Pharmacien de France n° 1250 mai 2013

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L’interview

« L’infirmier n’est pas un tâcheron » Philippe Tisserand

Le PHaRMaCIeN w w w. l e p h a r m a c i e n . f r

Des chiffres et des hommes

THC sous haute tension

Lumière sur les solaires

décryptage p. 20

enquête p. 26

banc d’essai p. 48

DEFRANCE No 1250 mai 2013

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Le PHaRMaCIeN

La guerre entre pharmaciens et vétérinaires atteint son paroxysme. Enjeux p. 14

DEFRANCE


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Le grand absent

Philippe Gaertner Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

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No 1250 I 55e année I07/05/13 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0217 T 81323 www.lepharmacien.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 Télécopie : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR de la publication : Éric Garnier DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jocelyne Wittevrongel

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RÉDACTEUR EN CHEF : Laurent Simon (lsimon@lepharmacien.fr) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Anne-Laure Mercier (almercier@lepharmacien.fr) secrétaire de rédaction : Joséphine Volat (jvolat@lepharmacien.fr) Ont collaboré à ce numéro : Anaïs Bellan I Claire Grevot I Gaëlle Guérin I Marine Cygler création et réalisation : Rampazzo & Associés www.rampazzo.com - blog.rampazzo.com correction : Francys Gramet IMPRESSION : Lescure Théol 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Photos : Miguel Medina Dessins : Martin Vidberg

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L’Éditorial

Le PHaRMaCIeN

DIRECTEUR commercial ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmacien.fr). Tél. : 01 42 81 56 85 Fax : 01 42 81 96 61 ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 L’abonnement d’un an France-Corse : 90 € TTC I Guyane : 89,08 € TTC Guadeloupe, Martinique, Réunion : 89,08 € Étranger : 154 € I Achat au numéro : 12 € TTC I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0217 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros I Cogérants : Éric Garnier I Jocelyne Wittevrongel I Date du contrôle OJD : 28/11/2011.

I

l y a déjà un an, en signant ter de transformer un forfait à la boîte en la convention pharmaceu- honoraires trahirait l’esprit et la lettre de cette tique avec l’Assurance réforme. Pour mémoire, il suffit de relire le texte maladie, nous pensions de la convention pharmaceutique. avoir fait le plus difficile… Plus facile à dire qu’à faire, vous l’aurez compris : À l’heure où j’écris ces poser cette condition signifie trancher sur de lignes, la troisième des quatre séances de négo- nombreux points. Le niveau de remboursement ciations vient de s’achever. Le contrat qui lie les de ces futurs actes pharmaceutiques, leur impopharmaciens pour encore quatre ans avec les sition à la TVA… autant de questions qui nécespouvoirs publics nous oblige à conserver à sitent une volonté sans faille de la part de tous l’esprit une chose simple : quand une signature les intervenants. Syndicats, Assurance maladie, est apposée au bas d’un document suite à un complémentaires… Le tour de table n’est en fait engagement unanime, pas complet. Un grand absent est à rien ni personne ne peut nous autoriser à « Seul un arbitrage signaler : l’État. L’État y revenir. En 2012, la qui, à lui seul, régule du ministère permettra profession, tous synet continuera à régude finaliser les honoraires ler la grande majorité dicats confondus, s’est engagée devant ses de notre rémunérapharmaceutiques. » pairs et les pouvoirs tion par l’intermédiaire des marges. publics à mener la plus grande réforme que les pharmaciens pou- J’en appelle à Marisol Touraine : seul un arbitrage vaient espérer : la conversion d’au moins 25 % résolu de ses services permettra de finaliser de leur rémunération en honoraires. Le temps cette grande réforme. Tout le monde y gagnera : presse : les compensations financières que nous la profession, les patients, l’Assurance maladie… avons obtenues grâce à la convention – et qui et l’État, bien sûr. Je m’en porte garant. ont permis de limiter les dégâts sur le réseau – Je ne voudrais pas finir cet éditorial sans rappene vont bientôt plus suffire à juguler les pertes ler un point positif : les négociations sur les liées aux importantes baisses de prix des médi- entretiens pharmaceutiques avancent bon train. caments. Après les entretiens AVK, dont la parution immiLes mots ont un sens : pour le patient, cela nente au Journal officiel donnera le top départ, signifie que l’intervention du pharmacien doit le suivi des patients asthmatiques représentera être transparente, signalée sur son relevé de le nouvel horizon de la profession pour les mois prestations d’Assurance maladie, prise en charge à venir. Il en va de la responsabilité de chacun et remboursée par l’Assurance maladie et les et de tous de ne pas affaiblir un réseau qui a complémentaires. Comme tous les autres pro- toujours su et saura encore répondre présent, fessionnels de santé. Ni plus ni moins. Se conten- dans l’intérêt des patients.

