Mémoire d'initiation à la recherche en paysage

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L’espace culturel, un outil de reconquête urbaine L’exemple de la rue d’Arras

Léa Badel Paysage 3, ENSAP Lille mémoire d’initiation à la recherche, septembre 2014 - mai 2015

séminaire « Espace public, paysage, arts, anthropologie de l’espace » encadré par Sabine Ehrmann et Catherine Grout



Remerciements

Je remercie Catherine Grout et Sabine Ehrmann, les deux professeurs qui m’ont encadrée tout au long de ce mémoire de recherche. Je remercie particulièrement Sabine Ehrmann qui a suivi mon travail jusqu’aux dernières semaines et a guidé l’organisation de mes idées.

Je remercie les personnes que j’ai eu l’occasion de rencontrer pour leur patience et leur disponibilité : Philippe Louguet, Marie-Thérèse Grégoris, Thierry Lesueur, Aline Lyoën et Charlotte Berthelot. Ces personnes ont grandement nourri ce travail d’initiation à la recherche.

Je remercie également tous les autres étudiants qui ont participé au séminaire d’initiation à la recherche « Espace public, paysage, arts, anthropologie de l’espace » et particulièrement Julien Truglas qui m’a aidée à chosir mon sujet, a orienté ma réflexion, et a proposé de m’accompagner pour les visites sur le terrain.

Je remercie particulièrement Guerric Heynen qui m’a aidée, à force de relectures, à rendre ce travail compréhensible, dans la syntaxe et les idées. Je le remercie par ailleurs pour les nombreuses visites rue d’Arras que nous avons faites.

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Sommaire Avant-propos ...............................................................................................6

Introduction ........................................................................................9

A Politique culturelle et aménagement du territoire...........15 A.1

La politique culturelle de Lille sous les mandats de Martine

Aubry........................................................................................................ 15 A.1.a Lille2004, Lille3000............................................................... 15 A.1.b « renouvellement urbain » et « reconquête » des quartiers complexes........................................................................................... 22 A.1.c Moulins et Wazemmes, deux quartiers « populaires », deux maisons Folies.....................................................................................28 A.2 Culture(s)...................................................................................... 33 A.2.a L’art et/ou la culture ? ............................................................ 33 A.2.b Les cultures : culture de quartier, culture populaire, culture des élites .................................................................................................. 36 A.2.c Culture(s), mixité et gentrification.......................................... 39 A.2.d La « culture », nécessité absolue à Moulins ?......................... 44

B Les lieux culturels sont-ils des espaces publics ?..............49 B.1 Lieux culturels et espaces publics de la rue d’Arras................. 49 B.1.a L’emplacement des lieux culturels : stratégie géographique ou opportunité ?......................................................................................49 B.1.b Les différents « espaces publics » de la rue d’Arras.............. 52 B.1.c Relations

entre

les

équipements

culturels

et

les

espaces publics.................................................................................... 56 B.1.d L’ « intégration » des lieux culturels dans le quartier ?........... 61

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B.2 Les pratiques culturelles dans l’espace public de la rue d’Arras.................................................................................................... 66 B.2.a Les différents acteurs de la rue d’Arras.................................. 66 B.2.b La multiplicité des usages de la rue d’Arras........................... 67 B.2.c Les temporalités de la rue d’Arras.......................................... 70 B.3 La culture favorise-t-elle le « lien social » ?............................... 78 B.3.a Ce qu’on appelle le « lien social ».......................................... 78 B.3.b Les « passeurs »...................................................................... 79 B.3.c Le quartier comme ressource.................................................. 83 B.3.d

L’espace public culturel : un espace de culture et/ou de

politique ?..........................................................................................85

Conclusion ..........................................................................................87 Tables des figures ..........................................................................................90 Bibliographie ................................................................................................92 Annexes ........................................................................................................97

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Avant-propos

Pour expliquer mon choix de séminaire et l’orientation de ma problématique, il m’est plus facile d’exprimer mon parcours intellectuel dans une logique chronologique, qui, évidemment, est représentative des connaissances que j’ai acquises au fur et à mesure de mes études. Je commencerai par expliquer mon engouement pour l’art, de façon très générale, avant mon entrée dans la formation paysage de l’Ecole Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille (ENSAPL). Il m’apparait nécessaire d’évoquer le fait que plusieurs personnes de ma famille travaillent dans l’artisanat, ou ont pratiqué des activités que l’on pourrait qualifier d’artistiques. J’ai ainsi toujours été habituée à aller voir musées et expositions, et ceci a orienté mon évolution personnelle.

Avant mes études en paysage, j’avais une vision très institutionnalisée de l’art et je n’étais pas encore sensible aux interventions artistiques urbaines. La découverte de l’espace public m’est venue après le baccalauréat, quand j’ai intégré une Mise A Niveau en Arts Appliqués (MANAA). C’est à ce moment que j’ai perçu pour la première fois que l’art pouvait aussi être utile, avait aussi des fins « fonctionnelles ». Il est plus qu’un simple objet esthétique porté au regard des intéressés. En BTS Design d’Espace, il est demandé aux étudiants de deuxième année de trouver un sujet « d’approfondissement sectoriel ». En 2011, j’avais donc choisi de travailler sur « l’art public ». Le dossier très sommaire que j’ai produit m’a permis de mener une réflexion sur la perception que les « usagers quotidiens » ont de l’espace public, et en quoi l’art, dans l’environnement urbain, peut l’affecter. Cependant, une des difficultés d’écriture de ce dossier a été de définir les deux notions abordées ici, art et public. Le sujet est donc resté trop vaste, avec des notions difficiles à manipuler.

Avec l’entrée à l’ENSAP Lille, les cours portant sur les interventions artistiques en milieu urbain m’ont permis d’élargir mes connaissances sur le sujet et,

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grâce au croisement avec les cours et laboratoires portés sur l’identification et le rôle des différents acteurs dans le projet de paysage, j’ai eu un regard plus aiguisé sur les commanditaires potentiels de ces interventions artistiques, les artistes actifs, les collectifs, les personnes réfractaires etc.

Lille étant une ville hautement culturelle, particulièrement depuis qu’elle a gagné son statut de « Capitale Européenne de la Culture » en 2004, il m’a semblé approprié de choisir Lille comme terrain d’étude pour ce mémoire d’initiation à la recherche. Mes choix de site se portent vers les maisons Folies de Lille2004, plus particulièrement celles de Wazemmes et de Moulins puisqu’elles se situent à proximité de mon lieu d’habitation, et qu’elles sont largement médiatisées. Par ailleurs, les deux quartiers sont des quartiers dits « populaires », pour lesquels la ville a pu avoir intérêt à engager une stratégie de « revitalisation ». Les deux maisons Folies présentent toutes deux des intérêts. Elles présentent la même programmation mais l’insertion dans le quartier n’est pas la même. Celle de Moulins se trouve dans une rue qui est rythmée par d’autres équipements culturels. Le périmètre d’étude sera donc plus longiligne. Au contraire, celle de Wazemmes s’apparente plus à un point d’articulation du quartier : dans un rayon de 200m se situent la place du marché, un parc, une maison de quartier, une maison des jeunes... Wazemmes est un quartier dynamique, « en vogue », où il se passe des choses. Avec cette question de la culture, viennent par ailleurs les notions de démocratisation de l’art et de gentrification du quartier. Je me suis alors demandé quelle était la stratégie de Lille face à la gentrification des quartiers Moulins et Wazemmes ? Volontaire ou non ? Il me semblait d’une façon paradoxale que l’impact des Maisons Folies soit un embourgeoisement des quartiers, alors que le concept même du projet est de raviver le quartier « de l’intérieur », en faisant participer les habitants des quartiers concernés. En parallèle et en termes d’économie de temps, le concepteur de la maison Folie de Moulins, Philippe Louguet est le premier à m’avoir accordé un entretien. Cette rencontre m’a permis de décider sur quelle maison Folie je souhaitais axer mes recherches : celle de Moulins paraît en effet avoir eu

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plus d’impact sur le quartier qui semblait jusqu’alors passif alors que celle de Wazemmes s’est installée dans un quartier déjà très actif culturellement. De plus, l’ouverture récente d’un Centre Eurorégional des Cultures Urbaines (CECU) attenant à la maison Folie de Moulins est un élément qui me paraît intéressant pour nourrir ma problématique.

De cette façon, il m’a paru plus évident pour moi de traiter mon sujet de mémoire, dans un premier temps par des recherches théoriques et générales ainsi que par une analyse du quartier Moulins, puis, dans un second temps d’aborder avec un regard critique les pratiques de l’espace public au regard de ces lieux culturels à Moulins.

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Introduction

Sujet et problématique L’objet d’étude est la rue d’Arras, située dans le quartier de Moulins, à Lille. Il s’agit de toute la rue, considérée dans son ensemble, même si l’on portera particulièrement attention à l’espace public autour des établissements à vocation culturelle. Il s’agit d’un quartier limité au sud par le périphérique, et annexé à Lille en 1858. Ancien quartier industriel, il s’apparente aujourd’hui à un quartier populaire, que la politique de la ville tente de dynamiser. Cela semble se faire notamment par le biais de la culture, grâce à l’apparition de lieux culturels (la maison Folie Moulins, le Centre Eurorégional des Cultures Urbaines, la gare St Sauveur, le Grand-Sud). Certains sont basés dans la rue d’Arras. Par ailleurs, la maison Folie (ancienne Brasserie réhabilitée pour l’événement Lille2004), et le CECU qui lui est adjacent, sorte de « maison du Hip Hop », semblent particulièrement marquer la rue d’Arras.

L’insertion du CECU dans le quartier se fait par l’aménagement d’un parvis, accessible depuis la rue d’Arras. Quel statut donner à ce parvis ? Extension de l’équipement culturel ou réorganisation de l’espace public de la rue ? L’espace public est indissociable de la perception des usagers. Il se définit dans le sens commun par ses limites foncières et par ce que tout le monde a la possibilité de le pratiquer. Dans le cas précis, il fera l’objet d’un périmètre détaillé comprenant la rue d’Arras mais aussi d’autres lieux de débats et de discussion, comme par exemple la maison Folie. La recherche s’inscrit dans la continuité de pensée des articles POPSU basés sur la métropole Lilloise, et plus particulièrement ceux écrits par Isabelle Estienne et Marie-Thérèse Grégoris. La réflexion porte sur l’espace public culturel, en tant qu’objet d’une stratégie politique de la ville, et/ou en tant qu’espace investi spontanément par les habitants.

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Qu’il soit l’un ou l’autre, l’espace public culturel permet-il une « reconquête » urbaine ? Cela suppose que cet espace fasse partie d’une stratégie, d’une tactique politique à la fois dans le cadre de la métropolisation lilloise et aussi en termes de qualité de vie à l’échelle du quartier. Cependant, cet espace culturel revendique aussi une part d’autonomie. Au delà de la politique, les habitants et les « intermédiaires » de l’art et de la culture sont aussi acteurs, dans la vie de tous les jours.

Face à cette tension relative à la culture dans l’espace public, il est légitime de se demander si l’espace public culturel relève plus d’une stratégie politique ou s’il est lié aux pratiques culturelles existantes.

Méthode Pour mener ce travail d’initiation à la recherche, j’ai été amenée à lire de nombreux auteurs. Cela m’a permis d’avoir une « base » de connaissances et de convoquer ainsi des notions plus complexes, de sociologie notamment, liées à mon sujet. J’ai essayé d’acquérir ces connaissances le plus rapidemment possible, en amont de mes recherches sur le terrain. Cela m’a permis d’avoir un regard plus critique sur mon sujet d’étude dès le début, par rapport à ces notions bien spécifiques. Les auteurs que j’ai sélectionné appartiennent à différents champs disciplinaires : urbanisme, géographie, philosophie, sociologie. Ces différentes disciplines et auteurs se recoupent selon les entrées que j’aborde au fil de ce mémoire d’initiation à la recherche : phénomène de métropolisation, espace(s) public(s), culture etc. Le plus souvent possible, j’ai également essayé de croiser ces « lectures théoriques » avec des articles de presse ou des études de cas se rapprochant de mon propre sujet. Par exemple, afin d’aborder le sujet de la politique culturelle de la ville de Lille, j’ai travaillé avec un article POPSU de deux chercheuses (Marie-Thérèse Grégoris, géographe et Isabelle Estienne, architecte DPLG), et le livre Corps et décors urbains (dirigé par Paola Berenstein Jacques, architecte-urbaniste et Henri-Pierre Jeudy, philosophe et sociologue), que j’ai recoupés avec une

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conférence d’ Anne Clerval, géographe, portant sur la gentrification des villes, et des articles du journal de presse militante Article 11 (dont le sujet était la gentrification du quartier Moulins à Lille). Bien sûr dans un second temps, ce sont mélées à ces lectures, mes observations propres sur le terrain de recherche ainsi que des entretiens menés avec différents acteurs choisis. Les observations sur site ont été répétées régulièrement, entre octobre et mai afin d’avoir une vision sur le « long-terme ». Les horaires et jours de ces visites se veulent aussi variés que possible, bien que ces visites se soient faites selon mon emploi du temps d’étudiante. Cette pratique du site m’a été indispensable pour cette recherche, afin de comprendre le fonctionnement, les usages et les pratiques du lieu. Les quatre entretiens (sans compter les entretiens réalisés auprès des habitants et passants de la rue d’Arras) que j’ai réalisés dans le cadre de ma recherche font partie intégrante de mon corpus. Dans un souci d’économie de temps, j’ai dû réduire le nombre de personnes que j’envisageais d’entretenir. J’ai choisi ces personnes en fonction du rôle qu’ils ont eu et/ou ont sur l’espace culturel de la rue d’Arras : Philippe Louguet, architecte de la maison Folie Moulins, Thierry Lesueur, coordinateur général de Lille3000, Aline Lyoën et Charlotte Berthelot, chargées d’actions culturelles à la maison Folie Moulins. J’ai aussi entretenu la géographe et chercheuse Marie-Thérèse Grégoris pour acquérir une méthode de recherche et m’orienter vers des pistes bibliographiques. Tous les entretiens ont été enregistrés et ont été réécoutés avant d’être retranscrits (certains entretiens n’ont été retranscrits que partiellement, par économie de temps). Ce mémoire se compose de deux parties. La première partie permet la compréhension des notions théoriques abordées. Ces mêmes notions font l’objet d’observations et d’une étude de cas située et précisée en seconde partie du mémoire. Afin de ne pas altérer la lisibilité et la compréhension des textes, les figures intégrées dans le développement du mémoire se trouvent à chaque fois sur une page en vis-à-vis du texte concerné. Ces figures font partie du corpus, au même titre que certains textes et entretiens. Ces éléments proviennent de sources variées : ouvrages bibliographiques

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disponibles sur internet, archives photographiques Google Maps, site internet de la ville de Lille etc. Ces documents sont souvent présentés dans ce mémoire pour faciliter la compréhension du texte mais aussi comme outil d’analyse d’un discours, d’une démarche etc. D’autres sont des documents que j’ai réalisés dans le cadre de ma recherche (photographies, photomontages, cartes, dessins). Les photographies que j’ai prises et les dessins figurant dans mon corpus ont notamment fait l’objet d’une sélection. En effet, multiplier les prises de vues et les traits de crayons permet de se souvenir au mieux de l’espace, surtout quand on ne peut rester sur le terrain indéfiniment. Ne pouvant pas tout montrer, j’ai choisi les éléments qui à mon sens, rendent le mieux compte des pratiques dans l’espace public.

Champs disciplinaires convoqués Comme expliqué pour le choix des auteurs de référence, les champs disciplinaires convoqués par la présente recherche sont nombreux. Cependant ils se rejoignent tous et s’enrichissent les uns les autres. La géographie, le paysage, l’urbanisme et la sociologie sont les principaux champs convoqués. La politique (culturelle, ou de métropolisation) apparaît aussi dans ce mémoire, même si elle est intimement liée aux problématiques d’urbanisation et aux stratégies d’aménagement (la plateforme d’observation POPSU et l’ouvrage Le projet urbain de Lille, un nouvel art de ville, sont des ouvrages qui m’ont beaucoup aidé à traiter cette discipline). Bien que non directement concernée, l’architecture a été aussi une entrée intéressante pour ma recherche car les formes, les hauteurs, les couleurs des bâtis influent nécessairement sur nos usages et notre pratique de l’espace public1. Etudiante en paysage, les outils sollicités pour ce travail de recherche sont multiples. Assez naturellement, l’analyse des espaces par la vue en plan et en perspectives m’a paru nécessaire. La cartographie et l’analyse photographique par exemple, permettent de saisir les stratégies d’implantation, les proportions 1 L’ouvrage de Rudolf Arnheim, Dynamique de la forme architecturale, traite essentiellement du rapport à l’architecture. Cet ouvrage m’a permis de questionner les rapports entre les pratiques observées dans la rue et les architectures de la rue d’Arras.

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et donc les pratiques des lieux. Mais le paysage a sa particularité qu’il convoque irrémédiablement et instantanément d’autres champs disciplinaires : « Seule la pluralité des vues et des savoirs peut donner une mesure à la complexité de cette réalité qu’est le paysage. Pluralisme qui interdit que le paysage soit l’affaire d’un seul métier, d’une seule spécialité, d’une seule autorité ou d’une seule commande » (Besse, 2007, p. 17). La problématique des espaces publics, porteurs ou non de « lien social », est une problématique clef pour moi, étudiante en paysage. En projet, l’enjeu reste souvent de générer des espaces publics de rencontres, des espaces pratiqués par tous.

Attendus de la recherche Ainsi cette recherche vient se positionner en amont du projet de paysage. Elle vise à comprendre comment et pourquoi il est possible de créer ces rencontres, ce partage entre personnes de tous milieux sociaux, habitants, touristes, artistes, commerçants, collectifs ou associations du quartier etc. Parmis les moyens pour générer ces moments de rencontre, de vie sociale, j’ai choisi l’entrée de la « culture ». Pourquoi l’entrée de la culture ? Selon moi, la culture participe au développement d’un individu. Une fois cet individu faisant partie d’un groupe, c’est ce groupe qui crée de la culture. C’est ce caractère dual de la culture qui m’intéresse. Le comprendre aidera sans doute à la création de réels espaces de rencontre. Dans le cadre de ce mémoire, la « culture » est notamment privilégiée dans les quartiers populaires, où le mot même met une distance avec les habitants. Elle est ici traitée comme un outil, tant dans la création du « lien social » que comme levier de renouvellement urbain. Ce mémoire visera d’abord à définir les notions clefs abordées (politique lilloise, culture, espace public...) et tentera de les mettre en relation dans un second temps, à partir de l’étude de la rue d’Arras.

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A Politique culturelle et aménagement du territoire A.1 La politique culturelle de Lille sous les mandats de Martine Aubry A.1.a Lille2004, Lille3000 La métropolisation de Lille a connu plusieurs « temps forts ». Chronologiquement, le premier, en 1960 correspond à sa mutation, de ville industrielle en ville tertiaire1. Cette transformation s’illustre notamment par un premier projet en 1980, le fameux tunnel sous la Manche avec l’arrivée du TGV à Lille. Ce projet sera poursuivi par le quartier Euralille en 1990, grâce, entre autre, au cumul des fonctions de maire et de président à la Communauté urbaine de Lille de Pierre Mauroy (maire de Lille entre 1973 et 2001, et président à la communauté urbaine entre 1989 et 2008). Euralille est un quartier composé de tours, de bureaux et d’un centre commercial, qui marque le second temps fort. Le projet de Rem Koolhaas, architecte en charge du projet, est de trancher le nœud gordien que forment les infrastructures (voies urbaines, voies périphériques, TGV). Franck Vermandel, architecte et auteur de l’article POPSU « Euralille2 : contexte et enjeux, innovations, programmes, formes urbaines »2 écrit que le projet a été ensuite largement critiqué à cause de sa trop grande décontextualisation. En effet, il y a une trop grande rupture entre les échelles territoriales et urbaines dans le projet de Rem Koolhaas. La mutation de cette partie de la ville se poursuit pourtant avec le projet Euralille2 (quartier de l’hôtel de la Région, composé de bureaux, de logements, d’espaces verts etc.) dont l’argumentaire, selon Franck Vermandel, mettra plus en avant la mixité sociale que l’image de la mégapole tertiaire. Ce deuxième

1 Entretien avec Philippe Louguet, architecte maître d’œuvre de la maison Folie Moulins à Lille en 2004 et professeur, réalisé le jeudi 27 novembre 2014 à 17h à l’ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture et de Paysage) de Lille. 2 POPSU est une Plateforme d’Observation des Politiques et Stratégies Urbaines. Elle rassemble chercheurs, architectes, urbanistes autour d’une thématique précise. L’article concerné est : Vermandel (Franck), « Euralille2 : contexte et enjeux, innovations, programmes, formes urbaines », dans Lille métropole, Laboratoire du renouveau urbain, Parenthèses, coll « La ville en train de se faire », 2009, p.182-207.

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temps fort est énoncé par Didier Paris, enseignant en aménagement et urbanisme et chercheur à l’université des Sciences et Technologies de Lille1. Il est l’auteur de l’article « Discours et acteurs : les ressorts de la mécanique métropolitaine »3. Ce second moment clef est le clivage qui s’opère à la fin des années 1980/début des années 1990, lorsque Pierre Mauroy cumule ses 2 mandats. Le processus de désindustrialisation est en cours, et cela se traduit par une « recomposition des structures économiques, sociales et culturelles »4. Selon cet auteur, Lille doit devenir une eurocité. Les projets urbains sont alors des notions qui reviennent souvent dans les discours des politiques selon Didier Paris : une importance majeure est donnée aux pôles de compétitivité. Ces projets de grande envergure s’inscrivent dans la continuité d’Euralille. Parmi eux, EuraTechnologie et les rives de la Haute Deûle (dédié aux technologies de l’information et de la Communication dans le quartier des Bois Blancs à Lille), EuraSanté (un pôle économique et scientifique au service de la santé à Loos). A la différence d’Euralille1, ces projets urbains de la fin des années 90, sont pensés et dessinés de façon à être contextualisés en fonction de leur site d’accueil. Leur argumentaire, donné par le site internet de Lille Métropole prône la qualité urbaine, la mixité sociale et l’innovation dans le domaine du développement durable. L’ensemble argumentatif suppose la mise en place d’une stratégie urbaine et sous-entend une pensée programmatique à l’échelle de la ville. Le discours politique exprime également la volonté d’inscrire la ville dans le territoire transfrontalier. Dans le livre Corps et décors urbain, Paola BerensteinJacques, architecte-urbaniste brésilienne qui traite principalement des enjeux de développement des villes et notamment de l’exemple de Rio de Janeiro, lie ces évolutions avec une « compétition entre villes »5. Il s’agit donc ici de

3 Paris (Didier) et Mons (Dominique), « Discours et acteurs : les ressorts de la mécanique métropolitaine », dans Lille Métropole, Laboratoire du renouveau urbain, Parenthèses, coll. « La ville en train de se faire », 2009, p.24-47. 4 Ibid., p.24. 5 Bestenstein-Jacques (Paola), « Errances urbaines : l’art de faire l’expérience de la ville » dans Corps et décors urbain, les enjeux culturels des villes, L’Harmattan, coll. « Nouvelles études anthropologiques », Juin 2006, p. 105.

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créer une image de marque, commercialisable à l’international pour que Lille puisse « trouver sa place dans la géopolitique de réseaux internationaux »6. Paola Berenstein-Jacques souligne le risque que Lille perde ainsi son identité, sa particularité, en empruntant le « moule » des grandes métropoles internationales. Pour palier cette homogénéisation, différents urbanistes et acteurs politiques des années 1990 s’accordent à dire que Lille ne doit pas renier son passé industriel. Jean-Paul Lacaze, urbaniste d’Etat, le défend dans une publication en 1986 sur Les grandes friches industrielles. La SEM du versant nord-est le défend également à propos de Roubaix, et on peut citer aussi David Avital, promoteur qui entreprend de sauvegarder le patrimoine. Ils engagent dès lors de vastes programmes de réhabilitation du parc immobilier industriel. Les différents articles écrits pour la plateforme d’observation POPSU mettent en évidence l’image que Lille cherche à véhiculer : celle d’une nouvelle métropole à la pointe de l’information et de la communication, de la biologiesanté et de l’image-culture-médias7. Il me semble que cette image de Lilleeurocité, innovante en matière de projet urbain est renforcée par un troisième temps : celui de la culture. La culture devient elle aussi un « projet urbain ». Elle s’installe sur l’aire métropolitaine par un système de réseau (les maisons Folie par exemple), mettant en lien différents territoires. La culture à Lille peut être considérée comme un projet urbain dans la stratégie métropolitaine de la ville. Comme le soulignent Isabelle Estienne (architecte et chercheuse au LAboratoire Conception, Territoire et Histoire de l’ENSAP Lille et au Laboratoire Territoires, Villes, Environnement et Société à l’université Lille1) et Marie-Thérèse Grégoris (maître de conférence en géographie et chercheuse au TVES) dans leur article Dynamiques culturelles,

6 Ibid., p. 106. 7 Paris (Didier), Liefooghe (Christine) et Estienne (Isabelle), « Economie et attractivité : une nouvelle production urbaine », dans Lille Métropole, Laboratoire du renouveau urbain, Parenthèses, coll. « La ville en train de se faire », 2009, p.48-73.

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métropolisation et renouvellement urbain dans la métropole lilloise8, la culture est une image, mais pas seulement. Comme le titre de l’article l’annonce, c’est aussi un outil de renouvellement urbain et de cohésion sociale. En 1998, Lille est nommée avec Gênes pour être Capitale européenne de la culture en 2004. La nomination est bien reçue par les politiques comme par les habitants, d’autant plus que la ville essuie le refus de candidature pour les Jeux Olympiques de 2004. 2004 sera tout de même une année glorifiante pour Lille. Lille2004 participera grandement à la valorisation de l’image de la ville auprès des métropoles européennes. En effet , cette année 2004 aura été l’occasion de recevoir neuf millions de visiteurs et d’augmenter de 30% la fréquentation touristique de la ville de Lille9. La diversité des installations et des événements aura aussi permis d’initier la ville à de nouvelles pratiques culturelles dans les musées et autres lieux investis par Lille2004. En termes d’espace public, les rues de Lille ont vu 730 000 personnes lors de la fête d’ouverture. Le projet culturel propose toutes sortes de manifestations et d’installations, qu’elles soient temporaires ou pérennes. Les plus connues sont les Mondes Parallèles, les maisons Folie ou encore l’investissement d’anciens bâtiments industriels réhabilités pour l’occasion. Comme le dit Thierry Lesueur (dans l’équipe de Lille2004 et par la suite coordinateur général de Lille3000) dans un entretien que j’ai réalisé en janvier 2015, le projet fonctionne si bien — tant dans l’image de Lille véhiculée en Europe et dans le monde, que dans la cohésion nouvelle des quartiers entre eux — que le processus de projet culturel se poursuit avec Lille3000. Ainsi, des « traces » de Lille2004 perdurent dans le temps, encore actives aujourd’hui et inspirant même d’autres villes.

8 Estienne (Isabelle) et Grégoris (Marie-Thérèse), « Dynamiques culturelles, métropolisation et renouvellement urbain», dans Lille Métropole, Laboratoire du renouveau urbain, Parenthèses, coll. « La ville en train de se faire », 2009, p.74-99. 9 Catalogue « de lille2004 à Lille3000, le voyage continue !», donné par Thierry Lesueur, coordinateur de Lille3000, à la suite de l’entretien que j’ai réalisé avec lui le jeudi 22 janvier 2015 à 17h, dans les bureaux de Lille3000 à Euralille.

