під вплив Росії, що нагадує про часи Радянського Союзу. Напередодні саміту Східного партнерства у Вільнюсі, столиці Литви, 29 листопада 2013 року, коли очікувалось підписання Угоди про асоціацію між Україною та Європейським Союзом, вантажівки з українською продукцією продовжували простоювати на російському кордоні. Це - результат торгової війни, яку оголосила Росія Україні кілька місяців тому. Оскільки зближення країни з Євросоюзом розглядалось урядом В.Путіна з негативної точки зору, Москва після погроз та шантажу перекрила кордон. Першою підставою стало ніби-то «виявлення» російською Федеральною службою захисту прав споживачів (і чомусь лише нею) отруйного хімічного
елементу у складі шоколаду української компанії «Рошен». Після цього під приводом, що будь-яка продукція з України може становити високий ризик для їхньої держави, російські митники почали ретельно перевіряти всі українські товари, що йшли на експорт. Ці «превентивні» дії, на думку російського уряду, стали попередженням Україні про майбутню зміну митного режиму внаслідок підписання Угоди про асоціацію. На знак солідарності з компанією «Рошен» українці самі збільшили споживання продукції шоколадної фабрики майже на 15 %. Таке торгове ембарго з боку Росії не стало якимось окремим випадком в цьому регіоні континенту, воно стосувалось також грузинської мінеральної води, молдавських вин та литовських молочних продуктів. Простіше кажучи, усіх країн, які так чи інакше мали відношення до асоціації з Європейським Союзом. Повернення до Радянського Союзу? Останніми десятиліттями Росія намагається відновити своє геополітичне значення до рівня Великої Імперії. Щоб досягти геополітичного лідерства - EUROPA #38 - HIVER 2014 -
Росії потрібно відновити контроль над Україною, для чого необхідно створити спільно з нею новий СОЮЗ. З цією метою дуже важливо недопустити вступу Києва до Європейського Союзу. Саме тому Кремль здійснював та продовжує здійснювати вплив на відомих політиків країн Євросоюзу, і, навіть, на керівників таких «стовпів» Європи, як Німеччина та Франція. У Німеччині, загалом, за останнє десятиліття дружба з В.Путіним стала певною тенденцією для всіх канцлерів. Зрозуміло, що це пов’язано з об’єктивними потребами Німеччини, її зацікавленістю у російському ринку та сировині. Герхард Шредер, наприклад, в кінці своєї політичної кар’єри, став «рупором» «Газпрому» в Європі. Ангела Меркель, на чию сприятливу вирішальну думку стосовно Угоди про асоціацію розраховували українці, схоже, закрила очі на цю гру торгово-політичних утисків. Нещодавня перемога українського боксера Володимира Кличка над непереможним росіянином Олександром Повєткіним була політизована і розглядалась як перемога західного політичного вектору України.
- voix de la vo -
Застосування сили демонстрантів
проти
мирних
22 листопада став трагікомічним днем в історії України. Саме тоді український прем’єр-міністр М. Азаров оголосив про призупинення підписання Угоди про асоціацію з ЄС, хоч президент продовжував декларувати проєвропейський курс країни. Українська влада пояснила свої дії економічним тиском Москви. Вперше після Помаранчевої революції, що майже десять років тому пробудила та підняла країну, в Києві на Майдані Незалежності та Європейській площі проти рішення влади зібралась така велика кількість мітингувальників, яка наприкінці листопада досягла близько 150 тисяч громадян. Їхня кількість збільшилась в рази під час маніфестацій 1 та 8 грудня 2013 року. Всі інші українські міста також підтримали Київ. За цих обставин, український президент досі не зрозумів, що у відносинах зі своїм російським колегою він знаходиться в ситуації маленької дитини, яка невдало стрибнувши зі сходинки, ледь не травмувалася, чим налякала свою молоду неврівноважену мамцю, і та їй обов’язково дасть прочухана. Здається, що В. Янукович не може збагнути того, що В. Путін ніколи не пробачить свого публічного приниження за політичні ігри, які велись проти нього особою, яку він насправді глибоко зневажає. На сьогодні ситуація ще більше ускладнилась та наблизилась до протизаконного характеру. Влада пролила кров мітингувальників. Тих, хто мирно протестував. Були задіяні саме спецпідрозділи міліції зі сходу та півдня країни - проросійських регіонів - хоча раніше вони ніколи не використовувались для застосування сили проти мирних демонстрантів. Бити свій народ міліцейськими кийками - явище не притаманне Україні, адже українці є нацією європейською, нацією свободолюбною. Влада ж, нічого не підписавши, визначила для себе перспективу: політичну смерть. А народ досі залишається заручником ситуації, яку вже засудили Європейський Союз та США. В той же час українцям не залишається нічого іншого, як продовжувати боронити їхній вибір, їхнє майбутнє, їхню надію.
