Rémunération des dirigeants et gouvernement d'entreprise

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Rémunération des dirigeants et gouvernement d'entreprise Frédéric Palomino

Synthèse - Suite aux excès observés ces dernières années, la rémunération des dirigeants des grandes entreprises fait l'objet de nombreux débats. Ces rémunérations sont souvent jugées trop élevées et causent ainsi des problèmes moraux et éthiques. L'objet de cette note n'est pas de prendre position sur le niveau optimal de rémunération des dirigeants mais de porter une réflexion sur ce que doivent rémunérer ces revenus et sur l'adéquation entre ces revenus et les objectifs poursuivis par l'entreprise. Cette note s’inscrit dans la vision anglo-saxonne où l'objectif principal de l'entreprise est de maximiser la création de valeur pour les actionnaires. Cette conception de l'objectif de l'entreprise s'oppose à celle partagée en France ou en Allemagne où l'intérêt social de l'entreprise prime. Les contrats de rémunération des dirigeants doivent fournir d'une part une rétribution suffisante pour retenir le dirigeant dans l'entreprise et d'autre part une incitation pour le dirigeant à agir dans l'intérêt des actionnaires. Ces contrats sont généralement constitués de cinq composantes : un salaire de base, des bonus, une rémunération en titres de fonds propres, des indemnités de départ et une retraite supplémentaire. La pertinence de ces contrats est remise en question. On note, en effet, une asymétrie de la sensibilité de rémunération à la performance, cette sensibilité étant forte dans les zones de bonnes performances et faible dans les zones de mauvaises performances. Pour mieux comprendre les sources de ce « dysfonctionnement », il convient d'analyser l'organe de l'entreprise qui offre ces contrats : le conseil d'administration (ou le conseil de surveillance). On remarque qu’en France l'indépendance des conseils d'administration vis-à-vis des dirigeants n'est pas suffisante, ce qui est certainement l’une des causes des contrats de rémunérations offerts. La procédure dite de say on pay qui vise à soumettre la rémunération des dirigeants au vote des actionnaires n’a cependant pas résolu les problèmes de rémunération dans les pays où elle a été mise en place. Elle n'a fait que réduire les abus. Le législateur pourrait donc intervenir pour imposer l'indépendance du conseil d'administration aussi bien dans sa composition que dans son fonctionnement, car l’autorégulation par les entreprises ne fonctionne pas. Tout d’abord, il est nécessaire de donner une définition plus étroite à l'indépendance des administrateurs. Ensuite, il convient de donner aux administrateurs indépendants une large majorité dans le conseil d'administration et un total contrôle des comités de rémunération et de nomination des dirigeants. Le législateur peut également intervenir sur la fiscalité des revenus pour aplanir les écarts de rémunération tant un niveau de plafonnement optimal des rémunérations serait difficile à définir. A noter que la fuite (hypothétique) des compétences suite à une augmentation de la fiscalité des très hauts revenus est à relativiser. En effet, des études empiriques ont démontré que le haut niveau des revenus résultait de la valeur de marché des entreprises et non d'une rareté des compétences.

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L’annonce récente du versement d’un bonus différé d’environ 16 millions d’euros à Mr Levy, président du Directoire de Publicis Groupe, a suscité un certain émoi en ces temps de crise économique. Cependant, ce qui est passé beaucoup plus inaperçu est le fait que lors de son départ de son poste de président du Directoire, Mr Levy percevra une indemnité de non concurrence de 5,4 millions d’euros1. Bien que la rémunération différée perçue en 2012 soit trois fois supérieure à l’indemnité de non-concurrence, on peut s’interroger sur laquelle de ces de formes de rémunération devrait susciter le plus d’émoi. En effet, alors que le versement de 16 millions d’euros correspond à l’accumulation de primes non versées au cours des années 2003 à 2011, on peut s’interroger sur la pertinence d’une indemnité de non-concurrence pour une personne âgée de 70 ans. Et ce d’autant que Mr Levy est président de l’Association Française des Entreprises Privées (AFEP) et que le code AFEP-MEDEF sur la gouvernance d’entreprise prévoit que « Le versement d’indemnités de départ à un dirigeant mandataire social doit être exclu s’il quitte à son initiative la société pour exercer de nouvelles fonctions, ou change de fonctions à l’intérieur d’un groupe, ou encore s’il a la possibilité de faire valoir à brève échéance ses droits à la retraite. L’indemnité de départ ne doit pas pouvoir excéder, le cas échéant, deux ans de rémunération (fixe et variable). Ces règles et ce plafond s’appliquent à l’ensemble des indemnités de départ et incluent notamment les éventuelles indemnités versées en application d’une clause de non concurrence. » Au-delà du problème concernant l’indécence potentielle de tels niveaux de rémunération, et l’économie n’a pas grand-chose à dire sur ce sujet, répondre à la question posée ci-dessus revient à s’interroger sur 1) ce que doivent rémunérer les revenus perçus par des dirigeants d’entreprise et 2) si les rémunérations effectivement offertes sont en adéquation avec les objectifs à atteindre. L’un des principaux problèmes que pose la rémunération des dirigeants est l’asymétrie entre la situation des dirigeants et celle des salariés, en termes de corrélation entre rémunération et performances. Lorsque l’entreprise va mal, l’employé risque de perdre son travail, et dans une situation économique avec un taux de chômage élevé, l’employé peut se retrouver en situation de recherche d’emploi pour une période potentiellement longue. Par contre, le PDG n’est que rarement remplacé, et sa rémunération ne baisse que faiblement en termes relatifs. Si l’entreprise va bien, les primes perçues par les salariés sont modestes relativement à leur salaire fixe, alors que pour les dirigeants, la part variable de la rémunération atteint dans certains cas des niveaux stratosphériques. On peut alors s’interroger sur l’optimalité d’une telle asymétrie (quelque soit la fonction objectif qui puisse raisonnablement être retenue pour l’entreprise). Si la rémunération perçue par les dirigeants d’entreprise doit être la récompense d’objectifs à atteindre, alors se pose aussi au préalable la question de savoir ce que doivent être les objectifs poursuivis par une entreprise. A ce sujet, deux visions « s’affrontent ». Selon la première (anglo-saxonne), l'entreprise doit avant tout agir dans l'intérêt de ses propriétaires, c'est-à-dire ses actionnaires. Une entreprise doit donc maximiser la création de valeur pour les actionnaires. Par exemple, le fonds de pension des fonctionnaires de l’Etat de Californie, CalPERS, recommande de manière explicite que le conseil d’administration d’une entreprise ait pour objectif la maximisation des performances opérationnelles et la rentabilité du point de vue des actionnaires2. 1

