Pharmacien de France n° 1267 (partiel)

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L’INTERVIEW

« Vacciner à l’officine n’est pas la solution »

RMaCIeN

Jean-Paul Ortiz, CSMF

DEFRANCE

Le PHaRMaCIeN w ww. lep harmaci e ndef ra nce. f r

Nous sommes déprescripteurs !

Quels lendemains pour EllaOne ?

Les gels lavants pour bébé

DÉCRYPTAGE P. 24

ENQUÊTE P. 30

BANC D’ESSAI P. 54

DEFRANCE No 1267 FÉVRIER 2015

TABOU L e SUR LES PRIX

RMaCIeN

PHaRMaCIeN

La disparition de la vignette et l’instauration des honoraires bousculent le dogme sur le prix des médicaments à l’officine. ENJEUX P. 16

DEFRANCE

DEFRANCE


L’Éditorial

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Prêts pour la vaccination !

Philippe Gaertner

© MIGUEL MEDINA

Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

No 1267 I 56e année I 05/02/15 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0217 T 81323 www.lepharmaciendefrance.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 Télécopie : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Garnier DIRECTRICE DE LA RÉDACTION : Jocelyne Wittevrongel RÉDACTEUR EN CHEF : Laurent Simon (lsimon@lepharmaciendefrance.fr) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Anne-Laure Mercier (almercier@lepharmaciendefrance.fr) RÉDACTEURS : Élise Brunet (ebrunet@lepharmaciendefrance.fr) I Claire Frangi (cfrangi@lepharmaciendefrance.fr) SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Joséphine Volat (jvolat@lepharmaciendefrance.fr) ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Anaïs Bellan I Fanny Rey I STAGIAIRE : Nicolas Rivrin-Zekri CRÉATION ET RÉALISATION : Rampazzo & Associés www.rampazzo.com - blog.rampazzo.com CORRECTION : Francys Gramet IMPRESSION : Lescure Théol 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Photos : Miguel Medina Dessins : Martin Vidberg Infographie Conseil : Stéphanie Goutte DIRECTEUR COMMERCIAL ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmaciendefrance.fr) Tél. : 01 42 81 56 85 Fax : 01 42 81 96 61 ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 L’abonnement d’un an France-Corse : 95 € TTC I Guyane : 93,05 € TTC I Guadeloupe, Martinique, Réunion : 94,03 € Étranger : 160 € I Achat au numéro : 15 € TTC I 1 thème DPC (3 livrets) : 30 € I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0217 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros Cogérants : Éric Garnier I Jocelyne Wittevrongel Date du contrôle OJD : 14/11/2013.

Q

uelques semaines possibilité de se faire vacciner, contre la grippe après ce qui devait par exemple, directement à l’officine, ils le font. être le cataclysme Et la couverture vaccinale s’en trouve renforcée, annoncé par cer- alors qu’elle est en chute libre en France depuis tains, que s’est-il quelques années. Mais il y a une autre raison, passé en réalité ? Réponse : rien. Ou si peu : qui me tient à cœur en tant que représentant à part quelques dizaines de factures ­rejetées sur interprofessionnel : cette démarche ne se ferait les 2 millions émises chaque jour, aucun au détriment de personne. J’entends – et comme ­problème n’est à signaler. Nous sommes tous je les comprends en ces temps de crise ! – les aujourd’hui – vous, moi et même ceux qui inquiétudes des autres professionnels de santé. s’étaient érigés contre – Infirmiers, médecins… « La vaccination des pharmaciens rémunérés à chacun son travail, ces aux honoraires. En attendant choses sont acquises et ne à l’officine ne se la seconde étape – le passeront remises en cause ferait au détriment d’aucune manière. sage à 1 euro par boîte au 1 er janvier 2016 – il est Encore une fois, regardons de personne. » temps de laisser de côté les les expériences étrangères. arguties stériles pour prendre en main l’avenir Les patients qui accepteraient la vaccination de la profession et faire évoluer encore la officinale « échappent » de toute façon à tous ­rémunération mixte. les autres professionnels de santé : trop pressés Les débats s’enchaînent sans toujours laisser pour prendre rendez-vous chez le médecin, trop le temps à la réflexion mais un sujet a dû attirer « bien portants » pour être pris en charge par votre attention depuis quelques semaines : des infirmiers dont le rôle premier est l’accomla vaccination à l’officine. La FSPF s’est à plu- pagnement des patients chroniques… Nous sieurs reprises – et je le refais aujourd’hui – voyons 3 à 4 millions de personnes par jour dans montrée volontaire pour permettre le suivi des nos officines, ce qui fait de nous de véritables vaccinations et la pratique des rappels hubs de santé publique. Il y a de la place pour ­directement dans les pharmacies. Pourquoi ? tous au service de cette grande cause. Alors Premièrement parce que cela fonctionne. pourquoi se priver de l’apport des pharmaciens Les expériences étrangères (Angleterre, Portu- et prendre le risque de voir la couverture vaccigal…) le prouvent : quand les patients ont la nale diminuer encore dans les années à venir ?

