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François Ozon & André Dussollier

© Carole Bethuel / Mandarin Production Foz

Ce contraste m’intéressait. Il fallait éviter le pathos avec un tel sujet. J'ai recherché une certaine élégance, en adéquation avec la pudeur de cette famille.

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« IL FALLAIT ÉVITER LE PATHOS AVEC UN TEL SUJET »

Comment saviez-vous qu’André Dussollier pouvait incarner un tel personnage ? François Ozon : Je l’ai découvert ! C’est un grand acteur. Au début j’avais un peu peur. Qui accepterait de jouer défiguré et de rester allongé durant deux mois ? Mais André est un peu kamikaze, plus les défis sont grands et plus il est excité ! André Dussollier : C’est vrai, j’aime les défis. Dans les années 1990, je me souviens avoir vu L’Impasse de Brian Palma dans lequel jouait Sean Penn… et je ne l’ai pas reconnu ! Cette métamorphose m’est alors apparue comme le summum du travail de comédien. Depuis, j’ai toujours revendiqué cette envie. Ça m’est arrivé en incarnant Staline dans Une exécution ordinaire, et aujourd’hui avec André Bernheim.

Comment avez-vous préparé ce rôle ? André Dussollier : François Ozon m’a transmis une vidéo enregistrée par André Bernheim, dans laquelle il affichait sa volonté de mourir.

Je me suis beaucoup appuyé sur ce témoignage. Ce personnage s’octroie toutes les libertés, il est insolent, cynique, égoïste… Pour un comédien c’est une partition très riche.

Il est aussi drôle parfois… André Dussollier : C’est vrai, mais pas toujours volontairement. Ça valait le coup de l’incarner, ça m’a aussi permis de balancer à Sophie Marceau : « qu’est-ce que t’étais moche quand tu étais petite » ! André, ce rôle vous a-t-il permis d’explorer une part inédite chez vous ? André Dussollier : C’est certain, car je suis très attaché à l’aspect psychologique des personnages. Je suis fan de faits divers, où des gens assez lisses révèlent une monstruosité incroyable. Il y a beaucoup de pistes que j’aimerais explorer. C’est dommage de me proposer seulement maintenant d’escalader des montagnes alors que la plupart du temps, je me suis déplacé de la chaise au canapé (rires).

Tout s’est bien passé De François Ozon, avec Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas… En salle

À LIRE AUSSI : la version longue de cette interview sur lm-magazine.com

© Carole Bethuel / Mandarin Production Foz écrans – 81

ON THE VERGE

© The Film TV

En quarantaine

Actrice pour Jean-Luc Godard ou Richard Linklater, Julie Delpy est devenue au fil des années 2000 et 2010 une réalisatrice à suivre. Avec la série On The Verge, elle aborde le tournant de la quarantaine du point de vue des femmes. L'occasion d'une comédie ciselée, mêlant réflexions existentielles et situations burlesques.

On imagine aisément ce que le rôle de Justine, cheffe dans un restaurant de Los Angeles, charrie de personnel pour Delpy, à commencer par une anxiété parfois incontrôlable. Dans cet art de l'auto-fiction comique, On The Verge place l'actrice-réalisatrice dans les parages de Larry David et de Woody Allen. Ici, l'humour travaille tous les registres, des dialogues vifs au gag visuel percutant. Suivant également trois amies de Justine, le récit se déploie dans un moment d'incertitudes conjugales et professionnelles. Davantage qu'une crise, ce sont des processus lents qui apparaissent, parfaitement rendus par le temps de la série. Ainsi, c’est parce qu'elles se répètent que les remarques désobligeantes d'un mari deviennent autre chose qu'un simple élan d'humeur : l'expression d'un imaginaire patriarcal, que Justine finira par trouver insupportable. L'éventail des situations permet d'évoquer avec autant de subtilité que de drôlerie l'angoisse parentale, la perte du désir ou le sentiment d'obsolescence. Dans les derniers épisodes, les signes avant-coureurs de la pandémie se font de plus en plus insistants. Les petites histoires sont rattrapées par la grande, suscitant une certaine nostalgie pour le monde d'avant. Raphaël Nieuwjaer

CANDYMAN

Haute tension

© Parrish Lewis/Universal Pictures and MGM Pictures

Dans Candyman (1992) un noir, lynché par des blancs, revient de l’au-delà en croquemitaine armé d’un crochet en guise de main, quand son nom est prononcé cinq fois devant un miroir. Jordan Peele (Get Out et Us) propose une nouvelle version de ce classique de l’horreur. Copie servile ou relecture inspirée ?

Dix ans après la destruction de la dernière des tours de Cabrini Green, dans le ghetto de Chicago, le jeune peintre Anthony McCoy et sa petite amie Cartwright, directrice de galerie d’art, emménagent dans un appartement luxueux, sur le site de l’ancienne cité. Pour relancer sa carrière, l’artiste rapporte des détails de la macabre histoire de Candyman dans ses tableaux, ce qui rouvre la porte d’un passé terrifiant... Alors que l’on craignait un remake inutile du film de Bernard Rose, les cinéastes afro-américains Nia DaCosta et Jordan Peele (qui produit et coécrit le scénario) en signent une relecture intelligente. Le mythe du Candyman, croquemitaine jadis piqué à mort par des abeilles, est approfondi. Le gore surgit à bon escient. Les jump scares sont bannis au profit d’un tempo volontairement lent, un subtil usage du hors-champ élève la tension crescendo. Comme tout film de genre ambitieux, Candyman sert aussi un enjeu sociétal. La place des noirs dans la société américaine est questionnée, les bavures policières racistes sont dénoncées. In fine, les auteurs développent la réflexion amorcée dans l'œuvre originelle, pour une adaptation confinant au sans faute. Grégory Marouzé

STORIA DI VACANZE

© Pepito Produzioni - Amka Films

Conte défait

Récompensé de l’Ours d’argent du meilleur scénario à Berlin, le deuxième long-métrage des frères D’Innocenzo est une fable cruelle qui se déroule sous la chaleur étouffante d’une banlieue italienne. En adoptant le point de vue des enfants, le film décrit la bassesse et l’absurdité de la vie de leurs parents.

« L’histoire qui va suivre est inspirée d’une histoire vraie, qui est inspirée d’une fausse ». C’est par ces mots énigmatiques que débute Storia di Vacanze ou Favolacce selon le titre original (soit "conte de fées", en italien). Le point de départ du récit est la découverte du journal intime inachevé d’une fillette par le narrateur. Il se met alors à raconter ce que pourrait être la vie de cette inconnue, dans sa banlieue pavillonnaire. Le temps d’un été, le film dévoile le quotidien de familles banales mais où les adultes se révèlent dans toute leur mesquinerie. Citons cette scène de repas où l’un des parents demande à ses enfants d'exhiber leurs carnets de notes d’élèves modèles, devant les voisins dont la fille est en retard scolaire... Les têtes blondes sont prisonnières de ces familles dysfonctionnelles dont elles cherchent une échappatoire. Ce sentiment d’enfermement et de dégoût est renforcé par la multiplication de plans serrés. Le choix de ne pas montrer la violence physique permet de s’attarder sur les émotions et, in fine, le spectateur se sent lui aussi pris au piège. Loin de la parabole, le film n’essaie pas de donner du sens à l’absurdité de l’existence. Ne restent que des espoirs déçus… Une œuvre sans concession. Hugo Guyon

TRALALA

Le nouveau film des frères Larrieu est, comme toujours, un objet singulier. Tralala (Mathieu Amalric), chanteur des rues, croise une jeune femme qui lui adresse un message énigmatique. Il quitte alors la capitale et retrouve à Lourdes celle dont il est déjà amoureux, mais qui ne se souvient plus de lui. Une sexagénaire croit alors reconnaître en Tralala son fils, disparu aux ÉtatsUnis... Malgré une distribution cinq étoiles (Josiane Balasko, Denis Lavant, Mélanie Thierry, Bertrand Belin, Maïwenn...), des chansons signées Katerine, Dominique A, Daho, Bertrand Belin ou Jeanne Cherhal, rien n’y fait : cette comédie musicale, inégale, ne fonctionne pas. La faute à une mise en scène et des chorégraphies statiques (un comble). Une jolie tentative… ratée.