http://www.lefigaro.fr/societes/2012/03/26/20005-20120326ARTFIG00720-maurice-levy-toucherait-un-bonusde-16-millions-d-euros.php 2 “Corporate governance practices should focus the board’s attention on optimizing the company’s operating performance, profitability and returns to shareowners”

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En revanche, la seconde conception (partagée notamment par la France, l'Allemagne, et le Japon) soutient que l'accent doit être mis sur l'intérêt social de l'entreprise, lequel était défini dans la rapport Vienot 1 comme « l’intérêt supérieur de la personne morale elle-même, c’est-à-dire de l’entreprise considérée comme un agent économique autonome, poursuivant des fins propres, distinctes notamment de celles de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui correspondent à leur intérêt général commun, qui est d’assurer la prospérité et la continuité de l’entreprise.» Si les objectifs d'une entreprise doivent prendre en compte les intérêts, parfois opposés, de toutes les parties prenantes et que les dirigeants sont rémunérés en fonction des performances de l’entreprise alors le contrat de rémunération d'un PDG devrait comporter une composante liée au niveau d'intérêt général atteint par l'entreprise. Ceci pourrait aboutir à une situation où tout niveau de rémunération pourrait être justifié a posteriori, qu’il soit particulièrement élevé ou bien particulièrement bas, dans la mesure où il y aura toujours des parties prenantes satisfaites par les performances et d’autres non satisfaites. Si une vision anglo-saxonne de l’entreprise est retenue, cela n’implique en rien une recherche du profit à court terme, la valeur d’un actif financier, et donc la valeur d’une action, étant la valeur actualisée de tous les flux futurs générés par cet actif. Par exemple, CalPERS, dans ses principes de gouvernance recommande la maximisation de la valeur à long terme3. L’objectif de l’entreprise retenu dans cette note est la maximisation de la création de valeur pour les actionnaires, cette valeur étant calculée à partir de l'ensemble des flux futurs revenant aux actionnaires que ce soit à court terme ou bien à long terme. En conséquence, les contrats de rémunération des dirigeants d'entreprise devraient donc avoir pour objectif d'aligner les incitations des dirigeants avec les objectifs de l'entreprise ainsi définis. Avant de continuer, il convient de préciser qu’il s’agit ici d’un objectif économique. La redistribution d’une partie cette valeur au bénéfice des salariés résulte d’un choix politique. C’est alors à l’Etat de mettre en place cette redistribution à travers l’impôt. A ce titre, la mise en place d’un taux marginal d’imposition à 75% pour les hauts revenus va dans ce sens, sans altérer la liberté contractuelle au sein de l’entreprise ce qui ne serait pas le cas d’une règle de plafonnement de la rémunération des dirigeants, qui s’appliquerait uniformément à toutes les entreprises. Par ailleurs, il convient aussi de distinguer la problématique liée au plafonnement des dirigeants d’entreprise de celle liée au plafonnement des bonus des traders. Ceux-ci sont des employés dont la tâche est de prendre des risques avec les capitaux levés par la banque. Cependant, les traders, comme n’importe quel employé, bénéficie d’une responsabilité limitée. S’ils ne se sont livrés à aucun acte frauduleux, le pire qu’il puisse leur arriver est de perdre leur emploi. En l’absence d’un plafonnement du bonus qu’ils peuvent percevoir, leurs incitations sont biaisées dans la direction d’une prise de risque trop importante, puisque qu’en cas de résultat positif, le bonus peut être très important alors qu’en cas de résultat négatif, la perte est limitée. Dans une telle situation, le plafonnement des bonus est optimal4.

