Fermes du Jura et du Haut Bugey

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Jean Troccon

Les fermes du Jura et du Haut Bugey

Le Cernay

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Les fermes du Jura et du Haut Bugey Par Jean Troccon (Petit-Abergement) Evolution, transformation et amélioration des bâtiments, des écuries et de l’habitation & Evolution de la mécanisation dans cette région de moyenne montagne, élevage et production laitière (1950—1973)

Chez Ferdinand Perret dit « Ninan » Café, réparation cycles, motos et matériels agricoles à Hotonnes (voir page 13) Fonds photographique Mortbontemps Musée des Pays de l’Ain

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Les fermes, elles sont toutes du même modèle, ou presque : un seul bâtiment abritant les animaux et la famille. La face principale des entrées habitation et étables, est orientée au Sud, bien que quelques unes soient orientées Est selon je pense le chemin d’ accès, ou la proximité de la forêt (j’en connais une seule orientée Ouest, sur le plateau de Retord) Contrairement au fermes Franc-comtoises du Doubs (et du bas Jura) elles aussi abritant fermiers et animaux dans la même bâtisse dont les entrées sont sur le pignon, ici le côté principal est sur le long pan, ce qui est un peu paradoxal, car la chute de la neige du toit obstrue toutes les portes….allez savoir pourquoi ??? On peut tout de même supposer qu’avec le « dreffia », sorte de balcon au dessus des portes d’écuries où l’on rangeait le bois de feu, on pouvait ainsi tout faire sans sortir dans la neige….

Deux exemples sur des fermes de Retord

Mais il fallait quand même « faire le chemin » pour la brouette… en sachant qu’au plus fort de l’hiver la neige touchait les chenaux… L’habitation est soit sur la gauche, soit sur la droite, sans pour cela en connaître la raison sinon que l’on peut supposer, liée au problème d’accès ?? On retrouve deux écuries séparées par la grangette, dans laquelle on fait « tomber » le foin pour le distribuer aux animaux, soit en le passant au travers de la « borincle » quand la crèche est à l’intérieur de l’étable, soit en le déposant dans le crèche si c’est la vache qui passe la tête au travers du mur. Petit point sur les appellations : on disait toujours écuries, et non pas étables qui est normalement le bon mot, l’écurie c’est pour les chevaux, l’étable pour les bovins… pourquoi cette inversion ? Je ne sais pas… Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 3


Il pouvait, de plus, c’était même le plus courant, ne pas avoir de cloison entre grangette et étable. Dans certaines fermes la grangette jouxte l’habitation, et il y a 2 écuries accolées, cette configuration étant due à la déclivité de l’endroit car la seconde écurie avait le stockage du fourrage accessible par le côté. On en trouve une au Jorat commune du Petit Abergement, mais il y en a d’autres.

Deschapo

ux

La Lavanche

Les portes de l’écurie sont étroites, le passage de la brouette, la « bêraute » ou la « baraute » en bois, un caisson au raz du sol avec une roue en bois parfois cerclée puis en roue métallique, trop étroite. Dans les années 50 ces roues ont été remplacées par des roues pleines en caoutchouc. Par chez nous, ces brouettes étaient fabriquées par Guste du Cernay, forgeron et maréchal-ferrant à Brénod puis son fils Lucien les a un peu relookées, en mêlant un châssis en tube et cornière, fond et côtés en planche, et même roue gonflable !!! la scierie du coin triait les planches très larges pour faire les côtés d’ une seule pièce, chantournées à la scie à ruban pour réaliser les bras. Souvent les brouettes étaient faites par le paysan lui-même avec la scie « chantournet » le rabot et la varloppe. Ces nouvelles brouettes étaient beaucoup plus faciles à retourner sur le tas de fumier si l’on mettait une planche pour y rouler. Les grosses fermes se reconnaissaient à la grosseur du tas de fumier et les bons paysans au tas de fumier « au carré » comme l ‘on disait pour les lits à l‘armée. Avis aux filles qui cherchaient « un bon parti » !!! comme on disait.

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Que de souvenirs… quand j’étais à l’école de Brénod en pension chez un oncle, à la sortie et surtout le jeudi j’allais voir travailler le père Guste et c’est peutêtre là ?? que j’ai eu le goût du travail de l ‘acier et du bois…. L’atelier est encore existant presque comme il y a 50 ans… avec une motorisation électrique unique et l’arbre de transmission au plafond et son jeu de poulies pour actionner les machines. La forge aussi est là telle qu’à l’origine. Seule machine des années 70, une tronçonneuse à métal.