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Premier temps : mutation en ville tertiaire TGV Deuxième temps : les grands projets urbains Euralille1, Euralille2, Euralille3 Les rives de la Haute Deûle, le parc Eurasanté, Fives Cail Babcock Troisième temps : la culture Les lieux de Lille2004 (la gare St-sauveur, le Tripostal, les maisons Folie Wazemmes, Moulins et Lomme)

Figure 1 : carte des grands projets lillois

Crédits : fond de plan Le projet urbain de Lille

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Si l’idée de développer une activité culturelle au sein de la ville permet à Lille de s’affirmer en tant que métropole européenne, cela lui permet aussi de promouvoir le patrimoine lillois et les artistes locaux. Des lieux anciennement industriels sont sollicités, comme le Tripostal ou la gare St Sauveur ; des lieux qui semblent être choisis par opportunité, au vu de la rapidité de mise en œuvre des projets qui les animent. Thierry Lesueur lui-même reste impressionné de la vitesse à laquelle se sont décidées les actions et se sont ouverts les lieux au public10. Ces équipements (le Tripostal, la Gare St-Sauveur, etc.), appartiennent au patrimoine lillois par leur passé, et se veulent pleinement intégrés par leurs nouvelles fonctions aux quartiers dans lesquels ils s’insèrent. Les maisons Folie en sont un bon exemple. Afin d’avoir une emprise et une portée plus large sur le territoire, les maisons Folie fonctionnent en réseau. En effet, elles se comptent au nombre de douze, sur Lille et sa « métropole, toute la région Nord pas de Calais, et une partie de la Belgique »11. Un projet de grande envergure, mais avec des valeurs traditionnelles, permettant ainsi une meilleure intégration au quartier. Philippe Louguet, architecte de la maison Folie de Moulins, l’explique de façon très simple : « Cette idée des maisons Folie, c’est une idée un peu vide au départ. C’est-à-dire, c’est une simple idée, c’est une « maison » parce que déjà à l’époque il y a l’idée de dire que Lille c’est une ville de maisons. Et puis cette « folie », c’est un peu la folie XVIIIe mais c’est aussi les folies de Tschumi à La Villette, qui encore à l’époque, étaient très actuelles. Donc « maison Folie » ça regroupe des choses complètement antinomiques, qui sont l’idée du domestique et l’idée de la folie. Et c’est aussi l’idée du jardin, ça fait appel aussi à tout un imaginaire. Pour ces maisons Folie, ce qu’avait dit Fusillier [directeur du programme culturel

10 Entretien avec Thierry Lesueur, coordinateur de Lille3000, le jeudi 22 janvier 2015 à 17h, dans les bureaux de Lille3000 à Euralille. Bien que les propos rapportés soient pertinents pour la compréhension globale du chapitre, ils ne font pas partis de l’étude à proprement parler, c’est pourquoi ils figurent sous la forme de notes de bas de page : « […] c’est parti d’une intuition. Il n’y a pas eu de programme, il n’y a pas eu d’étude, rien. Entre le moment où ça a été voté au conseil municipal, en juillet 2008 et l’ouverture en mars 2009, il y a 9 mois pour toutes les études, les plans, et les travaux... Donc c’est un délai qui n’existe pas normalement. Donc on savait pas, on se disait, peut-être que ça va pas marcher du tout. Et puis le premier jour, ça a été.. et puis ça n’arrête pas, on doit être à plus de 2,5 millions de visiteurs depuis 2009. [...] ». 11 Entretien avec Thierry Lesueur, coordinateur de Lille3000, le jeudi 22 janvier 2015 à 17h, dans les bureaux de Lille3000 à Euralille.

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de Lille3000 et directeur artistique de Lille2004], le programme c’est celui des maisons. Donc il fallait qu’on puisse faire la cuisine, il fallait qu’on puisse manger, il fallait qu’on puisse dormir, il fallait qu’on puisse cuisiner et il fallait qu’il y ait un jardin aussi. Comme des maisons. » Philippe Louguet, architecte maître d’œuvre de la Maison Folie Moulins12

Ces lieux culturels s’insèrent à l’intérieur même du quartier. Ils font intervenir les habitants, non pas en tant que spectateurs, mais plutôt en tant qu’acteurs, dans un véritable lieu de vie. Les maisons Folies correspondent à de nouveaux outils pour diffuser la culture. Elles visent des quartiers où la population est naturellement à distance des équipements culturels. Xan Bouzada, sociologue espagnol, participe à l’écriture du livre Lieux culturels et contextes de villes, dirigé par Jean-Pierre Augustin (géographe, chercheur et professeur) et Daniel Latouche (professeur et chercheur québécois sur le rôle des sciences et de la culture dans les villes). Dans son texte La distance sociale et symbolique aux équipements culturels, il évoque par ailleurs la difficulté des classes populaires à entrer dans les lieux culturels. Les maisons Folie apparaissent comme une nouvelle forme de lieu culturel plus facilement accessible que les lieux traditionnels (musées, théâtre...) par les populations provenant de tous milieux sociaux. Le quartier Moulins est-il concerné par les classes populaires ? Peut-on apparenter ces nouveaux lieux culturels à une forme de « projet urbain » dans le sens où ils permettent le renouvellement urbain de leurs quartiers ? Quelles sont leurs fonctions, et dans quel contexte sont-elles le plus efficientes ?

������������������������������������������������������������������������������������������ Entretien réalisé le jeudi 27 novembre 2014 à 17h à l’ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture et de Paysage) de Lille. La citation est audible entre 8’40 et 10’00min

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A.1.b

« renouvellement urbain » et « reconquête » des quartiers

complexes Le terme de « renouvellement urbain » est souvent employé dans les articles de la plateforme d’observation POPSU. Didier Paris, enseignant et chercheur à l’Université Sciences et Technologies de Lille1, le rapproche du contexte des villes désindustrialisées. D’autres auteurs l’associent à la culture. Deux articles POPSU sur Lille métropole appartiennent au thème 3 « La culture, comme levier de mutation urbaine »13. L’article «Dynamiques culturelles, métropolisation et renouvellement urbain dans la métropole lilloise » est écrit par Isabelle Estienne et Marie-Thérèse Grégoris. Elles utilisent, en plus du « renouvellement urbain », le terme de « revitalisation »14. Le second article s’intitule « Les lieux culturels, un levier pour le renouvellement urbain ? » et est écrit par Isabelle Estienne, Loïc Landry et Mathieu Martin, tous deux étudiants en architecture à l’ENSAP Lille. Par ailleurs, le diagnostic du territoire lillois (réalisé pour l’élaboration du Schéma Directeur et des Orientations concernant une version provisoire du « Projet d’Aménagement et de Développement Durable »), titre une des ces entrées thématiques « le renouvellement urbain en marche »15. Ces termes sous-entendent un changement des lieux ou des quartiers déjà existants qui semblent s’essouffler, mais ayant déjà une histoire qui leur est propre. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’anciens quartiers populaires, marqués par la désindustrialisation, subissant comme le dit Didier Paris, une forme d’exclusion sociale. Ainsi, la priorité de la « ville renouvelée » serait mise sur ces espaces désindustrialisés situés en cœur de ville. Les enjeux seraient spatiaux : réadapter ces quartiers renouvelés à un tissu urbain en développement. Il peut s’agir par exemple de la réhabilitation

13 Thème accessible depuis la plateforme POPSU en ligne : http://www.popsu.archi.fr/ popsu1/lille/themes/la-culture-comme-levier-de-mutation-urbaine 14 Estienne (Isabelle) et Grégoris (Marie-Thérèse), op.cit., p.75. 15 Le diagnostic est réalisé par le Syndicat Mixte du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) et porte sur les territoires concernés par le SCOT. Il a été actualisé en janvier 2015 et présenté au comité syndical afin de donner lieu à un débat pour la réactualisation du PADD. Il est disponible à l’adresse internet suivante : http://www.scot-lille-metropole.org/ spip.php?rubrique136. L’entrée «Le renouvellement urbain en marche» est une sous-partie de la thématique «Une maîtrise de l’organisation spatiale à renforcer».

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d’anciens bâtiments industriels en pôle tertiaire, permettant ainsi de créer du mouvement, qu’il soit interne au quartier ou inter-quartiers. Mais les enjeux sont aussi sociaux. En effet, la désindustrialisation a laissé derrière elle un fort taux de chômage. Des personnes sont parfois dans l’impossibilité de se reconvertir professionnellement, par manque de diplômes et de qualifications. « Les problèmes de santé, la disparition des repères sociaux, et donc la délinquance et les trafics en tous genres »16 sont présents dans l’article rédigé par Didier Paris. Le terme de « quartier complexe » est utilisé sur la plateforme POPSU en ligne. La hiérarchie et la structure des articles sont différentes dans les documents en ligne et dans l’ouvrage édité et imprimé en 2009, qui regroupe l’ensemble des textes. Sur le site internet de POPSU, le thème 2 concernant la ville de Lille est « Le renouvellement urbain des quartiers complexes ». Ces termes ne sont pas réutilisés dans l’ouvrage imprimé. On y parle en revanche de « Dynamique de projets et mutations urbaines ». Néanmoins Dominique Mons, géographe-urbaniste et chercheuse au LACTH, utilise fréquemment la notion de « quartier complexe » dans son article POPSU « Les formes de renouvellement urbain dans la ville de tradition industrielle »17. Selon l’auteure, le terme de « quartier complexe » a été mis en avant par l’architecte JeanClaude Burdèse et la SEM d’aménagement de Lille Métropole Communauté urbaine et de la ville de Lille. Dominique Mons qualifie d’abord les quartiers complexes par leur morphologie. Il s’agit de quartiers d’une multitude de typologies : rues urbaines traditionnelles avec maisons de ville, commerces de proximité en rez-de-chaussée, grands ensembles, courées, entrepôts, usines, friches industrielles... Ce type de quartiers est dit « complexe » car les actions de requalification urbaine sont difficiles à mener. Cela est dû, selon elle, à la fragilité des populations en place et à la présence « d’ambiances collectives »18. La table rase pour mener tout type d’action urbaine est impossible. 16 Paris (Didier), op. cit., p.31. 17 Mons (Dominique), « Les formes de renouvellement urbain dans la ville de tradition industrielle », dans Lille Métropole, Laboratoire du renouveau urbain, Parenthèses, coll. « La ville en train de se faire », 2009, p.126-157. 18 Ibid., p.132.

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Moulins est-il un quartier complexe ? Annexé à Lille en 1858, le quartier accueille de nombreuses industries et usines. Il s’agit d’un quartier industriel, dont le tissu urbain est soumis à différentes transformations et opportunités foncières. Il se développe principalement de part et d’autre de la rue d’Arras, axe historique et première entité du quartier. Le quartier se compose ainsi à la fois de maisons ouvrières typiques et de grands bâtiments industriels. Suite à la guerre, en 1944, le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme est créé. En 1953, le logement devient une priorité et les logements collectifs sont de plus en plus nombreux à Moulins. De ce fait, le quartier commence sa mutation. Il garde son identité de quartier industriel avec les maisons ouvrières tout en devenant aussi un quartier social, densément peuplé, où l’on trouve un grand nombre de résidences et de logements sociaux.

Il paraît alors important de différencier la notion de quartier complexe de celle de quartier populaire. Selon les données de l’INSEE datant du 31 décembre 2012, le quartier présente un taux d’activité de seulement 60% chez les personnes ayant entre 15 et 64 ans. Presque 10% de ces actifs ont un emploi précaire. Selon ces mêmes données, 36% de la population n’a aucun diplôme ou un diplôme de niveau inférieur au baccalauréat. Il s’agit d’une population présentant des difficultés sociales. Le quartier est dit « populaire », dans le sens où il s’apparente au milieu social de sa population. La notion de quartier populaire sous-entend une classe sociale modeste. Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales définit l’adjectif « populaire » comme suit : « Qui est propre aux couches les plus modestes de la société, au peuple et qui est inusité par les gens cultivés et la bourgeoisie »19. D’un point de vue extérieur, le quartier de Moulins paraît vivant, avec beaucoup de commerces. Il ne s’agit pas d’un quartier uniquement résidentiel.

19 La définition du mot « populaire » est disponible à l’adresse internet suivante : http:// www.cnrtl.fr/lexicographie/populaire.

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Par ailleurs, les enquêtes de terrain et questionnaires que j’ai réalisés avec les usagers et habitants de la rue d’Arras révèlent que la partie nord de la rue est plutôt agréable à vivre. Le sud de la rue est beaucoup plus craint. Certains habitants de longue date parle de « quartier craignos », qu’il n’est pas bon de fréquenter, ou refusent de répondre aux questions concernant la qualité de vie de la rue. Une partie de la population s’est braquée quand je l’ai abordée dans le but de poser des questions. Il me semble que ces refus de répondre soulignent une volonté d’isolement et une provient peut-être d’un réflexe de protection. Ce non dialogue laisse penser qu’une partie de la population de Moulins refuse toute relation avec des personnes extérieures au quartier. Ce refus rentre-t-il dans la définition d’un quartier populaire et/ou complexe, sur lequel il est dès lors difficile d’intervenir ? Les deux termes ne sont pas antinomiques mais pourtant bien distincts. La culture est conçue comme un outil stratégique du renouvellement urbain du quartier Moulins. Ce dernier semble être un quartier à l’écart de la culture dite élitiste des musées traditionnels. Lille2004 et Lille3000, travaillent sur l’accès à la culture via la maison Folie et le CECU. « L’idée c’était que la culture n’était pas forcément ce qu’on fait une fois qu’on a tout fait, la cerise sur le gâteau, mais au contraire que c’était le gâteau. Et en effet que ça devait être un outil, à la fois de promotion d’activités à l’international mais aussi un outil par rapport à la construction de la ville, par rapport aux habitants, par rapport au public, aux populations qui ne vont pas forcément au musée, à l’orchestre ou au spectacle. Et on sait bien que c’est une réalité : toutes les statistiques montrent que c’est un pourcentage très étroit de la population qui fréquente les lieux culturels. Donc c’est un peu le fondement de Lille2004 et Lille3000, c’est de se dire « bien sûr tous les initiés, les passionnés, vont venir en 2004 voir les expositions, puisque il y en a tellement, et puis il y a tellement de choses formidables qu’ils viendront de toutes façons. Ils viendront en voir plus, mais qu’est ce qu’il va se passer pour les gens qui ne sont, effectivement, pas sensibilisés. » Donc il y a eu tout un travail pour qu’on fasse un peu se rencontrer ce qui était de l’ordre de la culture populaire, de la culture dite « savante ». L’idée aussi de créer des nouveaux lieux, qui fassent moins peur que certains musées, ou certains lieux officiels de la culture » Thierry Lesueur, coordinateur de Lille3000 et dans l’équipe depuis Lille200420

Le terme de « reconquête », terme employé dans divers ouvrages, soulève des questions. Par exemple, en 1983, le Conseil de l’Europe organise une ���������������������������������������������������������������������� Entretien réalisé le 22 janvier 2015, dans les bureaux de Lille3000

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conférence ayant pour thème « la reconquête des villes dans les régions européennes de vieilles industries ». Autre exemple, l’architecte Eric Monin écrit dans sa thèse21, que les manifestations festives éphémères sont « un outil opérationnel extrêmement puissant au service d’une reconquête de l’espace [...] ». Pourtant la notion de reconquête implique de conquérir quelque chose qui l’a déjà été. Le terme a une connotation belliqueuse. En quoi et par qui ces quartiers complexes ont-ils été déjà conquis ? En quoi le quartier Moulins de Lille a-t-il besoin d’être reconquis ? L’ouvrage Le projet urbain de Lille, un nouvel art de ville, édité en 2005, met en relation l’espace public avec le renouvellement urbain. Le sous-chapitre « L’espace public, outil de la dynamique de renouvellement urbain »22 met l’accent sur le quartier de Moulins, et concerne aussi la rue d’Arras. En 2005, le projet urbain de Lille prévoyait un réaménagement de la rue d’Arras et de la place Vanhoenacker. L’importance est donnée à la continuité des rez-dechaussée commerçants dans la rue, afin de « conforter le centre du quartier »23. Selon l’ouvrage, cette requalification serait faite grâce à l’amélioration des espaces publics et des façades. Stanislas Dendiével, auteur des textes de l’ouvrage et conseiller municipal délégué à l’urbanisme, conclut ce paragraphe par la mise en tension de trois éléments rythmant la rue d’Arras, afin de permettre une « reconquête de l’espace public »24. Les trois éléments en question sont la maison Folie au nord de la rue, la mairie de quartier au centre, et le collège actuellement en construction au sud. En visionnant les archives de Google Street View, dont les plus anciennes datent de mai 2008, on peut effectivement voir une série de travaux, ou de changements (requalification, rénovation, construction etc.) le long de la rue d’Arras (figure2). Ces opérations sont particulièrement flagrantes dans le sud de la

21 Monin (Eric), « Ambiances et dispositifs éphémères en milieu urbain : une analyse critique de projets d’aménagement temporaires réalisés en France au XVIIIe et au XXe siècles », 2001. 22 De Saintignon (Pierre), Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, chapitre « Mettre en réseau les espaces et les Hommes », Ville de Lille, 2005, p.150-160. 23 Ibid., p.151. 24 Ibid.

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14 juillet 2014

mai 2008

mai 2008

30 avril 2015

juillet 2014

juillet 2014

Construction du CECU, démolition d’un bâtiment attenant à la Poste, suppression du trompe l’œil sur le pignon

construction de bâtiments dans l’alignement de la rue

mai 2008

mai 2008

juillet 2014

juillet 2014

traitement du trottoir en face de la maison Folie Moulins

construction de bâtiments dans l’alignement de la rue

nouveau bâtiment aligné aux autres bâtis.

mai 2008

mai 2008

juillet 2014

juillet 2014

Figure 2 : les travaux successifs rue d’Arras entre 2008 et 2015

Crédits : ©Google Street View (archives), capture d’écran le 15/05/15

Construction d’un bâtiment

construction du collège dans la continuité de la rue

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rue, après la mairie de quartier (en allant du nord vers le sud). Des terrains en friche végétale ont été complètement investis par des bâtis. Un décroché important de la façade d’un bâtiment sur la frange Est, laisse la place à un trottoir large et bordé d’arbres. Aujourd’hui, le bâtiment n’est plus le même, et la façade de la construction est alignée aux autres, dans la continuité de la rue. Il semble y avoir une véritable attention portée sur la qualité spatiale de la rue d’Arras (figure3). Les quartiers complexes ne sont pas nécessairement des quartiers populaires et vice versa. Cela étant, les quartiers Moulins et Wazemmes se rejoignent par ces deux caractéristiques mais ont deux typologies de quartier différentes, et ainsi deux insertions de la culture difféntes. A.1.c Moulins et Wazemmes, deux quartiers « populaires », deux maisons Folies Par ailleurs, Moulins n’est pas le seul quartier de Lille a être perçu comme un quartier « complexe », stratégiquement choisi pour y installer une maison Folie. Le quartier Wazemmes, un autre quartier au sud de Lille, à l’ouest du quartier Moulins, a les mêmes caractéristiques. L’ouvrage Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, écrit en 2005 présente ces deux quartiers populaires comme un seul et même repère dans la ville. Dans le chapitre portant sur le dialogue avec la forme urbaine de Lille, Stanislas Dendiével, auteur des textes de l’ouvrage25, énonce différentes grandes entités comme autant d’images des quartiers26. Le paragraphe qui regroupe les quartiers Wazemmes et Moulins traite particulièrement de la forme urbaine typique : associations de bâtiments de grand gabarit dus aux anciennes industries, avec des maisons de villes, des maisons patronales avec jardins, des estaminets aux angles de rues, et des maisons de courées en cœur d’ilots pour les ouvriers. Ces quartiers sont les deux seuls concernés par le « renouvellement urbain » à 25 Le « projet urbain de Lille » a été réalisé par l’équipe municipale, dont Pierre de Saintignon, c’est pour quoi il est nommé comme étant l’auteur. Néanmoins, les textes qui figurent dans l’ouvrage ont été écris par Stanislas Dendiével. 26 Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, op. cit., p.18.

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Figure 3 : mettre en réseau les espaces et les hommes.

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Figure 4 : carte synthèse des grandes orientations du projet urbain de la ville de Lille.

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Crédits : © Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille.

Crédits : © Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille.

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l’intérieur du périphérique (figure 4). Ils correspondent, d’après la description typologique de Stanislas Dendiével, à des quartiers complexes, sur lesquels il est difficile de planifier de grands projets urbains. Les maisons Folie seraient-elles une traduction de petites interventions ciblées pour engager le renouvellement urbain de ces quartiers complexes ? Le projet urbain de Lille est de créer deux « centres de quartier », l’un se situant au niveau de la maison Folie de Wazemmes et l’autre au milieu de la rue d’Arras. Cependant, il est intéressant de constater que seul le quartier Moulins est presque entièrement cerné par des « territoires de projets urbains »27 : St Sauveur au nord, la Porte de Valenciennes, et le secteur « Porte des Postes, Porte d’Arras » au sud. Les deux maisons Folie évoquées sont étroitement liées par leur programmation, leur équipe et leur stratégie d’implantation. En revanche, elles ne s’inscrivent pas dans le tissu urbain de la même façon. Pour analyser ce tissu urbain, j’ai été amenée à réaliser une cartographie des deux quartiers, dont le centre géographique serait les maisons Folie respectives. Pour cadrer l’espace en relation avec la maison Folie de Moulins, j’ai sans cesse été obligée d’agrandir mon périmètre d’observation, de façon à avoir la totalité de la rue d’Arras, du parc Jean-Baptiste Lebas jusqu’au périphérique. Pour le choix du cadrage sur les espaces autour de la maison Folie de Wazemmes, je me suis sentie beaucoup moins contrainte, car le tissu urbain y apparaît labyrinthique. Il est difficile de cerner les limites spatiales et géographiques de l’impact de la maison Folie de Wazemmes sur le quartier. Par ailleurs, la simple dénomination de l’espace attenant à la maison folie me pose des problèmes. Pour la maison Folie de Moulins, mon regard se porte sur la « rue » d’Arras qui est une entité simple et entière (figure 5). Pour la maison Folie de Wazemmes, le périmètre d’étude a été beaucoup plus difficile à appréhender en raison de la porosité du tissu urbain et des multiples centralités du quartier (figure 7). Les pratiques de ces espaces, comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce mémoire, ne sont également pas les mêmes. Cette impression de différences dans les

27 Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, op. cit., carte de synthèse, p.9.

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Figure 7 : périmètre d’étude de l’espace autour de la maison Folie de Wazemmes

Crédits : Fond de plan Google Maps

Figure 8 : les ilôts bâtis autour de la maison Folie Wazemmes

Crédits : Fond de plan Google Maps 0 0

Figure 5 : périmètre d’étude de l’espace autour de la maison Folie de Moulins

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Figure 6 : les ilôts bâtis autour de la maison Folie Moulins Crédits : Fond de plan Google Maps

Crédits : Fond de plan Google Maps

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espaces publics et leurs pratiques est renforcée par la répartition du foncier. Alors que les formes urbaines des alentours de la maison Folie de Wazemmes présentent une géométrie régulière (figure 8), celles de la rue d’Arras montrent des îlots bâtis qui ne semblent, à première vue, pas être organisés selon des perspectives droites et des croisements de rues orthogonaux (figure 6). Les deux maisons Folie proposent donc deux insertions spatiales différentes de la culture dans un quartier. L’arrivée des maison Folie au sein des quartiers a entraîné des mutations de l’espace public alentours, et parfois même des formes urbaines attenantes. Ainsi la « culture » serait un outil d’aménagement, au service de la politique de Lille. Mais de quel type de « culture » parle-ton ? En quoi la culture se différencie de l’art, et peut devenir un élément fédérateur ?

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A.2

Culture(s)

A.2.a L’art et/ou la culture ? Comment différencier la culture de l’art ? Jean-Gabriel Carasso, directeur de l’Oizeau rare, association de recherche et d’actions culturelles, a participé à plusieurs rencontres portant sur le thème de l’art et la culture à différentes occasions et dans plusieurs villes. Plusieurs de ses interventions, des articles rédigés disponibles sur le site internet de « L’Oizeau rare », s’attachent à différencier ces deux notions. Il s’agit par exemple de sa présentation de « Art et culture : de quoi parlons-nous ? » au colloque national Art et thérapie, tenu à Clermont de l’Oise le 18 juin 2009 (dont le thème était « L’art est-il utile ou nécessaire ? ») et de « Questions pour la culture » (intervention aux CEMEA le 28 décembre 2002)28. L’art est une activité. Selon Jean-Gabriel Carasso, l’art est archaïque et permanent. C’est un moyen d’expression, par rapport à une représentation ou une réflexion qui porte sur le monde. Cela induit une production symbolique. J’ajoute aux propos tenus par Jean-Gabriel Carasso que cette production, cette « œuvre »29, peut être matérielle, comme la création ou la transformation d’un objet, ou immatérielle, comme les performances. L’art n’est donc pas un exemple tributaire de la production nécessaire d’un objet. Il peut prendre différentes formes, dans divers domaines (musique, littérature, danse, arts plastiques etc), mais il s’agit toujours, selon Jean-Gabriel Carasso, d’un language. Le but de l’art est de provoquer une « réaction esthétique (émotive, signifiante) particulière »30. Toujours selon lui, l’art ne se résume pas à l’œuvre (la trace), mais se définit par la démarche pour aboutir à cette œuvre. La culture,

28 Jean-Gabriel Carasso a participé à de nombreux colloques, rencontres, séminaire etc. Plusieurs de ces interventions portent sur cette différence entre l’art et la culture. J’ai choisi de travailler avec ses deux articles « Art et culture : de quoi parlons-nous ? » et « Questions pour la culture » car ils m’ont semblés être les deux articles les plus complets et ouvrant le plus de pistes en lien avec mon sujet de recherches. 29 Carasso (Jean-Gabriel), « Art et culture : de quoi parlons-nous ? »[En ligne], colloque Art et Thérapie, Clermont de l’Oise, 18 juin 2009, consulté le 27 mars 2015, URL : http://ddata. over-blog.com/xxxyyy/0/43/14/09/Textes-JGC/2009-Clermont-Oise-Art-th-rapie-.pdf, p. 4. 30 Carasso (Jean-Gabriel), «Questions pour la culture »[En ligne], CEMEA, 28 décembre 2009, consulté le 27 mars 2015, URL : http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/43/14/09/ Textes-JGC/Questions-pour-la-culture-Carasso-2002.pdf, p. 3.

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quant à elle, fait intervenir la notion de social. La culture dite intellectuelle (ici, en relation avec l’art) se différencie de la culture ethnologique (développée dans le chapitre suivant). Jean-Gabriel Carasso définit la culture dans son sens intellectuel comme le rapport qu’entretient un individu à l’art. La culture est « une attitude, une aptitude et souvent un travail, une expérience singulière du rapport à la forme »31. Selon lui, cette attitude est variable selon les individus, le milieu social, la géographie, l’histoire, l’éducation etc. Art et culture interfèrent souvent en politique. Jean-Gabriel Carasso illustre ce rapport grâce à un schéma (figure 9). La politique artistique y est représentée comme une activité verticale (élévation et approfondissement de la création artistique), alors que la politique culturelle est une dynamique horizontale (élargissement du champ des publics)32. Le site internet de la ville de Lille propose une rubrique « La politique culturelle de la ville de Lille ». La page présente les enjeux de la culture, les objectifs de la politique culturelle et les actions culturelles pour y arriver. C’est toujours le terme de culture qui est évoqué ici, et jamais celui d’art qui pourtant, est indissociable de la culture. Il y a un déséquilibre entre culture et art. L’importance est donnée à la politique culturelle et non à la politique artistique. Pourtant, selon le site internet de la ville de Lille, le premier objectif de la politique culturelle de Lille est de « Soutenir les artistes en développant les moyens et les lieux de création ».33 Cela pourrait s’apparenter à « l’aide à la création »34 dont parle Jean-Gabriel Carasso quand il évoque la politique artistique. S’agit-il ici d’une problématique liée au vocabulaire utilisé ou à la politique en question ? Luc Caregari, rédacteur culture au journal Woxx

31 Carasso (Jean-Gabriel), « Entre art et culture »[En ligne], 16 février 2007, consulté le 27 mars 2015, URL : http://www.loizorare.com/article-5678425.html. 32 Carasso (Jean-Gabriel), «Questions pour la culture », op. cit. 33 Rubrique « La politique culturelle de la ville de Lille, Lille, une capitale culturelle en Europe », dans le thème « Culture », consulté le 27 avril 2015, URL : http://www.lille.fr/cms/ accueil/culture-lille/politique-culturelle. 34 Carasso (Jean-Gabriel), « Entre art et culture », op. cit.

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Figure 9 : définition schématique de l’art et de la culture selon Jean-Gabriel Carasso. Crédits : ©Jean-Gabriel Carasso, « Questions pour la culture », 28 décembre 2002.

