1975 09 00 - Visages de l'Ain n°141 p 1 17

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EN GUISEDE PREFACE Amis lecteurs, votts ne trouverez pas dans ce numéro de notre revue I'habituelle moisson d'échos, d'articles et d'études consacrésà nos pays de I'Ain, pas plus d'ailleurs que les habituels ilinéraires touristiques.Notre comité unanime a décidé d'en faire un hommag hélas posthum à cette grande dame, notre amie, que fut, que sera toujours Delphine Arène: cette intentionfraternelle répond d'ailleurs au veu des nombreux lecteurs qui, dans noÛe département,sovouraient toujours ovec grand plaisir ses livres, ses contes ou .res articles. Personnellement,j'ai peu connu Delphine Arène, en ce sensqueje I'ai rarement rencontréedans nos randonnéesd'étude aux quofte coins de I'Ain. A Nantua, bien sfir, et à Retord !... Etait-il possible, était-il pensablemême, de parler de Nantua ou de Retord sans I'y associer,sansfaire appel à son concoursou à sa vaste culture régionale, sens y associer quelqu'un de sesécrits ? Une grand dame, certes,mêlant à un savoureux côté Vieille France, une incroyable gentillesse, une fraîcheur d'enfant et aussi, avecplus d'un demi-siècle d'avAnce,un farouche sentiment de défense de la nature. Aucun écologistejamais ne saura défendre notre montagne iurassienne, se flore et sa faune, avec autant de dynamisme,autant de constanceet naturellement autant de lyrisme délicat et de véritable connaissance.Connaissance faite d'une intuition profonde, d'une expérience chevronnée,de souvenirs écheIonnés sur trois générations, et peut-être aussi d'une conviction inébranlable, impossible à décourager,que cette nature était à jamais la chance des hommes de chez nous, le berceau de la sagesse, la source de tout espoir. Gaston Roupnel, Joseph de Pesquidoux, Henri Pourrat, Maurice Genevoixont célébré avec bonheur la Bourgogne, I'Aquitaine, I'Auvergne, la Solognë; aucun assurément n'e eu eu service d'une telle cause la constance, I'envolée, le chant de Delphine Arène. Il est iuste et remarquable que ses amis assemblésau dernier jour I'aient célébrée comme la doyenne des journalistes de I'Ain, qu'ils aient rappelé à plusieurs reprises ce titre dont elle était si fière, sansforfanterie, avec une sorte de touchante candeur. Formée à cette fameuse éducation de la bourgeoisie catholique qui enseignait aux jeunes filles les arts d'agrément et I'art d'être une maîîesse de maison accomplie, elle avait fait de ce bagage utilitaire une sorte de clé magique, un précieux sésamepour se créer une rare culture, capable de célébrer avec lo même aisance la floraison prodigieuse des narcissesà la combe de la Vézerone.la vie des paysans d'auftefois, les légendesu bugeysie.nnes D ou les recetîes savoureuses de nos grands mères, de la grenouillade à la soupe aux cerises... Nous sommes nombreux aujourd'hui à regretter que sa discrète collaboration à notre revue n'aî| pas été plus nourrie encore et ces regrets sont la raison première du prësentfascicule qui ne veut êÛe que notre modestecontribution à une onthologie qu'il faudra bien réaliser un jour. S'il ne s'y trouvepas le très classiqueitinéraire touristique, vousy Ûouverez, pourtant chers lecteurs, un incomparable itinéraire de la q montagne t" de ( so )) montagnequ'elle a magnifiée et défendueevec Ia fougue et la flamme d'un paladin sans peur et sans reproche; après tout ce florilège cordial offert à la mémoire de notre grande Delphine n'est-il pas à bien des degrés un original et saisissant u visage de I'Ain t ?

Paul PERCEVEAUX


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BIBLIOGRAPHIE Petites Heures, Nantua. Imprimerie Arène. 1923. Les Veilleuses, Nantua. Imprimerie Arène. 1926. L'Histoire et les Légendes de Maria-Màtre, Nantua. Imprimerie Arène. 1927. La Passëe, Nantua. Imprimerie Arène. 1934. Meyriat, Nantua. Imprimerie Arène. 1934. Mon Lac, Nantua. Imprimerie Arène. 1934. Au Soleil de Seprembre, Bourg. Imprimerie Berthod. 1935. L'Eglise abbatiale de Nantua, Nantua. Imprimerie Arène, I935. 2e édition. Nantua. Imprimerie Arène. 1938. Le plateau de Retord; son histoire, ses contes. ses maisons. ses légendes, Nantua. Imprimerie Arène. 1936. Les Démowagneurs, Nantua. Imprimerie Arène, 1937. Mère Donalil/e, Nantua. Imprimerie Arène, 1938. Le Chanoine Barbet, Nantua. Imprimerie Arène, 1940. Le Chanoine Garcin, Une Famille de chez nous : les Goyffitn, Nantua. Imprimerie Arène. 1943. L'Etranglière, Grenoble. Ed. Revue des Alpes. 1945. Le plateau de Retord, Bourg. Imprimerie Berthod, 1974. (nouvelle Edition).

