Pour une redéfinition de la loi « Paris - Lyon - Marseille » : vers un nouveau mode de scrutin ? Régis Corréard
Synthèse – En 1982, dans le contexte des lois de décentralisation, la loi PLM fixe un nouveau mode d'organisation pour les trois plus grandes villes françaises : Paris, Lyon et Marseille. Régulièrement contestée pour les nombreuses anomalies que son mode de scrutin engendre, la loi PLM n'a pourtant jamais été réformée en profondeur. A l'aube d'un nouvel acte de la décentralisation, souhaité par le président de la République, cette note montre combien est essentielle une réforme de cette loi et particulièrement de son mode de scrutin. Cette note permet de pointer les différents dysfonctionnements provoqués par le mode de scrutin actuels depuis sa première application en 1983. Ils sont nombreux : une liste minoritaire en nombre de suffrage peut être majoritaire en nombre d'élus, nombre très faible d’électeurs votant directement pour le futur maire, le morcellement en plusieurs campagnes électorales occultant souvent les enjeux fondamentaux ... Après avoir démontré la nécessite d'une réforme, l'auteur propose un nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseils municipaux de Paris, Lyon et Marseille. Un nouveau mode de scrutin compréhensible de tous, mettant en avant l'unité du territoire en élisant le conseil municipal au scrutin proportionnel de liste. Le conseil municipal ainsi élu, une majorité stable mais non écrasante se dégagera et sera placée sous le contrôle d'une opposition renforcée. Les mairies d'arrondissement ou de secteur perdureront. Le rééquilibrage des pouvoirs entre ces dernières et les mairies centrales feront d’ailleurs l'objet d'une prochaine note.
Régis Corréard – Juin 2012 – www.thinktankdifferent.com
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La loi n°82-1170 du 31 décembre 1982, dite « PLM » d’après le nom de villes concernées, fixe un statut particulier pour les trois plus grandes villes françaises Paris, Lyon et Marseille. Lyon et Marseille deviennent des collectivités territoriales à statut particulier. Paris qui est à la fois une commune et un département, dispose d’un statut dérogatoire antérieur à 1982. Cette loi, adoptée dans le contexte de la décentralisation et portée par le ministre de l’intérieur de l'époque Gaston Defferre, avait comme objectif de renforcer la démocratie locale en rapprochant le pouvoir municipal des citoyens grâce à un nouveau mode de scrutin et à des nouvelles prérogatives pour les mairies de secteurs. Des motifs politiques sont aussi avancés pour expliquer cette loi et notamment le nouveaux mode de scrutin que Gaston Defferre aurait imaginé pour assurer sa réélection, qui était très incertaine, à la mairie de Marseille en1983 et pour affaiblir le maire de Paris, Jacques Chirac, nouveau leader de l'opposition. Cette loi crée alors un modèle d’organisation à deux niveaux: -Le niveau central correspond au Conseil de Paris ou aux conseils municipaux de Lyon et Marseille. - le niveau des secteurs correspond aux arrondissements à Paris et Lyon et à des secteurs (paires d’arrondissements) à Marseille. Ainsi sont élus: -A Paris 163 conseillers municipaux et 354 conseillers d’arrondissements dans 20 secteurs. -A Lyon 73 conseillers municipaux et 148 conseillers d’arrondissements dans 9 secteurs. -A Marseille 101 conseillers municipaux et 174 conseillers d’arrondissements dans 8 secteurs. Trente ans après l'adoption et la promulgation de cette loi et 29 ans après sa première application, des voix s’élèvent régulièrement pour critiquer le mode de scrutin défini par loi PLM. Au moment où la gauche prévoit un acte III de la décentralisation il parait important de réfléchir a une vaste réforme de la loi PLM qui garantirait une légitimité démocratique plus forte du maire, mais aussi réfléchir à un meilleur partage du pouvoir entre le niveau central et le niveau des secteurs et avec comme objectifs de rompre avec l'opacité de cette loi pour permettre une meilleure compréhension du mode de scrutin et des pouvoirs de chaque échelons par les citoyens, pour favoriser leur implication dans la vie de la cité. (objet de la deuxième note) Un mode de scrutin moins complexe pour les citoyens mettant en avant l'unité d'un territoire sans omettre ses différences. Le mode de scrutin actuel La loi du 19 novembre 1982 met en place un scrutin mixte pour les villes de plus de 3500 habitants. Le scrutin pour les élections municipales se base sur le système de « la prime à la majorité ». Concrètement, cela signifie que la liste arrivée en tête du suffrage reçoit la moitié des sièges ; l’autre moitié étant distribuée proportionnellement aux scores obtenus, incluant la liste en tête. Une liste qui obtient plus de 50% des suffrages se voit donc accorder au moins 75% des sièges au conseil municipal. Le nombre de siège au conseil municipal est fixé par la loi selon la taille de la commune.
