Urbanisations dispersée en Europe

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URBANISATIONS DISPERSÉES EN EUROPE AGENCEMENTS SPATIAUX, PRATIQUES URBAINES ET POTENTIALITÉS LAURANNE MILLET - MÉMOIRE DE MASTER - ENSAL 2014, SOUS LA DIRECTION DE C. WIDERSKI



URBANISATIONS DISPERSÉES EN EUROPE AGENCEMENTS SPATIAUX, PRATIQUES URBAINES ET POTENTIALITÉS LAURANNE MILLET - MÉMOIRE DE MASTER - ENSAL 2014, SOUS LA DIRECTION DE C. WIDERSKI



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ABSTRACT L'urbain et la société européennes ont connu des mutations profondes au cours des dernières dizaines d'années. La ville n'assume plus seule le rôle de cadre spatial des interactions humaines. Les territoires européens se transforment. Les infrastructures de la mobilité strient le territoire, les implantations d'activités, d'habitations, de commerces sont disséminées à travers le territoire. Ce phénomène, appelé à tort périurbain se détache de l'influence des villes prenant la forme d'urbanisations dispersées sur le territoire. Le dépassement de la ville est désormais acté. Si la n'est plus le cadre unique des urbanités européennes, quels agencements spatiaux la permettent aujourd'hui ? Le pourquoi des formes d'urbanisations contemporaines, les pratiques de ces territoires sont à la fois mal connues et très critiquées. Ils sont qualifiés de génériques. La difficulté d'appréhender ces territoires dans la pratique de projet, la complexité de proposer des réponses architecturales adéquates aux modes de vie contemporains sont les raisons de ce mémoire. A travers une approche théorique et de représentation graphique de trois territoires européens, l'objectif est de s'interroger sur les pratiques urbaines de ces territoires liées à leurs agencements spatiaux.

European urban environment and society have known deep mutation during the past decades. European territories are changing. Mobility infrastructures cover the whole territory and activities, dwellings and retails implantations are spread around the territory. This phenomena, called by mistake 'periurban' is untied from the city centers, turning into sprawl and scattered urbanizations. The obsolescence of the traditional city is now acted. If this is not anymore the only environment for European urbanity, then which spatial layouts are ? The reasons of the importance of this phenomena are misjudged and strongly attacked. They are qualified by the term 'generic'. The difficulty of comprehend these territories in the architectural practice, the complexity of appropriate architectural solutions to the contemporary life styles are the reason of this thesis. Through a theoretical approach and a graphical representation of three territories of the European scattered urbanization, the idea is to wonder about urban life style and the related spatial layouts.



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SOMMAIRE Introduction : urbanisation européenne, concentration et dispersion La 'ville concentrée' européenne, évolution et représentation Le dépassement du modèle de la ville concentrée Déconcentration, dilatation et réticularisation de l'espace urbain De la diffusion de l'urbanisation aux urbanisations dispersées Questionnement et méthodologie L'intérêt d'une description sans a priori Urbanisations dispersés en Europe : phénomène global, différenciations locales ? 01.Lexique Premiers regards sur la ville déconcentrée Urbain contemporain et néologismes Urbanisations dispersées et urbanité 02.Atlas La Suisse : Zurich et sa ville extérieure L’Italie du Nord : la Vénétie, 'modèle' de l'urbanisation dispersée italienne La Belgique flamande : le diamant flamand entre Gand, Bruxelles, Anvers et Louvain Observations 03.Potentialités Individuation et diversification des pratiques urbaines Distances et maillage Global, local et 'hyper-contexte' Enchevêtrement d'échelles Importance de l'espace non-bâti Conclusion Altérité et nouvelles problématiques Vers de nouveaux types ?



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INTRODUCTION : URBANISATION EUROPÉENNE, CONCENTRATION ET DISPERSION

LA "VILLE CONCENTRÉE" EUROPÉENNE, ÉVOLUTION ET REPRÉSENTATION La ‘ville européenne’ est porteuse d’une représentation et d’un imaginaire forts qui se sont construits tout au long de son histoire. Elle représente les qualités de densité et diversité, "la concentration sur une surface minimale d’un maximum d’objets ayant des fonctions diverses et des sujets sociaux hétéroclites1". La caractéristique essentielle de cette 'ville européenne' est donc sa réponse au problème de la distance : "elle est une configuration spatiale fondée sur le choix initial de privilégier la coprésence2" . La coprésence se manifeste par la densité, horizontale ou verticale et la concentration d’objets sociaux et de fonctions différentes permettant l’échange de biens, d’informations et de personnes par des relations de proximité. De nombreux auteurs s’accordent à distinguer deux périodes durant lesquelles l’urbanisation européenne s’est construite sur ce principe de proximité3 des sujets sociaux, des moyens et des fonctions : la cité (l’âge agraire) et la ville (l’âge pré-industriel et le début de l'ère industrielle)4. La configuration urbaine de la ville a initié sa mutation lors du passage de la ville comme objet fermé et distinct de la campagne environnante (la 'cité' de Lussault)5, à une configuration spatiale ouverte sur son milieu au XVIIIe siècle6. Cette ‘cité’

de l’âge agraire était dans la campagne et de la campagne en ce qu’elle entretenait une relation d’interdépendance directe avec son environnement7. Jusqu’au Moyen-Âge elle était caractérisée principalement par le contact. Jusqu’au XIXe siècle, sa croissance restera concentrée et marquée par l’opposition de la ville et de la campagne8. Cette opposition se lit dans leurs formes comme dans les modes de vie auxquels ces différents espaces sont corrélés. Le passage de la cité à la ville s'effectue à partir du XVIIIe siècle, caractérisé par l’émergence de fonctions urbaines d'irrigation par des voies de circulation hiérarchisées à partir du cœur. Chiara Barattucci définit cette ville européenne pré-industrielle à l’aide de la notion de 'ville concentrée'. Ville concentrée :"l’ensemble urbain interdépendant composé de la ville-centre et des proches périphéries, caractérisée par la concentration d’habitants dans un espace circonscrit et marqué par des diversités considérables du point de vue du tissu spatial et social" BARATTUCCI, 2006, Urbanisations dispersées La ville européenne s’appuie sur une culture millénaire, d’origine grecque puis latine. Elle bénéficie d’une représentation forte dans l’imaginaire social et culturel. André Corboz rappelle toutefois que "la ville ancienne n’est pas ce lieu presque parfait que l’on évoque avec nostalgie" et qu’en "idéalisant un


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vieux modèle, on risque de ne pas comprendre la ville d’aujourd’hui et d’oublier tous les désagréments des villes d’autrefois dont les conditions économiques, sociales, culturelles et tout d’abord sanitaires étaient précaires10". L’image représentative de la ville européenne reste prégnante. Initiée à la révolution industrielle, la mutation des configurations spatiales urbaines connaît dans les années 1960 un achèvement qui rend le terme et l’image de la ville obsolètes11 dans l'incarnation de l'urbain.

LE DÉPASSEMENT DU MODÈLE DE LA VILLE CONCENTRÉE La situation urbaine actuelle est issue d’une transformation de la figure de la ville effectuée des années 1850 à aujourd’hui12. Dès le début de l'ère industrielle, l'évolution des techniques de communication, de transport et de stockage depuis l'invention du chemin de fer et du télégraphe ont progressivement réduit la contrainte de la distance, ciment du modèle spatial de la 'ville concentrée'. Cerdà annonce en 1867 une ère de la 'communication généralisée'13. Au cours du "long XXe siècle14", la ville européenne s’est 'déconcentrée'. Annoncée par l'intégration dans l'espace urbain d'une échelle extra-urbaine dans les travaux de Cerdà ou d'Haussmann au XIXe siècle15, la révolution industrielle et les progrès techniques aboutissent au milieu du XXe siècle au dépassement de l'espace de la ville et de son modèle radio-centré. Jusqu’au second après-guerre, ces deux échelles d’urbanité, la coprésence et la mobilité coexistent dans un certain équilibre ; les échanges sont rendus progressivement plus efficaces et rapides par la conjugaison "des outils de la coprésence et ceux de la mobilité16". Les CIAM (Congrès Internationaux d'Architecture Moderne) proposeront durant la première moitié du XXe siècle une théorie qui sera d'une certaine manière appliquée après la seconde guerre mondiale. Leur théorie moderne vise à une destruction de la ville traditionnelle au profit de "grands équipements qui gomment l'échelle locale17". A partir d'une analyse des activités humaines classifiées en quatre fonctions (logement, travail, loisir, circulation), le Corbusier propose le modèle de la Ville Radieuse, composée d'un grand réseau de circulations, d'équipements,

10 de 'cellules' à vivre et d'espaces verts indifférenciés. L'édifice devient un objet autonome, délivré de toute dépendance ou articulation contextuelle dont le fonctionnement dépend du seul branchement à un réseau. Pour ce qui est de l'échelle territoriale, la Ville Radieuse fait figure d' "anticipation réaliste18". Les raisons économiques, politiques et sociales à ce changement d'échelle de la ville sont nombreuses. Les évolutions de la société dans la quinzaine d'années qui a suivi la seconde guerre mondiale assorties à la mise en place des conditions techniques nécessaires à partir des années 1960 (réseau de TGV et de métro, les gros porteurs aériens, les applications nouvelles du téléphone) introduisent l'ère urbaine nouvelle. Une tertiarisation de l’économie européenne suivant le déclin de l’industrie manufacturière puis le développement d’une "économie de la connaissance" ont achevé de dématérialiser une partie de l’économie19. L'activité agricole décline dans les pays occidentaux, les activités de productions se décentralisent. Les échanges délocalisés et désynchronisés qui y sont liés20 sont permis par les progrès en matières de télécommunication et de stockage des données. L'individualisation progressive depuis les années 1960 de la mobilité et de la communication a achevé l'introduction d'une nouvelle forme d'urbanité, basée sur les choix individuels. Cet ensemble de facteurs conduira au dépassement de la ville et à la conquête de ces territoires hors des 'villes concentrées' où l’espace est encore disponible, où les ressources (agricoles, production, main-d’œuvre) sont à portée de main21. La ville, en tant que "lieu traditionnel de l'usage et de l'échange sous toutes leurs formes22" a été dépassée par une échelle, une configuration spatiale et des modalités d'échanges plus larges et spatialement moins contraignantes.

DÉCONCENTRATION ET DILATATION DE L'ESPACE URBAIN Les villes connaissent un double phénomène de mutations internes (fonctions, configuration spatiales) et d’une dissémination vers l’extérieur entraînant une perte globale de leur forme traditionnelles et de leur limites. C'est la fin de la di-


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plan de cerda pour l'extansion de Barcelone, 1860

gravure de Lyon (Lugdunum) au XVIIe siècle


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chotomie ville-campagne : le processus entamé à la révolution industrielle s’achève dans une entité qui n’est plus ni ville, ni campagne. La stricte division de la ville et de la campagne laisse place à la coexistence des deux. Cependant, malgré les bouleversements qu'ils connaissent, ils subsistent. Connectés, juxtaposés au nouvelles entités urbaines ils continuent à jouer un rôle qui tend à évoluer. L'espace urbain contemporain continue de combiner des modalités d'échanges basées sur la proximités à celles basées sur la mobilité et la communication, même si les premières perdent de leur prépondérance sociale et spatiale. Ces urbanisations disséminées sont les aires où la majorité de la population européenne urbaine réside. Ce desserrement de l’espace de la ville est conjoint à une modification des pratiques spatiales, où la multiplication des polarités urbaines et l’accroissement des distances est corrélée à une augmentation de la mobilité individuelle. L’espace urbain se dilate et l’urbanisation se diffuse sur des aires de plus en plus vastes23, s’éloignant des centres traditionnels. Ce faisant, l’urbanisation périphérique des villes se détache de l’influence des aires urbaines établies et, se disséminant dans les espaces agricoles entraîne le dépassement d’une autre opposition : celle de la ‘ville’ et de la ‘campagne’, de l’urbain et du rural. Les hiérarchies spatiales sont redessinées : l’espace urbain nouveau est réticulaire et se multi-polarise. La distance et son corollaire la vitesse, le temps et l'accessibilité sont les composantes de la pratique contemporaine d'un urbain qui se compose en réseaux. Michel Lussault (la cité, la ville, l’urbain) et avant lui Henri Lefèbvre (l’ère urbaine qui succède à l’ère industrielle)24 mettent en avant la notion d’urbain comme substitut à celle de ville. La pertinence de ce terme tient en ce qu’il englobe la totalité des spatialités urbaines qui forment le cadre actuel de la vie sociale de l’homme. Françoise Choay propose l’ "urbain" pour désigner la "nouvelle civilisation qui se met en place à l’échelle planétaire, supprimant la différence ancestrale entre ville et campagne et constitué par des réseaux matériels et immatériels25".