по-французьки _
Quo vadis, Kiovia ? Le 29 novembre 2013 fut pour l’Ukraine un jour crucial. À cette date, son sort devait être décidé, avec la signature de l’accord d’association UE-Ukraine. Sous la pression des deux blocs, le pays glisse petit à petit sous l’influence russe, un goût qui rappelle le temps de l’Union soviétique. La veille du sommet du Partenariat oriental, qui se tenait à Vilnius (Lituanie) le 29 novembre 2013, devait être signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. Les camions de produits ukrainiens étaient encore arrêtés à la frontière russe. C’est le résultat d’une guerre commerciale qu’a déclaré la Russie à l’Ukraine il y a déjà quelques mois. Parce que le rapprochement du pays vers l’Union européenne est vu d’un mauvais œil par le gouvernement de V. Poutine, Moscou, après menaces et chantages, a fini par fermer la frontière. Le premier prétexte fut trouvé par le Service fédéral russe chargé de la sécurité des consommateurs, le seul à avoir découvert un composant chimique toxique dans la composition du chocolat de la compagnie ukrainienne Roshen. Sous prétexte qu’une production venant de l’Ukraine pouvait comporter un haut risque, les services douaniers russes ont examiné méticuleusement tous les produits destinés à l’exportation. Une action « préventive », selon le gouvernement russe, en cas de changement de régime douanier qui accompagnerait la signature d’accord d’association. Par solidarité avec la compagnie Roshen, les Ukrainiens ont permis à l’entreprise chocolatière...
Retrouvez la traduction intégrale de l’article, ainsi que les interviews originales sur journaleuropa.info
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Emprunts et ajouts _ L’ukrainien est, comme le russe, une langue slave orientale. _ Historiquement, le russe a toujours été favorisé ; mais depuis l’indépendance de l’Ukraine, les russophones ont dû se mettre à l’ukrainien. Les membres des deux communautés vivent majoritairement dans un environnement bilingue. _ Cependant, l’ukrainien, qui connaît encore de nombreuses variantes locales, est souvent perçu comme “rural”. Pour des raisons sociales, beaucoup préfèrent donc s’exprimer en russe. Allié de Moscou, le gouvernement Ianoukovitch a aussi rendu officiel le russe sur la moitié du territoire, ce qui rappelle à certains la russification soviétique. Et la Révolution orange a vu l’émergence d’un « nationalisme ukrainien russophone ». Faire correspondre les frontières linguistiques, sociales et politiques du pays semble donc impossible. _L.L.
- euro-plat -
À la pêche à l’amande Par Marion Dano
10 cl d’eau 60 g de riz rond 40 cl de lait entier ½ bâton de vanille coupé dans la longueur ou 2 sachets de sucre vanillé 2 cuillères à soupe de sucre 10 amandes épluchées et coupées en petits morceaux ou 30 g d’amandes effilées 1 amande entière 30 cl de crème liquide 1 coulis de cerise (avec morceaux si possible)
Le risalamande med kirsebær sauce, dessert traditionnel de Noël, est un peu la galette des Rois des Danois.