Travaux des champs à la Ferme de Retord vers 1934

Le plafond est très bas, 2 mètres environ, par contre la porte de la grangette est plus large pour le passage de la « charrette à herbe » elle aussi équipée de roues en bois cerclées d’un bandage en fer plat, puis aussi remplacées par des roues à pneus (récupèrées sur les premières voitures B2, C4, 201, 202, Simca8, Dyna PL17 et autres qui partaient à la casse …) Dans certains cas on trouvait une grangette beaucoup plus large avec une porte beaucoup plus grande pour y entrer les « voitures de foin » nous en reparlerons plus tard. Les écuries sont souvent étroites : 1 mètre entre l’arrière des vaches et le mur avec souvent encore contre le mur le perchoir et nichoirs des poules, avec la rampe de montée faite d’une planche crantée. Les poules en été, étaient mises dehors juste avant la traite, par contre en hiver on distribuait le grain derrière la porte d’écurie. Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 5


A l’entrée (parfois au fond) de l’écurie, on retrouve la place de la paire de bœufs ou le cheval, (dans lequel cas il y a un bas-flanc), puis les génisses, au fond parfois un « bouédet » pour le cochon. Ce bouédet était construit en béton, car un « caillon » comme on disait : ça bouffe tout !! idem pour les lapins qui ont vu leurs cages bois remplacées par des clapiers en ciment (vendues dans le coin par Louis Carrier le marchand de matériaux de Brénod.)

La Lavanche en 1898

La deuxième écurie, celle des vaches à lait, avait une largeur supplémentaire réservée pour y attacher les veaux. Et parfois au fond un « cagibi » pour quelques moutons, ou les cages des lapins. Dans certaines fermes, pas seulement plus importantes, il y avait une troisième écurie que l’on appelait INJUSTEMENT, l’ETABLE où l’on isolait le cheval, la paire d’ Auvergnats, solide et rustique paire de bœufs, utilisée pour « aller au bois » et au fond : poules, lapins et moutons, parfois quelques chèvres. Sur le côté on trouve la place à fumier, où l’on vient le stocker avec une planche en pente pour accéder sur le tas. Sous celle-ci ou tout près se trouvait la fosse à purin. Dans les années 50 les premières machines à traire ont été installées (AlfaLaval, Diabolo-manus, Fullwood et Melotte avec les « pots suspendus »), le groupe fixé en façade ; cela a été l’occasion de mettre la « force » comprendre le 380 volts, qui a servi aussi pour les scies circulaires qui faisaient aussi leur apparition. Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 6


A cette même époque les abreuvoirs ont fait eux aussi leur apparition, plus besoin de lâcher les vaches 2 fois par jour et les emmener au bac communal d’où elles revenaient parfois avec une corne en moins… parfois ces abreuvoirs étaient alimentés par la citerne d’eau récupérée par les chenaux… sans débit, sans pression, la vache mettait bien plus d’une demi-heure pour s’abreuver …au Dombier il y avait un bac-tampon, sinon il n’y avait plus d ‘eau sur l’évier jusqu’à midi !!!

Fenaison à la Cuaz

Dans les années 60 sont apparues les premières chaînes à fumier dont l’inventeur est Michel Robert un canadien (à savoir que MIRO le premier grand fabricant de ces équipements est l’abréviation de MIchel RObert et c’est vrai !!!) Ces chaînes seront mises en place en créant un chenal faisant le tour des 2 étables, puis dehors une rampe d’ élévation. Petit détail : comme il fallait rentrer les vaches pour la traite les modifications se faisaient au ciment noir par exemple pour sceller les poulies d’angle dans le purin stagnant, et ça marchait !!! Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 7


Très souvent à ce moment le « bouédet du cochon et le cagibi des moutons » en ont fait les frais, histoire aussi de rentabiliser l’installation en créant ainsi quatre à six places de vaches laitières, plus rentable. Au fond de la grangette, souvent on trouve le coupe-racine pour les betteraves, parfois aussi le « concasseur » pour écraser le grain. Dans le plafond en plein centre un seul trappon (toujours trop petit) pour descendre le foin depuis la grange.

