Développement soutenable : transformer notre modèle culturel

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Développement soutenable : transformer notre modèle culturel Philippe Patouraux et Gérald Moulédous

Synthèse – Nous sommes en train de vivre de profonds changements dans nos sociétés, mais tout semble se passer dans un silence absolu. C’est que les limites de nos schémas mentaux, autrement dit de notre culture acquise au travers d’un processus de socialisation tout au long de notre vie, nous empêchent de porter un regard neuf sur la réalité. Or les démarches de soutenabilité qui pourraient être l’occasion d’élaborer des pistes de sorties de crises et offrir un autre cadre de réflexion ne semblent pas être à la hauteur d’une volonté de changement authentique qui serait une chance pour précipiter la transformation de notre modèle de développement. C’est que contrairement aux changements de paradigme que la civilisation humaine a connu tout au long de son histoire (tribu, sédentarisation, ville, empire, société industrielle,...), nous partageons l’idée que les changements doivent se faire en pleine conscience si nous voulons voir émerger une société soutenable. Aussi, cette note aborde de front la question du changement de paradigme qui est souvent dénoncée, à tort, comme une utopie. Elle essaye d’ouvrir des pistes de réflexions sur les potentiels leviers du changement de ce modèle qui depuis maintenant longtemps montre plus que des signes d’essoufflement. Dans le langage courant, l’utopie est une sorte de chimère, un projet irréalisable. Pourtant, si l’on se place du point de vue de la philosophie politique, l’utopie peut s’avérer être une construction intellectuelle à la fois imaginaire et rigoureuse d’une société qui constitue, pour celui qui l’imagine, un idéal absolu, dont un des thèmes majeurs est la recherche du bonheur (ou du bien-être) pour tous. C’est bien dans cette perspective qu’il faut se situer si l’on veut aborder de manière rationnelle les enjeux que nous devons affronter : seule une transformation culturelle de nos sociétés est à la hauteur des défis contemporains. La question de la gouvernance (cohérente systémique et participative), et celle des processus de socialisation, sont au cœur de la construction d’un futur souhaitable qu’il est temps d’accepter de commencer à construire.

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Nous sommes en train de vivre de profonds changements dans nos sociétés. Tout semble cependant se passer dans un silence absolu et il faut développer de réelles capacités pour percevoir les signes avant-coureurs de ce nouveau changement de paradigme. Des millions de voix s’élèvent pour exiger un changement radical des liens qu’entretient l’Homme avec ses contemporains et avec la Nature. Le monde « moderne » tient encore bon, même si il apparait de plus en plus incapable de résoudre les problèmes qu’il a lui-même engendré depuis longtemps. Trop peu de gens veulent l’entendre et s’accrochent toujours aux illusions qu’il entretient savamment. Le fait même d’évoquer l’idée d’un changement de paradigme suscite de vifs débats et fait passer ceux qui soutiennent cette réflexion, au mieux pour de doux rêveurs et au pire pour de dangereux réactionnaires. Le concept de développement « durable » (« sustainable ») est évoqué pour la première fois, en 1987, dans le rapport Brundtland. Le terme « durable » qui est la traduction la plus communément utilisée dans notre pays ne reflète pas, à notre avis, l’objectif que devrait poursuivre notre civilisation si elle veut survivre. La terminologie « soutenable » nous semble donc plus appropriée pour définir la situation humaine dans les limites physiques de la biosphère1. C’est la raison pour laquelle nous utiliserons, de préférence, ce terme dans cette note. L’illusion est de faire croire aux organisations qu’elles pourront s’engager sans devoir réexaminer les bases sur lesquelles elles sont bâties ; ce mirage est très largement répandu. C’est devenu l’argument de vente numéro un : tout changer pour que rien ne change. D’où le sentiment, amer, de constater que certains osent encore appeler le développement durable quelque chose qui n’en est plus. On veut bien baisser les consommations d’essence, d’eau mais toucher au sujet sur le fond, celui du changement culturel, semble plus problématique. La pratique du « coup de peinture verte »2 est encore monnaie courante. Il parait de plus en plus clair que la marche vers un développement soutenable commence à buter sur les limites que lui impose la culture moderne dominante. Nous émettons une première hypothèse pour expliquer ce phénomène de stagnation : les limites de nos schémas mentaux, autrement dit de notre culture acquise au travers d’un processus de socialisation tout au long de notre vie, nous empêcheraient de porter un regard neuf sur la réalité. Pour définir le terme « culture », nous utilisons la définition qu’en fait le prospectiviste canadien Ruben Nelson : Une manière humaine de voir, d’assister, de modéliser, d’explorer, de comprendre, de savoir, d’expérimenter, de prévoir et d’agir, dans un espace et une période de temps spécifique, qui reste en grande partie inchangée sur de longues périodes de temps, qui est majoritairement partagée, relativement cohérente et transmise d’une génération à l’autre au travers de processus de socialisation qui sont largement inconscient.3 Dans le contexte que nous évoquons, les démarches de soutenabilité sont-elles les preuves d’une volonté de changement authentique de modèle de développement, ou juste un aménagement opportuniste des organisations sans volonté réelle de « sortir de la boîte » ? Les anglophones définissent cette dernière posture dans l’expression « Business as usual », qui pourrait se traduire par « on prend les même et on recommence ». Nous pensons que toute démarche de soutenabilité devrait être, en fait, un chantier permanent de conduite du changement. 1