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Une amande entière est glissée dans ce riz au lait parfumé et croquant, servi froid agrémenté d’un coulis de cerise chaud (avec des fruits entiers si possible). Le chanceux qui découvre l’amande, s’il est habile et ne la croque pas par inadvertance, reçoit un cadeau supplémentaire au réveillon. Il s’agit souvent d’un petit cochon en pâte d’amande ou d’une autre friandise. La légende locale prétend que c’est le Lutin de Noël qui apporte le risalamande le soir du réveillon. Autrefois, un petit bol d’entremets l’attendait sur le rebord des fenêtres afin de le remercier. L’appellation risalamande provient du français « riz à l’amande », à prononcer tout attaché avec l’accent danois. La tradition de la fève-amande dissimulée au milieu du dessert est également inspirée de nos coutumes, le cadeau sucré en plus, le statut de roi ou de reine en moins. Ce dessert de fête apparaît au début du XXe siècle dans les familles aisées, pour remplacer le classique riz au lait chaud autrefois dégusté en entrée. La crème fouettée fut ajoutée par la suite à la recette, lors des rationnements de nourriture de la Seconde Guerre mondiale. Les quantités de riz n’étant pas suffisantes pour nourrir toute une famille, cette adaptation garantissait un volume plus important (et du bon gras en plus !). Le risalamande de Noël et sa tradition de l’amande-fève s’est par la suite généralisé dans tout le pays jusqu’à devenir un met incontournable des fêtes de fin d’année. Voici sa recette originale afin de terminer le réveillon tout en légèreté par un petit dessert typique !
1. Faire bouillir les 10 cl d’eau dans une grande casserole. Verser le riz et remuer pendant 2 minutes ; l’eau va peu à peu s’évaporer. 2. Ajouter le lait et la gousse de vanille fendue en deux, gratter un peu l’intérieur (ou verser le sucre vanillé). Porter le tout à ébullition en continuant à remuer. Puis laisser cuire à feu doux, à couvert, pendant 40 minutes environ, en remuant de temps en temps. 3. Lorsque le riz au lait est cuit et homogène, retirer la casserole du feu et le laisser refroidir. 4. Ajouter les amandes pilées (ou effilées) dans le riz cuit. 5. Monter la crème au fouet ou au robot bien fermement avec le sucre. La mélanger ensuite délicatement au riz. 6. Réserver au frais et servir dans des coupelles avec un coulis de cerise chaud.
Les petits plus _ Le risalamande peut être servi avec des fruits frais de saison (pommes, poires, etc.) pour un dessert un tantinet plus léger. _ Voici une recette de sauce à la cerise pour les téméraires : porter à ébullition 500 g de cerises au sirop recouvertes d’eau et 4 cuillerées à soupe de sucre gélifiant. Laisser épaissir 5 minutes. _ Au Danemark depuis mai 2013, les autorités sanitaires déconseillent aux parents de cuisiner trop de riz afin de protéger leurs enfants de la concentration naturelle en arsenic de la céréale, que l’on retrouve également dans les boissons et les gâteaux à base de riz... De quoi scandaliser le petit Lutin de Noël ! - EUROPA #38 - HIVER 2014 -
Crédit : HealthAliciousNess (CC-by)
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- fiction -
Pile à l’heure, montre en main ! Par Tiffaine Triboire
_ Réalité : Qui a eu cette idée folle ?
