2 minute read

"Nous aurions peut-être pu éviter le suivi renforcé"

Next Article
SPORT

SPORT

par Patrice Zehr

g Monsieur Brezzo, vous avez vivement reproché au Gouvernement des dépôts de loi en nombre et au dernier moment dégradant l’étude des textes par le Conseil National. Diriez-vous que cette saturation a été provoquée par la crainte de ne pas être en conformité avec les demandes de Moneyval à la veille d’une nouvelle estimation ?

Advertisement

Thomas Brezzo* : "La contrainte du vote de ces Projets de Loi par le Conseil National résultait effectivement de l’adoption du rapport d’évaluation par le comité d’experts Moneyval qui s’est tenue le 8 décembre 2022. En revanche, si l’étude des deux projets de Loi sur l’enquête préliminaire et l’instruction était en cours, deux nouveaux projets de Loi portant sur l’entraide pénale internationale et les saisies et les confiscations des produits du crime ont été déposés sur le bureau de l’Assemblée début novembre 2022, soit 4 semaines environ avant leur adoption. Or, ces projets de Loi avaient été annoncés par le Gouvernement au mois de décembre 2020. Il aura donc fallu 2 ans au Gouvernement pour nous transmettre ces deux textes alors qu’il était parfaitement informé de la nécessité d’adopter ces textes avant la fin 2022. Cette méthode est clairement peu respectueuse de l’assemblée."

g Si les efforts de Monaco ont été reconnus, la Principauté se retrouve tout de même sous le régime du « suivi renforcé » : en avez-vous été surpris ?

TB : "Absolument pas. Depuis l’adoption de la Loi n° 1.462 en juin 2018, je n’ai pas manqué de tirer la sonnette d’alarme et de souligner lors des différentes séances publiques législatives et budgétaires, les difficultés rencontrées par les professionnels concernés que nous avions pu constater : manque d’effectifs au SICCFIN, retard dans la transmission des rapports de contrôle du Service aux assujettis, l’absence de moyen de la CERC, le retard dans la mise en œuvre du dispositif LCB/FT notamment en ce qui concerne le registre des bénéficiaires effectifs et le registre des trust, l’absence de guides pratiques à l’attention des professionnels. Au final, tous ces points ont été mis en exergue dans le cadre du rapport Moneyval."

g Était-il possible de répondre aux demandes connues en temps et heure ?

TB : "Il aurait été difficile de répondre à toutes les recommandations du premier coup. Mais si le Gouvernement avait réellement pris la mesure du problème bien plus tôt, nous aurions peut-être pu éviter le suivi renforcé."

g Le Gouvernement a depuis sonné la mobilisation générale pour éviter de se retrouver - dans moins d’un an - sur une funeste liste grise. Le pari peut-il être gagné, et quel doit être le rôle du Conseil National ?

TB : "La tâche s’annonce particulièrement ardue tant le retard accumulé est important. De son côté, le Conseil National sera assurément saisi de nouveaux projets de Loi qu’il devra adopter dans les plus brefs délais et nous répondrons présent ainsi que nous l’avons fait depuis 2018 chaque fois que nous avons été saisis de textes en la matière."

g Les exigences de Moneyval sont-elles fondées et adaptées à notre place financière ? Se mettre en conformité totale cela va-t-il augmenter notre réputation et notre attractivité, ou nous désavantager, par rapport à certaines places internationales concurrentes moins contraintes ?

TB : "Malheureusement, je pense que Monaco souffre d’une réputation mal fondée de paradis fiscal où le blanchiment irait bon train. De ce fait, je crains que les exigences envers la Principauté soient plus sensibles. On le voit déjà sur certains aspects du rapport où les évaluateurs ont considéré que certaines recommandations n’étaient pas mises en œuvre alors que notre législation sur ces différents points est plus sévères que dans les pays voisins. Malheureusement, ce sont les professionnels qui en pâtissent injustement et d’un certain point de vue, l’attractivité de notre place financière."

* Président de la Commision Législation du Conseil National

This article is from: