Marcelle et Jean Robin
Il avait 20 ans en 1910
Hector, un hĂŠros ordinaire
Editions Les Guettes
Amélie Nicolas
Sophie Charlotte
Guillaume
ISBN : 978-2-7466-7360-1
© Marcelle et Jean ROBIN
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction. Intégrale ou partielle réservés pour tous pays. Les auteurs sont seuls propriétaires des droits et responsables du contenu de ce livre.
Photos de couverture :
Hector en 1913, archives familiales
Carnets d'Ernest Gabard, Aquarelle N°14, 29 déc.1915, titrée « Un paysage vu de la 'porte' de la Sape 1 »
PREFACE
Il y a 100 ans. Anniversaire oblige, les ouvrages ont fleuri sur la Première Guerre Mondiale. Encore un, diront les esprits légers,
ceux qui oublient leurs dettes de reconnaissance envers des héros sans lesquels eux-mêmes n'existeraient pas ou du moins pas dans les mêmes conditions. Ceux aussi qui oublient la valeur
irremplaçable de chaque personnalité, ceux enfin qui oublient qu'un peuple sans mémoire est voué à la disparition. Voici en réalité une pierre apportée au très vaste chantier "de l'étude du début du 20® siècle dans ses aspects civils et militaires.
Hector, jeune paysan de la montagne bugiste, participe d'abord à tous les travaux liés à l'élevage, à l'exploitation forestière, à l'économie de subsistance, à la chasse et aux échanges avec les « gens d'en bas » habitant la Michaille. Il connaît la vie religieuse, a bénéficié de l'instruction, mais il sait aussi se distraire et
n'ignore pas l'existence de la voie ferrée du Vairomey. Il constate l'apparition si surprenante des automobiles et surtout des avions. Astreint au service militaire de 1911 à 1913 au 133® régiment d'infanterie de Belley, Hector devient mitrailleur et c'est en cette
qualité qu'il est mobilisé en 1915 au 23® régiment d'infanterie : il se trouve dès lors engagé jusqu'en 1918 sur une série de très célèbres théâtres d'opérations. La chance finira par l'abandonner
car un obus lui vaudra l'amputation d'un pied, une longue convalescence à Tours, un appareillage à Lyon et la réforme, le
tout compensé en partie par une belle brochette de décorations. Alors, du déjà vu ? Sûrement pas. Comment rester blasé devant la rage de vivre d'Hector qui, dominant douleurs et handicap, organise si bien son retour à la vie civile ? Il me rappelle un de mes maîtres en Histoire contemporaine de la Faculté des Lettres de Lyon, André Fugier, qui masquant une amputation de guerre
et les douleurs l'accompagnant, sut être un modèle de professeur et un exemple d'éducation. J'eus l'honneur d'être son élève, ce qui me permet de comprendre pleinement un Hector. Les auteurs de ce livre ont fort bien su aborder de très
nombreuses questions en peu de pages, placer les illustrations et
la bibliographie indispensables, et surtout situer les événements dans leur contexte national, voire international. Comme l'ensemble de la présentation est très alerte, on ne peut que
recommander la lecture de cet ouvrage en Bugey et ailleurs.
Héros anonyme "^parmi tant d'autres, Hector passe aujourd'hui, fort heureusement, à la postérité. Hector avait 20 ans en 1910.
Bernard DEMOTZ Professeur honoraire
Université Jean Moulin-Lyon III
« Pas le temps de réfléchir!Il fallait faire vite! C'était lui ou mol!»
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La
Grande
Guerre, la
« 14/18 », « Sa
Guerre », avec son
quotidien de souffrances auréolé parfois d'immenses éclatements de joie, il la revivait par ces quelques formules puissantes qui condensaient semaines, mois, années, pour lui, accroché à sa mitrailleuse, car il était mitrailleur, notre Hector sauvé des horreurs de la guerre.
Le Golet Sapin, puis le Chenet - on dit plutôt le « Ch'net » - ont été ses « granges » créatrices. Sa famille, sa maison, l'immensité des prairies et des forêts de Retord, leur isolement loin des voies de communication pendant de longues années, la rudesse du climat, tout cela a formé l'homme.
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La combe de la Guaz^ Retord - Carte de Cassini 18® siècle
^ Cliché Simone Rinaldi
ere
Partie
La vie au temps d'Hector
Né au Petit Abergement le 9 octobre 1890, Hector vécut au Goiet Sapin jusqu'en 1906, entouré de ses parents. Constant et Philomène Mathieu, de ses grands-parents Jules et Eugénie Mathieu, de ses frère et sœurs, Henri, Clotilde et Alice. Puis, la famille s'installait durablement au Chenet d'En-Bas.
Juies Marie MATHIEU b. 14 Nov 1834, PetitAbergement d. Constant Victor MATHIEU b. 11 Juil 1860, Petit-
30 Nov 1913, PetitAbergement pr. Cultivateur au Golet Sapin
Abergement d.
24 Fév 1949, Arlod
pr. Cultivateur au Golet Sapin
Marie Eugénie AUGIER b.
29 Oct 1837, GrandAbergement
m. 4 Oct 1859, GrandAbergement
d. 1909, Petit-Abergemenl pr. Cultivatrice au GrandAbergement
Hector MATHIEU
b. 11 Cet 1890, Le Pet'itAbergement d. 1984,Ariod
Le Chenet d'en Bas vers 1905, et, à droite Philomène ^ François Casimir AUGIER b. 28 Oct 1839, GrandAbergement
Lucie BIZOLON b. 1892, Ameyzieu Marie Philomène
d. 8Août1900, GrandAbergement
Fils et petit-fils de paysans montagnards, Hector a très rapidement participé à tous les travaux traditionnels de la campagne. Déjà à cinq ou six ans, il allait « en champ les
AUGIER
b.
19 Cet 1868, GrandAbergement
m. 30 Nov 1889, GrandAbergement
d.
Mai 1946, Arlod
pr. Cultivatrice au Ctienet
Comme toutes les autres granges du plateau, elle est exposée plein sud, construite pour un climat rigoureux, avec habitants et animaux vivant sous le même toit, et le plus possible en économie fermée.
Marie Clémentine PILLARD b. 25 Sep 1845, Le GrandAbergement m. 26 Nov 1867, Vouvray
vaches », et vers douze-quinze ans, il labourait, fauchait avec son
père.
Un paysan en puissance, qui acceptait et maîtrisait avec philosophie ce que proposait la vie en ce tout début du 20® siècle, si dure qu'elle ait été parfois. Son environnement : les vastes combes nord-sud de la Manche, de Ramboz, de la Vézeronce, les chaînons forestiers du Moment ou des Moussières, les prairies pentues de Bérentin, Sur Roche, les Vuires ou encore Lâchât.
Cliché Forgeot
Scènes de la vie à la « grange » du Golet Sapin et du Chenet d'en Bas Le paysan de la montagne assumait les travaux des champs au fil
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ii-
des saisons, labourage, binage, fauchage à la faux dès quatre heures du matin, fenaison, moisson, cultivait dans son jardin choux, pommes de terre, haricots, topinambours, rutabagas, et apportait, soutenu par son épouse, un soin attentif au poulailler.
Le cheptel à soigner était important : deux grands bœufs adaptés au débardage des bois, un âne, des vaches laitières, des moutons, et surtout des chèvres dont le lait donnait des « chevrets » réputés.
Le fauchage
Réputé aussi le « bleu de Gex » que de nombreuses fermes - tel le Chenet d'En-Haut - fabriquaient couramment dès 1848. Le préfet Bossi"^ n'écrivait-il pas déjà dans les années 1810 : « à
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l'exception des fromages persillés de Châtillon-de-Michaille^, tous les autres ne sont que des fromages fort communs et non estimés ».
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Le chargement des fourchées de foin
Sur le plateau, vers 1900, grande était l'activité laitière, d'où la présence de nombreuses fruitières : celle de la Manche, de Lâchât, de Mas Gollet, du petit Tumet, de Pré Devant... Puis cette « industrie laitière, primitivement localisée dans la ferme, est devenue peu à peu corporative ».® En 1903, les quatre fromageries du Grand-Abergement traitaient jusqu'à neuf mille quatre cents hectolitres de lait, et celle du Petit-Abergement, environ trois mille sept cent cinquante.
Chaque grange fabriquait aussi son beurre, moulé en mottes de quelque cinq kilos, pour la consommation courante et pour la vente, certaines fermes mieux placées près des rares voies de communication, servant alors d'épicerie de dépôt, comme celle du Contant.
Transport de sapins dans le Haut-Bugey^. Exploitation des bois : une des ressources essentielles.
Bossi - Préfet de l'Ain de 1806 à 1810 - Statistique départementale de l'Ain 1808.
^ Il s'agit des granges de Retord dépendant de la commune de Châtlllon-de-
Mlchaille.
Guichard (Paul). Connaissance des Pays de l'Ain. 1965.
® Passerat & Reydellet - Retord dans Annales de l'Ain 1912.
Certaines traditions étaient à respecter : « ne pas mettre le pain à l'envers », « ne pas planter un couteau dans la miche de pain », « ne pas jeter le pain », « faire une croix sur le pain avant de le couper ».
Au printemps il fallait semer blé, orge, avoine et méteil, sur des terrains parfois escarpés et éloignés de la grange.
Moisson terminée, les javelles de céréales étaient placées pendant deux mois dans la paille pour parfaire leur mûrissement. Puis, vers la fin de l'automne, la batteuse tirée par deux, voire
trois paires de bœufs, arrivait à la ferme, était installée et mise en mouvement grâce au système courroie-locomobile chauffée au bois.
La grange du Contant.
Et les ruches ? Cinq, six, sept, suivant les années, étaient cachées sous un gros frêne, au pied d'une butte. Le jour bien choisi, chaud, mais pas orageux, après avoir enfumé les ouvrières bourdonnantes, affublé d'un masque et d'un large chapeau,
poignets et chevilles protégés. Constant - le père d'Hector -, retirait les cadres chargés de miel pour les placer dans l'extracteur. Une opération délicate, mais quelle récompense que ce miel de sapin parfumé, à l'arôme boisé, de couleur plutôt sombre I
Tous se mettaient à la tâche, ceux du Chenet, ceux des granges
voisines et, au rythme régulier des trémies, dans une poussière suffocante, la machine à battre remplissait un à un les grands sacs de grosse toile.
Venait plus tard le temps du moulin des Vuires où une partie de l'eau du Séran, captée dans une conduite forcée, faisait tourner inlassablement une meule, excepté pendant les rares moments de sécheresses estivales.
Néanmoins, le moulin restait un lieu de rencontres où l'on bavardait de tout, de rien, des dernières nouvelles de La Palud,
Autre moment fort, tous les dix jours, le grand cérémonial de fabrication du pain !
de la grange Charpy ou d'ailleurs, où l'on partageait les soucis et les joies du quotidien, où la meunière continuait à servir verres de « gnôle » ou de vin du Bas-Vairomey.