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“Corporate directors and management should have a long-term strategic vision that, at its core, emphasizes sustained shareowner value. In turn, despite differing investment strategies and tactics, shareowners should encourage corporate management to resist short-term behavior by supporting and rewarding long-term superior returns.” 4 Voir, par exemple, Palomino et Prat, 2003, Risk taking and optimal contract for money managers, Rand Journal of Economics, 34:113-137.

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La problématique concernant les dirigeants d’entreprises est différente dans la mesure où l’aléa moral entre les actionnaires et les dirigeants ne porte pas principalement sur le risque.

Structure des contrats de rémunération : Bref état des lieux Ces contrats doivent satisfaire deux objectifs simultanément : 1) Fixer la rémunération à un niveau tel que le contrat proposé attire ou bien retienne le candidat considéré et 2) fournir les incitations à agir dans l’intérêt des actionnaires. Le premier objectif implique que la rémunération ne peut pas être totalement déconnectée de considérations de marché. Cependant, l’existence d’un tel marché des dirigeants n’implique pas que les compétences managériales des dirigeants sont une ressource rare pour lesquelles les entreprises se battent, ce qui expliquerait les niveaux de rémunération observés. Des études empiriques menées aux Etats-Unis et en France ont montré que la rémunération des PDG s’explique principalement par l’échelle des valeurs des entreprises plutôt que par un phénomène de rareté de compétences des PDG5. La plupart des contrats de rémunération des dirigeants d’entreprise sont basés sur 5 composantes : un salaire de base, fixe et indépendant des performances de l’entreprise ; un bonus en numéraire, basé souvent sur des performances annuelles ; une rémunération différée prenant la plupart du temps la forme de titres de fonds propres ; une indemnité de fin de mandat ; une retraite supplémentaire.

Salaire de base Même si celui-ci ne représente pas souvent la majeure partie de la rémunération totale des dirigeants, il joue tout de même un rôle essentiel dans la mesure où la part variable de la rémunération est souvent déterminée comme un pourcentage du salaire de base. le salaire de base est souvent déterminé à partir d’études réalisées par des cabinets de conseil spécialisés en gestion des ressources humaines, des ajustements étant ensuite pratiqués en fonction de la taille de l’entreprise – en termes de chiffre d’affaire ou de capitalisation boursière –, et de son secteur d’activité. On observe donc une corrélation positive entre le salaire de base des dirigeants et la taille de l’entreprise. L’utilisation de groupes de référence permet a l'entreprise d'avoir une idée du salaire qu'elle doit verser à ses dirigeants. Mais le problème est que ces groupes de références peuvent créer des effets de cliquets : les entreprises ont souvent tendance à verser au dirigeant un salaire supérieur au salaire médian car un salaire inferieur serait perçu comme non compétitif. Ces comportements aboutissent à ce que les salaires de base augmentent continuellement comme s'il s'agissait d'un "concours de beauté" entre entreprises. Selon le rapport Proxinvest 2011 sur la rémunération des dirigeants, la rémunération fixe des 120 premiers dirigeants français représente environ 27% de leur rémunération totale en 2010. Par ailleurs cette rémunération fixe a augmenté de plus de 6% entre 2009 et 2010 sans que l’on ne voit la justification économique d’une telle augmentation.

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En ce qui concerne les Etats-Unis, voir Terviö, « The difference that CEOs make: an assignment model approach », American Economic Review, 98, 2008, p. 642-668. En ce qui concerne la France, voir Llense, « Rémunérations des PDG français : les actionnaires peuvent-ils souhaiter un plafonnement ? », Revue économique, 60, 2009, p. 767-776.

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Bonus Dans la plupart des entreprises, des bonus sont versés aux dirigeants sur la base de performances réalisées par l’entreprise au cours d’une seule année à partir de mesures comptables ou de rentabilité (rentabilité économique ou rentabilité des capitaux propres). Des mesures de rendement de marché sont aussi parfois utilisées, tel le rendement total des actions, analysé par la somme des plus-values et des dividendes distribués. Les objectifs à atteindre peuvent être déterminés en performance absolue ou bien en performance relative. L’utilisation simultanée de ces deux types de critères permet, par exemple, de décider si l’on doit récompenser un dirigeant dont l’entreprise a réalisé de mauvaises performances absolues mais de bonnes performances relativement à un échantillon d’entreprises comparables. Cela permet de dissocier l’évaluation en performance relative en zone de bonnes performances absolues et en zone de mauvaises performances absolues, ou bien de requérir de bonnes performances relatives et absolues simultanément pour verser un bonus. L’obtention du bonus et son montant sont alors déterminés par l’atteinte d’un ou de plusieurs objectifs. Selon le rapport Proxinvest 2011, cette composante représentait 30% de la rémunération totale.