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DE LA DIFFUSION DE L’URBANISATION AUX URBANISATIONS DISPERSÉES Diffusion : étalement et extension progressive dans l’espace Dispersion : phénomène caractérisé par la discontinuité et la fragmentation La banlieue et les périphéries urbanisées existent depuis la révolution industrielle, mais elles restaient liées spatialement au centre, sous son influence et donc définies dans leur relation à l’urbain par l’opposition centre-périphérie. Le phénomène de la diffusion de l’urbanisation est daté, suivant les pays d’Europe aux années 1950196026. Si le bâti épars était déjà auparavant une composante de nombreuses zones rurales européenne, le phénomène de diffusion du bâti de la seconde moitié du XXe siècle est nouveau quantitativement et morphologiquement. L’urbanisation périphérique est à son origine le plus souvent mono-fonctionnelle et concerne avant tout l’habitat individuel. L'implantation spatialement indifférenciée est liée à l’augmentation des niveaux de vie, au choix (parfois forcé) de la distance aux centres urbains constitués, à celui de la maison individuelle et permis par la généralisation des modes de mobilité et de communication individualisés. On parle parfois de 'désurbanisation', d’'exode rural' ou encore de 'mouvement anti-urbain' pour expliquer et décrire ce phénomène de diffusion de l’urbanisation résidentielle. On peut parler du 'rêve' de la maison individuelle de cette époque, institutionnellement et spontanément développé suivant les pays27. L’accroissement quantitatif de l’urbanisation dispersée en Europe dans les années 1970, associant un bâti hétérogène et discontinu à des modes de vie liés à la distance concourt à un détachement progressif de la centralité de la ville traditionnelle et de son opposition à la périphérie. Ce détachement est tant physique que fonctionnel. La dispersion des lieux de production, de commerces, de loisirs, accompagnant la dispersion résidentielle ont crées de nouvelles hiérarchies territoriales, dépassement la suprématie de la ‘ville traditionnelle’. L’indifférenciation du site d’implantation de ces différentes fonctions est la encore lié à la mobilité et à la télécommunication. Le marché foncier contribue à ces choix.


13 Ces urbanisations dispersées sont un phénomène étroitement lié à l'évolution des pratiques urbaines et au dépassement de la ville. Il dit beaucoup sur les modes de vie liés au passage de la ville à l'urbain. Parler de dispersion de l'urbanisation plutôt que de périurbanisation, rurbanisation permet de dépasser les hiérarchies urbaines obsolète. Choisir le terme 'dispersée' pour qualifier l'urbanisation contemporaine plutôt que 'diffuse' introduit également la notion de discontinuité spatiale. Ces discontinuités bâties, permises par la réticularisation de l'urbain paraissent symptomatiques des pratiques de l'urbain européen contemporain. Ce processus de dispersion de l'urbain dans le territoire s'inscrive dans la durée. La dispersion produit de la dispersion ; les réseaux construits permettent des formes d'implantations indifférenciées, intéressées plus par les ressources naturelles ou humaines présentes, la possibilité de communiquer et de se déplacer que la proximité spatiale de villes. La multi-polarisation progressive du territoire européen encourage ce phénomène. Le ralentissement de l'accroissement démographique ainsi que la lenteur du renouvellement du 'parc immobilier' donnent à penser que ces urbanisations dispersées, bien qu'en perpétuelle évolution, sont une configuration urbaine installée dans une certaine pérennité. Urbanisation ne veut pas dire urbain ; les configurations spatiales et les pratiques de l'urbain contemporain amènent à se questionner sur le statut actuel de l' 'urbanité'. Le cadre de proximité des relations sociales de la ville pré-industrielle a été transformé par des modalités d'échanges qui font fi de la distances et dans une certaine mesure se dé-matérialisent, sont délocalisés. Si l'urbain est partout, l'urbanité est-elle partout ? Ces concepts ont tellement évolués qu'il paraît complexe de partir des mots pour exprimer l'urbain contemporain et le phénomène des urbanisations dispersées. Cette approche théorique sur l'urbain européen contemporain amène à se questionner sur une façon adaptée de l'observer.

C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées. Interprétations / Actions, France et Italie, 1950-2000, 2006, presses universitaires de Rennes, 320 p. 2 M.LUSSAULT, L’homme spatial, La construction sociale de l’espace humain, ed. du Seuil, 2007, 363 p. 3 M.LUSSAULT, L’homme spatial, op. cité 4, 5 C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité 6 M.LUSSAULT, L’homme spatial, op. cité 7 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, 2006, ed. du Seuil, Paris, 417 p. 8 C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité 10 A.CORBOZ, « Ordine sparso. Saggi sull’arte, il metodo, la città e il territorio » (sous la direction de PaolaVigano), Angeli, Milan, 1998 11, 12, 13 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 14 PAQUOT, 1999 in M.LUSSAULT, L’homme spatial, La construction sociale de l’espace humain, ed. du Seuil, 2007, 363 p 15 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 16 M.LUSSAULT, L’homme spatial, op. cité 17, 18 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 19 M.MEMOLI, F.GOVERNA, « Geografia dell’urbano. Spazi, politiche, pratiche della città » ed. Carocci, 2011, Rome, 309p 20 F.ASCHER, L'âge des métapoles, ed. Odile Jacob, 2009, l'Aube ed., 392 p. 21 T.SIEVERTS, Entre-ville : Une lecture de la Zwischen1

stadt, ed. Eupalinos, 2004, 188 p. 22 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 23 T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité 24 C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité 25 F. CHOAY, « La France au-delà du siècle », Paris, 1994 26 C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité 27 G. DEMATTEIS, 1996, Représentations spatiales de l’urbanisation européennes in C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité


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photos illustrant le chapitre Landscape du livre de Peter Blake, God's Own Junkyard, 1964

Ci-dessus Photographies de Londres, Berlin et Paris accompagnat l'éditorial du livre Dirty Relism de la revue archithèse (1990) A droite Couverture du livre Italy - Cross sections of a country (1994), de Gabriele Basilico et Stefano Boeri Photo de Mestre tirée du même livre


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QUESTIONNEMENT ET MÉTHODOLOGIE L’INTÉRÊT DE LA DESCRIPTION Les tentatives de combat de la déconcentration de la ville et de l’étalement urbain ont une histoire conjointe à celle du dépassement de la ville européenne condensée et concentrée, débutées dès la fin du XIXe siècle. La discipline architecturale et urbaine prend conscience progressivement de ces phénomènes. Peter Blake dans son livre God's own junkyard : the planned deterioration of America's landscape paru en 1964 décrit le phénomène de façon alarmiste. Learning from Las Vegas, paru en 1972, de Denise Scott Brown et Robert Venturi et plus particulièrement l'étude Learning from Levittown amorcent un nouveau regard sur ces mutations urbaines. Les post-modernes, prenant conscience de l’ampleur du dépassement de la ville traditionnelle prônent sans succès un retour à des formes et figure spatiales historiques. Koolhaas, Sieverts, et aussi Basilico et Boeri conceptualisent ce nouvel environnement urbain dans les années 902. On traite le sujet souvent dans des termes généraux, négatifs, moralisateurs, avec un vocabulaire global recouvrant différents sens, daté : "we only have words for it that are so outdated or that imply an inherent value system to reach an extent that is simply depressing" (KOOLHAAS, 2001). Les interprétations de nouvel ordre urbain sont alors trop orientés par une nostalgie forte de la ville européenne concentrée et un "conformisme (prolonger les modèles urbains du XVIIIe et XIXe siècle)3". De la dispersion de l’urbanisation,

traitée trop globalement, ne ressort que l’image d’un chaos, d’un manque de lisibilité qui mène au catastrophisme ou à une "posture plutôt cynique (‘sublimer le chaos’)4". David Mangin donne ce qui sont selon lui les raisons principales de cette "curieuse absence" de descriptions cartographique et morphologique du phénomène de dispersion de l'urbanisation : "le manque de commandes et de projets" dans ces espaces principalement construits par le secteur privé, "les problèmes de sources" quand les données sont éparpillées par commune, la "mauvaise presse" de l’analyse urbaine et enfin "le choc de la vitesse" qui explique que ces changements n’aient pas encore été intégrés.5 Ce qui s’apparente au chaos ou semble illisible peut être trop complexe pour être perçu immédiatement, trop mal connu pour être compris. Le manque d’émancipation des concepts ‘ville-campagne’, ‘centre-périphérie’ dépassés induit également un regard faussé, des hiérarchies et des valeurs obsolètes. La déprise des différents modes de gouvernance sur un territoire où l’urbain s’est globalisé ainsi que le retard pris dans la description, l’analyse et l’interprétation du phénomène le rendent inquiétant et difficilement appréhensible. Pour comprendre un phénomène mal connu tel que celui de l’urbain contemporain, peut-être qu’il importe de proposer des descriptions de situations territoriales banales mais démonstratives, sans a priori mais en conscience de l’état théorique actuel de la question. Dans cette études des agencements spatiaux des urbanisations dispersées en


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Europe se posait le problème de la méthodologie. Comment comprendre ce phénomène sans avoir le regard faussé par les dogmes historicistes de la ville condensée ?

URBANISATIONS DISPERSÉES EN EUROPE : PHENOMÈNE GLOBAL, DIFFERENCIATIONS TERRITORIALES ? La considération de l’urbain dans sa globalité est complexe car il est difficilement présentable et représentable : "il ne fait pas bonne figure"6 . L’imaginaire qu’il véhicule est lié à la peur ou la méprise de la mondialisation, de la généricité, à l’image négative du 'périurbain'. La 'ville' est liée à d’innombrables représentations dans les domaines artistiques et dans l’imaginaire populaire, ce qui n’est pas le cas avec 'l’urbain'. Les urbanisations dispersées sont les plus difficiles à appréhender car elles ne renvoient en rien aux catégorie de représentations connues d’urbanité, apparentées à la ville, ou de non-urbain, qui renvoie aux images de la 'campagne'. Ces formes d’urbanisation, les plus déficientes en terme d’image sont cependant présentes sur une très grande partie du territoire urbanisé européen. Le choix fait ici est de décrire par la cartographie trois situations européennes. On se propose ainsi d'observer les urbanisations dispersées en Europe par une image de la réalité plutôt que l'adaptation de la théorie à la réalité. Ces situations européennes sont liées par une histoire croisée et des intérêts communs. Les trois contextes géographiques, sociologiques, urbains et politiques différents sont la Suisse (étude de la ‘ville extérieure’ autour de Zurich), l’Italie du Nord (étude de la Vénétie, ‘modèle’ de l’urbanisation dispersée italienne) et la Belgique flamande (le diamant flamand, entre Gand, Bruxelles, Anvers et Louvain). Les trois pays présentent un niveau de développement comparable et sont inscrit dans l’unité géographique qu’est l’Europe, dans la mégalopole européenne qui s’étend de Londres à Milan. En partant du postulat de la déconcentration de la ville et de l'existence pérenne de nouvelles formes d'urbanisations, on s’attachera dans les cas étudiés à ce en quoi ils sont représentatifs d’un

