La grange de Molard Morfin se trouvait sur les hauts de Sothonod à proximité du col de Richemont, sur le chemin menant à la grange de Pré-Carré. Aujourd’hui cette grange n’existe plus, elle a été détruite par l’armée allemande en 1944 (voir plus loin). A son emplacement se trouve aujourd’hui un chalet appelé le « chalet Vulliod » qui fut construit après 1968 par Charles Vulliod, maire de Belley de 1971 à 1977.
Dessin Marc de Seyssel
Molard Morfin sur les cartes de Cassini On trouve pour la grange différentes orthographes : ,
Molard ou Mollard ce qui signifie butte. Morfin ou Meurfin ou Mufin ou Mortfu ce terme rappelant la mort traduit probablement l’aridité du lieu (aussi petit sommet, du gaulois *more, « tertre », pré-latin mourr.). Jusqu’en 1830 environ le nom utilisé dans les documents est « Molard Morfin », après cette date cette dénomination a presque disparue. La nouvelle dénomination est soit « en Recouza » soit « grange de Recouza », mais cette dénomination recouvre trois granges différentes. Il en résulte que toutes les informations concernant les propriétaires et les occupants après 1830 ne sont que les hypothèses qui nous semblent les plus probables. En fonction des recherches à venir ces hypothèses pourraient être remises en cause La grange figure sur la carte de Cassini qui fut dressée sur les ordres du roi vers 1760, la construction de la grange est donc antérieure.
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Les granges de Recouza sur le cadastre napoléonien La grange figure également sur le plan cadastral napoléonien de 1831. La grange occupe la parcelle 361 de la section A2.
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Il n’y a pas de parcelles différentes pour la maison d’habitation et pour les bâtiments de l’exploitation agricole contrairement à ce qui s’est fait pour d’autres granges (Portes, Moines, Recouza-Martinod, Recouza-Thévoux, etc...)
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L’extrait du cadastre ci-dessous montre la position relative des trois granges (en rouge sur la carte) de Recouza :
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En haut se trouve la grange RecouzaThévoux
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Sur la droite au milieu la grange Recouza-Martinod bien identifiable avec sa mare devant la façade
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En bas et ne formant qu’une seule parcelle la grange Molard Morfin
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Plan de la grange de Molard Morfin A la suite de la destruction de la grange par les allemands en 1944 fut établi un dossier de dommage de guerre. Dans ce dossier figure le plan de la grange et les caractéristiques techniques de la construction. Le plan de la grange est tout à fait classique pour la région
Au rez-de-chaussée, les bâtiments agricoles se composant d’une vaste écurie pour bovins, une écurie pour un cheval, une porcherie avec à l’arrière une citerne pour récupérer les eaux de pluie. De l’autre côté au levant la partie habitation avec cuisine, salle à manger, un grand four à pain et quelques chambres.
Au premier étage un vaste fenil au-dessus de l’écurie et des chambres au-dessus de la partie habitation.
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Notice descriptive de la grange Le dossier indique également l’historique des travaux qui furent effectués au fil du temps : •1893 Grange reconstruite en totalité •1910 Couverture en tôles galvanisées (sans doute la couverture précédente était en chaume ?) •1920 La partie habitation est reconstruite •1923 Le plancher de l’écurie est refait : fer et béton •1924 le toit en tôle galvanisée est refait •1927 Les écuries sont refaites Enfin en 1944 la grange était équipée d’un « montecharge pour le foin de marque Dandelot » en effet il ne semble pas que l’on puisse accéder au fenil directement depuis l’extérieur (pas d’engrangeoire) Pour tout savoir sur le fourrage lire : Récolte des fourrages à travers les âges » par Jean RENAUD aux éditions France Agricole. Ce livre est entièrement accessible sur internet.