Mai 2013 I No 1250 I 1


mai 2013 Sommaire

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

PUBLICATION JUDICIAIRE PUBLICATION JUDICIAIRE Par arrêt du 19 mars 2013, la Cour d'appel de Reims a déclaré que les sociétés MULTI CONFORT MEDICAL MCM, SARL (50 avenue Jean Jaurès - ZI des Prés de Lyon - 10600 LA CHAPELLE SAINT LUC) et MATERIA GENERICA, EURL en liquidation amiable (15 rue du Carouge, Route de Longeville - 10320 LIREY) ont commis des actes de contrefaçon des modèles de fauteuils “Myriad”, “Cassiopée” et “Orion” au préjudice de la société INNOV’SA (7 rue Bernard Pieds 10110 BAR SUR SEINE) en reproduisant, fabriquant ou faisant fabriquer, en détenant et en commercialisant des fauteuils dénommés “Myriad”, “Cassiopée” et “Orion”, ainsi que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'égard de la société INNOV'SA.

Actualité

14

4

La Cour a notamment : 

Ordonné aux sociétés MULTI CONFORT MEDICAL MCM et MATERIA GENERICA de cesser toute reproduction, fabrication, détention et toute commercialisation des fauteuils contrefaisants “Myriad”, “Cassiopée” et “Orion” et leurs accessoires ainsi que tous autres fauteuils identiques, et ce sous d’une astreinte de 200 € par infraction constatée à compter du jour de la signification du présent arrêt ; Ordonné la confiscation de la totalité des fauteuils “Myriad”, “Cassiopée” et “Orion” et de leurs accessoires, ainsi que de tous autres fauteuils identiques qui pourraient porter des noms différents, détenus par les sociétés MULTI CONFORT MEDICAL MCM et MATERIA GENERICA, aux fins de destruction dûment constatée par huissier de justice aux frais exclusifs et solidaires des sociétés MULTI CONFORT MEDICAL MCM et MATERIA GENERICA et ce sans astreinte ;

26

L’INTERVIEW hilippe Tisserand : P « L’infirmier n’est pas un tâcheron » L’actu en bref Le kiosque

14 enjeux Champs de bataille 18 dossiers de la FÉdÉ

26

70.000 € à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon ; 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme ; 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné la publication de l'arrêt par extraits dans trois journaux ou revues professionnelles au choix de la société INNOV’SA aux frais solidaires des sociétés MULTI CONFORT MEDICAL MCM et MATERIA GENERICA dans la limite d’une somme globale de 20.000 €. Maître Florence BAUJOIN, Avocat 16 rue Massenet 67000 STRASBOURG

Officine

48

ENQUÊTE THC sous haute tension

29 Panorama 32 conseil Les experts de l’allergie 33 fiche conseil La dermatite atopique 36 International En mai, faites ce qu’il vous plaît

38 investissement Renégocier son emprunt 40 officine En bref 42 analyse Compression hors norme 44 NOUVELLES TECHNOS Tweeter en travaillant 46 Produits 48 BANC D’ESSAI Lumière sur les solaires 50 SUBSTITUONS ! Losartan 53 Aperçu

Condamné in solidum les sociétés MULTI CONFORT MEDICAL MCM et MATERIA GENERICA à payer à la société INNOV’SA : -

8 13

Santé

décryptage

54 56

culture jeux de mots

Des chiffres et des hommes Les consensus qui mènent aux seuils ou aux normes biologiques séparant les malades des bien-portants sont loin de n’être qu’une histoire de science même s’ils font partie du quotidien des soignants. La préhypertension et la préostéoporose

20

ont ainsi fleuri sur les étals médicaux, poussés à la fois par la surmédicalisation de la société et les intérêts de l’industrie pharmaceutique. A contrario, le prédiabète pourrait connaître un meilleur sort. Voici l’histoire de la normalisation.