Le pétrin devenait, pour un temps, le cœur de la grange : on y mêlait levain, farine, eau, sel et commençait alors le brassage, en
Certaines années, on semait aussi du chanvre pour faire du
tournant, en tapant et en faisant claquer la pâte. Trois heures de repos. Puis les boules, façonnées dans les « bennons » et
« coutil », toile très forte et très serrée. Le Vairomey est d'ailleurs
marquées de la croix, étaient glissées sur une longue pelle de bois avant d'être enfournées.
-
cité
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Le pain, tout un symbole !
^ Dur à gagner en ce rude pays de montagne.
dans
le
« Dictionnaire
universel du commerce, de la
banque et des manufactures », comme fabriquant des « coutils de chasse unis et à côtes ».
Le « menevé » ; paquet de chanvre que l'on peut embrasser des deux mains.
Rappelons qu'au 19® siècle, d'après les écrits du préfet Bossi, d'après ceux du curé RarneT, la migration des peigneurs de
Le colporteur
chanvre ou « pignards » était un réel phénomène économique. De la mi-septembre à Noël, des groupes de montagnards partaient
Savez-vous, à l'heure des « super... hyper marchés », qui est ce
dans les départements les plus éloignés, plutôt vers l'est, le Doubs, les Vosges, la Moselle ... ; d'autres groupes, souvent plus pauvres, « plus besogneux », repartaient vers mars-avril dans les
vieil homme barbu, au chapeau cabossé, à l'allure pesante, cet ami annonciateur du printemps, au sourire engageant, chargé d'un gros ballot sur l'épaule droite, et solidement appuyé sur un
régions les plus proches telles Bresse, Dombes et Dauphiné.
bâton noueux tenu par la main gauche ? Le colporteur !
Quatre-vingts à cent vingt francs de bénéfice net pour chacun, au bout de deux mois ! Un complément de gain nécessaire.
Chaque année, vers la mi-avril, ce compagnon venu de nulle part - celui du Chenet venait de Savoie,
« Eh oui! On ne s'ennuyait pas à ia montagne I Une vie au rythme des iabours, des semailies, des récoites, de la fenaison, de ia moisson, du débardage ..., mais il y avait aussi les rendez-
- frappait à la porte, saluait, posait aussitôt son énorme chargement sur la table, s'inquiétait des
vous à la foire de Champagne et, au moins une fois l'an, aux foires des 12 mars ou 18 juillet à Bellegarde, du 2 mai ou du mardi de Pentecôte à Châtillon-de-Michaiile », rappelait Hector.
nouvelles des petits, des grands, de la récolte, de l'hiver, donnait quelques nouvelles du monde, et la
All-SSAGF.R ROTTl'U.X
AlinaïKich liislorit|iie contknant
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féérie commençait ! Des rubans de toutes les couleurs,
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des aiguilles, du fil, des ciseaux, des couteaux, des livres de messe,
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des boutons, des jarretières, des crochets, des lunettes ... et, trésor parmi les trésors, « Le Messager
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Boiteux » !
Une lecture pour l'année, à savourer, à relire et à
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Champ de foire de Bellegarde en 1895
« Les filles parlaient rubans ou autres fanfreluches, mais moi,
Constant, le chef de famille, descendait alors à pied, en passant par la Manche, Cuvéry, le Catray et Ochiaz.
depuis longtemps je rêvais d'un couteau! Et un jour, je devais avoir huit ou neuf ans,j'entends mon père dire : - Pour le fils, il y a encore les couteaux de l'an dernier ? -
« Une véritable expédition qui durait au moins deux jours, mais qui n'était pas pour effrayer mon père, un solide gaillard I II revenait chargé de sacs de graines, de clous, de chemises, de
Bien sûr I Et en trois couleurs !
J'ai choisi le vert. Je l'ai gardé jusqu'à quinze ans je crois. Un couteau à moi pour réaliser des « rappels de gelinottes », pour construire des nids, des cabanes et pour tailler des cannes!»
savon de Marseille, de souliers, de cahiers, de crayons pour les « Allez, disait notre homme, belle santé pour l'année récolte ! Et moi je continue ma route vers Mas-Gollet ».
enfants ... et j'en passe!»
^ Ramel (François). Curé du Petit-Abergement. Notices historiques (Petit et Grand Abergement) de 1886 à 1893. 8
Belle
Au printemps, la grande lessive
Les escargots du père Mathieu
Aux premiers beaux jours, il fallait faire la « grande lessive » de
Une histoire qui se savoure depuis des générations dans la famille Mathieu, et que Jules se plaisait à raconter à son petit-fils Hector,
printemps, deux jours de dur labeur pour les dames de la grange.
D'abord on triait le gros linge, le linge de maison, celui accumulé depuis l'automne dernier, draps, torchons, serviettes, en chanvre,
vers 1900 !
lin ou coton, et on décrassait les taches les plus rebelles au savon
Père Mathieu, coquetier, allait jusqu'à Lyon livrer des produits frais et, à la saison propice, de gros escargots blancs, charnus, qu'il emportait vivants, spécialement à l'intention des Soyeux argentés des bords de Saône. Ce commerce, tout à fait licite, faisait que père Mathieu était toujours salué avec grand respect. Or, voici qu'un jour de l'an de grâce 1790 ... et tant ..., on lui propose de transporter, en plus, une petite cargaison ultra précieuse - l'or des Chartreux d'Arvières souffle-t-on ... -, cargaison qui devait franchir l'octroi à la barbe des gabelous ! Père Mathieu glisse alors la mystérieuse cargaison dans un sac d'escargots bien rempli et, à quelques toises de l'octroi, il donne plusieurs coups de couteau dans la toile des sacs et ... arrive au
de Marseille ou à la racine de saponaire séchée. Ensuite on déposait, au fond du cuvier en bois, un grand drap
destiné à entourer tout le linge entassé dessus. On répartissait alors une couche de cendres de bois préalablement tamisées, on arrosait d'eau chaude, on vidait et on recommençait C'était le « coulage » au savant mélange de « licieux » qui pouvait durer toute la journée. Et on passait au rinçage dans une cuve avec l'eau du puits, ou celle de la citerne remplie par l'eau du toit.
Après le rinçage, on entreposait le linge sur des tréteaux de bois, et on passait à l'étendage sur l'herbe du champ, côté ouest. Enfin, c'étaient le pliage, le repassage et le rangement dans les armoires qui, pour un temps, retrouvaient leur bonne odeur de linge séché au grand air.
Toute l'année la montagne généreuse
Réalité ou fantasmagorie ?
péage. «
Eh ! Père Mathieu ! Vos escargots fichent le camp ! Où ça gabelou ? Ben ! Sous votre charrette ! Regardez ! Il y en a sur la route !
Les récoltes parfois étaient maigres selon les caprices du temps, mais heureusement la montagne savait se montrer généreuse. Généreuse d'abord en cueillettes de framboises, myrtilles, airelles, et même de « faînes » - fruits du hêtre -, avec lesquelles on fabriquait de l'huile certaines rares années, tous les quinze ou vingt ans, disait-on.
Généreuse encore la montagne avec les récoltes de champignons, morilles, chanterelles, truffes que les chercheurs aguerris découvraient à condition de « se lever matin » et de courir les
grands espaces. « Trois francs et cinquante centimes le kilo, c'est le prix que payaient les coquetiers qui les revendaient au marché de Nantua », entre 1888 et 1892, d'après le curé Ramel. Généreuse enfin la montagne, avec les escargots ramassés surtout en août ou septembre, après les jours de pluie, parqués jusqu'aux froids, puis revendus à des coquetiers du PetitAbergement pour les gourmets de Lyon et de Paris ! 10
Ah oui ! C'est ben vrai ! J'vais les récupérer !
Oh ! pour quelques-uns, ils ne seront pas perdus pour tout le monde I Allez ! Allez ! Passez vite ! Vous paierez la prochaine fois ! » Et il passa, Et il livra. Et il paya la fois suivante.
Père Mathieu ni enrichi, ni appauvri,
poursuivit son bonhomme de métier de
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Et ceci s'est passé dans les temps des
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11
*
La chasse
L'hiver à Retord
Ramassage, collecte de tout ce que fournissait en abondance la
montagne oui, mais d'après Hector, dont les yeux étincelaient de plaisir en racontant cela, la véritable passion de tous les hommes
Un quotidien souvent difficile à vivre ! La neige, les congères, le froid, la glace, et parfois des tornades d'une rare violence, renforçaient l'isolement des granges et accentuaient le relatif
du clan Mathieu, c'était la chasse.
confort des soirées familiales.
Parcourir les bois, écouter le silence, choisir son repère, connaître le frisson de l'attente du passage du lièvre ou du chevreuil I Edifiant, ce texte écrit par le curé Ramel, daté du 25 octobre 1888® : « Dans le pays, il y a quelques
Bp»
braconniers; et trèsle peu de - le I >v ' > 1viP9HHii ' chasseurs mais chasseur " plus habile et qui est le plus connu, liMlgl ■ surtout des gourmets de Nantua, w
c'est le sieur Mathieu Jules, fermier
'''■ '-<' ■ **l! Ses et garde particulier au Golet-Sapin. enfants et lui tirent de leur M)- ' »
mSÊSlài^it 'i Hector avec avec son son Cal.12 à broche broche Hector Cal.12 à
Cercles de bois aux pieds - les raquettes de l'époque -, pratiquement toute la journée, il s'agissait de maîtriser l'envahisseur. Creuser tout d'abord, à coups de pelles, une espèce de sentier afin de conserver au moins un accès à la ferme,
conduire par ailleurs une, deux, voire trois paires de bœufs qui tiraient un chasse-neige improvisé - on disait « le triangle » -, pour « ouvrir » la route plus au-delà, et laisser à plus tard les spectaculaires congères.
C'étaient des moments de force, d'énergie, sans doute de
chasse en moyenne de trois à
découragement, en tous cas sûrement des moments réconfortés
quatre cents francs par an. Le
par le vin chaud au retour !
père, Philippe Mathieu, m'a raconté
Qu'au Golet-Sapin on tue à peu
près chaque année quinze lièvres à dix francs chacun, dix-huit
aimait nous les faire revivre.
huit bécasses à trois francs l'une et environ quarante grives à cinquante centimes les unes dans les autres, sans compter
« Eh bien!J'en ai fait de la luge!Pour moi seul, les pentes du
beaucoup d'autres oiseaux : total, trois cent trente-deux francs !
Golet Sapin, et plus tard celles du Chenet!Attention!C'est moi qui l'avais fabriquée cette luge ... avec des douves de tonneaux!
C'est un beau revenu I Quand on désire avoir du gibier, il faut s'adresser au Golet-Sapin ! »
T
On peut citer comme années redoutables 1892, 1898, 1901, 1904, 1905, et il y en eut beaucoup d'autres !
Mais l'hiver, fort heureusement, offrait aussi des bonheurs. Hector
gelinottes à six francs pièce, dix-
1
Et en hiver ? Pas de répit ! Les gens du Golet Sapin chassaient les martres, précieuses pour leurs peaux qui, une fois
tannées, se vendaient au « biffin », chiffonnier de passage, et servaient plus tard de parures aux élégantes de la ville I
® Rame! (François) - Notices historiques de 1886 à 1893 au Petit et au GrandAbergement.
Les éléments déchaînés poussaient nos paysans montagnards à l'action.
