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Antoine Loyer et Mégalodons Malades
from Larsen #42
Chanteuse, autrice, illustratrice, plasticienne et maintenant comédienne: vous jonglez depuis toujours avec différentes casquettes. Dans quel rôle vous sentez-vous la plus à l’aise?
Je refuse de choisir. Dans le monde actuel, il est impossible de se limiter à un seul métier. Il faut absolument diversifier ses activités et faire preuve d’ouverture d’esprit. Quand une crise sanitaire – ou une autre – bouleverse votre quotidien, on voit bien qu’il faut être en mesure de réagir pour se retourner et continuer à travailler. Et puis, je pense que mes différents modes d’expression se nourrissent les uns des autres.
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Le nouvel album marque un pas en direction des musiques électroniques. C’est une évolution naturelle? J’aime encore la guitare et les sonorités acoustiques. Mais j’avais envie d’essayer autre chose. Ces derniers temps, je me suis intéressée aux synthétiseurs et à l’électro. En m’associant avec Marc Mélia, Roméo Poirier et François Schulz, j’ai envisagé d’autres façons de poser mes mots sur les sons.
Pourquoi avoir changé d’équipe à l’heure d’enregistrer Flux Flou de la Foule?
Dans ma carrière, j’ai souvent été confrontée à des changements de personnel. J’ai dû apprendre à fonctionner avec les autres, à m’adapter à leurs disponibilités et à leurs sensibilités. En plus, j’ai toujours envisagé la musique comme une affaire de rencontres. Là, par exemple, j’ai croisé la route de
Marc Mélia via mon agence de booking. Marc est un surdoué des synthés. Il a également produit le disque. Romain Poirier, je le connais via son papa, Philippe, qui jouait avec le groupe
Kat Onoma. Quand son fils est venu s’installer à Bruxelles, je cherchais justement un batteur… François Schulz est un guitariste et musicien polyvalent qui jouait avec Les Hoquets, un groupe totalement atypique, connu pour avoir résumé l’histoire de la Belgique dans un disque complètement surréaliste. On se connaît depuis longtemps: j’étais sa monitrice en colonie de vacances.
Qui est la petite fille qui rigole dans le morceau Vicky?
C’est Suzanne, la fille de Mocke (Holden, Midget!) et Claire
Vailler (Midget!). À la fin de la chanson, elle se bidonne comme une folle. Cela vient renforcer le petit côté espiègle de la mélodie. À l’origine, je me suis lancée là-dedans avec l’envie d’évoquer la contagion du rire. Tout est parti du fou rire d’Elvis
Presley à Las Vegas, quand sa choriste se rate sur le couplet de Are You Lonesome Tonight?
L’album s’achève sur Mon Dedans Vs Mon Dehors. C’est un morceau sur le yin et le yang?
Plutôt une chanson sur le temps qui passe. Même si notre apparence s’effrite, que le corps change, je suis persuadée que nous gardons toujours une âme d’enfant. Notre caractère, du moins, ne change pas fondamentalement. C’est donc une chanson sur le thème de l’acceptation. De quoi terminer l’album sur une note positive.
Françoiz Breut Le Flux Flou de la Foule
30 Février/[PIAS]
# le·beau # le·bizarre
Antoine Loyer & Mégalodons Malades
TEXTE: NICOLAS ALSTEEN Antoine Loyer imagine d’autres façons de chanter la langue française. Entre comptines pour enfants et musiques traditionnelles sous psychotropes, ses mélodies reviennent à l’essentiel: le goût du risque, le sens du partage, l’amour, la fête, la vie.
Épaulé d’un collectif baptisé Mégalodons Malades, Antoine Loyer vient de publier un disque intitulé Sauce chien et la guitare au poireau. Née dans les rues de Bruxelles, cette recette sans additif tient d’abord au parcours du chanteur. «Je suis né en France, retrace-t-il. Mais j’ai toujours été fasciné par le plat pays. À tel point que je m’y suis installé en 2012. Avec ce disque, je voulais d’ailleurs évoquer ma relation à la Belgique. Mais j’ai un peu dévié de ma trajectoire…» Quelque part entre les délires co(s)miques de Philippe Katerine et la spontanéité psychédélique d’un Mayo Thompson (Red Krayola), Antoine Loyer orchestre des chansons folkloriques avec les filles de Mégalodons Malades. «À l’origine, elles ne sont pas chanteuses. Du coup, elles dégagent une énergie que les professionnelles perdent bien souvent en chemin.» En marge du connu, de l’habituel et du consensuel, les compos d’Antoine Loyer arpentent un circuit parallèle. Un itinéraire bis qui évoque des veillées sous LSD, l’âge d’or de l’anti-folk, les chants hippies et, surtout, un besoin d’être ensemble. Pour chanter. Jouer de la musique autrement. Tout simplement. À l’écart des formats, le Bruxellois ébranle le champ de la perception. «Certains considèrent que ma musique est un sacré foutoir. Pourtant, chaque élément est réfléchi, posé et soigneusement agencé.» Quasi inclassables, ces ritournelles bordées de chœurs féminins lorgnent pourtant en direction des musiques traditionnelles. «Elles prennent un sens profond en fonction des contextes. J’ai beaucoup d’admiration pour tout ça, en particulier pour les musiques traditionnelles africaines.» Enfin, les chansons s’amusent de tout et de rien avec un à-propos enfantin. Cet aspect s’enracine dans le quotidien d’Antoine Loyer. «J’anime des ateliers d’écriture pour les petits, explique-t-il. En trois ans, nous avons composé près de mille morceaux assez rigolos (à écouter sur le Bandcamp des Ateliers Rommelpot, –ndlr). Le morceau qui ouvre l’album (Patate) est d’ailleurs un prolongement de mon travail avec les enfants. J’aime bosser avec eux: ils sont drôles, généreux, et leur rapport à la musique est toujours instinctif.»