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(hebdomadaire publié au Luxembourg depuis 1886 et portant sur l’actualité luxembourgeoise) rédige en 2012 l’article « Elites culturelles, du luxe à la profession ». Il écrit que la commercialisation de la culture, dans la seconde moitié du XXe siècle, entraine « la mort définitive de l’art pour l’art »35. Il sous-entend que « l’art pour l’art » n’a pas de visée commerciale. Au contraire, l’art devient commercial si la culture l’est aussi. L’art est-il bien la fin des politiques culturelles ou est-il un moyen, un instrument à leur service ? A.2.b Les cultures : culture de quartier, culture populaire, culture des élites Jean-Marc Besse, philosophe, travaille sur l’histoire de la géographie et du paysage. Dans un cours de philosophie qu’il dispense aux étudiants de deuxième année en paysage à l’ENSAP Lille, il oppose la notion de culture à celle de nature. La nature serait propre à l’individu même, alors que la culture implique une relation et un rapport aux choses à travers un groupe d’individus. Philippe Coulangeon, sociologue, évoque la culture comme renvoyant « alternativement à l’ensemble des symboles, des significations, des valeurs et des manières de faire propres à un groupe et au domaine spécialisé des activités expressives, savantes et populaires. »36. La première partie de cette définition (« l’ensemble des symboles, des significations, des valeurs et des manières de faire propres à un groupe ») correspond à une approche ethnologique de la culture. Dans le cadre de ce mémoire, elle correspond à ce que j’appelle la culture de quartier. Dans ma recherche, la culture de quartier est propre au quartier de Moulins, et donc à la rue d’Arras en sa qualité de « centre de quartier »37. La seconde partie de

35 Caregari (Luc), « Elites culturelles, du luxe à la profession » dans Woxx, janvier 2012, p. 48. 36 Coulangeon (Philippe), « Culture », Sociologie [En ligne], Les 100 mots de la sociologie, mis en ligne le 01 avril 2013, consulté le 06 février 2015. URL : http://sociologie.revues. org/1768. 37 Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, op. cit., p.151.

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la définition donnée par Philippe Coulangeon, le « domaine spécialisé des activités expressives, savantes et populaires » définit la culture par rapport à l’approche intellectualisée exposée au chapitre précédent. Pour cette culture dite intellectuelle, on peut distinguer la culture populaire de la culture des élites. Jean-Gabriel Carasso semble faire la différence entre ces deux « noblesses » de culture selon le champ de connaissances concerné38. Jean-Paul Gabilliet, professeur en Etudes Anglophones et chercheur sur la culture populaire et la culture de masse en Amérique du nord émet un avis différent dans un entretien réalisé en 2009 par la Revue de recherche en civilisation américaine sur « La notion de « culture populaire » en débat »39. Il définit la notion de popular culture40 comme étant un « objet […] composé de l’ensemble des domaines non reconnus, non consacrés par la culture universitaire classique [...] »41. Selon l’auteur, la popular culture est donc une catégorie résiduelle, regroupant tout ce qui n’appartient pas à la culture des élites. Autour de ces deux notions de culture gravitent les termes de démocratisation culturelle, souvent utilisés dans le discours des politiques42. La démocratisation de la culture, c’est rendre accessible à tous la culture. Ce sous-entendu d’une culture des élites, non accessible à tous, nie l’existance d’une autre forme de culture, la culture populaire. Charlotte Berthelot, stagiaire et assistante en action culturelle à la maison Folie Moulins fait le rapprochement entre la démocratisation culturelle, la démocratie culturelle et les maisons Folie lilloises.

« Olivier Sergent [directeur du CECU et des deux maisons Folie lilloises] a toujours été, dans son parcours, très sensible à ce qu’on appelle la culture populaire. Mais pas au sens négatif du terme.

38 Carasso (Jean-Gabriel), « Art et culture : de quoi parlons-nous ? », op. cit., p. 2. 39 Entretien de Gabilliet (Jean-Paul), « La notion de « culture populaire » en débat », Revue de recherche en civilisation américaine [En ligne], 1 | 2009, mis en ligne le 17 juin 2009, consulté le 06 avril 2015. URL : http://rrca.revues.org/173. 40 Jean-Paul Gabilliet préfère utiliser la notion anglaise pour éviter les connotations négatives du terme « populaire », qui est souvent associé à la culture ouvrière et populiste. 41 Entretien de Gabilliet (Jean-Paul), « La notion de « culture populaire » en débat », op.cit. 42 Sur le site internet de la Métropole Européenne Lilloise, on trouve dans la rubrique « Des événements culturels d’interêt métropolitain », le texte suivant : « La MEL accompagne ainsi des événements culturels qui marquent notre attachement à promouvoir l’excellence dans le domaine artistique tout en restant toujours soucieuse du développement des publics et de la démocratisation culturelle. ». URL : http://www.lillemetropole.fr/mel/institution/ competences/culture/evenements-culturels.html.

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Je pense qu’il fait de la démocratie culturelle et non pas de la démocratisation culturelle. Il n’est pas de la culture savante. » Charlotte Berthelot, maison Folie Moulins43

A la différence de la démocratisation culturelle, la démocratie culturelle induit la notion de développement culturel. Alice Chatzimanassis résume les grands principes de cette démocratie culturelle dans son article « Démocratisation de la culture et démocratie culturelle à partir de l’exemple québécois »44. Elle évoque ainsi la « réhabilitation de toutes les cultures » (sans supériorité aucune d’une culture par rapport à une autre), le « libre choix des individus » (l’affirmation des préférences et des pratiques culturelles individuelles) et enfin « l’intégration de la culture à la vie quotidienne » (que tout un chacun soit acteur et créateur de la culture). Jean-Gabriel Carasso insiste sur le fait, lors de son intervention « Questions pour la culture » aux CEMEA, qu’il est nécessaire, pour permettre une forme de démocratie culturelle, de développer le plus largement possible le travail en réseau des acteurs et des lieux (institutions classiques, associations, collectifs etc). Les maisons Folie, pour reprendre l’exemple cité ci-dessus, participeraient donc à la démocratie culturelle, dans la mesure où elles travaillent en réseau (géographique et social), et intègrent la culture populaire45. On ne peut cependant ignorer la possibilité d’une gentrification à l’œuvre du quartier, qui s’exprimerait notamment par un changement culturel ou par une modification de la valeur attribuée à la culture.

��������������������������������������������������������������������������������������������� Entretien que j’ai réalisé le 23 janvier 2015, à la Maison Folie Moulins, Lille, 54’05min. 44 Chatzimanassis (Alice), « Démocratisation de la culture et démocratie culturelle à partir de l’exemple québécois », [en ligne] In : Comité d’histoire du ministère de la Culture et de la Communication, Centre d’histoire de Sciences-Po Paris, La démocratisation culturelle au fil de l’histoire contemporaine, Paris, 2012-2014. Disponible sur : http://chmcc.hypotheses. org/675, [mis en ligne le 15 septembre 2014]. 45 Entretien avec Aline Lyoën, réalisé le 23 janvier 2015 à 11h, à la maison Folie Moulins, Lille. Le thème de la culture populaire diffusé à travers les maison Folie fait l’objet d’un développement dans la suite de ce mémoire. Je fais néanmoins figurer une citation d’Aline Lyoën, chargée de l’action culturelle dans les maisons Folie lilloise à propos de la culture populaire dans la maison Folie Wazemmes : «[...] Wazemmes, on est sur des cultures populaires. Ca s’est beaucoup ressenti dans les expositions, sur de la création contemporaine, un axe régional parfois, et aussi des questions de sociétés. Beaucoup d’art brut, d’art modeste, des choses qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs, qui ne sont pas trop montrées.» (début de l’enregistrement audio).

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A.2.c Culture(s), mixité et gentrification Anne Clerval, géographe, a écrit plusieurs ouvrages portant sur le phénomène de gentrification des grandes villes capitalistes. Elle consacre sa thèse à l’exemple de Paris depuis 2001, quand le changement de municipalité fait passer la mairie de Paris de droite à gauche. Sa conférence La gentrification : la lutte des classes dans l’espace urbain en 2011 au séminaire « Marx au XXIème siècle », reprend les grandes lignes de son livre : Paris sans le peuple, la gentrification de la capitale46. Elle y définit la gentrification comme une forme bien précise d’embourgeoisement des territoires. Le phénomène de gentrification est, selon elle, indissociable de la notion d’immobilier, de transformation spatiale, et de mixité sociale. Suite à la désindustrialisation de Lille, de nombreux espaces sont à investir. Ces architectures souvent remarquables sont des traces identitaires fortes et historiques. Par ailleurs, le déclin des emplois industriels et le phénomène de métropolisation favorisent la montée des professions culturelles au cœur des villes. Anne Clerval identifie ces professions culturelles comme étant les «gentrifieurs »47. Dans les années 1960, on emprunte le terme anglais gentry, soit la « petite noblesse anglaise » ou « les gens bien nés », pour parler de ces nouveaux arrivants à l’origine de l’embourgeoisement d’un quartier. Jean-Pierre Garnier, sociologue, préfère l’appellation de « petite bourgeoisie intellectuelle »48. Il s’agit selon Anne Clerval de personnes ayant un diplôme d’études supérieures et un salaire plus élevé que celui perçu par les personnes des classes populaires. Ce sont des personnes en quête de logements « populaires» pour les racheter, puis les revaloriser par la réhabilitation. Suite à ces aménagements, les logements prennent de la valeur et ne sont plus accessibles aux classes moyennes. 46 Clerval (Anne), Paris sans le peuple, la gentrification de la capitale, Ed.La Découverte, coll. « Hors collection Sciences Humaines », Septembre 2013. Par soucis d’économie tempsmoyen dans le cadre du mémoire d’initiation à la recherche, j’ai choisi de ne pas lire le livre qui développe les grandes idées en se basant sur l’exemple de Paris. Le choix de la conférence comme outil de travail m’a permis de saisir rapidement les notions abordées et de les appliquer à Lille. 47 Personnes responsables de la gentrification selon les propos repris d’Anne Clerval. 48 Garnier (Jean-Pierre), la « gentrification », objet d’une recherche-action qui ne dit pas son nom, Article 11, 30 avril 2013.

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Comme le démontre Anne Clerval, toute gentrification engendre une transformation spatiale. Il ne peut pas y avoir de transformation sociale sans transformation spatiale. En effet, les « gentrifieurs » favorisent la sociabilité entre voisins, dans les espaces publics. Ils privilégient notamment les transports publics au lieu des voitures. Selon Anne Clerval, les « gentrifieurs » prônent les travaux d’embellissement des villes, afin de favoriser la rencontre et le partage dans les espaces publics. Cette qualité de vie en extérieur va dans le sens d’une recherche de mixité sociale. Il est en effet plus aisé de rencontrer d’autres milieux sociaux dans les espaces publics que privés. A Lille en 2014, Martine Aubry a orienté sa politique vers l’aménagement de nouveaux logements sociaux (10 000 logements neufs d’ici 2020 dans tous les quartiers, dont 30% de logements sociaux49). Le 6 mars 2015, Manuel Valls (premier ministre français depuis mars 2014) a annoncé que les maires n’ayant pas 25% de logements sociaux dans leur commune seraient pénalisés. Leurs demandes de permis de construire seront considérées défavorablement si elle ne concernent pas le logement social. Mais toujours selon Anne Clerval, la plupart de ces logements sociaux sont ensuite investis par des classes sociales moyennes. Beaucoup d’étudiants, donc une population dite érudite, emménagent aussi dans ces « logements sociaux ». Dans le cadre de la politique d’embellissement de la ville, les opérations sont de plus en plus tournées vers le tourisme, par le biais de la création et du développement d’activités culturelles. Il s’agit d’opérations privées (dont les équipements appartiennent à des groupes privés), et qui profitent particulièrement, selon Anne Clerval, à la petite bourgeoisie intellectuelle et aux classes plus modestes. La rue d’Arras de Moulins accueille quatre résidences collectives. Ces résidences profitent principalement à des étudiants. Par ailleurs, le quartier accueille également plusieurs pôles culturels, comme nous le verrons plus précisemment par la suite. Moulins est-il un quartier qui subit la gentrification ?

49 Chiffres donnés par le site internet des élections municipales 2014, URL : http://www. electionsmunicipales2014.fr/lille_martine-aubry_proposition_aubry-construire-10-000logements-neufs-dont-30-de-logements-sociaux.

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Il me semble que dans le cas du quartier de Moulins, le phénomène est à nuancer. En effet, les politiques publiques souhaitent favoriser la rencontre entre différents milieux sociaux. La culture est par ailleurs, un des moyens employés pour favoriser ces rencontres. Les politiques publiques de la ville de Lille recherchent une mixité sociale dans ce quartier populaire. Or il s’agit ici d’un paradoxe démontré par Anne Clerval : les « gentrifieurs » recherchent à favoriser la mixité sociale. Cette mixité ne peut pas être effective. A cause de la hausse de l’immobilier engendrée par ces « gentrifieurs », les populations populaires sont obligées de déménager dans des quartiers plus pauvres. Une chronique sociale publiée en février 2014 dans le journal papier Article 1150 évoque la gentrification du quartier Moulins à Lille. Article 11 se qualifie comme un journal de presse alternative51. « Dépeupler Moulins, repeupler le néant », est écrit par deux Lillois, « sous la complicité de JeanPierre Garnier », sociologue52. Les auteurs évoquent principalement la perte de l’identité populaire du quartier. Selon eux, cette « défiguration » est due à « l’éviction des classes populaires » et au remplacement d’équipements populaires par les nouvelles architectures. Ces transformations spatiales sont visibles : les immeubles de la rue d’Arras ont 3 ou 4 étages et ne respectent pas le petit gabarit des maisons traditionnelles et « pré-industrielles » qui se trouvaient historiquement dans la rue. Un autre exemple évoqué dans le texte est le supermarché Match, que Pierre Mauroy installe en 1988. Les auteurs évoquent « l’enterrement de l’histoire sociale » créée par la fréquentation des équipements dits populaires mis en place à l’époque : « La palme du mauvais goût revient au supermarché Match installé par Pierre Mauroy luimême en lieu et place de L’Union coopérative de Lille, pourtant créée par la SFIO vers 1892. Dans cet espace de 3 000 m2, on trouvait au siècle dernier

50 Tomjo, Tonio, Garnier (Jean-Pierre)., Dépeupler Moulins, repeupler le néant, [En ligne], n°14 Article11, 14 février 2014, consulté le 10 novembre 2014, URL : http://www.article11. info/?Depeupler-Moulins-repeupler-le 51 Rubrique A propos, sur le site internet d’Article 11. 52 Les deux auteurs écrivent sous deux pseudonymes, Tomjo et Tonio, on ne peut donc pas avoir plus d’informations sur statut, profession. Seul l’article en lui-même explique que les eux auteurs en question sont d’origine Lilloise.

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une mercerie, une épicerie, un café de 200 places, une salle des fêtes et un théâtre à l’italienne avec double balcon »53. Le supermarché est vu dans cette chronique comme un élément négatif, destructeur d’un lien social. Or, dans les entretiens que j’ai menés sur la rue d’Arras, plusieurs personnes ont mentionné ce Match. Pour les habitants du quartier, il s’agit d’un lieu qui dynamise le quartier, parce qu’ils sont amenés à y aller. Ainsi, je m’interroge sur le « lien social » qui semble être favorisé par ces équipements populaires. Le supermarché recrée-t-il ce lien ? Au contraire de ce qu’écrivent les auteurs de l’article, l’histoire ne me semble pas totalement « gommée ». Les usages à l’intérieur du bâti ont changé au cours du temps, mais le bâtiment reste le même. Sans connaître l’histoire sociale du lieu, il est facile de comprendre grâce à l’architecture vue depuis l’espace public, que le bâtiment a eu une fonction et des usages particuliers. La chronique écrite par les deux lillois fait la démonstration négative du phénomène de gentrification à Moulins. En revanche, un avis différent est émis par Philippe Louguet. Selon lui, le phénomène de gentrification à Lille n’est pas du tout le même qu’à Paris. Bien que la gentrification revendique une mixité sociale, à terme, un seul type de population pratique le lieu concerné. C’est le cas de certains quartiers de Paris, comme par exemple la rue Montorgueil évoqué par Philippe Louguet. Selon ce dernier, la gentrification ne sera jamais complète à Lille. Il prend l’exemple du quartier Wazemmes à Lille, dont les enjeux politiques se rapprochent de ceux de Moulins. Pour Philippe Louguet, Wazemmes reste un quartier populaire, voire un quartier mixte. Le quartier de Moulins est-il, ou pourrait-il, devenir un quartier mixte ? La rue d’Arras me semble être pratiquée par des personnes de différents milieux sociaux. En revanche, les auteurs de la chronique « Dépeupler Moulins, repeupler le néant », expliquent que la mixité sociale n’est pas présente dans le quartier. L’exemple choisi de la population étudiante, illustre un quartier où

53 Dépeupler Moulins, repeupler le néant, op.cit.

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l’on ne fait que passer. Le champ lexical utilisé par les auteurs de cet article est celui de la traversée et des déplacements : « débarquent », « rentrent », « s’enfilent », « tiennent les murs ». Les différents milieux sociaux se croisent, mais se fréquentent-ils réellement ? Les groupes de personnes sont assez rares dans la rue d’Arras et il s’agit majoritairement de personnes qui semblent appartenir à la même classe sociale. Ces observations sont basées sur l’âge approximatif, le code vestimentaire, l’allure et l’attitude corporelle. Pour veiller à la complète pertinence du propros, il me faudrait mener une recherche parallèle, plus fine, afin d’évaluer la mixité dans l’espace privé, ce que je choisis de ne pas pousser en raison d’économie de temps. D’après mes observations sur le terrain et mes rencontres avec les habitants, il me semble qu’aujourd’hui, il n’y ait de mixité sociale que dans l’espace public de la rue d’Arras, au sens géographique et urbanistique. C’est pourquoi l’on a besoin de définir l’espace public et le « lien social ». Par ailleurs, qu’est ce qui pourrait amener les différentes classes sociales à se fréquenter et à se rencontrer dans le quartier Moulins ? La culture peut-elle enclencher une dynamique sociale dans le quartier ?

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A.2.d La « culture », nécessité absolue à Moulins ? En 2004, Didier Fusillier, coordinateur général de Lille2004, lance le concept des maisons Folie. Il saisit l’opportunité d’importer un de ces pôles culturels dans le quartier de Moulins. Didier Fusillier choisit la brasserie des 3 Moulins, dans la rue d’Arras et appartenant à la Communauté Urbaine54 pour le réhabiliter en équipement culturel. Parallèlement, le théâtre du Prato55, situé sur l’Allée de la Filature à 400m de la rue d’Arras, est aussi rénové et agrandi pour l’évènement Lille2004. Aujourd’hui, le quartier Moulins, et plus particulièrement la rue d’Arras accueille plusieurs centres culturels (médiathèque allée de la Filature, le CECU, le cirque du bout du monde situé au 2 rue Courmont, un collectif artistique des musiques du monde56...). D’autres lieux comme les centres sociaux, la Maison d’Accueil du Jeune Travailleur, l’atelier populaire d’urbanisme de Moulins, sont des lieux où les populations de différents milieux sociaux sont invitées à se fréquenter (figure 10). Selon Le projet urbain de Lille écrit par Stanislas Dendiével, les politiques publiques souhaitent valoriser le quartier de Moulins par les espaces publics57. En effet, ces lieux appartiennent à l’espace public dans son sens politique et philosophique, et ont pour vocation de favoriser la fréquentation par différents milieux sociaux. Qu’en est-il de la maison Folie ? Philippe Louguet, architecte chargé de la réhabilitation de la Brasserie des 3 Moulins explique que pour lui, l’insertion de la maison Folie était

54 Entretien avec Philippe Louguet, architecte maître d’œuvre de la maison Folie Moulins à Lille en 2004 et professeur, réalisé le jeudi 27 novembre 2014 à 17h à l’ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture et de Paysage) de Lille. La citation est audible à la minute 11’00. 55 Association créée en 1973, sans salle attitrée. Il investit filature, ancienne usine textile, dans le quartier de Moulins. Le bâtiment accueille aujourd’hui le théâtre, une association, une maison des jeunes... 56 La Compagnie du Tire-Laine est située rue Thumesnil, dans le quartier de Moulins. 57 Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, op. cit., p.151.

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vers la Gare St-Sauveur

Atelier/galerie d’art maison Folie l’Atelier Populaire d’Urbanisme

CECU

vers le théâtre du Prato et la médiathèque

Maison d’Accueil du Jeune Travailleur

Le cirque du Bout du Monde

vers le Grand-Sud

la Compagnie du Tire-Laine

0

100

200 m

Figure 10 : les lieux culturels à proximité de la rue d’Arras. Crédits : fond de plan Google Maps.

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« fondamentale »58 dans le quartier Moulins, bien plus qu’elle ne l’était à Wazemmes. Selon lui, à Wazemmes, une dynamique était déjà en place. Il semblerait qu’avant 2004, c’était un quartier où il y avait déjà des centres d’attraction : les halles et leur marché, ouvert les mardis, jeudis et dimanches en semaine, sont par exemple un lieu où tous les milieux sociaux semblent se côtoyer physiquement. Des populations aisées y croisent fréquemment les populations populaires. Or, toujours selon les propos de l’architecte, à Moulins, « il n’y avait rien »59. Cette dernière citation doit être nuancée : il faut ici questionner ce « rien ». Plusieurs habitants, rencontrés lors des mes visites dans la rue d’Arras expliquent qu’il y avait bien plus de commerces et de magasins dans cette même rue il y a quelques années qu’aujourd’hui. D’autres habitants interrogés, de tous âges, ont qualifié la rue de « morte » quand je leur ai demandé s’ils pouvaient la qualifier. Or il y a une réelle diversité d’équipements (magasin, épicerie, brasserie) proposés en rez-de-chaussée dans la rue. Ainsi, leurs réponses peuvent paraître étonnantes. Les équipements présents ne créeraient ainsi pas d’espace public, au sens où ils ne génèrent pas de rencontres ? La création des maisons Folies assume-t-elle cette mission ? Pour répondre à cette question nous allons entreprendre l’analyse des usages et pratiques de la rue d’Arras, en commençant par l’analyse de la situation spatiale de la maison Folie.

58 Entretien avec Philippe Louguet, architecte maître d’œuvre de la maison Folie Moulins à Lille en 2004 et professeur, réalisé le jeudi 27 novembre 2014 à 17h à l’ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture et de Paysage) de Lille. La citation est audible à la minute 51’00. 59 Ibid.

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B Les lieux culturels sont-ils des espaces publics ? B.1 Lieux culturels et espaces publics de la rue d’Arras B.1.a L’emplacement des lieux culturels : stratégie géographique ou opportunité ? Selon une publication d’ARTfactories, Culture et urbanisme, une gentrification inéluctable ?60 l’arrivée de la culture dans un quartier est souvent associée au phénomène de gentrification. L’association ARTfactories regroupe acteurs culturels et artistes. Elle a pour but de mener une réflexion ou une action sur la revalorisation des espaces abritant des nouveaux rapports entre populations, arts et territoires. L’association favorise les démarches et projets avec les habitants, pour faire participer la population locale. Elle tend à montrer ainsi que l’art a un rôle primordial dans l’évolution des sociétés. L’association ARTfactories publie en 2011 un acte de rencontre, Culture et urbanisme, une gentrification inéluctable ?. La situation géographique stratégique est un élément qui revient régulièrement, tout au long de la publication. L’implantation des lieux tels que les équipements culturels est présentée de manière « réfléchie », plus que comme une simple opportunité foncière. Elle va donc dans le sens de la re-dynamisation des quartiers complexes, et du renouvellement urbain mentionné précédemment. L’aspect foncier/immobilier est également plusieurs fois évoqué dans la publication. Je me pose donc la question de la stratégie d’aménagement pour les bâtiments culturels de Lille. Si l’implantation du CECU a l’air d’être issue d’une véritable stratégie (angle de rue, création de perspectives etc.), la maison Folie, elle, ne relèverait-elle pas plutôt de la disponibilité foncière ? Bien sûr, on ne peut pas dire que son implantation n’ait pas été stratégique, puisqu’elle vise tout de même un quartier populaire que l’on souhaite redynamiser. Mais le bâtiment étant un ancien bâtiment industriel appartenant à Lille Métropole Communauté Urbaine61, et étant dans la logique temporelle des interventions de Lille2004, cela laisse penser que l’on a affaire à une opportunité foncière.

60 Art Factories, « Culture et urbanisme, une gentrification inéluctable», [En ligne], septembre 2011, URL : http://www.artfactories.net/-Actes-des-rencontres-Culture-et,442-.html. 61 Entretien avec Philippe Louguet, architecte maître d’œuvre de la maison Folie Moulins à Lille en 2004 et professeur, réalisé le jeudi 27 novembre 2014 à 17h à l’ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture et de Paysage) de Lille. La citation est audible à la minute 11’05.

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La maison Folie et le CECU ne résultent pas de la même commande. Alors que Thierry Lesueur revendique clairement la maison Folie, il se détache complètement du CECU, qui est une initiative de la ville de Lille62. L’aménagement de cette ancienne Brasserie des 3 Moulins en tant qu’équipement culturel (la maison Folie) et son insertion dans le quartier paraît plus douce, et moins visible que la construction, tabula rasa, du CECU. Les matériaux choisis, par exemple, témoignent de deux pensées différentes : la maison Folie reprend les codes de la brique, et les grilles métallique rappellent le côté industriel. Le CECU présente un revêtement plus « moderne », en verre et acier Corten (figure 12). La référence au patrimoine réside surement dans la structure métallique, rappelant les anciennes usines, mais la transparence apportée par les baies vitrées montre une volonté de rompre avec l’existant et la continuité de la rue. Autre point intéressant, Philippe Louguet, l’architecte en charge de la conception de la maison Folie est à l’initiative de la création du CECU. Sa réponse à l’appel d’offre pour concevoir le bâtiment n’a pourtant pas été retenue, le cabinet d’architecte bordelais King Kong lui a été préféré63.

62 Entretien avec Thierry Lesueur, coordinateur de Lille3000, le jeudi 22 janvier 2015 à 17h, dans les bureaux de Lille3000 à Euralille. Extrait audio à 32’15 min. 63 Entretien avec Philippe Louguet, architecte maître d’œuvre de la maison Folie Moulins à Lille en 2004 et professeur, réalisé le jeudi 27 novembre 2014 à 17h à l’ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture et de Paysage) de Lille. La citation est audible à la minute 40’00.

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Figure 11 : à g., document produit par les architectes King Kong présentant l’emplacement du CECU. A dr., document produit par l’auteur, présentant l’emplacement du CECU et de la maison Folie Moulins. Crédits : © Atelier d’architecture King Kong.

Figure 12 : Perspective du CECU dans la rue d’Arras, mise en ligne sur le site internet des architectes King Kong. Crédits : © Atelier d’architecture King Kong.

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B.1.b Les différents « espaces publics » de la rue d’Arras La culture peut-être étroitement liée aux stratégies politiques, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent. La notion d’espace public est, elle aussi, une notion particulièrement utilisée dans le discours des politiques en termes de qualité de vie et de requalification urbaine64. Le projet urbain de Lille introduit un de ses chapitres : « Dans la ville, l’espace public est le lieu d’expression du lien social. C’est à partir de lui que se construisent la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance »65. Ces valeurs ne sont-elles pas aussi celles promues par la culture ? Le sujet est développé plus loin dans le mémoire, mais on peut dès à présent dire que la notion d’« espace public » intéresse la recherche dédiée aux lieux culturels. L’espace public est défini différemment selon les champs disciplinaires : philosophique, politique, géographique et urbanistique. Dans tous les cas, c’est un espace où différents corps et différentes « voix » se rencontrent (Besse, p.5,6). L’espace public, au sens philosophique et politique est le lieu de débats. Il est géographique et urbanistique quand il s’agit d’un espace complémentaire de l’espace privé (l’espace de l’intimité). Il peut être considéré comme étant un « espace commun»66, capable de rassembler comme de refuser la sociabilité. L’espace public géographique a des usages divers et, il est toujours en perpétuelle évolution. En France, il appartient à l’état. Néanmoins il ne peut pas être complètement contrôlé par l’état, car il est sujet à des modifications qui peuvent être réalisées par n’importe quel acteur de la ville (un habitant ou un usager lambda par exemple). Cependant, ces modifications de l’espace public sont souvent contraintes ou supprimées par l’état. L’espace public géographique induit des droits et des devoirs, pour ses usagers comme ses concepteurs. Thierry Paquot est un philosophe et professeur d’urbanisme français. La ���Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, op. cit., p.129-151. 65 Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille, op. cit., p.130. 66 Les termes « espaces communs» sont utilisés par Paquot dans son livre L’espace public. Il y traite de la vision de « la rue pour l’urbanisme contemporain ». Il écrit ainsi que Michel Lussault, géographe, préfère parler d’un espace commun, qui englobe l’espace public.