La biosphère constitue l’ensemble des organismes vivants qui habitent la Terre et les espaces qu'ils occupent. La biosphère représente l'ensemble des écosystèmes de la planète. 2 En anglais : Greenwashing 3 Ruben Nelson, Exploring Cultural Frame-Change - Towards a Capacity to Co-Create the Next Form of Human Civilization By Modelling the Evolution of Human Consciousness and Culture – Foresight Canada

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Force est cependant de constater que les situations où la volonté de changement est le moteur de la démarche sont encore trop rares. Sortir de la zone de confort dans lequel les choses restent maîtrisables et sous contrôle se pose comme un véritable obstacle à la transition vers un modèle de société plus soutenable. Les résistances au changement sont fortes, et, bien que les solutions innovantes4 soient accessibles, nombreux sont ceux qui, paradoxalement, semblent les ignorer ou ne pas les voir. Otto Scharmer5 utilise le terme d’ « Angle mort »6 pour définir ce que nos schémas mentaux nous empêchent de voir. Fort de notre « expertise du passé », nous nous contentons d’en télécharger les expériences pour résoudre les problématiques. Dans ce mode de pensée, nous n’envisageons à aucun moment que le futur soit très différent du passé (et ce y compris à long terme). Nos actions, aussi catastrophiques soient-elles, sont le fruit de cette forme d’aveuglement. Très impliqués sur le terrain, nous avons fait l’amer constat de voir à quel point les habitudes ont la dent dure. Comme le dit justement Ronald Creagh7 dans son livre Utopies américaines : « Tout se passe comme si la société programmait nos actes et même nos pensées, car elle est devenue un champ de bataille économique et de matraquage idéologique. Du coup l’imprévu nous dérange. » Parler de changement authentique, c’est aussi envisager très sérieusement de changer, parfois radicalement, nos représentations des choses autrement dit de changer de paradigme. La question du changement de paradigme est souvent dénoncée comme une utopie. Dans le langage courant, l’utopie est une sorte de chimère, un projet irréalisable. Pourtant, si l’on se place du point de vue de la philosophie politique, l’utopie peut s’avérer être une construction intellectuelle à la fois imaginaire et rigoureuse d’une société qui constitue, pour celui qui l’imagine, un idéal absolu, dont un des thèmes majeurs est la recherche du bonheur (ou du bien-être) pour tous. Quoi qu’en disent ses détracteurs, des mouvements, tel que celui des Lumières, sont bel et bien nés sous le signe de l’utopie. Cette dernière réflexion amène deux questions : Avons-nous une vision inspirée du type de société dans lequel nous voulons vivre ? Sommes-nous heureux ? Contrairement aux changements de paradigme que la civilisation humaine a connu tout au long de son histoire (tribu, sédentarisation, ville, empire, société industrielle,...), nous partageons l’idée que les changements doivent se faire en pleine conscience8 si nous voulons voir émerger une société soutenable. Compte tenu des enjeux9, nous pensons qu’il faut, de toute évidence, précipiter la transformation de ce modèle. La nécessité d’intervenir à un tout autre niveau s’impose en s’attaquant aux fondements même de la culture qui prévalent dans notre modèle économique basé sur une consommation de masse largement mondialisé. Cette culture et, par extension, les schémas mentaux qui y sont associés tendent à démontrer que derrière des aspects qui peuvent sembler, a priori, rationnels, se cachent en fait un cinglant constat : la neutralité n’existe pas. Et si la société moderne a apporté son lot de promesses, elle laisse également une large place aux désillusions : la misère dans laquelle vivent bon nombre de citoyens, la destruction méthodique et systématique des écosystèmes, la surexploitation des ressources naturelles,… Ce que nous appelons progrès a profondément modifié nos styles de vie mais finalement n’a pas changé la nature même de l’Homme ; bien au contraire il lui a donné les moyens de ses ambitions !