« Opération cochon » à Narmont

Dans certaines communes il y avait un concasseur communal qui était à disposition gratuite des paysans. On y faisait la queue.

La grange : on y accède la plupart du temps par une rampe appelée « la levée ou la montée de grange » en profitant, quand c’est possible, de la déclivité naturelle du terrain pour la rendre moins pentue, la paire de bœufs (ou de vaches pour les plus petites fermes) tirant la « voiture », (à savoir qu’il fallait les délier pour les ressortir sur le côté) par la suite on pouvait la pousser avec le tracteur, ou des petits malins installaient une poulie de renvoi au fond de la grange et ainsi on tirait la « charrée » avec un câble depuis dehors, toujours avec les bœufs ou le tracteurs dits « transformés ». Montée de grange aux Bergonnes

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Petite parenthèse sur ces engins : c’était une mécanique de voiture B2 souvent, montée sur un châssis en U, on y rajoutait une seconde boîte de vitesses pour la réduction, indispensable car de plus les roues étant plus grandes que c’elles d’origine, l’engin aurait roulé à 80 à l’heure, terme souvent employé à l’époque… C’était des tracteurs, ce qui veut bien dire ce que ça veut dire: on tirait des instruments, cependant des concepteurs plus évolués avaient même mis une prise de force ventrale pour entraîner une faucheuse latérale, c’était le cas des tracteurs Micromax fabriqués de manière semi -industrielle à Bourg en Bresse, mais aussi de particuliers ingénieux bricoleurs.

Fenaison à Retord

Le foin en VRAC est ainsi déchargé à la fourche plutôt le trident en en le « relevant » la fourche en bois étant réservée aux travaux dans les champs. Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 9


Entre les 2 guerres est apparue la « déchargeuse » une révolution dont l’ invention est revendiquée par 2 concepteurs : Mr Noirot du Jura (ou du Doubs) et Mr Bertrand du Balmay dans l’ AIN !! Je crois savoir que c’est Bertrand qui a fait le premier concept avec le treuil en haut, une sacrée idée que ce système !! Puis Noirot (et Bertrand par la suite) ont construit ces « déchargeuses » avec le treuil en bas où s’enroulaient les 4 câbles. Je pense quand même que cela a été une amélioration du palonnier que l’on retrouve dans des plus petites fermes, à savoir : un treuil dehors 2 voir 3 ou 4 poulies de renvoi et une croix en UPN équipée de 4 crochets et bien entendu le pont…

Ramboz d’en Haut

Un nom « Vieille-Dompierre » figure en grosses lettres sur la bloc en fonte de treuil. Il s’agit de la maison Vieille à Dompierre-les-Tilleuls dans le Doubs, deux exemplaires sont encore visibles dans la village de Brénod. Dans les années 67/75 j’en ai construit plusieurs avec des treuils de grue de chantier récupérées chez Serrand de Dortan… et aussi des treuils de ma conception pour charioter le pont « électriquement » depuis le bas comme depuis le haut par un jeu de cordes, c’était le grand luxe !! Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 10


Ce système est un monte charge actionné par 4 câbles (d’où le nom souvent employé pour ce matériel) qui soulève la « charrée » en une seule fois, celle-ci est déposée sur le « pont » qui roulant sur des rails (en bois) avait été introduit dessous , il suffisait de transférer le-dit pont au lieu du déchargement (dans les petits bâtiments il arrivait que le pont soit en 2 parties, et ne pouvait presque ne pas se déplacer, dans d’autres c’est le cas de la ferme du Dombier celui-ci se déplaçait sur plus de 38 mètres, ainsi il ne restait qu’à se servir de la gravité évitant ainsi le « relevage » (parfois même sur 2 hauteurs) qui était un labeur harassant avec la chaleur régnant dans les bâtiments exigus. On jetait le foin en BAS au lieu de le relever en HAUT quel progrès !!