Rémunération en titres de fonds propres Ces titres de fond propres prennent la forme d’actions ou bien de stock-options attribuées gratuitement6. L'attribution de ces titres est soumise à des conditions de présence et de performance (résultat d'exploitation, résultat par action, performances boursières absolues ou relatives). La pleine propriété des actions ou bien l’exercice dans le cas des options peuvent aussi être soumis à des critères de présence et de performances. Comme dans le cas des bonus, l’utilisation de critères en performance relative serait souhaitable. Cependant, cette pratique n’est pas très largement répandue en France. Ainsi, selon le rapport de l’AMF, 44% des sociétés ayant attribué des stock-options n’ont conditionné l’exercice d’options qu’à des conditions de performance internes, et 49% des sociétés ayant attribué des actions n’ont pas conditionné l’attribution définitive des actions à la réalisation d’objectif en performance relative. En 2011, cette composante de la rémunération représentait environ 30% de la rémunération totale des dirigeants des grandes entreprises. Les stock-options actuellement offertes ne pouvant être que des options à prix d’exercice fixe, les rémunérations en actions présentent l’avantage d’offrir une sensibilité de la rémunération à la performance boursière symétrique à la hausse et à la baisse. Ce n’est pas le cas avec les options puisque celles-ci étant la plupart du temps offertes à la monnaie, leur sensibilité à la performance en cas de baisse de la valeur de l’action sous-jacente est faible. Par ailleurs, on lit parfois que les actions gratuites apparaissent comme un instrument moins approprié que les options car elles permettent toujours d’obtenir un gain lors de leur cession. Par exemple, le rapport Houillon de juillet 2009 explique que « Le problème est qu’en droit, rien ne s’oppose à ce qu’un mandataire social puisse cumuler l’attribution de stock-options avec des 6

Dans le cas des options, même si celles sont la plupart du temps attribuées à la monnaie (et ont de ce fait une valeur intrinsèque nulle), elles ont une valeur temps importante du fait de leur durée de vie.

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actions gratuites. Ce faisant, il lui est possible de bénéficier des avantages financiers des deux formules et d’accroître un peu plus sa rémunération différée, indépendamment de sa performance d’ailleurs puisque le gain issu d’une cession d’actions gratuites est systématique»7 Ce type de raisonnement est au mieux incomplet et au pire erroné. En effet, la valeur de la rémunération doit s’apprécier au moment de son attribution, en prenant en compte l’espérance de valeur de ces titres à ce moment là, puisque la valeur qui sera effectivement perçue est aléatoire. (A titre de comparaison, il ne viendrait l’idée à personne de valoriser un billet de loterie seulement après avoir pris connaissance du fait qu’il est un ticket gagnant ou pas.) Dans le cas des options, comme cela a été indiqué ci-dessus8, si leur valeur intrinsèque est nulle, leur valeur temps est importante. On peut attribuer la même valeur avec des options à la monnaie ou bien avec des actions (voire avec une combinaison des deux). De plus, si les dirigeants attachent de l’importance au montant minimum qu’ils percevront effectivement, alors ils devraient percevoir une valeur plus faible au moment de l’attribution s’ils reçoivent des actions que s’ils reçoivent des options9. Bien évidemment, pour que ces titres incitent les dirigeants à se concentrer sur les performances à long terme de l’entreprise, il faut aussi qu’ils soient conservés pour une durée importante. Une durée de dix-huit mois à deux ans après la fin du mandat serait souhaitable, certaines actions des dirigeants ayant des effets à retardement sur la valeur des entreprises. Finalement, il faut que la couverture de ces titres soit prohibée, afin que la rémunération fluctue effectivement avec les performances de marché de l’entreprise.

Indemnités de départ Les engagements pris par les sociétés cotées en la matière sont soumis à l’approbation des actionnaires dans le cadre d’une résolution spécifique par bénéficiaire lors de l’assemblée générale, et aucun versement ne peut intervenir avant que le conseil d’administration, ou de surveillance, ne constate le respect des conditions prévues. Le code AFEP/MEDEF recommande que ces indemnités ne concernent que des départs contraints et n’excèdent pas deux années de rémunération (fixe + variable). Sur ce dernier point, notons que les plafonds suggérés par le code AFEP/MEDEF sont environ deux fois supérieurs à ceux recommandés par la Commission européenne10 dans la mesure où (i) celleci propose un plafond limité à 2 ans de salaire fixe et (ii) les bonus perçus par les dirigeants sont en moyenne supérieurs au salaire de base.