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L’innovation peut être non seulement technologique mais également sociales, organisationnelles... Professeur du MIT, initiateur de la Théorie U 6 ”Blind Spot”, Théorie U 7 Ronald Creagh, Professeur émérite à l’Université Paul-Valéry (Montpelier), Utopies Américaines – Editions Agone 8 Ruben Nelson, Extending Foresight: The Case for and Nature of Foresight 2.0 – Foresight Canada 9 L’énergie, les changements climatiques, l’eau, les déchets, la pauvreté, la justice sociale... 5

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En s’appuyant sur son principe de responsabilité, le philosophe allemand Hans Jonas10 estimait que, grâce aux techniques qu’il avait inventées, l’Homme pouvait s’autodétruire et c’est la raison pour laquelle il souhaitait11 ardemment que toute technologie capable de mettre des humains en danger soit interdite. L’éthique d’aujourd’hui ne devrait-elle pas consister à n’envisager la technologie qu’à travers le prisme de la soutenabilité ? Ce dont nous sommes bien loin... Nous nous appliquerons, dans cette note, à essayer d’ouvrir des pistes de réflexions sur les potentiels leviers du changement de ce modèle qui montre, au travers des multiples crises qu’il traverse, des signes d’essoufflement.

I- Globalisation et perte de pouvoir La globalisation des échanges à l’œuvre depuis plus d’une décennie permet d'accroître et d'accélérer les flux matériels et immatériels (flux financiers, flux d'informations). Par ailleurs, les investissements directs étrangers sont aujourd'hui considérés par les gouvernements comme la clé de leur intégration dans l'économie mondiale et, grâce au développement des « nouvelles technologies de l'information et de la communication » (NTIC), « l'instantanéité des informations abolit temps et espace »12. Cette globalisation induit des interconnexions et des interactivités qui participent à la croissance d'interdépendances asymétriques, conduisant à une perte d'autonomie des organisations. L'émergence des sociétés transnationales qui constituent aujourd'hui le moteur de la mondialisation de l'économie, génère en effet des interdépendances entre sphères économiques et politiques13. Ces Sociétés Transnationales investissent des secteurs stratégiques traditionnellement gérées par le secteur public (eau, énergie, sécurité, …), contribuant ainsi à la perte de souveraineté des États. Sans oublier les effets de leurs activités sur les écosystèmes (épuisement des ressources fossiles, pollutions marines et atmosphériques, etc.) qui concernent la planète dans son ensemble. Ces « systèmes » concourent en fait à la dilution des responsabilités, que ce soit au niveau des organisations ou des individus. En outre, les États sont aujourd’hui fragilisés par les politiques économiques qu’ils mettent eux-mêmes en œuvre par le biais des institutions financières (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International). La libéralisation des échanges et la privatisation des services publics sont organisés au nom d'une prétendue autorégulation par le marché qui place l'économie au centre de toute politique, celle-ci devant "faire en sorte que les rapports marchands puissent produire leur effet de justice"14. Promesse non tenue, car force est de constater qu'au lieu de combler le fossé entre les riches et les plus démunis, les "règles du jeu" actuelles contribuent à le creuser et à l'élargir. 10

Hans Jonas, Le principe de responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique – Editions Champs Essai 11 Hans Jonas est décédé en 1993. 12 Hugon Philippe., Economie Politique internationale et Mondialisation, Economica, Paris, 1997, p. 43 13 Robert Gilpin, The political Economy of International relations, Princeton, Princeton University Press, 1987. 14 Bruno Lautier, Etat, marché et réseau (le rôle résiduel du réseau dans la théorie socio-économique)", Les sociétés civiles face au marché, Khartala, Paris, 2000, p. 93.

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On est alors invités à se demander s'il est possible de réguler un système inéquitable ou bien s'il vaut mieux lui chercher des alternatives.15

II- Vers une dynamique de transformation...Tout s’accélère Depuis l’arrivée d’homo sapiens, l’histoire humaine a été ponctuée de mutations sociétales profondes. Ainsi chaque fois qu’une culture dominante montait en puissance, on assistait, peu à peu, à la naissance d’une culture émergente qui venait en quelque sorte défier le système de valeurs et de comportements en place et qui ne semblait pas pouvoir être remis, au départ, en cause. A l’échelle du temps, il est intéressant de constater que les périodes de changement paradigmatique se raccourcissent et, là où il a fallu 20.000 ans pour passer d’une culture nomade à une organisation tribale, il n’a guère fallu que 1.000 ans pour voir une société industrielle s’imposer face aux empires qui fondaient la légitimité de leur pouvoir sur le dogme religieux. Forme initiale Nomade Tribale Sédentaire Empire Moderne et industrielle

Forme émergente Tribale Sédentaire Empire Moderne et industrielle Co-évolution / co-création