Le Cernay vers 1900

Dans certaines fermes un peu différentes on avait le même système en y accédant depuis la grangette plus large et même parfois avec double entrée : j’en connais une seule, la dernière maison de Corcelles sur le droite en montant sur le Cruchon. Ces déchargeuses étaient installées par les charpentier car il fallait modifier et renforcer la charpente, et, il fallait parfois des trésors d’astuces pour trouver le bon cheminement des câbles au travers des poutres, des murs pour arriver au bon endroit dehors. Un autre système mis au point par Noirot appelé « une griffe à foin », était un grappin mécanique qui se déplaçait sur un rail au faîtage du toit, qui parfois pouvait monter, descendre et même prendre des courbes. C’était le système idéal pour les fermes où il n’était pas possible de modifier la charpente, il était plus courant en Isére et dans les Savoies Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 11


avec des toitures très pentues. Le grappin sortait dehors en position ouverte et s’arrêtait dés qu’il touchait le foin, avec une « tirette » on commandait la remontée du grappin qui se refermait tout seul emprisonnant une certaine quantité de fourrage, puis la treuil partait dans la grange et s’arrêtait où l’on voulait toujours grâce à la tirette, c’était tout un jeu de câbles très astucieux qui automatisait les cycles. Dans les bâtiments où il n’était pas possible d’installer ni « 4 câbles, ni griffes l’on a installé des « turbo-engrangeurs », un gros aspirateur avec des tuyaux métalliques de 60 cm de diamètre qui se montaient bout à bout avec des colliers de façon à modifier leur cheminement dans la grange, très souvent il a fallu revoir l’installation électrique (et remonter l’ampérage du compteur) car il fallait 15 cv et plus !!! A savoir que la coupe des foins avait fait des progrès: il n’y avait plus les saisonniers qui fauchaient (mon père nous a raconté que, Retord (1934) chez Albert Carrier, un gros paysan un peu « original » avoir vu 33 faucheurs à la faux les uns derrière les autres aux Orgères), mais la faucheuse à doigts de Deering, barre de 1,37 m (soit 54 pouces) puis 1,83m par la suite. Le fameux Albert Carrier, qui mesurait 2,02 pour 102 kgs avait construit une très grosse ferme dans la combe de Ramboz, à ce qu l’on dit elle avait même été inaugurée par le préfet il faut dire qu’Albert Carrier était maire du Petit Abergement. Cette ferme a brûlé par la foudre puis reconstruite pour s’écrouler sous le poids de la neige l’hiver 19 ??. Etait-ce la conséquence de la modification de la charpente par un successeur nommé Colletta, qui ayant bien compris la « gravité » avait inauguré de faire monter

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les charrées de foin au sommet de la grange et de les basculer d’un seul coup de cric de montagne dans la grange !!! Il était un habitué de travaux gigantesques et fantasques pour l’époque. Cette faucheuse était aux normes impériales US tirée par le cheval ou la paire bœufs, voir paire de vaches pour les petites exploitations ; à Brénod un agriculteur avait même monté un moteur Bernard pour que les vaches aient moins d’effort à fournir !!!

Dans la Michaille

À Hotonnes

Dans les années 60 sont apparues les « botteleuses » ou presses à basse densité (bottes de 6/12kgs), souvent attachées entre elles dans la « fenasse », le grand foin; c’était l’enfer surtout pour la gente féminine quand il n’y avait pas de garçon a à la ferme avec la célèbre « coccinelle » et autres Rivière Casalis, équipées dans certains cas d’un moteur auxiliaire Bernard W9 pour palier au manque de puissance des petits tracteurs, par exemple des Bautz ou Diesel Ross de 13 cv, et moyenne densité (15/25kgs) les « new-holland » ; toutefois le « 4 câbles » était compatible et même plus tard quand sont arrivées les remorques auto-chargeuses pour le VRAC, dans les années 65. Personnellement j’ai mis au point des caisses pour y déposer le foin et celles-ci étaient élevées sur le fameux pont, même Ferdinand Perret (Ninan) marchand de machines agricoles d’Hotonnes modifiait les auto-chargeuses Still (rien à voir avec Sthil) pour y mettre les chaînes et les « perches » et lever ainsi le chargement sur le « pont » comme on l’appelait. Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 13


Maintenant on va revenir à l’habitation… La porte d’entrée était contigu à la porte d’ écurie. On arrivait dans la cuisine, (on ne parlait pas de salle de séjour) très spacieuse avec une grande table (qui parfois était aussi le pétrin) avec dans un angle le grand évier en grés blanc, qui avait remplacé l’ évier en pierre pour le grand bonheur des épouses, une grande cuisinière en fonte qui dans les années 50/55 étaient parfois équipées d’ un bouilleur, avec le ballon d’eau chaude, (mon beau -père Louis Brunet était devenu un as pour transformer des vieux fourneaux en y mettant un bouilleur « fait maison ») qui a remplacé la bouilloire sur un côté de la cuisinière ; les femmes ont grandement apprécié, puis quelques radiateurs dont l’un dans la salle de bain que l’on avait créée avec une subvention du « génie rural » ; à noter aussi qu’ à cette même époque, toujours le génie rural, sous l’égide des conseillers agricoles, subventionnait l’agrandissement de la fenêtre de la cuisine !!