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plupart de ses écrits portent sur la ville, l’urbain et l’architecture. Il écrit en 2009 « l’espace public », ouvrage considéré depuis comme une référence bibliographique. Dans ce livre, il essaye de donner une nouvelle définition de « l’espace public ». Il se base ainsi sur les propos de Jürgen Habermas et d’autres auteurs, en reprenant débats et critiques, et en n’oubliant pas de préciser que les notions d’« espace public » et d’« espaces publics » dépendent du contexte culturel et temporel dans lequel elles sont utilisées. Pour lui, et d’après les écrits d’Habermas, l’espace public est indissociable de l’opinion publique. Cette opinion publique est débattue dans des lieux de rassemblement d’un type de population (salons, cafés...). Les journaux, sont eux aussi considérés comme un espace public au sens où ils permettent la réunion de différentes idées venant de personnes différentes. Dans la rue d’Arras à Lille, différents lieux créent de l’espace public. La maison Folie de Moulins, où sont organisées des « rencontres »67, des débats et des conférences, est donc selon moi un espace public. Par exemple, Aline Lyoën, médiatrice culturelle des maisons Folie de Moulins et Wazemmes, rencontrée le 23 janvier 2015 évoque un de ces débats politiques. Suite à la polémique suscitée par le concert de l’artiste controversé OrelSan organisé à la maison Folie de Wazemmes en 2009, la maison Folie a proposé un débat sur la liberté d’expression quelques heures avant le concert, rassemblant ainsi une centaine de personnes. Autre exemple, la maison Folie prête ses locaux à la Compagnie Générale d’Imaginaire, pour le spectacle nocturne Nyctalope en avril. Il s’agit en vérité d’une critique de l’impact des politiques publiques sur le milieu urbain68. La maison Folie est donc un lieu qui soulève des problématiques politiques : il y a un réel enjeu « d’appréhension et de reconquête de l’espace public » à travers ce spectacle. La maison des syndicats (Confédération Nationale du Travail), située dans la partie nord de la rue d’Arras est-elle un espace public ? Il s’agit d’un lieu où l’on peut se rassembler, exprimer son avis politique, et qui organise lui aussi des rencontres et débats. Un autre espace public est situé également dans le 67 Le terme est employé sur le site internet officiel de la maison Folie de Moulins dans la rubrique « vie de maison ». Il s’agit ici d’un type de manifestations proposées par la maison Folie, au même titre que les concerts, les expositions, carnavals etc. 68 Site internet officiel de Lille La Nuit : http://www.lillelanuit.com/evenement/nyctalope/

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nord de la rue d’Arras. Dans la chronique Dépeupler Moulins, repeupler le néant du journal Article 11 paru en février 2014, les auteurs invitent à participer à une « assemblée générale » tenue à l’Insoumise. Cette assemblée générale a pour thème la résistance à l’expulsion. L’insoumise est une bouquinerie squattée depuis sa fermeture en 2012 par des militants contre la gentrification du quartier de Moulins. Elle revendique un « esprit critique » quant à la marchandisation du monde : « Des projections de films, des présentations de bouquins, des discussions, des ateliers, tout est prétexte pour se rencontrer et nourrir des complicités portées par la nécessité d’émancipation d’un monde qui ne laisse de place qu’à la marchandise.»69. Les cafés/bars (on en trouve 6 dans la rue) sont également propices aux discussions et aux débats, ce qui en fait de l’espace public selon Thierry Paquot. Ainsi, la rue d’Arras est ponctuée d’espace public, au sens philosophique et politique. On peut s’interroger sur le statut d’autres lieux, comme par exemple, la mairie de quartier, qui est également située rue d’Arras. En général, malgré le fait que les mairies soient accessibles à tous, les réunions et débats qui s’y tiennent voient souvent le même échantillon de population. A partir de ce paradoxe, on peut s’interroger sur le caractère public de la mairie. Par ailleurs, selon Thierry Paquot, les espaces publics sont synonymes, pour la plupart des personnes de l’époque contemporaine, de tout ce qui se rapporte à la voirie et de tout ce qui semble être de « l’espace libre »70. JeanMarc Besse, fait en 2006 une conférence pour la Communauté Urbaine de Lille Métropole, dans le cadre du cycle de conférence-débat proposé par Lille Métropole (rencontres de l’espace public). Cette conférence est destinée aux services techniques de la métropole, et permet la rencontre entre différentes personnes afin qu’elles puissent donner leurs avis. La conférence détermine une charte et une ambition contemporaine sur la qualification des espaces publics de Lille Métropole. Ainsi, le philosophe reprend la définition de

69 Extrait du site internet de L’insoumise, rubrique « C’est quoi ? ». 70 Les termes « espaces libres » sont utilisés par Paquot. En 1980, une forme de confusion apparaît entre les espaces publics et les espaces libres.

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l’espace public par Hannah Arendt et Jürgen Habermas. Il mène ensuite une réflexion sur la notion d’expérience dans l’espace public, au sens géographique et urbanistique du terme. L’espace public géographique du périmètre d’étude de la rue d’Arras est pour moi l’espace compris entre les façades des deux côtés de la rue. Il est limité au nord par le carrefour où est situé le parc Jean-Baptiste Lebas, et au sud par le boulevard d’Alsace. A certains endroits, l’espace public de la rue d’Arras s’élargit. Les deux parvis du CECU et de l’Atelier Popoulaire d’Urbanisme (APU) font partis de ces espaces publics géographiques. L’endroit le plus évident est la place Vanhoenacker, où les usages et les expériences de sociabilités diffèrent du reste de la rue. J’ai choisi de l’intégrer dans le périmètre d’étude. Un autre espace est la cour de la maison Folie Moulins. En effet, cette cour est séparée de la rue par une grille métallique, qui est placée dans l’alignement des façades voisines. Cette barrière physique n’est pas visuelle. Il y a selon moi une sorte d’invitation à pratiquer la cour de la maison Folie comme un espace public, comme un espace de rencontre. Il est difficile de parler de ces équipements culturels sans évoquer les espaces publics, qu’ils soient politiques et donc sociaux ou géographiques. Quelles sont les relations entre espace(s) public(s) et les équipements culturels ? Comment permettent-elles l’intégration ou au contraire, créent-elles de la distance ? Quelles pratiques de l’espace induisent-elles ?

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B.1.c Relations entre les équipements culturels et les espaces publics L’intégration de ces lieux culturels passe par leurs relations avec les espaces publics géographiques qui leur sont associés. Ne connaissant pas la rue d’Arras avant 2012, je n’ai pas vécu les transformations spatiales autour de la maison Folie de Moulins entre 2000 et 2004. La retouche de l’exposition d’une photo montrant la brasserie des 3 Moulins avant son aménagement en maison Folie Moulins71 permet néanmoins une comparaison globale avec l’aménagement en 2008 (figure 13). Les proportions du trottoir semblent conservées. La cohérence des matériaux reste la même avant et après les travaux : pavés dans la cour et chaussée bitumineuse pour le trottoir et la voirie. Lors de la création du CECU en 2013, l’espace public alentours a été repensé par l’agence d’Architecture King Kong. Une capture d’écran d’ordinateur témoigne du réaménagement de l’espace public qui se trouve actuellement devant le CECU (figure 14). Cette capture d’écran montre une photographie issue des archives de l’outil Street View de Google Maps. Elle permet de voir l’angle de la rue d’Arras, au niveau de la rue de Fontenoy en 2008. Il me semble qu’il y a donc deux typologies d’espaces publics géographiques qui profitent à ces équipements culturels. Les deux situations spatiales sont très différentes. Dans un premier cas, le portail de la maison Folie est dans l’alignement de la rue. La cour est visible depuis la rue d’Arras. Il est difficile de prendre du recul pour voir le bâtiment. La rue est d’une largeur de 13m et le bâti de la maison Folie est situé au milieu d’un îlot. Aucune perspective n’offre une vue directe. Le stationnement a été supprimé devant l’entrée de la maison Folie : on a une impression de respiration quand on marche sur le trottoir avec d’un côté une ouverture vers la cour intérieure et de l’autre, une séparation moins marquée avec la route. Cette impression de respiration est aussi renforcée par l’exposition de la rue. Les bâtiments bordant la rue d’Arras

71 La photographie est extraite du blog « Brasserie de Mons-en-Barœul », URL : http://brasseriesdemons.blogspot.fr/2000/05/les-autres-brasseries-de-la-metropole.html

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Figure 13 : Photographie éclaircie de la Brasserie des 3 Moulins avant son aménagement en maison Folie. Crédits : © Brasseries de Mons.

la maison Folie Moulins

le Darras

Figure 14 : le squat Darras rue d’Arras en 2008. Crédits : © Google Street View, archives. la maison Folie Moulins

le CECU

Figure 15 : le CECU rue de Fontenoy en 2014. Crédits : © Google Street View, archives.

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maison Folie Moulins

Centre Eurorégional des Cultures Urbaines stationnements 0

20 40

60 80

100m

Figure 16 : L’intégration de la maison Folie dans la rue d’Arras par l’ouverture de sa cour.

as ’Arr rue d

rue d

’Arr

as

Crédits : fonds personnels.

CECU

APU

maison Folie Moulins Centre Eurorégional des Cultures Urbaines et Atelier Populaire d’Urbanisme la Poste stationnement perspectives créées 0

20 40

60 80

100m

Figure 17 : L’intégration du CECU par le dialogue entre les deux parvis et la création de perspectives. Crédits : fonds personnels.

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créent un front bâti continu, ce qui plonge la totalité de la rue dans l’ombre en fin de matinée. Seule la cour de la maison Folie laisse passer le soleil de façon à ce que le trottoir d’en face soit ensoleillé (figure 16). Dans un second cas, le CECU profite d’un parvis à l’angle d’un îlot. Selon moi, le CECU et son parvis sont indissociables du parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme. Les deux parvis profitent l’un de l’autre (figure 17). Sans voiture stationnée, l’espace est ouvert et invite au regard. Par exemple, lors de ma visite sur le site, il me semblait nécessaire de prendre une photo des deux parvis dans une seule photographie. J’ai utilisé l’outil panoramique. Cette nouvelle respiration, créée par ces deux parvis, invite également à s’arrêter, pour appréhender la totalité de l’espace. C’est pourquoi j’ai pris cette première photographie en me tenant en dehors de l’espace (figure 18). Quelques semaines plus tard, j’ai essayé de reprendre en photo ces deux parvis, en me tenant à l’intérieur de l’espace. La relation entre les deux parvis est encore mieux lisible. Il y a une forme de dialogue créé à cet endroit, ce qui ouvre l’espace et donne de l’importance aux bâtiments concernés (figure 19). Parallèlement, des chaises fixées au sol ont été rajoutées sur le parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme, et sur le trottoir en face de l’entrée du CECU (voir annexe p. 132, figure 38). Ces chaises sont placées par groupes de 2 ou 3, et permettent une vision de la totalité de l’espace. Elles ont été mises en place courant mars 2015 et ont été aussitôt enlevées début avril. On peut ainsi voir le parvis du CECU tout en étant dans l’espace public géographique de l’APU. La présence et la disparition de ces chaises soulèvent néanmoins des questions. D’après mes observations lors de mes visites sur site, le parvis de l’APU est souvent traversé ou longé, mais peu de personnes y restent. L’insertion spatiale de ces lieux culturels dans le quartier est donc permise grâce à une cohérence de matériaux et où de situation géographique dans la trame urbaine. Il y a des formes de continuité, des perspectives travaillées selon l’angle par lequel on arrive sur la rue. Qu’en est-il de l’insertion de ces lieux culturels dans le quartier Moulins du point de vue social ? Comment qualifier le rapport de voisinage ? Peut-on parler d’appropriation ou de rapport de défiance ?

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Figure 18 : le parvis du CECU (gauche) face au parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme (droite), vus depuis la rue d’Arras Crédits : 13 mars 2015, fonds personnels

Figure 19 : le parvis du CECU (gauche) face au parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme (droite), vus depuis le parvis de l’APU Crédits : 30 avril 2015, fonds personnels

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B.1.d l’ « intégration » des lieux culturels dans le quartier ?

Comme vu précédemment, le but des équipements culturels comme

les maisons Folie ou la Gare St-Sauveur est de faire participer les habitants du quartier. Mais ces lieux sont-ils réellement bien intégrés aux quartiers ? MarieThérèse Grégoris, chercheuse au laboratoire Territoires, Villes Environnement et Société à l’université de Lille et enseignante en géographie, mène une recherche sur la Condition Publique à Roubaix (une maison Folie créée pour 2004). Lors de ma rencontre avec elle en janvier 2015, elle s’interroge sur les « rapports de voisinage »72 avec cette fabrique culturelle. Selon cette chercheuse, la Condition Publique de Roubaix avait la réputation d’être une « forteresse » dans le quartier. Marie-Thérèse Grégoris insiste sur le regard que portent les habitants du quartier sur la maison Folie. L’important n’est pas qu’ils la fréquentent, mais c’est plutôt la façon dont elle existe à leurs yeux. Ainsi je m’interroge sur ce « rapport de voisinage » avec la maison Folie de Moulins. La majorité des personnes que j’ai rencontrées dans la rue d’Arras, de tout âge et tout sexe, dit connaître la maison Folie mais n’y être jamais allée. Deux hommes d’une trentaine d’années, rencontrés devant un bar tabac dans la rue d’Arras ajoutent que « ce n’est pas leur délire ». Il me semble ainsi que malgré les efforts des personnes qui y travaillent et y sont associées, la maison Folie est un lieu culturel encore difficile d’accès pour une population populaire. Xan Bouzada, écrit en 1998 sur le sujet de la distance sociale et symbolique aux équipements culturels, dans le livre Enjeux culturels et contextes de villes dirigé par Jean-Pierre Augustin et Daniel Latouche. Il traite de la difficulté d’une population dite populaire à entrer dans ces lieux. Selon l’auteur, l’étymologie de ces équipements a d’ailleurs un grande importance73. Toujours selon lui, une «maison de la culture » instaure plus de distance qu’une « maison du peuple ». Dans la rue d’Arras, aucun lieu ne

72 Entretien réalisé avec Marie-Thérèse Grégoris, le 7 janvier 2015 à 14h à l’UFR de géographie de l’université Lille1. La citation est audible à la minute 3’50. 73 Bouzada (Xan), « La distance sociale et symbolique aux équipements culturels », Lieux culturels et contextes des villes, Maison des Sciences et de l’homme d’Aquitaine, 1998, p. 64.

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porte le nom de « culture » bien que plusieurs « maisons » soient présentes : la maison des syndicats, la maison Folie, la maison du Hip-Hop (surnom du Centre Eurorégional des Cultures Urbaines). Par ailleurs, le CECU a lancé un appel à idée pour changer de nom. Le « CECU » paraît effectivement être un nom peu accrocheur et très institutionnel. La « maison du Hip-Hop » étant déjà un label utilisé à Paris, le directeur du CECU choisit le nom « Flow » (figure 21). Selon son directeur, Olivier Sergent, « l’architecture a été pensée pour qu’on soit en contact avec la rue »74, qui est le milieu d’où vient le hiphop à l’origine. Il y a une véritable volonté de s’intégrer dans le quartier de la part ces équipements sur le long terme. La maison Folie de Wazemmes me semble être mieux intégrée dans son quartier que la maison Folie de Moulins. Sa renommée est plus grande, et sa situation « centrale » dans le quartier de Wazemmes lui permet d’être à la fois un point de repère mais aussi un point de rendez-vous. Par ailleurs, quelques personnes rencontrées dans la rue d’Arras connaissent mieux la maison Folie de Wazemmes que celle de Moulins. Afin de faciliter leur intégration, ces lieux culturels utilisent des intermédiaires. Marie-Thérèse Grégoris, chercheuse, évoque les artistes. Thierry Lesueur (coordinateur de Lille3000) et Aline Lyoën (médiatrice culturelle des maisons Folie de Wazemmes et Moulins) y ajoutent les écoles et les centres sociaux. Selon Thierry Lesueur, les enfants sont un très bon moyen d’inviter différents milieux sociaux à se rencontrer : ils n’ont ni d’a priori ni de peur, et peuvent ainsi solliciter leurs parents pour fréquenter le lieu. La notion d’intermédiaire sera développée plus tard dans ce mémoire. En revanche, certaines personnes n’apprécient pas l’arrivée de ces lieux culturels dans la rue d’Arras. Une photographie que j’ai prise dans les toilettes du bar L’hybride, rue Gosselet à Lille le 20 novembre 2014, évoque ces avis réfractaires par un graffiti (figure 22). Le lieu de prise de la photographie est étroit et empêche d’avoir du recul. Ainsi il n’était pas possible de prendre en photo la totalité du mur, et les autres graffitis. Cette photographie donne

74 ��������������������������������������������������������������������������������������� Interview d'Olivier Sergent dans un journal local. Référence : Dufurier (Julien), « Le Flow dans le bon tempo », Metro news, 13 mai 2015

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Figure 20 : flyer créé par le CECU pour promouvoir son inauguration. Crédits : ©CECU, Ville de Lille

Figure 21 : en haut, flyer distribué par le CECU pour inviter à la proposition du nouveau nom Crédits : ©CECU, Ville de Lille

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néanmoins lieu à des suppositions, quant à ce qu’on peut y lire. « LE HIP HOP N’A PAS D’MAISON » fait référence au CECU, ouvert au public le 04 novembre 2014. Le fait que cette phrase soit soulignée deux fois donne de l’importance à la revendication : la personne qui s’est manifestée est réfractaire à l’idée d’enfermer ou d’institutionnaliser une culture urbaine. Au dessous, « FUCK MARTINE » montre bien que c’est Martine Aubry qui est pointée du doigt. Elle est jugée responsable de la création du centre. Encore en dessous, le « ! 100% DARRAS ! » fait référence au bâtiment qui a été détruit pour laisser sa place au CECU. En effet, une maison avec un étage mansardé se trouvait au croisement des rues d’Arras et de la rue de Fontenoy. Le lieu était un squat, surnommé le Darras, « dédié au hiphop avec studio d’enregistrement et lieux de réunion »75. Il me semble ici qu’il y a un paradoxe : les cultures urbaines telles que le Hip Hop se revendiquent à l’origine comme des pratiques non institutionnalisées. La création du CECU n’est-elle pas un symbole d’une forme de contrôle de la part de la ville de Lille sur la rue d’Arras ? L’insertion de ces lieux culturels dans le quartier doit être sujet d’une attention particulière lors de l’intégration spatiale mais aussi sociale. Les relations entre équipements et espace public évoquées précédemment ne sont pas toujours évidentes. En revanche, elles créent instantanément des pratiques culturelles diverses et variées, par différents acteurs de la rue.

75 Dépeupler Moulins, repeupler le néant, op.cit.

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Figure 22 : graffiti sur le murs des toilettes du bar l’Hybride, rue Gosselet. CrÊdits : fonds personnel, rue Gosselet, Lille, novembre 2014.

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B.2

Les pratiques culturelles dans l’espace public de la rue d’Arras

B.2.a Les différents acteurs de la rue d’Arras La rue d’Arras fait intervenir différents acteurs. Selon moi, ces acteurs peuvent être répartis selon 3 catégories. Ces catégories correspondent à différentes échelles d’intervention. Une première catégorie pourrait être les aménageurs. Il s’agit de personnes qui planifient et orientent de ce fait les usages. Dans le cas présent, il s’agirait des politiques, des urbanistes et géographes, et parfois des architectes et des paysagistes travaillant sur des plans de quartiers, des projets urbains etc. Cette catégorie d’acteurs a une vision globale, qui n’est pas focalisée sur la rue d’Arras, mais qui embrasse un ensemble plus vaste. Dans le cas présent, il s’agit par exemple de Martine Aubry, de Stanislas Dendiével, ou Pierre de Saintignon etc. Didier Fusillier, dans sa qualité de directeur général de Lille2004 et ayant un regard général sur l’évènement sur la totalité de la métropole, pourrait faire partie de cette première catégorie. Les architectes et paysagistes sont des aménageurs. Même si leurs projets est de petite échelle, les architectes et paysagistes ont un regard général sur la ville, le quartier, le contexte. La seconde catégorie rassemblerait les professionnels et les associations qui font le lien entre les aménageurs cités précédemment et le quartier : les équipes des maisons Folie et du CECU pour la culture, l’Atelier Populaire d’Urbanisme... Dans le cadre de la maison Folie, par exemple, ces personnes permettent l’application de la politique culturelle, directement au sein du quartier, avec un rapport privilégié aux habitants de Moulins. Les associations permettent aussi de mettre en relation habitants et politiques, même si leur but n’est pas toujours d’appliquer la politique. Dans le cas de l’Atelier Populaire d’Urbanisme de Moulins il s’agit d’informer et de conseiller les habitants, sur leurs droits76. La troisième catégorie serait composée des habitants de quartier. Cela regroupe les personnes qui vivent le quartier, en y habitant ou en y travaillant quotidiennement (commerçants, restaurateurs etc.). Les personnes qui viennent

76 Référence au site internet de l’Atelier Populaire d’Urbanisme de Moulins, URL : http:// base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6807.html

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exceptionnellement dans la rue d’Arras à Moulins (comme les touristes ou les habitants de la métropole venant pour un événement précis) comptent aussi dans cette catégorie. Ils participent à la vie du quartier, en tant qu’usagers de la rue. Leur présence constitue en soi une pratique culturelle. A quelle catégorie les artistes appartiennent-ils ? Instinctivement, j’ai été tenté de les rapprocher de la seconde catégorie (les professionnels), puisqu’ils permettent de faire un lien entre la culture et le quartier. Néanmois, ils ne sont pas forcément en relation avec les aménageurs de la première catégorie, comme le sont les professionnels. Par ailleurs, un artiste se nourrit de son environnement pour créer. A ce titre, ne sont-ils pas aussi habitants du quartier ? Les artistes sont difficiles à « catégoriser », tant leurs statuts peut-être variés. Il s’agit par la suite de comprendre quels usages de la rue d’Arras et quelle diversité de pratiques on peut observer, à travers ces différents acteurs. B.2.b La multiplicité des usages de la rue d’Arras

Les différents acteurs énoncés dans le paragraphe précédent pratiquent

l’espace différemment. Ces différentes pratiques peuvent être quotidiennes et/ou événementielles. Il s’agit par exemple de l’habitant qui emprunte la rue pour aller faire ses courses ou rentrer chez lui. L’usage évoqué est ici de passer, de se déplacer, de circuler, comme l’évoque Jean-Marc Besse77. La création artistique est présente dans la rue d’Arras. Par exemple le pignon face au CECU est investi par une peinture murale. Sous le nom de l’artiste, on peut voir l’inscription « Le Flow », ce qui laisse entendre que l’équipement culturel revendique cette œuvre. Un peu à l’est de la rue d’Arras, les murs et pignons encadrant la Plaine Philippe de Comines sont couverts de tags et de graffitis. Ce jardin public est d’ailleurs un lieu connu pour cette pratique du tag : Google Maps héberge plusieurs photos, postées par les internautes datant de 201278. En comparant ces photographies situées avec la réalité, on 77 Besse (Jean-Marc), L’espace public : espace politique et paysage familier, Lille, Rencontres de l’espace public, Lille Métropole Communauté Urbaine, 2006, Lille, p. 7. 78 Ces photographies sont disponibles sur internet, URL : http://www.panoramio.com/ user/2130377/tags/Lille?photo_page=38

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voit clairement les différents aménagements réalisés pour le jardin, et les différents tags qui changent selon l’année (voir annexes p. 128, figures 32 et 33). L’événement BAM (Bienvenue à Moulins), organisé chaque année par la maison Folie Moulins en juin, participe amplement à cet usage artistique de la rue et du quartier . En effet, bien que l’événement se déroule dans la totalité du quartier, le plan simplifié sur la plaquette de présentation de festival présente un regroupement plus dense de lieux dans lesquels se déroulent les activités autour de la rue d’Arras que dans le reste du quartier. L’événement investit l’espace public et propose des activités dans et sur l’espace public : « Jan Graffiti » avec le collectif Renard à la Plaine Philippes de Comines, « Peintures sur trottoirs » sur la place Vanhoenacker, « Projections » dans un ancien bus garé rue d’Arras (voir annexes p. 137). Ces pratiques événementielles, pourraient être rapprochées de ce que Jean-Marc Besse appelle « l’espace d’exposition »79 (figures 23 à 26). Pour ce dernier, cela comprend les vitrines, les murs etc. Il y a ici la notion d’arrêt, qui se démarque du mouvement et des déplacements évoqués précédemment. Selon moi, cet « espace d’exposition » s’apparente à l’espace de rencontre. En effet, on s’arrête dans la rue d’Arras pour aller à la rencontre d’autres personnes, commerçants, membres d’une association, collègues, artistes, amis etc. Les photographies du BAM de 2013 que j’ai sélectionnées montrent les espaces publics animés et pratiqués par de nombreuses personnes. En effet, il semble que les personnes ayant pris ces photographies aient cherché à montrer le plus de personnes possibles participant à l’événement, afin de le promouvoir. Néanmoins, j’ai aussi cherché à photographier les usagers de la rue d’Arras lors de mes visites sur le site. Or, je n’ai jamais eu l’occasion de voir autant de personnes réunies dans la rue. La présence massive de personnes dans la rue d’Arras serait donc liée spécifiquement à ce genre d’événements ponctuels, à des moments bien précis. Mais les personnes présentes sont-elles les habitants du quartier ? L’événement rassemble-t-il des lillois qui ne fréquentent pas le quartier et la rue habituellement ? En quoi ces différentes pratiques et usages que l’on fait de la rue d’Arras correspondent-ils à des temporalités marquées ?

79 Besse (Jean-Marc), op. cit., p. 7.

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Figure 23 : la place Vanhoenacker lors du BAM 2013.

Figure 24 : la place Vanhoenacker lors du BAM 2013.

Figure 25 : concert et atelier « Peintures sur trottoirs» lors du BAM 2013.

Figure 26 : atelier « Graffitis» à la Plaine Philippe de Comines lors du BAM 2013.

Crédits : ©maison Folie Moulins, quartier Moulins,. juin 2013.

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B.2.c Les temporalités de la rue d’Arras Marie-Thérèse Grégoris, évoque la question des temporalités annuelles lors de mon entretien avec elle en janvier 2015. Lors des festivals ou de certaines manifestations, l’équipement culturel investit l’espace public. L’espace public géographique est donc vécu selon différentes temporalités : « il y a l’espace public tel que les gens le perçoivent au quotidien, et il y a l’espace public lorsque l’équipement culturel se met en animation, et se tourne vers l’espace public, par des fêtes notamment »80. En effet, les photographies disponibles sur le site internet de la ville de Lille montrent la fête d’inauguration du Centre Eurorégional des Cultures Urbaines. Les photos ont été prises les 4 et 5 octobre 2014 et montrent la pratiques des lieux par les personnes venues fêter l’événement. Sur les nombreuses photographies proposées, quelques unes représentent une foule de personnes. Cette foule s’étend du parvis du CECU jusqu’au parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme (figure 27). Sur une des photographies que j’ai choisies, toutes les personnes sont tournées vers un danseur, lui-même situé sur le parvis, à même le sol. La photographie étant prise plus haut que le niveau des yeux, elle permet une vue d’ensemble sur l’espace. Une seconde photographie que j’ai sélectionnée est prise à hauteur des yeux. Elle représente un petit groupe de danseurs, entouré par une foule accroupie à même le parvis du CECU. Je me suis intéressée à cette photographie car elle montre sur la gauche, une scène mise en place dans l’espace public pour cette occasion (figure 28). Ainsi cet espace public devant le CECU est vécu différemment à cette occasion qu’au quotidien. En effet, lors de mes visites, j’ai pu observer que très peu de personnes restent sur ces parvis. Ces temporalités peuvent être aussi de l’ordre du quotidien ou de l’hebdomadaire. Aline Lyoën, chargée de la communication auprès des publics aux maisons Folie Moulins et Wazemmes évoque le mercredi après-midi et les week-end. Ce sont des moments

80 Entretien ���������������������������������������������������������������������������������� réalisé avec Marie-Thérèse Grégoris, le 7 janvier 2015 à 14h à l’UFR de géographie de l’université Lille1.

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Figure 27 : capture d’écran des photos disponibles sur le site internet de la ville de Lille, montrant la fête d’inauguration du CECU. Crédits : ©ville de LIlle, parvis du CECU, 4 octobre 2014.

Figure 28 : capture d’écran des photos disponibles sur le site internet de la ville de Lille, montrant la fête d’inauguration du CECU. Crédits : ©ville de LIlle, parvis du CECU, 4 octobre 2014.