Temps de transition 20.000 ans 6.000 ans 2.500 ans 1.000 ans 400 ans

Source : Ruben Nelson, Foresight Canada

Ruben Nelson considère que tout va en s’accélérant et, que compte tenu de ce que nous apprend l’histoire de l’humanité, des sociétés sont susceptibles, au XXIème siècle, de changer de paradigme en une dizaine d’années seulement. D’après le sociologue allemand Hartmurt Rosa16, c’est un phénomène d’accélération à la fois sociale, technique et du rythme de vie qui met, de fait, en danger notre modernité en conduisant progressivement les individus qui y participent vers une forme de dépression permanente, une forme d’aliénation. La modernité porterait-elle, en son sein, les germes de son autodestruction ? Pour mettre fin à l’histoire de l’accélération, deux des voies proposées par Rosa sont particulièrement intéressantes : Une sortie radicale de la modernité ou un freinage d’urgence autrement dit un changement de paradigme ou la décroissance. Les recherches réalisées par l’institut Tellus 17 sur les scénarios prospectifs pour notre société montre que les risques potentiels de voir notre modernité aboutir à une société de type « forteresse »18 ou encore un effondrement pur et simple sont à prendre au sérieux. Les changements technologiques permanents dont nous sommes les témoins tous les jours ne suffisent pas à expliquer à eux seuls, selon nous, ce phénomène. Une autre hypothèse est avancée par les sociologues américains Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson19 : l’existence d’une catégorie d’individu qui, ayant pris conscience des enjeux, décident de prendre leur distance avec les valeurs prônées par la culture moderne dominante. Ces groupes de 15

Amin S., A la recherche d'alternatives. Un autre monde est-il possible ?, Centre Tricontinental, Paris, L'Harmattan, 2001, 209 p. 16 Hartmut Rosa : Accélération, une critique du temps social – Editions La Découverte 17 Global Scenarios for the Century Ahead : Searching for Sustainability – Richard A. Rosen, Christi Electris, Paul D. Raskin / Tellus Institute. 18 où une minorité protège, par tous les moyens y compris violents, son mode de vie au dépend d’une majorité. 19 Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson : L’émergence des créatifs culturels – Edition Yves Michel

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citoyens, appelés également Créatifs Culturels ne constituent, d’après les deux chercheurs, une classe en soi mais sont bel et bien disséminés dans toutes les couches sociales (pas toujours dans les même proportions) où ils sont acteurs du changement. Aux Etats-Unis, les Créatifs Culturels ont directement influencé de grands mouvements écologistes, de défense des droits civiques, de défense des minorités ethniques ou encore contre la guerre du Vietnam (devenu par la suite des mouvements pour la paix). Nous pensons que les Créatifs Culturels peuvent avoir, à terme, une influence sur les choix de société notamment quand cette population aura atteint une taille suffisamment critique pour influencer le cours des choses. Une grande enquête20 a été menée, sous la direction du sociologue Jean-Pierre Worms, par l’association pour la Biodiversité Culturelle. L’équipe de recherche estima, en 2006, le nombre de Créatifs Culturels en France à 17% de la population dont les 2/3 étaient composés de femmes. Pourquoi parlons-nous de transformation culturelle de nos sociétés ? Les organisations, qu’elles soient privées ou publiques, qu’il s’agisse d’un service de l’état, d’un état ou d’une grande entreprise ou encore d’un PME / TPE, sont encore aujourd’hui basées sur des cultures non-soutenables.21 Edgar H. Schein met en avant, les trois niveaux de transformation culturelle d’une organisation. Cette approche illustre parfaitement la nécessité d’un changement culturel suffisamment profond pour tendre vers un modèle organisationnel authentiquement soutenable.

Culture non-soutenable Culture soutenable Anciens comportements Nouveaux comportements Anciennes normes et valeurs Nouvelles normes et valeurs Anciennes hypothèses et croyances Nouvelles hypothèses et croyances Sources : Edgar H. Schein, Organizational Culture and Leadership, Editions Jossey-Bass, 1985

III- Culture dominante vs Culture émergente La culture dominante, celle-là même qui influence nos actes de tous les jours, revêt un certain nombre de caractéristiques dont la plupart ont fait l’objet d’études approfondies. On peut en retenir plusieurs qui peuvent être exprimées négativement ou positivement si l’on prend en considération la subjectivité de l’émetteur. La liberté des individus et des marchés sont les valeurs centrales de notre culture les plus souvent exprimées de manière positive. Ses détracteurs eux parleront, a contrario, d’un égoïsme élevé au rang de principe moral22. Nous tenons à noter que la liberté dont nous parlons ici est celle qui n’a de sens que du point de vue économique, c’est-à-dire celle de consommer. Pour l’économiste Tim Jackson23, même si nous avons, dans nos pays occidentaux, assouvis nos besoins fondamentaux tels que la nourriture ou le logement, notre appétit frénétique de consommation ne s’en trouve pas pour autant diminué. L’opulence matérielle est devenue peu à peu la condition de l’épanouissement des individus. 20

Les Créatifs Culturels en France – Editions Yves Michel Bob Willard – The Sustainability Champion’s Guidebook : How to transform yout company ? Editions New Society Publishers. 22 Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson : L’émergence des créatifs culturels – Edition Yves Michel 23 Tim Jackson : Prospérité sans croissance – éditions Etopia 21

