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Qui que nous, sans on va s'intéresser à vous », déclare Jules Alingete au Soir

(suite de la page 15).

lemment grâce à ces contrats : si les fonds n’ont pas abouti dans les caisses de l’État, c’est qu’ils ont été utilisés à d’autres fins… Rappelons qu'au total, le Congo n’a bénéficié que de 822 millions de $US pour financer les infrastructures, alors que les emprunts contractés dans ce but par Sicomines s’élevaient à 2 milliards et demi de $US. D’autres emprunts avaient aussi été contractés pour faire fonctionner la Sicomines elle-même.

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Ces divers montants sont restés entre les mains de Sicomines, une société qui échappe au contrôle de la partie congolaise. On a aussi découvert des infrastructures qui avaient été financées à la fois par Sicomines et par le Trésor public, à tel point qu’aujourd’hui, on ignore qui a financé quoi…

À cela s’ajoute le problème de la qualité et du prix de ces infrastructures : des contre expertises ont révélé des surfacturations allant du simple au double, la qualité de certaines routes s’est révélée en dessous de la moyenne.

La RDC a été pratiquement mise de côté lors du contrôle de la Sicomines : le président de la société était un Chinois de même que 70% des membres du Conseil d’administration.

Quant à la gestion quotidienne de la société, le directeur général était Chinois ainsi que les trois directions principales, production, finances et commercialisation.

Le directeur général adjoint, un Congolais, n’avait qu’un rôle protocolaire.

Le directeur général avait sa résidence en Chine et, en son absence, c’est le DG commercial ou technique qui assurait l’intérim. Comment, dans de telles circonstances, auraiton pu donner des informations fiables sur la politique commerciale ou sur le fonctionnement de Sicomines ?

Cette société se comportant comme un État dans l’État, il était impossible d’accéder à ses données financières. Il a fallu attendre dix ans, pour qu’en 2021, cette société accepte de déposer ses états financiers auprès des autorités congolaises.

Qu’il s’agisse de la finance, de la production, de la politique commerciale, les Chinois géraient tout. C’est en chinois que leurs instruments étaient paramétrés. Les ingénieurs congolais ne maîtrisaient pas la situation…

En outre, la production de la Sicomines étant vendue aux entreprises chinoises, le prix de vente était estimé à la moitié du prix normal. J’en conclus que les dix milliards générés par Sicomines en quinze ans ne représentent en fait que la moitié de la réalité…Ces éléments expliquent pourquoi le Président de la République a décidé que ce contrat chinois devait être revisité afin de rééquilibrer les avantages entre les parties.

L’audit du fichier de la paie des fonctionnaires de l'État fut un autre dossier important : 1.426.000 fonctionnaires étaient concernés et leur salaire représentait

350 millions de $US par mois. L’audit a révélé de nombreux dysfonctionnements : des gens disposaient de plusieurs numéros matricules et se faisaient donc payer plusieurs fois.

D’autres disposaient des mêmes numéros que d’autres agents et ils étaient donc des fictifs.

D’aucuns se faisaient payer sur les listes de plusieurs services, par exemple le ministère de l’Enseignement ou celui du Plan. D’autres bénéficiaires n’étaient pas connus par le service censé les employer.

Un quart des noms figurant sur les fichiers étant sujet à caution. L’IGF a demandé le nettoyage général de ces fichiers. Les ministères des Finances, du Budget, du Travail se chargeront de cette tâche et ensuite le ministère des Finances fera rapport au gouvernement.

Avez-vous une idée de l’argent perdu dans toutes ces affaires et qui pourrait être récupéré ?

L’équivalent de 70 millions par mois ont été récupérés sur la paie des agents de l’État ! En quinze ans, les contrats chinois nous ont fait perdre 10 milliards de $US à cause de la mauvaise gestion de notre convention. Plus de 50 autres contrats miniers importants contenant des irrégularités graves ont été examinés.

La Gécamines, chargée de gérer l’ensemble de ces contrats miniers a encaissé des redevances atteignant les 10 milliards de $US.