Fallait voir le sport!»
Un autre souvenir marquant, les veillées de voisinage.
« Certes il fallait gagner la grange d'un soir, une expédition dans la neige, le froid, la nuit, mais à l'arrivée, chaleur de la vaste cheminée, table déjà préparée pour les jeux et surtout, les filles de la maison!Ici Eugénie, Véronique, plus loin Isabelle, Léonie, à côté, Sylvie etje pense encore à Rosine ou Mathilde ...!»
Tout y était, rires, sourires, chansons, histoires!
Le retour ? On n'y songeait que tôt le matin, à quelques heures de la traite des vaches.
C'est que la montagne était peuplée en ce temps-là I Je suis sûr qu'il y avait plus de gens vivant dans les granges,
qu'elles soient groupées ou isolées, que dans le
village
proprement dit ».
Effectivement le recensement de 1906 nous donne, par exemple
pour le Grand-Abergement, sur une population de cinq cent douze habitants, trois cent trente répartis dans les granges et seulement cent quatre-vingt deux au chef-lieu.^
f
« La montagne était vivante! Et ne parlons pas des bals au Grand, au Petit-Abergement, voire même à Ochiaz!Enfin ça c'était au printemps I» L'hiver à Retord ! Période redoutée par le curé Ramel, souvent
acerbe dans ses chroniques en cette fin de 19^ siècle. Maintes fois w
ii se lamente de la paresse des gens de la montagne en hiver,
«... la paresse amenant la pauvreté rend canaille [...]. Actuellement nos gens ne faisant rien l'hiver, si ce n'est de se déchirer à coups de dents, ne gagnent rien du tout [...] ». Heureusement un peu plus loin, il se félicite ... « A part deux ou trois qui travailient réellement, entre autres, Mathieu Jules du Golet-Sapin (trois cents francs de bénéfice de bardeaux chaque hiver), et au village Bellod Jean-Louis et son fils Bellod Frédéric
(cinq cents à six cents francs de ruches, cire, gaufrée ...) »^°. Ajoutons que la famille Bellot s'était aussi essayée au lapidaire.
Des « cercles » semblables à ceux d'Hector
Six paires de bœufs étaient souvent nécessaires pour ouvrir la route
^ Voir en annexe.
Ramel (François). Curé du Petit-Abergement. Notices historiques de 1886 à 1893 au Petit et au Grand Abergement. 14
15
L'hiver à Retord ! C'étaient aussi les longs moments de tête à tête
Qu'est-ce qui t' voulait ? C'était pour un « féli » I Et comment qu'tu l'as appelé ? A moitié !!! s'époumone à nouveau le renard et la même
entre les générations vivant sous le même toit, des moments
comédie recommence une troisième fois
privilégiés, pendant lesquels le grand-père aimait transmettre à son petit-fils Hector, des rudiments de patois, « le bélo », à lui parler de la tradition, à lui répéter fables, comptines et chants. Vingt, cinquante, des milliers de fois, tous deux se régalaient de
Et comment qu'tu l'as appelé ?
Le loup, confiant, mais
l'histoire du « féli » !
épuisé par tous les coups
Le « féli »
Terminé !!!
de hache qu'il vient de Une fable du renard, pimentée à l'air
donner, a faim. Tous deux se
des montagnes du Golet Sapin.
alors vers la musette.
h
dirigent
La voici à la virgule près. Elle est vide !
Un jour, le renard, rencontrant le
-
loup, lui propose de l'aider à couper
Ne t'inquiète pas, dit le
. v.r j du bois.
sais
renard, je où
-T''.
1
trouver
une grande seille remplie de lait, entreposée dans une -
D'accord, allez ! On y va ! répond le loup avec confiance.
Et ils partent, et le renard pose la musette bien garnie, sous une
cave.
branche, et le loup se met à taper, à taper, à taper.
Aussitôt nos deux compères, à toutes pattes, s'y dirigent. .. Un carreau cassé laisse le passage libre et le loup, affamé, lape et
Le renard donne deux coups de hache et, tendant l'oreille :
lape et lape, pendant que le renard ... déjà largement repu,
-
Plaî ... plaî... plaît-il ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquiert-il
l'oreille dressée, surveille.
d'une voix doucereuse
- Que se passe-t-il ? demande le loup - On m'appelle compère ! - Oh I Ben va voir, dit le loup qui se remet aussitôt à taper. Au retour le loup demande : - Qu'est-ce que c'était ?
-
Tout à coup : -
Sauvons-nous I Sauvons-nous ! glapit-il, Caroline arrive !
Et le renard, léger, de se précipiter vers la fenêtre, tandis que le pauvre loup, au ventre gonflé par trop de lait englouti trop vite,
C'était pour un féli », répond le renard Et comment qu'tu l'as appelé ? Entamé !l! claironne le renard qui redonne alors deux
Caroline appelle son père. Son père tue le loup. Le filou de renard
coups de hache et, à nouveau, feint d'entendre un appel
prépare déjà d'autres larcins.
-
Plaî ... plaî ... plaît-il ? Qu'est-ce qu'il y a ? Que se passe-t-il ? demande le loup
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le langage de la montagne, un
-
On m'appelle compère !Oh I Ben va voir, dit le loup qui se remet encore à taper.
-
ne peut passer par le carreau cassé.
« féli » est un festin, une fête !
Au retour le loup demande une nouvelle fois :
16
17
Les glacières de Sylans
KAHTUA.. lac JeSjUm
C'est en redécouvrant les ruines des « glacières de Sylans », au bout du lac, qu'un jour Hector fit revivre ses souvenirs :
« J'y ai travaillé!Oh pas longtemps!
A l'époque, vers 1908, 1909, la curiosité me poussant, et histoire
de me faire quelques sous, je suis allé plusieurs fols mettre la main à la glace. Le Chenet, la lisière de la forêt du Moment, le Replat, le Polzat et
enfin la descente rapide sur les Glacières, dix petits kilomètres! Un rien ».
Les fameuses glacières.
Un certain Joachim Moinat, propriétaire d'un bar à Nantua, eut
l'idée d'utiliser la glace très pure du lac, afin de rafraîchir les boissons offertes à ses clients, en été. Il stockait la glace dans
une simple cabane de bois, cabane remplacée quelques années plus tard, en 1875, par un second bâtiment, toujours en bois, mais à doubles parois comblées par un mètre de sciure.
OffTTIe NANTUA
Rëcolto do lo Ûtooo nu I«ao d* Sylons
En 1882, après l'ouverture du réseau ferré Bellegarde-la' Cluse, une voie de raccordement sur les glacières est créée. Ce sont de vingt à trente wagons recouverts de toile de jute et de paille qui, chaque jour en été, partent en direction de Lyon, Paris, Marseille ... et même Alger.
SYLANS — nëcdtto d« U C]*c«
En 1885, vint le temps du rachat par la société des Glacières de Paris qui réalisa d'importants investissements, en construisant d'autres bâtiments, d'abord en bois, puis en pierres. On arrivera ainsi à un rythme quotidien de quelque cinquante wagons en l'été 1894. V
Mais, les hivers moins rigoureux, la Grande Guerre, l'apparition des réfrigérateurs, ont signé progressivement la fin de l'exploitation de la glace à Sylans, à partir de 1917.
1'. VUiatia, pbot* - Orooaai
Cartes postales anciennes (Collection Eric Tolseux)
18
19
UV
VI
1 Retord et Saint Roch liés à jamais par l'histoire
Le Haut-Vairomey, les combes de Retord et le plateau lui-même, ont toujours été fidèles à la religion catholique. Déjà au 17® siècle, les paysans disséminés dans les vallons de la montagne, se plaignaient de ne pouvoir se rendre facilement aux offices de leurs paroisses pendant le long hiver, à cause de l'abondance des neiges, et du trop grand éloignement des paroisses du Grand, du Petit-Abergement, de Billiat, d'Ochiaz, de Vouvray ou de Villes.
s
Se forge alors, peu à peu, l'idée de créer une paroisse centrale dans les hauts pâturages, idée reprise en 1670 par Dame Denise Blanc, veuve de Roland Durochay, de la Solivaz, montagne du
Grand-Abergement, « une personne riche et très pieuse ».
C-;^
Retord sera ainsi érigée en paroisse en 1674. Puis, formalités administratives et
k
religieuses menées à bien, fonds nécessaires
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" ■ V'i-T -i^-' r-'W".
réunis, une église est consacrée dans la combe de
la Platière, le 3 octobre 1683, sous le vocable de
Saint François de
Sales, évêque de Genève. Ruines de la première église
Quelque cent années plus tard, « la révolution ruine l'église et interrompt le culte pour un demi-siècle », affirme Philippe Boutry^^. Chapelle de la Vézeronce - consacrée en 1852
Boutry (Philippe). Prêtres et paroisses au pays du curé d'Ars. 20
21
Vi
L'abbé Berne repose dans le petit cimetière à côté de la chapelle
Eglise et cimetière continuent bien à être plus ou moins entretenus par les fidèles, mais les lieux se délabrent et, de plus,
de la Vézeronce. Sur sa tombe une épitaphe : Quarante ans entiers Avec mon soupir dernier J'ai vécu je suis mort
il faudrait construire une cure.
Après consultation des habitants, il est décidé qu'une nouvelle chapelle sera bâtie à la Vézeronce, à quelque mille deux cents mètres d'altitude. « A force de sacrifices et de persévérance. Retord vit l'achèvement de son église et de sa cure, et le 22 février 1852, Monseigneur Chalandon consacra la nouvelle église au milieu d'un grand concours de prêtres et de fidèles écrit le docteur Passerat-Reydellet^^.
Pour le peuple de Retord L'abbé Favre était le dernier curé de cette grande et haute
paroisse quand elle fut rattachée au Grand-Abergement.
L'absence de pasteur plonge les populations dans une réelle détresse morale et spirituelle. L'occasion est toute trouvée de se rebeller un certain 12 mars 1906, suite à la loi de séparation des
Eglises et de l'Etat. Laissons parler Delphine Arène^^ : « le
Saint Roch en sera le patron, gardien des bergers et de leurs troupeaux, guérisseur de leurs maux et de leurs peines.
receveur d'enregistrement voulut atteindre la chapelle et le presbytère pour y dresser l'inventaire officiel, il rencontra un rempart de neige élevé par les Retordiens qui n'admettaient pas que leur église fût fermée. Le receveur n'insista pas mais, le 21 novembre, il revint accompagné de gendarmes, de serruriers, de guides et tout se passa sans incident ». Art. 1". — Est .iltribuio i la communs de
de
Ora.nJ-Abergcnicni .'Ain), le bien ci-après désigné ay.ant appartenu à la f.ibrique de l'cgliso de Ilctord, la présente attribnUoa
permirent
faite sous condition de conserver audit bien l'aCrcctaîion maintenue par la liste ci-dessus
Néanmoins le culte du dimanche se
maintint généreux
jusqu'en
1914, et
donateurs
d'entretenir l'église. C'est ainsi que l'on découvre sur le journal officiel, en
date
du
11
mai
1910, le
versement d'une « somme de mille
cinq cents francs provenant du legs Brunet (Julie), veuve Rochaix et destiné à l'entretien de l'église de
du legs Brunet '.Ir.lic), veuve Uoclialv, et destinée à renlrclien do l'église de Retord. Art. 2. — Le président du conseil, mi nistre de l'intérieur et dos cultes, est chargé do re.véculion du présent décret. Fait à rtarnbouillel, le 11 mai iOlO. A. FAr.uùnss.