16 nouvel ordre urbain, en termes de configuration spatiale. Le passage de la ville à l’urbain est un phénomène généralisé à l’Europe et à une grande partie du monde industrialisé. Le changement dans le mode de régulation de la distance entres les objets sociaux et physiques est globalement lisible dans toutes les configurations spatiales de l’urbain contemporain ; cette similitude est une de celles qui (avec l’homogénéisation des cultures et des pratiques spatiales) provoquent la qualification de ‘générique’ à l’urbain contemporain. Au-delà de la globalité du phénomène des urbanisations dispersées, quelles sont leurs agencements spatiaux, quelle sont les pratiques liées à cet urbain dispersé européen ? Comment définir quelques pistes pour la pratique de projet dans l'urbain contemporain européen, et plus particulièrement dans les urbanisations dispersée ? A travers l’étude des agencements de trois espaces de l’urbanisation dispersée européenne, on questionne la configuration spatiale, le caractère urbain et le mode de vie qui est corrélé. Les visées de ces portraits comparatifs sont : • représenter un espace en manque d’imagerie adaptée • interroger les caractères de la figure d'altérité que sont les urbanisations dispersées respectivement aux ville traditionnelles au sein de l'urbain européen • interroger les caractéristiques des configurations spatiales de ces urbanisations dispersées • interroger le rapport entre l'échelle urbaine territoriale voir européenne du réseau d'infrastructures et l'échelle locale de l'implantation humaine • interroger les modes de vie liés à ces notions de distance et à des implantations qui semblent indifférenciée La première partie consiste en une approche lexicale des théories contemporaines de l'urbain. Elle permet d'aborder les composantes de l'urbain contemporain sans imposer de hiérarchie entre ses différents caractéristiques. Dans une seconde partie, on présenta l'atlas cartographique qui met en relief des éléments choisis du phénomène d'urbanisations dispersées. La


17 forme d'abstraction du réel que sont ces portraits n'est pas une volonté de diminuer la complexité de ces espaces mais de sélectionner les informations qui peuvent servir de base au travail de projet à une autre échelle. L'atlas cartographique est dessiné à l'aide du système d'informations géographique (GIS) de données libres fournies pour chaque pays et d'un logiciel de traitement de ces données. Les données sont objectives mais le choix de celles qui sont données à voir, leur représentation ne prétend pas être impartiale. Dans une troisième partie, il s'agira de confronter les observations cartographiques à la théorie urbaine contemporaine. En partant de la grande échelle de l'urbain contemporains, il convient de dégager des pistes pour la conception de projet dans l'urbain européen. La notion d' 'urbanité' semble prendre différentes formes aujourd'hui et avoir différentes échelle : elle ne se limite plus à la simple proximité. Si elle dépend plus de la mobilité et du choix individuel, spatial et temporel, le travail de projet architectural ne peut-il pas la réinterpréter, la favoriser ? Les échelles territoriales croisées aux articulations locales semblent être un des enjeux de l'urbain contemporain. Il s'agit, dans l'interprétation de ces observations cartographiques de ne pas chercher de nouveaux dogmes pour ces urbanisations dispersées, de ne pas dégager des formes architecturales mais de montrer les potentialités de ces espaces méconnus.

FRANK F., Suburbanité, des théories urbaines au logement collectif contemporain, 2012, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 176 p. 1, 2

D. MANGIN, La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, ed. de la Vilette, 2004, 398 p. 3, 4, 5

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M.LUSSAULT, L’homme spatial, op. cité



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PREMIÈRE PARTIE : LEXIQUE. FAIRE APPEL À UN VOCABULAIRE ADAPTÉ À L’URBAIN CONTEMPORAIN L’urbain contemporain ne peut pas être compris avec les concepts et idéologies anciens sur la ville: centralité/périphéries, limites ville-campagne, entrée de ville. Trop souvent, ces termes sont employés indifféremment, renvoyant aux concepts de la ville de la modernité ou à celle de la Renaissance. Chiara Barattucci dénonce notamment l’emploi abusif du mot ‘périphérie’, souvent utilisé "sans vérifier le caractère réellement périphérique des diverses situations qu’il englobe1". Ces oppositions persistantes entre la ville et sa périphérie renvoie non seulement à une conception urbano-centrée dépassée de la ville mais dénote aussi d’un jugement de valeurs formels, fonctionnels et sociaux2 ; il y a la ville et ce qui reste à l’ 'extérieur'. Elles semblent indiquer également une connaissance insuffisante en Europe de l’urbain contemporain. Les urbanisations dispersées ont particulièrement été laissées de côté dans la majorité des interprétations urbaines à visée opérative, pour différentes raisons : considérées comme des 'non-lieux', comme la "manifestation bâtie d’une dérégulation néo-libérale", une exaltation de l’individu et la recherche d’un 'entre-soi' de la classe moyenne3, comme la négation de l’urbanisme ou encore comme un désastre environnemental en raison de leur grande consommation du sol. Leur qualité architecturale et paysagère étant, il est vrai, souvent faible et en tous cas éloignée de nos standards de l’esthétique urbaine habituelle, elles ont souvent été jugées indignes d’intérêt.

Pour autant, la forme d’urbanisation dans laquelle la majeure partie de la population urbaine européenne vit méritent que l’on s’y intéresse. Depuis les années 1960 et avec un regain d’intérêt ces dernières années, de nombreux auteurs se sont tout de même employés à la création de concepts et de néologismes sur la diffusion et la dispersion de l’urbanisation ; parfois pour dénoncer le phénomène, pour le décrire, ou aider à sa compréhension. Depuis le ‘rurbain’4 et la ‘périurbanisation’5 jusqu’à la ‘ville diffuse’6 , la ‘métapole’7 , l’ ‘hyperville’8ou la ‘Zwischenstadt’9, les termes et interprétations sont nombreux et correspondent à des points de vue multiples sur la question. L’emploi indifférent de ces termes récemment créés comme des synonymes les vide de leur sens. La création d’un nouveau langage pour parler de phénomène nouveaux est pourtant nécessaire et dénote d’une volonté de sortir des cadres conceptuels anciens. On développera ici quelques notions contemporaines les plus en rapport avec le thème de l’urbain dispersé, afin de faire un état des lieux non exhaustif du sujet.

PREMIERS REGARDS, SUR LA 'VILLE DÉCONCENTRÉE' Les premiers regards sur la ville déconcentrée dans les années 1960 détectent pour certains un dépassement de la dichotomie ville-campagne mais se positionnent encore dans un modèle urbano-centré.


Urbanisations dispersées en Europe

Périurbain : “Espace intermédiaire, mi-rural, mi-urbain, qui entoure aujourd’hui en France la quasitotalité des agglomérations urbaines. Cet espace reste rural par son paysage, où dominent encore culture, prairies ou forêts, par la densité relativement faible de sa population, due à la présence quasi-exclusive de maisons individuelles. Cet espace est cependant fonctionnellement urbain: une forte majorité de la population travaille dans l’agglomération, y fait une grande partie de ses achats et y trouve la plupart de ses services”. Chapuis, 1995 Physiquement, il n’est pas forcément contigu à une ville centre. Il entoure la ‘ville’ mais a ses caractéristiques et son mode de fonctionnement propre. Rurbanisation : "La “rurbanisation” résulte du déploiement et de la dissémination des villes dans l’espace; en conséquence, est “rurbaine” une zone rurale proche de centres urbains, et subissant l’apport résidentiel d’une population nouvelle, d’origine principalement citadine […], caractérisée cependant par la subsistance d’un espace non urbanisé très largement dominant". G. Bauer et J.-M. Roux, 1975 Le concept sous-entend une relativement faible transformation de l’espace rural qui n’est que partiellement urbanisé, l’influence urbaine se faisant plus sentir dans les comportements des “rurbains” que dans la configuration spatiale. Ils prévoient cependant comme tout à fait possible que les espaces interstitiels s'urbanisent progressivement. Campagne urbanisée ('campagna urbanizzata') : "une condition nouvelle des structures territoriales (…), un nouveau concept de paysage caractérisé par la crise profonde du milieu agricole et de l’habitat rural traditionnel et, en même temps, par les transformations très importantes des formes d’urbanisation en relation à la tendance naissante de bâtir des maisons dans la campagne, les côtes et les territoires de montagne pour l’habiter stable et saisonnier." G. Samonà, Rapport de présentation de son plan intercommunal du Trentin, 1968 Cette expression italienne veut dans un même temps décrire une réalité actuelle et donner une orientation projectuelle, à l’urbanisation, celle

20 d’une "constellation de ville". Urbanisation diffuse et dispersée ('urbanizzazione diffusa e dispersa') : En 1986, dans le cadre d’une recherche conduite à l’IUAV, Giorgio Piccinato utilise cette expression pour parler des "dynamiques de dispersion des urbanisations à faible densité dans la campagna urbanizzata10", phénomène qui s’était progressivement intensifié au cours des années 70 en Italie. Cette transformation de la campagne urbanisée est caractérisée selon lui par une "densité élevée de population", qui présente la "coexistence et le mélange d’activités différentes, d’usages agricoles et urbains". Il indique aussi la dispersion de l’habitat rural11.

URBAIN CONTEMPORAIN ET NÉOLOGISMES Les trois territoires que nous décrirons dans les parties suivantes ont parfois été désignés par l’un ou l’autre de ces néologisme qui renvoient à“une pluralité d’interprétations et d’observations12”. La Zwischenstadt de Sieverts est traduite en français par le terme d’ 'entre-ville'. Il désigne ainsi la "ville qui se déploie entre les vieux noyaux historiques et la campagne ouverte, entre les lieux de vie et les non-lieux des réseaux de communication, entre les circuits économiques locaux et les réseaux de dépendance au marché mondial13". Il constate ainsi que la ville européenne historique est arrivée à un point où elle ne peut plus être une solution pour tous pour l’avenir. Les enjeux de demain se situent dans l’entre-deux, dans une zone qui mêle l’’urbain’ au ‘rural’ qui abrite la majeure partie de la population urbaine et continue à croître. On parle ici d’une urbanisation qui a dépassé la simple périurbanisation et connaît d’autres systèmes de polarité que les centres historiquement constitués. L'entre-ville crée une séparation entre les villes constituée, la 'campagne' et les périphéries se détachant progressivement des anciennes polarités. La ‘ville diffuse’ est décrite par Indovina et Secchi. C'est "une image descriptive d’une type d’organisation spatiale" qui désigne "un territoire ample, à développement extensif et à fonctionnalité urbaine14". Ce terme désigne une urbanisation extensive, présentant des discontinuités, sans


21 hiérarchisation spatiale monodirectionnelle, de faible densité et dans un territoire vaste, avec certains points pouvant présenter une certaine densité sans polariser le territoire. Elle présente la mixité de la ville sans son caractère d’urbanisation intensive et concentrée. Elle se différencie de la périurbanisation ou de l’entre-ville dans le sens où elle se construit sur un territoire déjà urbanisé et non rural. Cette notion est le fruit d’une recherche des années 90 de Francesco Indovina, s’intéressant à l’aire centrale du Veneto comprise entre Venise, Padova et Treviso. Dans son livre, Urbanisation sans Urbanisme, une histoire de la ville diffuse, Bénédicte Grosjean applique ce concept à l’urbanisation de la Belgique. L’ ‘hyperville’ de Corboz est définie comme "la ville coextensive au territoire15". Ce terme ne préjuge pas d’une densité et ne s’oppose pas à la ville traditionnelle mais l’englobe. Il désigne ces grandes aires urbaines qui dépassent les frontières comme celle administratives (par exemple Genève-Annemasse). C’est une métaphore de l’hypertexte et en tant que tel elle est "accessible de diverses façons; on y entre, on en sort par une multitude de points16". La dispersion des activités fait qu’on y circule par des itinéraires variés. Il n’y a pas un centre mais des polarités. Ce qui formait le centre ancien est polarisé de l’extérieur. Elle était faite de pièces et de morceaux, de trames et de tissus additionnés et en tant que tel doit être traitée par la notion du réseau. Par son absence d’harmonie, elle réclame un changement de mentalité dans la manière de l’aborder. La ‘métapole’ de Ascher dépasse et englobe la polis. Ascher parle en ces termes de ces métropoles qui englobent mais dépasse la zone métropolitaine à proprement parler. "Une métapole est l’ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d’une métropole. Une métapole constitue généralement un seul bassin d’emploi, d’habitat et d’activités. Les espaces qui composent une métapole sont profondément hétérogènes et pas nécessairement contigus. Une métapole comprend au moins quelques centaines de milliers d’habitants". ASCHER, 1995, Métapolis ou l'avenir des villes

Elles se construisent sur des métropoles existantes et présentent une diversité intrinsèque. La formation de ces métapoles entraîne une remise en cause des hiérarchies urbaines connues. Intégrant toute forme d'espaces urbain, es territoires d’urbanisation dispersée peuvent être englobés dans la métapole.

