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4x4 Élodie Vignon
from LARSEN°46
4x4
Artur Rubinstein plays Chopin (RCA)
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Élodie Vignon
TEXTE: STÉPHANE RENARD PHOTO: ISABELLE FRANÇAIX «Le piano m’a choisie. J’avais 4 ans!» Depuis, Élodie Vignon s’est imposée en soliste d’une très grande sensibilité. Son 3e CD, Dans l’air du soir, célèbre Albéniz et Liszt. Retour sur ses disques fétiches. Du piano, toujours du piano. Indémodable.
Rubinstein a vraiment été pour moi une personnalité extrêmement inspirante. Je n’avais pas dix ans quand j’ai découvert le merveilleux documentaire que lui avaient consacré Reichenbach et Gavoty, L’amour de la vie, en cassette VHS à l’époque et aujourd’hui sur YouTube. J’ai dû le regarder 60 fois! C’était une personnalité très solaire, musicalement et humainement. Il avait un rapport tellement facile avec les gens, mais aussi avec la musique et l’instrument, qui semblait une extension de lui-même. Alors, pourquoi ce CD-là, avec évidemment le 2e concerto? Parce que tous les pianistes ont Chopin dans leur répertoire… et pas forcément Debussy ou Prokofiev. Or dans Chopin, Rubinstein est tout simplement impérial. Il survole cette musique, au sens noble du terme, avec une grâce, une élégance, une noblesse et une compréhension telles que l’on touche au sublime.
Radu Lupu/Brahms Two Rhapsodies op.79 - Piano pieces op.117-119 (Decca)
Emil Gilels/Beethoven Les Concertos (EMI Classics)
Astor Piazzolla/Astoria Adios Noniño (Fuga Libera) Le jour de mes 18 ans, j’ai assisté pour la première fois à un concert de Radu Lupu à Aix-les-Bains. Il a joué l’Opus 109 de Beethoven et l’Opus 118 de Brahms, qui m’a fait pleurer du début à la fin. C’était fabuleux. Il m’a emmenée dans une dimension que je n’avais imaginée. Le lendemain, je me suis précipitée sur ce disque de Brahms. Lupu est sans doute le pianiste qui me fascine le plus par son rapport au son dans ce qu’il a de plus profond. Il est bien plus sensuel qu’intellectuel. Mais peut-être que dans mon imaginaire, j’associe sa personnalité avec celle de Brahms. Lupu a un côté très sombre, Brahms aussi, dont on connaît l’inquiétude et l’anxiété qu’il nourrissait à l’égard du monde et des rapports humains. Écoutez la dernière pièce de son opus 118, en mi bémol mineur, tonalité peu courante, et si grave. Avec Lupu et Brahms, on touche aux tréfonds de l’âme.
J’ai évidemment beaucoup écouté Richter dans les concerti de Beethoven, mais Emil Gilels reste pour moi un sommet par sa finesse, qui est inouïe. Même s’il y a énormément d’interprètes géniaux, Gilels, c’est le panthéon! Chaque fois que j’ai besoin d’inspiration dans Beethoven, c’est chez lui que je vais la puiser. Quant à Beethoven, il m’a beaucoup accompagnée autour de mes 20 ans. Après avoir fini le Conservatoire de Lyon, j’avais rejoint la classe de Daniel Blumenthal, au Conservatoire de Bruxelles. Une période charnière dans ma vie, celle où l’on se cherche. J’ai trouvé mes marques grâce la personnalité de Beethoven, symbole de la lutte permanente contre la dureté de l’existence. Son côté batailleur m’a boostée et m’a énormément portée. Son chemin de vie est tellement à part, avec sa quête ultime de transcendance. Il a vraiment révolutionné la musique et, bien sûr, notre instrument.
Ce disque-là, je l’ai acheté à l’époque de la boutique Fuga Libera au Sablon, à Bruxelles. Cet enregistrement a été réalisé par l’ensemble Astoria, avec un accordéon chromatique, un quintette à cordes et évidemment un piano, ce qui nous vaut quelques superbes solos. Qu’est-ce que je l’ai écouté! À force de baigner dans le grand répertoire, on a parfois besoin d’un peu d’air. Et comme j’adore la danse, l’univers de Piazzolla me parle énormément, tant sa musique donne envie de danser. Elle est hyper sensuelle. J’avoue un faible tout particulier pour la piste 9, Liber Tango! On n’a pas besoin d’explications pour comprendre la musique de Piazzolla, la sentir et l’apprécier. Elle nous parle par sa grande accessibilité. Ce qui s’inscrit d’ailleurs dans la philosophie des répertoires que j’interprète…