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En 1784, le diplomate-physicien étatsunien Benjamin Franklin suggère de décaler les heures aux changements de saisons dans un souci d’économie d’énergie. Cette idée ne sera reprise qu’en 1907 par le britannique William Willet qui mène alors une campagne contre le waste of daylight (gaspillage d’ensoleillement) impliquant l’instauration d’une heure dite « d’été ». L’Allemagne se pliera en 1916 à cette nouvelle mesure, suivie de près par l’Angleterre et la France au cours de la même année. > « Histoire du changement d’heure »: fuseau-horaire.com
_ Réalité : Tous ensemble, tous ensemble ! Au début des années 1980, un changement d’heure estival est introduit dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Il est harmonisé en 2000 suite à une directive du Parlement européen et du Conseil de l’Union Européenne dans le but de faciliter transports, communications et échanges au sein de l’UE. > « Passage à l’heure d’hiver dimanche », 27 octobre 2013, developpement-durable.gouv.fr
17 h. Mon lit est vide, mon mari doit sûrement déjà être au travail. Je débranche ma perfusion de nourriture qui nous fait gagner un temps considérable et réalise que passer à la douche vaporisée m’est impossible, je dois déjà partir travailler. Les tunnels aériens ne sauraient attendre. Dans la chambre, l’image que me renvoie le miroir est repoussante. Mon teint blafard et ma maigreur murmurent en silence, « quatre changements d’heure, quatre changements d’heure... » Prenant le télétransporteur, mon chronotime donne l’alerte : « 2 minutes 30 et 43 centièmes de secondes. » Dans ce genre de cas, la sanction pour retard aggravé est supérieure ou égale à quatre heures de participation supplémentaire. Huit décennies. Huit décennies que l’État détient la pendule et que nous ne pouvons rien y faire. Arrivée sur le tunnel encore en construction pour relier la Norvège au Portugal, le même discours asséné avec la froideur des élans mécaniques me prend en grippe : « fin des travaux prévue avant demain, 38 h du soir ». Travail, fatigue, labeur. « Info chronotime : heure nocturne, remontez votre cadran. » À vos ordres. Cette action m’est devenue habituelle et la combinaison des minuteries se fait sans un regard. Qui se souvient encore de l’origine de cette machine ? Et de cette directive journalière ? Elle doit bien avoir un point de départ, une clef de voûte dans l’histoire. Souvenir. Mon grand-père me raconte comment, il y a quelques centaines d’années, avant les villes sous-marines et l’ère des tunnels aériens, les gens remontaient leur montre. À l’époque, cela servait simplement à faire des économies d’énergie. Paraît même qu’ils avaient des jambes plus courtes et qu’avec le temps elles se sont allongées pour marcher plus vite. Le hurlement des machines m’arrache à ma rêverie et ce dernier souvenir s’enfuit dans un sourire de vieillard cabotin. Qu’est-il advenu de cette époque ? Une gestion du temps optimisée au-delà du maximum pour augmenter la croissance, quarante heures journalières, un peuple affaibli, des maladies cardio-vasculaires se multipliant et une industrie pharmaceutique plus riche que jamais. « Info chronotime : il est 30 h du soir. » Je dois aller chercher mes enfants à l’école et je pourrais enfin retrouver mon aimé. Dîner. En débranchant sa perfusion, je lui expose ma rage, ma détresse, mon incompréhension à l’égard du système. Déplore que nous n’ayons même plus le temps de nous voir. Sa réponse ne se fait pas attendre : « le système est des plus productifs, notre croissance n’a jamais été aussi haute. Elle dépasse même de très loin celle de nos voisins Américains alors qu’ils ont des journées de quarante-cinq heures. C’est une chance pour le peuple. » Je n’ose pas lui avouer mon malaise. Un message indistinct émanant de mon poignet me réveille pour une journée de contribution volontaire. Objectif : assurer la prise de poste d’un contrôleur préposé aux incapacités journalières. Première visite. Les rapports transmis pendant mon temps de trajet m’informent qu’un contrôle d’inaptitude a été refusé à cette personne trois jours auparavant. La mention « apte aux positions assises » est soulignée en rouge. Le corps décharné qui m’ouvre me tord le ventre. Nous avons le même âge. Je tape mon rapport et quitte les lieux sans un mot.