Par lo Président do ta Républiquo :
Kc prJif'/cri/ ilu cO'JSCil, ministre de rintcri'mr et des cultes,
Retord »
AniSTiuE nni.e.Nu.
Depuis le milieu du 20^ siècle, cette chapelle a été parfaitement restaurée sous l'impulsion de l'abbé Tarpin, curé du GrandAbergement à partir de 1940, et chaque année, le premier
La Cure de la Vézeronce
Cinq prêtres vont se succéder dans la paroisse, dont Louis Berne,
dimanche qui suit le 15 août, c'est la grande fête de la Saint
originaire d'Hotonnes, accueilli le 7 novembre 1853 - il avait trente-quatre ans -, qui voua sa vie au peuple de Retord pendant
Roch, avec bénédiction des voitures.
quarante ans, portant d'ailleurs parfois un jugement sévère sur
Hector aimait retrouver l'âme de la chapelle de la Vézeronce à ce
ses paroissiens. 12
visée; uno sommo de LôO-D fr. provenant
rendez-vous obligé de tout le peuple de la montagne. 13
Passerat-Reydellet - Retord dans les Annales de l'Ain.
Delphine Arène. Le Plateau de Retord. 23
22
L.
L'école « Si le plateau avait pu, à force d'énergie et de sacrifice, obtenir des secours religieux, il ne put avoir une autre source de
civilisation, celle de l'école », affirme Philippe Boutry^^. En 1883, les élus du Grand-Abergement s'étaient bien mobilisés, ils avaient même décidé d'une subvention pour entretenir une
école non loin de la chapelle de la Vézeronce : cent mètres cubes de sapins. Des discussions s'étaient engagées et, neuf ans plus tard, en 1892, l'inspecteur primaire en personne se déplaçait luimême sur le plateau. Il décida du choix d'un local provisoire, un petit bâtiment isolé au midi de la Platière, et signa un bail de deux ans en attendant la construction d'un nouveau bâtiment.
Mais l'instituteur nommé n'a jamais pris son service !
« En 1892 le Grand-Abergement demande alors la création de deux écoles, une pour la basse montagne aux Vuires, et l'autre à
■
la Manche pour la haute montagne avec une école annexe pour la partie de Retord située sur le versant de la Michaille », écrit le docteur Passerat^^.
En janvier 1893, des propriétaires des communes concernées envoient même, au Préfet de l'Ain, une pétition de façon à obtenir une école.
Mésentente sur le choix du lieu d'implantation, et c'est enfin sur l'insistance du Grand-Abergement, que la combe de la Manche est retenue comme emplacement de la future école.
Ancienne école de la Platière.^'*
Mais depuis, rien n'a été décidé, rien n'a été fait, et tout demeure, en ce qui concerne les écoles de Retord, en l'état ancien.
Ne pas croire cependant que les gens de la montagne étaient des illettrés. Le montagnard tient à l'instruction, particulièrement pour ses enfants.
Cliché Simone Rinaldi de 2010.
15
Boutry (Philippe). Prêtres et paroisses au pays du curé d'Ars.
16
Docteur Passerat Reydellet. Pays de Retord. 25
24
L_
Comment, comment, dit le Bon Dieu,
Dans les conditions de vie rude de ia montagne, et compte tenu des distances à parcourir, comment donc était organisée
Cet âne français ose encore se plaindre Après qu'on l'a laissé changer de maîtres trois ou quatre
l'Instruction ?
fols !
En vérité, on ne saurait que faire,
Tout d'abord M y avait les curés de Retord qui ne manquaient pas de transmettre aux enfants, en même temps que les notions de catéchisme, celles de lecture, d'écriture et de calcul. En effet, la mission du pasteur, en montagne, a été longtemps d'assurer, évidemment le service de la messe dominicale et celui des sacrements - en particulier de l'extrême onction -, mais aussi l'Instruction et la surveillance du comportement et des mœurs de
A vrai dire le patois varie selon le Haut, le Bas-Vairomey, ou la montagne, sans compter « le bélo - argot de métier que les peigneurs de chanvre du Haut-Bugey avait créé de toutes pièces , afin de « garder le plus longtemps possible cet attribut qui les
la jeunesse.
distingue des autres
SI tous les ânes d'Europe, étalent fous comme lui ... I
Le patois de Ruffleu^®, quant à lui, a été spécialement analysé Il y avait aussi les grands-parents qui jouaient le rôle de tuteurs. « C'est mon grand-père qui me faisait vendre, acheter des
dans la thèse du Suédois Gunnar Ahiborn.
bardeaux de bois, des bœufs, ou autres fromages de chèvres ...
L'enseignement était aussi donné aux enfants, durant les mois d'hiver, de novembre à avril parfois, directement à la ferme, par des jeunes filles venant souvent de la région lyonnaise, logées pour un mois, un mois et demi, tantôt au Golet Sapin, tantôt à la
ça va te faire travaiiier ia tête ... »
Gesticulations orales qui ont porté leurs fruits, car Hector était Imbattable en calcul mental, lors des parties de belote ou de
Manche, à la Palud ou ailleurs.
tarots qu'il aimait tant. Grands-parents qui savaient
transmettre
aux
enfants
Les enfants des granges voisines étalent regroupés, les petits pour apprendre à écrire ... de la main droite, apprendre à lire, les plus grands pour manipuler des nombres, mais aussi découvrir géographie, histoire ou sciences de la nature.
les
traditions, racontant des histoires, en français et souvent en patois.
kmen tô k on dl en patwa ? » ...
-
L'école à domicile ! Et à midi chacun de déballer joyeusement ses victuailles - cochon et pommes de terre le plus souvent -.
comment est-ce qu'on dit en patois ? »
« Mon grand-père Juies, pariait patois et aimait beaucoup ies fabies du père Froment ». - Pierre, dit le Bon Dieu, va reglla ria femella rebella »!
Les autres mois de l'année, c'était l'école au Grand-Abergement, au Petit, aux Granges du Polzat, ou au Polzat. Les enfants des fermes éloignées étalent alors pris en charge, chez des cousins ou des amis, pour une, voire même deux à trois semaines. Bien sûr, la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 rendait obligatoire
La traduction semble superflue !
On peut retrouver dans les Annales de l'Ain
des extraits de ces
fabliaux qui rappellent ceux du Moyen-Âge.
l'école primaire pour les enfants des deux sexes, âgés de six à treize ans révolus, mais Paris était loin, la montagne Imposait
d'autres lois, et la priorité était souvent donnée aux travaux à la
Commént, commént, dit le Bon DIé, CetI borru français ose encoré se plindré Après l'aval lalche shanzé traï, quatre cops ?
ferme.
E, véretà, né sari qu'In parti prèndre
« le bélo » orthographié aussi « bellod » ou « bello ». Guichard (Paul). Connaissance des Pays de l'Ain. Ahiborn (Gunnar). Le patois de Ruffieu-en-Vairomey (Ain). Article de L. Douillet, Progrès 17 novembre 1988, pour marquer l'anniversaire de
Sé tos rios de l'Europe èrant ânes se fos ... I
la mort du Professeur Ahiborn.
Fables en patois bugeyslen par le père Froment.
27
26
:L
« Le petit train du Vairomey »
(•(«jfe f fç*
Depuis une bonne dizaine d'années, il était question d'ouvrir une liaison ferroviaire Artemare ... Ruffieu ... pius loin ? Tout restait * •B
très vague. Mais l'ensemble a pris belle tournure et dans le traintrain régulier de la vie montagnarde, mêlés aux discussions sur
1K WM
les rigueurs de l'hiver, le bétail, le bois qui se vendait plus ou moins bien, force mots réapparaissaient souvent :
« Combien ça va nous coûter ? Et les gares ? Et le matériel ? Et
S^rÇ^sAîIi^iL:
nous ... le Golet, le Chenet, Ramboz et le Grand-Abergement ? Le Petit ? Ils nous oublient I Qu'est-ce que ça va nous rapporter ? »
Mais passe le temps et puis, un beau jour, en revenant de la foire de Champagne, Constant ouvre la porte de la grange en claironnant :
Arrivée du train en gare de Ruffieu^^
« Ça y est I Ça s'est fait vendredi I II est arrivé en gare, le train ! Antonin que j'ai rencontré en était encore émoustillé. Il me secouait l'épaule, il bégayait presque, les mots se bousculaient : Et elle brillait la loco I Ruffieu était tout enguirlandé, drapeaux,
fanfares, et Feuillet - c'était le maire - en a fait des
compliments ! Trois députés, le préfet, des conseillers généraux, Louis Mallez, le directeur général du réseau I Et un menu ! Et du Bordeaux, du Bourgogne, du Champagne ! La fête de 1898 1 »
IJ
Certes, une bonne vingtaine de granges étaient éloignées du circuit, mais quand même, le temps du chemin de fer engageait une renaissance pour tout le Vairomey : facilité des livraisons de
marchandises, des déplacements de voyageurs perspectives touristiques évoquées par certains.
iill
et
déjà,
Tout avait été inscrit sur le journal officiel du 7 août 1898 où on pouvait lire : « En vertu d'un arrêté du préfet de l'Ain, le tramway r*
J^.\*»i
de Virieu-le-Grand à Ruffieu a été ouvert à l'exploitation, le 18 juillet 1898 ».
Départ du train en gare de Ruffieu^^
Document Louis Douiilet.
Document RTA Marcel Reynier.
Et Hector d'évoquer, avec malice, une grande journée de ses vingt ans, en 1910, chez la « Mère Vignand » de Ruffieu,
Chemin agricole « la Manche, Retord, la Michaille »
presqu'aussi célèbre que la « mère Prusse » d'Ameyzieu qui, elle, était très connue des Lyonnais fortunés de ces années-là.
L'inauguration de ce chemin, souvent Hector se plaisait à la rappeler.
«■ J'avais dix-neuf ans ! Le grand chambardement dans toute la montagne ! Le dimanche d'avant, après la messe à la Vézeronce, tout le monde en parlait. Ne ioupez pas ça ! lis vont tous arriver en automobile, dix, quinze ... peut-être plus ! »
m
Retour sur l'histoire.
Dès 1883, les élus et le Conseil Général demandaient l'ouverture de la route sur Châtillon-de-Michaille, mais le Génie militaire
I Ainsi, « trente-quatre années durant, cahin, caha, le petit train son
bonhomme
de
chemin
avec
deux
Châtillon-de-Michaille ».