ABONNEZ-VOUS maintenant au Pharmacien de France. Rendez-vous sur www.lepharmacien.fr Ce numéro comporte un 4 pages « Congrès des pharmaciens » et une affiche « Semaine nationale de prévention contre le diabète ». Mai 2013 I No 1250 I 3


Actualité En bref

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Le gouvernement se lance La ministre de la Santé Marisol Touraine a chargé l’inspecteur général des affaires sociales PierreLouis Bras d’une mission sur l’open data (voir Le Pharmacien de France, no 1248). Il doit, d’ici à la mi-juillet, « proposer la mise en place d’un dispositif d’accès et d’utilisation des bases de données médico-administratives, […] dans des conditions adaptées aux finalités poursuivies par les différents acteurs ». ❙

études

Deux ans pour la thèse Un décret paru au Journal officiel le 26 avril dernier risque bien de bousculer certaines (mauvaises) habitudes chez les futurs potards. Outre des évolutions liées à la réforme licence-master-doctorat (LMD), le décret instaure un délai limite pour passer sa thèse d’exercice. Chez les sixième année filière officine ou industrie, l’arrivée dans la vie active recule souvent la soutenance, pourtant obligatoire pour compléter le cursus. « Les étudiants soutiennent, au cours du troisième cycle court ou, au plus tard, dans un délai de deux ans après la validation du troisième cycle court, une thèse », précise le décret. Que l’on se rassure, des dérogations « exceptionnelles », accordées par le président de l’université, sont prévues. ❙ 10 I No 1250 I Mai 2013

« Je n’ai jamais touché le moindre centime de Jérôme Cahuzac […]. Je ne me sens pas concerné par ces pratiques. »

Marisol Touraine, ministre de la Santé, commente dans Le Parisien l’obligation de déclaration de patrimoine.

Claude Évin, ex-ministre de la Santé de 1998 à 1991, dément toute relation trouble avec l’industrie pharmaceutique dans Le Parisien.

vignette

Suppression encore repoussée Le prix disparaissant de la boîte pour figurer dans une base de données, la suppression de la vignette est reportée.

L

a suppression de la vignette pharmaceutique est bel et bien confirmée mais à nouveau reportée du 1er juillet à une date ultérieure encore inconnue. Ce délai doit permettre au Comité économique des produits de santé (CEPS) d’élaborer une base de prix qui servira d’unique référence : toute mention de

prix disparaîtra à terme des boîtes de médicaments. La FSPF a donc demandé que soit imprimée à même le packaging la mention « Le prix et le taux de remboursement sont réglementés », mention qui renverrait vers ladite base de données avec son adresse Internet. La base du CEPS alimenterait le portail d’information sur le médicament que doit lancer à l’automne l’Agence nationale de sécurité du médicament. Par ailleurs, un ticket Vitale plus lisible est prévu, ainsi que l’édition d’un plan de posologie par le pharmacien et l’obligation pour ce dernier de faire figurer la posologie sur les boîtes. Soit de nouvelles charges pour l’officine… ❙

Dépendance

À la poursuite de l’or gris Connaissez-vous la silver economy ? Ce terme anglais cache une filière industrielle regroupant toutes les entreprises qui travaillent avec les personnes âgées. Lancée en grande pompe le 24 avril dernier par Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et Michèle Delaunay, son homologue chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, elle vise notamment à « favoriser les échanges, faire connaître les produits et services déjà existants… », expliquent les ministres dans un communiqué

DR

open data

© MIGUEL MEDINA

DR

Dominique Bussereau, député UMP CharenteMaritime, réagit au projet de loi sur la transparence en discussion.

« Le dévoilement n’est pas chose facile mais dans quelques années tout sera banalisé. Le mouvement est irréversible. » DR

« Pourquoi moi plutôt que mon pharmacien ? […] Le jour où tout le monde rendra son patrimoine public, alors peut-être. »

© miguel medina

ce qu’ils ils l’ont dit ont dit

commun. Côté pharmaciens, il y a un coup à jouer. En effet, dans les propositions remises aux ministres, on peut lire que « cette économie manque cruellement de distributeurs. Dans l’intervalle, les répartiteurs en

pharmacie, la vente par correspondance et par Internet sont à privilégier. » Les officines devront donc défendre leur rang dans ce marché d’autant qu’un peu plus loin, dans le même rapport, il est préconisé « de proposer à certains d’entre eux [les distributeurs de masse, NDLR] de se lancer dans un essai grandeur nature de, par exemple, shop-in-shop à l’instar de la parapharmacie ». L’appel du pied à la grande distribution, qui semble encore bouder le marché, ne pourrait pas être plus clair.