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- FICTION -
La mention « invalide » en lettres capitales ne me quittera pas de la journée. Ce souci de productivité permanente s’inscrivait dès la naissance : les enfants étaient placés en couveuse immunitaire intensive pendant quarante jours afin de renforcer leurs défenses. Deux avantages s’offraient au système par ce biais : réduire à néant le risque d’infirmité lors du développement musculaire et s’assurer de la future exploitation d’un bassin de main-d’œuvre opérationnelle. Mes enfants étaient passés par cette période. En avaient-ils seulement souffert ? À cette période s’ajoutait le nouveau programme d’éducation productive voulu par l’État. Les jeux avaient laissé la place à des ateliers d’optimisation intellectuelle et physique de l’âge de 4 à 10 ans. « Info chronotime : il est 38 h du soir. » Mon mari s’est endormi. Le dernier film n’excédait pourtant pas quatre minutes. Quelle soirée. La course au temps s’était même étendue au champ culturel et la redistribution des budgets avaient fini par parquer les réalisateurs dans une niche leur permettant de produire en plus grand nombre, dans un délai record. Adapter la pertinence du long au court n’avait pas été une mince affaire. Beaucoup avaient abandonné aux aspirations du système leurs rêves de grand écran. Je remonte le drap et m’endors à ses côtés. Cette nuit-là, un rêve. Une pièce plongée dans la semi-obscurité. À genoux, traits crispés. Un dissaser à la main. Une odeur de chair brûlée. J’insiste. Ne pas faire de bruit. Souffrance. Un objet métallique qu’on rattrape au dernier moment. Un poignet ruisselant. Faire vite. Remonter. J’ouvre les yeux. Regarde mon bras. La minuterie défile. Heure inconnue. Il fait nuit. La rue est calme mais les caméras sont partout. Il me faut être prudente. Quatrième étage. Mon poignet entouré d’une serviette mouchetée de sang frappe à la porte. « Tu me comprendras toi, oui tu me comprendras. Qui d’autre à présent ? » Trois coups. Articulés lentement. Lentement, quel mot étrange... La porte s’ouvre sur un visage creusé. Elle ne dormait pas. J’entre. Les mots s’échangent à une vitesse folle. Je ne reste pas en place. Elle ne comprend pas mon geste. Je m’appuie sur sa situation. Elle croise les bras. L’incompréhension prend une tournure accusatrice. Je tremble. Traîtresse. Sombre folle. La porte ne claque pas derrière moi. Je suis dans la chambre de mes enfants. Plongés dans un sommeil profond, leurs petits poignets métalliquement scellés enserrent une peluche, sans la moindre force. Tous ces destins injustement muselés... Je pleure en silence, sans pouvoir m’arrêter. La froide lumière de la lune me ramène au bon souvenir d’un sourire édenté. D’une paire d’yeux plissés par des années de malice. Progressivement, un songe prend forme. Et me retournant vers mon cadet, j’ai alors une idée de génie...
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_ Réalité : Changement d’heure, bon pour le cœur ? Selon une dépêche de l’Agence FrancePresse, une étude suédoise fait état d’une augmentation significative du risque d’être victime d’un infarctus au printemps, plus particulièrement pendant la semaine suivant le passage à l’heure d’été. Cette hausse est estimée à 5 %. Une idée notamment reprise par l’Association contre l’heure d’été double (ACHED) sur son site, dans son argumentaire contre le changement d’heure. > « L’heure d’été augmente le risque de crise cardiaque », le 30 octobre 2008, heure-ete.net
_ Réalité : Economies ou éco-mini ? Les changements d’heure sont sujets à de nombreuses controverses, notamment pour ce qui est des économies d’énergie. La question se posait déjà avec le rapport « Faut-il en finir avec l’heure d’été ? » il y a quinze ans. En 2007, la Commission européenne dénonce des économies d’énergies « relativement limitées ». Cependant, celle-ci décide de conserver le régime actuel afin de ne pas perturber les citoyens européens désormais habitués à cette mesure. > « Changement d’heure : quel impact ? », 28 octobre 2011 : connaissancedesenergies.org
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- DÉtente -
EN BAS D’CHEZ TOI
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Rennes & La roche-sur-yon
Jacco d’Hollande
Amateurs de musiques électroniques raisonnables, nostalgiques de Syd Barett et autres merveilles des années 1960, douces têtes dans les nuages, curieux en tout genre, sautez sur l’occasion de régaler vos esgourdes ! Ceux qui étaient au Stéréolux en novembre peuvent eux-mêmes vous faire l’éloge de Jacco Gardner et de ses trois musiciens. Ce chanteur hollandais « pluriinstrumentaliste baroquo-pop », comme il se désigne lui-même, sera le 25 janvier à l’Ubu (Rennes) et le 6 février au Fuzz’Yon (La Roche-sur-Yon). Il présente son premier (mais non moins abouti) album, Cabinet of curiosities, tendre mélange entre raffinement musical et invitation au voyage. Vous pourriez bien ne pas voir le temps passer mais, croyez-nous, ce ne sera pas du temps perdu… _L.C.
