Le Bloc

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Le bloc


À l’avancée dans le bloc, sa chair entre en mouvement. Les portes s’ouvrent et grincent, elles laissent passer l‘air neuf. Il s’aligne, il s’abaisse, il commence à prendre corps.


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Finalement tout est systématique, La logique est implacable. Son corps se déplace avec l’aisance d’une chaïne de production. il ne connait pas encore ce milieu, mais son fonctionnement est inné.


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Le décor se pose et son corps s’oppose.


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L’odeur est âcre, l’ambiance est pesante. Passé le silence morne de l’entrée seulement ponctué par des injonctions, le bruit devient plus prégnant.


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Les sons, d’abord lointains, se font plus denses, plus étouffants. Ses tempes résonnent et l’assourdissement est tel que ses pensées semblent se retirer derrière ses yeux vitreux.


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Les premiers muscles de son corps faiblissent, se meuvent, s’adaptent. Les murs, le plafond, les grilles... L’espace restreint le contraint.


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Ce sont autant de parois, autant de limites qui entrent en conflit avec son existence.


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Les lignes s’entrecroisent. Elles menacent. Leur danse est vicieuse, et leur objectif tout proche. Son corps esquive mais bientôt, on sait qu’il cedera. La tentation sera telle. Tout son être s’harmonisera avec les murs.


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Son espace, son espace, son espace. C’est à lui. Cette cellule c’est chez lui. Cette cellule, ce n’est qu’une pièce, une pièce habillée par ses propres affaires.


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Maintenant il vit ici. Ces carreaux il les connait par cœur, il les voit tous les jours, il les ressent. Il l’aime finalement sa cellule.


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Son corps se tient. Inconsciemment, il lutte toujours. La contraction de ses membres imite la solidité du béton. - Ce même béton qui l’entoure. Partout Pourtant, si seulement un cheveu venait l’effleurer, il se briserait.


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Solide comme la pierre, fragile comme le verre.


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Peu à peu, la structure prend le pied. Son corps passe au second plan.


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L’a t-il seulement compris ? De toute façon, ils ne font déjà plus qu’un.


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Ses mains, ses mains, ses murs. Ses bras, ses bras, ses barreaux, Sa langue, sa langue, sa ligature, Ses dents, ses dents, son dedans, Son être, son être, sa fenêtre, Sa chair, sa chair, son fer, Son corps, son corps, son décor.


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Il n’existe plus, plus en tant que tel, plus en tant que lui même. Il n’y a plus la personne, seulement la forme.


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Où est-il ?


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Maintenant, la cellule est vide. Il n’y a plus que des murs, un lit défait et des draps sales; La fenêtre est ouverte mais l’air sent le renfermé. Des objets quelconques jonchent le béton froid du sol et l’armature en fer du lit ne grince plus.


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Vis, cloison ou pilier, il n’est simplement plus.

Son corps, son corps, sa mort.


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Achevé d’imprimer à l’ÉSAD Orléans 2019 Caractère : Avara de Raphaël Bastide Papier : 80g


Mégane Lazou


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