Actualité

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

REPÈRES

69 %

12 %

5,9

224

se disent prêts à recourir aux génériques systématiquement ou dès qu’on leur en propose, selon une étude Deloitte-Harris Interactive menée auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 Français.

ne font pas confiance au pharmacien pour s’informer en matière de santé, selon les résultats du baromètre annuel LH2 commandité par le Ciss. Ils sont plus de 30 % à se méfier de la presse spécialisée.

Le déficit de l’Assurance maladie (régime général) pour 2012 est plus important que prévu de 400 millions d’euros mais néanmoins en diminution de 2,7 milliards d’euros par rapport à l’année précédente.

de médicaments sont implantés en France. Chaque année, 7,5 à 8 milliards de boîtes sont produites dans l’Hexagone. La balance commerciale du médicament affiche une progression de 34 % en 2012 par rapport à 2011. (Source : Leem)

des Français

milliards d’euros

des patients

sites de production

MACRO / ÉCO

Les prix de cession poursuivent leur baisse Carte de France des prix de cession en pourcentage du CA HT 32 (29)

33 (30)

45 44)

54 (52)

32 (31)

36 (34)

46 (43) 23 (21)

35 (30)

27 (24)

93 (91)32

(29)

35 (33)

27 (25)

20 (19)

45 (44)

42 (40)

32 (28)

81 (84)

90 29 (27)

35 (33)

(90) 32 (29)

81 (87)

29 (27)

Moyenne France 2012 : 84 % du CA HT (rappel 2011 : 87 % du CA HT)

29 (28)

91 (88)

93 (91)

81 (87)

80 (81)

92 (97) 84 (79)

77 (79)

84 (87)

76 (79)

94 (86)

41 (38)

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81(87) (83) 93 (95)

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84 (79)

76 (75)

93 (95)

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Estimation du pourcentage de pharmacies en SEL au 01/01/2013

(100)

plus de 86 %

46 (43) 33 (30)

Ouvertures de procédures collectives

Moyenne France entière : 33 % (rappel 01/01/2012 : 30 %)

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91 (98) ns (100)

23 (21)

36 (34)

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65

42 (40)

32 (28) 35 (30)

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54 (52)

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36 (32)

93 (91)

81 (87)

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32 (29)

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94 (86)

de 25 à 40 %

32 (29)

29 (27)

29 (28)

plus de 40 %

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41 (38) 22 (20)

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45 (44)

30

26 20

14

2009

Sauvegardes

2010

Redressements

2011

91 (88)

81 (84)

76 (79) 80 (81)

(

moins de 25 %

51

44

83 (85)

32 (31)

69

64

2008

Répartition des SEL

91 (98)

de 82 à 86 %

86 (87)

22 (20)

9

92 (97)

moins de 82 % ns

22 (20)

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76 (79)

91 (88)

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90 (90)

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54 (52)

La tendance amorcée depuis 2007 se confirme : en France, le prix des pharmacies baisse. Avec quelques disparités : les régions centrales restent parmi les moins valorisées (Pays-de-la-Loire, Centre, Bourgogne, Auvergne), même si les écarts de prix ont eu tendance à se tasser (- 5 points par rapport à 2011). Un critère reste crucial : la taille de l’officine. Plus l’officine est importante, plus son chiffre d’affaires est valorisé. On n’y échappe pas.

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2012

La mode des sociétés d’exercice libéral (SEL) ne se dément pas depuis leur création en… 1990. Elles continuent leur percée dans l’Hexagone, avec + 3 % en 2012 et certaines régions de prédilection comme le Grand Est ou Provence-Alpes-Côte d’Azur. La profession attend toujours les décrets pour les SPF-PL, même si les Ordres instruisent déjà des dossiers. Le marché de la transaction officinale sera alors vraiment transformé en un marché de parts de SEL.