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Léchau et (Combe de Grange Berth

La Sauge

Tout de suite, jouxtant presque la porte d’entrée on accédait directement à l’ écurie par une porte, histoire de ne pas sortir au froid en hiver, la jeune génération obstruait cette porte à cause des odeurs, les anciens râlaient un peu, puis tout rentrait dans l’ordre avec la mère de famille qui tempérait, elle qui aurait tant voulu cette modification sans jamais l’obtenir !!! Ces cuisines comme on disait jusque dans les années 50 servaient un peu d’atelier pour bricoler au chaud l’hiver : on y tressait les cordes à foin, on y assemblait la nouvelle brouette et divers petits travaux… Dans un angle jouxtant la cuisinière, il y avait le four pour faire le pain, en principe une fournée toutes les 2 ou 3 semaines.

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Cependant à certains endroits le four était dans un petit local distant de quelques mètres de l’habitation, avec souvent une « boutique » sorte de mini atelier avec parfois une forge pour chauffer les fers des bœufs, « l’ENGIN » (comme on disait vulgairement ) ou le TRAVAIL, la cage de contention actuelle pour y immobiliser les animaux pour le ferrage.

Sur Lavalla

Au fond, une porte accédait à la salle à manger (le pêle comme on disait en pâtois) où trônait un beau buffet avec très souvent posés dessus des obus de 75 de la guerre de 14 en décoration, puis une belle table entourée de belles chaises ; c’était la pièce où l’on recevait les voisins pour les veillées du long hiver et la famille pour les repas des fêtes religieuses, baptêmes communions ; et de nouveau une petite porte donnant accés à la cave souvent semi-enterrée, avec ses tonneaux ou « cassets » de vin rouge posés sur les chevalets, que le marchand de vin livrait avec sa camionnette (Juillard de Brénod devenu Sappey par la suite dans ma région) il y avait la pièce : 200 litres, la demi-pièce ou feuillette : 123 litres je crois et divers capacité pour les cassets. Le vin était souvent une « piquette » de la région avec un maxi de 5 à 5 degrés … par la suite le vin fut livré en caisse avec bouteilles de verre consignées, ce fut l’époque du Kiravi !! En hiver le pêle devenait un lieu de vie car le sol était un plancher bois donc moins froid que les dalles de pierre qui recouvraient le sol de la cuisine. Dans le pêle aussi on retrouvait une « alcôve » sorte de mini chambre semiouverte avec un lit d’angle ; ces alcôves ont été démontées pour agrandir le dit pêle qui est devenu la salle à manger !! On dit souvent que les jeunes garçons venant trouver les filles s’entendaient dire < les filles sont au pêle > était-ce pour les dissuader de les voir ?? Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 15


On accédait à l’ étage par un escalier ¼ de tour dans la cuisine qui débouchait sur un long couloir avec les portes distribuant les 2 ou 3 chambres voir 4, en principe la première était celle des parents, puis celle des filles et la suivante pour les garçons) la dernière étant réservée au commis (l’ouvrier agricole s’il y en avait un) Pourtant un autre concept de ferme a vu le jour en 1924/26 avec la construction d’une ferme totalement différente, par mon grand-père Marius Troccon au Dombier, qui était avantgardiste, un visionnaire . Il avait conçu un bâtiment en Té, à gauche la maison d’habitation, entrée au sud avec un couloir pour accéder à la cuisine-salle de séjour, en face la salle à manger, puis la buanderie avec aussi le pétrin, en face la cave. Au fond, la chaudière du chauffage central, oui, oui le chauffage central en 1926 !!! et l’escalier pour accéder aux 4 chambres dont la plus belle au centre, avec le balcon pour la fille !!! Une remise ouverte pour garer le matériel, avec déjà le garage de la voiture, reliait les écuries avec une porte qui accédait à la « chambre Le Content de la bouillote» comme nous l’appelons encore…. où il y avait évier et eau chaude, les robinets pour laver les bottes, la chaudière pour faire cuire les épluchures et autres pour le cochon. Juste à côté la cave à betteraves où aussi on mettait les patates dans 2 cases différentes : les bonnes pour la cuisine et les moins bonnes ou celles blessées par le « bigot » en les arrachant, pour le cochon. Puis en traversant la grangette on accédait au « concasseur » qui était sous le grenier à grain, un local sur la grange où l’on avait monté les sacs de blé, orge, avoine et mis dans les « chalets » respectifs lors du battage en grange du mois de septembre… une goulotte permettait la descente du grain directement dans le concasseur. Il y avait 2 écuries sur la droite, l ‘une avec 2 places pour les chevaux, un bas-