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Habitants de Molard Morfin Premier mariage de Pierre ANCIAN
Les histoires de la grange Molard Morfin et de la grange Recouza-Martinod sont intimement liées comme nous allons le voir •En 1730 TAVEL GROSJEAN Joseph (16681756) qui était marchand à Hotonnes achète la grange Molard Morfin •Des 1730 TAVEL GROSJEAN Joseph loue la grange à BAILLY Joseph (1676- ????) dont la nièce est sa fille TAVEL Etiennette (1711-1786) •Vers 1735 il fait construire la grange RecouzaMartinod et s’y installe •En 1736 sa fille TAVEL Marie (1702-1742) épouse ANCIAN Pierre (1711-1774) dont le père ANCIAN François (1673-1754) est charpentier à Hotonnes. Ils s’installent après leur mariage dans la grange Molard Morfin. De cette union naquirent 4 enfants dont deux garçons survivent. 7
Habitants de Molard Morfin Deuxième mariage de Pierre ANCIAN et ses quatre garçons consanguins
En 1742 TAVEL Marie (1702-1742) meurt et ANCIAN Pierre (1711-1774) se remarie avec ANCIAN Marie (17161779/1788). De cette union naissent 6 enfants dont deux garçons.
Pierre est donc le père de quatre garçons qui sont consanguins
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Au décès de Pierre… Au décès de ANCIAN Pierre en 1772 et selon sa volonté exprimée dans son testament en 1769 ses fils s’installent dans les deux granges qu’il possède : -Les fils issus de son mariage avec Marie TAVEL dans la grange Recouza-Martinod
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-Ceux issus de son mariage avec Marie ANCIAN dans la grange de Molard Morfin
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Son fils ANCIAN Claude (1753-1799) était un « mauvais garçon » il attaquait les personnes sur les chemins de jour comme de nuit pour les dépouiller de leur argent. 9
Les Orgères… Claude fut le principal accusé lors du procès pour le massacre de sept personnes à la grange des Orgères qui eut lieu la nuit du 6 au 7 floréal an V (25/26 avril 1797). Il fut condamné par le tribunal de Lons-le-Saunier le 25 messidor an VII (13 juillet 1799) à « vingt-quatre ans de fer » et « il sera conduit sur la place publique de cette commune pour y être attaché à un poteau exposé aux regards du public pendant six heures ayant au-dessus de sa tête un écriteau dans lequel seront écrits en gros caractères ses noms sa profession son domicile la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui » Envoyé au bagne de Toulon il y mourut le 19 octobre 1799, soit quatre mois après sa condamnation. Pour plus d’information sur le massacre des Orgères : -Revue le Bugey n°90 -Livre « Les grandes affaires criminelles de l’Ain » Frédéric Boudouresque
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Les cousins épousent les cousines… Les enfants de Claude « le bagnard » restèrent à la grange Molard Morfin Deux garçons de Bernard épousèrent deux filles de son frère consanguin Claude. Cela veut dire que, des cousins épousant des cousines, le beau-père de chaque époux est en même temps son oncle de même pour les épouses les belles mères sont des tantes. Cette situation de mariage entre cousins et cousines était assez fréquente, par contre ce type de mariage si les pères sont des frères consanguins est très rare. L’isolement des granges des « hauts de Sothonod » par rapport aux villages les plus proches : Songieu, Hotonnes, Chanay, etc... (plusieurs km) expliquent ces mariages 11
Cette situation compliqua terriblement les problèmes d’héritage. Les frères et sœurs consanguins et leurs enfants se trainèrent en justice les uns les autres sans compter les interventions de quelques « pièces rapportées » !!!! Les fils de Claude de la grange Molard Morfin furent expropriés, la grange fut saisie et vendue aux enchères à Pierre François FAVIER qui subrogea la grange aux fils de Claude qui purent ainsi rester à la grange. La situation devenait inextricable. Tous conviennent de s’en remettre au notaire Joseph MORAND de Songieu auquel ils exposent leur problème « depuis quelque temps il s'est élevé certaines contestations qui les divisent, auxquelles ils désirent mettre fin » Le notaire soumet une solution le 20 juillet 1831 que tous acceptent.
