L’INTERVIEW
« Il n’y a pas de liste secrète d’AMM »
RMaCIeN
Dominique Martin, ANSM
DEFRANCE
Le PHaRMaCIeN w ww. lep harmaci e ndef ra nce. f r
DEFRANCE
Tutorats versus prépas : le match
Lyme fait tiquer les experts
Panser une petite plaie
DÉCRYPTAGE P. 26
ENQUÊTE P. 32
BANC D’ESSAI P. 54
N o 1 2 6 6 J A N V I E R 2 0 1 5
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LA VACCINATION À L’OFFICINE, ÇA MARCHE À L’ÉTRANGER. ALORS POURQUOI PAS EN FRANCE ? ENJEUX P. 16
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L’Éditorial
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Reculer serait périr
Philippe Gaertner
© MIGUEL MEDINA
Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France
No 1266 I 55e année I 29/12/14 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0217 T 81323 www.lepharmaciendefrance.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 Télécopie : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Garnier DIRECTRICE DE LA RÉDACTION : Jocelyne Wittevrongel RÉDACTEUR EN CHEF : Laurent Simon (lsimon@lepharmaciendefrance.fr) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Anne-Laure Mercier (almercier@lepharmaciendefrance.fr) RÉDACTEURS : Élise Brunet (ebrunet@lepharmaciendefrance.fr) I Claire Frangi (cfrangi@lepharmaciendefrance.fr) SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Joséphine Volat (jvolat@lepharmaciendefrance.fr) ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Anaïs Bellan I Claire Grevot I Fanny Rey I CRÉATION ET RÉALISATION : Rampazzo & Associés www.rampazzo.com - blog.rampazzo.com CORRECTION : Francys Gramet IMPRESSION : Lescure Théol 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Photos : Miguel Medina Dessins : Martin Vidberg Infographie Conseil : Pascal Marseaud DIRECTEUR COMMERCIAL ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmaciendefrance.fr) Tél. : 01 42 81 56 85 Fax : 01 42 81 96 61 ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 L’abonnement d’un an France-Corse : 90 € TTC I Guyane : 86,76 € TTC Guadeloupe, Martinique, Réunion : 88,26 € Étranger : 154 € I Achat au numéro : 12 € TTC I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0217 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros I Cogérants : Éric Garnier I Jocelyne Wittevrongel I Date du contrôle OJD : 14/11/2013.
Q
uelques semaines Je n’ai aucun doute sur le fait que nous pourrons avant que frappent travailler en bonne entente avec les services du les baisses de prix ministère pour aider les pharmaciens, en simpliprévues dans la loi fiant notamment les transferts d’officines ou en de financement de facilitant l’intégration des adjoints au capital. la sécurité sociale, les esprits s’échauffent. Dans le même temps, d’autres professions dites Il faudrait repousser, voire annuler la mise en « réglementées », notamment du domaine juriplace des honoraires pharmaceutiques, que la dique, ont été prises dans la tourmente médiatique FSPF a entérinés en mai dernier. Au moment et n’auront peut-être pas cette chance. où nous avons fait le choix de mettre un pied Pour le dire simplement et de manière non équihors des marges réglementées en en transfor- voque : oui, les pourcentages des marges que mant une moitié en honoraires versés par vont toucher les pharmaciens vont baisser, l’Assurance maladie, revenir en arrière consti- comme le montre l’arrêté paru en décembre, tuerait un reniement incroyable… et un non-sens mais non, les pharmaciens ne pâtiront pas du économique. La peur est toujours aussi mauvaise changement de rémunération parce qu’ils conseillère, surtout en toucheront le strict équipériode de crise. valent en honoraires « La peur est toujours Les simulations que nous pharmaceutiques, plus a v o n s ré a l i s é e s l e u n e re v a l o r i s a t i o n aussi mauvaise prouvent : les pharmapérenne que nous avons conseillère, surtout ciens profiteront des négociée. On ne vit pas en période de crise. » honoraires pharmaceuavec des pourcentages, tiques, à la fois profesn’en déplaise à ceux qui sionnellement et économiquement. Si l’on peut se contentent de vivre de calculs politiques. concevoir que le changement effraie, vous devez Résultat global : une préservation de notre aussi comprendre une chose : l’immobilisme rémunération et une chance unique de changer tuera à coup sûr la profession. En faisant un pas notre logiciel économique, dans un contexte de résolu vers cette nouvelle forme de rémunération, déflation continue des prix. nous avons prouvé au gouvernement que le Il me faut toutefois convenir d’un point : ce ne modèle de l’économie traditionnelle n’était pas sera pas suffisant. Seule une rémunération à le nôtre. Notre spécificité a d’ailleurs été prise l’ordonnance permettra de réellement nous en compte puisque nous avons été « exfiltrés » arracher de ce trou noir économique, en nous de la loi Macron pour réintégrer la loi Santé, sous détachant de notre dépendance au volume des la houlette de Marisol Touraine, qui n’a cessé de médicaments délivrés qui perdure pour le défendre la place du médicament à l’officine. moment. C’est la prochaine étape…
