La magie unique de Méliès 41 La musique au cinéma François Dompierre

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PIERRE HAMON

LA MAGIE UNIQUE DE

MÉLIÈS

Né le 8 décembre 1861, Georges Méliès était magicien avant de découvrir le cinéma le 28 décembre 1895, lors de la première projection de photographies animées du cinématographe des frères Lumière.

Cette première mondiale a bouleversé la vie de Georges Méliès. Selon ses écrits, il avait « la tête en feu » après la soirée. Méliès entrevoyait les possibilités immenses de cette nouvelle invention, contrairement aux frères Lumière qui déclaraient qu’elle n’avait pas d’avenir.

Méliès était d’abord un passionné de magie. Il avait travaillé comme magicien et concepteur de numéros à Paris, puis à Londres, au célèbre théâtre Egyptian Hall. À l’époque, les plus grands magiciens du monde se produisaient à cet endroit. En 1888, grâce à l’argent de son père, il achetait le théâtre Robert-Houdin, à Paris.

Robert Houdin, père de la magie moderne, est considéré comme l’un des plus grands prestidigitateurs de tous les temps. Il avait ouvert un théâtre en 1845 et il fit fortune en moins de cinq ans. Robert Houdin décéda le 13 juin 1871. L’établissement a appartenu à des proches jusqu’à l’arrivée de Méliès.

Georges Méliès continua l’œuvre de Robert Houdin en présentant les classiques de son maître, mais aussi ses propres numéros. Il créa toutes sortes d’illusions magiques, qu’elles soient mécaniques, optiques ou lumineuses. En 1896, il réalisa ses premiers films et fonda une compagnie, Star Film. Il fit construire son studio à Montreuil, en 1897. Il tourna son premier film magique en 1898, Un homme de têtes, dans lequel il utilisait la surimpression sur fond noir, une avancée technologique incroyable.

Une notion historique bien importante à comprendre est que, même si elle existe depuis des années, voire des siècles, la magie est un art en plein essor à cette époque. Le cinéma, quant à lui, en est seulement à ses balbutiements. Les films sont en noir et blanc, muets, sans montage, sans travelling et sans son.

Ce qui est particulièrement extraordinaire de la part de Méliès est d’avoir créé une œuvre aussi riche, sans avoir à sa portée tout le vocabulaire du cinéma d’aujourd’hui, allant jusqu’à produire des effets spéciaux très convaincants. D’ailleurs, ce n’est que plus de 50 ans plus tard, avec Citizen Kane d’Orson Welles, que nous pourrons parler d’apogée de construction narrative et visuelle au cinéma.

De 1896 à 1912, Méliès aura réalisé 520 films. Le réalisateur bien connu Guillermo del Toro a dit de lui : « Edison et les frères Lumière ont fait des images animées, Méliès a fait du cinéma ». Pendant ces années, Méliès a écrit, produit, réalisé, monté, joué, créé des décors, des effets spéciaux, des costumes, en plus d’imaginer un monde qui lui est tout à fait personnel. Parmi ses réalisations, nous retrouvons de la fiction, du documentaire, ainsi que des reconstitutions

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d’événements historiques et contemporains. Par exemple, il a reconstitué le couronnement d’Édouard VII où il joue le rôle du roi.

Son film le plus célèbre est sans aucun doute Le voyage dans la Lune, produit en 1902 et inspiré de la nouvelle de Jules Verne. À l’époque, ce film était considéré comme une superproduction comme le sont les Marvel ou les Star Wars d’aujourd’hui. La production dans le studio de Méliès fut tellement importante qu’il décida d’en faire construire un deuxième.

Malheureusement, le décès de son épouse, Eugénie Génin, la montée des autres compagnies de production de films, ainsi que l’annonce imminente d’une guerre font qu’il dut déclarer faillite en 1913. Il a vendu ses studios et son équipement cinématographique, mais aussi ses illusions ainsi que celles de Robert Houdin.

Il se remariera en 1925 et il aura, avec sa femme, une boutique de jouets dans la gare Montparnasse. Pendant un temps, il sera complètement oublié. En 1929, la magie opérera à nouveau avec la présentation du gala Méliès. Il recevra la Légion d’honneur en 1931. Il décédera le 21 janvier 1938, à l’âge de 77 ans.

Pendant toute sa vie, Georges Méliès aura présenté sa magie et ses films en exploitant au maximum les moyens et les techniques de son époque, ce qui, en soi, est un exploit extraordinaire. Pour la grande majorité des cinéastes, il aura été le premier vrai grand réalisateur et un véritable magicien du 7e art.