Mais 97% de ce montant a été dilapidé dans des dépenses de fonctionnement et placé en investissements. Et cela, alors que la société aurait dû renouveler son outil de production et financer sa relance…

Cela explique la « dette sociale » que représentent les arriérés à payer au personnel. Quant à l’affaire des cartes de crédit, elle nous a fait perdre entre 50 et 60 millions de $US.

En outre, près de 612 millions de $US payés sous forme d’impôts à la Banque Centrale du Congo n’ont pas été rétrocédés au compte central du Trésor public. Cet argent a disparu… Nous n’avons pas encore audité les frais de fonctionnement de l’armée, de la police nationale, des services de renseignements, ces deux structures disposant de corps d’inspection interne. Quant aux enseignants, ils ont été payés car ils sont prioritaires.

Face à cette généralisation de la corruption, qui incriminez vous ?

Ces problèmes de corruption méritent une analyse dans le temps. La RDC a longtemps vécu dans un système où la corruption était considérée comme un fait normal. Les gens ne se rendaient pas compte que cette pratique hypothéquait le développement de toute une nation.

Le président actuel a voulu dynamiser tous les services de contrôle des Finances publiques. Depuis 2020, trois services luttent contre le détournement des deniers publics. La stratégie des organes de contrôle est de publier des rapports tout de suite, ce qui provoque un tollé général.

C’est alors à la justice qu’il revient d’examiner les dossiers et de trancher. La justice étant indépendante, nous devons nous abstenir de commenter ses décisions, entre autres lorsque de grands dignitaires se retrouvent blanchis… De manière générale, il nous faut rééquilibrer les avantages entre les parties pour pouvoir nous lancer dans la reconstruction du pays. Les Chinois se sont accommodés du laxisme qu’ils ont trouvé au Congo. À nous de rendre les contrats avantageux pour toutes les parties. Il appartiendra à la justice d’établir les responsabilités des Congolais euxmêmes…

Comment avez-vous réagi à l’enquête Congo Hold Up, menée par un consortium de journalistes d’investigation dont ceux du Soir ? Cette affaire concernait le détournement de 43 millions de $US appartenant à la Banque Centrale du Congo mais logés dans ses comptes auprès de la BGFI Bank. Ce qui n’a pas été correctement souligné, c’est que l’IGF avait participé à l’enquête Congo Hold Up ! Sur plusieurs dossiers, nous avons partagé les mêmes conclusions. Cependant, pour l’IGF, les 43 millions de $US qui avaient disparu des comptes de la

L'enquête Congo Hold Up, menée par un consortium de journalistes, a connu la participation de l'Inspection Générale des Finances qui n'avait cependant aucune preuve de l'implication de la famille Kabila ou de l'ancien président dans la disparition d'une somme de 43 millions de $US sur des comptes de la Banque Centrale du Congo à la banque BGFI, déclare l'Inspecteur Général des Finances Jules Alingete Key. Sur la photo, deux lanceurs d'alerte, Jacques Lumumba et Guylain Luwere. AFP.

Banque Centrale du Congo auprès de la BGFI avaient été piqués par cette banque commerciale. Par contre, pour les médias impliqués dans l’enquête Congo Hold up, la BGFI avait pris cet argent pour servir le camp Kabila. L’IGF ne disposait d’aucune preuve permettant de soutenir cette affirmation. La différence entre les enquêtes de services tels que le nôtre et celles des ONG réside souvent dans la production des preuves matérielles des affirmations. À l’IGF, nous devons rester apolitiques et les résultats de nos enquêtes doivent être soutenus par des preuves matérielles probantes. À ce jour, la BGFI Bank a déjà reconnu les faits mis à sa charge par l’IGF et elle a même déjà remboursé près de 40 millions de $US à la Banque Centrale du Congo.

Notre seul élément de référence est le fait de toucher aux fonds publics : qui que vous soyez, nous, sans considération politique, on va s’intéresser à vous…

Propos recueillis à Bruxelles par C. BREACKMAN n Le Soir, 12 mai 2023.

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