Retraites supplémentaires Ce sont, dans la plupart des cas, des régimes de retraite à prestations définies permettant aux dirigeants de recevoir une rente calculée sur la base d’un pourcentage d’un salaire de référence. 7

Rapport d’information sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés (N°1798) 8 Voir note de bas de page 6. 9 Ceci est une condition nécessaire pour que les deux schémas de rémunération aboutissent au même niveau d’utilité. 10 Recommandation de la Commission complétant les recommandations 2004/913/CE et 2005/162/CE en ce qui concerne le régime de rémunération des administrateurs des sociétés cotées, 30 avril 2009.

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Le code AFEP/MEDEF définit des conditions encadrant leur attribution :  le bénéficiaire doit être mandataire social ou salarié de l’entreprise lorsqu’il fait valoir ses droits à la retraite ;  la valeur de cet avantage doit être prise en compte dans la fixation de la rémunération;  les bénéficiaires doivent satisfaire des conditions raisonnables d’ancienneté dans l’entreprise;  les droits potentiels ne doivent représenter, chaque année, qu’un pourcentage limité de la rémunération fixe du bénéficiaire ;  la période de référence prise en compte pour le calcul des prestations doit être de plusieurs années et tout gonflement artificiel de la rémunération sur cette période est à proscrire. Dans l’échantillon étudié par l’AMF dans son rapport, 64% des sociétés déclarent disposer d’un régime de retraite supplémentaire à prestations définies pour leurs dirigeants, ou pour certains de leurs dirigeants. Ces retraites supplémentaires concernent 56% de la population totale des dirigeants concernés. C’est notamment le cas de la quasi-totalité des dirigeants des sociétés du CAC 40. Par contre, très peu d’entreprises de valeur moyenne ou petite font bénéficier leurs dirigeants mandataires sociaux de régimes de retraite supplémentaire. L’AMF a aussi constaté une diminution générale du nombre de dirigeants bénéficiaires de tels régimes de retraite supplémentaire.

Rémunération des dirigeants et gouvernement d'entreprise Certaines caractéristiques des contrats de rémunération des dirigeants d’entreprise ont été mises en évidence ci-dessus. Si ces caractéristiques suscitent des interrogations sur leur pertinence, il convient donc aussi de s’interroger sur les raisons pour lesquelles ces contrats sont offerts. L’organe suprême de décision dans une entreprise, son gouvernement, étant le conseil d’administration (ou le conseil de surveillance lorsque l’entreprise a une structure de gouvernement duale), celui-ci a, entre autre, la charge de nommer le PDG, de choisir son contrat de rémunération et de décider de son remplacement. Il convient donc d’analyser la composition et le fonctionnement des conseils d’administration pour comprendre l’origine des mauvaises pratiques observées en matière de rémunération. Pour que les conseils d’administration remplissent leurs missions dans l’intérêt des actionnaires, ils convient donc de s’assurer que les intérêts des administrateurs sont davantage alignés avec ceux des actionnaires qu’avec ceux des dirigeants exécutifs. La solution passe donc par l’élection au conseil d’administration d’un nombre suffisant de personnes sans lien avec le PDG – des administrateurs indépendants –, qui n’auront pas peur de s’opposer à lui ni de demander son remplacement en cas de mauvaises performances de l’entreprise. De fait, plusieurs études empiriques réalisées aux États-Unis ont montré que la relation entre mauvaises performances et remplacement du PDG est plus forte lorsque le conseil d’administration comporte une majorité d’administrateurs indépendants11. 11

Voir par exemple, M. Weisbach, « Outside directors and CEO turnover », Journal of Financial Economics, 20, 1988, p. 431-460 et E. Fish et A. Shivdasani, « Are busy boards effective monitors », Journal of Finance, 61, 2005, p. 689-724