Delphine Arène a publié des romans dans l'Abeille du Bugey et du Pays de Gex. Dans ses notes personnelles, elle a donné elle-même la liste. Le Creux de I'Anvers. Le Cierge pendant l'Orage, Mademoiselle Mathieu, député. Pauvre Ame, c'est cela. Le Tacot engktuti, La Maison d'en .face. Gouvernances. Le roman de Corinne (Bulletin de la Société des Naturalistes d'Oyonnax, no 6, Janvier 1952.

Aux romans il faut ajouter un certain nombre de pieces de théâtre, composéespour des troupes de la région et jouées surtout entre les deux guerresà Nantua sur le parvis de l'église ou à la salle Saint-Michel (notamment une Jeanne d'Arc et la Revue de Cerdon. Delphine Arène ne collectionnait pas ses propres æuvres: ellesn'existentsouventaujourd'hui qu'en fragments tres incomplets. Delphine Arène avart encouragéson ami le docteur Gauthier, au moment ou il fondait, en 1948. notre revue Visagesde I'Ain et des le deuxième numéro, elle nous donnait un très bel article sur les lacs bugistes: neuf autres suivkent, le dernier en 1969 pour évoquer la mémoire de notre fondateur. Troislacs,Visagesde I'Ain. no2. 1948.p. 40-44. Un Voyageur révolutionnaire, (La Vallee). no 18. 1952. p. 23-

29. Armorial gastronomique de I'Ain : Moulin-Chabaud; Hôtel Mollard. no 29. 1955. p. 72. Nantlta: Hôtel du lac. no 29. 1955. p. 74. Au suiet du Rerutuveau de Përouges et Auguste Arène, no 54. 1 9 6 1 ,p . 4 0 . Nuir de Prinremps, no 63, 1961. p. 40. La Rivière d'Ain d'Alphonse de Lamarrine (préfacé par Delphine Arène). no 69, 1963. p. 33-34. Les Avatars d'un Tableau (Martyr de Saint-Sébastien de Delacroix), no 74. 1964. p.2-3. L'Eré dir adieu à Retrtrd, no 88. 1966. p. 53-54.

L e Bas-Bugey,no 90. 1967, p. 40. In memttriam , le docteur et Madame Pierre Gauthier.

n o 1 0 6 . 1 9 6 9 .p . 5 - 6 . Delphine Arène a donné une contribution très abondante au Bulletin de la Sociëré des naruralistes el archéologues de l'Ain, Bourg, Imprimerie Befthod. P a y s a g e ds e R e r r t r d ,n o 3 9 . 1 9 2 5 ,p . 3 l - 3 4 . M e y r i a r n, o4 2 . 1 9 2 8 .p . l 8 l - 1 8 9 . L e C y c k t n ed e 1 9 2 7 , n o 4 3 . 1 9 2 9 ,p . 1 2 9 - 1 3 7 . M o n L a c , n o 4 4 . 1 9 3 0 .p . 1 7 3 - 1 8 7 . Un Village de che: nr)us; Dttrcltes,no 46. 1932. p. 225-234. Un Jour de Juin le Lortgde la Valserine, no 41. 1933.p.312320. Croquis er Paysages,no 48. 1934.p.226-234. Au Soleil de Septentbre,no 49. 1935. p. 244-252. L e s b o n n e sD a m e sd e N a r t t u a ,n o 5 1 . 1 9 3 7 .p . 2 1 7 - 2 2 j . L e P a p e g e adi e B o u r g , n o 6 0 . 1 9 4 6 .p . 1 9 8 - 2 0 9 . Le Mystèredu Cltàreaude Gramnt()nt,no 59. 1945.p. 178I85. Souvenirsur le (( Tin te bin r de Nantua,no 63. 1949.p. l2l125. A r v i è r e s ,o ù x t u f f l e l ' E s p r i r ,n o 6 9 . 1 9 5 5 .p . 9 9 -1 0 3 . L o F o r ë r d u H a u r - B u g e 1nt ,o 7 3 , 1 9 5 9 .p . l l 9 - 1 2 3 . Quelques-uns de ces articles ont été repris sur les presses de I'imprimerie Arène, en fascicules, parfois en les modiliant un peu, selon une habitude constante de Delphine Arène qui reprenait d'anciennes contributions en les écrivant de façon nouvelle. Delphine Arène, après la guerre de 1939-1945 a donné une chronique hebdomadaire à deux journaux de notre département, La Voix de l'Ain édité à Bourg et La Tribune edité à Bellegarde. Cerlains de ces articles ont été édités en même temps dans Le Gessien. A signaler une chronique qui retint longtemps I'attention de nombreux lecteurs et des historiens locaux 1/ y a cenï ans... (le chiffre variait souvent) ou Delphine Arène, à partir de sa collection de L'Abeille reprenait les nouvelles du département, en un journal rétrospectif (dans La Tribune et Le Gessten seulement). Elle a collaboré de nombreuses années irrégulièrement au Dauphiné libéré et à L'Echct-Liberté et avant la guerre assuré la chronique judiciaire de Nantua, dans le Nouvelliste. Mais, avec son frère Emile Arène et son père Julien Arène elle a assuré la direction du journal familial L'Abeille du Bugey et du Pays de Gex et écrit chaque semaine de nombreux articles. des contes et nouvelles, et des chroniques jusqu'à la mort de L'Abeille en 1944. Iæ docteur Gauthier dans un fichier manuscrit appartenant à notre revue, mais qui a été communiqué aux archives de I'Ain et à la bibliotheque de Brou pour établir leurs propres flchiers, a recensé dans L'Abeille les articles les plus intéressants pour I'histoire et le folklore bugistes. Il n'est pas possible, en raison de I'importance de la matière, de donner une recension exhaustive de I'ceuvre immense de Delphine Arène dans son propre journal et ceux de la région.