VOCABULAIRE DES URBANISATIONS DISPERSÉES Agencement spatial : Il s'agit de l' "assemblage spatial de réalités sociétales17" qui dépendent de l'action d'acteurs. Les motifs des urbanisations dispersées peuvent être traités en tant qu'agencements spatiaux en ce qu'ils sont la réponse spatiale d'une organisation sociétale et d'un contexte géographique, culturelle, et historique. Anthropisation : Ce terme désigne la modification des milieux géographiques par l'action humaine.

"L'anthropisation comprend la genèse de tous les artefacts habituellement étudiés par la géographie : villes, champs, routes, etc. ainsi que leur impact sur les systèmes biotiques et physiques de la planète. C'est proprement la marque de la présence humaine sur la Terre, considérée comme un système bio-physique." LUSSAULT, LÉVY, Dictionnaire de la géographie Connexité : Cette notion désigne le lien entre des composantes d'un réseau dont les emplacements ne sont pas dans une proximité physique directe.Dans le cas de l'urbain, l'interdépendance entre les lieux d'un réseau indique une différenciation, une hétérogénéité des lieux connectés : "deux éléments aux attributs identiques n'ont pas de raison de se connecter18". La connectivité est un "indice topologique complémentaire évaluant la multiplicité des relations, l'existence de chemins alternatifs permettant une redondance des liaisons19". Coprésence, proximité : La coprésence se caractérise par "le rassemblement et l’agrégation en un même lieu de réalités sociales distinctes20". Cette modalité de régulation de la distance, complémentaire dans la pratique


Urbanisations dispersées en Europe

de l'urbain à la connexité consiste à placer à une distance nulle des objets sociaux, spatiaux, physiques différents C'est le principe fondateur de la ville traditionnelle européenne. La coprésence est corrélée à l'urbanité, même si elle ne l'induit pas de fait, puisqu'à mesure qu'elle croît la densité et la diversité s'accroissent également. Ce qui paraît être la modalité la plus simple est en réalité complexe, notamment spatialement : "il s'agit là de rassembler en un même espace, en contiguïté, les entités et les objets spatialisés afin de rendre possibles leur relations21". La croissance de la coprésence rend complexe son agencement spatial. La proximité en est une composante forte et peut tendre à la promiscuité. La coprésence comme principe fondateur de l'urbain tend à disparaître au profit des moyens de connexité qui offrent une forme de proximité potentielle ou de proximité dématérialisée. Distance, distanciation : C'est l' "attribut de la relation entre deux ou plusieurs réalités caractérisant leur degré de séparation (écart)22". Il s'oppose à l'état de contact. La notion de distance est au cœur des agencements spatiaux de l'urbain contemporain, supplantant partiellement la proximité. "Parce qu'il y a de la distance,l'espace est une dimension fondamentale de la société et les acteurs ont élaboré des stratégies permettant de concilier la distance, d'en déjouer les contraintes et d'en jouer les atouts, tant il est vrai qu'il est parfois fondamental pour une individu et/ou un groupe de savoir et de pouvoir se distancier". LUSSAULT, LÉVY, Dictionnaire de la géographie L'acte de la mise à distance est nommé distanciation. Cette 'prise de distance' caractéristique des urbanisations dispersées est capitale dans la compréhension de la formation de l'urbain contemporain. "Lorsque la distanciation d'un acteur aux objets est extrême on parlera d'une insularisation de celui-ci ; lorsqu'elle est minimale, il y a coprésence". LUSSAULT, LÉVY, Dictionnaire de la géographie Échelle : Il s'agit du "rapport de taille entre deux réalités géographiques23". Les échelles de l'espace socié-

22 tal peuvent être abordées comme des poupées russes emboîtées de la plus grande à la plus petite. La complexification des interactions entres les individus, les objets sociaux entraîne un enchevêtrement beaucoup plus complexe des échelles. "C'est toujours aussi par rapport à un d'autres espaces que l'objet peut être ancré. La cospatialité , au moins partielle entre 'couches d'espaces' superposées à pour effet de multiplier les déterminants de positions scalaire." LUSSAULT, LÉVY, Dictionnaire de la géographie Métrique : La métrique est une notion qui indique qu'il n'y a pas de distance en soi mais des distances que la métrique euclidienne ne suffit pas à expliquer. La vitesse, la modalité de déplacement sur une distance en change la métrique. Urbanité : Elle dépend de la densité et de la diversité des objets sociaux dans un espace, mais pas seulement. Elle dépend aussi de la "configuration spatiale de celui-ci25". L'urbanité n'est pas un caractère invariant dans le temps et dans l'espace, et pour deux espaces aux caractères de densité et de diversité équivalents, on peut observer des urbanités différentes. Il existe un "gradient d'urbanité". Les agencements spatiaux peuvent donc pallier au seul couplage diversité/densité : par exemple, "un déficit de diversité par une spatialisation efficace de la densité et des accessibilités et contacts qu'elle autorise26". Il convient de ne pas considérer l'urbanité comme un concept absolu et propre à la ville traditionnelle mais relativement aux échelles et aux configurations spatiales abordées. Dans son livre sur la Zwischenstadt, Thomas Sieverts présente l’urbanité comme une notion développée par Edgar Salin pour parler de la qualité particulière des villes habitées par une bourgeoisie éclairée. Elle désignait “bien plus une forme de vie sociale et culturelle, que la qualité d’une structure urbaine ou spatiale bien définie27". Aujourd’hui, elle est bien souvent associée directement à l’image de la ville dense du XIXe siècle. Elle est opposée à la provincialité et "évoque la


23 connaissance du monde, l’ouverture d’esprit et la tolérance, l’acuité intellectuelle et la curiosité28". Elle est toutefois trop souvent associée à des caractéristiques spatiales de la ville, et lorsque l’on ressent son manque, on "répond à [son] absence par une urbanité ‘construite’ de rues-corridors fermées par des murs de façades, de places et d’allées qui prétendent se substituer à une urbanité ‘vécue’29". Il y a d'une part l'urbanité potentielle, et ensuite l'urbanité vécue ; une situation spatiale donnée ne provoquera pas de façon invariable la même urbanité.

1

C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité

2

ib.

J.DONZELOT, "La ville à trois vitesses : gentrification, relégation, périurbanisation", revue Esprit (3/4),2004 3

4

Bauer et Roux, 1975

5

Rapport Mayoux (France) de 1977

6

Indovina et Secchi, 1990

7

François Ascher, 1995

8

André Corboz, 1995

9

Thomas Sierverts, 2004

PICCINATO G. (dir. scient.), “Processi di urbanizzazione diffusa nel Veneto“, MPI/Cnr, IUAV, Venezia, 1986 10

11

ib.

12

C.BARATTUCCI, Urbanisations dispersées, op. cité

13

T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité

NDOVINA F. (sous la dir. de), La città diffusa, DaestIuav, Venise, 1990 14 I

CORBOZ A., conférence "Suburbanisme et paysage", 1997, organisée par la Société française des architectes 15

16

ib.

17 à 26

J. LEVY, M. LUSSAULT, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, 2013 (première édition en 2003), ed. Belin, 1034 p. 27

T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité

28

ib.

29

ib.


24

Bâle

Zurich

Trévise Vincenza Venise

Padova

Anvers Gand

Louvain Bruxelles

Zurich et sa 'ville extérieure', Suisse La Vénétie, Italie Le diamant flamand, Belgique

20 km


25

DEUXIÈME PARTIE : ATLAS. PORTRAIT CARTOGRAPHIQUE DE TROIS TERRITOIRES EUROPÉENS D'URBANISATION DISPERSÉE Dans ces portraits cartographiques, il s'agit de montrer les agencements spatiaux à l'échelle territoriale de ces urbanisation dispersées. Ces agencements spatiaux en tant que 'assemblage spatial de réalités sociétales' dépendent de l'action de l'homme sur son milieu. Ils dépeignent la manière qu'une société a en un temps donné mais marqué par son histoire de s'implanter dans le monde. Les données sont choisies pour montrer l'anthropisation, les densités habitées, les réseaux, les fragmentations, la relation entre milieu et configuration spatiale. Le premier est le bâti, qui montre toutes les constructions humaines sur le territoire. Le second et le troisième sont les réseaux ferrés et les réseaux d'infrastructures routière. Les séparer permet de montrer la densité (ou non) du maillage de transport ferroviaire respectivement au maillage routier. Le quatrième critère est celui des eaux et permet d'aborder les qualités topographiques propres du territoire. Elles ne sont pas à confondre avec des espaces 'naturel' car la domestication et la modification des cours d'eau, la création de canaux ou de drainage en font un élément fortement modifié par l'homme. Enfin, on s'intéresse aux espaces de sol non transformé : forêts, espaces protégés. Les espaces agricoles ne sont pas inclus car fortement anthropisés.


26

B창ti


27

ZURICH ET SA VILLE EXTÉRIEURE En Suisse, les centres urbains sont restées relativement petits : la configuration urbaine fortement décentralisée. Les 3000 communes suisses sont des unités fortement indépendantes et structurent le processus d’urbanisation. Le processus d’urbanisation est caractérisé par deux phénomènes interdépendants : "deux caractéristiques fondamentales : caractère particulier d’autonomie des communes suisses et industrialisation historiquement décentralisée."1 Les industries se sont initialement implantées hors des villes (main-d’œuvre, espace, ressources hydrauliques). Cette décentralisation, malgré la révolution industrielle, a persisté. Depuis les années 1970, la complexification des formes d’urbanisation se développe. On assiste à une spécialisation économique et financière des grandes centres urbains. L'urbain prend des formes de plus en plus floues et recouvre l’ensemble du pays. Il est très différencié selon les zones. Corboz parle d' "hyper-ville" pour désigner la Suisse. Les différents espaces sont très différenciés et interdépendants.

DIENER, HERZOG, MEILI, DE MEURON, SCHMID, La Suisse Portrait urbain, ed. Birkhauser, 2006, 1015 p. 2 A.CORBOZ, conférence "Suburbanisme et paysage", 1997, organisée par la Société française des architectes 1


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Rails


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Routes


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Eaux


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Espaces non transformĂŠs


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LA VENETIE La Vénétie est un territoire marécageux situé entre Venise-Mestre, Padova, Vicenza et Trévise. Dans les années 80, les géographes, urbanistes et architectes s'intéressant au phénomène de diffusion de la ville indique ce territoire comme aire principale de dispersion résidentielle et productive. Les agglomérations de grande taille, ont connu d'importantes mutations économiques et sociales dans les dernières dizaines d'années. Les plus petites centralités connaissent des diffusions linéaires autour des infrastructures de logements, d'activités et de commerces. Au-delà de ces agglomérations, tout le territoire ou presque est habité. La dispersion de l'urbain s'implante sur une grille dense de routes. Les motifs d'urbanisation sont diversifiés, selon les conditions naturelles et les modifications effectuées par l'homme. On retrouve par endroit le Centuriation romain. Le drainage mécanisé des eaux influe d'autres agencements. La dispersion importante non seulement d'habitat mais aussi d'activités implique des pratiques urbaines fortement différentes de celles de la ville traditionnelle.