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Pour Erika Szostak, « les rôles femmes-hommes peuvent être les masques que nous n’avons pas d’autre choix que de porter ». Sa photographie Piégée est exposée à l’espace Simone de Beauvoir. Crédit : Erika Szostak
_ Le 25 janvier à l’Ubu et le 6 février au Fuzz’yon
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NANTES
Rennes
ANGERS
L’espace Simone de Beauvoir ouvre ses horizons. L’organisation nantaise expose à partir du 5 février des photographies primées lors d’un concours organisé en 2010 dans trente pays. Le Lobby européen des femmes (LEF) célèbre ainsi son vingtième anniversaire en rassemblant de jeunes photographes autour d’une thématique commune : « le féminisme du XXIe siècle à travers l’Europe ». Boxeuse, pompière, manifestante enhardie, le LEF joue sur l’inversion des clichés de genre. Au point que l’on se demande à qui sont destinées ces photos. Parle-t-on aux femmes en quête d’affirmation de soi ou aux jeunes mâles fantasmant sur l’uniforme ? L’exposition s’assagit cependant quand elle décerne le premier prix. L’image est simple ; une femme seule devant un miroir enfile sa tenue d’avocate. Un choix qui contraste avec l’audace d’une exposition novatrice. _M.D. _ « Mon monde : vision du féminisme du XXIe siècle. Images de jeunes femmes à travers l’Europe. » Du 5 février au 28 février, espace Simone de Beauvoir.
Ils seront 17 000, partout dans le monde et en Europe. Une partie sera à Rennes, au Jardin Moderne, en coorganisation avec West indie collective et 3 Hits combo. Ces personnes sont les jammers du Global game jam, un grand raout de création de jeux qui se tiendra entre le 24 et le 26 janvier prochains. Un long week-end de 48 heures dont les jammeurs ne ressortiront pas sans le projet d’un jeu vidéo, de plateau ou une forme hybride. Leur jeu du jeu est totalement libre et ouvert. Et surtout, ces créateurs de l’extrême pourront à la fin sortir de leur vase clos créatif et montrer fièrement au public le fruit de leur travail, un peu comme le fait Europa si on ne compte que les heures de bouclage. Avec pour particularité, au Jardin Moderne, d’avoir un rendu public des propositions. Comme on le dit si bien à Nantes, on s’en sortira « par le jeu ». _C.T. _ Du 24 au 26 janvier, au Jardin Moderne. Rendu public le dimanche à 15 h. globalgamejam.org
Le Suédois Bo Widerberg est ressuscité ! Trois de ses films reviennent sur nos écrans à partir du 29 janvier : Le Péché suédois, Ådalen ‘31 et Elvira Madigan. Primé à Cannes en 1969, Ådalen ‘31 raconte comment cinq personnes perdirent la vie à l’issue des revendications ouvrières de 1931 dans la ville d’Ådalen en Suède. Il prend un tout autre sens aujourd’hui alors que les acquis sont remis en question. Espérons que les cinémas nantais prendront le temps de mettre à l’affiche ce long-métrage. Widerberg sera d’ailleurs programmé cette année dans la catégorie « Hommages et rétrospectives » du festival Premiers Plans à Angers. À regarder en VO, la verbe suédoise a un charme peu connu... _S.P. _ Du 17 au 26 janvier, Festival Premiers Plans, premiersplans.org
En voiture, Simone !
PolyGame
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Bo II : le retour
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dans
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L’ E U R O P E E N L O N G , E N L A R G E E T D E T R A V E R S
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