Et il faudra attendre la délibération du l®''avril 1884, pour que l'on
Une partie de boules chez « La Mère Prusse », assise au pied de l'escalier de son restaurant à Ameyzieu
continuera
« refusait formellement le tracé direct projeté entre Brénod et
convois
journaliers [...], un petit train [...] si sympathique lorsque ses
roues grinçaient sur les rails aux contours accentués, si courageux lorsqu'il abordait la côte de Don à La Faverge, soufflant, grondant, crachant feu et fumée dans un tintamarre de ferraille et de vapeur déchaînée ... », nous confient Hélène et Paul Perceveaux.
amorce une première étude « d'un chemin d'intérêt commun sur le plateau de Retord [...] afin de relier entre elles les nombreuses fermes de ce plateau situées sur le territoire des communes du . Petit, du Grand-Abergement, de Châtillon-de-Michaille, de Billiat,
Ochiaz, Vouvray et Villes ». Les travaux sont crédités et le projet soumis à l'enquête dans les communes intéressées.
Dès lors « Le Génie militaire et la Commission mixte des travaux
publics prennent en sérieuse considération les demandes de la
commune de Vouvray, en raison des sacrifices que se sont imposés les contribuables de cette localité, et des services que
rendrait, à toute cette circonscription, le chemin dont le Conseil municipal demande de poursuivre l'achèvement ».
La 030T Corpet Louvet N°52 au dépôt de Ruffieu^''
« Courrier de l'Ain » et du « Journal du Bugey et du Pays de
Lj Oit'T(..rpct l..iu\c-i n Ifpt'rt de
Enfin, le 7 novembre 1909, c'est l'inauguration en grande pompe du fameux chemin agricole tant attendu, une journée minutieusement préparée par Eugène Chanal, député de Nantua, rapportée avec enthousiasme et emphase par les éditorialistes du
RT
Gex ».
Perceveaux (Hélène & Paul). Le Petit Train du Vairomey. Document RTA. 30
31
Dès 7 h du matin Joseph Ruau, ministre de l'agriculture, arrivé à
Champagne, dressée sous un dôme de verdure en branches de sapins, et à nouveau, les discours. Celui de M. Favre, maire d'Ochiaz qui se félicite que le vaste plateau de Retord n'empêche plus toute relation entre le Vairomey et la Michaille, celui du ministre Ruau, « heureux de voir un si beau pays agricole qui est en même temps une terre républicaine [...], de belles cultures au milieu des admirables forêts de sapins [... ]».
Bourg la veille, prend le train en direction de la Cluse,
accompagné d'une forte délégation officielle, la Cluse, où l'attend Eugène Chanal, entouré de personnalités politiques et administratives et ... d'une vingtaine de voitures, « tous les
chevaux vapeur réquisitionnés dans toute la région ».
Imaginons ce cortège de voitures égrenées le long de la côte en direction de Brénod, sous un soleil généreux qui fait miroiter les vernis et les cuivres'
Nouveau départ et, dans toutes les voitures, des cris d'admiration surgissent.quand les passagers découvrent la Michaille ... « c'est plus que merveilleux ! »
Décidément, un chemin agricole magistralement inauguré ! La journée du ministre s'achèvera
par une halte au moulin Convert à Bellegarde où, accompagné d'une cinquantaine d'invités, il prendra place sur un train de ballast spécialement aménagé, afin d'aller assister au décintrement du pont du « Moulin des Pierres », et repartira -f
pour Paris par l'express de 21 h 15.L'année suivante, le 1®'' septembre 1910, c'est le classement du « chemin agricole » en
Imaginons, au creux du Raffour, « un piquet de chasseurs forestiers qui rend les honneurs » ou, un autre, posté l'arme sur 1 épaule, au-dessus de la forêt de Meyriat.
« embranchement d'intérêt commun n° 5 ».
Et le Docteur Héritier^^ de conclure
Imaginons Brénod sous les drapeaux et les guirlandes, les clairons et les haies de pompiers en uniformes, et le banquet et
: « [...] ce chemin que nous avons parcouru avec Monsieur le Ministre
les discours.
de l'Agriculture donne accès à un
des plus admirables points de vue que nous ayons dans le département et il est désirable que les touristes de toute la
Puis le cortège automobile est reparti, « à grande allure par la nouvelle route pour traverser le splendide plateau de Retord. [...] Les voitures étaient soumises à rude épreuve, mais le pittoresque
France puissent aller s'en rendre compte ... ».
du chemin faisait oublier les cahots [...]».
Reste maintenant pour le promeneur, en bordure de la départementale 101, au-delà de Cuvéry, un monument appelé communément la « pierre à Chanal ».
A l'arrivée au lieu-dit « en Cuvéry », nouveaux drapeaux, nouvelles guirlandes, une table copieusement garnie de
Compte rendu Conseil d'arrondissement du 24 août 1909. 33
32
L
JOURNAL du BUGEY et du PAYS de GEX
r S9- Ann4* • H' 269
aox idsinuelsotLA perlidev eiernel^ ennemie du rveimo deraocraiique On colporte dans nos
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earnpaanes. Monsieur le Mtni&Sre, mille bruits doni jv liens j me Csire ici l'eclio pour qu il!«
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âoienl « jarusi» anésncis ei que cotte srins «ncora
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A M. L.E SECRETAIRE DE LA REDACTION rt &»J rt <*» 4 s-«_' 4*r j-r»»«»«e*a.
çanls. do nos petits cmptoycs. oa agite commo un eigosi d'alarma doaline a eUraterlcw lOteréls et à troubler tes conscioticef, le pfo;ct d'impôt
irain s'arrête à lu gare de Ladus». déco
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A l'beurc dite, à 0 heur» du matin, le
Mardi B Novambr* IIOI
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A M. LE GÉRANT. DIRECTEUR DE L'IMPRIMERIE •OLaG — «s. aso LAtasée, Il — vui'Ih;
LE VOYAGE DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE
national M Cbanal, député, et M» Men-
finncipe indiSCUlaWe de jusiicfl sociale, va se
oecier, soîis-prefct de ISantua, reçoivent sur le quai M. Huau et les personnages
raduire tm Un de comptes par de» ctiarge» nou
M. Riiuit dans le Maut-lînçu-y ot le Pays de Gex
velles pour une c1a.-i3e qui est Is base solide du regtme republicaio et tamise fidelaol di^pli-
D« La Cluse à Bellegarde en automobile per Br«nod, le Valromcy «l ta Michaille: InaugureUon du chemin agricole du plateau da
on prtsenle a M le minisire les munici
oee du ofogic» cl de la liberté No» campagnes dc]a »i dssertses rcclamcnt de lûalc» parts Isa lot» de proieclinn qui sin-
politiques qui l'accompagnent A la gare, palités de Montréal, de Murtignai et de
peciioront la pivtboro des ville» et i affaiblisse
Groissiat, Cl l'on monte en automobile. A Port, a St-.Martift du-Fresnc ou les
Retord.
I De Ballagarde à Confort en tramway: Décintrement du pont de Montangas.
Bofuia Journée 'Ce Col Urc. das» 1.7UU la tsrv* du
ment oooiiau de uo» villages Cn grand pas a ete Fait dan» celle voie avec la constitution du
bien de tîmiltaj dont nos cutlivaleura ne coonaisticDt pas cncorv tous les avantages, mais qui sera d'an puissant secours dan» la tuile
drapeaux claquent dans t'air frais d'une belle maiitièc, les pompiers font la hsic,
mSssss MfiS
contrôla miserc et contre Sadissojatroodu fiTyor
et k'î maires et les muniapaliljés présen tent leurs soubaiis de bienvenue a M le
iloinesii.iue Ce serait anéantir dun coup icra bons effets de cette mcsoro salutaireqos d sjoulor nu» chargea st lourdes qui peseot dsjs sur l'agriCQttaro La patilo culture cteve a» »olX lors les ruprésoniants du psya. cite leur de-
ministre et â sou corlege.
El les automobiles a egrenenl le loug de la côte de CheviiUrd, faisant miroitfr au soleil leurs \eraiJ et leurs cuivres
mande. au nom do 1 intcrdt ^néral, ptus c-ncbre quedesea intariftB parUculier». de ne pu» laisser fappooanlir «ncore «ur ta terra nourncicru do
AU Creux du Raffour, un piquet de chasseurs loTesliCfs rend les honneurs;
nouvelles redevances
MniB, Monsieur leMinisire, nos caespagne» ou t'ideat républicain s'est solidement implanlih parce q,ue no» cerveau» qUi apprennent un peu fantemeni piut-étra savent conserver ol dévolopper sCiremenl ce qu'il» ont appris, nos cao-
un autre piquet est posté, l'arme sur l'epaule, aa-deî-îus de (a maison forestière de Meyrifli; au-dessus du Col de la Peyrousé, Ce sont les gendaripes de Brénod qui ren-
mss------^
'
est l'objet l'ôcola laïque, cetIf instuutinn qno
de crands Citoyen» ont courageusement claliiiê, nous voTOns une fois do plu» le péril que peut
et pendant que tambours et clairons bat tent et sonnent aux champs, les fsn^res
ûire courir a t'unile naïKMial* un easeigœmcol du haine, an onseignementealoinnicua qui e)eVc
uoe partie de la jeuivéase a l'oppositç et cn
de Brenod et d'Ouinax eveculcol la Mar
enosmio do la jcuncAAt rvpubticninc Nous nO vovilorts pav que notre France aoil un diamp da
sediat-fe. M le mimsira est reçu, sur le
seuil de ITiôiel de ville, par M. Juiliiird,
haUilte ou les eafauld }« Ivattenl a coupt de piiirres a la sofiio do leur» ooola» rivalaa, no attendant de'se balire oomcan homoDe devant
maire cl eoQStiUcr g>?nérat, par la muai-
cipaliîe et par les foncUoonasres de la ville
tes sections de vote
et du canton.
-îess:-"-'.
Noua qui no twu* emtiarT«asors pac de» subliliies, nous reclamon* du Couvernoinent l'int-
Le banquet de âJSO couverts était seni
liativ-e dlino toesare da **lut national
dans la salle des fêtes de l'hôtel Menon
le mo
nopole dc rontmBU*™'-"' H «lie oocai-ion ou .» uns antre, le» partis de reaclioii leiltainnt encore de donner rit-ieanil a la Flcpnblique, la
et on fui a fait praod honneur Au* cou vives oRlciels. que nous retrouverons plus Uni au banquet de Sellegarile, séuicot joiDls les maires, fonclionaaires et lasii-
démocratie rurale sera m, bolide a »n porte,
pqyUi^
une fûLa
pluâ l'idt-»! tl®
de proaras «l de lumterc
luteors de Brenod et du canton et de nom breux républicains.
le Vcve uson verre en votra ocaineur, .vtoflsieu r
M, Juîliard a pns le premier la parole,
leMinmtre, je le levé a ton» Wuf, Scjîiears, a là France et a la République
et après avoir remercie tous ceux qui ont
M. Jasl, préfet de la Meoche, a pro
bien voolu accepter l'invilauoa de fa mu- nonce eosuilê un charmant discourt d'inicipallc. il s'est exprimé en ces termes: dicux U est depuis cinq ans dans notre
dêparlemenl cl dépôts cinq ans, dil-ll, M
Monflwur le Minutr»,
34
OUeoan da ■ Otaaal
rt2r:55T.ï S.sr^'
d'ordre matériel. cllfiS Ont aussi des revendic*iLon» moratc» Ko pnssafice des attaques dont
Brénod est pavoise et merveiUeusemenl décore. Les sapeurs pompiiTs de la cite, de Corcôlles et du Balinaj forment la baie,
™
liîiïSffii
pagneoi o'nnt pas seulement des nsvgpjications
iSeol Ifs honneurs.