C.BARATTUCCI « Urbanisations dispersées. Interprétations / Actions, France et Italie, 1950-2000», 2006, presses universitaires de Rennes, 320 p. B.GROSJEAN, Urbanisation sans urbanisme, une histoire de la ville diffuse, 2010, ed. Mardaga, 350 p.


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Routes


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Espaces non transformĂŠs


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LE DIAMANT FLAMAND La Belgique a été densément peuplée dès le moyen-âge, et son urbanisation était dès lors composée de petites centralités mises en réseau. Durant la période de l'industrialisation du pays, les gouvernances encouragèrent ce phénomène en mettant en place un dense réseau d'infrastructures. L'argument principal, hygiéniste, était d'offrir aux travailleurs un cadre de vie confortable et sain aux travailleurs. Enfin, la topographie du pays couplée à une très faible planification urbaine ont achevés d'installer l'urbanisation dispersée comme principal motif d'implantation humaine. La première planification globale des Flandres date des années 90 ; dans ce document apparaît la notion de "diamant flamand". Le diamant flamand est un réseau urbain entre Anvers, Gand, Bruxelles et Louvain. La popularisation de la voiture rendant chaque parcelle du territoire virtuellement habitable accompagnée du rêve romantique de la vie au milieu de la nature y ont, dans la seconde moitié du XXe siècle achevé la dispersion de l'urbanisation

B.GROSJEAN, Urbanisation sans urbanisme, une histoire de la ville diffuse, 2010, ed. Mardaga, 350 p. G. BEKAERT, E. CHRIST , After-sprawl, research for the contemporary city, 2002, NAi publishers, 240 p


40

Rails


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Routes


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Espaces non transformĂŠs



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COHÉRENCE, DIVERSITÉS La discontinuité, la déconcentration et la densité globalement faible des territoires urbanisés rendent le terme de ‘ville’, qui renvoie à l’image représentative de la ville dense et concentrée européenne inapte à la description des phénomènes urbains. Les contours des villes se dissolvent, la ‘centralité’ devient polymorphe, des configurations urbaines excentrées se forment. Comme on le lit dans l’atlas, la ‘ville’ et la ‘campagne’ se fondent dans un tout, structures hétérogènes incluant les centres anciens, les zones anciennement périphériques et celles que l’on qualifiait de campagne. Si la ville traditionnelle est dépassée par l’urbain et si l’emploi du terme ‘ville’ pour désigner les urbanisations contemporaines est impropre, l’urbain n’a pas pour autant fait disparaître les villes anciennes, mais celles-ci se sont également transformées et ‘urbanisées’. Les notions de centralités et d’urbanité qu’on appliquait à cette forme de ville se sont transformées parallèlement à sa modification physique. Ces villes constituent un ou plusieurs noyaux urbains préexistants dans l’urbain contemporain global et continuent à jouer un rôle dans la configuration plus vaste de l’urbain.

Les formes d’urbanisations dispersées décrites plus tôt sont également une partie intégrante de l’urbain. Elles coexistent et interagissent avec d’autres parties plus ou moins dense, plus ou moins anciennes de l’urbain. Ces ‘parties’ de l’urbain que sont les noyaux anciens et les urbanisations dispersées sont en contacts et interfèrent avec d’autres composantes que sont les périphéries proches, les espaces agricoles encore préservés (mais transformés également dans leur pratique), les nouvelles centralités. La cohérence aussi bien que la diversité sont remarquables à travers ces cartes. Les différences s’expliquent par des raisons historiques, culturelle, géographiques et politiques. Les configuration spatiales sont différenciées suivant les zones étudiées et marquées par les implantations urbaines historiques que le phénomène de dispersion de l'urbain tend toutefois à gommer.

Les villes et agglomération coexistent avec les urbanisations dispersées et sont encore visible dans le tissu urbain extensif contemporain. On remarque que dans les trois aires étudiées, elles ne représentent qu’une portion faible du territoire urbanisé. Ces densités ponctuelles ont perdues leurs délimitations fixes, confirmant le postulat d’un dépassement de la ville condensée et concentrée européenne. Elles s’étiolent et leurs limites se perdent dans le tissu alentours La mégalopole européenne semble se caractérisée pas une collection variée de fragments urbanisés séparés et connectés par un dense réseau d’infrastructures. On remarque l'indépendance progressives des urbanisations dispersées qui ne sont plus périphériques et de multi-polarisent. On peut établir cette définition partielle de la configuration de l'urbain européen dispersé : juxtaposition d’éléments qui entretiennent peu de relations directes entre eux. Les implantations ne sont plus compactes ou continues, elles prennent la formes de densités (agglomérations, nouveaux pôles, centres anciens), d’urbanisations disséminées, séparées par des vides. Chaque fragment obéit à sa propre logique, mais leurs relatives positions et combinaisons crée une impression de contrastes et d’hétérogénéité. L’ ensemble qui semble "homogène à force d’hétérogénéité" conserve pourtant une forte différenciation locale, des caractères d’implantation différents dues aux géographies, aux cultures, aux politiques nationales et régionales. Il semblerait qu'au-delà d'un fonctionnement en réseau global de l'urbain européen, le phénomène de dispersion des urbanisations prennent des caractères différenciés suivant les régions.



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TROISIÈME PARTIE : POTENTIALITÉS OBSERVATIONS ET THÉORIES, MATIÈRE À PROJET Ces portraits d’urbanisations dispersées européennes, composantes de l’urbain contemporain concernent l’architecte en ce qu’il s’agit de sa matière de travail d’aujourd’hui et de demain. Il convient donc d'interpréter ce que l'on peut observer de ce phénomène et de ce qu’il nous dit de la pratique de l’urbain en Europe afin de transformer la description en outil opératoire. Les urbanisations dispersées sont un phénomène d’implantation commun à une large partie du continent européen, une des composantes de l’urbain contemporain. Elles vont de pair avec l’existence d’une société urbaine européenne qui pratique ces espaces multi-polarisés. La mobilité est au cœur du processus de dispersion de l'urbanisation, l'un se nourrissant de l'autre. Le mouvement est globalement au cœur de nos sociétés actuelles1 ; mouvement des hommes, des biens, des informations mais aussi des représentations et des façons de penser. C'est l'accélération des temporalités qui ont abouti à l'urbain que l'on connaît aujourd'hui. C'est l'augmentation de la vitesse des échanges qui induisent et permettent la pratique de l'urbain contemporain. Ce mouvement de la société, de la technique, des biens, des personnes et des informations qui s'accélère offre des potentialités mais présente certains risques : difficultés de l'urbanisme a le réguler, caractère insaisissable des configurations spatiales de ces urbanisations. C'est le "choc de la vitesse" dont parlait David Mangin ; selon François Ascher, le

"mouvement de la modernité" n'est pas achevé, et les dynamiques de "rationalisation, individualisation et différenciation" des espaces et des pratiques tendent à se renforcer2. Dans ces milieux urbains et ces sociétés en mouvement, il ne semble pas y avoir de réponses architecturales ou urbaines idéales aux urbanisations dispersées. Il importe toutefois de dégager à partir des observations cartographiques et des théories urbaines contemporaines des éléments, des potentialités qui pourraient nourrir la pratique de l'architecture dans ces environnements Qu’est ce que les similitudes et le différences entre ces différentes aires géographiques de la mégalopole européenne nous apprennent ? Quelle relation entre configurations spatiales et urbanité ? Quelles potentialités pour le projet se dégagent de l'observation des configurations spatiales des urbanisations dispersées ? Que nous disent ces configurations spatiales de l'urbain dispersé, dans leurs différences et dans leurs similitudes de l'urbain contemporain européen et de sa pratique ? En quoi ces observations, croisées aux théories de l'urbain contemporaines peuvent-elles devenir matière pour les projets d'architecture de cette urbain-là ?


Urbanisations dispersées en Europe

INDIVIDUATION ET DIVERSIFICATION DES PRATIQUES URBAINES La dispersion et la fragmentation spatiale et temporelle des urbanisations dispersées sont corrélées à la spécificité des mutations de la société contemporaine (emplois, habitat, mobilité culture).Il en résulte une complexification et une diversification sociétale et spatiale ainsi qu'une diversité de plus en plus grande des comportements individuels. "Capacité de différenciation des individus, non seulement par rapport aux individus appartenant à d'autres groupes sociaux de la même ville, mais aussi par rapport aux autres membres d'un même groupe social,voire d'une même famille." ASCHER, 1995, Métapolis Les moyens de mobilité et de communications, sont de plus en plus individualisés (téléphone cellulaire, voiture), plus rapides et plus performants. Cela permet une multiplication des échelles des pratiques urbaines et des sociabilités mais également une singularisation de ces pratiques. Ainsi, les pratiques urbaines se délocalisent et se relocalisent, se désynchronisent et se resynchronisent3, se détachant de certains lieux anciens et en créant de nouveaux. Les interdépendances spatiales et sociales se développent, mais aussi le degré de liberté et de choix individuel. De nombreuses activités s'externalisent et se fragmentent. Elles récupèrent la ville historique et investissent des lieux nouveaux : loisirs,commerces, restaurations, sports, évènements festifs plus ponctuels. Les individus multi-localisés n'habite pas seulement l'espace du logement, mais aussi celui du travail et des loisirs, spatialement et temporellement distincts. Dans les mutations sociétales qui influent les implantations spatiales, les nouvelles configurations familiales prennent une part importante. Elles ne signifient pas une dislocation des liens sociaux mais une recomposition et une diversification, un élargissement de ces groupes. Elle s'accompagne d'une autonomie croissante des individus : le travail des femmes, la mobilité de plus en plus précoces des enfants. Le choix d'un lieu de vie devient indépendant de la localisation de l'emploi

48 et donc plus libre. Ce qui devient prépondérant, c'est le potentiel d'accessibilité : les urbanisations plus fortes près des nœuds de mobilités, elles permettent aux individus des accessibilités différenciées. Ce qui est une liberté pour certains devient ségrégation et contraintes pour d'autres : le risque pour les plus démunis est de faire face à de faibles accessibilité aux pratiques urbaines contemporaines. "Les transformations métapolitaines continuent de faire évoluer les distinctions et relations public/privé, dégageant trois principaux types de circonstances socio-spatiales : le chez-soi, qui n'est pas seulement le logis mais l'espace de pratiques sociales individuelles et collectives variées ; l'urbain, qui est le territoire des sociabilités externes, de chacun "au milieu des autres" ; et le communautaire, qui est l'espacetemps de 'l'entre-nous' ." Ascher, 1995 Par ailleurs, ces configurations spatiales et les mutations sociétales permettent une internalisation de certaines pratiques individuelles ou collective. L'économie de l'information et de la communication remet en cause les séparations de certaines fonctions (habitat, travail, loisirs). Le logement ne sert plus seulement à la vie privée, tout en devant permettre une individuation plus grande des espaces. La dispersion et la fragmentation spatiale de l'urbain contemporain et les pratiques corrélées dénotent d'un changement de hiérarchie entre les espaces de l'urbain contemporain. La liberté des pratiques sociales est établie selon le principe de connexité ; la nécessité de proximité se réduit. Le statut des espaces publics, peu présents au sein des urbanisation dispersées s'en trouve questionné. Sans remettre en cause leur importance, il convient de s'interroger sur la mixité d'usage et l'appropriabilité singulière de ces espaces. Les espaces liés à la mobilité prenant une importance croissante dans le quotidien des individus s'imposent comme les lieux prioritaires à investir: "plutôt que des non-lieux, ce sont des lieux nécessaires au spatialisations de la vie que nous sommes vraisemblablement en train de réaliser4".