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particulièrement privilégiés puisque ce sont les familles qui pratiquent le plus les lieux culturels à ces moments, et particulièrement les enfants. Le directeur de la maison Folie de Moulins met en place des projets culturels qui reflètent l’identité du quartier. L’équipe de la maison Folie de Moulins propose donc des « spectacles vivants » tout au long de l’année. Ces animations portent sur les arts de la rue, le théâtre de marionnettes ou la musique, qui s’inscrivent dans la continuité de la culture déjà en place à Moulins. Plusieurs compagnies de théâtres sont basées dans le quartier81. Selon Aline Lyoën, le quartier populaire de Moulins requiert une forme « d’art modeste », tout comme celui de Wazemmes : “Wazemmes, on est sur des cultures populaires. Ca s’est beaucoup ressenti dans les expositions, sur de la création contemporaine, un axe régional parfois, et aussi des questions de sociétés. Beaucoup d’art brut, d’art modeste, des choses qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs, qui ne sont pas trop montrées.” Aline Lyoën, chargée des actions culturelles à la maison Folie Moulins82

Plusieurs festivals sont proposés par les maisons Folie. Ces festivals reprennent les codes des spectacles vivants et des arts de la rue. A l’initiative de la maison Folie Moulins, deux fois par an, le M Festival « la marionnette dans tous ses états » investit le quartier de Moulins, en créant des parcours. Les « journées tous voisins », permettent de monter des projets communs entre les artistes, la maison Folie Moulins et d’autres associations ou structures du quartier. Le collectif BAM Bienvenue à Moulins, a pour but de sortir l’art et la culture des lieux prévus à cet effet et de l’emmener dans l’espace public. Pour cet événement en juin, des parcours sont proposés dans le quartier de Moulins, avec des activités variées. Barbecue, repas, atelier de musique, théâtre, expositions, films, « ateliers peinture sur le trottoir » sont autant d’activités qui se déroulent directement dans l’espace public, mais aussi dans des lieux associés, comme le bar L’hybride (rue Gosselet dans le quartier Moulins), le cirque du bout du monde, la place Vanhoenacker etc.

81 Voir paragraphe « la culture, nécessité absolue à Moulins ? ». 82 Entretien avec Aline Lyoën (chargée de l’action culturelle de la maison Folie Moulins) que j’ai réalisé le vendredi 23 janvier 2015 à 11h, à la maison Folie Moulins.

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Ces évènements sont aussi prévus stratégiquement selon des moments de la journée. Par exemple, Aline Lyoën explique que le mercredi après-midi est un moment propice pour travailler avec les enfants, et ainsi mobiliser leurs parents. Comme le soulève Marie-Thérèse Grégoris, la nuit est aussi une temporalité différente du jour dans la pratique de l’espace public. Le spectacle Nyctalope, présenté en avril 2015 à la maison Folie par la Compagnie Générale d’Imaginaire traite justement du vécu de l’espace public la nuit. Je m’interroge sur les déplacements que l’on a dans la rue d’Arras, notamment par rapport aux lieux culturels. Y a-t-il une telle fréquentation rue d’Arras, lors de manifestations événementielles et/ou festives ? Les circulations du quotidien ont eux aussi de l’importance. Quels sont les arrêts, comment est traversée la rue, à quel endroit ? Sur quel trottoir marche-t-on ? L’espace public situé entre la maison Folie de Moulins et le CECU et l’ APU est un espace particulièrement intéressant, car il regroupe 3 lieux publics et/ou culturels dans un espace restreint. Un certain nombre d’éléments rythment la rue d’Arras, forment des tensions, et créent des mécanismes de l’ordre du quotidien. Ces éléments sont morphologiques (une place, le décroché d’une façade par rapport à l’alignement, un parvis etc.) et programmatiques (la Poste, les écoles, la boulangerie, le bar/tabac PMU etc.). Ces morphologies et programmes invitent à pratiquer l’espace et créent une habitude des lieux83. Pour représenter les rituels liés aux programmes, j’ai différencié différentes fréquences de pratique de ces lieux par un travail de cartographie. J’ai choisi de distinguer les déplacements quotidiens à hebdomadaires (par exemple la boulangerie, la Poste, l’école) des déplacements mensuels (le coiffeur, le restaurant) et des déplacements occasionnels (magasins spécialisés, dépannage informatique etc). Mais les rituels ne sont pas conditionnés seulement par les fréquences de pratique de ces lieux, mais aussi par leurs horaires, leur facilité d’accès

83 Entretien avec Aline Lyoën (chargée de l’action culturelle de la maison Folie Moulins) que j’ai réalisé le vendredi 23 janvier 2015 à 11h, à la maison Folie Moulins.

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etc. En intégrant toutes ces données, la carte devient rapidement illisible tant les différentes pratiques de l’espace public sont nombreuses (figure 29). Les circulations liées à la morphologie des lieux et de l’espace public sont difficiles à cartographier. J’ai donc choisi de saisir ces pratiques par le dessin et la photo. La rue d’Arras est orientée Nord-Sud, de façon légèrement oblique et présente une légère courbe. Ses deux trottoirs ne sont jamais complètement ensoleillés ou complètement à l’ombre. L’exposition a-t-elle une incidence directe sur les rituels de la rue d’Arras ? La place Vanhoenacker située dans la partie sud de la rue d’Arras, est bordée de platanes. Quelques bancs sont disposés sous les arbres, des quatre côtés de la place. Quelque soit le jour de la semaine, le moment de la journée et le climat, la place est continuellement investie. Le lieu est souvent considéré comme un point de rendez-vous, de retrouvailles. Lors d’une de mes visites sur le site le dimanche 8 mars en après-midi, j’ai eu l’occasion de rencontrer un homme d’une soixantaine d’années, d’origine maghrébine. Cette personne a expliqué qu’elle était venue dans la rue parce que ses amis lui avaient donné rendez-vous dans le « jardin »84, et qu’elle ne connaissait pas le quartier. Quand j’ai demandé à cet homme s’il connaissait la maison Folie de Moulins, un peu plus au nord dans la rue, il m’a répondu que non, mais qu’il connaissait en revanche la maison Folie de Wazemmes, qui était dans son quartier. La place Vanhoenacker est donc considérée comme un endroit propice aux rencontres (figure 30), pour les personnes du quartier (ici probablement les amis de l’homme rencontré) et les personnes extérieures (qui fréquentent la rue grâce à des ouï-dires). Au regard de l’exemple de la place Vanhoenacher, on peut s’interroger sur la qualité de ces rencontres. Entre qui se font-elles ? Des habitués du quartier ? Des personnes de tous âges, de tous milieux sociaux ? De la même façon, les équipements culturels de la rue, sont-ils des éléments fédérateurs dans le quartier ?

84 Le terme de « jardin » a été utilisé par la personne rencontrée. Je suppose que cet homme parlait en fait de la place Vanhoenacker, car il me la désigné du doigt en m’en parlant.

74


* banques cafés, bars

*

laveries lieux de prière boulangerie patisserie coiffeur, esthétique épiceries centres commerciaux

*

*

boucheries L’insoumise restaurants lieux culturels pharmacies mairies de quartier

*

maisons des syndicats vétérinaires la Poste assurances laboratoire d’analyse med.

*

autoécoles bureaux de communication fabriquant immobilier permanences parlementaires

*

décoration magasin bricolage tapissier, fournisseur aide à domicile artisans dépannage informatique loisirs téléphonie voitures résidences bureaux

*

écoles fréquence d’usage exceptionnel fréquence d’usage régulière

* * 0

fréquence d’usage quotidienne lieux investis lors du festival Bienvenue A Moulins stationnements automobiles station de métro stations de V’Lille

100

200 m

Figure 29 : cartes des fréquences d’usages de la rue d’Arras Crédits : fond de plan Google Maps


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Figure 30 : les pratiques quotidiennes de la place Vanhoenacker, lieu des rencontres. Crédits : fonds personnels

Figure 31 : les pratiques quotidiennes du parvis du CECU, vu depuis le parvis de l’APU. Décontextualisation : les bâtiments sont nécessaires à la compréhension des pratiques. Crédits : fonds personnels

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B.3 B.3.a

La culture favorise-t-elle le « lien social » ? Ce qu’on appelle le « lien social »

En sociologie, le « lien social » serait défini par l’ensemble des relations entretenues par les individus appartenant à un même groupe social, ou qui établissent des règles sociales entre individus de classes sociales différentes. Il y a donc une relation d’interdépendance entre les individus. Christine Liefooghe, chercheuse au TVES85, professeur en géographie économique et aménagement urbain, et auteur d’articles POPSU, écrit en 2010 un article pour la revue Méditerranée intitulé « Lille 2004, capitale européenne de la culture ou la quête d’un nouveau modèle de développement »86. Dans cet article qui analyse les retombées économiques et culturelles de Lille2004, l’auteure met en relation la part du budget attribué à l’aménagement des maisons Folie et la raison de leur création : « Elles ont pour fonction de créer du lien social sur le long terme, de servir de laboratoire d’un nouvel art de vivre, pour reprendre l’expression portée par Martine Aubry et Didier Fusillier. »87. La formulation de la phrase de Christine Liefooghe laisse penser que le « lien social » sur le long terme, est un « nouvel art de vivre ». Pourquoi l’utilisation du mot « nouvel » ? N’y avait-il pas de « lien social » dans les quartiers avant les maisons Folie ? La culture serait donc un outil de renforcement ou de développement du « lien social ? ». La plateforme ARTfactories consacre un chapitre à la fonction sociale de la culture dans le document « QuARTiers – Les projets participatifs au cœur de la [politique de la] ville ». L’action culturelle y est présentée comme un mode d’accès et de confrontation à des enjeux de société.

85 Le TVES est le laboratoire Territoires, Villes, Environnement et Société de l’université Lille1. 86 Christine Liefooghe, « Lille 2004, capitale européenne de la culture ou la quête d’un nouveau modèle de développement », Méditerranée [Online], 114 | 2010, Online since 01 September 2012, connection on 28 April 2015. URL : http://mediterranee.revues.org/4249 Il s’agit d’une de la revue géographique des pays méditerranéens. L’article traite des retombées économiques de Lille 2004 sur la ville de Lille, et a été écrit dans le cadre d’une recherche sur « Marseille à l’heure de 2013 : laboratoire artistique et urbain ». Marseille a été nommée Capitale européenne de la culture en 2013. 87 Ibid. p. 19.

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Geneviève Rando, directrice du centre social Bordeaux nord, parle plus du « jeu social » que du « lien social ». Selon elle, tout le monde peut prendre part à l’art ou à l’action culturelle. Le « lien social » se caractériserait par une façon de penser et de faire ensemble, et non pas à titre individuel. Elle souligne le fait que l’individu artiste se positionne seul face à un public : « le véritable enjeu, ce n’est pas la place de l’artiste dans la société mais la place de l’artistique dans le jeu social »88. Ses propos sont appuyés par ceux de Dominique Adechi, participant à un atelier de pratique théâtral proposé par le centre social de Bordeaux nord. Selon Dominique Adechi, le lien social est le fait de pouvoir discuter de « manière approfondie » entre individus, sur un sujet, et de pouvoir le faire librement89. Comme évoqué dans son entretien avec ARTfactories, créer du lien social grâce la culture n’est pas toujours facile et demande parfois à passer par des intermédiaires. B.3.b Les « passeurs » Le terme de « passeur » a été utilisé par Marie-Thérèse Grégoris (chercheuse au TVES lors d’un entretien que j’ai réalisé le 7 janvier 2015 à l’UFR de géographie de l’université de Lille1). Selon elle, les « passeurs » sont des intermédiaires, qui permettent de faire le lien entre les équipements culturels et le quartier. La nature de ces passeurs est multiple. Cela peut-être une personne, une institution, ou un projet artistique. Les lieux peuvent aussi avoir le rôle d’intermédiaire. Marie-Thérèse Grégoris évoque la ferblanterie, actuellement implantée dans le quartier Lille Sud et avant 2010 à Moulins comme un de ces lieux intermédiaires90. Le lieu est cartographié par ArtFactories comme étant un lieu de création et d’expérimentation. La ferblanterie est un « des lieux, des espaces-projets artistiques et culturels en lien avec leur territoire

88 Art Factories, « La fonction sociale de la culture », QuARTier- Les projets participatifs au cœur de la [politique de la] ville, [En ligne], janvier 2012, URL : http://www.artfactories.net/ IMG/pdf/QuARTier-_Les_projets_participatifs_dans_politique_de_la_ville-.pdf 89 Ibid. 90 Entretien réalisé avec Marie-Thérèse Grégoris, le 7 janvier 2015 à 14h à l’UFR de géographie de l’université Lille1. La citation est audible à la minute 17’20min.

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d’implantation et les populations.»91 Le site d’ArtFactories précise bien que ces lieux cartographiés sont souvent éphémères, en raison des bases fragiles sur lesquelles ils reposent (autonomie financière, déménagements fréquents etc.). La ferblanterie se revendique comme un lieu de création indépendant. Artistes, artisans et compagnies d’arts vivants y résident et travaillent, échangent, inventent. La maison Folie et le CECU accueillent aussi des artistes en atelier et en résidence. Ces deux derniers lieux sont-ils des « passeurs », des intermédiaires ? Leur différence principale avec la ferblanterie réside dans le fait que celle-ci est un collectif de personnes, autogéré. Les maisons Folie et le CECU sont des lieux institutionnalisés, dans le sens où ils sont à l’initiative de la ville. Ainsi, il s’agit de lieux prévus pour accueillir des « passeurs » (personnes, artistes, projets...), mais le lieu en lui-même n’est pas un intermédiaire. Ces institutions publiques, puisqu’elles sont encadrées par des autorités politiques fortes restent difficiles à approcher par tous. Dans le cas de la rue d’Arras et du quartier Moulins, cette institionnalisation semble faire toujours peur, et ne laisse que peu de place au spontané. Cela est particulièrement visible dans le cas du CECU. Comme le montre le graffiti dans le bar L’Hybride, certaines personnes ne souhaitent pas que le hip hop et les cultures urbaines soient enfermés dans une maison, à l’initiative de la ville. Le CECU rencontre ainsi des difficulté à être passeur auprès de ces habitants du quartier. Les entretiens que j’ai réalisés avec Thierry Lesueur et Aline Lyoën les 22 et 23 janvier 2015, évoquent par ailleurs la recherche de ces passeurs par la maison Folie de Moulins, afin d’avoir un point d’accroche sur la population du quartier. Les enfants sont des intermédiaires particulièrement efficaces pour avoir un effet sur la population. « […] les enfant repartent avec un petit ticket où c’est inscrit « reviens ce week-end avec tes parents ». On a constaté plein de fois, des enfants qui tirent leur parents et qui expliquent ce qu’ils ont vu. C’est une petit chose mais en même temps c’est extrêmement important parce qu’on

91 Ces précisions sont mises en ligne par le site internet d’ArtFactories à l’adresse suivante : http://www.artfactories.net/-France-.html, dans la rubrique Cartographie, France.

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sait bien que les meilleurs prescripteurs, c’est les enfants vis à vis des parents. Après il y a aussi tout un travail de relations publiques avec les commerçants, avec les associations, les centres sociaux, les professions intermédiaires... [...] » Thierry Lesueur, coordinateur général de Lille300092

Les propos de Thierry Lesueur montrent l’importance du travail réalisé avec l’éducation nationale. Aline Lyoën, a elle aussi évoqué ce travail avec les enfants. Au contraire, elle précise qu’il est plus difficile de faire participer les adolescents, car ils sont en « construction identitaire ». Charlotte Berthelot, assistante en actions culturelles parle de « rapports de défiance »93 à leurs égards. Par ailleurs, Xan Bouzada commence son texte portant sur la distance sociale et symbolique aux équipements culturels par la phrase « Franchir la porte des équipements culturels, voilà quelque chose qui s’apprend en famille ou à l’école »94. La notion symbolique du seuil et la difficulté de son franchissement est une référence récurrente dans les entretiens que j’ai menés. Xan Bouzada met l’accent sur la nécessité d’apprentissage. Il ne fait référence à « l’élève populaire »95 que dans un second temps. La classe sociale dont provient l’individu concerné a de l’importance car elle est mentionnée par l’auteur, mais moins que sa capacité à s’ouvrir à quelque chose qu’il ne connait pas. La relation de proximité que l’on peut entretenir avec les équipements culturels ne serait donc pas évidente. Elle résulte, particulièrement dans le cas des classes populaires, de l’interférence avec un passeur, ici les enfants pour les parents, et l’école pour les enfants. Il est intéressant de voir la différence entre les relations qu’entretiennent les adultes à l’équipement culturel, et celles des enfants à ce même équipement. Bien que les programmes soient plus ou moins ciblés selon les âges, les enfants s’immergent facilement dans le projet ou le programme proposé, 92 Entretien réalisé le jeudi 22 janvier 2015 à 17h, dans les bureaux de Lille3000 à Euralille. 93 Entretien avec Aline Lyoën (chargée de l’action culturelle de la maison Folie Moulins) et Charlotte Berthelot, que j’ai réalisé le vendredi 23 janvier 2015 à 11h, à la maison Folie Moulins.extrait audible à 17’20min. 94 Bouzada (Xan), op.cit., p. 63. 95 Ibid.

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alors que les adultes entretiennent une certaine retenue. Lors d’une de mes visites à la maison Folie de Moulins, l’après-midi était consacré à la diffusion de courts films d’animations, à l’intérieure de la maison Folie. Six rang de chaises étaient disposés dans la salle, devant un mur où les courts-métrages étaient projetés. Les techniques et les thèmes abordés étaient variés, du fait que tous les âges étaient concernés par le programme. Durant l’heure où je suis restée observer, tous les adultes se sont assis au dernier rang de la salle. La seule enfant, âgée d’environ six ans, a choisi de s’assoir au premier rang, au plus près de l’image, pourtant visible de loin. Ses parents se sont assis au dernier rang. Cette observation illustre bien la distance qu’entretiennent les adultes avec les animations proposées par la maison Folie. Est-ce une question de confort visuel ? Est-ce pour être plus proche de l’entrée et de la sortie (ici à l’opposé de l’écran) et pour des questions d’accessibilité dans la pénombre que les adultes choisissent le dernier rang ? Certains passeurs travaillent avec enfants et adultes. L’atelier Volant est une plateforme regroupant jeunes diplômés architectes et paysagistes. Leur but est de « faire ensemble »96. Cela passe aussi par diverses actions culturelles menées sur différents territoires. Lors d’une conférence donnée à Dunkerque dans le cadre du REA97 en avril 2015, l’Atelier Volant a présenté deux de ces actions. La première, réalisée à Lima au Pérou et sur le thème du « découvrir l’ailleurs » visait à construire mieux ensemble et impliquait particulièrement les enfants. La seconde, sur le thème de l’habitat précaire, regroupait différents acteurs, professionnels ou habitants de tous âges, afin d’échanger sur les différents moyens pour construire. Dans les deux actions présentées, l’Atelier Volant s’est toujours nourrit du quartier ou des connaissances des autres pour travailler. Dans le cadre de ces actions culturelles, le quartier est souvent utilisé comme ressource pour créer et tisser des liens.

96 Site internet de l’Atelier Volant, rubrique « Notre philosophie ». URL : http://lateliervolant.fr/philosophie 97 Rencontre internationale entre les écoles d’architecture et de paysage françaises et de l’Europe Centrale et Orientale

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B.3.c

Le quartier comme ressource

Ces intermédiaires se nourrissent la plupart du temps du quartier et l’utilise comme une ressource dans leur travail. Marie-Thérèse Grégoris l’évoque dans l’entretien que j’ai réalisé le 7 janvier 2015. « […] ce qui est intéressant, c’est comment les artistes qui viennent en résidence, utilisent la ressource du quartier et le valorisent en quelque sorte. Ce qu’il y avait de flagrant pour la Condition Publique c’est que c’est une ressource humaine qu’ils utilisent, c’est des valeurs humaines, c’est des visages, des relations sociales du quartier... » Marie-Thérèse Grégoris, chercheuse au TVES98

Les intermédiaires évoqués font ici référence aux artistes. Selon Marie-Thérèse Grégoris, l’utilisation du quartier comme ressource facilite les relations entre les intermédiaires et les habitants de ce quartier. La 19ème rencontre internationale entre les écoles d’architecture et de paysage françaises et de l’Europe Centrale et Orientale (le REA), tenu en avril 2015 à Lille et Dunkerque, avait pour thème la « Revitalisation des paysages et des villes par les nouveaux lieux de la culture ». Parmi les conférences données le 14 avril à Dunkerque, beaucoup évoquaient le « lien social » que favorisent l’art et la culture au sein d’un quartier, d’une ville, d’une communauté. Wlodzimierz Witowski, docteur ingénieur architecte à l’institut d’Architecture et d’Urbanisme de l’Université Technique de Lodz, en Pologne, présente la galerie « Urbain Forms ». Cette galerie en ligne, présente une forme d’art de rue, de culture urbaine comme outil pour promouvoir le quartier. Il s’agit d’artistes, locaux la plupart du temps, qui investissent les murs des bâtiments. Ces œuvres de grandes ampleurs « s’inspirent de la culture populaire » et joue avec la géométrie de l’espace. Ce changement de physionomie de l’espace prend en compte le lieu dans lequel il s’inscrit et l’utilise comme matière première de l’art. Wlodzimierz Witowski fait remarquer le voisinage entre l’art et la publicité agressive que l’on trouve dans la rue. Il évoque ainsi le dialogue nouveau entre les murs, les déchets et la ville et analyse cette forme de culture urbaine comme un outil de « revitalisation sociale ». A la différence de la 98 Entretien réalisé le 7 janvier 2015 à 14h à l’UFR de géographie de l’université Lille1. La citation est audible à la minute 5’25.

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« ressource humaine » utilisée par les artistes de la Condition Publique, cette ressource est spatiale et culturelle. Cette « revitalisation sociale » peut-elle être rapprochée du « lien social » ? Séverine Bridoux Michel, architecte DPLG, enseignante et chercheuse au LACTH à l’ENSAP Lille, développe le thème « Programmer, inventer, protéger un patrimoine immatériel : des nouveaux lieux face à l’industrie de la culture » dans ces conférences du REA données à Dunkerque. Selon elle, l’interaction entre l’art et le paysage permet le « bien vivre ensemble »99. Elle met l’accent sur l’importance de ces nouveaux lieux culturels, en expliquant qu’il s’agit de favoriser l’émergence de lieux culturels pour favoriser la rencontre et le dialogue au sein d’un territoire. La prise en compte de la culture locale est nécessaire pour favoriser l’émergence de ces lieux. Moulins est aussi un quartier ressource. Par exemple, le CECU a pris la sucession du Darras, une maison industrielle squattée, surnommée ainsi par les amateurs de hip hop. En 2012, les travaux pour la construction du CECU commencent et le Darras est démoli. Le lieu avait un studio d’enregistrement et des salles de réunions100. Le CECU semble s’être inspiré de ce squat, qui appartenait au quartier. D’autres événements proposés à la maison Folie Moulins utilisent le quartier comme ressource. C’est le cas de l’exposition City Scan qui regroupe 4 artistes et collectifs : Benjamin Barreau, GMTW, Goupilsamba et We own the night. L’exposition, présentée du 22 mai au 5 juillet 2015, vise à questionner l’espace public et propose différents regards sur la ville et particulièrement sur le quartier de Moulins. Le collectif GoupilSamba propose « Signes visibles », une installation sonore et vidéo. L’idée est de raconter l’histoire de Moulins, à travers les mutations du quartier et l’image qu’il renvoie.

99 Les mots « bien vivre ensemble » figurent dans mes prises de note de la conférence donnée par Séverine Bridoux Michel. Il s’agit de termes qu’utilise également Jean-Marc Besse, philosophe et enseignant à l’ENSAP Lille. 100 Tomjo, Tonio, Garnier (Jean-Pierre), « Dépeupler Moulins, repeupler le néant », op.cit.

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B.3.d

L’espace public culturel : un espace de culture et/ou de

politique ? Si le quartier est une ressource pour la culture, cela pose la question de la définition de l’espace public culturel. Les institutions culturelles, nées d’une stratégie politique, utilisent l’espace public à leur « profit » par des interventions culturelles. Ces mêmes interventions culturelles mettent en scène artistes et professionnels de la culture, mais aussi et surtout le quartier. Dès lors, parler d’espace public culturel devient délicat. Comme le quartier lui même est pris à partie, cela suppose que l’espace public devient culturel dès que la population l’utilise, l’investit. En somme, l’espace public ne devient pas culturel, il l’est par essence. Mais l’espace public culturel, est-il pour autant un espace de culture ? Comme vu précédemment, Jean-Paul Gabilliet (chercheur sur la culture populaire et la culture de masse en Amérique du nord) fait la distinction entre la culture des élites et la popular culture. En plus d’être une ressource pour la culture, l’espace public est donc culturel au sens de la popular culture comme nous le montre par exemple le festival du BAM. Quant à son statut politique, nous avons déjà vu qu’il était également intrinsèque à l’espace public puisqu’il est le lieu du débat, de l’action de confrontation des points de vue et également parce qu’il est issu d’un souhait politique. Pourtant, dans le sens commun, il semble que certains espaces publics aient spontanément la qualification de culturels alors que d’autres non. Le parvis du CECU est clairement apparenté à la culture et à l’espace public. Dans le sens commun, il pourrait donc s’agir d’un espace public culturel. Cette appartenance est renforcée par le fait que des manifestations événementielles s’y déroulent. La cour de la maison Folie a les mêmes caractéristiques, bien qu’elle soit séparée de la rue par un portail. Toujours dans le sens commun, les autres espaces publics, comme le trottoir le long d’habitations, devant le centre commercial Match ou d’autres équipements lambda ne sont pas dits «culturels ». Lors des enquêtes sur le terrain, la majorité des personnes

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interrogées designaient les espaces publics proches des équipements culturels comme étant eux-mêmes culturels. A aucun moment il n’a été question de désigner un trottoir quelconque comme un espace culturel. Mais ne peut-on pas dire que l’espace public est culturel à partir du moment où il permet une pratique ? Cette pratique pourrait être celle d’un artiste pour les habitants. Marie-Thérèse Grégoris évoque le collectif d’artistes Saprophytes, qui travaille pour la Condition Publique (autre maison Folie créée pour Lille2004) et avec les habitants de Roubaix. Parallèlement, cette pratique peut être directement liée aux habitants, afin qu’eux-mêmes soient dans l’action culturelle. L’événement BAM illustre cette tendance, puisque tout le monde peut participer. L’espace culturel est-il nécessaire public ? Avec le phénomène de démocratie culturelle pratiquée dans les maisons Folie, aucune culture n’a de supériorité sur une autre et chaque individu est libre de choisir la culture qui lui convient le mieux. En ce sens et de plus en plus, la culture est publique (elle est accessible à tous et permet des débats et discussions). De ce fait, les nouveaux lieux culturels, (comme les fabriques culturelles, les lieux de création indépendants etc.) deviennent également publics grâce à leur politique de gratuité et leur appel à participation locale.

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Conclusion La présente recherche a pour but de questionner la reconquête urbaine, au travers de l’espace public culturel, outil stratégique ou lieu de pratiques propres au quartier. En tant qu’instrument privilégié des politiques lilloises, la culture a pour but de dynamiser les quartiers complexes et pose la question de la gentrification. Dans le discours politique, elle est le levier du renouvellement urbain grâce à la multiplication de fabriques et lieux culturels et à la « démocratisation culturelle ». A sein du quartier, cette culture instrumentalisée continue de mettre à distance les classes sociales populaires. Le processus semble pourtant se mettre doucement en marche grâce à la « démocratie culturelle » pratiquée dans les équipements culturels (maison Folie, CECU...) et grâce aux différents passeurs. Cette forme de culture s’émancipe des bâtiments et se propage, à différents moments, dans l’espace public. C’est donc cet espace public pratiqué par tous et tout le temps qui fait le lien, entre le quartier et les hauts lieux de la culture. Le travail de l’espace public permet une intégration à la fois spatiale et sociale de l’équipement dans le quartier. On parle d’espace public culturel. Ce mémoire prend appui sur la rue d’Arras, dans le quartier Moulins de Lille. La problématique soulevée n’est pourtant pas spécifique à la rue d’Arras. Au contraire, elle intéresse tous les autres quartiers complexes où les politiques prévoient le renouvellement urbain. Dans l’aire métropolitaine de Lille, il pourrait s’agir par exemple de tous les autres quartiers où sont implantées les maisons Folie, ou d’autres équipements culturels à l’initiative de la ville. Ainsi le travail de et sur l’espace public est une notion clé dans ce processus de renouvellement urbain. En tant que paysagistes et/ou architectes, nous devons être particulièrement attentifs aux pratiques, quotidiennes ou événementielles, culturelles ou non, mais toujours induites par le dessin et la qualité d’une rue, d’une place, d’un parvis etc.

