Grand petit homme Du 8 au 28 septembre 2017
Laurent Mazuy
Le pays oÚ le ciel est toujours bleu La Chapelle, espace d’art contemporain de la Ville de Pithiviers
Tome 4
La chapelle dédiée à saint Michel est accessible de la rue de Senives par une large porte ouvragée à deux vantaux en bois panneautés. Cette baie est encadrée par deux colonnes à chapiteaux ioniques coiffées d’un fronton triangulaire appareillé. Ce premier dispositif ostentatoire ouvre sur une grande salle ovoïdale donnant sur une abside placée dans l’axe de la porte d’entrée. Les voûtes des deux pièces reposent sur un large entablement mouluré et sont percées d’un puits de lumière. L’abside ornée d’une fresque couvrant la totalité de son mur et de sa voûte déploie à sa jonction avec la première salle la magnificence d’un arc en anse de panier à décor de caissons retombant sur des pilastres cannelés à chapiteaux ioniques. La fresque 1, un trompe-l’œil transformant l’abside en loggia (gardecorps, colonnes, chapiteaux, entablement...), figure l’apparition du Saint-Esprit représentée au centre de la composition par un triangle équilatéral doré surgissant dans la trouée d’un tourbillon de nuages : une gamme de gris colorés, de bleu et de jaune-orangé. Ces derniers, qui débordent et enveloppent pour partie les différents registres architecturaux, sont accompagnés du vol d’une myriade de putti et de deux anges musiciens costumés à l’antique et placés en symétrie. L’ensemble de la peinture qui n’est naturellement qu’illusion, est rehaussé de corbeilles et de guirlandes de fleurs, d’effets de drapés pourpres, verts, roses, bleus... La première salle est blanche. Son sol est un dallage de pierre calcaire recouvrant deux caveaux. Sept tableaux (réalisés en 2016 2) posés sur des chevalets sont disposés en cercle au centre de la grande salle. Des 80F et des 100F et P 3 sont à touche-touche formant une sorte de tipi. Une façon de
contourner le fait qu’aucun tableau ne peut être accroché au mur, la chapelle étant inscrite au titre des monuments historiques ? Certes non. Il est question d’introduire une architecture (de peinture) qui travaille les composants néo-classiques du lieu. Les tableaux apportent à la voûte sa contreforme et baignent dans une lumière zénithale (celle des puits de lumière). La succession de chaque toile tendue sur un châssis de bois, apprêtée d’une couleur texturée parfois rehaussée, compose un mouvement circulaire. L’ensemble dessine un cône tronqué à la paroi facettée. Chaque tableau porte deux registres de formes, deux natures d’interventions conjuguées, indépendantes l’une de l’autre. Les structures solides et les structures liquides articulées jouent le nombre et l’idée baroque d’une grotesque inachevée. Elles proposent une lecture spiralée des associations de matières et de couleurs, laissant à l’ornement le rythme et à l’incongru l’épaisseur. La peinture se confronte à la fresque dans un impossible dialogue, toutes deux portent une rhétorique spécifique basée sur un principe d’entrecroisement, entre raideur et mouvement... Le titre de cette exposition est Grand petit homme.
Laurent Mazuy
1 – Le Concert des Anges, d’Ange-René Ravault (1766-1845) Épigraphe centrale dans la partie inférieure de la fresque « Les peintures de ce sanctuaire furent faites en 1790 & 1791 / par A. R. Ravault / Qu’elles soient pour ceux qui les voient la preuve de son / amour pour le plus beau des arts plus que celle de / son talent qui n’était qu’à son aurore ! » 2 – Un tableau réalisé en 2017, Le perroquet taoïste, fait exception. 3 – 146 x 114 cm (4 tableaux), 160 x 130 cm (2 tableaux) et 160 x 114 cm (1 tableau).
La serviette de bain, 2016 Vernis, acrylique, silicone, mousse, éponge, bois, matériaux divers et toile apprêtée – 160 x 130 cm
Le champ d’orge bleu, 2016 Vernis, silicone, mousse, polystyrène et toile apprêtée – 146 x 114 cm
L’exilé, 2016 Silicone, mousse, éponge, bois et toile apprêtée et découpée – 160 x 114 cm
Le poirier (rond), 2016 Vernis, silicone, éponge, polystyrène, plâtre et toile apprêtée – 160 x 130 cm
L’oiseau mouillé, 2016 Vernis, acrylique, silicone, polystyrène, bois, matériaux divers et toile apprêtée – 146 x 114 cm
Le perroquet taoïste, 2017 Vernis, silicone, mousse, toile de peintre, autocollant et toile de jute apprêtée – 146 x 114 cm
Le sabre (rouge), 2016 Vernis, silicone, noir de fumée, mousse, éponge, polystyrène et toile apprêtée – 146 x 114 cm
Laurent Mazuy expose sept toiles dans la « Chapelle, espace d’art contemporain », de Pithiviers. Bien que, normalement, il expose ses tableaux au mur, et à hauteur d’œil 1 ; dans la chapelle classée, hors de question de planter un clou. Les tableaux sont donc disposés sur des chevalets. C’est assez ironique, parce que la peinture de chevalet a disparu, en tant que pratique (depuis Pollock, ou Buren, les avis divergent), sauf pour les peintres souvent du dimanche, ce que n’est pas Mazuy. Il dispose donc, sur des chevalets de facture classique, des toiles qui sont complètement contemporaines. Voilà pourquoi c’est ironique. On aurait pu installer différemment ces toiles ; imaginer ; et trouver d’autres supports. Mais Mazuy a choisi le chevalet comme un clin d’œil au regardeur qui, de bas en haut, ou l’inverse, passera à loisir entre différentes époques ou pratiques d’exposer la peinture, le tout conjugué au décor - très chargé - , de la chapelle : ce que ne sont pas les peintures de Mazuy ; au contraire, et pour le coup, on pourrait dire qu’elles sont dé-chargées, au moins dans la forme. Il y a ici une économie à l’œuvre. Mazuy, dans son texte accompagnant son exposition, parle tantôt de disposition en « tipi », et de « cône tronqué ». Le lecteur appréciera l’indice du tipi, en mode à la fois de refuge, de protection et de résistance de la peinture aux aléas des mutliplications des supports contemporains. Il y verra aussi un clin d’œil à la circularité du lieu, la chappelle formant rotonde.