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Photos satellites (Bing), de haut en bas : Dietlikon, Suisse Mirano, Italie Niel, Belgique


Urbanisations dispersées en Europe

L'urbanité des urbanisations dispersées peut donc être individuée et singularisée : la mobilité et la communication permettent une sociabilité élargie, localement et temporellement choisie. "L'urbanité est à la fois un état d'esprit et un mode de vie, un code de conduite et un cadre architectural et urbain. C'est une urbanité qui rend possible l'anonymat et qui pourtant est le fondement d'une sociabilité élargie et renouvelée, éventuellement discontinue et épisodique. C'est une urbanité qui alimente et nécessite une plasticité de la ville et son adaptabilité à des modes de vie multiples." ASCHER, 1995, Métapolis ou l'avenir des villes L'urbanité est plus complexe mais également plus libre. Elle peut être discontinue, spatialement et temporellement5.

MAILLAGE ET DISTANCES Les cartes montrent dans les trois régions européennes étudiées un développement important des infrastructures de transports, routier et ferroviaire. L'agencement spatial des urbanisations dispersées est fortement lié au maillage du territoire. La forme des réseaux de flux physiques détermine beaucoup les implantations6. On parle d'un empilement et un croisement de réseaux qui strient le territoire, des mailles territoriales qui conduisent l'urbain. De plus, la vitesse, au delà du fait d'être connecté ou non rapproche ou éloigne les lieux. La métrique de l'espace dépasse les simples distances kilométriques. La connexité a remplacé pour bonne part la proximité. Elle met en relation les 'lieux' de l'urbain dispersé dans une dimension spatio-temporelle qui va au delà des configurations spatiales. "Nous sommes à une époque où l'urbain se donne à nous sous forme de relations d'emplacements." FOUCAULT, 1967, Des espaces autres L'espace métropolitain s'offre à nous sous la forme de mise en relation de faits et d'entités souvent sans contiguïté spatiale7. Ce maillage du territoire par les techniques de transports est composé d'axes et de nœuds, mais n'est pas forcément isotrope. François Ascher met en avant le concept

50 de hubs et de spokes comme "partiellement utilisable8" pour rendre compte des recompositions de l'urbain : induit par les réseaux de transports et l'enchevêtrement de divers moyens de mobilité, les nœuds d'interconnexion des différents flux connectent des réseaux secondaires aux réseaux principaux. "L'interconnexion devient une notion clef du développement. Les axes perdent de leur importance : seules les mises en relation comptent" ASCHER, 2000, Habitat et villes Il faut alors s'implanter à proximité des nœuds ou entre plusieurs nœuds pour avoir un accès au maximum de réseaux rapides. Cette complexification du maillage urbain en même temps que la simplification des accès aux lieux éloignés indique un affaiblissement global des hiérarchies qui plaçaient la ville au sommet de tout. Cette mise en réseau de l'urbain propose une forme de 'concentration décentralisée'9. Particulièrement pour l'implantation d'activités, l'accessibilité compte plus que la proximité. Les flux de mobilité comme principe fondateur de l'urbain contemporain ont donc un impact fort sur son organisation spatiale ainsi que sur les choix d'implantation des individus. Ils habitent dans la mobilité. L'hétérogénéité des espaces urbains sont plus ou moins accessible en fonction des flux physiques de mobilité. Le flux comme mode d'habiter et de pratiquer l'urbain engage une nouvelle perception de l'environnement. La vision et la perception sont fragmentées, en mouvement10. La diversification des vitesses de mobilité entraîne une représentation nouvelle des espaces. Cela questionne la matérialisation de la ville et les modes d'habiter. "Nous habitons aujourd'hui des territoires métropolitains, dont on a de la peine à définir les limites, qui contiennent toutes les villes ainsi que des friches en tout genre : urbaines, agricoles, industrielles, un grand nombre d'hétérotopies, de restes de nature artialisée. Nous habitons des paysages hybrides dont les parties qui les composent sont connectées par des réseaux techniques et de mobilité toujours plus complexes" DAGHINI, Le devenir des villes, Face n°46 Au delà du réseau visible des infrastructures im-


51 porte celui des télé-communications, ainsi que les techniques de stockage des informations. Ces "flux relationnels12", bien que demandant des supports techniques physiques semblent dans la pratique s'affranchir des contraintes spatiales. Ils sont déterminants dans la réticularisation globalisée de l'urbain.

la vitesse des flux et les télécommunications entraînent des rapports sociétaux qui ne correspondent plus forcément aux implantations spatiales. On ne peut pas pour autant parler avec nostalgie d'une dislocation absolue de la ville telle qu'on l'a connue. Elle se modifie et s'intègre dans le maillage urbain mais ne disparaît pas15.

"Les 'flux relationnels', c'est-à-dire d'informations, peuvent générer des réseaux sans configurations hierarchique, ou à faible organisation hierarchique, avec des maillages multi-directionnels." ASCHER, Habitat et villes

"Les relations entre formes et modes de vie dans la métropole contemporaine s'étendent à une dimension spatiale beaucoup plus vaste que celles habituellement conférée à la ville. L'étendue des territorialisations en cours ces dernières décennies ne correspond plus à des mouvements dans lesquels la ville se fait et se défait en elle-même, mais à des processus de déterritorialisation et de reterritorialisation de l'espace ou la 'ville' est présente comme un 'genre urbain diffus'. Mais aussi, dans maints cas, comme un simulacre'" DAGHINI, Le devenir des villes, Face n°46

Les implantations humaine, désengagées d'une parties des contraintes spatiales qui régissaient la ville traditionnelle peuvent se faire plus librement, en fonction des accessibilités permises par les infrastructures. "Des réseaux techniques, toujours plus performants viennent poser leur résille, toujours plus englobante sur le territoire, qu'ils intègrent dans un système planétaire" CHOAY, Anthropologie de l'espace Par-delà des réseaux de mobilité matériels, c'est donc la superposition d'un 'urbain dématerialisé' de la communication et de l'information qui influe les modes de vie de la société quaternaire, axée sur l'information, la formation, la culture, la recherche, la communication13. Les interactions sociales sont démultipliées et délocalisées. L'appartenance à des communautés d'intérêts, les proximités dans les relations sociales ne sont pas soumises à la proximité spatiales ou à la densité démographique. Les pratiques urbaines se diffuse dans toute la société occidentale : il existe un "genre urbain diffus14," permis par les réseaux de communications, la diffusion et le stockage des informations ainsi que l'individuation des pratiques urbaines. La culture, qu'elle soit populaire ou très pointue est accessible partout : par exemple, la mode, le cinéma ou la musique grâce au e-commerce et au flux d'information en streaming. On assiste à un double processus de spécialisation des intérêts individuels et d'insertion dans un réseau d'échange global. Les relations et interactions entre les individus,

C'est en cela que ce maillage du territoire est intéressant : le territoire n'est pas devenu isotrope et des hiérarchie entre les espaces demeurent mais les rapports entre les individus, l'urbanité ne sont plus obligatoirement déterminés par le lieu de résidence ou le lieu de travail. Le maillage technique et la dispersion de l'urbain permettent une nouvelle forme d'urbanité et une échelle sociale virtuellement mondiale.


Urbanisations dispersées en Europe

GLOBAL, LOCAL ET 'HYPER CONTEXTE' Il y a une cohérence dans les agencements spatiaux entre ces différentes régions européennes. Le même fonctionnement, basé sur les principes de la distanciation et de la connexité à travers le maillage du territoire se retrouve dans les trois zones cartographiées. L'atlas montre toutefois des différences fortes dans les configurations spatiales des trois régions. L'urbain dispersé européen suit un "mode à la fois unique et polymorphe d'investir l'espace habitable16". L'apparent chaos de ces urbanisations dispersées possède des logiques globales mais aussi des logiques locales; il cache d'une organisation complexe et différenciée. On lit sur les cartes que les agencements des urbanisations dispersées européennes dépassent les frontières administratives. Un univers autre se met en place : "empilement de réseaux, d'espaces spécialisés, de redéploiement de centralités, de parties de lieux déconnectés, de restes de villes" qui forment des villes territoires, des 'territoires métropolitains'17. La ville-territoire se met au place à l'échelle de la région, parfois transfrontalière. Ses limites sont floues ; la recomposition des villes dans un maillage de l'urbain dispersé dépasse les régions. Cette recomposition de l'urbain à la fois local et globalisé met en cause les hiérarchies nationales18. "Le nouveau processus de métropolisation est la conséquence des mutations profondes des systèmes de production et d'échange et en particulier de leur internationalisation qui limite considérablement l'impact des politiques d'aménagement du territoire". ASCHER, 2000, Habitat et villes La connexité ne supprime ni les distances matérielles ni les spécificités locales. Tout ce qui ne se télé-communique ou ne se transporte pas prend une importance croissante19, renforçant une nouvelle polarisation différenciée cet urbain européen. La force d'attraction de ces polarités dépend de plus en plus nettement de leur "degré de connexion aux systèmes internationaux de transports et de communication mais également de sa capacité à générer des synergies locales20" .

52 Les points qui réunissent les différents flux et ont donc un fort potentiel de connexité prennent une valeur croissante, principalement dans l'établissement des activités. La localisation des individus et des entreprises se fait en fonction d'une ou plusieurs ressources principales non normalisable ou transférables21. Ces facteurs peuvent être climatiques, paysagers, historiques et culturels, liés à la population habitant le lieu, aux autres entreprises implantées et enfin à la qualité des infrastructures urbaines présentes22. Ces divisions, cette fragmentation globale de l'urbain font resurgir le sens et la demande de lieux localisés. "De manière inattendue, la ville au sens fort d'une association de gens liés par leur citoyenneté et par le lieu réapparaît quand la cohésion qui soude des territoires hétérogènes, des cultures multiformes est cassée. Les territoires divisés, les villes déchiquetées font resurgir dans notre présent le sens et la demande de liens et d'espaces d'association qui on constitué la ville dans l'histoire. Ils font resurgir aujourd'hui des liens apparemment très relâchés entre les individus qui habitent la métropole De nos jours, quels sont les motifs ont en effet les homes de s'associer dans les régions et les territoires métropolitains ?" DAGHINI, 1999, Le devenir des villes Le logement demeure une stabilité à partir de laquelle on se déplace dans les lieux de l'urbain contemporain23. La territorialisation de l'habitat, lorsqu'elle est choisie dépend toujours de facteurs locaux. Mais le logement devient plus important que le quartier dans la localisation de son habiter; les interactions sociales dépassent cette échelle spatiale et peuvent aussi intégrées au logement, virtuellement ou physiquement. Pour certains individus toutefois, le niveau local demeure prépondérant ; captifs, ils ne peuvent pour des raisons financières, culturelles accéder aux réseaux globaux de l'urbain24. "Actuellement, nous nous trouvons dans un monde où notre réalité est construite par une hybridation complexe entre les territoires de proximité (local) et les réseaux globalisants". STRATIS, La démarche de projet à l'échelle urbano-architecturale Les individus et les activités s'établissent dans un


53 réseau globalisé tout en continuant à être localisées. Cette situations d'hybridation entre le local, l'implantation dans un lieu et les réseaux globalisants changent les dynamiques de territorialisation. Stratis propose la notion d' 'hyper-contexte' pour désigner cette hybridation entre le local et le global. "La question qui se pose, actuellement, est de savoir quelles sont les nouvelles pratiques de projet qui sont inscrites dans une dynamique local/global, autrement dit quelles sont ces nouvelles pratiques de projet qui pourront d'une par assurer et mettre en valeur les ressources contextualisées et d'autre part assurer un rôle dans un contexte globalisant, en évitant les tendances de fragmentation et d'isolation. [...] Quelles sont les nouvelles pratiques de projet qui établissent à la fois un ancrage territorial et un branchement aux réseaux globalisants ?" STRATIS, La démarche de projet à l'échelle urbano-architecturale "La généralisation de la ville comme genre urbain diffus impose au projet l'exigence de travailler sur des lieux selon leurs prorpes matérieux et qualités, selon des singularités finies, aux possibilités illimitées" DAGHINI, 1999, Le devenir des villes Il devient impossible de rester dans la seule proximité ou la seule relation avec les réseaux globalisants. Le choix des localisations et de manières de projeter l'habitat, les activités dépendent désormais d'une hybridation forte entre le local et le global.