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Tim Jackson va encore plus loin encore : les objets ont une valeur symbolique qui nous permet de communiquer avec les autres en exprimant, en autres, notre statut social, notre appartenance, notre identité... Dans le processus d’ascension social, un bien de consommation (voiture, portable,...) dont la symbolique est perçue comme porteuse des attributs d’une classe supérieure devient dès lors l’objet de toutes les convoitises. Le niveau de revenu fixe la marge de manœuvre qu’ont les individus pour exercer ce « droit » à consommer, ce qui contribue à créer des conditions d’inégalités au sein même de la société24. Dans un monde où les choses deviennent rapidement obsolètes et démodées, les individus rentrent dans un cercle vicieux de convoitises, de frustrations et d’insatisfactions permanentes. En clair, nous sommes, en tant que consommateurs, constamment préoccupés à rattraper notre « retard » de consommation en nouveautés créant ainsi un véritable cercle vicieux. Un jeu de puissants feedbacks positifs / négatifs permet de renforcer les comportements de consommation25 en valorisant les individus à la fois sur les plans psychologique et sociologique, contribuant à maintenir le système tel qu’il est (statu quo). Cette dernière hypothèse pose la question du changement des comportements : La prise de conscience de l’état du monde suffit-elle à lever les ambivalences de la nature humaine ? « L’ambivalence est souvent vécue ainsi : par le fait de commencer par penser à une raison de changer, puis penser à une raison de ne pas changer et, enfin, d’arrêter d’y penser.»26. On conçoit ici la réelle difficulté à amener les réels changements culturels même si notre espèce traverse des crises sans précédent qui pourraient la mettre en péril. En se plaçant dans la perspective environnementale d’une planète possédant bel et bien des limites physiques, les conséquences de cette logique sont dramatiques car elle engendre l’utilisation de quantité phénoménale de matières premières (issues de la lithosphère27 et / ou de la biosphère) et la production systématique de déchets dont la prise en charge semble de plus en plus hors de contrôle. Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson proposent, pour illustrer leurs hypothèses sur les cultures émergentes, les trois chemins divergents de trois groupes culturels : Les traditionnalistes, les modernistes et les créatifs culturels dont nous avons déjà parlé28. Les premiers sont tournés vers le passé, les seconds campent sur leurs positions (statu quo) et les derniers semblent prendre le large pour tenter d’aller au-delà de la vision du monde des modernistes. Même si ce schéma peut sembler simple voire simplificateur, nous le considérons comme un point de départ d’une réflexion plus approfondie.

IV- Les pistes de réflexion sur le changement culturel La gouvernance Qu’est que la gouvernance ? A quoi « ça » sert ? Autant de questions que le profane se pose sur ce terme utilisé, n’ayons pas peur de l’avouer, un peu à tort et à travers. De quoi parle-ton ? La gouvernance, synonyme de gouvernement, n’est rien d’autre que la manière dont les décisions sont prises ce qui inclut l’ensemble des processus qui amènent à ces décisions. 24

La sémantique du « pouvoir d’achat », communément utilisée dans les discours politique, mérite à elle seul une étude approfondie. Ce sujet ne sera pas traité ici. 25 La norme de notre culture dominante. 26 Stephen Rollnick, William R.Miller et Christopher C.Butler : Pratique de l’entretien motivationnel – éditions InterEditions 27 Ecorce terrestre dont sont extraites les matières minérales / fossiles qui entre dans la composition des biens de consommation. Ex : pétrole, aluminium, terres rares,... 28 Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson : L’émergence des créatifs culturels – Edition Yves Michel – Page 128