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Indépendance des conseils d’administration vis-à-vis des PDG En France, les recommandations du code de gouvernement d’entreprise de l’AFEP/MEDEF auquel la plupart des grandes entreprises se réfèrent, et les pratiques qui en découlent, ne sont pas suffisamment contraignantes à deux titres : Premièrement en ce qui concerne le degré d’indépendance des conseils d’administration mesuré par le nombre d’administrateurs qualifiés d’indépendants, et deuxièmement, les critères pour qu’un administrateur soit qualifié d’indépendant. En ce qui concerne le nombre d’administrateurs indépendants, l’AFEP indique que « la part des administrateurs indépendants doit être de la moitié des membres du conseil dans les sociétés au capital dispersé et dépourvues d’actionnaires de contrôle. Dans les sociétés contrôlées, la part des administrateurs indépendants doit être d’au moins un tiers ». Ces ratios semblent notoirement insuffisants pour assurer l’indépendance du conseil d’administration vis-à-vis du management exécutif. Un ratio de 60% réduirait notoirement la probabilité que le conseil d’administration soit contrôlé par le PDG. Concernant la qualification d’indépendant d’un administrateur, l’AFEP propose un ensemble de conditions auquel doit satisfaire un administrateur. Celui-ci est qualifié d’indépendant s’il « […] n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement. Ainsi, par administrateur indépendant, il faut entendre, non pas seulement administrateur non exécutif, c’est-àdire n’exerçant pas de fonctions de direction de la société ou de son groupe, mais encore dépourvu de lien d’intérêt particulier (actionnaire significatif, salarié, autre) avec ceux-ci. » Si ces critères apparaissent raisonnables et vont dans le sens d’une plus grande indépendance des conseils d’administration, le principal problème est qu’ils ne sont pas toujours appliqués, le code de gouvernement d’entreprise de l’AFEP prévoyant des exemptions. Ainsi, l’AFEP indique que « le conseil peut estimer qu’un administrateur ne remplissant pas les critères est cependant indépendant ». Si l’on retient ces recommandations, il semble donc aisé pour un PDG de s’assurer un conseil d’administration bienveillant, même à partir d’une majorité d’administrateurs déclarés indépendants par le conseil. Ainsi selon le rapport 2011 de l’AMF plus de 50% des entreprises se référant au code de gouvernance de l’AFEP/MEDEF ne respectent pas l’ensemble des critères énoncés par ce code pour qualifier un administrateur d’indépendant. L’AMF indique aussi que les explications fournies pour s’émanciper des recommandations du code AFEP/MEDEF ne sont pas satisfaisantes.

Fonctionnement des conseils d’administration Le mode de fonctionnement des conseils d’administration joue également un rôle important dans leur degré d’indépendance vis-à-vis des PDG. En ce qui concerne la rémunération des dirigeants, deux comités sont primordiaux : le comité des rémunérations qui choisit le contrat de rémunération du PDG et le comité des nominations qui propose des noms d’administrateur à élire au conseil. Pour parvenir à une rémunération fortement corrélée à la performance (surtout dans les zones de mauvaises performances), le bon sens suggère que ces comités ne devraient être composés que d’administrateurs indépendants. Mais, c’est loin d’être le cas en France, puisque même les recommandations du code AFEP-MEDEF ne vont pas dans ce sens. 7

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En effet ce code recommande seulement que le comité des rémunérations ne comporte aucun dirigeant mandataire social et doit être composé majoritairement d'administrateurs indépendants. En ce qui concerne le comité des nominations le degré d’indépendance est encore moindre puisque le Code AFEP/MEDEF propose que « lorsque le comité de sélection ou des nominations est distinct du comité des rémunérations, les recommandations concernant la composition et les modalités de fonctionnement de ce dernier lui sont également applicables. Toutefois, à la différence de ce qui est prévu pour le comité des rémunérations, le président en exercice est associé aux travaux du comité de sélection ou des nominations.» Pour parvenir à une plus grande indépendance des conseils d’administration, il faudrait donc imposer que les comités des nominations et de rémunération soient uniquement composés d’administrateurs indépendants. Malheureusement, imposer un renforcement des critères d’indépendance et un rôle plus important pour les administrateurs indépendants dans les conseils d’administration des quotas d’administrateurs satisfaisant ne sont pas des conditions suffisantes pour assurer que le conseil d’administration ne sera pas contrôlé par le PDG. L’utilisation de réseaux sociaux peut permettre à un PDG de composer un conseil d’administration bienveillant, même avec une majorité d’administrateurs satisfaisant à tous les critères d’indépendance. En France, les réseaux sociaux liés aux études suivies et au parcours professionnel effectué jouent un rôle primordial et la formation initiale conserve une place importante dans le déroulement des carrières, comme l’ont montré plusieurs études académiques12, lesquelles ont notamment établi que manière statistique que  la probabilité d’être nommé au conseil d’administration d’une entreprise est plus élevée lorsque le candidat considéré et le PDG appartiennent au même réseau, et que ce réseau est lié à un passage dans la fonction publique. En revanche, la composition du CA (en termes d’appartenance à des réseaux) n’a aucun impact sur les nominations en son sein. Ceci constitue un élément supplémentaire montrant que ce sont les PDG qui forment les conseils d’administration ;  Quand le PDG et plusieurs membres du conseil d’administration appartiennent au même réseau social, ceux-ci fournissent une double protection au PDG : tout d’abord, celui-ci a moins de chance d’être remplacé en cas de mauvaises performances, et il retrouve ensuite un meilleur poste que la moyenne des dirigeants remerciés par leur conseil d’administration. Ces protections réduisent donc l’intensité de la relation entre rémunération et performance, surtout dans les zones de mauvaises performances ; Une solution envisageable pour limiter ces effets pervers pourrait être de donner davantage de pouvoir aux actionnaires en soumettant la rémunération des principaux dirigeants au vote des actionnaires lors de l’assemblée générale annuelle. C’est que l’on appelle souvent les procédures de « say on pay », et c’est la solution qui a été adoptée dans plusieurs pays.