ENCHEVÊTREMENT D'ÉCHELLES Dans l'urbain européen, de nouvelles échelles apparaissent, dépassant l'importance dans la pratique de l'urbain celles de la ville : le territoire métropolitain, la prise d'importance d'une échelle globale, la micro-échelle du logement ou de l'équipement. L'atlas cartographique permet de lire partiellement cette recomposition des hiérarchies entre les échelles. Il n'y a plus d'emboîtement clair entre celles-ci : "juxtaposition, irruption, superposition, mélange, coexistance, densité, vides, mis en connexion par un réseau25". Les échelles adminis-

tratives et les pouvoirs qui leurs sont délégués ne sont plus adaptées à la gouvernance des territoires : celle de la commune en France par exemple, ou celle de la région, encore trop faible26. La discontinuité physique des espaces urbains et leurs réticularisation floutent les limites des territoires métropolitains. Le modèle de Christaler, parfois mis en avant pour expliquer la métropolisation des territoires est dépassé ; basé sur un système réticulé mais ou l'influence et les relations entre les pôles dépendent de leurs tailles, il est inapte à décrire l'urbain de l'enchevêtrement des échelles. La réticularisation se fait à toutes les échelles, et est moins centrées autour des villes. Entre les espaces existe une 'interspatialité'. L’espace n’est pas seulement physique, c’est un concept hybride : à la fois virtuel et physique. Lussault donne trois dimensions de l'espace urbain contemporain. Le lieu est la "plus petite unité spatiale complexe". L'aire est surface plus grande que le lieu et divisible, dont l’idéal-type est le territoire. Enfin, le réseau, qui est caractérisé par la non-contiguïté et la connexité27. Les pratiques urbaines qui s'individualisent et de complexifient ne s'effectuent plus dans les mêmes échelles. Les déplacements sont plus fréquents et plus diversifiés, se font quotidiennement dans plusieurs dimensions d'un territoire, proches et lointaines. Les distances parcourues augmentent et les déplacements s'accélèrent. Les individus ont la possibilité, voir la nécessité de sortir de la proximité pour le travail ou les loisirs. Cela réduit de fait les opportunité et les occasions de relations sociales dans les espaces proches qui formaient les quartiers28. Les individus se déplacent dans des territoires géographiques et sociaux distincts, dans des cercles sociaux multiples. Ces interactions, physiques ou virtuelles entre des champs différents à des échelles différentes semblent vouloir tendre vers une impossible ubiquité29. Selon les temporalités, les ages, les possibilités, les individus pratiquent et commutent les différentes échelles de l'urbain. Ces potentialités sont plus difficilement accessibles par les groupes sociaux ayant peu accès à la mobilité. Certaines dimensions prennent le dessus : le logement, la ville-territoire, le global.


Urbanisations dispersées en Europe

Les échelles se croisent de par l'intervention des techniques de communications et de déplacement : les sphères publiques et privées en sont d'ailleurs redéfinies. . "Les transformations métapolitaines continuent de faire évoluer les distinctions et relations public-privé, dégagent trois principaux types de circonstances sociospatiales : le 'chez-soi', qui n'est pas seulement le logis, mais l'espace de pratiques sociales individuelles et collectives variées ; l'urbain, qui est le territoire des sociabilités externes, de chacun 'au milieu des autres' ; et le 'communautaire', qui est l'espacetemps de l' 'entre-nous'. ASCHER, Métapolis Avant, le modèle urbain était hiérarchisé de la grande à la petite échelle : village, bourg, petite ville, ville moyenne, grande ville, métropole. De même, dans les pratiques d'habiter on retrouvait une hiérarchie entre le logement, le quartier, la commune. La fréquentation des commerces, les activités, l'emploi et les interactions sociales étaient influencés fortement par ce système concentrique. Aujourd'hui, l'enchevêtrement et le modèle de la connexité complexifient le système tout en simplifiant les pratiques par des connexions courtes30. La vie quotidienne des individus n'est plus organisées en "cercles concentriques : maison - cour - rue - quartier - ville - pays"où "toutes les petites choses indispensables à la vie se trouvaient à proximité immédiate"31 On fait face à une "insularisation" progressive de la vie quotidienne ; la dispersion des lieux urbains et leur différenciation, leurs spécialisation organise la vie autour de ces "îles" spatiales et temporelles. De ces constructions d'espaces et de champs sociaux à plusieurs échelles spatiale, François Ascher file la métaphore d'une société "hypertexte"32. Dans cette société de l' 'hypertexte', la pratique de l'urbain et de l' 'hypermobilité' permettraient une appartenance simultanée à des champs d'échelles divers et le passage de l'un à l'autre serait facilité L'enchevêtrement des échelles de l'urbain est une potentialité forte pour les modes d'habiter les urbanisations dispersées et la pratique de projet : il autorise la possibilité de choisir les lieux pour leur qualités, de travailler sur un lien au local en accédant au global. Cependant, il se pose des problèmes, notamment ceux de gouvernance évoqués

54 précédemment, et le manque de prise en considération de cet enchevêtrement dans la pratique de projet. Il semblerait également que le grand maillage urbain qui réticule les territoires métropolisés pousse d'autres échelles urbaines à disparaître, notamment celles de la proximité, du voisinage. Au début de l'âge industriel, l'espace de la circulation a pris de l'importance dans la régulation des distances de la ville. La mobilité s'adjoint à la proximité, mais les échelles (la ville et son espace extra-urbain, le quartier) coexistent. Les travaux d'Haussmann à Paris consistent en la mise en place d'un grand système de circulation qui dépasse les limites de la ville telles que perçues jusqu'alors. Cependant, dans les mailles du système subsistent des fragments antérieurs de diverses échelles.33 Il faudrait penser à plusieurs échelles, et non pas seulement à l'échelle de la ville-territoire (pensée moderne du branchement d'objets autonomes sur un réseau) ou en terme d'emboîtement des échelles (du logement au quartier puis à la ville) mais envisager que ces échelles se croisent, interfèrent. L'urbanité contemporaine n'est pas définie par la seule proximité, elle est comprise comme un "cadre social et physique qui, en maximisant la liberté de chacun, ouvre la possibilité pour des voisins de partager des lieux, et de partager ou non des pratiques, des opinions". Elle est l'objet d'un choix temporel et spatial, d'un choix d'échelle également. Le maillage des territoires et la prépondérance d'une échelle d'aménagement territoriale créent un urbain formé de pièces autonomes trop souvent mono-fonctionnelles, sectorisés34. L'accessibilité, liée à la notion de connexité sont des données importante dans la pratique de projet contemporaine mais tendent à effacer l'articulation au proche à l'échelle locale. Cette articulation doit se faire dans les différentes échelles, pour les usages et les espaces, les qualité architecturales et paysagères des lieux. Il s'agit de "combiner le grand maillage technique de la modernité à l'échelle locale de l' 'edilizia minore'35 ". "L'un des déficits importants de cette ville est que, intégrant la grande échelle du territoire dans sa structure, elle oublie l'échelle urbaine.


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Photos satellites (Bing), de haut en bas : Fiumicello, Italie Freienwill, Suisse Grimbergen, Belgique


Urbanisations dispersées en Europe

Ne misant que sur la connexion topologique, le topographique a été délaissé. Or il est un des constituants même de l'urbain. Le contact topographique n'a lieu à aucune des échelles su territoire. Les zones se jouxtent mais dressent des barrières et les capsules monofonctionnelles bâties qui s'y trouvent ne se mettent à aucun moment des population différentes en relation. Or la performance de la ville mise sur ces deux échelles. La ville doit disposer de lieux qui attirent des gens différents et pour des raisons distincte. Il n'est pas nécessaire que la mixité fonctionnelle et sociale soit permanente mais il faut des attracteurs multifonctionnels et multisociaux." ASCHER, L'âge des métapoles Il ne s'agit pas de pas chercher à retrouver des modèles du passé, de tomber dans un historicisme ou une tentative de copie formelle. Il faudrait questionner la mixité des usages, la mixité des échelles, la mixité des accès pour permettre une liberté et une individualisation des pratiques urbaines sans verser dans un éclatement total des espaces urbains. Les types contemporains ne sont plus ceux de la ville ou de ses périphéries. Les lieux de mobilités lient les différentes échelles. Dans un monde sectorisé ou il faut réinterroger la place des lieux publics et de leurs usages, ces endroits sont stratégiques, "des sortes de lieux qui sont en dehors de tous les lieux bien que pourtant ils soient effectivement localisés36".

IMPORTANCE DE L'ESPACE NON-BÂTI / "PAYSAGE CONSTRUIT" L’importance quantitative de l’espace non-bâti apparaît dans les portraits cartographiques. Malgré une urbanisation extensive, plus de la moitié du territoire de l'urbain dispersé reste non-bâti. Souvent qualifié de "vide", il fait la diversité de ces espaces. Entre les trois régions de l'urbain dispersée européen, on note des différences dans ses formes et ses dispositions. Selon Thomas Sieverts, la "densité des domaines urbains" ainsi que "leur niveau d'interpénétration avec les espaces non bâtis et le paysage" sont les éléments qui permettent de caractériser les différentes urbanisations dispersées (comparables au modèle de la Zwischenstadt).

56 Autour de Zurich, il est fortement influencé par la topographie et la culture agricole. Les sites de montagne restent très peu urbanisés et mêmes peu anthropisés. Dans la Vénétie, la grille d'infrastructure semblable sur une partie du territoire au motif du "centuriation" Romain, ainsi que les systèmes de drainage de l'eau donnent aux espaces non bâti, principalement agricoles, leur forme et leurs proportions. La création d'un dense réseaux de routes et de tramway au XIXe siècle a guidée une urbanisation fortement morcelée dans le diamant flamand ; la disposition des espaces non-bâtis, soumise à ce maillage infra structurel s'en retrouve fortement morcelée. Ils ne sont protégés ni par la topographie, ni par une planification en amont du territoire37. La critique récurrente des urbanisations dispersées concerne sa consommation du sol. Il est vrai que suivant le maillage infra structurel, la surface de routes et autres éléments imperméables peut devenir trop importante respectivement au sol non transformé. Cependant, la grande proportion d'espaces non-bâtis, parfois liés qualitativement les uns aux autres garantit un réseau "naturel". Dans la ville concentrée et compacte, le bâti prend le pas sur le vide. Dans les urbanisations dispersées, les espaces non-bâtis sont proportionnellement plus présents. Les rapports entre les espaces non-bâtis et les urbanisations se sont cependant inversés par rapport à ceux qui opposaient la ville et la campagne. D'une altérité, d'une externalité, ces 'vides" sont aujourd'hui intériorisés dans l'urbain dispersé dont ils sont devenus une composante. Les urbanisations se répandant dans l'espace non-bâti, ils en deviennent une résultante et sont en quelques sorte "construits"38. Dépendants de l'intervention humaine, les travaux d'urbanisme et de planification sont trop souvent concentrés sur le bâti et le maillage infra structurel. Ces espaces non bâtis y sont subordonnés, et donc fragiles. Le projet d'architecture peut au contraire faire ces espaces "vides" et de leurs relations avec les "pleins" une matière principale de projet dans ces territoires. Le bâti et le non-bâti sont entrelacés, interconnectés, avec "des espaces de développement -présence- et des espaces (opératifs) en réserve