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Il faut cependant garder à l’esprit que la culture n’est pas le seul outil pour le renouvellement urbain. Bien que c’est cette entrée que j’ai choisie de développer dans ce mémoire, cette reconquête des terriroires complexes ou en marge des centres-villes peut être réalisée par d’autres biais (aménagements d’équipements divers, travail sur le loisir, développement des transports en commun etc.). Outre le côté purement politique, la participation avec les habitants, les associations et la reconsidération de certains espaces peuvent aussi être des réponses à cette problématique. J’ai rencontré différentes difficultés durant mes recherches. Par exemple, j’avais prévu de rester durant de longues périodes (20 min, 45 min, 1h) dans la rue d’Arras, afin de voir comment évoluent les pratiques de l’espace public. Je n’ai jamais pu rester plus de 15 minutes au même endroit, car la rue au quotidien n’invite pas à rester durant ces durées. J’ai ainsi dû réadapter ma méthode, et préféré revenir plus de fois sur le site, en restant moins longtemps. Par ailleurs, cela m’a aussi permis de comprendre les pratiques des habitants et de me questionner sur les raisons de ce sentiment. Finalement, cet « imprévu » a enrichi ma recherche et m’a permis d’ouvrir le sujet. D’un point de vue plus général sur ce travail d’initiation à la recherche, j’ai eu des difficultés à synthétiser. Ce mémoire, réalisé dans la cadre scolaire, demande aux étudiants d’avoir un sujet sur lequel ils s’interrogent et qui leur permettra de traiter une problématique durant 9 mois. Pour ma part, il s’est agi d’aller à la recherche d’une problématique, et non d’en développer une qui se soit présentée à moi dans un autre contexte. Etudiants en paysage, nous sommes confrontés à des problématiques multiples, tout au long de nos études. Néanmoins, comment en choisir une sur laquelle travailler si longtemps et être honnête dans cette recherche ? Le choix de la problématique a été une réelle difficulté pour moi. J’ai donc voulu lire et enrichir mes connaissances très vite sur le sujet que j’avais choisi et j’ai été confrontée à un excès de matière très tôt dans ma recherche. Dans la seconde partie du travail de rédaction de mémoire, j’ai alors été obligée de faire des choix quant aux documents et ouvrages que j’ai sollicités. Finalement, cela m’a permis de hiérarchiser mes idées et d’organiser au mieux ma production, écrite et grahique. Je ne doute

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pas non plus que me confronter à cette difficulté de « tenir » un sujet quel qu’il soit, m’a fait prendre conscience de cette nécessité d’être à la fois sincère dans un travail, mais aussi d’être fidèle à une méthode établie en amont de ce même travail.

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Table des figures

Figure 1 : carte des grands projets lillois, Crédits : fond de plan Le projet urbain de Lille..........................................................................................................19 Figure 2 : les travaux successifs rue d’Arras entre 2008 et 2015, Crédits : ©Google Street View (archives), capture d’écran le 15/05/15.....................27 Figure 3 et 4 : mettre en réseau les espaces et les hommes (3), carte synthèse des grandes orientations du projet urbain de la ville de Lille (4), Crédits : © Un nouvel art de ville : Le projet urbain de Lille.....................................29 Figure 5 à 8 : périmètre d’étude de l’espace autour de la maison Folie de Moulins (5), la trame urbaine autour de la maison Folie Moulins (6), périmètre d’étude de l’espace autour de la maison Folie de Wazemmes (7), la trame urbaine autour de la maison Folie Wazemmes (8), Crédits : Fond de plan Google Maps.........31 Figure 9 : définition schématique de l’art et de la culture selon Jean-Gabriel Carasso, Crédits : ©Jean-Gabriel Carasso, « Questions pour la culture », 28 décembre 2002...............................................................................................35 Figure 10 : les lieux culturels à proximité de la rue d’Arras, Crédits : fond de plan Google Maps....................................................................................45 Figures 11 et 12 : document produit par les architectes King Kong présentant l’emplacement du CECU et document produit par l’auteur, présentant l’emplacement du CECU et de la maison Folie Moulins (11), perspective du CECU dans la rue d’Arras, mise en ligne sur le site internet des architectes King Kong (12), Crédits : © Atelier d’architecture King Kong...........................................51 Figure 13 : Photographie éclaircie de la Brasserie des 3 Moulins avant son aménagement en maison Folie, Crédits : © Brasseries de Mons.....................57 Figures 14 et 15 : le squat Darras rue d’Arras en 2008 (14), le CECU rue de Fontenoy en 2014 (15), Crédits : © Google Street View, archives................57 Figures 16 et 17 : L’intégration de la maison Folie dans la rue d’Arras par l’ouverture de sa cour (16), L’intégration du CECU par le dialogue entre les deux parvis et la création de perspectives, Crédits : fonds personnels.....................58

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Figures 18 et 19 : le parvis du CECU face au parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme, vus depuis la rue d’Arras (18), le parvis du CECU face au parvis de l’Atelier Populaire d’Urbanisme, vus depuis le parvis de l’APU (19), Crédits : fonds personnels, 30 avril 2015..................................................................60 Figures 20 et 21 : flyer créé par le CECU pour promouvoir son inauguration (20), en haut, flyer distribué par le CECU pour inviter à la proposition du nouveau nom (21), Crédits : ©CECU, Ville de Lille...................................63 Figure 22 : graffiti sur le murs des toilettes du bar l’Hybride, rue Gosselet, Crédits : fonds personnel, rue Gosselet, Lille, novembre 2014...................65 Figures 23 à 26: la place Vanhoenacker lors du BAM 2013 (25 et 26), concert et atelier « Peintures sur trottoirs» lors du BAM 2013 (26), atelier « Graffitis» à la Plaine Philippe de Comines lors du BAM 2013 (27), Crédits : ©maison Folie Moulins, quartier Moulins, juin 2013...................................................69 Figures 27 et 28 : capture d’écran des photos disponibles sur le site internet de la ville de Lille, montrant la fête d’inauguration du CECU (23), capture d’écran des photos disponibles sur le site internet de la ville de Lille, montrant la fête d’inauguration du CECU (24), Crédits : ©ville de LIlle, parvis du CECU, 4 octobre 2014....................................................................................71 Figure 29 : cartes des fréquences d’usages de la rue d’Arras, Crédits : fond de plan Google Maps....................................................................................75 Figure 30 et 31: les pratiques quotidiennes de la place Vanhoenacker, lieu des rencontres (30), les pratiques quotidiennes du parvis du CECU, vu depuis le parvis de l’APU. Décontextualisation : les bâtiments sont nécessaires à la compréhension des pratiques (31), Crédits : fonds personnels....................77

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Bibliographie alphabétique

Ouvrages • Catalogue « de lille2004 à Lille3000, le voyage continue !», ville de Lille • AUGUSTIN (Jean-Pierre) et Latouche (Daniel), Lieux culturels et contextes de villes, Bordeaux, Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine, 1998 • ARNHEIM (Rudolf), Dynamique de la forme architecturale, Mardaga, coll. « Archi.recherches, numéro 27 », avril 1995 • DE SAINTIGNON (Pierre), Un nouvel art de ville : le projet urbain de Lille, Ville de Lille, 2005 • JEUDY (Henri-Pierre) et BERENSTEIN-JACQUES (Paola) (dir.), Corps et décors urbains, L'Harmattan, coll. « Nouvelles études anthropologiques », Juin 2006 • kahn (Gustave), L'esthétique de la rue, InFolio, 2008 • PAQUOT (Thierry), L'espace public,

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Annexes Entretiens ...................................................................................................98 Philippe

Louguet

Marie-Thérèse Thierry

.............................................................................98

Grégoris

Lesueur

...................................................................117

...............................................................................120

Aline Lyoën et Charlotte Berthelot.................................................126 Photographies...........................................................................................128 La plaine Philippe de Comines................................................................128 La maison Folie........................................................................................128 Le parvis du CECU..................................................................................130 L’entrée nord de la rue d’Arras................................................................132 La place du carnaval................................................................................133 La place Vanhoenacker............................................................................134 Documents récupérés sur internet.........................................................136 Programme du BAM 2013.......................................................................136

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Compte-rendu de l’entretien avec Philippe Louguet, maître d’œuvre de la maison Folie Moulins (Lille2004), jeudi 27 novembre, 17h, salle des professeurs

Léa Badel — Donc je suis en séminaire de recherche avec Catherine Grout et Sabine Ehrmann. Au début je m’intéressais à « comment l’art donne une identité à un espace », mais ça a beaucoup évolué vers l’événement Lille2004, enfin Lille3000 et Lille 2004 et du coup un peu la politique culturelle de Martine Aubry. Comment elle a changé entre aujourd’hui et 2004 au moment de l’événement, même avant Martine Aubry à la fin du mandat de Pierre Mauroy. Dans l’idéal j’aimerais bien entretenir Martine Aubry mais c’est un peu difficile, et du coup je voulais vous rencontrer en tant que concepteur, ou en tout cas réhabiliteur de la Maison Folie de Moulins, voir quelle a été la commande, le cahier des charges de la part de la ville, quel a été votre parti pris, et si il y a eu une participation des habitants, des concertations...

Philippe Louguet — Moi ça m’intéresse quand même de replacer ça globalement parce que... donc je vais faire de l’histoire presque fatalement, parce que je pense que tout ça commence en gros, en 1965, au moment où Lille décide d’avoir un devenir tertiaire.

LB — D’accord.

PL — En fait à ce moment là, quand Lille décide de devenir une ville tertiaire puisqu’à l’époque c’est encore une ville industrielle, il y a un certain nombre de projets qui vont être lancés comme ce qu’on appelait le centre directionnel, qui n’a pas vu le jour mais qui est un projet assez important. .Et surtout, 65 c’est le moment où les banques anglaises commencent à investir Lille et la rue Nationale se développe en tant que « rue des banques », on va dire, et donc les banques arrivent et les salariés rechignent à venir à Lille. Ce qui se dit à ce moment là c’est que Lille pour devenir ville tertiaire doit se développer culturellement. Parce que l’idée c’est de dire comment faire venir des cadres à Lille, et voilà, il n’y a pas de climat, il n’y a pas non plus, de background en terme d’usage, de paysage, la forêt, enfin comment dire, la mer n’est quand même pas tout près et donc il n’y a pas d’atout énorme. C’est une ville qui n’a pas beaucoup d’atout sur le plan de l’agrément pour des cadres. Et donc, on commence à se dire à ce moment là qu’il faut développer Lille culturellement, mais c’est assez vague. Au moment où Mauroy

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arrive à la municipalité, à la fin des années 70, je n’ai plus les dates précises en tête, en fait, il va lancer la politique culturelle de la métropole mais c’est un peu curieux puisqu’à l’époque lui est maire de Lille simplement. Mais il n’empêche qu’il y a une époque qui se met en place à l’échelle métropolitaine, qui décide qu’il y a une opportunité culturelle qui va se faire entre Lille qui va avoir l’opéra, l’Opéra de Lille, l’Atelier Lyrique à Tourcoing, les Ballets du Nord à Roubaix. En réalité, l’Opéra de Lille va être abandonné, suite à une grève, enfin une histoire un peu compliquée. Et Mauroy va lâcher l’opéra. Il va abandonner l’opéra, et à la place de l’opéra il va lancer l’Orchestre National de Lille. Donc c’est un moment important, le moment où il installe l’orchestre national de Lille, qui est assez sur les traces de l’ancien orchestre de la RTF. Au départ, il est assez balbutiant avec un chef, qui est Casadesus, qui n’est pas un très grand chef, à l’époque il est pas très connu. Au début ce n’est pas terrible, et Casadesus va réussir progressivement à monter un très bon orchestre donc ça a très bien marché. Et en même temps, au moment de la dissolution de l’Opéra de Lille, Mauroy a l’idée de lancer le Festival de Lille. A ce moment là il interroge une fille à l’époque qui travaillait pour FR3, Brigitte Delannoy, qui le conseille, c’était une de mes amies [rires] qui lui conseille de mettre Maurice Floret à la tête du festival de Lille ; Maurice Fleuret va être le directeur du festival de Lille. Et donc la politique culturelle commence à prendre forme sous ces aspects là et on peut dire grosso modo que c’est ce qui va fonctionner jusqu’à la période contemporaine où l’agence de développement et d’urbanisme qui est créée au début des années 1990, un peu en compensation d’Euralille, parce que Euralille c’est un projet Lillois. Et on dit que, bon, toute l’organisation de la métropole passe à Lille et donc Mauroy va recréer une agence d’urbanisme à Lille, qui avait disparu à la fin des années 70 : ce qu’on va appeler l’agence de développement et d’urbanisme. Et l’agence de développement et d’urbanisme lance l’idée de faire de Lille une ville olympique. Il lance l’idée des jeux olympiques à Lille qui a été un grand moment pour Lille, on en pense ce qu’on veut, mais ça a mobilisé beaucoup de monde avec le Comité Grand Lille qui existait déjà, qui s’était déjà un peu illustré sur la Vieille Bourse. Et le Comité Grand Lille, va marcher à fond dans cette histoire de jeux olympiques. Ca n’a pas marché et moi je me suis retrouvé, curieusement, à un déjeuner à la Communauté Urbaine à côté de Francis Ample, qui était à l’époque directeur de l’agence de développement et d’urbanisme de Lille, et c’est assez drôle [rires] parce que je lui ai dit « Bah moi je pense que ce qu’il faut pour rebondir, c’est faire de Lille une capitale culturelle européenne ». Et donc, il m’a dit « Moi je ne sais pas, ça ne m’intéresse pas trop », et je pense que je ne suis pas le seul à lui avoir dit ça puisque finalement ça c’est fait. C’est quand même assez intéressant, et évidemment, entre temps Martine Aubry a pris la ville de Lille, et Martine Aubry a tenu on peut dire à

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mettre en place ses propres dispositifs pour tenir l’enjeu culturel, qui est toujours la même idée, qui est l’idée qu’il faut que Lille soit une ville culturelle, parce que sinon on ne peut pas attirer de cadres. Qu’est ce qui peut attirer les cadres ici quoi ? Et l’idée est toujours la même mais le festival de Lille est mort avec Brigitte, qui est décédée et le festival de Lille est mort à ce moment là. Le Festival de Lille a donc disparu dans la passation de Mauroy à Martine Aubry, l’ancien dispositif de Pierre Mauroy disparaît sauf l’orchestre national de Lille, qui persiste, et Martine Aubry et l’agence d’urbanisme lancent Lille2004, Capitale Européenne de la Culture. Et en fait à ce moment là, évidemment, Martine Aubry va aller essayer de trouver un acteur culturel, un manageur culturel on pourrait dire, quelqu’un qui serait capable de porter l’événement. Elle va aller chercher Didier Fusillier, qui lui s’était illustré à Maubeuge, qui a fait un truc sur Maubeuge, [cherche, essaye de se souvenir], je ne sais plus comment ça s’appelle, une manifestation à Maubeuge qui a lieu tous les ans, je me souviens plus je suis désolé, que Maubeuge avait créé pour remplacer la Kermesse de la Bière, parce qu’il y avait trop de morts tous les ans à la Kermesse de la bière, [rires] donc ils voulaient faire disparaître la bière et ça a été remplacé par une grande manifestation culturelle, c’est peut-être les inattendus, je ne sais plus très bien... Et c’est Didier Fusillier qui a monté ce projet. Fusillier est juriste, son modèle c’est Jack Lang, il était très fasciné par Lang, il l’est toujours je pense. Mais Fusillier a été appelé, il avait monté plein de choses intéressantes dans son département ; il a été appelé par Martine Aubry pour cet événement. Et c’est lui qui a lancé l’idée de ce qu’il a appelé des « Maisons-Folies », il a lancé l’idée donc, parce que le problème de Lille Capitale Européenne de la Culture, c’est que déjà pour Lille Olympique, Il fallait associer toute la métropole. Mais ça n’a pas marché, et l’idée de Lille de toute façon c’est de fonctionner en réseau. L’idée c’est donc de fonctionner sur un réseau plus vaste, ne serait ce que parce que Lille se veut, à ce moment là, métropole transfrontalière, chose qui s’est réalisée en 2009, et dont Martine Aubry était la première présidente. Et donc, l’idée c’est de dire finalement sur un territoire comme ça vaste et vague, qu’est ce qui peut fédérer ça, Lille capitale européenne de la culture. Et c’est l’idée des Maisons Folies, qui va, effectivement, parce qu’on peut faire des Maisons Folies de part et d’autres de la frontière, on peut les multiplier. Cette idée des maisons folies, c’est une idée un peu vide au départ. C’est-à-dire, c’est une simple idée, c’est une « maison » parce que déjà à l’époque il y a l’idée de dire que Lille c’est une ville de maisons, c’est tout ça. Et puis cette « folie », c’est un peu la folie XVIIIe mais c’est aussi les folies de Tchumi à La Villette, qui encore à l’époque étaient très actuelles. Donc « maison folie » ça regroupe un peu des choses complètement antinomiques, qui sont l’idée du domestique et l’idée de la folie. En gros, c’est ça. Et, comme je le disais, la folie bah c’est aussi l’idée du jardin, enfin ça

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fait appel aussi à tout un imaginaire. Et donc ces maisons folies, ce qu’avait dit Fusillier, c’est que, pour parler de programme [rires], enfin le programme c’est celui des maisons. Donc il fallait qu’on puisse faire la cuisine, il fallait qu’on puisse manger, il fallait qu’on puisse dormir, il fallait qu’on puisse cuisiner, voilà. C’était comme... et il fallait qu’il y ait un jardin aussi. Comme des maisons. Et donc voilà donc à Moulins... D’abord il faut savoir que Lille a un projet de maison folie à Wazemmes, c’était le projet phare... Moulins c’est une opportunité, jusqu’au dernier moment ça a failli ne pas se faire. C’était un peu un joker pour Martine Aubry. Donc jusqu’au dernier moment elle a failli pas la faire et je pense qu’elle avait complètement tort parce que je pense que c’est plus important de la faire à Moulins qu’à Wazemmes, parce que Wazemmes c’est un quartier qui est déjà complètement investi à l’époque. Et donc je pense que c’est une excellente chose de l’avoir fait à Moulins. A l’époque moi j’étais dans une situation un peu particulière parce que en même temps que la Maison Folie, je faisais l’actualisation du schéma de quartier de Moulins avec la SORELI , Stanislas Dendievel et Denis Delebarre, le paysagiste. Et donc effectivement je m’étais beaucoup mobilisé sur ce quartier, et évidemment à Moulins, il y a cette brasserie, de Narcisse Corman-Vandamme qu’on appelait le [inaudible sur l’enregistrement, 10’34], La brasserie Corman-Vandamme, c’est une brasserie qui trouve ses origines au XVIIIe siècle, le bâtiment est du XVIIIe siècle, c’est beaucoup développée au XIXe siècle, qui est active pendant tout le XIXe siècle et qui s’est développée considérablement dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec la bière de haute pression. Ce qui explique la configuration du bâtiment. Alors cette brasserie, Fusillier l’avait visité, il avait dit « voilà c’est génial, c’est vachement bien ». A l’époque c’était un marchant de meubles qui était installé la dedans, la brasserie appartenait à la Communauté Urbaine, parce qu’elle devait être démolie pour élargir la rue Dupetit Thouars, c’est un projet urbain et donc elle a pas été démolie mais ça a failli. Et en fait, Didier était allé voir cette maison, un peu avant moi, et voilà donc il a été voir la maison et il avait dit « ouais c’est bien, ouais ici c’est bien, il n’y a rien à faire, avec 600 000 francs, on s’en sort». Voilà donc on est arrivé à 2 millions quoi. Enfin 1,8 millions. Parce que Didier il est comme ça, c’est un peu à l’emporte-pièce. Il s’emballe et puis après il faut justifier que ce qu’il dit. C’est bien, mais ça ne marche pas du tout. Il y avait même pas d’escalier dans ce truc là, mais bon voilà. Et donc le programme, compte tenu de la configuration, on dit tout de suite « il n’y a pas de jardin, c’est pas possible». Donc le jardin il a dit, « ben le jardin c’est le jardin je sais plus quoi, il y a un jardin partagé à Moulins, ben voilà, c’est le jardin de la maison folie » mais c’est pas vrai ça. C’est du bluff ça, parce que Didier il est comme ça il bluffe beaucoup mais il a raison. Et donc, le programme ben finalement, on s’est dit « ben voilà, «l’hébergement... ».

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Moi j’ai passé beaucoup de temps à dire qu’un artiste c’est quelqu’un qui passe sa vie à chercher un atelier, à chercher des moyens, quoi. On a travaillé par rapport à la configuration du bâtiment. Mon boulot ça a quand même été essentiellement de savoir comment je faisais rentrer du public la dedans, et des handicapés... ça c’est fondamental. Et donc on a reconfiguré les bâtiments, et puis on s’est dit à partir de là, on s’est dit « ben voilà, on va faire cette maison donc, la restauration ça va être un restaurant de quartier avec une cuisine de quartier, et puis il y aura une brasserie parce que il y a un lieu de consommation possible, c’est intéressant, ça peut être assez sympa, en plus c’est une ancienne brasserie. On a décidé de faire des studios ateliers d’artistes, donc des artistes en résidence, en visite, ce qui était donc de l’hébergement, la partie hébergement, donc on est toujours sur la métaphore de la maison. Et puis il y a les séjours. Alors qu’est ce que c’est que les séjours ? En fait, on a beaucoup hésité la dessus, il y avait un lieu pour enfants au départ, donc ça c’était pas mal une maison pour enfants. Et puis le reste on ne savait pas. Donc, il y a eu l’ouverture des expos, ne serait ce que pour l’événement Lille2004, mais la maison devait continuer à fonctionner après... A un moment il a été évoqué la danse. Moi j’ai expliqué que ce n’était pas très cohérent, les bâtiments font 6,20m de large, faire de la danse avec un grand miroir, une barre, c’était quasiment impossible. C’est vraiment difficile de faire de la danse là dedans. Donc j’ai dit « si vraiment on veut faire de la danse, on va faire de la danse mais bon. ». A un moment il a été question de faire l’école du théâtre du Nord de Stuart Seide, donc les Théâtres du Nord auquel cas moi j’ai fait une esquisse de transformation pour faire des plateaux.. On arrive à faire des plateaux de 12 par 12m. Mais ça ne s’est pas fait. Donc le programme en fait c’est un programme extrêmement vague, finalement c’était essentiellement de l’exposition, de l’activité pour enfants. Mais la configuration des bâtiments telle qu’on l’a mise en place, elle vient des bâtiments, inévitablement, parce que il fallait distribuer, fallait faire un accès handicapés, fallait que ce soit accessible par tout le monde, et puis en plus toute la machinerie qui permettait de prendre de... [s’interrompt] Oui parce que pardon, en bas en partie inférieure, on a quand même des studios de répétition musicale, donc c’est des studios avec une acoustique renforcée très forte, une isolation phonique qui est très exigeante puisqu’on est en pleine ville. Il faut savoir que quand on fait des studios de répétition musicale avec une isolation renforcée, c’est le son qui compte. La norme dit que [tousse], en nocturne on peut avoir une différence de 3 décibels entre l’intérieur et l’extérieur, et donc en intérieur on peut avoir 105 décibels mais à l’extérieur il ne faut qu’il y ait plus d’émission de 30, 35 décibels. Donc c’est absolument énorme. Les studios sont extrêmement isolés, et le problème après c’est d’arriver à les ventiler. Parce que sur certains murs il suffit d’amener un ampli et

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le mur surchauffe. Et donc la machinerie est importante. Ça a été aussi une grande motivation pour le projet. donc en terme de programme, on peut dire qu’il n’y avait pas de programme. C’était vraiment... vraiment... [hésitant]. Alors ça a beaucoup fluctué, il a été question pour l’événement Lille2004 d’installer une œuvre d’artiste, c’était un Jacquemin, il y avait des calculs pour installer ce truc là, mais ça ne s’est pas fait. Effectivement comme j’étais en plein chantier il fallait que je sache ce que ça faisait, parce qu’il fallait mettre en place un certain nombre de dispositifs, ça peut atteindre 600kg, en porte à faux de 5 ou 6 m... Donc ça a beaucoup fluctué, mais c’était ça, c’était pas du programme. On a beaucoup parlé de programmes, il y a eu pleins de réunions avec la ville... La ville a beaucoup parlé de programme mais en fait il n’y a jamais eu de programme, parce que en fait ils ne savaient pas ce que ça allait devenir, ils ne savaient pas bien quoi en faire. Et donc, après 2004, donc en 2004 ça a servi aux expos de Lille 2004, et après 2004 en fait, la maison a été... Je pense qu’elle est en régie, le premier directeur c’était Jean Baptiste Haquette, qui était un ancien d’une association qui s’appelle RIF, Rock in Faches, donc c’est des gens que j’avais connu auparavant, [inaudible sur l’enregistrement, 16’43] et JB donc, a dédié la maison aux enfants. Donc pour lui, toute la maison, c’était les enfants, et ça a très bien marché. C’est ce qui a permis d’impliquer le quartier directement. Et ça ça a vraiment très très bien marché. C’est une maison, alors maintenant, j’y suis pas allé depuis longtemps depuis la mort de JB, il est décédé des suites d’une opération. Et depuis, je suis moins proche de la maison mais à l’époque j’y allais souvent et ça marchait très très bien. Justement le lien avec le quartier se faisait très bien. C’est à partir de là que j’ai proposé de faire une maison des Cultures Urbaines qui est devenue la maison Hip Hop, parce que à l’époque je travaillais sur le schéma de quartier et je pensais que c’était important de pouvoir rencontrer les populations de Belfort, en HLM et la population de Moulins. Donc c’était ça l’idée. Donc effectivement, c’est difficile de parler de programme, et c’est très intéressant pour ça d’ailleurs. Moi je dis toujours, je commence à m’intéresser beaucoup au projet quand il n’y a pas de programme. C’est là que ça m’intéresse parce que il y a tout à inventer, il y a tout à penser, et c’est vraiment passionnant. Alors sur le plan des concertations, il y a eu pas mal de réunions, moi j’ai fait des réunions avec beaucoup d’associations, mais surtout sur le schéma de quartier, sur la maison folie elle même, il y a eu 1 réunion de concertation [rires] je m’en souviendrais toujours parce que c’était à la salle Cormont près de la maison de quartier [rires] et puis c’était à 18h, moi j’étais là, évidemment, avec mon powerpoint je sais plus quoi, préparé et tout, et à 18h Martine Aubry est arrivée, elle s’assoit, la salle était à moitié vide, ce qui veut dire qu’elle était à moitié pleine. Donc elle s’assoit, elle se tourne vers moi, elle me dit « où est ce qu’ils sont ? » [rires] Je lui dit « attendez, ils

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vont arriver, faut pas [rires] paniquer, dans 5 minutes ils seront là, elle est terrible, elle est terrible. Donc c’était assez drôle quoi [rires]. En plus j’étais absolument pas responsable de savoir où ils étaient quoi. Enfin bref, voilà quoi. Donc il y a eu une réunion de concertation qui était un peu marrante parce que c’était évident que le bâtiment était contraignant quoi. Donc ça c’est passé comme ça. Il n’y en a pas eu d’autres, de réunion de concertation, il devait y en avoir d’autres, mais il n’y en a pas eu d’autres. Je pense que le problème c’est que Moulins, c’est un quartier où il y a une forte présence d’anarchistes... A l’époque, enfin c’est toujours vrai de toute façon, il y avait une forte présence de la gauche un peu extrême, des anarchistes avec lesquels ils ne voulaient pas travailler. C’était en tout cas un peu stupide parce que je travaille avec tout le monde. Mais la politique, c’est des gens qui ont vite peur. Le responsable du protocole à l’époque c’était Pascal Percq, je ne sais pas si il est encore là, qui était un journaliste, je ne sais pas si il est toujours là [rires] C’était pas un programme quoi.[inaudible sur l’enregistrement, 19’55] C’est vrai que cette question du programme... parce que c’est une idée qu’à lancé Fusillier, c’était pas un programme, c’était une idée. Et donc l’idée c’était une métaphore donc il fallait pouvoir dormir, il fallait pouvoir faire la bouffe, pouvoir manger, c’était vraiment l’idée de la maison. Mais son idée quand même qui était, ce qu’à [inaudible sur l’enregistrement, 20’20], ce qui était intéressant, c’était de dire que les événements culturels, en tout cas Lille2004, se faisaient aussi en coïncidence avec des événements de quartiers, c’est-à-dire un repas de quartier où je ne sais pas quoi. Il y avait ça, il y a cette idée là dans son esprit. [inaudible sur l’enregistrement, 20’40] Mais son idée c’était ça, c’était de dire que par exemple, sur l’usage de la salle à manger de quartier, là les débats étaient compliqués. Parce que les gens demandaient «est ce qu’on peut faire des mariages, des trucs comme ça ? » et donc c’était non évidemment, c’était non c’est pas fait pour ça, donc voilà, c’était un peu compliqué, parce qu’il fallait défendre en même temps la vocation culturelle de la maison. Mais bon, c’était intéressant, de ce point de vue là c’était intéressant. La maison elle a eu tout de suite beaucoup de succès, et je pense qu’elle doit beaucoup son succès à la conformation. Une brasserie c’est très particulier parce qu’il n’y a pas de circulation verticale, les tonneaux, ça monte à la poulie, donc il y a des poulies, et puis les hommes montent à l’échelle. Donc évidemment, nous on a du créer cette circulation verticale : escaliers, ascenseurs, la partie où il y avait la pression haute, en fait il y avait 3 planchers, et on a fait plus qu’un plancher intermédiaire pour l’accessibilité des handicapés. Je pense que ce qui marche très bien, c’est qu’on est tout le temps dans la cour... dès qu’on sort d’un bâtiment on est dans la cour. On se retrouve à l’extérieur, c’est très convivial. Tout le monde s’y retrouve.[inaudible sur l’enregistrement, 22’03] et ça ça marche très bien. La configuration des escaliers extérieurs c’est vraiment très

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bien, ça fonctionne très bien mais bon la suppression de l’immeuble rue d’Arras (un immeuble inexploitable et qui fermait trop le site) ça fait aussi une ouverture, ça fait aussi une connexion qu’il y avait pas du tout avant. C’est un projet assez modeste mais il était intéressant.