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Kramartz, F., and D. Thesmar, 2012, Social netweok in the boardroom, Journal of the European Economic Association, à paraître. Nguyen, B.D., 2012, "Does the Rolodex matter? Corporate elite's small world and the effectiveness of boards of directors." Management Science , 58: 236-252.

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« Say on pay » En France, Selon un sondage récent effectué par le cabinet CapitalCom, 82% des actionnaires se déclarent favorables au say on pay, alors qu’ils n’étaient que 65% en 2011. De ce fait, l’instauration du say on pay commence à susciter un vif débat. Afin de contribuer à celui-ci, il est utile d’étudier ce qui s’est passé dans les pays ayant mis en place ces procédure depuis plusieurs années et pour lesquels le nombre d’observations est assez important pour les conclusions que l’on puisse tirer sur l’efficacité du say on pay ne repose pas simplement sur quelques anecdotes. Des études empiriques sur le say on pay ont été menées en Grande-Bretagne, Aux Etats-Unis et en Australie. Il convient cependant de préciser que dans ces pays, le vote sur les rémunérations n’a qu’en caractère consultatif. Concernant la Grande Bretagne, une législation sur le say on pay a été votée en juillet 2002, et les résolutions ont commencé à être mises au vote lors des assemblées générales de 2003. Une étude a mis en évidence qu’après sensibilité de la rémunération aux performances opérationnelles et boursières a augmenté, surtout en cas de mauvaises performances. Cependant, la mise en place du say on pay n’a pas eu d’influence sur le taux de croissance de la rémunération. La conséquence est donc que le say-on-pay a abouti à une plus grande dispersion des rémunérations des dirigeants mais n’a pas eu d’influence sur le niveau moyen13. Il a aussi été constaté une crainte de la part des dirigeants d’un taux d’approbation qui ne ressemble pas à un plébiscite. L’illustration la plus parlante de ce phénomène est sans doute le cas du directeur exécutif (CEO) de la banque Barclays. Ses revenus ont ainsi atteint 17,7 millions de livres l’an passé, un record au Royaume-Uni, alors que les performances de la banque se sont dégradées entre 2010 et 2011 (notamment le bénéfice net qui a baissé de 16%). Cette rémunération a été approuvée par 68% des actionnaires. Cependant, c’est le fait que 32% des actionnaires désapprouvent cette rémunération qui a amené le président du conseil d’administration à présenter des excuses aux actionnaires. Cette crainte d’absence de plébiscite a amené à une amélioration de la communication entre certains actionnaires et le conseil d’administration en amont des assemblées générales. Les dirigeants prennent en compte des suggestions des actionnaires en amont des assemblées générales afin de s’assurer un taux d’approbation élevé14. Aux Etats Unis, le programme TARP d’assistance aux établissements financiers en difficulté15 mis en place en 2008 prévoit que ceux ayant reçu des aides doivent mettre en place une mise en place de procédures de say on pay. La loi Dodd-Frank de juillet 2010 étend cette obligation à l’ensemble des sociétés cotées16. Environ 2200 sociétés ont appliqué cette loi pour la première fois lors de l’assemblée générale de 2011. Les propositions sur les rémunérations mises au vote ont reçu un taux d’acceptation de 91% en moyenne. La principale raison avancée pour ce taux d’approbation extrêmement élevé serait une modification des comportements en amont d’application du say on pay.

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Voir Ferri and Maber, 2012, Say on Pay Votes and CEO Compensation: Evidence from the UK, Review of Finance, à paraître. 14 Cabinet Deloitte, 2004, « Report on the impact of the directors’ remuneration report regulation ». 15 Toxic Asset Relief Program mis en place dans le cadre de la loi sur la Stabilisation Economique d’urgence (Emergency Economic Stabilization Act) de 2008. 16 Plus précisément, le vote porte sur la rémunération versée l’année précédente.