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un sourire, I'aimable permission,en ajoutant, comme Madame de Sévigné à son cousin Bussy-Rabutin,< il était joli mon grand-père! >. J'espère,un jour, en témoignaged'amitié, satisfaire à ce dernier désir.

héréditéprovençale,le premier Arène venu chez nous avait toute la vivacité, la pétulanceet la chaleur communicativedont notre Delphinehéritera, avec le goût de la lumière, et I'inaltérable optimisme qui lui permettra de voir toujours le bon côté des choses.Pourtant Auguste Arène était né au milieu desbrouillardsde la Bresse< à I'instant mêmeoù le vieux Janus fermait la porte de I'année l8l2 et ouvraitcellede I'année1813, pendantle court intervalle qui, en ce

O AugusteArène,le fondateur Iæs Arène n'étaient pas Bugistes mais d'origine méridionale, lointains cousins de Paul Arène. De cette

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moment, sépara le dernier son du timbre annonçant minuit du premier son de la répétition de cette heure >>,dans une petite maison à I'angle de la rue des Bons Enfants et de la rue Cropet. En ces temps de gloires impériales, il reçut le nom d'Auguste, celui d'un oflicier de Napoléon, ami de sa famille, qui pour I'heure se battait glorieusementdans les steppesrusses.Quand I'enfanteut grandi et brillé à I'Ecole Mutuelle, I'officier en demi-soldeI'emmenaun jour jusqu'à Gravelles, ou le vin pétillant, débordant des coupes, inspira au prote de I'imprimerie Dufour, Giraud, un éloge si vibrant de l'art de Gutenberg,que le jeune adolescent décidaau retour,d'entrer à l'atelierdu grandimprimeurbressan de la rue ue de Notre-Dame. Musicien. arti ste.i lt rencontralà l'élit eint ellectuel l ede l a peti teca pit ale,en par t iculier le poèteGabrielde Moyria, à qui il voueratoute sa vie une grande admiration. Formé à bonneécole,I'idéelui vint de se mettre à son compte.Une première imprimerie avait fonctionné un moment à Nantua en 1794, mais elle avait été bientôt transférée à Bourg. En 1820. Dufour avait bien obtenu le brevet d'imprimeur pour Nantua, qu'il céda à Rossand,mais sansdonner de suite. En 1835, M. Thiers, Ministre de I'Intérieur du roi LouisPhilippe,accordait un nouveaubrevet à Auguste Arène qui dut verser la sommede I 800 F très lourds.Il lançait immédiatement < Le crieur public, feuilles d'annoncesjudiciaires et légales,et avis divers des arrondissementsde Nantua et de Gex >. Comme il fallait bien vivre, le jeune typographes'en allait, son parapluie sur l'épaule,et la canne à la main, à traversle Haut-Bug€y,glanerquelque travail ; mais souventil en était réduit au pain et à I'eau, heureuxcependant de découvrir la traditionnelle hospitalité bugiste si cordiale, et les beautésincomparablesdes vallons et des nrontagnes. A Nantua, fuène avait su rapidement se faire de nombreuxamis. Le patronage de I'avocat Béatrix qui vivait dans une maison de I'ancien cloître des Bénédictinset qui préparait une < Histoire du paysde Gex >, I'amitié du baron Laguettede Mornay


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cosaques.En fait durant trois ans il coula des jours heureux dans un château de Crimée, promu régisseur d'une comtesse russe dont le mari I'avait considéré comme Prise de guerre. Intendant, factotum, il était aussi chargé de meubler les loisirs de la dame: elle aPPréciait Racine, Rousseau, Voltaire, Corneille, que son majordome lui déclamait durant les longues veillées d'hiver, lorsqu'ils ne jouaient pas inlassablementaux échecs. Après Waterlo il revint, un beau jour, dans la Combe du Val. Il était trop jeune pour écrire ses mémoires,et c'est fort dommage: son petit-fiIs, Julien, arracheraplus tard à I'aïeul aveugle tout au plus quelques bribes de souvenirs. A 3l ans, Emilien décida de se marier et il épousa Marie-Louise Alleyme, la fille d'un charPentier catholard. dont la famille venait des Abergements.n était tellement attaché à son terroir qu'un moment il avait cru ne plus revoir, il avait telleAuguste Arène (fondateur de I'imprimerie) et Delphine Arène-Goyffon.