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flanc les séparait de la paire de bœufs puis le taureau et les génisses et un cagibis pour les moutons dans le fond. En face, l’écurie des vaches de 15 places (énorme pour l’époque) toutes 2 très larges. Au centre la grangette très large aussi puisque l’on pouvait la traverser avec le tracteur !! Sur la gauche la grange (avec le « 4 câbles » bien entendu) où l’on mettait sur les 2 premières « colonnes » les céréales que l’on allait battre en septembre, puis 4 « colonnes » de foin et encore du foin à l’étage sur l’ensemble écuries-grangette, mais seulement 2 trop petites trappes (que nous maudissions) pour descendre le foin !!! inutile de vous dire que lorsque nous avons couler une dalle en 1961 mon frère y a fait 2 trous beaucoup plus grands !!!

L’ensemble faisait plus de 38 mètres de long, et lors des fenaisons nous ne décrochions jamais les 2 chars (parfois 3) les uns des autres et traversions l’ensemble sans dételer le tracteur. C’était du jamais vu… Il paraît qu’il s’était inspiré d’un concept Suisse ??... Ce concept a été reproduit une seule fois à ma connaissance chez Raymond Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 17


Juillet agriculteur et marchand de bestiaux à Champagne en Valromey; maintenant transformé en logements. Pourquoi n’a-t-elle pas été reproduite ?? il aurait fallu construire cela en dehors du village tout en restant pas trop loin, les parcelles étaient souvent trop petites, et l’investissement à l’époque était peut-être trop important ??? Peut-être aussi jugé trop innovant ?? je ne pense cependant pas. Et là nous arrivons dans les années 70 /75 Toutes ces fermes vont être modifiées, pour celles dont les agriculteurs auront construit une nouvelle étable moderne distante de quelques dizaines de mètres, les écuries vont devenir un garage, un agrandissement des pièces habitables une buanderie, un autre logement pour la génération qui ne veut plus cohabiter avec les parents. Pour les autres, ceux qui auront quitté le métier elles seront vendues pour résidence secondaire ou autre, ce qui ne va pas sans poser des problèmes financiers pour les acquéreurs car elles sont souvent trop grandes et parfois en mauvais état. Entre temps la mécanisation a fort avancé, dans les années 50/55 : Premiers tracteurs : Farmall, Utility de IH avec relevage hydraulique indépendant, concept rapidement abandonné, Cube de IH aussi, Deutz, Vierzon Sté Française, Lanz, Hanomag, Bautz, Diesel Ross (devenu Fendt) le Ferguson gris, les Pony (Massey-Harris) Renault avec les E30 essence puis D22 et D30, Ford dexta et Fordson un peu plus tard, parfois Porsche (oui oui Ferdinand Porsche celui des bagnoles, ils avaient déjà un look de course !!!) Staub, Energic, Labourier et faucheuses Kiwa plus populaires dans le Jura, même Allis Chalmers ( très peu courant : j’en ai connu 3 seulement dont l’un avec les roues serrées à l’avant ). C’est même sur sur un E30 que j’ai appris à conduire si l’on peut dire : des agriculteurs jugés trop avant gardistes pour l’époque, c’était en Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 18