Janvier 2015 I No 1266 I 1
janvier 2015 Sommaire
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Actualité
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4 8 15
L’INTERVIEW ominique Martin : D « Il n’y a pas de liste secrète d’AMM » L’ACTU EN BREF LE KIOSQUE
16 ENJEUX Mission : possible 20 DOSSIERS DE LA FÉDÉ
Santé
Officine
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54
32 ENQUÊTE Lyme fait tiquer les experts
44 INVESTISSEMENT Jouer la carte de la cohésion 46 OFFICINE EN BREF
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PANORAMA
36 CONSEIL Une dent contre la prévention 37 FICHE CONSEIL L’halitose au comptoir Les causes de l’halitose 40 INTERNATIONAL En 2015, je promets…
• •
48 NOUVELLES TECHNOLOGIES 50 PRODUITS 53 SUBSTITUONS ! Rispéridone 54 BANC D’ESSAI Panser une petite plaie 56 APERÇU
DÉCRYPTAGE
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CULTURE AUTO-MOTO
Tutorats vs prépas : le match C’est l’un des corollaires positifs d’une réforme décriée : l’entrée en vigueur de la première année commune des études de santé (Paces) a entraîné une montée en gamme du tutorat… et un boom de l’offre privée. Les « prépas » avaient
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en effet jusqu’à présent le monopole du business très lucratif de la réussite en première année. Ce n’est désormais plus le cas : les tutorats entre étudiants au sein des universités ont un tel succès qu’il existe même une sélection pour devenir tuteur !
ABONNEZ-VOUS maintenant au Pharmacien de France. Rendez-vous sur www.lepharmaciendefrance.fr Ce numéro comporte un encart jeté de 4 pages « DPC Mode d’emploi ». Janvier 2015 I No 1266 I 3
Actualité En bref
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
CE QU’ILS ILS L’ONT DIT ONT DIT
monopole
Un Vidal pour Leclerc ? Les parapharmacies Leclerc et leurs clients ont-ils le droit d’utiliser le Vidal sur support numérique ? La société Vidal dément l’existence d’un tel accord, pourtant relevépar l’hebdomadaire L’ É c l a i r e u r d u G â t i n a i s d u 26 novembre : « Nous n’avons pas d’accord commercial qui viserait à fournir à l’ensemble des parapharmacies Leclerc l’accès que l’on propose aux officines. Leclerc a quelques licences pour accéder à la base Vidal, mais elles ne sont pas destinées à ses magasins. » ❙
remises
Le printemps de la transparence C’est en avril prochain que les génériqueurs devront transmettre au Comité économique des produits de santé (CEPS) le niveau des remises accordées aux pharmaciens molécule par molécule. Pour rappel, elles ont été plafonnées à 40 % en septembre. Le CEPS prendra-t-il ce prétexte pour baisser les prix ? C’est la crainte des génériqueurs, selon Pascal Brière, président de l’association d’industriels Gemme (Générique, même médicament) et de Biogaran : une telle mesure obligerait, selon lui, à s’approvisionner dans des pays où la production est moins chère… mais non sans risques sanitaires. ❙ 10 I No 1266 I Janvier 2015
« On propose aux patients d’avoir le choix entre un médicament qui marche et un médicament dont on pense qu’il n’est pas plus mauvais. »
Danièle Desclerc-Dulac, présidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), soutient la loi Touraine. (Source : Libération)
DR
© MIGUEL MEDINA
Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), à propos des autorisations temporaires d’utilisation.
« Les patients ont de bonnes raisons de soutenir une loi qui répond à des attentes profondes. »
Didier Raoult, médecin et chroniqueur santé, à propos des me-too. (Source : Lepoint.fr) DR
« Le système français est généreux : aucun autre pays n’autorise un produit avant AMM avec un prix libre. »
recyclage
Cyclamed a eu chaud L’ultimatum des grossistes a porté ses fruits : un carton nouvelle génération permettra d’éviter de nouveaux incidents.