Le site fait peau neuve ! Un design actualisé, une identité réaffirmée, un support adapté à une lecture nomade… À nouvelle année, nouveau site internet ! Décidés à répondre à l’évolution des usages de la profession en termes d’information, nous préparions depuis un an l’outil que vous pouvez maintenant découvrir à l’adresse www.lepharmaciendefrance.fr.

LA RÉDACTION

Février 2015 I No 1267 I 1


février 2015 Sommaire

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Actualité

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L’INTERVIEW

Jean-Paul Ortiz : « Vacciner à l’officine n’est pas la solution »

8 15

L’ACTU EN BREF LE KIOSQUE

16 ENJEUX Tabou sur les prix 20 DOSSIERS DE LA FÉDÉ

DÉCRYPTAGE

Santé

Officine

30

54

30 ENQUÊTE Quels lendemains pour EllaOne ?

44 INVESTISSEMENT Premiers pas en Sisa 46 OFFICINE EN BREF 50 PRODUITS

32 PANORAMA 36 CONSEIL CMV : Coupable Méconnu et Virulent 37 FICHE CONSEIL Les trois derniers mois de la grossesse La valise de maternité 40 INTERNATIONAL « Même pas faux ! »

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• •

SUBSTITUONS ! Escitalopram

54 BANC D’ESSAI Les gels lavants pour bébés 56 APERÇU

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CULTURE AUTO-MOTO

Nous sommes déprescripteurs ! Favoriser une médecine sobre, revenir à une prescription raisonnée, se ­recentrer sur l’intérêt du patient… À contre-courant de la ­surmédicalisation, une mouvance informelle se développe en France depuis une dizaine

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d’années. Portée par une poignée de « déprescripteurs » militants, cette tendance remet au centre de l’exercice médical l’écoute patient et la sobriété en termes de prescription. Une démarche qui détonne souvent parmi leurs confrères.

ABONNEZ-VOUS maintenant au Pharmacien de France. Rendez-vous sur www.lepharmaciendefrance.fr Ce numéro comporte un encart jeté de 8 pages « DPC Le cancer autrement ». Février 2015 I No 1267 I 3


Actualité En bref

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

CE QU’ILS ILS L’ONT DIT ONT DIT « Le ministère a inventé le mouvement d’écriture perpétuel. » Bernard Granger, psychiatre et défenseur de l’hôpital public, sur son blog « Dernières nouvelles du front », à propos des concertations à rallonge sur la loi Touraine.

DR

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Émilie Lanez, journaliste et auteur de Même les politiques ont un père à propos de Marisol Touraine et de son père Alain. (Source : Paris-Match)

économie

Le sofosbuvir en grande forme Après deux années de recul, le marché pharmaceutique français redresse la tête avec une prévision de croissance entre 2,5 et 3 % en 2014. Une réussite à attribuer aux performances commerciales du seul sofosbuvir (Sovaldi). Une croissance en trompe-l’œil, qui cacherait un chiffre d’affaires du médicament remboursable en ville qui serait en fait en recul de 2 à 2,5 % en 2014, selon le Leem, le lobby représentant les industriels du médicament. ❙

capital

Les adjoints ne se pressent pas Malgré le décret paru en juin 2013 qui ouvre aux adjoints d’officine le capital des SPFPL, « quelques dizaines seulement – moins de cinquante – d’entre eux ont été intégrés dans des SEL », note Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D du Cnop. À l’en croire, l’outil est pourtant indispensable à la profession : « Les officines doivent devenir des espaces de santé qui ne soient plus uniquement dédiés aux malades. Cela passe par la qualité, mais il faut aussi que celles qui le souhaitent puissent changer physiquement. Ouvrir l’outil­ holding aux adjoints c’est leur donner les moyens d’être force de proposition en ce sens. » ❙ 10 I No 1267 I Février 2015

« Le site d’information public sur le médicament n’est qu’une compilation de documents illisibles. » © MIGUEL MEDINA

« Rien de ce qu’elle fait n’est […] assez bien pour le grand professeur Touraine. Il n’y a aucune place chez elle pour la fantaisie. »

Gilles Bouvenot, ancien président de la commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’une séance commune des Académies des sciences, de médecine et de pharmacie.

conditionnement

Le « macaron » revu et corrigé Le projet initial du gouvernement de faire figurer le SMR sur les boîtes a été chamboulé mais verra bien le jour.