57 -absence39". Il devient une véritable question donc, de projeter le "vide"; sa forme, ses dispositions, ses qualités. Ils ne doivent pas être traités comme des éléments résiduels déconnectés entre eux et avec le bâti, mais au contraire comme un système opératoire, pouvant garantir une certaine continuité. Après avoir concentré le travail architectural sur le plein, il devient évident dans l'urbain dispersé de traiter les deux, pleins et vides sur un même plan d'importance ; le travail de projet peut consister à les lier, les combiner. Ce sont ces "vides", leurs formes, leur natures qui actuellement font la diversité des territoires de l'urbain dispersé européens. Intégrés au travail de projet à toutes les échelles, ils peuvent en faire l'identité et la qualité. Même constitués d'édifices, de formes et d'implantations hétérogènes, l'urbain dispersé peut conserver et construire une cohérence à travers le paysage, le réseau d'espaces non-bâtis40. Les critiques nombreuses qui en sont faites concernent pour bonne part l'étalement urbain et la 'dénaturalisation', 'destruction' supposée du paysage. Il serait cependant plus juste de parler de "paysage construit" plutôt que de "consommation du paysage" lorsque l'on traite des urbanisations dispersées. Le "paysage" englobe aujourd'hui le bâti comme le "naturel". Le milieu auquel s'entrelace l'urbain, anthropisé en grande partie devient un artefact. Le bâti et le non-bâti peuvent être perçus comme un ensemble qui fait paysage. Ce changement de paradigme, de la "ville par essence opposée à la nature" à l'urbain comme "un élément d'une nature fabriquées par l'homme" est liée à la coexistence dans l'urbain dispersés des espaces s'apparentant à la ville et de ceux s'apparentant à la campagne. Faire la distinction entre "une nature vierge" et une "nature techniquement manipulée" devient complexe tant l'anthropisation du milieu habité par l'homme est avancée41. L'homme est de la nature et son milieu, l'urbain, en est une transformation. On a modifié le cours des fleuves, cultivé les terres accessibles, exploité les forêts : "cet enchevêtrement de la nature et de la technique est irréversible42". Ce "continuum écologique et culturel d'une structure construite" peut alors être considéré comme une cultura au sens latin du terme 43 : l'acte de culti-

ver aussi bien que l'acte de construire. L'homme de l'urbain dispersé, de la nature construite et dans la nature construite, responsable de son milieu transformé peut ainsi prendre conscience de cet environnement. Le non-bâti en relation avec le bâti comme continuum culturel de l'urbain dispersé devient ainsi matière de réflexion et support de projet. Interroger ces configurations spatiale par la place, la forme des "vides" et les manières d'en préserver les qualités pourrait être une piste pour construire un milieu de haute qualité de vie.

F. ASCHER, L'âge des métapoles, ed. Odile Jacob, 2009, l'Aube ed., 392 p. 4 G. DAGHINI, "Le devenir des villes", extrait de FACES n° 46, été 1999 5 F. ASCHER, L'âge des métapoles, ed. Odile Jacob, 2009, l'Aube ed., 392 p. 6 F. ASCHER, Habitat et villes : l'avenir en jeu, 2000, L'Harmattan, 196p. 7 G. DAGHINI, "Le devenir des villes", op. cité 8 F. ASCHER, Métapolis, op. cité 1, 2, 3

I. LAMUNIÈRE, Fo(u)r cities: Milan, Paris, Londres, New York, 2004, Presses Polytechniques Romandes, 188 p. 12 F. ASCHER, Habitat et villes, op. cité 13 T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité 14 G. DAGHINI, "Le devenir des villes", op. cité 15 F. ASCHER, Métapolis, op. cité 16 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 17 G. DAGHINI, "Le devenir des villes", op. cité 18 F. ASCHER, Métapolis, op. cité 19 ib. 20 F. ASCHER, Habitat et villes, op. cité 21 S. STRATIS, Stratégie de projet à l'échelle urbano-architecturale in A. CHARRE (sous la direction de), 2001, Les nouvelles conditions du projet urbain, ed. Mardaga, Liège, 160 p. 22 F. ASCHER, Habitat et villes, op. cité 23, 24 F. ASCHER, Métapolis, op. cité 25 G. DAGHINI, "Le devenir des villes", op. cité 26 F. ASCHER, Métapolis, op. cité

9, 10, 11

M.LUSSAULT, L’homme spatial, op. cité F. ASCHER, L'âge des métapoles, op. cité 30 F. ASCHER, Habitat et villes, op. cité 31 T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité 32 F. ASCHER, L'âge des métapoles, op. cité 33 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 34 D. MANGIN, La ville franchisée, op. cité 35 F. CHOAY, Pour une anthropologie de l'espace, op. cité 36 G. DAGHINI, "Le devenir des villes", op. cité 37 G. BEKAERT, E. CHRIST , After-sprawl, research for the contemporary city, 2002, NAi publishers, 240 p. 38 T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité 39 M. GAUSA, The Metapolis Dictionary of Advanced Architecture: City, Technology and Society in the Information Age, 2002, ed. Actar, 580 p. 40, 41, 42, 43 T.SIEVERTS, Entre-ville, op. cité 27, 28 29


Urbanisations dispersées en Europe

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CONCLUSION ALTÉRITÉ, PROBLÉMATIQUES NOUVELLES L'étude cartographique de caractéristiques de l'urbain dispersé que sont la dispersion et la fragmentation du bâti, l'anthropisation, le maillage a permis des observations qui, croisées aux théories urbaines contemporaines permettent de mieux comprendre l'agencement et la pratique de l'urbain contemporain. Les urbanisations dispersées développent des agencements qui sont tout autres que ceux connus de la ville traditionnelle. La fragmentation et la discontinuité des urbanisations sont liées à une individualisation et une complexification des pratiques urbaines. L’urbain dispersé est à la fois spatial et sociétal, maximise le contact plus seulement la proximité, mais également le déplacement ou la télé-communication, polycentrique, réticulaire. Une nouvelle forme d'urbanité se met en place, délaissant peu à peu la proximité pour se baser sur la connexité. Les pratiques urbaines en sont plus libres mais de nouvelles contraintes naissent ; certains groupes sociaux sont exclus de ces pratiques urbaines. Le maillage du territoire par des réseaux permettant les flux physiques détermine fortement les agencements spatiaux des urbanisations. Les localisations des activités et des individus sont impactées par ces infrastructures. Au réseaux visibles de transports se superpose des réseaux permettant la circulation de flux immatériels d'informations, de données en tout genre. Cette dé-matérialisation des interactions entraînent la diffusion d'une nouvelle forme d'urbanité :"l'urbain partout, tout le temps1".

L'urbain prend la forme d'un réseau globalisé, mais parallèlement cela renforce l'importance des ressources non communicables ou transportables, des conditions locales. Il induit un changement des modes de territorialisation en fonction d'un modèle global et de conditions locales. L'accessibilité aux lieux urbains plus facile et plus rapide permet la recherche de nouvelles formes de localisations, de lien au territoire, à la fois plus connectés et plus spécifiques. L'enchevêtrement des échelles locales et globales, l'introduction du temps comme dimension de l'urbain complexifie les rapports spatiaux. L'émancipation des contraintes de contacts topographiques obligatoires de la ville traditionnelle ne doit pas faire oublier l'échelle locale. La tendance de certains équipements comme des architectures de logements de se dégager de l'articulation au local pour se concentrer sur une accessibilité territoriale risque de faire disparaître une des composantes de l'urbanité, la coprésence. Il convient de développer un traitement créatif de ces potentialités, à la large échelle du territoire comme à l'échelle réduite de l'espace entre deux édifices. Il ne s'agit pas de chercher à diminuer la complexité du système mais essayer de faire tomber les barrières dogmatiques, conceptuelles qui régissent encore nos représentations de la ville et de la campagne. En tant que science, l’urbanisme régulateur a des difficultés à agir sur les urbanisations dispersées2. Partant du postulat d'une maîtrise d'une fait urbain, il est débordé par ces "urbanisations sans urbanisme3".La résolution de problématiques posées par la dispersion toujours plus importante


59 des urbanisations ne semble pas pouvoir passer uniquement par un urbanisme planificateur : trop d’intérêts individuels et économiques privés en jeu. Il s'agit peut-être d'identifier par et pour l'architecture les besoins actuels des habitants de l'urbain contemporain, les supports construits à nos modes de vies. "En quoi l'architecture des édifices peut-elle construire la ville et questionner la planification urbaine ?4" (Inès Lamunière) Comment se matérialisent les modes d'habiter l'urbain dispersé, loin des déductions historicistes ou localistes ?

VERS DE NOUVEAUX TYPES ? La notion d'urbanité est requestionnée par la discontinuité, la fragmentation, l'individualisation des pratiques urbaines mais ne doit pas être abandonnée pour autant. Elle prend de nouvelles formes, dépend plus de la mobilité et des choix des individus sur les lieux où elle prend place. Sa dé-matérialisation partielle , en requestionnant la pratique de l'urbain redéfinissent également les limites public-privé. On habite au delà de son logement, "la question du logement n'épuise pas celle de l'habitat5", et certaines interactions sociales sont internalisées. Peut-être n'y a-t-il plus d'espace absolu où enraciner l'urbanité, ce qui questionne également les rôles et les modalités de mise en place des espaces publics.

sont un exemple démonstrateur ; lieu d'urbanité contemporaine, lié aux réseaux globalisants, à une culture diffuse. En matière d'architecture, de paysage, de flexibilité d'usages, il reste toutefois à imaginer. Les espaces de la mobilité sont un pôle de croisement obligé des habitants de l'urbain ; ils acquièrent de nouvelles fonctions, de loisirs et commerciales. L'articulation au proche reste souvent faible. La notion d' 'hyper-contexte'6 implique l'hybridation d'une situation globale et d'un contexte local. Elle demande à la conception d'un projet de s'interroger sur les conditions locales et le lien au réseau global d'un lieu. L'articulation du projet à toutes les échelles, la remise en question de l'adéquation des formes architecturales actuelles avec les modes de vie contemporains doivent fonder les questionnements de chaque projet de l'urbain dispersé. Il n'existe pas de solution unique, idéale ou définitive. Le dégagement de ces représentations rigides du passé, doit permettre une conception architecturale plus libre, prenant en compte les données sociétales, urbaines, environnementale des milieux contemporains. Il s'agit de montrer que l'on peut construire quelque chose à partir des potentialités de ces territoires. L'hybridation des espaces, des échelles, des usages doit pouvoir permettre d'ouvrir de nouvelles perspectives. Le milieu des urbanisations dispersées, loin de réclamer un modèle parfait est le lieu des possibles.

La formulation de nouvelles problématiques questionne l'imagination de nouveaux types. Les dogmes et les convictions de la seconde moitié du XXe siècle sur la bonne manière de faire la ville et l'architecture ont disparu et laissé place à un état général d'incertitudes. M. LUSSAULT, 2007, « L’homme spatial, La construction sociale de l’espace humain », ed. du Seuil, 363 p. 1

Dans cette recherche de réalités nouvelles, la place des espaces non bâtis est une qualité en devenir de l'urbain dispersé. Le dépassement de l'opposition de la nature au bâti peut permettre une plus grande interaction entre un édifice et son milieu. En réalité, de nouveaux types ont déjà pris place dans les urbanisations dispersées ces dernières dizaines d'années, profitant des potentialités offertes par celles-ci. Les centres commerciaux en

F. CHOAY, 2006, «Pour une anthropologie de l'espace», ed. du Seuil, Paris, 417 p. 2

B. GROSJEAN, 2010, «Urbanisation sans urbanisme, une histoire de la ville diffuse», ed. Mardaga, 350 p. 3

I. LAMUNIÈRE, 2004, "Fo(u)r cities: Milan, Paris, Londres, New York", Presses Polytechniques Romandes, 188 p. 4

5

M. LUSSAULT, op. cité

S. STRATIS, La démarche de projet à l'échelle urbano- architecturale in "Le nouvelles conditions du projet urbain", sous la dir. de A. CHARRE, 2001, ed. Mardaga, Liège, 160 p. 6


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MĂŠmoire de master, 2014, ENSAL

Lauranne Millet Architecte D.E.


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