ment voyagéà travers toute I'Europe, que ce terrien ne put jamais se décider à abandonner son Chewil. Son épouse citadine qui aimait tant son Nantua < dont on dit qu'on ne peut le quitter sans larmes> ne voulut pas quitter non plus la Rue Impériale otr elle habitait, en face de I'hôtel de France. Mais les alléeset venuesfurent sufTisantespour que le coupleeût bientôt quatreenfants.En 1839, Delphine Goyffon avait l9 ans : elle était une jeune fille sageet accomplie, à peine sortie du pensionnat des sæurs de Saint-Charles. <<L.e,2laoût 1839,elle,dont le port élancéet le beau visageovale encadré de lourdes boucles châtain, la faisaient comparer à I'Impératrice Eugénie, épousait un petit homme, pasde cheznous,aux traits si mobiles qu'ils reflétaient en un instant la colère et la joie, I'enthousiasmeet le mépris. Eloquent, passionné,il sut séduirela belle Nantuatienneet I'entraîner dans la fortune incertaine et non sans danger d'un journaliste qui croyait en sa mission un peu à la manière d'un apôtre >. C'est leur petite fille qui a su, en traits charmants, évoquerainsi le mariagede ses grands-parents. J'avais cru naguère que le beau nom de Delphine, fleurant si joliment la Provence, avait été donné à notre amie par son père, en mémoire de son ascendanceméditerranéenne.En fait la grand-mère Delphine, une authentique bugiste de nos montagnes,don'' nera plus que son rofii : elle apportait avec elle l'éclatante santé de cette vieille race paysanne,la haute taille de ces < de montagneursD qui mesuraient autour de deux mètres, et la joie de vivre, en même temPs que I'attachementfoncier à leur terroir: de tout cela notre Delphine sera la v i vante i l l ustrati on. La verve poétique, qui fait souvent si cruelle' ment défaut aux Bugistes, son oPtimisme indéracinable, I'amour passionnéde la patrie et les grands élans qui, si souvent la traversaient, étaient la marque que le soleil et la chaleur du midi coulaient aussijoyeusement dans ses veines. Le jeune couPle Arène-GoYffon s'installe dans la < Tour AlleYme>, sur lâ place d'armes,otr les titres des

Fin de la fameuse transaction passée entre les religieux et les bourgeois de Nantua en 1445 avec le sceau du Grand Prieur Humbert de Mareste signé du notaire Goyffon ancêtre des fuène.

journaux se succèdent,sansqu'un enfant n'égaie encore le foyer familial. Auguste fuène est pour lors tout à la politique. Pour célébrer le triomphe de sesidées: < la République,le rêve de ma vie, est aujourd'hui une réalité > (4 mars 1848), il changeune fois de plus I'en-tête de son journal qui devient < L'Echo de la RéPublique > le l l mats, en continuant de paraître trois fois par semaine.Il ne soutient guère Louis NaPoléon: < Sa candidature est une farce... > et pour un article encore plus violent que les autres contre le prince-président,le 23 juin 1849, ses rêves s'écroulent lorsque la République,qu'il a appelée de ses v(Eux, I'envoie en conseil de guerre. La courageuseDelphine part pour Lyon affronter la Cour Martiale avec ses plus beaux atours < la robe en taffetasgris, rayée blanc et noir, le châle des Indes, la caPote ornée de violettes>. Son éloquencefut si touchante et si persuasivequ'elle arracha au tribunal la grâce de son éPoux. Mais < L'Echo de la RéPublique> avait vécu et Auguste Arène dû ac' cepter I'exil de Genève. Ce furent < les jours les plus sombres de la maison >. Nantua n'aura pas d'organe de pressepour raconter le coup d'état bonapartiste, la proclamation du


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capitaipe, Julien Goyffon, I'oncle charmant et original, qui mesurait 2,10 m et avait été la coqueluchedes Nantuatiennes. sans avoir trouvé cependantune chaussureà son pied. Le fringant cavalier était mort prématurément, foudroyé sur son cheval qui galopait sur la grève de Gien, alors qu'il n'avait que 42 ans. Iæ dernier des Goyffon, Joseph,disparut à son tour en 1896, ayant vécu en rentier, très fin de siècleentre sa maison de la grande-rue, I'hôtel de France,et la maison Arène où, lorsqu'il le voulait bien, il servait parfois de prote à I'imprimerie et dépistait infailliblement les fautes d'orthographe.Notre Delphinele connut encore, vieil oisif toujours impeccable, en pantalon rayé et redingote, coiffé d'un melon, chausséde sabotsvernis, qui n'oubliait pas la dragée quotidienne dont sespetits neveuxétaient friands. Comme sa petite-fille, Auguste fuène travailla et écrivit jusqu'au bout, et il était lui aussi,le doyendes journalistesde I'Ain. Son jeune ami, le député Francisque Allombert, originaire de Cerdon, qui se faisait alors un nom dans les lettres pariL ' l m p r i m e r i eA r è n e e n 1 9 0 0 .

siennes, lui consacra parmi tant d'autres un hommageému, qui 70 ans après, pourrait encore célébrer sa petite fille. < Sa vie fut celle d'un sage,et I'on peut bien dire de lui qu'il s'éteignit dans la tranquillité sereine comme un beaujour qui finit. Il partagea son temps entre sa famille et son æuvre, entre les enfants de sa chair et de son cæur, et I'enfant de son cerveau qu'il aimait comme une fille adorée, I'Abeille, son journal ! Tous les jours il écrivait sa ligne, il ne quitta sa plume que pour mourir. Alors que sesjambes étaient faibleset que son corps se courbait, ses yeux s'allumaient d'une flamme de jeunesse.Il était bien de la race de ceux qui avaient trouvé, dans le génie de la patrie, une source de gaieté franche, une verve sincère,joyeuse,mais sensible à toutes les larmes,attendriepar tous les chagrins>.