Liquidations

Les procédures collectives ont augmenté de manière marquée entre 2011 et 2012 : +14 % ! Le nombre de sauvegardes et de redressements reste stable, ce sont les liquidations qui explosent, passant de 46 à 63.

Étude Interfimo « Prix et valeur des pharmacies en 2012 ».

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Actualité Enjeux

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Perquisitions, interdiction d’exercer... Le coup porté à la pharmacie vétérinaire à travers la la mise en examen de plusieurs de ses représentants syndicaux est rude. Ils accusent les vétérinaires, pris en tenaille entre intérêts économiques et santé publique.

Par Anne-Laure Mercier

CHAMPS DE BATAILLE La guerre est déclarée. Dans la lutte que se

livrent pharmaciens et vétérinaires autour du médicament, le paroxysme a été atteint début avril : plus d’un an après le dépôt d’une plainte contre X, de fervents partisans du découplage entre prescription et délivrance se sont retrouvés derrière les barreaux. Les vétérinaires sont historiquement autorisés à la fois à prescrire et à délivrer, un potentiel conflit d’intérêts qu’une poignée de pharmaciens rassemblés en association dénoncent depuis quelques années pour combattre l’antibiorésistance grandissante et la mainmise des vétos sur le médicament. Si ce dernier est marginal pour l’éco« Les vétérinaires vivent nomie officinale, il est leur principale source de revenus : le découplage comme le marché français est d’ailleurs une mutilation. » le premier d’Europe avec 835 millions d’euros de chiffre Jacky Maillet, président de l’ANPVO d’affaires. Après des dizaines d’heures de fouilles et de saisies en mars 2012 (voir notre Décryptage « La bête noire des vétos », Le Pharmacien de France, no 1239), les titulaires Jacky Maillet et Philippe Augier, respectivement président de l’Association nationale de la pharmacie vétérinaire d’officine (ANPVO) et secrétaire de l’Union nationale pour la pharmacie vétérinaire d’officine (UNPVO), ont ainsi été emmenés par les gendarmes le 9 avril au matin et gardés à vue jusqu’au jeudi suivant. Trois vétérinaires ont également été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. Parmi ces professionnels, quatre subissent des interdictions d’exercer la pharmacie vétérinaire ou la profession de vétérinaire. Motif  ? Ils sont légion. Les qualifications retenues sont la sollicitation et la satisfaction de commandes de médicaments vétérinaires, la 14 I No 1250 I Mai 2013

délivrance sans ordonnance de médicaments vétérinaires, l’ouverture d’un établissement pharmaceutique sans autorisation, la cession de substances vénéneuses (antibiotiques, antiinflammatoires, antiparasitaires...) sans justificatif et le faux et usage de faux. Acte d’accusation Ils « sont soupçonnés de compérage et de manquements graves à la réglementation favorisant les risques de mésusage des médicaments vétérinaires et le développement d’antibiorésistance chez l’animal et chez l’homme », précise le ministère de l’Intérieur qui brandit à son tour l’argument de santé publique, démontrant surtout à quel point vétérinaires et pharmaciens se renvoient la balle de la responsabilité. « Certains [des mis en examens, NDLR] sont membres d’un groupement d’intérêt économique matérialisant leur entente commerciale [voir encadré p.16], ajoute le ministère. Ils sont soupçonnés d’avoir significativement développé leurs activités respectives en prescrivant et en délivrant depuis plusieurs années de grandes quantités de médicaments vétérinaires à des centaines d’éleveurs sans suivi sanitaire effectif des animaux concernés. L’enquête judiciaire a révélé que les vétérinaires rédigeaient aux éleveurs des ordonnances de complaisance, hors examen clinique des animaux et sans réaliser le suivi sanitaire permanent prescrit par le Code de la santé publique. » Rien que ça… Il n’en fallait d’ailleurs pas davantage au Parisien et au Monde, entre autres, pour immédiatement reprendre le titre d’une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP) et parler du « démantèlement d’une filière illégale d’antibiotiques à haute dose dans des centaines d’élevages ». Depuis, les perquisitions se poursuivent :