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L’expression «gouvernance d’entreprise» a, semble-t-il été remis au goût du jour, dans les années 80, par de grandes multinationales Depuis le mot s’emploie sans distinction pour un territoire, un pays ou encore une instance internationale (ONU, Europe). De toute évidence, notre société est dirigée par un « système » de gouvernance(s) établies sur des niveaux différents et complémentaires. Le mot en lui-même n’évoque rien de positif ou négatif. Pourtant, les experts parlent volontiers de bonne gouvernance, laissant entendre ce faisant qu’il en existe forcément une mauvaise. Les démarches en faveur de la soutenabilité ont très vite fait une large place à ce concept «valise». Avec le concept de «soutenabilité », lui-même nébuleux pour les principaux protagonistes, le mystère s’épaissit. L’approche de la gouvernance s’est heureusement affinée, grâce aux apports théoriques de sociologues et aux expériences remontées du terrain. L’établissement d’une bonne gouvernance est le préalable à toute démarche vers la soutenabilité. Si on se réfère à l’approche « The Natural Step »29, toute démarche digne de ce nom se doit d’être systémique, cohérente et participative. Le processus de coproduction participatif est central dès lors que l’on souhaite créer une dynamique d’intelligence collective favorable à l’émergence d’idées innovantes et créatrices de valeur. L’établissement de règles de conduite partagée donne au processus participatif un fort potentiel de succès. L’expérience démontre que l’écoute, le respect des autres et de soi-même et la critique positive des idées proposées sont essentielles. Ce qui nécessite d’être transparent, d’accepter de montrer ses succès comme ses échecs et ses moins bonnes performances. Le but est de dépasser la simple mesure de résultats, pour mesurer la dynamique des changements. Il importe que les parties intéressées soient étroitement associées au processus de coproduction participatif, la légitimité des décisions et le niveau d’implication s’en trouvant d’autant renforcés. Face au scepticisme ambiant des parties prenantes à l’égard de déclarations des entreprises en matière de Responsabilité Sociétale, l’implication de tiers extérieurs peut attester de la sincérité de l’engagement et les résultats obtenus. Les acteurs de la société civile expriment des attentes toujours plus importantes à l’égard des acteurs économiques du territoire. Pour capter ces attentes, voire les anticiper, les organisations doivent mettre en place un processus d’apprentissage30 s’appuyant sur une coopération continue avec les parties prenantes. Ce processus permettra de stimuler la démarche de Responsabilité Sociétale. Au niveau des collectivités territoriales, cette approche de la gouvernance semble encore relativement peu répandue ; on constate qu’encore trop peu d’élus font le choix d’impliquer les citoyens à un processus de décision, notamment lorsqu’il s’agit de choix de développement du territoire. De notre expérience de terrain et de citoyen, nous constatons une forme de désintérêt / désillusion du débat politique, ainsi qu’une dégradation constante de l’image des politiques. Face à cet inquiétant constat, la société civile, au travers associations loi 1901, ONG et autres groupes de pression, ne cesse de monter en puissance avec pour objectif, avoué ou non, d’influencer les orientations politiques, s’imposant ainsi comme une authentique contre-culture. C’est peut-être ici que nous entrevoyons les faibles signaux d’une société émergente. L’expérience de la place Louise Michel, dans le quartier marseillais de Belsunce, illustre bien les initiatives qui peuvent naître de la volonté de citoyens. Le projet a été lancé par 29

http://www.naturalstep.org l’idée de concevoir la responsabilité globale comme un processus d’apprentissage avec les parties prenantes a été développée et approfondie par Ariane Berthoin, Antal & André Sobczak ; Beyond CRS : Organisational Learning for Global Responsability, journal of General Management, 2004, Vol. 30(2) 30

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l’association de commerçants qui voit son quartier décliner depuis des années et dont l’acte fondateur a consisté à donner à cette place31 le nom de Louise Michel, militante anarchiste et figure de la Commune de Paris. L’introduction de la présentation du projet donne le ton : « Nous sommes des habitants du quartier de Belsunce. Certains d’entre-nous y vivent depuis plusieurs décennies et nous l’avons vu décliner au fur et à mesure, à notre grand regret. Il n’est pas dans nos habitudes d’attendre que les pouvoirs publics interviennent aussi, en tant que citoyens de Marseille, nous avons toujours eu la volonté d’être des acteurs de ce quartier que nous aimons par-dessus tout. Motivés par le désir de le voir renaître, nous avons imaginé un projet dont le cœur est une petite place située à quelques pas de la gare Saint-Charles dans le prolongement de la rue des Petites Maries : la place Louise Michel. Nous pensons que ce projet, certes modeste dans un premier temps, peut être le point de départ de cette métamorphose que nous attendons tous de nos vœux depuis « trop » longtemps. ». Les principaux axes du projet de la place Louise Michel sont de conserver son identité populaire et solidaire, de valoriser son patrimoine, de faire redécouvrir son histoire, d’y ramener la culture accessible à tous et d’en faire un quartier exemplaire en termes d’environnement. Aujourd’hui, les premiers résultats sont très encourageants. L’énergie déployée pour un tel projet a été et est toujours considérable : il faut en permanence nager à contre-courant de la culture dominante. En étendant la gouvernance au citoyen, il devient possible de capter l’essence même du changement de paradigme au cœur de la société. Toutes les expérimentations d’un modèle culturel plus soutenable et plus juste ne peuvent être que sources d’inspiration pour l’Etat, dont il convient de développer le rôle de « facilitateur ». Dans cette optique, l’Etat pourrait envisager de développer ces pratiques sur les territoires en s’appuyant sur la création d’un observateur de la gouvernance et des pratiques participatives à l’usage des collectivités et des citoyens. Bien que la gouvernance soit la clé de voûte de toute démarche de soutenabilité, elle est encore trop souvent sous-estimée au profit des approches strictement techniques. Au cœur du changement de paradigme : Les processus de socialisation Par processus de socialisation, il faut entendre la manière « par lequel les normes sociales sont intériorisées, assimilées, incorporées par la personnalité psychique et en deviennent partie intégrante. »32. La socialisation peut être définie autrement comme un processus d’acquisition d’un modèle culturel. La question qui vient immédiatement à l’esprit : Quels sont les lieux de socialisation dans nos sociétés ? Les processus de socialisation sont à l’œuvre à la fois sur un plan formel (le système éducatif – écoles, universités,...) et informel (groupes de pairs, entreprises, famille,...). Nous nous concentrons volontairement sur le modèle d’apprentissage formel que constitue le système éducatif dans son ensemble. Pour s’interroger sur les moyens de modifier notre perception du réel, il importe se pencher sur les manières par lesquelles une société « éduque » les jeunes générations. Si l’école joue un rôle prédominant dans l’éducation formelle, la question centrale est de savoir par quels moyens il est possible de socialiser les enfants en dehors des influences de la culture dominante, afin de contribuer à l’émergence d’individus plus créatifs, plus épanouis et plus libres qui seront plus à même de sortir la société de l’ornière du vieux paradigme. Sir Ken Robinson33, enseignant britannique en arts, constate que les jeunes enfants ont une incroyable capacité de créativité (« voir les choses autrement ») mais que ce talent est vite gaspillé dès lors qu’ils rentrent dans le système éducatif. Ce constat doit amener notre société à repenser les principes fondamentaux de notre éducation. 31