E

t voici que l’on reparle de l’affichage du service médical rendu (SMR) sur les packagings. Cette mesure, portée depuis des années par Bruno Maquart, directeur de cabinet de Marisol Touraine­, et qui devait être lancée au 1er janvier dernier, continue son petit bonhomme de chemin, avec de nombreuses modifications. Première d’entre elles : exit le macaron

noir, signalant les SMR insuffisants, remplacé par un macaron orange moins stigmatisant. Le SMR faible serait signalé par du bleu, le modéré par du rouge, l’important par du vert… Par ailleurs, le macaron ne serait plus un rond de couleur divisé en autant de quartiers qu’il existe d’indications à la spécialité concernée. Dans le projet, si une spécialité possède plusieurs SMR, seul le plus élevé serait indiqué sur le conditionnement extérieur ou, à défaut, sur le conditionnement primaire. Les textes sont prévus pour entrer en vigueur le 1er juillet prochain mais les industriels du médicament, vent debout contre la mesure depuis le départ, auront un délai de douze mois pour s’y adapter. ❙

E-COMMERCE

La guerre des panels a eu lieu Celtipharm sème le trouble : selon ses calculs, le chiffre d’affaires moyen d’un site de vente en ligne d’une pharmacie serait de 65 000 euros sur l’année. La même étude, réalisée pour le compte de l’Association française de l’industrie pharma­ ceutique pour une automédication­ res­ ponsable (Afipa), affirme également que seuls 300 000 euros de médicaments auraient été vendus en

ligne en 2014, et que cela repré­ senterait donc moins de 0,1 % du marché. Benoît Thomé, gérant de Median Conseil, qui s’appuie sur les données de vente d’un panel représentatif de moyens et grands sites, rétorque : « Sur le seul mois de septembre 2014, le chiffre d’affaires moyen des sites de notre panel était de plus de 70 000 euros hors taxes et hors frais de port. De plus, le premier site en France réalise à lui seul

beaucoup plus de 300 000 euros de chiffre d’affaires rien que pour le médicament. » C’est la seconde fois en quelques jours que les chiffres de Celtipharm sont contestés. À la suite des attentats perpétrés à Charlie Hebdo à Paris, le panéliste avait fait état d’un bond de 18 % des ventes d’anxiolytiques et de somnifères. Des données immé­ diatement réfutées par l’Ordre des pharmaciens qui affirmait exactement l’inverse, à partir des données issues du dossier pharmaceutique.


Actualité

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

REPÈRES

40 000 15 %

50 % seulement des décrets d’application seraient, en moyenne, publiés par le ministère de la Santé après la publication de leur loi de référence. (Source : Le Canard enchaîné)

200

euros

des ordonnances

vont être consacrés à la traduction en langue des signes française (LSF) des notices de médicaments, qui sera réalisée par l’Union régionale des parents d’enfants déficients auditifs. (Source : Journal

sont prescrites en dénomination commune internationale (DCI) en France, contre trois fois plus en Allemagne. Les génériques sont prescrits dans 40 % des cas en France, contre 70 % outre-Rhin. (Source : Le Figaro)

pharmaciens titulaires

international de médecine)

sont devenus adjoints en 2014. L’une des raisons expliquant ce changement de statut est la fermeture des officines. Toujours en 2014, 600 adjoints sont devenus titulaires. (Source : États généraux du pharmacien adjoint)

e-santé

paracétamol

Le dossier pharmaceutique (DP) accessible au patient sur smartphone pourrait bien devenir un jour réalité. C’est en tout cas le souhait qu’a exprimé Isabelle Adenot, la présidente de l’Ordre des pharmaciens, le 19 janvier dernier. « On pourrait imaginer que des applications soient créées, qui seraient liées au DP, par exemple pour favoriser une meilleure observance, précise-t-elle. Cela interviendrait dans un cadre plus large que celui du carnet de vaccination électronique. » Toutefois, elle a laissé entendre qu’il n’y aurait pas en 2015, sauf opportunité, d’avancées sur ce point qui « passe par une modification législative ». ❙

Les baisses de prix appliquées début 2015 sur le paracétamol signent-elles l’épilogue d’une séquence médiatique qui a débuté fin 2013 avec la proposition de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d’autoriser la substitution du Doliprane ? L’initiative avait soulevé l’ire des industriels concernés, BMS et Sanofi en tête. Mais les autorités ne s’interdiront pas de revenir à terme sur ce sujet afin de négocier de nouvelles baisses de prix, voire même une augmentation de la taille des conditionnements, les marges des industriels étant considérées comme toujours « confortables ». ❙

Le DP au bout des doigts

Baisses de prix à suivre ?

MACRO / ÉCO

La fraude (détectée) des professionnels de santé Les politiques sont prompts à dénoncer le rôle de la fraude des assurés dans les déficits de l’Assurance maladie. Qu’en est-il des professionnels de santé ? Ce sont les infirmiers, très nombreux en France, qui tiennent le haut du pavé de ce douteux classement, juste devant les transporteurs sanitaires. Les pharmaciens arrivent loin derrière. À titre de comparaison, les fraudes aux prestations en espèces, essentiellement commises par les assurés, représentent « seulement » 13,2 millions d’euros en 2013. Transporteurs sanitaires et taxis

Masseurs-kinésithérapeutes

Chirurgiens-dentistes

Infirmiers

Pharmaciens

Médecins (millions d’euros) 2011

2012

0 2013

2

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8

10

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18

20

Source : rapports 2014 et 2013 de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF).

Février 2015 I No 1267 I 11


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