... o-u... « » ,™~ ,v. r-
35
■»
Au temps d'Hector ... le progrès s'amorce
Collaborateur des frères Voisin - célèbres avionneurs pendant la Grande Guerre -, Maurice Colliex deviendra lui-même constructeur en 1912.
Décidément, curieux cette fin de 19® siècle et ce début de 20®, bizarres ces automobiles qui veulent remplacer les chevaux, ces trains qui fument et crachent leur fumée noire à travers la campagne.
Et même un jour, nous dit Hector ! . « Encore gamin, j'étais aux champignons quelque part vers Lâchât, en direction du « Gros Moulu », Je lève la tête et, dans le ciel, qu'est-ce que je vols ? ... un objet bizarre qui volait sans bruit I »
Effectivement. Ce n'était pas un rêve. On sait depuis, qu'un certain Maurice Colliex, futur ingénieur aéronautique, ami de lycée de Gabriel Voisin, a commencé ses « premières glissades aériennes », en planeur, sur le plateau de Retord en 1896.
Le Voisin 3 de 1914 auquel a collaboré Maurice Colliex
Chemin de fer, voitures, avions, annoncent bien une nouvelle époque dans laquelle les progrès techniques vont être fulgurants.
Un temps qui inspire la presse en articles prémonitoires, comme, les impressions d'un vieux cheval parues fin 19® siècle, dans « La locomotion automobile » :
« Toutes plaintes sont inutiles : C'en est fait de nous, vieux chevaux.
Puisque, grâce aux automobiles. Nous voilà passés simples veaux ! » ou, comme cette déclaration dans le « Paris-Vélo » du 2 octobre 1898 :
Le planeur d'Octave Chanute^®
« Nous verrons peut-être les rôles renversés ;
que l'on peut presque comparer à celui que Maurice Colliex avait « construit de ses propres mains, avec des draps de lits
l'automobile devenue le véhicule économique du pauvre, et le cheval, l'objet de grand luxe, du riche ».
et des cannes à pêche ».
Maurice Colliex passait ses vacances à Châtillon-de-Michaille - où son père, Pierre Félix, décéda en 1911 -. Il avait dans sa famille des tailleurs et des cordonniers, donc
potentiellement tout le matériel de bricolage ! Daté de 1890. Sur une dune en bordure du lac Michigan.
Le pari n'est pas encore gagné, car en 1910, on compte toujours trente fois plus de voitures à cheval que d'automobiles et de camions.
C'est le temps, pour Hector qui a vingt ans, d'effectuer ses années de service militaire.
Il est incorporé le 10 octobre 1911, comme soldat de 2® classe, au 133® régiment d'infanterie de Belley, compagnie de mitrailleurs, numéro matricule 4797, maintenu au corps en vertu de l'article 33 de la loi du 21 mars 1905, libéré le 8 novembre 1913 avec un certificat de bonne conduite accordé, et passe dans
Changement d'atmosphère ...
la réserve d'activé.
Hector, premier rang, deuxième à partir de la droite
Deux années entrecoupées de permissions, dans une ambiance de chaude camaraderie, à la caserne Sibuet de Belley.
Entraînements sportifs, séances de tirs, déplacements à cheval à Pierre Châtel dans le cadre de la formation militaire, et petites sorties en ville.
Puis c'est le retour au Chenet.
-
« Rentrez
chez
vous,
mais
on
vous
bientôt ! » s'était exclamé le sergent recruteur.
reverra
Une annonce prémonitoire qu'Hector a retenue et répétée souventes fois.
Et, un certain V août 1914, alors qu'il arpentait la prairie de Sur Roche, libre, heureux dans la nature sauvage de ses années de grande jeunesse, à savourer l'odeur des sapins, retentissait le tocsin dans toutes les villes de France.
Mobilisation générale.
Au Chenet la nouvelle ne parvint que le lendemain. Suivent quelques mois d'attente.
« Dans mes forêts, on
m'a oublié I » avait-il coutume de
plaisanter.
A vrai dire ce ne devait pas être un oubli, mais une volonté de
1 autorite militaire du moment qui avait, on octobre, appelé la classe 14 par anticipation, et lui donnait priorité de formation. Le 133® Régiment d'infanterie à Belley, 3® Bataillon^^
Le 27 octobre, Hector apprend qu'il est classé dans le service
armé de reserve par la commission spéciale de réforme de Bellev en raison de ... « palpitations ».
Et c'est le 11 mars 1915 que, rappelé à l'activité au 133^ régiment d'infanterie de Belley, il arrive au corps le même jour, dans une compagnie d'instruction, et sera très vite ensuite affecté au 23® RI.
Précisons que les mobilisés de la région étaient alors répartis compagnies d'instruction, à la caserne Sibuet (Belley) au fort de Pierre Châtel, à Fort-les-Bancs, au Fort l'Ecluse et au fort des
ûNTENa-,'» #—
Rousses.
Devise du 23® RI
« Ce ne sont pas des hommes ce sont des lions ».
Photo studio Bernard, Belley. 40
41
il
GA'BRIEL HANOTAUX de l'Académie Fnuiçaise
HISTOIRE ILLUSTREE DE
LA
GUERRE DE ©14 M.
- ■■■'<>
2^ Partie
Hector et la Grande Guerre
Mais son assassinat, le 31 juillet, détruit les derniers espoirs de
L'Europe en 1914
paix.
En ce début de 20® siècle, les tensions sont vives entre Etats. Les causes de ce premier conflit mondiai, nombreuses, complexes, ont suscité des débats passionnés entre historiens.
« Les belligérants croient tous que la guerre sera courte. Les
Allemands avaient prévu d'envahir la Belgique et d'écraser rapidement la France avant de se retourner contre la Russie. Or la
guerre va durer quatre ans... », précise un manuel scolaire^®. L'Europe est divisée en deux groupes : la Triple-Entente qui regroupe la France, l'Empire Russe, le Royaume-Uni, et la Triple-
Alliance qui unit l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie. En fait l'Italie décide sa neutralité au début du confiit et s'engage aux côtés des Aiiiés, en mai 1915.
On assiste à une montée en puissance de l'Allemagne, à des politiques impérialistes rivales, à une grande instabilité dans les
Balkans, à une croissance d'un nationalisme aigu et, par ailleurs, la France veut récupérer l'Alsace-Lorraine perdue en 1870. Tension palpable depuis 1910. -
« Rentrez chez vous, mais on vous reverra bientôt ... »,
avait dit le sergent recruteur de Belley, à Hector, en 1913.
Dès le 4 août 1914, l'Allemagne envahit la Belgique, pourtant neutre. Le Royaume-Uni s'engage alors aux côtés des Français, des Serbes, des Russes et des Belges. Très vite les troupes allemandes franchissent la Somme et bousculent les troupes françaises jusqu'au sud de la Marne. Paris est menacé.
Aussitôt le général Joffre organise une contre-offensive et, du 6 au 13 septembre 1914, les Français repoussent l'envahisseur. C'est la fameuse première victoire de la Marne dans laquelle les taxis parisiens ont joué un rôle prépondérant, et c'est aussi la dernière étape de la guerre de mouvement. De la Mer du Nord à la Suisse le front se stabilise, et commence
la guerre de position ou guerre de tranchées, jusqu'à la dernière
Il ne manquait que i'étincelle. Ce fut, le 28 juin 1914, l'assassinat
offensive allemande en automne 1918.
par un serbe, à Sarajevo, de l'archiduc François-Ferdinand,
héritier du trône des Habsbourg.
Pour Hector, après quelques mois d'instruction militaire à Belley, la première montée au feu ce fut, en juin 1915, la Fontanelle.
Jean Jaurès espérait encore
l'impossible, le 25 juillet,
^
Il parlait rarement de ses années de violence, ne livrait qu'à
lorsqu'il s'exclamait à ia tribune
m
de
91
certains instants choisis, sa vérité, par bribes, ne soilicitant ni
l'Assemblée :
^
« Chaque -^
peuple paraît à travers les rues
" ' ^
Ëlï
pitié, ni admiration, ne dramatisant jamais. Heureusement, pour les anniversaires marquants - soixante-dix,
-A
quatre-vingts, quatre-vingt-dix ans, ... il s'éteindra quatre ans plus tard -, il avait accepté de confier les souvenirs les plus forts de sa vie à ses petits-enfants, souvenirs dûment enregistrés sur cassettes^^. Ces pages en sont le témoignage.
Histoire Géographie 3® Collection Hatier.
Cassettes que le professionnalisme de Robert Médina, directeur journaliste de Sorgia FM - radio locale créée à Bellegarde en 1984 -, a rendues parfaitement audibles.
«A 13 h 55, l'orage éclate sur le 23® : mines allemandes, tirs d'artillerie très violents, et tirs de barrage en arrière pour éviter
La Fontenelle. 1915
l'arrivée de renforts ».
«Début 1915, ma compagnie était encore dans la réserve, à Saint Dié. Mais en Juin, alors là, la Fontenelle, ce fut une autre
«• Ce bombardement [...] cause dans nos lignes des dégâts considérables : tranchées nivelées, défenses accessoires rasées,
affaire I »
abris défoncés, hommes ensevelis sous les décombres ».^^
La Fontenelle, hameau du Ban-de-Sapt dans les Vosges, un
Le lendemain, 23 juin, les soldats du 23®, entre autres, malgré les
paysage aux larges ondulations, avec prairies, bois de sapins et une butte, sorte de bastion. Pour l'ennemi, l'objectif de cette
lourdes, pertes, se défendent avec énergie, pied à pied, offrant une résistance acharnée au cours de laquelle « ... les actes de bravoure, de courage et de ténacité prouvèrent le haut moral de la troupe », selon une des nombreuses citations à l'ordre de l'armée, pour les compagnies de ce régiment.
année 1915, était la prise des sommets, notamment de la cote 627, afin de contrôler les vallées et les voies de communication.
Et donc, le 22 juin, les forces allemandes entreprennent une opération de très grande envergure, un véritable siège des positions frant;aises.
Hélas, ces deux journées, qui constituent pourtant un glorieux fait d'armes, se soldent par l'abandon d'une importante position stratégique et par un nombre impressionnant en pertes humaines.
Officiers ; cinq tués, sept blessés, un disparu ; hommes de troupe : deux cent cinquante-quatre disparus, cent quarante-huit blessés, cinquante tués.
Dès le 26 juin, le Haut Commandement décide de reprendre la hauteur de la Fontenelle, de reconquérir les positions perdues et de mettre celles-ci hors de portée de l'ennemi. Ce furent les opérations des 8 et 24 juillet.
WfMiSS.
Les bombardements ennemis de très gros calibres, admirablement réglés, continuent à s'acharner sur les points stratégiques du secteur - Saint Jean d'Ormon, le bois Martignon,
le bois Caduc -, atteignent carrefours, stationnements, zones de ravitaillement ce qui, loin d'abattre le moral de nos troupes, le galvanise.