Cette place n’avait, au départ, pas de nom. Guy Rocher – Introduction à la sociologie générale : I. l’action sociale – édition Points – page 56 33 http://www.ted.com/talks/lang/fr/ken_robinson_says_schools_kill_creativity.html 32

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Marc Luyckx Ghisi34, prospectiviste35, enfonce le clou : « Pas la peine d’essayer de réformer un système qui est dans un paradigme, moderne, industriel, analytique et rationnel. Cette situation est tout à fait normale puisque l’école prépare pour la société industrielle. On ne pouvait pas lui demander autre chose. ». Au travers de cette analyse, Marc Luyckx Ghisi se demande sous quelles conditions l’école pourrait être un lieu d’émergence de la nouvelle société soutenable ? Comment l’école peut-elle jouer un rôle dans le changement de modèle culturel ? Pour répondre positivement à cette question, Edgar Morin pense qu’il faut réformer l’éducation en s’appuyant sur un corps enseignant où les volontés d’aller vers le changement sont bien présentes.36 Les pistes sont nombreuses et mènent toutes vers un seul objectif : faire de l’être humain un citoyen éclairé et créatif, capable de comprendre le monde dans toute sa complexité et d’intégrer le lien qui le lie à la Nature. Inclure plutôt qu’exclure est une priorité pour notre société. Dans cette optique, Il nous semble essentiel d’apprendre aux élèves à se développer en apprenant à coopérer tout au long de leur scolarisation et de cesser de créer un climat de compétition entre les individus37 qui entérine l’idée qu’il y a des perdants et des gagnants, qu’il y a des premiers et des derniers. Pour répondre à ce principe d’égalité, nombreux sont ceux qui se sont penchés sur le système éducatif finlandais. Pour terminer, nous devons aussi avoir conscience que nos enfants sont exposés à de nombreux stimuli externes (télévision, publicité,...), qu’ils subissent sous un mode qu’on peut qualifier de passif. Le matraquage publicitaire permanent que font subir la plupart des chaînes thématiques destinées aux enfants pose question notamment sur la capacité de tels dispositifs à contribuer à transformer l’enfant en consommateur. Nous ne nous étendrons pas sur ce vaste sujet qui pourra faire éventuellement l’objet d’une autre note. La nécessité de développer une vision d’un futur soutenable à long terme Notre société ne peut pas continuer à se développer dans le scénario actuel. En tout état de cause, il faudra éviter que nos futurs choix de développement ne débouchent sur une société « cauchemardesque» (elle l’est cependant déjà pour de nombreux habitants de la planète !). Nos marges de manœuvre étant de plus en plus étroites, il est urgent de développer des scénarios alternatifs susceptibles de sortir de la logique actuelle où les crises économiques, écologiques et sociales sont devenues la norme. Les visions stratégiques à long terme de l’action territoriale ont besoin d’être profondément renouvelées à toutes les échelles et avec l’ensemble des acteurs. L’avenir incertain inhérent aux mutations de ce monde (y compris les improbables « Cygnes noirs »38) devrait nous inciter à entamer, avec les parties intéressées, une réflexion prospective capable d’amener chacun à remettre à plat ses propres représentations du futur, à préparer les esprits aux changements envisageables et, au final, à ancrer l’objectif vital de soutenabilité dans l’action humaine.