Auguste Arène, fondateur de I'imprimerie

(r8r3-lse3).

o Julien fuène, " le délicat poète,' L'ai'eul pouvait partir, la relève était assurée. Julien Arène avait grandi dans I'ombre de son père, et cinq petits-enfants faisaient bien augurer de I'avenir de I'Abeille. Bien plus attachéà sa plume qu'à I'argent, Julien fuène écrivait en 1896 ces vers exquis que rapporte sa fille: Qu'importe l'âge et la saison, Les muses me restent fidèles, J'ai cinq enfants dans ma maison. J'ai mon toit couvertd'hirondelles... Delphine avait pour son père une vénération sans borne, et j'aime mieux lui laisser la parole pour présenter celui qu'elle admirait de toute son âme de poète et à qui elle ressemblait. si fort.

J u f i e n f u è n e , f i l s d ' A u g u s r e( 1 8 5 4 - l g Z O .

Plus cultivé, plus rêveur et moins d'æuvresdiversesque lorsque nous combatif que son père, Julien Arène voulons faire sourire ou émouvoir, ne connaissaitpas de joie plus grande nous n'avons qu'à reproduire I'une que de ciselerun sonnet,que d'enved'elles,car le tempsn'en peut altérer lopper sa penséed'une phraseharle charmeprofond. Il a créé des permonieuseet limpide.Infatigablechersonnages,qui déjà, appartiennentau cheur,sesconcitoyenslui doiventdes folklore, à la légende: Barthélémyde pages d'histoire locale inégalables, Nantua, Benoîtede Bresse,Blaisele dont le style et la clarté sont un enpeigneur de chanvre, José Signet, chantement.Poètedélicat,il a chanté Poirabondieu, le savant Equidem, les noblessentiments,exaltéson cher MadameDuboiset tant d'autres.Mais Bugey, décrit les paysageset les à côté de tous ces types nés d'une s c è n es pi ttoresques du terroi r. imaginationmerveilleuse,il a su faire Cachant l'âme la plus sensiblesous revivre,pour la postérité,les hommes un enjouementréel, il a composétant qui ont honoré ce petit pays.


t! âluBuruJet?p ?l? llB^E 'se11aln1eu sâp âloc?,I suBp âlqlEqqB âllrâr^ BI s u o r l r s o d s r p s a l q u n b r e u r o rs e s âp le^âr,lcnB so?urrusan8uolap essud op snld ua 'arqd uos ep âcuangur,-I ella 'auqdleq otrtod el ç luunô 'lusua8uer 'arqd uos luoruâJ?llncltredsnld BpuocesâUruEtâ aJnleJlsÉuruu1suup eâelduara1'uar1n1'mâu?tul,l âp eJ?l -s1uln e1rnod unluuN ullrnb 'tecole pJoqe,pronuardâ-I 'sopntgseuuoqâp tueJu 'luerplsar rnb alrug l0 uâIlnf 'elsnEny 's1g srorl sâ'I 'âurBI0p seq sues'1reÂpuo,nb uos suepJOSTJnBS?qI 'oEeurag âc âp xnâJnâr.l lre^r^ uo srel^l rnel ra189rp auradBI ep uârq luâre^B sll 'slueyuo ozrolunb sJnâl câ^e ou eJro^l1 1e 'rssne sed sp-1uerul?,1 sâ.l i luoru âp 1â IrJ^er{J np sJOrruJoJ -euuoqB mel rar(ed âp luârsllgno slr.nbsrolorugru'snuusâppJogu6psud sil-luepl?,u âlllâqv.l âp smâlcâl sâ'I 'selgod slrrurJue sâp le IJBIUun eJnseru eJlno sed 1uam19rnbur,u sâllârJ?leru sâl 1a1uatre,1no uosrcru sacua8urluoc âun JasrrruEro 11elusle â?qcru âllâc

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Augusle Arène, petit-fils du fondateur, fils de Juiien (1884-1918)' (Mort pour la France)'

