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provoqué un retard en raison de la gestion prioritaire de la crise du Covid. La demande de mise à niveau n’est pas contestée mais demande des moyens accrus. Une mise à niveau non contestée par l’Exécutif, même si dans l’opinion publique, Il y a deux sentiments. Celui que le Gouvernement a été pris de court. Le sentiment aussi d’une suspicion injuste et structurelle sur Monaco qui n’en ferait jamais assez pour les donneurs de leçons européens.

g Que reproche Moneyval ?

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Le 23 janvier 2023, Moneyval, le Comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, a placé Monaco en procédure de « suivi renforcé ». Le groupe d’experts évoque un manque dans « la compréhension des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, la coopération internationale, l’application de mesures préventives de blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par le secteur privé, l’utilisation du renseignement financier et la mise en œuvre des sanctions financières ciblées des Nations Unies contre le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive ». Le rapport de Moneyval réclame donc des « améliorations majeures « à propos de la transparence des personnes morales, mais aussi pour les enquêtes et les poursuites en ce qui concerne le financement du terrorisme. Il demande également des « améliorations fondamentales », afin de renforcer « l’efficacité de la supervision, des enquêtes et des poursuites en matière de blanchiment de capitaux et de la confiscation des produits du crime ». Il est clair aussi que l’on reproche à Monaco le nombre faible de condamnations effectives par rapport aux poursuites. Une sorte de laxisme sinon de complaisance est évoquée entre les lignes. « Ce qui constitue une lacune importante au vu du statut de place financière qu’occupe Monaco... Au cours de la période de référence, quatre condamnations définitives pour blanchiment de capitaux ont été prononcées. Cela demeure faible au vu du nombre de poursuites, mais également au vu du taux de condamnation qui est également préoccupant, avec environ un tiers de poursuites seulement ayant abouti à une condamnation. » Quant aux sanctions, elles sont « proportionnées », mais ne sont pas « efficaces ou dissuasives, et n’ont jamais été exécutées, à une exception près » g Le Gouvernement sonne la mobilisation

« Le coup passa si près que le chapeau tomba » comme le dirait le poéte. Le Gouvernement s’est avéré alors plus que réactif : « Les prochains mois vont nous permettre de renforcer nos mesures, et nous serons prêts pour l’échéance de mars 2024. » promet le Conseiller-Ministre pour l’Economie et les Finances, Jean Castellini. Le Gouvernement indique « sa pleine adhésion aux recommandations formulées dans ce document, et affirme que l’Etat de Monaco est déterminé à les mettre en œuvre rapidement ». Le Ministre

Le risque de « liaisons dangereuses » entre Monaco et l’Europe

Il y a désormais 14 ans, à la suite du G20 de Londres, la Principauté de Monaco s’était engagée dans un effort remarquable de transparence fiscale qui lui avait permis de quitter – non sans difficulté - la célèbre « liste grise » des pays non coopératifs élaborée par l’OCDE. Aujourd’hui, le rapport Moneyval - diffusé quelques jours avant la fin de la campagne électorale - a fait réapparaître l’épouvantail d’un possible retour dans cette fameuse liste. Fin 2022, le Gouvernement semblait avoir pressenti ce danger, faisant voter dans la foulée un tas de lois concernant justement le renforcement des contrôles sur la provenance des capitaux d’origine douteuse qui puissent être l’objet de soupçon de blanchiment. Bien évidemment, cela n’a pas été jugé suffisant pour les experts Moneyval… L’argument récurrent invoqué par le passé tel que « Monaco n’en fait jamais assez » est ponctuellement revenu en coulisses, mais d’autre part personne ne peut s’étonner qu’il y ait une attention toute particulière envers un micro-Etat avec l’une des plus hautes concentrations de richesse de la planète et par conséquent aussi d’établissements financiers ! Le Gouvernement s’est immédiatement mobilisé, en créant un Comité de suivi « ad hoc » et a voulu rassurer : tout serait fait dans les temps prévus pour rentrer dans les standards européens. Il s’agit pour l’instant seulement d’une sonnette d’alarme qui - toutefois - doit faire réfléchir sur la bonne gestion des relations avec les différentes institutions de l'Europe. Car Monaco est une « petite pierre » nichée en plein cœur de l’Europe et non pas une minuscule île perdue au milieu de l’océan dont l’attractivité n’est pas forcément liée à son image. Au contraire, pour sa collocation géographique et historique, Monaco a tout intérêt à sauvegarder à tout prix l’intégrité de son image, en chassant tous les soupçons qui pourraient - à tort ou à raison – la menacer. Son image est indissolublement liée à son attractivité, qui – au-delà de toute hypocrisie – est une attractivité principalement due à son régime fiscal. Il ne faut pas oublier que l’immobilier, le luxe, l’hôtellerie ne sont qu’une conséquence naturelle d’une fiscalité quasi-inexistante, capable d’attirer des richesses provenant de l’extérieur. Une fiscalité très avantageuse mais tout à fait légitime qui - précisément à cause de cela - se doit aussi de s’obliger à être la plus transparente possible, notamment vis-à-vis de ses voisins européens. Car c’est le bien le plus précieux et - par conséquent - celui qu’il faut défendre vraiment, car ce n’est pas une variable indépendante mais elle relève toute ou en partie aussi des régimes fiscaux des autres pays… Pour ce faire, vaut-il mieux choisir une politique de bras de fer avec l’Europe ou plutôt collaborer étroitement - à tout niveau - et améliorer des relations qui pourraient s’abimer et risqueraient de devenir dangereuses ?

A la lumière de tout ça, l’interlocution avec Moneyval s’insère pleinement dans un contexte plus général qui implique, dans une vision plus globale, les relations avec l’Union européenne. Les négociations toujours en cours représentent en quelque sorte un baromètre assez significatif. Lors de la dernière mini-campagne électorale, une opposition trop faible pour avoir la moindre incidence sur le résultat final - entre propositions un peu naïves et parfois folkloriques - a eu au moins le mérite de soulever timidement la question fiscale, que la majorité dans la continuité semble vouloir exorciser, ne figurant nulle part sur son agenda. Une majorité - irritée par son exclusion du Comité de suivi susmentionné – renforcée par les anciens opposants bien intégrés - à moins à en juger par la sage distribution des postes – et bien soudée derrière d’insurmontables lignes rouges, qui ont donné le ton à toute sa campagne électorale, en perpétuant aussi l’impasse des négociations. Une impasse que seulement le Palais semble vouloir finalement débloquer, à travers la nomination d’une nouvelle négociatrice qui devrait donner à ce dossier une impulsion renouvelée pour aboutir (ou pas ?) à un accord avant la fin de l’année, quand Monaco devra avoir rempli ses « devoirs » vis-à-vis de Moneyval et du Conseil de l’Europe, comme il n’y a pas de raison de douter…

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