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Marc Luyckx Ghisi : Surgissement d’un monde nouveau – Editions Alphée Marc Luyckx a été un conseiller auprès des présidents Delors et Santer à la Cellule de Prospective de la Commission Européenne 36 Edgar Morin : La Voie – Editions Fayard 37 Concours, examens, contrôles,... 38 Concept développé par Nicolas Taleb : Un Cygne noir est un évènement hautement improbable mais dont les impacts sont très importants. 35

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Bâtir une vision d’un futur souhaité et soutenable (« là où nous voulons aller ») pour un territoire et imaginer les scénarios de transition pour servir, au mieux, cette vision sont, selon nous, indispensables à la réflexion prospective territoriale. Les éclairages apportés par ce travail collectif et participatif doivent aider les territoires à faire les choix politiques pertinents par rapport au contexte et à son évolution probable ou possible. La construction d’une vision fait cruellement défaut, comme le montre une récente étude du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) sur les démarches de type Agenda 21 ou le Plan Climat Energie où aucune approche prospective n’est initiée par les acteurs qui s’investissent dans le « comment ? », sans s’être posé les questions du « vers où ? » et du « pourquoi ? ».

V- Les pistes à suivre Les pouvoirs publics peuvent et doivent influencer l'évolution des rapports de force au sein de la société civile par une politique d'incitation. Néanmoins, cela est totalement insuffisant pour établir l'équité dans les relations internationales qui sont dominées aujourd'hui par une logique économique. Or, comme le signale OXFAM International, "le système régissant le commerce international n'est pas une force de la nature. C'est un système d'échange, avec des règles et des institutions exprimant des choix politiques. Ces choix peuvent donner la priorité aux intérêts des plus faibles et des plus vulnérables, ou aux intérêts des riches et des puissants. Le commerce renforce la pauvreté et les inégalités dans le monde parce que ses propres règles sont établies dans ce but"39 On ne peut pas espérer tendre vers un développement soutenable, sans parler d’éthique. Il apparaît nécessaire de s'orienter vers une "société de contrat" fondée sur une éthique de la responsabilité. Le maintien d'un tel système impliquerait l'application d'un droit international accepté de tous et fondé sur une charte éthique universelle. Pour aller vers cette utopie, nous ne pourrons faire l'économie d'accepter de perdre un peu de nos égoïsmes, la compensation résidant essentiellement dans notre gain en lien social. Ce qui nous permettra de conclure provisoirement que seule une révolution culturelle fondée sur une éthique de la responsabilité permettra à l'humanité de vivre dans l'équité. L’ampleur des changements à opérer dans toutes les sphères de la société pour répondre aux défis d’un développement soutenable nécessite, d’une part, de changer notre manière de voir le monde, d’autre part, de renouveler l’action publique et l’organisation de la vie collective. Comme évoqué un peu plus tôt, notre société souffre d’une « crise de projection collective sur l’avenir ». Plus généralement, le contexte actuel des crises économique, écologique et sociales semble être le reflet d’une crise du modèle de développement et du projet collectif de société. Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que le développement soutenable peut-être envisagé comme une opportunité pour élaborer des pistes de sorties de crises et offrir un cadre de réflexion visant à dessiner un projet de société renouvelé remettant en cause notre modèle actuel de développement. Si les pouvoirs publics, les collectivités peuvent jouer un rôle essentiel dans leurs domaines de compétences et dans l’animation des territoires, nous devons également développer une capacité à réinventer une démocratie locale, car le « principe de responsabilité » est à la fois collectif et individuel. 39

OXFAM, Deux poids, deux mesures. Commerce : commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté, 2002, rapport téléchargeable à partir du site www.maketradefair.com, p. 5

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L’évolution des modes de gouvernance est indispensable pour parvenir à co-responsabiliser les différents acteurs et apporter une plus-value collective pour plus de pertinence et de légitimité à la décision politique. Comme le souligne Edgar Morin40 dans son appel à la « métamorphose » sociétale, l’approche démocratique du développement soutenable en constitue la principale garantie. L’un des premiers chantiers à initier pour construire une vision collective (où nous voulons aller ?) et faire face aux nombreux défis passe par une participation citoyenne revisitée et l’abandon de la recherche de consensus à tout prix. Car, en cherchant l’unité, le consensus diabolise le conflit en lui collant une image de chaos apparent et nous prive des valeurs ajoutées produites par l’association des différences (dissensus). L’actualité récente concernant la « crise Grecque » montre bien que l’exigence de consensus change le remède en poison. Accepter ou refuser le modèle dominant relève du principe de responsabilité qui anime à priori chaque être humain, à condition toutefois qu'il puisse exercer son libre arbitre. Par extension, ce principe peut s'appliquer à toutes les organisations dans la mesure où elles sont des constructions humaines, mues par des logiques d'intérêt général et particulier.

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« Eloge de la métamorphose », article publié le 10 mars 2010, Le Monde

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