pour son avenir. Julien fuène était à ia fois un poètedélicat,amoureuxde la nature et des douceurs de son foyer, un historienaverti de sa petite patrie,un charmantcauseurqul savalt baptiveret retenir I'attention.Sur ses genoux,la petite Delphine avait aplris à connaîtrele mouton noir et le iépt.u* du Mont Cornet, I'ours de Pêney et le canard de la DoYe, qui noyait les Petits enfants désobéissants,le mulet farouche du lac Genin et la chassedu roi Hérode,la Dame blanche et la Givre du lac, et les fantômesdes Chartreuxqui hantaient la combe de MeYriat. Sur les traces de son père elle avait visité inlassablementle Bugey, les rives du Rhône, et la Plaine de I'Ain, PaYs d'originede sa mère; elle connaissait tout, mais s'enchantait à chaque visite, comme si c'était la première fois. Je me souviensadolescent,avoir parcouru 'Cerdon, avec elle les environs de qu'elleaimaittout particulièrement. lès rives du barraged'Allement à la recherche de I'antique statuede la petite chapellerurale, et les hauteurs de Mérignat avant de redescendreà Préaux dont elle contait avectant de chaleuret d'émotion la vieille légendede la Vierge qui guérit de la peur. Dans I'histoireelle iélectionnait surtout ce qui avait le plus de charme: les étudeséconomiquesd'aujourd'huin'avaientguère d'intérêt Pour un Poète, mais elle savait toutes les vieilles légendes' Récemmentencore,elle me rappelait la découvertede cette tombe insolite de la vieille églisede Maillat oùr un t j o u r l es archéol ogues I' a.vai en conviée: elle n'était Pas fâchée de n'en avoir pas éclairéle mystère,car ce que I'histoire perdait en exactitude permettait à I'imaginationde se donner libre cours... et nous savonsque c'était là un terrain ou elle excellait au point que la légendeétait toujours plus belle que I'histoire. Elle avait grandi dans un foYer heureux, où I'entente et I'affection étaient si fortes qu'elles marqueront définitivement sa vie, dans cette at' mosphèreun peu irréelle oir la poésie ennôblissait toutes choses et faisait et les bien vite oublier les tracasseries diffrcultés quotidiennes. Et jamais rien, ni personne ne Pourront faire oublier à notre amie cette joie foncière de vivre, les charmes de la vieille maison familiale de la rue Paul

J u l i e n A r è n e( t 8 8 7 - t 9 2 4 ) .

Painlevé avec son jardin et son verger, les bouquets d'arbres et les enchantementsde la lune sur les toits, I'odeur entêtantede la forêt, le vent et les nuées et I'infini ruissellement des eaux. o Les heuresd' angoi sse: '" J'ai à plaire aux morts Plus longtemPs qu'aux vivants" SoPhocle Dans cette atmosPhèreheureuse,le tocsin de l9l4 sonna cornme la fin d'un monde oir I'on connaissait si bien, selon le mot que Talleyrand appliquait au Siècle des Lumières < la àouceur de vivre >. DelPhine fuène a évoqué avec tant d'intensité ces heures d'angoisseoir chaque minute du matin était longue ( comme celles des agonies>>,dans < ce silence effroyable abattu sur la ville et qui sue le malheur D, au milieu des atrocités de la guerre et des déchirementsdes séparations.Petit à petit la ville se vide : u Le dernier des( PetitsD s'en est allé dans I'orage, sous la grële, et sur la maison, un lourd manteaude silence s'estabattu.Dans les chambres devenuesmuettes, on a Peur d'entrer. Il v a de la place, il v a trop de place dans les maisonsdont les enfantssont à la guerre; il Y a tro7 de place pour se souvenir,il y a trop d'endroits pour pleurer.


tr : âlU?UErOd UU3l UOrlOrU?,p lrrEl J3.\? ( someq selrlod )) sâs suPp eluoJej elle luop te 'ellruuJ es 0p xnâJ atuuroJ 'au?ryllcurlu uo.nb SJâIIUJâJsap sâp sJârruJâJsâp slrruJuâ az:otmb sâp?ulu.ll1ul9p,nb acred'uatqlmure lâ lrussrsuuocoile.nbprnaq3 np sreË pUBJAac âutuoc UBJllurne a1la'nad un Jnod 'leru BJoJInl sleluJosgptnb r: nprad sruurelç Jnâr{uoqun,p ?lrm{r -ue 4ue^nos el âilâ uâ rel1tan9sed eu rnod oruuoc 'arpnt uracuouord ou a11e,nbuou un 'lruaH '?JUPU uos rssnE ?JI^BJ Inl ( âsnaqJnp,l elqrJJol> B-I 'xnop sâp un,l auuarda: ml au Jâru BI anb luule âsselltat,rss rndde.lle 'aluel mal 3p ep xnânlce.Ue r0ur eEg.1âp luâruolueqcuâ,1tuoJJs rnb su{aqdro slrled xnap luesslpl uJ 'euon3 BI op ollns BI Jnol uos E pJIl ç -red orlne un 'sluullegtuocsute^tlf,J sol pured uo?qluud nE tlrJsut Iuou uos ?lrag câ^B lue^nos eJlpâr uJârIIleâllg : elEodoJ19.pJossalsrps oneuuorlcuoJle 'olsttng eJl?,pJâssâJ suBSualslJudnualap'erprgun pJoqe.p erprad  eilg 'eI^ BSatnol u:anbrau eile 10 'elqrJJel sJes soJlnP,plrrEl lnod euuoc'eu1qd1aqrnod ar:ant z1 : < ANbOdE EIIOB) BI EPUUEI ISâ.J ' Gl 6 l tq o e l l ) ( a )ual tsal sunP 'tlntq un.p 113ns rnb atqwo aun,p a1o{la,w af ta Tuotua,psatutDtr sdf slouuû af 'tuart atqwo,l puonQ