WM Carte du secteur de la Fontenelle (Saint Dié) dans les Vosges.Positions allemandes et positions françaises en 1915, parfois proches de quelque vingt à cinquante mètres Hanotaux (Gabriel) - Histoire illustrée de 1914.
Dans la nuit du 7 au 8 juillet, aucun bruit, aucun mouvement, tout le monde est en place, prêt à l'assaut.
Le 8 juillet, à l'aube naissante, toutes les sections sont installées dans leurs places d'armes respectives, et « à 15 h 15, débutent les puissants bombardements de notre artillerie qui prépare la contre-attaque ». Historique du 23® RI.
11 « A 19 h, l'infanterie bondit hors de ses positions avec une clameur immense ! Et les trois colonnes d'assaut prévues se
j'étais tout gamin!Plus tard j'en ai bien vu d'autres, encore plus menaçants!»
mettent en route
Arrêtons-nous maintenant à quelques témoignages. « ... Je n'ai jamais tant vécu au milieu des cadavres nauséabonds
« Pendant trois heures, on chargeait, on tirait I On chargeait, on tirait et on recommençait!L'artillerie de tout calibre crachait dans un terrifiant bruit de tonnerre », évoquait Hector.
que ces jours-ci... » écrit à sa mère, Louis Chevrier de Corcelles, le 28 juillet 1915.
Le 9 juillet, au lever du jour, la totalité de la butte était tombée entre les mains des troupes françaises, suite à une contre-attaque très rapide et très intelligemment menée, avec les soldats du
« ... à quatre heures précises nos petits et gros canons entonnent la chanson de la mort [...]. Tout tremble jusqu'à sept heures ... », d'après Eric Mansuy à propos de l'artillerie française.
133® RI en première ligne. Plus de six cents soldats allemands, dix-huit officiers, dont un chef de bataillon, des capitaines, des médecins, étaient faits
nos troupes bondissent hors des places d'armes [...]. Le tir de barrage allemand a redoublé d'intensité mais il n'arrête pas nos
prisonniers.
soldats », affirme le capitaine Eric Dupuy.
Les bombardements ennemis continuent, comme ce 27 juillet où des obus de gros calibres tombent, telle une grêle, sur le bois Caduc, les maisons de Launois, le bois Dragan et les alentours de Nayemont-les-Fosses, autant de secteurs proches de la
« Furchtbar !
«
avouent
Schrecklich ! »... « Effroyable I
Epouvantable I »
même les officiers allemands, prisonniers mais ...
heureux d'être rescapés. Au cours de ces opérations, le 23® RI a acquis une solide
Fontenelle.
Mais toutes les attaques
sont partir
repoussées de
fin
et,
à
juillet,
la
hauteur de la Fontenelle, la cote 627, ne sera plus reconquise. « Attaques au soi, obus qui nous tombent sur la
tête, mais je me souviens
réputation de régiment d'attaque. Il en est récompensé par une première citation à l'ordre de l'armée, du 5 août 1915 : Le 23® RI, sous les ordres du lieutenant-colonel Sohier, chargé
d'enlever une position puissamment fortifiée, s'est précipité sur les tranchées ennemies à travers des tirs de barrage extrêmement violents de l'artillerie adverse ; [...] s'est rendu
maître de l'organisation ennemie, faisant plus de huit cents
aussi de cet engin volant
prisonniers dont onze officiers et s'emparant d'un butin considérable dont six mitrailleuses, a maintenu tous ses gains
dans le ciel, qui n'arrêtait pas de survoler nos lignes
Le drapeau du régiment a été alors décoré de la Croix de Guerre.
malgré un violent bombardement ».
- ce devait être autour du
23 ou 24 juillet -. Un
« La Fontenelle!Pas mal comme baptême du feu!On ne peut
avion allemand dans un vrombissement infernal ...
imaginer pareil enfer! Le plus dur, c'était ces bombardements perpétuels, ce grondement continu, cet univers d'explosions tous azimuts. Mon doigt restait crispé sur la gâchette de la
loin du paisible planeur repéré au-dessus des prairies de Retord quand
mitrailleuse!Un monde effroyable!On était sonné!»
JMO du 23® RI.
48
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yr.
Dans cette année 1916, le patriotisme encore à son plus haut
I
Bataille de la Somme. 1916
niveau, explique le succès immense du nouvel emprunt lancé en faveur de la « Défense Nationale », et de l'échange volontaire des A partir du 23 mars de cette année, les bataillons sont mis en
pièces d'or contre des billets.
réserve dans la région de Denipaire où ils effectuent des marches, des travaux de camouflage pendant la nuit, et occupent différents cantonnements.
- C'ETÎVjvVtwf^
Activité de l'artillerie adverse, obus de gros calibres, survol
fréquent de l'aviation française et allemande, mais pas de grands ^nOiWtU»'
ttArovCi
affrontements. L'ennemi aussi consolide ses positions.
« Puis, c'est rembarquement pour la Somme, en gare de Ludres, le 25 Juin. Pas moins de quatre trains pour nous emmener à
Breteull!Et de là on se dirige vers notre premier cantonnement à îài.ASô*ir*t5
QuIry-le-Sec ».
Rien de particulier à signaler, si ce n'est le 9 juillet, une vibrante
CEIÉDIT DE L'OUESTI 13.
I LiUANnatin.P.\RIÎ>
Et en écho, un peu de poésie dans ce monde d'infinie violence. Sonnet pour le livre d'or du 23® » '•
retraite aux flambeaux afin de commémorer les combats de la
Fontenelle des 8 et 24 juillet 1915. « Encore deux nouveaux cantonnements, après deux longues marches de quelque seize kilomètres chacune, une le 15, l'autre
le 19 Juillet Je crois, avec arrêt à SaIns-en-AmIenols ... et le 21 Juillet on est Jeté dans la bataille!»
Salut à vous guerriers, fils d'un sol généreux. Bressans et Lyonnais d'illustre renommée, A vos fiers étendards brille votre épopée :
t'
Zurich, Wagram, Lutzen, Magenta - noms fameux ! [...]
Plus tard quand le succès vint à la FONTENELLE
Couronner vos efforts d'une splendeur nouvelle. Vos chefs ont célébré « LEURS BRAVES DU VINGT-TROIS ».
La fleur de vos Héros, dans un linceul de gloire. Dort à l'HARTMANNWILLER, témoin de vos exploits. Sublime sacrifice, augure de Victoire
35
In Profils Divisionnaires, poèmes de guerre de la 41® Division d'Infanterie
(Vosges 1914-1915).
L'infanterie française en marche vers un nouveau campement. 54
55
En 1916, les Alliés avaient préparé avec minutie une puissante offensive franco-britannique sur le front de la Somme, armée britannique sous les ordres du général Haig. « Dans les péripéties de la guerre, un élément nouveau autorisait toutes les expériences, la jeune et nombreuse armée britannique,
l'armée de Kitchener entrait en ligne
s'enflammait déjà
Gabriel Hanotaux en 1915. En réalité des difficultés surviendront. Ce fut souvent l'unité de
commandement qui se posa.
Mais on retiendra surtout cette terrible journée d'un échec retentissant, le 1®'" juillet 1916. Journée la plus meurtrière de toute l'histoire militaire britannique, avec quelque trente mille
Pour le 23 - au 21 juillet -, la canonnade commence, le dépôt de munitions du 133® explose, des tirs d'obus lacrymogènes accueillent les poilus, les conditions de ravitaillerhent sont difficiles compte tenu de l'intensité des bombardements.
Le régiment remporte quelques succès, mais le soir du 25, il change de secteur, et va occuper une position face aux défenses allemandes très organisées du bois de Hem. Les hommes se lancent à l'assaut le 30, dans un terrain où l'ennemi dispose d'une position de force. « Les vagues successives sont prises de front et de flanc par un terrible feu de mitrailleuses dans le ravin du Tortillard ligne d'un petit chemin de fer à voie étroite appelée « le tortillard ». Les
tués ou blessés.
premières lignes sont décimées, les survivants se terrent dans les
En effet, l'État-major britannique, pensant que son artillerie
trous d'obus et repoussent encore une contre-attaque allemande.
lourde avait suffisamment anéanti la défense allemande, avait demandé à ses hommes d'avancer au pas. L'ennemi en fut stupéfié ! Heureusement, à midi, l'ordre était annulé.
I
La Ferme de HEM, centre de combats acharnes
Bataille fulgurante, brouillard particulièrement dense qui empêche Artillerie lourde britannique
Hanotaux (Gabriel) - Histoire iiiustrée de 1914
même de voir les fusées d'appel et qui transforme le combat en « une véritable opération de nuit ». Les mitrailleuses crépitent de toute part. Historique du 23® RI.
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« Au cours de cette journée du 30 juillet, pénible et glorieuse, le régiment a réalisé une avancée totale de quatre ,cents mètres, mais il a perdu cinq cent dix-neuf hommes dont cent cinq tués, et les forces physiques sont épuisées. Il faut procéder à la relève du
régiment [...] »^^, qui reviendra en première ligne, dans les
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tranchées de Celles et des Crabes, dans la nuit du 24 au 25 août.
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grosses pertes, n'a pas cédé un pouce de terrain conquis. S'y est
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organisé et s'y est maintenu en faisant preuve du plus grand esprit de sacrifice
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1^' Hernancouj^
Le V Bataillon du 23® RI sera cité à l'Ordre du corps d'Armée le 24 octobre 1916 : « Malgré un tir de barrage d'une violence inouïe est sorti de ses parallèles de départ avec un élan superbe et a mené l'action avec un entrain admirable. Arrêté par les feux croisés de nombreuses mitrailleuses qui lui occasionnaient de
Une deuxième attaque est prévue, mais elle sera reculée de jour en jour.
La pluie incessante provoque des effondrements de terrains qui, conjugués aux bombardements, ensevelissent les hommes dans
la boue, cette fameuse et légendaire boue de la Somme. Le terrain est tellement détrempé qu'il faut étayer les parois avec des fagots de bois et construire des pistes improvisées.
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Le ravitaillement, très difficile à acheminer, force les poilus à manger mal et froid. Ils ne sont plus que des loques.
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Positions de la première journée de la'bataille de la Somme.
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Hem-Munacu au sud-est de Maricourt^®
Hanotaux (Gabriel) - Histoire iliustrée de 1914.
Historique du 23® RI. Idem.
En ce début d'année 1917, Hector et son régiment vivent dans des tranchées très proches des premières lignes allemandes. « Il n'était pas rare d'entendre parler les allemands dans leur repaire et je me rappelle qu'un jour, la sentinelle de Malakoff, dans le quartier du Godât, entend crier: « Kamarad français!»
sa réponse fut brève, un coup de fusil... en l'air!» La seconde bataille de l'Aisne.
Le régiment, qui doit préparer le terrain de la prochaine attaque, effectue de durs travaux de fortifications, malgré des
Le 23^ RI au Chemin des Dames. 1917
bombardements ennemis continus, sous les ordres du lieutenantcolonel Sohier, qui sera remplacé à partir du 17 mars, par le lieutenant-colonel Brindel.