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Le but de ce scrutin est de faire ressortir une majorité forte permettant de mener une véritable politique communale sous le contrôle d’une opposition. La spécificité de la loi PLM réside dans le fait que le scrutin a lieu dans plusieurs circonscriptions électorales : dans les secteurs ou les arrondissements. Les citoyens élisent, selon le mode de scrutin des villes de plus de 3500 habitants, un conseil d'arrondissement ou de secteur et un tiers des ces derniers deviennent conseillers municipaux. Ces derniers élisent enfin le maire et ses adjoints lors du premier conseil municipal de la mandature. Un mode de scrutin ne permettant pas à la démocratie de s'exercer dans les meilleures conditions. La première anomalie du mode de scrutin prévu par la loi PLM est la prime à la domination spatiale et territoriale par rapport au total des suffrages obtenus. En effet avec le scrutin se déroulant dans plusieurs circonscriptions électorales il n'est pas nécessaire de recueillir 50% +1 des suffrages mais compter 50% +1 des conseillers municipaux c'est à dire gagner la moitié des circonscriptions électorales rapportant le plus de conseillers municipaux. Dans ce mode de scrutin des écarts très inégaux en voix peuvent, d’une circonscription à l’autre, produire le même écart en siège : toutes les voix n’ont donc alors pas le même poids. Dès la première application de ce mode de scrutin en 1983 cette anomalie apparut avec la réélection de Gaston Defferre à la mairie de Marseille avec moins de voix que son adversaire de droite Jean-Claude Gaudin. L’élection municipale marseillaise de 1983 ne fut pas un cas unique et cette bizarrerie se reproduit en 2001 avec Gérard Collomb et Bertrand Delanoë qui furent élus respectivement maire de Lyon avec 10 000 voix de moins que la droite et maire de Paris avec 4 000 voix de retard sur la droite. Ces résultats n’enlèvent rien à la légitimité de Bertrand Delanoë et Gérard Collomb qui ont d'ailleurs été réélus plutôt facilement en 2008, ils sont seulement le produit d'un mode de scrutin particulier qui a fait son temps et qui doit désormais être corrigé. Ce qui constitue la deuxième anomalie du mode de scrutin prévu par la loi PLM est l'élection du maire. Elle se déroule en trois étape : tout d’abord le maire est élu conseiller d'arrondissement ou de secteur dans sa circonscription électorale puis il est élu conseiller municipal par le conseil d'arrondissement ou de secteur dont il est élu et enfin maire par le conseil municipal. Pour illustrer prenons l'exemple de Jean-Claude Gaudin le maire de Marseille. En 2008 il fut tout d'abord élu conseiller de secteur par les habitants des 6eme et 8 arrondissement puis conseiller municipal et enfin maire par les 101 conseillers municipaux de Marseille. Ce mode d'élection du maire comporte deux problèmes. Le premier est le nombre très faibles d'électeurs votant directement pour le futur maire: reprenons l'exemple de l’élection de Jean Claude Gaudin à Marseille qui en 2008 est élu conseiller de secteur dans le 4eme secteur de Marseille correspondant au 6eme et 8eme arrondissement de Marseille (arrondissements historiquement de droite). Cette liste, qu'il menait, l'emporta au premier tour avec 52,09% des suffrages exprimés ce qui correspond à 23 600 voix sur 474 806 inscrits au total sur Marseille et 274 151 votants au premier tour de l’élection municipale de mars 2008. Un maire élu par un nombre si restreint d’électeurs sur une si petite partie de la commune est-il dans les meilleures conditions pour gouverner la ville ? Sera-t-il le maire des tous les habitants de sa ville et pas seulement celui des électeurs de son secteur d’origine ? Sur des territoires aussi vastes et disparates que Marseille, Paris ou Lyon tout doit être fait pour que l'autorité du maire, tout en respectant et renforçant les contre-pouvoirs, s’exerce le plus facilement sur l'ensemble du territoire : le mode d’élection du maire est une manière d'y parvenir et celui prévu par la loi PLM doit donc être revu.