1 - Voir l’article : http://art-icle.fr/latelier-de-laurent-mazuy
On remarquera que chez Mazuy la peinture ne se contente pas d’à-plats ; toutes sont tridimensionnelles : largeur, longueur, épaisseur. Cinq sont dotées de fond monochrome, l’une bichromatique, et la dernière livre une toile crue. En effet, sur chaque toile on trouve, par endroits, des ajouts de matériaux qui, eux-mêmes, comme le signale Mazuy dans son texte, se divisent en deux types qu’il désigne en tant que « registres de formes, deux natures d’interventions conjuguées, indépendantes l’une de l’autre. Les structures solides et les structures liquides ». Il y a donc trois principaux composants dans la toile mazuyenne ; un monochrome, ou quasi, et deux types de matières ajoutées. Ajoutées, ou surgissantes ? Les structures volumétriques ne seraient-elles pas, après tout, des éruptions ? Il est assez banal de rappeler que la peinture est un simulacre, emprunté au latin classique simulacrum, “représentation figurée de quelque chose” ; et par dérivation “image, portrait, statue” ; “fantôme, ombre”, “apparence”. Donc nous sommes ici dans l’expectative : S’agit-il d’une projection ? D’un dépôt ? D’une irruption ? Là est le simulacre. Mais que veut dire Mazuy quand il parle de structures solides et de structures liquides ? Comme le regardeur peut le constater, il y a deux types de reliefs ; les uns sont des découpes de solides, les autres des liquides figés. Je dis reliefs, et, là encore, il se joue certainement là quelque chose de l’ordre de l’histoire de la peinture et des « registres » entre eux, et, comme l’artiste le signale, avec la fresque (Le Concert des Anges, d’Ange-René Ravault) et les toiles mazyuennes. Ce sont des documents de ce qu’il en est de la peinture, à telle époque, à tel moment, dans l’esprit de tel peintre. Et ce sont donc des indices.
Fabrice Bothereau
Le sabre (rouge), 2016 (détail) Vernis, silicone, noir de fumée, mousse, éponge, polystyrène et toile apprêtée – 146 x 114 cm
En savoir + Laurent Mazuy La Chapelle, espace d’art comteporain
www.laurent-mazuy.net www.pithiviers.fr
La Chapelle, espace d’art contemporain À l’égard de l’épigraphe de la fresque de cet édifice patrimonial « Les peintures de ce sanctuaire furent faites en 1790 & 1791 par Ange-René Ravault qu’elles soient pour ceux qui les voient la preuve de son amour pour le plus beau des arts plus que celle de son talent qui n’était qu’à son aurore », La Chapelle, espace d’art contemporain, nouvellement restaurée par la Ville de Pithiviers se fait discrète, rue de Senives à Pithiviers. Elle accueille en toute liberté, depuis le mois de mai 2016, de jeunes artistes contemporains, qui s’imprègnent, s’inspirent, s’expriment, proposent leur travail artistique et entrent en résonance avec ce lieu chargé d’histoire. Les 44 pots à pharmacie en exposition permanente, classés monuments historiques et issus de la collection du Musée d’art et d’histoire de Pithiviers, témoignent du passé tant religieux qu’humaniste de ce lieu qui aujourd’hui a la vocation d’amener le public qui le fréquente à voir, à ouvrir son esprit, à contempler, à réfléchir grâce à l’art. (Laetitia Jolivet, Directrice de la culture de la Ville de Pithiviers) La Ville de Pithiviers a confié pour la saison 2017/2018 au POCTB la programmation de trois expositions d’art contemporain dans la Chapelle.
Le POCTB Le pays où le ciel est toujours bleu est un label de création et de médiation en art contemporain installé au 5 rue des Grands-Champs à Orléans. Ce label s’envisage comme une force de propositions et de réflexions sur les territoires. Il développe en France et à l’étranger depuis sa création en 2000 des actions à partir d’outils qui portent une dynamique et un dialogue permanent avec les artistes et les publics : La borne, micro-architecture de création en art contemporain itinérante en région Centre Val de Loire ; des expositions ; des aides à la production et à la publication ou encore des échanges avec d’autres associations d’artistes. Direction artistique du POCTB : Sébastien Pons Graphisme : Sébastien Pons
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