1951/52 j’avais donc 6/7 ans, Philippe Juvin venait me chercher avec sa Renault Prairie pour avancer le tracteur et ses 2 chars et charger les bottes car EUX déjà, avaient une botteleuse, je montais sur le tracteur, ne pouvant pas atteindre les pédales, je tirais sur un gros levier qui était le démarreur puis à leur STOP !! Je coupais le contact ! simple non ?? Premiers équipements de fenaison : le râteau-faneur Mc Cormick, la faneuse et la râteleuse de marque Puzenat, trainés par les chevaux et transformés en y boulonnant un timon récupéré sur la « commensure » qui était un élément du char à foin ou du char à fumier (les postes à souder ne « courant pas les

rues » à cette époque ) cependant il y avait la soudure autogène (chalumeau avec bouteille d’oxygène et le tonneau de carbure pour fabriquer l’ acétylène sur place !!!! ) chez nous nous allions chez Léon Muret au Jalinard qui était pluri-actif, paysan et forgeron. Les chars étaient composés de 2 « commensures » un nom usuel du Bugey attelées l’une à l’autre, sur lesquelles on emboîtait un plateau appelé usuellement un herse à foin qui avait à l’avant et à l’arrière des échelles (ou « forétas ou forêtous» plus haut à l’avant qu’à l’ arrière) servant de gabarits de chargement et aussi pour y fixer la perche et les « corés ou perchons » qui maintenaient la « charrée » lors du transport ; à l’arrière on avait le tour où l’on amarrait les cordes de chanvre pour « biller l’ensemble » avec la maravelle ; l’équivalent de nos sangles à cliquet d’aujourd’hui . Aussi au printemps et à l’ automne ont y mettait « les cornes » pour charrier le bois, les branches (on disait les ailes) de fayard.

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Mais au fait c’est quoi une « commensure » ?? c’est un essieu avec un chassis en bois auquel est fixé soit un timon pour la paire de bœufs raccourci par la suite en y mettant une chappe forgée par Léon Muret, pour le tracteur, soit une paire de brancards pour le cheval. Sur ces mêmes « commensures » au printemps on y fixait le plateau pour le fumier avec ses 2 planches amovibles faisant office de ridelles. Les roues étaient en bois cerclées d’un bandage en acier, puis par la suite à pneus . Dans les années 63/68 j’ai soudé nombre des fusées de Simca Aronde les plus faciles à démonter et à souder. Le char à pneus a été une petite révolution : pas de bruit, on pouvait aller plus vite, moins sensible aux nids de poules des routes et chemins et plus de confort pour tout le monde qui se rendait au champ car c’était en même temps le moyen de locomotion. Lucien à Guste a cerclé les dernières en 1959 avec son père à Brénod !!

Ces commensures pouvaient en option être freinées avec la « mécanique » comme l’on disait, un patin garni de bois très dur qui venait frotter sur le bandage acier. Comme aujourd’hui pour les essieux, il y avait plusieurs modèles en diamètre et tonnage : par exemple pour le charroi de sapins que les débardeurs livraient dans les scieries du coin.

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Les chars à pneus ont « fleuri » de partout avec plusieurs types : avec rond d’avant train (parfois récupéré sur l’ancienne charrette à cheval) avec l’avantage de braquer sur place, la fabrication était mi-ferraille mi-bois, Tardy de Lompnieu a conçu a cette époque un char entierement en acier très robuste, c’était le concept des 2 commensures mais cette fois tout en acier, inconvénient : ça braquait mal ! et même si on braquait trop on renversait la charrée.

En 1970/ 75 j’en ai fabriqué tout en acier avec tourelle et des petites astuces fort appréciées, bords relevés, emplacement pour mettre les perches etc, puis aussi des bétaillères, la toute première pour la ferme familliale puis la seconde pour Paul Godet du Grand Abergement, d’autres ont suivi… C’est à ce moment que j’ai fabriqué les premières tonnes à eau, en récupérant des cuves chez Marcepoil à Ambérieu, avec timon et essieu-maison soudés directement sur la cuve. Petite anecdote : aujourd’hui 40 ans après elles sont toujours en service dans la Valromey, mais surtout sont restées d’un jaune Caterpillar éclatant, preuve que la peinture était d’une qualité 100 fois supérieure à celle de 2017 !!! Les « tonneaux du Dombier » comme disent encore les Valromeysans… Ce fut aussi les premiers épandeurs à fumier, celui du Dombier était un « Rigaud » de Jasseron, un mécano automobile qui les montait avec un pont de quatorze-cents kilos, un petit camion Renault. C’était en 1962 je crois. Nous sommes maintenant au début des années 70/75 qui vont connaître de grands progrès et bouleversements techniques; et ce sera un autre chapitre dont je parlerai plus tard…. Les fermes du Jura et du Haut Bugey par Jean Troccon page 21


Scènes pastorales sur Retord

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