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Le deuxième problème est l'opacité autour de l’élection du maire pour les citoyens. En effet le maire n’étant pas élu au suffrage universel la question de savoir qui sera le maire une fois le scrutin passé n'est pas toujours évidente pour les citoyens et peut leur échapper si les listes en lice ne se sont pas clairement exprimées. Le maire n’est certes pas non plus désigné au suffrage universel direct dans les communes de plus de 3500 habitants mais le conseil municipal nouvellement élu confie toujours l’écharpe de maire au candidat ayant conduit la liste majoritaire. Dans le cadre de la PLM, le scrutin se déroulant dans plusieurs circonscriptions électorales contrairement aux autres communes de plus de 3500 habitants, le problème est qu’il y a jusqu’à 20 listes majoritaires à Paris, 9 à Lyon et 8 à Marseille. Les électeurs peuvent donc être appelés à se prononcer sans savoir clairement pour quel aspirant maire ils votent. Cette opacité poussa, à plusieurs reprises, les listes candidates souhaitant être le plus claire possible à faire preuve d’imagination pour contourner le mode d’élection du maire au suffrage indirect comme par exemple à Lyon en 2001 avec la liste «Groupe d’études, de réflexion, d’action, de réalisation, et de développement par une croissance ordonnée de Lyon et l’organisation de la métropole bimillénaire» qui peut aussi donner: liste G.E.R.A.R.D.C.O.L.L.OM.B. Finalement plutôt que continuer à chercher des noms de liste plus originaux les uns que les autres, imaginer un mode de scrutin transparent et compréhensible de tous serait sûrement plus utile. Enfin au-delà des anomalies, le mode de scrutin prévu par la loi PLM produit plusieurs effets pervers : Le morcellement en vingt, neuf ou huit campagnes électorales souvent limitées à des enjeux locaux, de personnes et à des thématiques circonscrites au territoire de l’arrondissement (la propreté, le refus ou la contestation d’un aménagement particulier). Ces problèmes gérés par le conseil d’arrondissement ou de secteur (aux pouvoirs très réduits), brouillent la hiérarchie des programmes politiques et occultent les enjeux fondamentaux qui concernent l’ensemble des communes (l’urbanisme, la politique de transports, le logement ou encore la question des inégalités territoriales). Le vainqueur n’étant pas nécessairement le même dans tous les circonscririons électorales, la prime à la majorité ne profite pas forcément au même parti. Par conséquent, le vainqueur au niveau de la ville peut se retrouver dans une situation très délicate en ne disposant que d’une très courte majorité. Par exemple à Marseille la droite gagne l’élection municipale de 2008 avec 6000 voix d'avances mais ne dispose que de 51 sièges au conseil municipal contre 49 à la gauche et un au Front national. En comparaison la droite gagne à Aix-en-Provence en 2009 avec 187 voix d'avances et dispose de 42 conseillers municipaux sur 55. Un nouveau mode de scrutin pour Paris, Lyon et Marseille mettant avant tout en exergue l'unité d'un territoire. Au vu des critiques et des anomalies relevées précédemment, un nouveau mode de scrutin pour Paris, Lyon et Marseille qui met en avant l'unité du territoire de ces villes plutôt qu'en faire un assemblage de circonscriptions électorales décidées de manière plus ou moins arbitraire et avec des arrière-pensées politiques doit être imaginé. Nous proposons que l’élection du conseil municipal se fasse au scrutin proportionnel de liste avec prime à la majorité de 25%. Pour simplifier une liste, paritaire, comportant autant de candidats que de sièges au conseil municipal à pourvoir sera présentée aux citoyens. Si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour le scrutin s'arrête. Les trois quarts des sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages, y compris la liste de tête. Régis Corréard – Juin 2012 – www.thinktankdifferent.com
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En supplément, cette dernière obtient le quart restant des sièges à titre de prime. Si aucune liste n'a la majorité absolue au premier tour, un deuxième tour sera organisé et la liste qui arrivera en tête obtiendra le quart des sièges à pourvoir à titre de prime. Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour, y compris la liste de tête. Les conditions d’accès au second tour seront de réunir 10% des suffrages exprimés sur l'ensemble du territoire. Les listes faisant plus de 5% pourront fusionner avec des listes étant en position de se maintenir au second tour. Ce nouveau mode de scrutin permettra de gommer les anomalies relevées dans ce texte et assureront une meilleure représentation des différentes sensibilités politiques présentes dans nos villes au conseil municipal. Le choix de 25% comme prime à la majorité s'explique par le désir d'assurer une majorité solide capable de gouverner la ville mais pas écrasante comme cela peut être le cas avec une prime à 50%, de ne pas réduire l'opposition au seul rôle de « chien de garde » et de laisser une véritable place à toutes les listes présentes au second tour du scrutin. Pour les mairies d'arrondissement ou de secteur nous proposons de garder le mode de scrutin actuel. La seule différence sera que les conseils d'arrondissements ou de secteurs n'éliront plus leurs représentants au conseil municipal. Les candidats pourront être élus à la fois au conseil municipal et au conseil d’arrondissement ou de secteur. Les responsabilités de maire de secteur ou d’arrondissement et d’adjoint à la mairie centrale ne seront pas cumulables. Les deux élections auront lieu simultanément. Une certaine perdition des citoyens n’est pas à craindre si cette réforme est accompagnée d’une révision des pouvoirs des deux niveaux compréhensibles de tous. Des élections simultanées pour des collectivités différentes ont régulièrement lieu, comme en 2008 avec les élections municipales et cantonales placées aux mêmes dates, et n’engendrent pas d’incompréhension particulière chez les citoyens.
Conclusion Différents responsables politiques de droite comme de gauche se sont élevés contre le mode de scrutin prévu par la loi PLM mais aucune formation politique n’a eu jusqu’à présent le courage de passer à l’acte. A l’aube d’un nouvel acte de la décentralisation le débat autour d’une réforme de la loi PLM ne peut être évité et l’ambition de cette note est d’y contribuer. Ce débat devra répondre aux aspirations de clarté et de démocratie renforcée toujours plus grande des citoyens, et éviter les arrière-pensées politiciennes pour éviter de reproduire les mêmes anomalies qu’en 1982. Cependant réformer le mode de scrutin ne réglera pas tous les problèmes que la loi PLM dans sa mouture actuelle engendre et le débat devra aussi s’articuler autour d’une nouvelle répartition des pouvoirs entre le niveau central et celui des secteurs et de la création d’outils de démocratie participative dans nos villes.
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