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la solliciter, qu'elle fit front à sa manière.De cette époquecrucifiante, elle garderaune nostalgiede la mort que ses æuvres révéleront bien souvent,depuis cette ( Prosepour la nuit des morts > écrite en novembre 1914, oùrles clochesrésonnentdans son cceur,à la fois lugubreset pleines de I'espérancede la Résurrection, jusqu'à l'évocation de ses quatrevingts printemps éveillant (( ces douleurséteintes) que le renouveau du mystèrepascalvécu emporteirrésistiblement.C'est peut-être là une des raisons profondes de son irmour de I'automne,des lumineuxmatinsde Toussaint qui chantent la valeur de chaque heure vécue à plein, comme une semencede vie éternelle. o . , J € s u i s n é e p o u r a i m e re t n o n pas pour haTr' ' Désormais,après la disparition et le sacrificede tant d'êtresardemment aimés, elle se sent investie d'une tâcheexaltante.Ils ont donnéleur vie héroïquementau servicede la Patrie: elle passerala sienne à donner une âme à la petite et à la grandepatrie, à redresser les courages abattus, à peuplerde rayonsde soleil la tristesse 14

des isolés, à répandre cette chaleur humaine et cet amour que la guerre I'avait empêchéede consacrerà ceux à qui elle aurait pu donner de son sanget de sa vie. Pour I'heure, il lui faut être la consolationsuprêmed'un père, en qui elle se reconnaissaitsi bien et qui le lui rendait, que l'âge et le chagrin de ses fils perdus inclinait irrésistiblementvers le déclin. L'aieul alors lui confia sa plume, heureuxde mourir en voyant ses deux enfants continuer la tâche à laquelleil avait donné toute sa vie. ( L'Abeille )) survécut ainsi sansheurt à Julien Arène et I'imprimerie continua de bourdonner joyeusement, semant aux quatre vents du Bugey, du Pays de Gex et d'ailleurs, les nouvellesdu présent,les contesdu passéet les enchantements des paysages, des torrents et des montagnes que le soleil dore, immuableet triomphant. Peut-être se reconnaissait-elle dans cette invocationau grand sommetqui termineson maître-livredes< Petites heures>>, notre Delphine, elle qui était aussiune (( buveusede lumière> et un roc que les saisonset les fluctuations de la vie vont malmener si souvent sansarriver à lui faire perdre sa solidité, dans le vent < qui baise ses blessures> alors que le soleil magnifie sa misère et son épuisement! < O sommet de la grande montagne, ô buveur de lumière, vous qu'épousele ciel, champsd'exploits des tempëteset des saisonsextrëmes,

L'imprimerie Arene en 1935.

vousqui n'avezqu'un printempsfurtif et sans zmour et qu'un stérile automne, le repos de la belle mort s'étendsur vosneigesimmaculéeset le chant éternelde l'été vibre dans le cri de vos grillons. Maigre comme une chiennemaltraitée dont les os déchirent les flancs, sol trop las qui rechigne à produire, .fleurs chétives, buissons hargnettx, roches déchiquetées,ô terre de souffrance modelée à I'image de I'homme,le soleil magnifie ta misère et ton épuisement. Et vous,ô désolationde la pôture sans ombre, de la pàture lépreuse rongëepar un triste Ûoupeau,le vent est un Dieu qui baise vos blessures. Epouse du ciel, buveuse de lumière, reine du silence,ô tès sùre, très forte et très délaissée,protectrice des vollées, gardienne des eaux, montogne! votre enfant vous bénit > Il lui restait,sansqu'ellele sût, encoreplus d'un demi-siècleà viwe... et sa riche nature et son fond d'optimisme reprirent le dessus.L'enthousiasmequi était le sienavait besoinde s'épancheret de se communiquer.En un temps ou I'environnementet le respect de la nature ne fournissaient pas encorede pâture aux journalistes en mal de copie et aux politiciensen mal de démagogie,elle lança avec des lustres d'avance < La Cigale> pour intéresserles jeunesde Nantua à leur


9t -9dxaur,1no rnepnd e1 enb s?qcuc slueurlues sel lâ sâsoqc sâllâq sâl 'apuogordeug,l Jâluur4oonBJ uerq rs ns lrB^BellE 'er^ Bs ep sluulpxa snld sel lâ selqerlqnoursnld sol sluetuotu sap un 'âJluoJuâJ oJ?ruJâpâJlou P aJoJue UEunJIu,l âru âilâ 'pl lnJ eJ 'uoru 8l P 'er^ 3l p s?qcBltBtuoJel -sâJ rnl. rnb suorau8rl op xnâmâpqc aldnad tllod oc ep ârug.l B, e?procce luouelBlol âln lrluâs es eilg i nlcxe opnlrger4.p luaruasneuEros'euuârcuu '1sa urunu,a; luâru?l?.1luop < sayled -Bqc) sosnâJqruou sel suep acuosgrd us rolndsrpes âp etqprrrrdaufisur.1lg rn1uo,nb uârq rs eldope,1uo i <<elec BI ? sâuruoJ âp sed ) eqrenord âl 'auuoreu8p {luotu lU eile ?llc âllled BI ep Jneuuoq.p auuaÂo1r3'surul{ sâl lrrB^BJg uâ uspuocsap 'âlsll -nU uos ap eguEeduoccu'euqdleq '.sâlo^?u?q smelce sac roprnt rnog