LB — J’ai entendu dire récemment, que la rue d’Arras, que justement avec l’ouverture de la maison du hip hop et d’autres projets allait être rendue un peu, peut-être culturelle, à Moulins ?

PL — Oui

LB — Est ce que c’était déjà pensé comme ça ou est ce que c’est arrivé après la Maison Folie ?

PL — Non, c’est la Maison Folie... On peut pas dire que ça a été pensé comme ça, il se trouve qu’il y a eu cette idée de travailler beaucoup sur Moulins, en fait parce que c’était le deuxième quartier populaire avec Wazemmes, il se trouve qu’il y avait un bâtiment qui appartenait à la communauté urbaine donc c’était assez facile en terme de disponibilité foncière. Mais c’est tout, il n’y avait pas cette idée là, l’occupation culturelle de la rue d’Arras [rires] la plus forte c’était les anarchistes ! C’est sûr, leur librairie tout ça, c’était surtout ça. Et ça aujourd’hui, je pense que ça bat de l’aile complètement.

LB — Oui, j’ai lu plusieurs articles justement sur la bouquinerie «L’Insoumise »...

PL — Oui c’était ça, l’insoumise. C’était eux qui étaient les plus présents. Et ça, c’est un peu... ça bat de l’aile quoi. Mais il n’était pas question de ça du tout à l’époque. Nous on avait lancé un débat sur l’îlot, parce que quand ils voulaient faire la maison du hip hop, la culture urbaine, en fait la mairie avait lancé un appel d’offre concepteur comme d’habitude. Moi j’étais là-dessus avec Patrick Bouchain. La mairie avait appelé Patrick et Patrick m’a appelé et il m’avait dit « écoute c’est chez toi, si ça t’intéresses on le fait ensemble ». Donc nous on avait une démarche sur l’îlot, qui était une démarche beaucoup plus globale, mais c’est pas ce que cherchait la ville, c’est King Kong.

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LB — Et du coup l’appel d’offre pour le CECU il a été lancé quand ?

PL — L’appel d’offre pour le ?

LB — Le Centre Eurorégional des Cultures Urbaines ?

PL — J’ai plus ça en tête... Parce que j’ai bossé à peu près 6 mois avec la ville ladessus. Mais c’est pas si vieux que ça... je sais plus, c’est pas 2009, quelque chose comme ça ?

LB — Il me semble que c’est par là oui...

PL — Ouais, c’est dans ces eaux là.

LB — D’accord. Et je travaille aussi sur la gentrification des quartiers, et je me pose beaucoup la question de savoir si c’est la culture qui amène la gentrification ou si c’est un peu aussi le processus inverse.. Et du coup est ce que déjà à l’époque, c’était en train de se gentrifier ?

PL — En fait, comment dire, je pense que c’est une question assez compliquée parce que si on suit bien ce que je raconte, je pense que, je me trompe pas du tout là dessus, en réalité il y a une volonté de gentrification au départ. C’est-à-dire que dès qu’on dit que pour faire venir des cadres il faut de la culture, ça veut dire qu’on veut gentrifier. Donc cette volonté là elle existe au départ, elle est présente, elle est présente d’emblée. C’est assez cohérent dans une métropole où il y a une [cherche ses mots] catégorie en CSP et puis des catégories inférieures qui sont sur représentées, donc il y a une volonté de rééquilibrage. Enfin la gentrification n’a pas du tout le même sens ici qu’à Paris à mon avis, c’est pas la même chose. A paris on peut dire qu’il y a un manque de consultation de quartier, de la rue Montorgueil. A Lille, c’est pas pareil du tout. D’ailleurs, c’est tellement vrai Wazemmes reste un quartier populaire. C’est devenu un quartier mixte en fait. Moulins... le devenir de Moulins c’est peutêtre de devenir un quartier mixte. Je pense pas qu’on puisse parle vraiment de... Il y a une gentrification évidente, mais sur Moulins pas tellement, encore aujourd’hui,

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c’est pas très développé, mais il y a sans doute un futur gentrifié, mais ça restera toujours mixte je pense. Ca sera jamais... [réfléchis] comment dire... Je trouve ce débat compliqué [rires], parce que je veux dire, à la limite moi je trouve ça plutôt bien la gentrification. Par rapport à des quartiers ghettos. Bondues par exemple, pour moi c’est un quartier ghetto. C’est un ghetto de riche quoi, un ghetto de cadres.. Donc je me dis finalement, si on est pour la mixité, on est... Dans une ville comme Lille ou Roubaix, moi j’habite Roubaix, si on est pour la mixité on est quand même pour une gentrification relative. Sinon c’est qu’il n’y a pas de mixité.

LB — D’accord.

PL — Je pense que, pour moi il y a une cohérence politique, c’est pour ça que je parle en durée, à partir de 65, c’est une histoire qui a quand même 50 ans. Sur 50 ans, il y a quand même une grande continuité de vision. Même si les outils ne sont pas les mêmes.

LB — Et quand ils parlent du projet de Lille Sud avec le Grand Sud de LacatonVassal [acquiesce d’un mouvement de tête], moi j’ai l’impression que c’est une sorte de Maison Folie, même si ça s’appelle pas comme ça, même si on a pas l’aspect de la métaphore, et que c’est vraiment dans la continuité d’éléments culturels qui sont mis en réseau. Est ce que ça a été pensé à l’époque comme une continuité possible, même si...

PL — Il y avait l’idée du réseau, bien sûr. Les Maisons-Folies, c’est un réseau. Alors aujourd’hui je ne sais pas ce qu’il en reste parce qu’il en reste un label, une nomination. Je ne sais pas si le réseau fonctionne vraiment, mais initialement c’était l’idée. Donc, je ne sais pas moi, la Condition Publique, Moulins, Wazemmes, Tournai, ou Lambersart, le Colysée, je ne sais pas. L’idée du réseau était forte quand même, sans jamais vraiment fonctionner je pense parce que pour une raison essentielle, c’est qu’elles ont des gestions très différentes. En fait, Moulins est gérée directement par la ville de Lille, c’est-à-dire le service Culture de la ville de Lille, alors que Wazemmes, je ne sais pas où ils en sont à Wazemmes, mais c’était pas du tout géré comme ça, c’était plutôt en accueil. Le Colysée à Lambersart n’était pas du tout géré de la même manière, la Condition Publique non plus, donc les relations sont pas les mêmes. C’est difficile de fonctionner en réseau. Il y a aussi l’Hospice d’Havré à Tourcoing, mais l’idée du réseau était là dès le départ, c’est sûr. Je pense que Didier

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Fusillier pourra vous en parler, mais je pense que Didier, on lui aurait dit on en met une à Lille Sud, il aurait été ravi, c’est pas du tout contradictoire. Mais lui ça voudrait peut-être le coup de l’interviewer de même que Martine Aubry.

LB — Oui, j’hésitais avec lui et aussi Laurent Dréano.

PL — Ah mais Laurent il est plus là, il est conseiller de la ministre.

LB — Oui, il a changé...

PL — Je pense Fusillier. Mais bon Laurent est très bien, mais je pense que pour comprendre vraiment l’idée première, c’est lui le chef. Après je dis ça comme ça. [rires].

LB — J’ai encore une question mais du coup je sais pas trop si vous pouvez me répondre, je pense un peu...

PL — Tu peux toujours essayer [rires]

LB — Je me demandais, comment on postule pour devenir une Capitale Européenne de la Culture ?

PL — Il y a un comité, c’est comme un comité olympique, je n’en sais pas plus. Il y a un comité, oui, oui. En fait, au départ c’était une ville, maintenant c’est deux villes simultanément. En même temps que Lille il y avait Gênes. Mais c’est un comité qui décide qui. Alors maintenant ici, ils ont inventé les Capitales Régionales de la Culture. Mais, Capitales Européenne c’est un comité européen. Alors je ne sais pas comment il est constitué, je ne saurais pas te dire. Mais c’est une candidature officielle.

LB — D’accord.

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PL — Mais à Lille, ça a été un moment important. Je pense que ça a été un moment important parce que c’était une manière pour Martine Aubry d’initier sa présence, sa marque.

LB — J’ai lu qu’elle souhaiterait aussi se différencier de Pierre Mauroy, justement, en s’impliquant beaucoup dans Lille2004.

PL — Oui, enfin faut pas oublier qu’elle avait commencé par se planter, juste avant, sur Wazemmes, tu connais cette histoire ?

LB — J’en ai entendu parler...

PL — Sur le marché de Wazemmes, ils avaient vraiment un projet de transformation du marché de Wazemmes, projet de la ville, et comme elle s’était un peu plantée làdessus, il fallait qu’elle trouve une sortie honorable [rires]. Mais je pense que ça l’a beaucoup marquée, je pense qu’elle a beaucoup appris à Lille, Martine Aubry. Parce qu’au départ elle est pas du tout sur la culture. Martine Aubry elle est au départ sur l’économie. Son truc c’est l’économie c’est absolument pas la culture. L’économie, comment dire... le social. En fait, je pense qu’elle a beaucoup appris à Lille sur la Culture. La première adjointe à la culture c’est Catherine Cullen, qui l’accompagne depuis le début ; mais, comment dire, oui je pense qu’elle a compris quelque chose là, d’important, à un autre niveau. Je pense qu’au début elle n’y croyait pas. Et je pense que l’histoire du marché de Wazemmes l’a beaucoup marquée. J’ai entendu dire que c’était une histoire débile mais j’en sais rien.. Il semblerait que ça le soit... En fait apparemment ce qu’il s’est passé, c’est le patron de MK2, copain de Starckman (alors directeur de l’ADUL) qui serait venu à Lille, construire un MK2 et Starckman aurait emmené le patron de MK2 à la Porte des Postes et ça lui a fait peur. Il est alors passé devant le marché de Wazemmes et il a dit « ben on va le faire là ». il paraît que c’est aussi bête que ça. [plus bas] Comme il s’appelle ? enfin bon. J’ai des trous. Je ne sais plus, c’est pas grave. [plus fort] C’est pas grave, mais je pense qu’elle avait été échaudée dans cette histoire là et elle a trouvé une ouverture dans Lille2004, qui lui fait que ça lui a permit de marquer sa présence quoi. Par rapport à Mauroy c’est sûr. Le festival de Lille est mort avec Mauroy. Et puis en plus comme Brigitte était morte c’est sur c’est compliqué. Il reste plus que l’Orchestre National de Lille. C’est pour ça. C’est pas une idée jeune, c’est pas non plus [inaudible sur l’enregistrement, 33’04]

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.C’est aussi le passage... Alors la dessus Martine Aubry elle fait comme Mauroy, elle est pas très, c’est un peu confus parfois. On ne sait pas bien si c’est la ville de Lille où la métropole. [inaudible sur l’enregistrement, 33’18]

LB — Je n’ai plus de question...

PL — Il faut savoir que Moulins, dans l’esprit des élus, ça c’était il y a 10 ans, c’était loin du vieux Lille. Lille c’est loin, le périphérique et tout ça. Et moi je passe mon temps à dire aux étudiants qu’on est quand même au plein cœur de la métropole. Le centre ville c’est le cœur de la métropole. Enfin je veux dire c’est au cœur de la ville et ça c’est quand même essentiel. Quand ils ont lancé l’opération de la Plaine Méo, les maisons de villes, ça a été terrible parce que ils étaient très inquiets ; alors c’était absurde, c’était évident que ça allait marcher, complètement évident. Je veux dire, maintenant, on peut aller à pied au centre ville même si c’est loin, c’est quand même faisable. C’est quand même faisable, c’est pas pareil qu’habiter à Tourcoing. .Mais c’est vrai que les Maisons Folies arrivent à un moment... C’est aussi dans l’esprit de Fusillier il y avait aussi cette idée de réinerver la métropole parce qu’il y a une hypercentralisation de la métropole qui est évidente dans la période récente. Il y a bien le théâtre du Nord qui est à Tourcoing mais bon, le centre ville c’est pas facile de le quitter. C’était plus facile d’emmener les spectateurs comme l’a fait Fusillier au manège de Maubeuge... C’était plus facile d’emmener les spectateurs en banlieue dans les années 70 qu’aujourd’hui, ça c’est sûr. Aujourd’hui il y a une hypercentralisation.

LB — Donc la concurrence entre le versant sud et le versant nord-est est toujours d’actualité ?

PL — Ouais, même si ça évolue plus trop. Chaque décennie ça recommence. Roubaix... La culture à Roubaix ça a été fondamental. [inaudible sur l’enregistrement, 35’34]. C’est aussi le moment où l’on se rend compte que... c’est pour ça que je raconte ça, c’est pas une histoire très nouvelle, c’est-à-dire que en 1965, on commence à penser ça, en réalité on pense déjà dans les termes d’aujourd’hui où on va parler de ville créative, on va parler de, comment dire, d’économie de la connaissance... Mais en fait on est déjà dans cette idée là. Donc c’est intéressant quoi. Encore une fois la vraie question c’est qu’est ce qui fait qu’on s’installe là plutôt qu’ailleurs. Pourquoi on s’installe dans la Silicon Vallée, ça c’est clair, pourquoi on prend une ville comme

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Nice, l’importance économique d’une ville comme Nice dans les années 50 est nulle et dans les années 80 on réalise Sophia Antipolis, et Nice tout à coup, Nice devient une ville incontournable. C’est pour ça, pourquoi Nice ? Ben parce qu’il fait beau, c’est très bête, vraiment très bête. L’atout de Nice c’est ça. Ca, dans les années 50 c’est pas fondamental, aujourd’hui, c’est fondamental. Si on en a les moyens, c’est là qu’on s’installe. Donc qu’est ce qui fait que des gens qui ont des moyens vont venir s’installer à Lille ? C’est fondamental comme question [rires]. C’est assez intéressant. Parce que c’est vrai que à part la culture, on voit pas bien ce qui peut... [relance la conversation] C’est pour ça que je dis que la gentrification n’a pas le même sens. Pour moi, c’est pas pareil. Moi j’aime pas trop cette vision de la ville parce que, je ne sais pas comment dire, c’est mal, ce terme gentrification... [hésite] Je suis assez emmerdé avec ce terme parce que d’un côté c’est un terme qui est utile qui peut être utilisé en sociologie, mais en même temps c’est un terme de journaliste qui regarde les choses rapidement. Or je pense qu’il ne faut pas regarder les choses rapidement, je pense que, encore une fois c’est pas pareil. Entre la rue Montorgueil et Lille, c’est pas pareil du tout. Ca n’a pas le même sens, parce que rue Montorgueil, on va arriver 100% de cadres supérieurs. A Lille c’est pas du tout ça. C’est vraiment pas ça. Si on prend Wazemmes, c’est vraiment pas ça. On va dire la ville va se gentrifier mais qu’est ce que ça veut dire ? Tu vois, si on parle de mixité urbaine, ben peut-être que c’est ce qu’il faut [rires]. Je pense que si on avait eu cette réflexion au Ve arrondissement à l’époque, [inaudible sur l’enregistrement, 38’00], si on avait réfléchi un peu à ces conformations là, effectivement peut-être qu’on aurait anticipé. Ce qu’on a fait, c’est que ça s’est complètement gentrifié c’est sûr. [inaudible sur l’enregistrement, 38’18]. C’est pour ça que c’est un terme valise que j’aime pas trop. Je pense qu’il faut penser les phénomènes d’une manière beaucoup plus fine.

LB — Oui ça a un aspect très critique, négatif...

PL — Oui c’est ça, je suis désolé mais, gentrifier un peu Roubaix ça fait pas du mal. Non mais c’est vrai. Cumuler les pauvres c’est bien, mais à un moment.. Enfin c’est mon idée, moi je sais que.. Moi j’habite dans une rue, je sais pas, je dis toujours que je suis l’un des rares à payer les impôts locaux à Roubaix, ce qui veut dire que je paye très cher, mais [rires]... Enfin j’habite dans une rue où il y a des pauvres, des budgets serrés, je trouve ça très bien. Je sais qu’ils habitent là depuis plus de 30 ans [inaudible sur l’enregistrement, 39’08]je pense que c’est fondamental. Faire des ghettos c’est pas mieux que de gentrifier. Ceci dit on parle de pauvres, mais les pauvres, c’est pas très drôle, c’est assez difficile comme ça, c’est un quartier difficile.

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LB — Et du coup justement, dans les Maison Folies, il y a vraiment une mixité ou c’est que un type de population ?

PL — Moi j’aurais du mal à répondre à ça aujourd’hui, mais quand ça fonctionnait à l’époque de JB, ce qui était vraiment intéressant c’était de voir que justement qu’il y avait une bonne mixité, pas que les familles du quartier justement. Parce que ça passait par les enfants. Et ça c’était pas mal. Maintenant je saurais pas du tout. Personnellement, j’aurais du mal à... je trouve que le montage qu’on voulait mettre en place avec Patrick était assez intelligent, donc j’ai du mal à en parler maintenant parce que c’est pas celui qui a été adopté. Ils ont préféré détruire et reconstruire ce machin avec les architectes de Bordeaux, qui ne sont pas du genre à s’investir beaucoup là dessus quoi. Moi je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, donc je ne peux pas en parler. Dans le sens où nous on était sur une démarche qui était vraiment beaucoup plus, d’investir le quartier. Mais bon. Je ne sais pas pourquoi ils ont préféré travailler avec ces gens là [rires]

LB — Je vais voir... Me renseigner.

PL — Je ne sais pas qui pourrait répondre à ça justement. Qui pourrait donner une réponse sérieuse. C’est pas Martine Aubry c’est clair [inaudible sur l’enregistrement, 40’59] je ne sais pas si [inaudible sur l’enregistrement, 41’0] Mais c’est une histoire bizarre hein. En fait ce qu’il s’est passé c’est qu’ils ont lancé un appel d’offre concepteur pour cette maison des cultures urbaines, ça s’appelle comme ça ?

LB — Il me semble que c’est « le Centre Eurorégional des Cultures Urbaines »

PL — Oui c’est ça. Et donc ils ont lancé un premier appel d’offre [inaudible sur l’enregistrement, 41’26] Patrick Bouchain, qui m’avait appelé, c’est un copain. Et on avait répondu sur une procédure, enfin sur une démarche. Donc on a été retenu. Mais ils ont annulé la procédure, ils ont relancés une consultation en rasant tout, donc ça a été une table rase, et là ils nous ont pas appelé. J’avais décidé de faire équipe avec Patrick. Ils ont pas appelés. Alors que ça avait un sens pas possible mais donc ils ne voulaient pas nous voir. Mais je ne sais pas pourquoi, je n’en sais rien. Si j’avais su, [inaudible sur l’enregistrement, 41’55]. Je ne sais pas, parce que en fait

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on était dans l’idée de faire un peu ce que Patrick avait fait à la Condition Publique [inaudible sur l’enregistrement, 42’10]Je sais pas du tout [rires] J’aurais du mal à dire. J’ai rencontré il y a pas longtemps l’ancienne conseillère municipale qui était maire de quartier qui m’a dit qu’elle était contente parce que la maison hip hop venait en continuité du magnifique travail que j’avais fait [rires]. Je dis rien. Elle est gentille, [inaudible sur l’enregistrement, 42’47] c’est pas du tout dans la continuité de ce que j’avais fait. C’est pas le même dispositif.

LB — Oui et puis même spatialement ça se ressent aussi... C’est vrai qu’on se dit qu’il y a vraiment une rupture. Quand on ne sait pas que c’est en relation. Moi j’ai du regarder en plan pour voir qu’il y avait vraiment une communication parce que sinon...

PL — Oui bien sûr. Et en plus ils ont pété la salle à manger de quartier pour que ça communique. Oui oui ça dépend de qui [inaudible sur l’enregistrement, 43’12] mais quand il fallait gagner dans ces histoires là. Moi j’avais fait le … J’étais président de l’association qui a fait l’exposition Skate au Tripostal. Patrick Bouchain, j’en parle même pas, je veux dire on est quand même pas du tout étrangers à la Culture Urbaine quoi. C’est pas comme si [rires] on était complètement à côté du truc. C’est vraiment pas le cas. Je ne sais pas. Je n’ai pas compris, à tel point que les gens de Lille avec qui j’ai bossé ils sont tellement emmerdés qu’ils ont même pas cherché à me revoir [rires] J ‘avais quand même aidé à monter le dossier. J’ai bossé pendant 6 mois. Enfin c’est pas grave, c’est comme ça. C’est la vie. Mais moi je sais pas du tout. Je comprends pas. Pour moi c’est à peine compréhensible. Voilà, j’espère que ça peut t’aider.

LB — Bah si c’est très bien.

PL — Tu travailles sur quoi alors pour le mémoire ?

LB — Sur la politique de Lille à travers les maisons folies et voilà, un peu voir à l’époque en 2004 avec aujourd’hui si il y a un changement de politique ou pas. Et après, c’est vrai que j’attends aussi un peu de me laisser porter par d’autres pistes pour resserrer un peu le sujet.

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PL — Peut-être aller voir Fusillier. Je pense qu’aujourd’hui, c’est Lille 3000 qui a fait le sujet, mais aujourd’hui Fusillier il fait beaucoup de choses, donc je sais pas si il est accessible. faudrait voir Fusillier, qui est ce que tu pourrais voir d’autres. Moi j’irais voir Fusillier, peut-être Dréano, ça vaut peut-être le coup d’aller voir Laurent mais c’est surtout Didier. Alors Laurent si il est pas mal parce que ça a été le directeur de la culture à Lille pendant longtemps, après 2004, tu sais. Mais c’est pas idiot d’aller voir Laurent. Essaye surtout d’aller voir Fusillier si t’y arrives, à part ça, je vois pas bien.

LB — Et bêtement, vous avez une idée de... si je passe par la mairie ?

PL — Pour contacter Fusillier ?

LB — Oui.

PL — Est ce que j’ai une idée ? [réfléchit]

LB — Ou sinon je peux peut-être tout simplement passer par les services de mairie...

PL — Tu peux essayer d’envoyer un mail de ma part à Caroline Naphegyi qui est directrice de Lille design. C’est une de mes amies. A mon avis elle pourra pas t’aider directement mais elle pourra peut-être te dire comment il faut faire. Tu lui dis que tu veux à contacter Didier Fusillier, tu lui expliques vraiment. Il faut lui donner tous les détails de ce que tu veux. Tu expliques vraiment ce que tu fais et tu lui dis que tu m’as interviewé et que tu veux interviewer Didier Fusillier. Et que je t’ai conseillé de lui demander comment c’est possible de rencontrer Didier Fusillier. Elle te donnera peut-être une direction. Tu envoies un mail à Caroline Naphegyi [tousse] Caroline... j’ai pas son mail là, tu m’envoies un mail, je te donne mon mail donc c’est « louguet@lille. archi.fr ». Tu m’envoies un mail et je te donnerai son mail. Il faut tenter ça ou tente Caroline David mais moi j’ai du mal à la joindre. Caroline David c’est ville de Lille, Lille3000, donc c’est un peu l’adjointe de Didier. Mais c’est lui qu’il faut voir. Peutêtre Dréano ça vaut peut-être le coup mais Dréano à mon avis il peut surtout parler

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de la période après 2004. [inaudible sur l’enregistrement, 47’24] Par contre sur la période après... [inaudible sur l’enregistrement, 47’28] sur la politique culturelle de la ville. Aujourd’hui, je sais pas bien, j’aurais du mal à te répondre, je sais pas bien. La politique culturelle de la ville est ce que c’est encore un enjeux important ? Peut-être tu peux interroger Stanislas Dendievel aussi. Stanislas Dendievel c’est l’élu urbaniste. Alors si tu veux, Stan [rires et cherche dans son téléphone et son carnet d’adresse] c’est un élu, donc c’est quelqu’un de très occupé. Mais bon... Alors apparemment, ça serait sdendievel, S pardon, c’est majuscule, mais je ne suis pas sûr que ça compte. Sdendievel@lille-metropole.fr. Essaye de lui envoyer un mail, si jamais dans 15 jours il a pas réagi tu me le dis. Est ce que j’ai autre chose ? Non c’est tout.

LB — Je vais me débrouiller... Merci beaucoup.

PL — Si Caroline Naphegyi a un tuyau, elle t’aidera.

LB — Super, ben merci beaucoup.

PL — De rien [rires]. A part ça je vois pas.

LB — D’accord. Et je me permets, je peux vous recontacter si j’ai besoin ? Si j’ai des questions.

PL — Oui bien sûr, il n’y a pas de problème.

LB — Merci beaucoup.

PL — Tu y es allée récemment à la Maison Folie ?

LB — Oui.

PL — C’est toujours sur les enfants ?

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LB — Moi j’y suis allée, c’était fermé, alors c’est vrai que j’ai pas pu rentrer dedans, mais j’aimerais aussi rencontrer les directeurs des maisons, Moulins, Wazemmes et j’ai un contact avec la directrice de la Condition Publique. C’est vrai qu’au début j’étais partie sur Moulins et Wazemmes mais j’ai peut-être plus de pistes, plus d’enjeux du côté de Moulins. Du coup, me spécialisée plus sur Moulins.

PL — Wazemmes en fait, moi j’ai trouvé que c’était pas... C’était bien mais... Wazemmes c’était un quartier qui existait déjà, où il y avait beaucoup de choses, donc ça en plus c’est pas... Alors qu’à Moulins c’était absolument fondamental, il n’y avait rien. C’est pour ça que je trouvais que la ville de Lille [inaudible sur l’enregistrement, 51’36] c’était un peu idiot de dire oui à Wazemmes mais à Moulins c’est pas sûr. Moi j’aurais fait d’abord Moulins. Finalement les deux se sont faits donc c’est bien. [rires] C’est incroyable mais sur le moment je trouvais ça un peu idiot parce que Wazemmes c’était évident que ça ne serait qu’un équipement en plus et que c’est difficile de mettre en place une dynamique de plus. Voilà [rires]

LB — Et bien merci beaucoup.

PL — Très bien. Bon.

