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Chroniques de Dune Autopsie d’un succès

PATRICK LONERGAN

CHRONIQUES DE DUNE

ÉPISODE 1

AUTOPSIE D’UN SUCCÈS

Le Clap est grandement excité à l’idée de présenter DUNE au public québécois! Cependant, la patience est de mise, car le film ne sortira en salle qu’à l’automne prochain. En attendant, nous avons eu l’idée de vous proposer les « Chroniques de Dune », une série de trois articles qui permettront à tout cinéphile curieux de voyager dans l’univers de DUNE : un article sur le succès du roman, un autre sur les cinéastes qui ont tenté de l’adapter et, enfin, un dernier sur la version à venir du talentueux cinéaste Denis Villeneuve.

Dune, le célèbre roman de Frank Herbert, a difficilement atterri chez les libraires de la planète bleue. Le manuscrit du roman a dû passer entre les mains de nombreuses maisons d’édition avant d’être finalement publié aux États-Unis, en 1965. L’honneur de publier ce livre phare reviendra donc à Chilton Books : un éditeur qui ne se spécialisait pourtant pas dans la littérature ni dans la science-fiction, mais bien dans les guides automobiles! Cette maison aura donc publié pour la première fois le manuscrit qui allait devenir le roman de science-fiction le plus vendu à travers le monde.

La venue d’une nouvelle adaptation cinématographique par Denis Villeneuve a de quoi raviver la flamme des admirateurs. À vrai dire, les fans du roman sont aussi excités que les admirateurs du réalisateur québécois! Le film a d’ailleurs le potentiel de faire graviter toute une nouvelle génération de lecteurs autour de l’œuvre de Frank Herbert qui, on doit l’admettre, n’a jamais cessé de fasciner, d’inspirer et d’influencer les artistes en tout genre.

En 1965, par contre, le succès de Dune ne fut pas immédiat, malgré un accueil critique plutôt favorable. En revanche, des récompenses littéraires telles que le prix Hugo et le prix Nebula, celui du meilleur roman de science-fiction, ont certainement aidé à propulser l’œuvre en haut des palmarès et à encourager des lecteurs curieux à s’aventurer enfin dans un genre littéraire parfois boudé, sinon snobé.

Il faut aussi souligner qu’à ce moment précis les États-Unis et la Russie s’engagent dans une course contre la montre pour conquérir l’espace. L’exploration spatiale est un sujet d’actualité qui occupe de plus en plus de place dans la sphère publique. Tout à coup, aller sur la Lune est un objectif atteignable. C’est alors que la science-fiction devient un peu moins de la fiction et que les nouvelles avancées technologiques changent les mentalités, ainsi que l’imaginaire collectif.

L’influence des drogues hallucinogènes importe également à ce moment de notre histoire. Après tout, dans les années 1960, nous sommes aussi à l’époque de la révolution sexuelle et du mouvement hippie… Cette ambiance empreinte d’ésotérisme et de contre-culture ne serait franchement pas étrangère à la philosophie qui est à l’origine de Dune et qui en émane. On peut ainsi affirmer que le roman est apparu à une époque où le public lui-même était en grande transformation « spirituelle ».

Le passage du temps a été bon envers Dune : plus les années se sont écoulées, plus le livre a séduit de nouveaux lecteurs, de tous les

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horizons. Admettons-le, Dune n’est pas qu’une simple aventure intergalactique, c’est aussi un univers riche et complexe qui fonctionne selon ses propres règles et qui agit tel un miroir nous révélant qui nous sommes… Le livre peut donc être lu et apprécié selon différents angles d’interprétation et degrés de sensibilité. Certains y verront une fable écologique tandis que d’autres seront sensibles aux jeux de pouvoir entre les différentes « organisations ». Le roman a bien beau se dérouler dans une autre galaxie, celle-ci est près de chez nous et les thèmes abordés sont résolument… humains et vieux comme le monde!

Et c’est ainsi que le voulait son auteur. Si l’on se fie aux entrevues réalisées avec le romancier, maintenant disponibles sur le Web, il est lui-même le premier à affirmer que l’universalité de son roman est la raison principale de son succès. À travers Dune, il souhaitait donc parler des humains et du rapport qu’ils entretiennent avec leur planète. Cette démarche est d’autant plus intéressante lorsqu’on apprend que Frank Herbert était non seulement romancier, mais avant tout journaliste. Sans grande surprise, on l’a décrit comme un homme très curieux, craignant malgré tout l’avenir et se méfiant des autorités. Avant de s’attaquer à Dune, il a longuement travaillé sur un article portant sur les efforts déployés par le département de l’Agriculture des États-Unis afin de contrôler le mouvement des dunes de sable de l’Oregon devenu dangereux en raison des vents du Pacifique. Il n’a jamais terminé son article, mais en revanche, ses recherches l’ont visiblement inspiré.

S’il est parvenu à publier une version qui le satisfaisait, c’est aussi grâce à Beverly Ann Stuart, sa deuxième femme. Elle lui a fait le plus beau des cadeaux : celui du temps, la valeur marchande la plus prisée des créateurs. Également écrivaine, elle a pu subvenir seule aux besoins de leur ménage grâce à ses contrats en publicité. Quand on dit que le temps, c’est de l’argent… C’était particulièrement juste dans le contexte de la création de Dune.

Si le succès de Dune, le livre, n’est donc plus un objet à débattre, il y en va autrement pour ce qui est de DUNE au grand écran… Alors là seulement, on peut commencer à ne plus parler de succès, mais bien d’échec! Ce qui ne rend certainement pas le sujet moins intéressant, bien au contraire. L’aventure de DUNE au cinéma est une saga en elle-même. Cependant, patience, s’il vous plaît, chères lectrices et chers lecteurs. Chaque chose en son temps, car c’est le sujet du deuxième épisode des « Chroniques de Dune ».

À bientôt!

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