DEFRANCE

« Les pharmaciens ont vendu du Mediator [...]. Jamais ils n’ont refusé [...] parce que la prescription n’était pas correcte. Avec le médicament vétérinaire, c’est pareil. » Claude Andrillon, secrétaire général de la FSVF, dans La Tribune

un grossiste-répartiteur vétérinaire, selon une source proche du dossier, ainsi que l’officine de Philippe Lépée, vice-président de l’ANPVO, dont un employé a également été mis en garde à vue. Sans compter les écoutes téléphoniques, les interrogatoires d’éleveurs... Le discrédit menacet-il l’ensemble de la profession de pharmacien ? Les récentes déclarations de Claude Andrillon, secrétaire général de la Fédération des syndicats vétérinaires de France, dans La Tribune, risquent fort de ne pas calmer le jeu : « Pendant des années, les pharmaciens ont vendu du Mediator à des femmes de 40 ans qui n’avaient pas d’acné [sic]. [...] Jamais ils n’ont refusé de servir le client parce que la prescription n’était pas correcte. Avec le médicament vétérinaire, c’est pareil. » Soupçons de collusion Le 24 avril, une réunion se tenait à la Maison des pharmaciens, à Paris, avec, autour de Jacky Maillet, Jean Lagoutte, coordinateur des relations avec les professions de santé chez Pierre Fabre, Guy Barral, président de l’UNPVO, Frédéric Castets, directeur de Cedivet, la branche vétérinaire du grossiste-répartiteur Cerp Rouen, Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale (APR), et des représentants des trois syndicats de la profession, l’Uspo, l’UNPF et la FSPF. Toute la chaîne du médica-

Illustration d’après Charging Bull, sculpture en bronze de l’artiste Arturo Di Modica.

Enjeux Actualité

Le PHaRMaCIeN

ment s’est ainsi retrouvée autour de la même table, à l’exception de l’Ordre des pharmaciens. « Il a été décidé qu’une lettre ouverte signée des trois syndicats sera envoyée aux ministères de la Santé et de l’Agriculture, indique Jacky Maillet. Ce courrier devrait insister sur l’importance du découplage prescription-délivrance en termes de santé publique et tentera d’alerter les deux ministres sur la disparition inacceptable du circuit officinal de distribution des médicaments vétérinaires. » Pour lui, « il existe des éléments probants de collusion entre les vétérinaires et les III

Ordonnances fantômes Au nom de « la sauvegarde des droits et intérêts de la profession de pharmacien mais également dans le cadre d’une protection de la santé publique », l’Union nationale pour la pharmacie vétérinaire d’officine (UNPVO) a mandaté l’Agence de défense des intérêts économiques (Adie), une agence de recherches et d’informations, pour « effectuer des achats de médicaments dans cent cabinets vétérinaires dans le dessein de vérifier si toutes les procédures légales de délivrance […] sont respectées ». Eh bien, non ! « Aucune ordonnance n’a été [remise] lors de la délivrance des médicaments dans 73,75 % des cas », alors qu’ils étaient tous inscrits sur la liste des substances vénéneuses. Pire, « dans 47,5 % des cas, ladite délivrance était effectuée par une auxiliaire spécialisée vétérinaire » et dans 18,75 % des cas « par une personne dont la qualité était inconnue ».

Mai 2013 I No 1250 I 15


Actualité Enjeux [Champs de bataille]