E
n février dernier, la lettre de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) avait résonné comme un coup de tonnerre. Faute de régler les problèmes de sécurité des cartons Cyclamed, qui ont occasionné, lorsqu’ils contenaient par erreur des déchets infectieux, des accidents chez les salariés
des grossistes chargés de leur ramassage, ces derniers menaçaient de quitter le système au 31 décembre 2014. Une énorme épine dans le pied de l’éco-organisme Cyclamed pour qui les répartiteurs représentent des opérateurs incontournables. Après plusieurs mois de négociations, une solution vient d’être trouvée entre tous les acteurs (pharmaciens, grossistes, industriels), sous forme d’un carton doté d’un fond renforcé et d’un sac de protection. Le surcoût a été absorbé par les industriels du médicament, qui sont les financeurs du système. Espérons surtout que ce carton « nouvelle génération » évitera d’autres accidents. ❙
FORMATION
Le DPC suspendu aux négos Le couperet est tombé : le budget prévisionnel 2015 pour le développement professionnel continu (DPC) a été réduit de 20 millions par rapport à 2014. Il s’élèvera ainsi à 146 millions d’euros. « C’est très insuffisant. C’est un DPC low cost dont la qualité va baisser », s’alarme Gérald Galliot, président du conseil de surveillance du DPC. Pour que l’ensemble des professionnels de santé puisse être en conformité avec la loi, 656 millions d’euros sont nécessaires, avait indiqué l’Ins-
pection générale des affaires sociales (Igas). Le budget a donc été adopté uniquement à titre conservatoire, en attendant une réforme du dispositif, « nécessaire, de façon à ce qu’une partie entre dans les clous budgétaires », avance Gérald Galliot. Parmi les pistes
de réflexion au menu des concertations menées par la direction générale de l’offre de soins : recentrer le DPC sur des priorités nationales encadrées par la stratégie de santé, le rendre complémentaire de la formation professionnelle continue et supprimer l’obligation annuelle pour la rendre triennale. Sera aussi abordée la question de son financement et de sa gouvernance. Les échanges se clôtureront le 29 janvier, avant d’en présenter les conclusions à la ministre de la Santé, qui tranchera.
Actualité
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
REPÈRES
82,6
13 %
840
5 000
C’est ce que représentait le marché du médicament vétérinaire à l’officine en chiffre d’affaires à fin octobre 2014, soit une augmentation de 7,9 %.
ne respectent pas du tout le traitement qui leur est prescrit. En comparaison, ce taux n’est que de 2 % dans les autres classes d’âge.
nés en Roumanie exercent actuellement en France, soit une augmentation de 377,3 % sur la période 2007-2014. En 2020, ce chiffre pourrait passer à 2 700.
C’est le nombre de dossiers de victimes présumées du Mediator que l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (Oniam) doit encore examiner : 8 600 lui ont été déposés depuis 2011.
millions d’euros
généralistes
des 18-24 ans
(Source : sondage OpinionWayWelcoop)
(Source : La Dépêche vétérinaire)
(Source : Conseil national de l’Ordre des médecins)
honoraires
génériques
Au 1er janvier, les honoraires pharmaceutiques seront officiellement lancés… et cela concerne aussi les propharmaciens, ces médecins habilités à délivrer directement au patient des médicaments, essentiellement en régions rurales ou en montagne. Il reste actuellement une centaine de ces professionnels à double casquette dans l’Hexagone. Qu’ils soient rassurés : un texte à paraître en début d’année prévoira qu’ils puissent toucher les honoraires de dispensation sur les médicaments qu’ils délivrent. ❙
La prescription en dénomination internationale commune (DCI) n’est pas près d’être appliquée par les médecins. La loi la rend pourtant obligatoire au 1er janvier 2015. « Mais les logiciels ne sont pas adaptés et ne seront pas prêts à cette date », assure JeanPaul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), qui dit ne pas savoir si des sanctions sont prévues. La faute reviendrait en tout cas aux éditeurs de logiciels qui n’auraient pas anticipé cette obligation et demandent par ailleurs qu’une autorité vérifie l’intégration des données : « cela leur pose un problème de responsabilité en cas d’erreur ». ❙
Les propharmaciens ne seront pas oubliés
La DCI en suspens
MACRO / ÉCO
La France presque seule au monde Les dépenses de médicaments augmenteront partout dans le monde jusqu’en 2018. Partout ? Non. Deux pays résistent à la tendance : l’Espagne… et la France. Avec 1 300 milliards de dollars prévus en 2018 dans le monde, le marché pharmaceutique est en forte augmentation, notamment à cause de nouvelles thérapies coûteuses et du vieillissement de la population. Mais en Espagne et en France, les autorités ont décidé de tailler dans les dépenses ; à titre de comparaison, la Chine, deuxième marché mondial, dépensera 70 % de plus par habitant en 2018. 1 400 Dépenses pharmaceutiques par habitant (en dollars) 2013
1 000
2018
800 600 400 200 0
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IMS Health/Global Outlook for Medicines Through 2018
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