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Un vote négatif (i.e., un taux d’approbation inférieur à 50%) n’a été observé que dans 1,6% des cas. La plupart des entreprises ayant reçu un vote négatif étaient caractérisé par des situations extrêmes de rendement total pour les actionnaires négatifs et d’augmentations de rémunération pour les dirigeants17. Les observations concernant l’Australie où, tout comme en Grande Bretagne, le say on pay est en place depuis plusieurs années et des tendances peuvent donc commencer à apparaître, sont assez différentes de celles concernant la Grande-Bretagne. Les dirigeants d’entreprises ont semblé rester insensibles à des votes de défiance ou bien à de faible taux d’approbation des résolutions mises au vote. Les entreprises n’ayant pas donné satisfaction aux actionnaires n’ont pas modifié davantage leur politique en matière de rémunération que ne l’ont fait celles qui ont donné satisfaction à leurs actionnaires18. Par ailleurs, même si les consultations entre dirigeants d’entreprise et investisseurs institutionnels semblent se développer, cela ne signifie pas que les dirigeants amendent leurs résolutions en cas de désaccords avec leurs actionnaires. Deux explications ont été avancées pour les différences de résultats entre l’Australie et la Grande-Bretagne. Premièrement, l’importance accordée à ce sujet par les actionnaires de manière générale. Si cette importance est grande, la couverture médiatique sera aussi importante et dans ce cas les dirigeants prennent en compte l’opinion des actionnaires. Dans le cas contraire, comme cela semble être le cas en Australie, les résultats du vote en assemblée générale ne semblent pas pris en compte par les dirigeants. Une deuxième raison est la crainte d’une intervention du législateur. En Grande Bretagne, la mise en place du say on pay a été accompagnée par la publication d’un rapport du Comité du Commerce et de l’Industrie de la Chambre des Communes sur la rémunération en cas de mauvaises performance (« reward for failure ») lequel faisait clairement allusion au fait qu’il faudrait que le législateur intervienne dans le cas où les attentes des actionnaires ne seraient pas suffisamment prises en compte par les conseils d’administration19. Ces résultats montrent que si la mise en place du say on pay peut réduire les abus, il ne faut pas non plus espérer que cette procédure bouleverse les pratiques en matière de rémunération.

Conclusion et propositions Ce qui ressort des contrats de rémunération des dirigeants est une forte sensibilité de la rémunération à la performance en cas de bonnes performances, mais une faible sensibilité en cas de mauvaises performances. Ce qui serait souhaitable, c’est une élimination de cette asymétrie. Si des mesures doivent être prises, notamment par le législateur, elles devraient donc avant tout concerner la composition et le fonctionnement desdits conseils. 17

Thomas, Palmitter, et Cotter, 2011, Frank-Dodd’s say on pay: will it lead to a greater role for shareholders in corporate governance?, Vandebilt University Law School, Law and Economics working paper 11-49. 18

Sheehan, 2010, Say on Pay and the Outrage Constraint, Research handbook on executive pay, J. Hill and R. Thomas, eds., Edgar Elpar Publishing. 19 House of common Trade and Industry Committee, Reward for failure, Sixteenth Report of session 2002-03: “At present, therefore, we do not advocate legislation. If, however, the wishes of shareholders are not being adequately reflected in contracts being agreed by companies’ remuneration committees, or the contracts themselves are unable to be enforced, then the case for legislation will need to be reconsidered”, (p14)

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Il serait souhaitable que ces mesures visent en premier lieu à développer l’indépendance des CA vis-à-vis des PDG. Le renforcement du rôle des administrateurs indépendants pourrait être obtenu de la manière suivante :  en imposant une large majorité (par exemple 60%) d’administrateurs indépendants dans les conseils d’administration ;  en instituant des comités de rémunération et de nomination uniquement composés d’administrateurs indépendants ;  en adoptant une définition « étroite » de l’administrateur, sans laisser la possibilité de qualifier d’indépendant un administrateur ne satisfaisant pas à l’ensemble des critères. Si l’intervention du législateur est souhaitable en matière de gouvernance d’entreprise, c’est principalement qu’il s’agit d’un domaine où l’autorégulation a montré ses limites. Dans le cas du code de l’AFEP, les recommandations faites contiennent trop « d’échappatoires » permettant aux PDG d’empêcher l’indépendance des conseils d’administration : qualification d’un administrateur d’indépendant même s’il ne satisfait pas à l’ensemble des critères requis, participation possible du PDG au comité de nomination… Et ce n’est pas la mise en place de recommandations du type « comply or explain » qui fournit les bonnes incitations, les entreprises pouvant fournir des explications peu convaincantes, comme nous l’avons vu à propos des administrateurs indépendants. Un deuxième domaine d’intervention pour le législateur concerne la fiscalité à appliquer aux revenus des dirigeants. Si les niveaux atteints par les rémunérations des dirigeants sont trop élevées, l’imposition semble un outil plus adapté à la redistribution que le plafonnement des rémunérations dont il est difficile de dire à quel niveau se trouve le plafonnement optimal. Par ailleurs, comme l’ont montré des études empiriques les niveaux de rémunération des dirigeants ne sont pas la résultante d’une rareté des compétences mais de la valeur de marché des entreprises. De ce fait, il n’y a pas lieu de craindre une fuite des compétences suite à une augmentation de la fiscalité de ces très hauts revenus. De plus, les compétences managériales n’étant pas une ressource rare, le départ de certains dirigeants ne serait pas un problème en France, les partants pouvant être facilement remplacés. Finalement, si ces compétences ne sont une denrée rare ni en France ni aux États-Unis, c’est aussi probablement le cas dans les autres pays. Si certains souhaitaient quitter la France à cause de la fiscalité, il n’est pas sûr qu’ils retrouveraient un poste équivalent ailleurs. Ce qui devrait donc limiter leur volonté de partir.

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