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

inspecteurs vétérinaires supervisant les tion générale de la santé et des consommateurs, enquêtes. Toutes les opérations ont été menées un service administratif de la Commission eurouniquement chez les pharmaciens, leurs clients péenne, NDLR]. Ce mouvement n’a pas été suivi éleveurs ou certains vétérinaires prescripteurs en France où l’on a toujours cette forteresse au mais pas vendeurs pile au moment où le rapport sein du ministère de l’Agriculture qu’est la DGAL, de l’Inspection générale des affaires sociales sur la Direction générale de l’alimentation, et qui se “l’encadrement des pratiques pouvant influencer concerte peu, voire pas sur la question vétérinaire la prescription des antibiotiques à usage vétéri- avec la Direction générale de la santé. » Domnaire” doit paraître [en l’occurrence mi-mai, mage, quand on sait que l’homme peut être NDLR]. L’enjeu est stratégique pour les vétéri- contaminé par des bactéries résistantes via naires : il s’agit de ne pas perdre tout ou partie l’alimentation et que la recherche antibiotique du médicament. Ils vivent l’idée du découplage ne voit plus rien venir depuis longtemps. comme une mutilation. » Côté gouvernement, Jacky Maillet estime qu’« il est totalement acquis Problème de pharmacovigilance aux vétérinaires » parce qu’il « n’a plus les Le conflit d’intérêts inhérent au statut de la promoyens budgétaires de financer ce réseau. Cela fession vétérinaire, poursuit Me Honnorat, « est lui convient donc très bien que les vétérinaires absolument majeur. […] Il y a une forte pression vivent des médicaments ». Son avocat, Me Fran- sur les États membres pour reconsidérer la çois Honnorat, qui a par ailconsommation de médicaleurs défendu les victimes ments vétérinaires par le du Mediator et de l’hormone « Si rien n’est fait, monde agricole. La France de croissance, dénonce aus- la question de la en est le premier consommasi le corporatisme du ministeur. Jusqu’à présent était tère de l’Agriculture : « Au responsabilité de menée une politique de pédaniveau européen, dans le l’État se posera. » gogie mais elle ne fonctionne notabene cadre de la crise de la vache plus : les vétérinaires sont e En matière d’antibiotiques, la folle dans les années 1990, M François Honnorat, avocat intéressés à la prescription modération est possible. Le on avait compris qu’il fallait des médicaments, notammoratoire lancé en 2010 dans la rapatrier la direction générale de l’agriculture au ment des antibiotiques. C’est là sans doute une filière porcine a permis de diminuer la consommation en sein d’une vaste direction réglant tous les pro- des clés d’explication de cette absence de baisse céphalosporines de 51,8 % en un an. blèmes de santé, a-t-il rappelé sur Voo TV, chaîne de la consommation. Et, aujourd’hui, cette situaDans le même temps, l’exposition de télévision de l’agglomération dijonnaise. C’est tion n’est plus tenable. Certains pays ont découplé des bovins a augmenté de 8,5 %. aujourd’hui une direction unique, la Sanco [Direc- la prescription de la délivrance, d’autres ont (Source : ANMV) choisi des voies médianes en interdisant les marges sur un certain nombre de médicaments sensibles, notamment les antibiotiques. » Toujours selon cet avocat, « les enjeux dépassent l’antibiorésistance : les vétérinaires assurent peu la traçaLe groupement d’intérêt économique bilité et la iatrogénie du médicament. C’est (GIE) auquel adhèrent les titulaires Jacky­ étranger à leur culture alors que cela fait partie Maillet, Philippe Lépée et Philippe Augier de celle des pharmaciens. » Si le dossier n’avance a pour « objectif exclusif d’acheter des pas, « il risque de devenir un problème de resmédicaments vétérinaires au meilleur ponsabilité publique, assure-t-il. Dans le dossier tarif en négociant les remises », déclare de l’amiante où la responsabilité de l’État a été Jacky Maillet. Il compte 9 membres : retenue, on parle de 60 000 victimes. Dans l’anti4 pharmaciens et 5 cabinets vétérinaires. biorésistance, il s’agit de 25 000 décès par an en Au total, 70 GIE constitués de vétérinaires Europe. Si les politiques publiques ne sont pas officient sur ce marché en France, dont revues […] se posera la question de la responsale mastodonte Isovet avec près de 900 vétérinaires à son actif. Pour ce qui le bilité de l’État et de ses acteurs. » Mais Jacky concerne, Jacky Maillet assure que le sien « a été constitué par des avocats spéMaillet ne voit pas « très bien comment l’État cialisés et est régulièrement contrôlé par des commissaires aux comptes », qu’il français pourrait ignorer » la résolution du Para aussi reçu « l’accord de la répression des fraudes lors de sa création » et qu’il lement européen de décembre dernier qui prône tient ces documents « à disposition de la justice ». Il souligne, au passage, de séparer la prescription et la vente des antiqu’« aucun éleveur parmi [s]es clients n’utilise les services des trois vétérinaires microbiens. Faudra-t-il attendre un énième mis en cause. Deux d’entre eux ne font même pas partie du groupement ». scandale sanitaire pour que l’antibiorésistance devienne un sujet de préoccupation collectif ? x III

© jimmothy05

Concurrence

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Testez la différence ! L’INTERVIEW Un entretien sans concession

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