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'e^rlcâlloc arof eun,p arrosrr8el susp'ralrq.1 âp Jrosanbuqc Jâsrlqou es luo^ 'ra19rdre1ul sel tnod 'srcuuopJal sâ[ | rgss lgluerq luo^ selce burc opuoc,a;eulnld us eC 'lre^eJl nB lrru es eusersnoqlueIOnb câ^s lâ eldecce 'rasn;el uerJ lre^Bs au rnb o11g'fr1n9 Bgcesârq?l?cârp -ueJ lru^op Inb ( ?luoc tlul?.tu sâllrus -JeA IS > arueE ol suep '<<enÂây>> âun JâprruruâpInl op lo ,eu?rv ellosrouep?w âlruB uos p JessâJpB,s âp a?pl osnernâq.llne ?gge.-I.âruuoq uos arpn8 lressrJJnou eu eylrud ep Jnâlnoc eJocuo UBI? lnb xneÂof al lâ âr^ned sqrl tlet? sfud tue111t9d e'I 'ennJlsuoccuop lnllBJ II .sm313l -cads sâl Jruâtuoc snld luelelnod âu âloc? âllr0r^ BI ep sJnru sâl onb agEelrudrs la âpuoc?Jrs ?rllrru6l l0 lel llBl? s?ccns âl srsru 'pE?ul lua^nos arrolradgr âl lo ,antxe

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encore son nom, car elle avait à peine cent ans d'âge. Delphine imagina que la diligence de Genève était immobilisée à Cerdon pour vingt-quatre heures: la roue venait de casseret le forgeron du coin faisait aussivite que possiblepour réparer I'avarie. Tout le Fâys, toujours affable et accueillant s'était ligué pour faire oublier leur infortune aux voyageurs, e[ les distrayant le plus agréablementpossible, avec toutes les ressourcesde leur imagination bugiste, jamais à court. Des voyageurs,et quelsvoyageurs;le sous-préfetde Nantua qui gagnaitson poste avec sa jeune épouse, des touristes qui partaient à Chamonix et le grand Lamartine lui-même, alors au sommet de sa gloire. Le souspréfet partit aux champs; quant au poète, il s'endormit et rêva: la fée tutélaire de la vallée vint lui sussurer durant son sommeil toutes les vieilles légendesde Préauxet de Carmier. On se mit en devoir de visiter les caves où Lamartine, redevenutribun, fit un discours sensationnel,juché sur une benne transformée en tribune d'occasion. Les notabilités locales, chacuneà leur tour, vinrent saluerou faire révérenceà tout ce beaumonde, depuis Mermet, le tueur de panthères

Une rue de Cerdon. Photo J. Goupil.

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de I'Atlas, Tartarin local, jusqu'au capitaine des pompiers qui jouait le plus sérieusementdu monde le rôle qui était le sien dans la vie. Toute la ville s'embrasait le soir de reposoirs comme au soir de chaque 15 août, en I'honneur de la Vierge, du rocher de Carmier, et un grand bal avec une farandole endiablée sur I'air de la < Vie parisienne>, d'Offenbach terminait la journée. Les vigneronnes, pour ne pas être en reste sur leur préfette, s'étaientempressées d'armer leurs robes de cerceauxde bois pour les transformer en élégantescrinolines et les messieursavaientsorti de leurs garde-robesleurs gibus et leurs uniformes de pompiers les plus rutilants. Quant le lendemain,à regret, tout ce beau monde se décidait enfin à gravir la montagne, I'assistanceI'accompagnait en chantant sur le grand air des < Cloches de Corneville >, ces vers de Mirliton: < Serre, serre, serre donc... P o s ti l l on prends garde, à ta mécanique, Serre, serre, serre donc Et ne versons jamais qu'à... Cerdon!>

Iæ succèsde cette revue-opérette fut tel qu'il fallut reprendreles séances I'année suivante, après les durs labeurs de l'été: la salle ne désemplissaitpas et les spectateursvenaient toujours d'un peu plus loin ! La guerre arrêta tout ce joyeux manège oir les acteurss'amusaientautant que les spectateurs.Pierre, le marguillier capitaine des pompiers, s'avançaun jour sur le devantde la scènepour affirmer avec emphase et sans rire à I'adressede Mlle Arène : < Des incendies,j'en ai éteint bien des fois >>, et en montrant son cæur < celui que vous avez allumé ici, jamais rien ne l'éteindra! >. o Servitudes et grandeurs d'une ., vie montante, C'était la veille de la guerre, une guerre qui devait être encore bien plus terrible que la précédente,une guerre qui laissera Nantua décimé, divisé, vidé de sa substance dans I'horreur d'une déportation massive qui I'emportera en souffrancesur les heures les plus cruelles de l'histoire de la vaillante cité martyre. Combien ces heures seront cruelles pour notre arnie: elle y perdit à la fois sa raison

L'Eglise de Cerdon. Photo J. Goupil


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