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Les enfants de Claude ANCIAN et l’arrivée d’Isidore TAVEL (1815-1881) Au cadastre napoléonien de 1831 les copropriétaires de la grange Molard Morfin sont deux fils de Claude : -
ANCIAN François Alexis (1781-1860) ANCIAN Joseph (1783-1849)
Dans les années qui suivirent deux des trois fils de ANCIAN Claude (1753-1799) quittèrent la grange Molard Morfin : -
ANCIAN François Alexis alla s’installer à Réoux ANCIAN Philibert s’installa lui à la « grange des Tours » à Hotonnes qu’il avait acheté en 1823
Seul resta à Molard Morfin ANCIAN Joseph qui y mourut en 1849 C’est son gendre TAVEL Isidore qui reprit l’exploitation agricole 13
Les habitants à partir de 1850 Dans cet arbre nous n’avons pas indiqué toutes les personnes ayant habité la grange. Nous n’avons mis également que quelques hommes non pas par misogynie , mais parce qu’en général les filles, quand elles se mariaient, allaient habiter chez leur mari et vendaient à leurs frères leurs droits sur les immeubles de leurs héritages. •En 1849 à la suite du décès de son beau-père ANCIAN Joseph (1783-1849), TAVEL Isidore (1815-1881) originaire de la grange des Moines s’installe dans la grange de Molard Morfin où naquirent ses trois premiers enfants. •En 1853 il retourne à la grange des Moines (habitation parcelle 68 section A du cadastre) où naquirent ses autres enfants jusqu’en 1863 •En 1863 il va à la Rivoire hameau de la commune d’Hotonnes où naissent ses deux derniers enfants en 1866 et 1867. •Vers 1872 il vient se réinstaller à la grange Molard Morfin travailler avec son fils où il restera jusqu’à son décès en 1881.
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La croix de Recouza C’est son fils TAVEL François Félix (1854-1943) qui reprit l’exploitation du domaine, puis son petit-fils TAVEL Joseph Marius Benjamin (1888-1954) qui fit ériger une croix en fer sur le chemin d’accès à la grange en remplacement d’une vieille croix en bois. Cette croix est toujours debout aujourd’hui.
Son fils TAVEL François Pierre André (1922- ?) a rédigé un document retraçant la vie à Molard Morfin pendant ses jeunes années. Ce document montre une vie simple mais cependant heureuse.
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is Franço André Pierre TAVEL
à La vie d Molar Morfin
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Les cousins PERRET louent Molard Morfin Vers 1935 TAVEL Joseph Marius Benjamin (1888-1954) quitta la grange pour aller s’installer dans une ferme à Champagne en Valromey. Molard Morfin fut louée par des PERRET qui étaient ses cousins germains du côté de son épouse : •PERRET Albert Joseph (1895- ?) •PERRET Nestor Antonin (1898- ?) Les cousins PERRET ne restèrent que quelques années (ils ne figurent qu’au recensement de 1931 et sur les listes électorales de 1932) Après le départ des PERRET la grange fut inoccupée. Les Brunet des Orgères la louait pour s’en servir de bâtiment rural pour stocker le foin et le matériel agricole
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1944: la grange est brûlée… Le 8 février 1944 la grange fut brulée par les allemands. Le même jour ils brulèrent également la grange des Portes et la grange de Pré-Carré. Le 16 avril 1944 la gendarmerie alla sur place pour établir un constat des dégâts, ils reçurent les témoignages de : •ANCIAN Louis (1892-1964) de la grange « Benoit Louis » •ANCIAN Marcel Justin (1917- ????) de la grange Thévoux. •MAGNIN Louis fromager à la fruitière des hauts de Sothonod dites des Orgères qui avait été construite vers 1878 •BRUNET Elie (1889-1946) de la « grange Brunet » qui avait remplacée la grange des Orgères détruite 20
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Le tracteur du fromager détruit !! Parmi les dégâts se trouve les restes d’un tracteur de marque Citroën type B14 b(photo ci-contre). Il appartenait à MAGNIN Louis fromager à la fruitière des Orgères. TAVEL Joseph Marius Benjamin l’avait autorisé à y garer son tracteur.
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Un chalet à l’emplacement de la grange Un dossier de dommage de guerre fut établi. Joseph Marius Benjamin TAVEL qui habitait à Bilignin lieu-dit de Belley fut autorisé à utiliser les dommages de guerre pour construire à Belley une maison pour lui et pour son fils. Après 1968 sur l’emplacement de la grange, le nouveau propriétaire Charles VULLIOD, maire de Belley de 1971 à 1977 fit construire un chalet
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REMERCIEMENTS Ce document a pu être produit grâce à la disponibilité des différents interlocuteurs avec lesquels Michel FENAYON a mené de très nombreux et constructifs entretiens individuels. Que tous en soient remerciés bien chaleureusement ainsi que les différents services et outils du département de l’Ain mis à disposition des citoyens et des associations généalogiques et des sites patrimoniaux.