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Extrait de l’entretien avec Marie-Thérèse Grégoris, chercheuse au TVES, auteur des articles POPSU sur la polictique culturelle lilloise, mercredi 7 janvier, 14h, UFR gréographie, Lille1 Marie-Thérèse Grégoris — […] [1’40] Quand on étudie les impacts de la culture sur le renouvellement urbain, il faut être prudent […] [2’10] Je pense que le travail sur la culture et l’impact que cela peut avoir sur le renouvellement de la ville, c’est un travail de très longue haleine, et qui se construit petit à petit, qui doit se tisser. Donc il y a eu un premier temps, et il faut l’étudier aussi avec des phases. Il y a du y avoir un premier temps où en effet on a eu Lille2004, on a eu la création des maisons Folie, on a eu un travail sur l’espace public autour des maisons Folie. Aujourd’hui les maisons Folie ont plus de 10 ans, ou elles fêtent leur 10 ans, et je pense qu’il faudrait voir, comment au bout de 10 ans, elles travaillent avec le quartier, cela a du évolué certainement depuis 10 ans, elles ont du trouver leur place, à mon avis. Il y a eu des efforts qui ont été fait, de la part des directeurs des maisons Folie, est ce que ça marche, est ce que ça ne marche pas ? [3’50] la condition publique à Roubaix, ce n’est plus une maison folie, c’est ce qu’ils appellent une fabrique culturelle. Et finalement, elle avait pour réputation d’être une sorte de forteresse dans le quartier, et les gens finissent par la connaître, des habitués, il y a des rapports de voisinage. Ce ne sont pas forcément des gens qui la fréquentent, mais elle existe aux yeux des gens du quartier. [4’50] Pour la condition publique, je me suis aperçue que les artistes accueillis en résidence ont souvent des projets qui utilisent le quartier comme une ressource artistique. Ils vont créer avec des habitants, ils vont aller faire des interviews, ils vont aller faire des pièces de théâtre chez les gens, ils vont inviter les gens, ils vont faire des portraits des gens qui habitent le quartier. [5’25] ce qui est intéressant, c’est comment les artistes qui viennent en résidence, utilisent la ressource du quartier et la valorisent en quelque sorte. Ce qu’il y avait des flagrant pour la Condition Publique c’est que c’est une ressource humaine qu’ils utilisent, c’est des valeurs humaines, c’est des visages, des relations sociales du quartier... Donc je pense avec le recul, il faudrait voir autrement les relations entre la maison Folie et le quartier. Il ne faut pas seulement la voir avec l’angle « développement culturel », est ce que les gens du quartier viennent à la maison Folie, est ce qu’ils n’y viennent pas. A la limite qu’ils n’y viennent pas c’est pas bien grave, mais, comment elle existe à leurs yeux. Il y a des jeunes qui vont y aller,

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d’autres qui vont pas y aller, de temps en temps des mamans qui sont sollicitées pour des activités qui vont y aller, d’autres qui vont les critiquer... [8’04] Ils ont un festival, le festival du *Pile, donc qui est un festival participatif. Donc ils montent le programme ils organisent le festival avec des gens du quartier et c’est vraiment pour les gens du quartier. C’est deux jours de fêtes avec des artistes, avec un projet artistique derrière. C’est vraiment pas une grande communication. On a l’impression que c’est vraiment un moment privilégié pour le quartier. Parce qu’il n’y a pas une communication pour attirer plein de gens de l’extérieur. C’est vraiment fait pour le quartier. [11’30] Ca ne peut marcher qu’à des petites doses, sur des petits projets précis, et si il y a un contact humain réel entre les gens de la maison Folie et un petit groupe du quartier, une poignée de gens. Ca ne peut pas marcher de manière massive. Ca ne peut marcher que sur des petits projets précis, sur lesquels les gens sont impliqués. [14’48] Donc là c’est un collectif, qui sait très très bien travailler, par exemple, avec les habitants et faire le lien entre une institution culturelle, en quelque sorte, et des quartiers populaires. C’est Saprophytes. Ils sont souvent à la Condition Publique, ils participent au festival du Pile. [15’45] Ces relations entre équipement culturel et quartier, elles vont passer par ce qui s’appelle des « passeurs », des intermédiaires. La notion d’intermédiaire est fondamentale. Il faut trouver les types d’intermédiaires qui vont faire ce lien. Ca peut être des écoles, ça peut être un projet scolaire, par exemple. Un intermédiaire ça peut être un projet artistique comme avec les saprophytes ou un autre collectif d’artistes. Ca peut être un centre social. Ou le personnel de la maison Folie qui est implanté depuis longtemps, qui connait comme le loup tout le quartier. [17’15] A moulins, on avait visité ensemble la ferblanterie. La ferblanterie, c’est un lieu où il y a des artistes qui ont des ateliers. Je pense qu’il peut y avoir des lieux intermédiaires. [24’15] fabriques culturelles, Bosredon, Gregoris, les actes du colloque, sur friches culturelles. Revue communications. Politique, démocratisation culturelle. Participation culturelle.

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[35’20] En terme d’espace public, par exemple à la condition publique, il y a le festival « pile au rendez-vous » qui va squatter tout l’espace public devant, durant 2, 3 jours, voire plus même. Ils vont laissé une installation durant tout l’été si il faut, pour que les gamins viennent s’amuser devant la Condition Publique. Ils ont un petit espace public autour en général, et durant les périodes de festivals, ça entraine de nouvelles pratiques. Sur la maison Folie de Wazemmes, quand ils ont refait la maison Folie, ils ont refait tout l’espace public. Cela a modifié tout l’espace public autour, tous les cheminements. Parce que avant c’était une usine carrée, fermée et tout ça, donc là ils ont ouvert, pour que ça refasse des cheminements piétonniers, et je pense que ça c’est complètement intégré. Maintenant on passe devant la maison Folie pour aller de tel endroit à tel endroit. Et les gens savent que s’il veulent prendre l’air ils peuvent aller là. S’ils ont besoin de promener leur chien aussi, malheureusement. En terme d’appropriation, ça mériterait d’être étudié, observé aussi. [38’29] Quand on travaille sur la culture, on travaille aussi sur des temporalités annuelles. Il y a des moments forts dans la programmation tel que les festivals. A Wazemmes, à la maison Folie, il y a le festival de la soupe par exemple. A Moulins, ça se passe plutôt au mois de Juin, il y a une sorte de fête, qui implique tout le quartier. C’est des moments intéressants pour voir. A ce moment là, l’espace public est complètement métamorphosé : au moment du festival, c’est autre chose. Il y a l’espace public tel que les gens le perçoivent au quotidien et il y a l’espace public lorsque l’équipement culturel se met en animation, et se tourne vers l’espace public, par des fêtes notamment . C’est en général quelque chose ou on voit d’autres relations se tisser. On voit bien l’espace public, comment il est en lien. Par exemple le jour du festival voir les installations, d’où viennent les gens, comment ça modifie complètement. Il y a l’espace public au quotidien et l’espace public au moment des fêtes. Maison Folie de Wazemmes on y vient en métro donc il n’y a pas de soucis de voitures, mais à la Condition Publique quand il y a un spectacle il y a un problème. En métro c’est un peu loin la nuit, soit disant qu’il y a un peu des problèmes de stationnements. Donc quand il y a un spectacle, il y a beaucoup de voitures. Ca peut être aussi mal vécu par les gens du quartier. Si vous travaillez sur l’espace public, il y a des temporalités différentes, qui vont être ressenties différemment quoi. La nuit, le jour... [41’54] Les arts urbains, Polau.org site @ : projets culturels dans l’espace public. Philippe Chaudoir (publications). Pascal Amphoux

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Extrait de l’entretien avec Thierry Lesueur, coordinateur général de Lille3000, dans l’équipe depuis Lille2004, jeudi 22 janvier, 17h, bureaux de lille3000, Euralille Thierry Lesueur — […] [1’50] Lille2004, donc Capitale Européenne de la Culture, donc qui a changé beaucoup de choses sur la manière de... D’abord dans l’histoire des Capitales Européennes de la Culture et puis aussi dans comment la ville s’est construire à partir de cet événement, en tout cas comment ça a déclenché pas mal de choses. Sur le rayonnement effectivement, l’impact est énorme puisque ça a permis effectivement de positionner Lille sur la carte d’Europe et du monde, on a eu des journalistes pendant toute l’année. Donc Lille2004 c’était donc Lille la métropole, toute la région Nord pas de Calais, et une partie de la Belgique. Donc c’était un territoire assez large, c’était 193 communes, associées, 9 millions de visiteurs, 3 millions de tickets vendus, un événement hors norme. Un budget de 73 millions d’euros, en fonctionnement, à peu près autant en investissement, c’est à dire qu’il y a eu beaucoup de transformations. Toute la rue Faidherbe a été refaite, beaucoup de villes de la métropole ont aussi travaillé sur leur aménagement et notamment, les maisons Folie qui datent de cette... Donc voilà. L’idée c’était que la culture.... ben c’était pas forcément ce qu’on fait une fois qu’on a tout fait, la cerise sur le gâteau, mais au contraire que c’était le gâteau. Et en effet que ça devait être un outil, à la fois de promotion d’activités à l’international mais aussi un outil par rapport à la construction de la ville, par rapport aux habitants, par rapport au public, aux populations qui ne vont pas forcément au musée, à l’orchestre ou au spectacle. Et on sait bien que c’est une réalité : toutes les statistiques montrent que c’est un pourcentage très étroit de la population qui fréquente les lieux culturels. Donc c’est un peu le fondement de Lille2004 et Lille3000, c’est de se dire « bien sûr tous les initiés, les passionnés, vont venir en 2004 voir les expositions, puisque il y en a tellement, et puis il y a tellement de choses formidables qu’ils viendront de toutes façons. Ils viendront en voir plus, mais qu’est ce qu’il va se passer pour les gens qui ne sont, effectivement, pas sensibilisés. » Donc il y a eu tout un travail pour qu’on fasse un peu se rencontrer ce qui était de l’ordre de la culture populaire, de la culture dite « savante ». L’idée aussi de créer des nouveaux lieux, qui fassent moins peur que certains musées, ou certains lieux officiels de la culture, et c’est pas du tout péjoratif quand je dis ça, c’est Bourdieu, le plus dur c’est de pousser la porte, c’est pas l’œuvre à laquelle on est confrontés finalement. Et ça nous on pourra en reparler des gens, ils voient des choses, il disent « oh bah c’est moche, ça me plait , ça me plait pas, ça me fait penser à ça », voilà c’est gagné ça ! Quand on est à ce stade là, ça va, le plus dur c’est que les gens se disent « ben oui c’est pour moi ! ». Et très souvent c’est « ah

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non mais de toute façon, c’est pas pour moi, donc j’y vais pas . Et donc c’est qu’il y a une forme d’auto-exclusion par rapport à ça. Mais vous connaissez sans doute ça mieux que moi, tous les sociologues et les... Donc c’était un petit peu toutes ces données là, de se dire que, voilà. Donc l’espace public ça c’était une donnée très très importante, avec les fêtes, ça c’est les images de la parade d’ouverture du 6 décembre 2003, donc il y avait 700 000 personnes dans la rue. La rue, ici on est à Lille donc je ne sais pas si vous êtes Lilloise ? LB — si TL — depuis longtemps ? LB — depuis 3 ans. TL — à la différence d’autres villes, à Marseille, les gens du Nord aiment se retrouver dans la rue, et même si il pleut c’est pas grave, donc c’est la braderie, c’est les carnavals, c’est tout ce côté culture populaire qui vient aussi de la Belgique, de la Flandres, enfin c’est cette culture du nord qui est quand même très particulière où on fait carnaval, on ne veut même pas savoir d’où viennent les gens et quel statut social ils occupent. On est dans la foule. C’était un peu cette idée d’avoir des fêtes qui ont rythmés l’année européenne, la fête d’ouverture, les géants, c’était au mois de juillet, on avait des Faïas pour se souvenir du passé espagnol de Lille. Donc ça, l’espace public, très important. Donc ça c’était aussi l’idée des métamorphoses, l’idée que durant cette année 2004, c’était pas tout à fait pareil qu’habituellement. C’est-à-dire que la gare était rose par exemple... On sortait du train, et là on voyait la vie en rose, c’était Patrick Jouin, c’est un designer français, donc c’était d’avoir des choses quand même de grandes ampleurs, de grandes dimensions, et qui modifient forcément, qui avait aussi un effet assez incroyable, c’est que la gare c’est quand même un endroit où les gens sont hyper stressés, et le fait que tout soit rose tout d’un coup ça a apaisé. Les tulipes de Kusama qui sont toujours là, donc ça a été vraiment une commande d’une artiste japonaise, c’est sa seule œuvre pérenne en Europe, on avait fait venir un pavillon du thé de Shanghaï... [8’05] Des installations dans la ville, qui tout d’un coup, à la fois font redécouvrir la ville et puis modifient aussi le regard qu’on peut avoir, il y avait beaucoup de projets lumière aussi, des projets olfactifs, beaucoup de choses très sensibles, [10’30] Donc là l’idée c’était d’ouvrir des lieux, en général ça se passe au centre de la ville, là c’était dans l’idée d’installer, de créer des nouveaux lieux, dans cette friche industrielle, dans les quartiers, dans les villes de la métropole et donc d’inventer un nouveau modèle, qui soit peut-être plus en phase avec la culture telle qu’elle se vit aujourd’hui. Alors à l’époque il y avait déjà les téléphones portables, aujourd’hui les

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réseaux sociaux et cetera c’est-à-dire... les pratiques culturelles sont assez éclatées, il y a des choses qui se décident au dernier moment, c’est assez... J’allais dire vaporeux c’est pas tout à fait le mot, c’est assez... Ca bouge tout le temps quoi. Donc il y avait cette idée de faire ces nouveaux lieux qui soient à la fois... où on pouvait faire des concerts, où il y a de quoi loger des artistes, donc des résidences, mais qui soient aussi ouverts sur le quartier. Qui soient aussi une sorte d’endroits de proximité. Donc Wazemmes qui est peut-être la plus emblématique, la plus grande en tout cas avec une salle de spectacle, et qui a été créée de toute pièces, et puis c’est une ancienne usine textile, donc avec une maille et ça c’est un architecte de Rotterdam qui a eu cette idée de maille métallique, et 10 ans après, ça continue à être un lieu qui structure le quartier. Avant que les travaux commencent, c’était une verrue, c’était un enfer. C’était vraiment un endroit extrêmement dégradé. Moulins, donc là c’était une ancienne brasserie qui la aussi était dans un état plus que déplorable, et donc, de plus petits espaces, donc on a imaginé un projet plus... et la Condition Publique à Roubaix, à Lambersart, ça c’était un bâtiment neuf, complètement mais qui est devenu le lieu culturel de Lambersart, à Courtrai, la ferme d’en haut à Villeneuve d’Ascq. A Courtrai, toute l’île Buda qui est devenue une maison Folie. Donc ça c’était, l’idée d’expérimenter de nouveaux lieux pour essayer de capter de nouvelles, de nouveaux comportements. Et en même temps, aménager, par ces lieux culturels, aménager. Donc c’est que c’est plus fréquenté que Wazemmes, la maison Folie c’est un peu centre du quartier, oui, avec la rue qui traverse, c’est un lieu qui est très central et qui... Donc il y a eu des spectacles et puis voilà et puis voilà, et puis donc quand ça s’est terminé... Enfin bien avant que se termine, à la fois Martine Aubry qui était donc présidente de Lille 2004, qui s’est beaucoup beaucoup investie pour mettre en route toute cette machine, et vraiment qui était avec nous, les partenaires culturels, les partenaires entreprises ont dit « mais il ne faut pas que ça s’arrête, il faut que ça continue » donc on a créé Lille 3000. Et donc dès le départ l’idée c’était pas de faire une biennale d’art contemporain ou une biennale du design ou d’architecture ou un festival, mais de dire voilà en fait c’est Lille2004 qui continue, qui s’approfondie, et donc on va avoir des rendez vous régulier. Donc le modèle est le même, c’est tout les sujets, toutes les disciplines, ça ouvre tout l’espace public, bien évidemment. C’est pas nous qui faisons tout le programme, mais les musées proposent des expos, les théâtres des spectacles, et régulièrement, tout le monde sur un temps donné, en général c’est 3mois, où tout le monde se fédère pour porter un thème. Alors l’idée c’est généralement d’avoir un thème suffisamment large que chacun peut décliner, suivant si il est un musée, un opéra, un orchestre, ou une petite association. [17’10] Il y a eu cette idée, de la gare St-Sauveur. Alors là je vais vous faire hurler

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puisque c’est parti d’une intuition. Il n’y a pas eu de programme, il n’y a pas eu d’étude, rien. Entre le moment où ça a été voté au conseil municipal, en juillet 2008 et l’ouverture en mars 2009, il y a 9 mois pour toutes les études, les plans, et les travaux... Donc c’est un délai qui n’existe pas normalement. Donc on savait pas, on se disait, peut-être que ça va pas marcher du tout. Et puis le premier jour, ça a été.. et puis ça n’arrête pas, on doit être à plus de 2,5 millions de visiteurs depuis 2009. Pas de cahier des charges mais l’idée c’était un lieu qui aille encore plus loin que les maisons Folies, qui mélange en fait les fonctions : il y a des expositions, il y a des concerts, il y a des choses pour les enfants... Et le lieu il est suffisamment pas terminé pour qu’on puisse y faire plein plein de choses très très différentes. Et puis aussi, l’idée d’un fonctionnement un peu particulier, surtout les week end, il y a un programme différent chaque week end mais qui réalisé par les partenaires culturels, c’est pas nous qui programmons en direct. Nous recevons des demandes, on en sollicite quelque fois, et tout ça fait un programme très varié. Donc ça crée aussi une dynamique. Mais la base c’est le moment des familles, des enfants. [20’02] Donc en fait le Tripostal qui devait être détruit à la fin de 2004, qui est toujours là, est devenu vraiment, l’espace pour l’art contemporain à Lille et dans la métropole. [23’04] Et puis sur le public, le travail qui est fait là au quotidien, avec les écoles, avec l’éducation nationale, avec les centres de loisirs, avec les quartiers... [26’25] les 72 communes qui sont partenaires, sont quelque fois des tous petits villages de 200 habitants, et parfois le seul endroit où les gens se rencontrent un peu c’est le café. Donc on va avoir des cafés Renaissance1, une sorte de concentré de la prochaine édition qui va se déployer sur actuellement une 40aine de café, qu’on transforme avec l’accord évidemment du propriétaire du café. [28’12] On a dans les week end à St-Sauveur, régulièrement, et avant que le CECU n’arrive, on avait un week end spécial cultures urbaines qui était mené avec les associations. Et donc l’idée, c’est toujours l’idée de Saint-Sauveur c’est à dire que c’est une manière de toucher un public qui ne vas pas forcément spontanément écouter du rap ou... Mais simplement il vient, il découvre quelque fois « oh bah tiens on est venus, qu’est ce que c’est ». Donc il y a cette donnée là, après oui, je pense qu’il y a quand même pas mal de compagnies de groupes, et que le fait d’avoir un outil comme le CECU c’est quand même plutôt pas mal quoi.

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[30’0] Je pense qu’on est vraiment installé bien dans la ville et en lien avec pleins de partenaires, petits et rands, et là aussi je pense que tout le monde à compris qu’on est là pour mettre en valeur beaucoup d’initiatives plutôt que pour les empêcher de vivre. Donc à St sauveur, les 2/3 du budget St sauveur va vers les associations et partenaires pour les week end qui sont réalisés, les expositions. Et on est aussi toujours à l’écoute de découvrir et de rencontres, des nouveaux artistes, des collectifs, pour essayer d’accompagner un petit peu l’ effervescence qui existe. Oui bien sur il y a de gens qui sont contre, qui râlent, mais globalement ce sont toujours des événements qui rassemblent. Les expositions du Tripostal, on est entre 80 et 120000 visiteurs sur 3 mois ce qui est, pour une exposition d’art contemporain extrêmement important. [31’55] Voilà et puis la gare st sauveur c’est encore une fois un endroit plutôt rassembleur, on essaie d’être dans cet état d’esprit. Parce que vous avez entendu des gens qui étaient pas contents ? LB –– Moi pas personnellement c’est quelqu’un qui rapporté de propos de... toujours à Moulins c’est une bouquinerie qui s’appelle l’Insoumise, qui est une libraire plutôt anarchiste... TL –– Oui, qui colle des autocollants partout. Ca c’est pas sympa. Je vous le dis parce qu’il sont couvert la gare St-Sauveur. C’est pas cool quoi. Et qu’est ce qui.. ? LB –– Alors je ne sais pas, mais on m’avait parlé de la rue d’Arras qui sait une rue un peu « culturelle », un peu voilà... et effectivement c’était des personnes par rapport à l’ouverture du CECU, qui elles même se revendiquent de la culture urbaine, et admettaient mal le fait que, du coup, on institutionnalisait le lieu, cette pratique. TL –– C’est pas nous ça, c’est la ville de Lille. Le CECU on y est pour rien. La maison Folie oui on la revendique... LB –– Mais je pense plutôt que c’était la superposition, l’accumulation de lieux dans cette rue. TL –– Il y a le Prato qui est aussi là, il y a le tire-laine qui est pas très loin aussi. Enfin il y a quand même plein plein d’acteurs importants qui font. Et avec qui on travaille étroitement. LB –– Et c’est vrai que j’avais aussi rencontré Philippe Louguet qui était le concepteur de la maison Folie Moulins, et qui me disais aussi qu’au début ça marchait très bien et que les gens du quartier, justement grâce aux enfants... Et voilà du coup j’ai rdv demain à la maison Folie Moulins pour voir quel est le travail justement avec le quartier, les relations, si il y a toujours ce rapport d’intermédiaires. TL –– Oui, c’est un peu le fonctionnement qui continue. Toujours d’être en phase avec le quartier, les enfants. LB –– J’ai un peu abandonné l’hypothèse mais j’étais partie au début sur une

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potentielle gentrification de ces lieux, du fait que ça attire beaucoup de monde, et je pensais, enfin j’avais posé l’hypothèse que peut-être les personnes du quartier se sentaient un peu oubliées par rapport à toute cette agitation extérieure. TL –– Je crois pas. Je ne sais pas . Enfin moi j’habite Moulins, mais je pense qu’il y a... c’est jamais gagné, il faut sans cesse imaginer des dispositifs pour... c’est sûr, vous l’avez mentionné les enfants, c’est un vecteur extrêmement important. Nous on a tout un dispositif avec l’éducation nationale, pour la dernière exposition au Tripostal, on a eu 700 groupes scolaires, donc c’est beaucoup. Et ce qu’on fait à chaque fois, à St-Sauveur pareil, les enfants qui viennent voir, repartent, voient l’exposition avec un médiateur, il y a tout un travail avec les enseignants en amont, un dossier pédagogique enfin, vraiment, il y a … évidemment les cours préparatoires ne voient pas la totalités des œuvres, il y a des parcours qui sont fait dans l’exposition, et tous les enfant repartent avec un petit ticket où c’est inscrit « reviens ce week end avec tes parents ». Et on a constaté pleins pleins de fois, des enfants qui tirent leur parent et qui expliquent ce qu’ils ont vu. Alors c’est une petit chose mais en même temps c’est extrêmement important parce qu’on sait bien que les meilleurs prescripteurs c’est les enfants vis à vis des parents. Après i y a tout un travail de relations publiques avec les commerçants aussi, avec les associations, les centres sociaux, les professions intermédiaires etc. Ca fait partie d’un tout. Sans doute dans ces temps troublé c’est encore plus nécessaire de ne surtout pas laisser les choses en l’état. Et les lieux effectivement c’est important ; Le Grand Sud qui est là aussi, ça serait un beau sujet d’étude parce que le sud c’est transformé à une vitesse incroyable. A Fives, il y a quand même une sorte de renouveau assez... incroyable. Et il y avait eu une étude de l’IUP de Grenoble sur les pratiques culturelles, et effectivement, qui montrait que depuis 2004, les fréquentations des salles de spectacles, des lieux de culture avaient augmenté et continuait à augmenter et que c’était ce mouvement et cette vision d’une culture très ouverte finalement qui jouait son rôle. LB –– Oui, et puis le rapport aussi avec les artistes, j’en parlais avec une chercheuse en laboratoire qui a travaillé sur la Condition Publique, et qui justement me disait qu’il y avait un rapport très proche entre les artistes qui viennent et qui communiquent rapidement avec les habitants du quartier. Il y a une forme de complicité qui se forme. Je pense que ça aide bien au niveau des habitants. ­

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Extrait de l’entretien avec Aline Lyoën et Charlotte Berthelot, chargées de l’action culturelle des maison Folies Moulins et Wazemmes, vendredi 23 janvier, 11h, maison Folie Moulins [00’00] Wazemmes, on est sur des cultures populaires. Ca s’est beaucoup ressenti dans les expositions, sur de la création contemporaine, un axe régional parfois, et aussi des questions de sociétés. Beaucoup d’art brut, d’art modeste, des choses qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs, qui ne sont pas trop montrées. [00’30] [31’0] des jeunes identifiés qui fréquentent ce type de lieux là. Donc les 12-16 ans qui y vont et puis moi je dirais un deuxième public non identifié qui est en rupture scolaire, en rupture de lieux de loisirs, qui pourtant vivent la place, vivent l’espace public complètement. Par contre eux c’est beaucoup plus compliqué de travailler avec eux. Il y a des personnes ressources qui bossent dans des centres sociaux c’est des postes AILE, et puis financés sur la lutte contre les exclusions. C’est des éducateurs et eux font un travail de quartier comme itinéraire, ils vont à la rencontre des gens et des jeunes de la rue, et nous on a beaucoup de mal à toucher ces jeunes là, ils ne viennent pas. Alors ce que je dis, c’est que j’ai été habitante de Moulins et j’ai ensuite fait mon stage à Moulins, ça passe aussi par se dire bonjour, ça peut sembler complètement bateau mais maintenant les jeunes qui sont sur la place, le parvis de l’APU ou la place du carnaval, au début il y avait un rapport de défiance parce que, différence quoi. Et ensuite, ils ont dit « bah tiens ce visage là on le voit tous les jours et puis en fait à chaque fois elle nous dit bonjour » et donc maintenant il y a un bonjour, on échange quelque chose, et sur l’ouverture du CECU qui est un endroit.. parce qu’ils écoutent de la musique hip hop, ils sont carrément plus au fait que moi parce que moi c’est pas ma spécialité du tout les cultures urbaines, je leur ai dit « vous êtes les bienvenus », je leur tends des flyers, et aussi il y a un moment donné où l’on se reconnaît et pour des jeunes qui... Les gens ont peur, ils les reconnaissent pas, c’est aussi une première étape. Et moi j’étais hyper contente quand j’en ai vu 4, 5 et ils dealent du shit, on le sait, sur la place, mais ils sont venus à l’inauguration. Et ben, le fait de mettre un premier pied, après ils font ce qu’ils veulent, mais c’est quand même des jeunes qui sont suivis par la PJJ, et de se dire « oui c’est aussi pour nous, on peut venir à l’inauguration ? », « oui, c’est aussi pour vous ! » [33’0] [54’05] Olivier Sergent a toujours été dans son parcours très sensible, à ce qu’on appelle la culture populaire. Mais pas au sens négative du terme. Je pense qu’il fait de la démocratie culturelle et non pas de la démocratisation culturelle. Qui n’est pas de la culture savante.

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Il y a souvent un terme qui est utilisé d’excellence artistique par certains politiques, il y a souvent l’excellence artistique qui est ressorti par rapport aux maisons folie notamment par rapport à Wazemmes et Olivier a toujours dit non on est pas dans l’excellence artistique mais on est dans l’exigence artistique. Ce n’est pas parce qu’on faut un projet avec des amateurs, alors on parle souvent d’habitants parce que amateurs ça veut tout et rien dire, et il peu y avoir des amateurs dans le théâtre qui sont plus professionnels que certains professionneles. (•..] on parle d’exigence art

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Photographies

Figure 32 : les tags de la plaine Philippe de Comines en 2012 Crédits : ©Greg-007, Plaine Philippe de Comines, 2012

Figure 33 : les tags de la plaine Philippe de Comines en mai 2015 Crédits : fonds personnels

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Figure 34 : photographie prise le dimanche 8 mars à 16h10 dans la rue d’Arras, avant d’entrer dans la maison Folie de Moulins. Cadrage choisi. © Fonds personnels

Figure 36 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 16h55 dans la rue d’Arras, après être entrée dans la maison Folie de Moulins. Cadrage choisi. © Fonds personnels

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Figure 37 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 17h depuis la rue d’Arras, La Poste, un lieu d’animation Cadrage choisi. © Fonds personnels

Figure 38 : Photographie prise le vendredi 13 mars à 15h20 depuis la rue d’Arras, Des bancs font face au CECU. Cadrage choisi. © Fonds personnels

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Figure 39 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 17h10 depuis la rue d’Arras, cadrage choisi. © Fonds personnels

Figure 40 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 17h05 depuis la rue du Fontenoy. Cadrage choisi. © Fonds personnels

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Figure 41 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 17h05 à l’angle de la rue du Fontenoy et de la rue d’Arras. Cadrage choisi. © Fonds personnels

Figure 42 : Photographie prise le vendredi 13 mars à 14h45, montrant le début de la rue d’Arras, vue depuis le carrefour au sud du parc Jean-Baptiste Lebas. Cadrage choisi. © Fonds personnels

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Figure 43 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 17h40 depuis la place du Carnaval. Cadrage choisi. © Fonds personnels

Figure 44 : Photographie prise le dimanche 8 mars à 17h50 depuis la rue de Wattignies. Cadrage choisi. © Fonds personnels

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Figure 45 : photographie prise le dimanche 8 mars à 17h10 dans la rue d’Arras. Vue du jardin place Vanhoenacker. Photographies prises sur le vif. © Fonds personnels

Figure 46 : photographie prise le dimanche 8 mars à 17h10 dans la rue d’Arras. Vue du jardin place Vanhoenacker. Photographies prises sur le vif. © Fonds personnels

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Figure 47 : photographie prise le dimanche 8 mars Ă 17h10 dans la rue d’Arras. Vue du jardin place Vanhoenacker. Photographies prises sur le vif. Š Fonds personnels

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Documents récupérés sur internet

Plaquette présentant le programme du BAM 2013 Crédits : ©maison Folie Moulins

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Plaquette présentant le programme du BAM 2013 Crédits : ©maison Folie Moulins

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