Les 26 et 27 mars, les hommes connaissent quelques jours de
repos à Champfleury, au sud de Reims, dans différents campements, avant de rejoindre les tranchées les plus avancées, le 11 avril au soir.
Du 12 au 16 avril, des patrouilles de reconnaissance sont
régulièrement organisées vers les premières lignes adverses, l'artillerie, toujours en action, essaie de détruire les fils de fer
barbelés ennemis pour préparer l'assaut futur. La seconde bataille de l'Aisne commence le 16 avril 1917, à 6
heures du matin, se poursuit jusqu'au 24, sur quarante kilomètres environ, afin de tenter de rompre le front allemand - la fameuse ligne Hindenburg -, entre Soissons et Reims, vers Laon. C'est l'offensive Nivelle qui démarre sur tous les fronts de l'Aisne : huit cent-cinquante mille hommes engagés, dont des
tirailleurs sénégalais, appuyés par plus de deux cents chars d'assaut, un armement modernisé, et après une énorme préparation d'artillerie. Ce devait être la grande offensive I « L'heure est venue, confiance, courage et Vive la France ! ». Dès le 9 avril, Britanniques, Canadiens et Australiens avaient fait diversion, en Artois, réalisant une avancée de dix kilomètres et
anéantissant sept divisions allemandes. Mais finalement ils échouent devant Saint-Quentin.
70
71
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Les mutineries du printemps 1917 Que s'était-il donc passé en ce printemps 1917 ? Des révoltes de poilus connues sous le nom de « mutineries », une grande crise au sein de l'armée française, surtout entre le 20
mai et le 10 juin, mais en réalité, déjà le 17 avril dix-sept soldats abandonnaient leur poste.
Lettre du 29 mai 1917, adressée par Pétain, au ministre de la guerre et dans laquelle il s'inquiète de la multiplication des actes d'indiscipline.
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CC?I3 CABIHDT
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De nombreux ouvrages ont été écrits à ce sujet avec des avis assez contradictoires.
h l'oneiour lo îîiniotro de It Guerre.
H* 2804C
s 2 C R E T
Tout d'abord, le moral était au plus bas pour beaucoup, après trois années de guerre meurtrière à l'issue indécise.
Depaiû quolciuoB Jours, lea aotos d'iudiscipllne oolleotlfo ot les cauifest&tions ao cultipllent do fuqoa inquiétante.
Ils cent oortalneuent organlséo ot lalaaont proaaontir des nouvecents plcs aâriaux. Oca tiotea sont les sulvfinto :
De plus, les troupes qui avaient participé, au printemps, à l'offensive Nivelle au chemin des Dames - véritable tuerie -
avaient l'impression que la bataille avait été mal préparée.
Et le remplacement du général Nivelle par le général Pétain'*^ qui, certes prend des mesures visant à améliorer le sort des poilus
4 lit.- In 2®
doit forticipor aux ncurellea at
taquée Gur lo îTculin do Icffnus. Ces pupillcns, Invitant lu troupo îi no pac norohor, d'eutras portant "A "bas la Guerre® ""ort eux Toopocoablog", oont alTlcLos dans les omtonnecsate; dans certains bataillons (au 43o Colonial) los honnea déolarent
hautecont**qu*ils no veulent plue as battre, niera quo les oanar&doa à l'uoino gagnent 15 fro à 2C frs por Jour. 19
An 9® C.A, un bataillon du 66®. qui doit rolo-
vor dans la nuit un batoillcn do proolèro ligso, oo diaporeo dana loa bôia et 11 faut toute le nuit pour lo rcoeonblor: la rolbvo
dans les campements, leur nourriture, leurs couchages, les tours
ne peut avoir lieu.
de permissions, ne calma que peu à peu les impatiences.
irui.. Au 32® C,.*., (69® D.I.) lo déptt divioionnaire du 162® régicont d'ln2''anterie, désigné pour ronforoor lo réginer.t, parcourt les rusa du oontoanenont eux cris et au chant do l'Intemationnîe; ils fouillent lu nslaon du Conzundant du dépôt, absent en oo nocant, puis, un peu cluo tard, envoient h cet offioier "trois d<51éguép," chargés de porter lea réolanations. Le londenain, co cano dépôt refuse do ae rendre h l'exercice.
Enfin, les promesses de repos, après les attaques, étaient mal respectées, comme le reconnaît le général Mignot dans son rapport du 2 juin 1917.^°
Des condamnations lourdes furent prononcées par le Conseil de Guerre, trois mille cinq cents condamnations aux travaux forcés,
à de longues peines de prison, environ cinq cents condamnations à mort, et quarante-neuf soldats exécutés.
«
49
15 mai : le général Nivelle est remplacé par le général Pétain à la tête du
Grand Quartier Général et le général Foch nommé Chef d'état-major général auprès du ministre. 50
Paul Painlevé, ministre de la guerre, a réuni son cabinet militaire et civil
A lire page 80. 76
77
A nouveau le front de l'Est pour le 23® RI. juillet - août 1918 journées de repos, les soldats du 23® RI sont
em arques, le 8 juin, dans la région de Cassel pour quelques jours d instruction et mis en état d'alerte car un prisonnier
T
23 mars, et des bombardements par les « Zeppelins » et les « Gotha » ce même mois.
Le 18 juillet, l'armée française va alors s'engager dans une offensive ininterrompue durant quatre mois. Un souvenir s'impose ;
annonce une attaque pour le 25 juin.
Rien ne se passe et deux jours après, c'est la relève.
« Le 18 juillet 18 I Quel carnage!Tout le gros de la troupe devait passer par un chemin creux, soldats enharnachés, mitrailleuses,
Encore plusieurs cantonnements en Belgique et participation à
popotes, quand...
divers coups de mains.
Le 23® RI gagne des villages de Picardie, comme Ancienville, Chouy - quelque deux kilomètres plus loin -, ou Oulchy-leChâteau, réalisant une avancée de quarante kilomètres, et enlevant à l'ennemi canons, mitrailleuses et prisonniers. Et le 15 juiliet, il s'embarque en camions-autos pour VillersCotterêts, sur le Front est.
-
Halte-là ! La cavalerie doit passer devant !
Elle a passé, s'est engagée sur un plateau et, ... roulements de mitrailleuses, obus qui éclatent de partout... L'apocalypse! Tous les hommes à terre, ensanglantés, à côté de leurs montures, des chevaux qui reviennent, hennissants, hagards. Nous, on est resté là. Que dire ? Le destin. Une fois encore, et on se Test répété souvent pendant ces quatre
années d'enfer: c'est lui, c'est pas moi. Continuons!» Tout le mois de juillet, les hommes du régiment attaquent, vont de victoires en victoires, avec des contre-attaques violentes et des bombardements continus. Ils occupent le Bois Pisseleux, la cote 126, le ravin à l'ouest de Billy-sur-Ourq et, le 1®'" août ils continuent leur avancée sur les bords de la Vesle. « Des combats meurtriers!Il faut sans cesse combler les trous.
Ici remplacer le chargeur blessé, là le tireur, trouver deux hommes pour porter caissons et trépieds ... Et on remet ça! Un autre jour, le commandant vient et me dit: -
Mathieu, il faut donner deux hommes. On va tirer une caisse sur le bois là-bas.
En effet dès ce jour, l'ennemi avait attaqué, à l'ouest et à l'est de Reims, après un déluge de tirs d'artillerie, de façon à s'ouvrir par
On démonte, on part, on tire et on revient.
la Marne, la route de Paris.
Les Parisiens avaient d'aiileurs été réveillés, dans la nuit du 11 au 12, par des vrombissements de canons, ces mêmes Parisiens qui se souvenaient encore du premier tir par « la grosse Bertha » le
En arrivant, au bord de la tranchée, pan! Un « shrapnel » en
l'air! Notre commandant gravement blessé! C'est une autre affaire!»
Et la routine guerrière continue, attaques, contre-attaques, I y-..
quelques temps de repos - c'était à Meaux à partir du 9 août -, pen ant lesquels des représentants du régiment assistent à Melun a la remise du bâton de Maréchal au Général Foch.
Le régiment lui-même recevra une troisième citation collective, le octobre 1918 : « Régiment d'attaque de premier ordre, très rnanœuvrier et où les actions d'éclat individuelles ne se comptent plus. A, sous l'énergique commandement de son chef, le heutenant-colonel Bienaymé, pris une part brillante à l'offensive de juillet 1918, a emporté notamment les villages d'Ancienville, de Chouy, d'Oulchy-le-Château, et talonné l'ennemi dans de durs combats d'avant-garde jusqu'à la Vesle. A combattu pendant dixhuit jours, sans répit, progressant de cinquante-huit kilomètres, prenant plus de quatre cents prisonniers, huit canons, un grand
Position du 23® RI, face au Monument des Instituteurs, le 29 août 1918
nombre de mitrailleuses et délivrant soixante-dix français ».'
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Le 25 août, le 23® RI, transporté en camions, vient bivouaquer, dans les bois, entre Coeuvres et Laversine, et dans la nuit du 25 au 26, il s'installe en première ligne sur un terrain récemment
conquis, à l'est du village de Pasiy - au nord-ouest de Soissons -. Aucune reconnaissance préalable n'a été possible, les positions à occuper sont assez imprécises.
Le 26 août, « deux bataillons sont accrochés aux pentes est du profond ravin de PasIy, se reliant à leur gauche avec le 42® Ri ; un bataillon est en réserve dans le petit ravin au nord de Pommiers
L'ennemi est solidement implanté et tient tout le vaste plateau qui surplombe le ravin de PasIy, la cote 129, point d'appui que les
A 7 h du matin, le 27 août, « précédés par des chars d'assaut, les 2® et 3® bataillons se portent, par l'ouest et par le sud, à l'attaque
de la cote 129 », plateau sillonné de tranchées qui permettent à l'ennemi une défense facile. Dès que nos troupes débouchent, elles sont violemment prises à partie « par les mitrailleuses [...] qui balaient le plateau et, même les pentes auxquelles elles sont accrochées »^®.
Pertes sévères, dont plusieurs officiers, mais réels exploits, comme ceux de ce groupe qui réussit à franchir un glacis, et à s'installer en un point d'où il peut prendre en enfilade les mitrailleuses ennemies.
Allemands ont truffé de mitrailleuses dissimulées sur les tertres et
« Un obus tombe au milieu de ma section. Le chef de pièce, le chargeur, un pourvoyeur... à terre!On est massacré!
derrière le Monument des Instituteurs^^.
Je demande des renforts pour porter le matériel ».
C'est de ce ravin qu'Hector envoie à son beau-frère Alphonse, un courrier qui semble prémonitoire, dans lequel il dit : «Je retourne dans un secteur qui n'est pas bon en ce moment ».
combat une formidable impulsion et, groupe par groupe, le
« Le chef Courtiau [...], un héros que rien ne rebute imprime au
bataillon prend pied sur la crête, réduisant les centres de résistance où les cuirassiers de la Garde se défendent avec
l'énergie du désespoir »^^.
Historique du 23® RI. Idem.
Monument des Instituteurs : inauguré en 1899 à Pommiers suite à la guerre de 1870 - position privilégiée des Allemands en 1918 - monument cerclé sur la
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