Grégory Marouzé

De Arnaud & Jean-Marie Larrieu, avec Mathieu Amalric, Josiane Balasko, Denis Lavant, Mélanie Thierry, Bertrand Belin, Maïwenn… Sortie 06.10

© Jérôme Prébois / Pyramide Films © Les Alchimistes Films

LE KIOSQUE

Venue donnser un coup de main à sa mère proche de la retraite, Alexandra Pianelli travaille et filme d'un même mouvement. Une caméra GoPro accrochée au front, elle accueille les clients dans le kiosque familial, tenu depuis quatre générations. L'exiguïté du lieu, dont on ne sortira que le temps d'un bref épilogue, stimule la mise en scène, proche parfois des bricolages de Michel Gondry. Le rideau de fer levé, l'établissement est comme un œil posé sur la ville. Alors que la presse papier s'effondre, le documentaire s'offre comme une dernière ronde. Du clochard ne cessant de perdre son chat à la mamie bourgeoise pleine de gouaille, toute une petite société se donne rendez-vous. À sa manière modeste, Le Kiosque témoigne de façon émouvante des mutations de l'espace public.

Raphaël Nieuwjaer

Femme au chapeau Pablo Picasso 1935 Huile sur toile 60 x 50 cm Paris, Centre Pompidou, musée national d'Art moderne © Succession Picasso 2021 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian

LES LOUVRE DE PICASSO

Rencontre au sommet

C’est un portrait croisé entre deux monuments de la culture mondiale. Une plongée inédite dans l’histoire de l’art. Cette exposition lensoise organise la confrontation entre Pablo Picasso et le Louvre – ou plutôt "les" Louvre, tant la relation entre les deux fut tumultueuse au fil du temps. Ce parcours rassemble plus de 450 œuvres dont 170 du génie espagnol. Elle sont issues de l'ensemble des départements de l'institution parisienne et d'un peu partout dans le monde. Peintures ou sculptures sont ainsi analysées, comparées, scrutées… pour mieux mettre au jour les inspirations du maître.

Le Louvre et Pablo Picasso, c’est une grande histoire. « Un peu comme une relation amoureuse, belle et complexe », image Dimitri Salmon, le commissaire de cet événement. Dès la première visite du maître en 1900, ils se sont donc aimés. Il y eut des hauts, notamment lorsque le musée parisien honora l’artiste (le premier) d’une grande exposition monographique, en 1971, dans sa Grande Galerie. Mais aussi des bas, quand l’institution

proposa à Georges Braque la réalisation d’un plafond et pas à Pablo, qui en avait pourtant rêvé… L’Espagnol trouva parmi les conservateurs de

« UNE RELATION AMOUREUSE, BELLE ET COMPLEXE »

Femme à la mantille Pablo Picasso, Vallauris, [1949] Terre blanche avec décor aux engobes Musée national Picasso-Paris Dation Pablo Picasso, 1979. MP3695 © Succession Picasso 2021 © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Béatrice Hatala

Sculpture ibérique tête masculine ; volée par Géry Piéret en 1907. 3e siècle avant J.-C. Calcaire 20 x 17,5 x 13 cm Paris, musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale) / Franck Raux

Buste de Femme, Pablo Picasso, 1906-190, Encre et gouache sur papier, 63 x 48 cm Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen © Succession Picasso 2021 © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Jens Ziehe Autoportrait à la pipe ; Autoportrait à la casquette Pablo Picasso 1904 – 1905 Dessin H. :39,5cm, L. :32cm, P. :3cm Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen © Succession Picasso 2021 © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Jens Ziehe

fervents défenseurs (Georges Salles) mais aussi des détracteurs (Germain Bazin et René Huyghe ne goûtèrent guère aux déformations qu’il infligea à la figure humaine). Une chose reste sûre : ces « deux géants » se sont beaucoup regardés. Entre les chefs-d’œuvre « PICASSO EFFAÇAIT SES SOURCES D’INSPIRATION » du musée et ceux du peintre et sculpteur, les échos sont nombreux, mais ne furent pas forcément faciles à établir. « Picasso fut un extraordinaire archiviste de lui-même, il conservait tout, comme ses factures de restaurant… et en même temps il effaçait ses sources d’inspiration », explique Marie Lavandier, la directrice du Louvre-Lens. Au final, il aura fallu trois ans de recherches pour établir des rapprochements.

L’enquête est ouverte

À Lens, c’est ainsi à une formidable enquête qu’est convié le public, au sein d’une scénographie à la hauteur des enjeux. Au centre du musée se déploie une première partie où trône une immense table réunissant des archives pour beaucoup inédites. Il y a là des coupures de presse,

des correspondances, des anecdotes... Autour de cet espace ouvert, on trouve plusieurs salles reproduisant chacune un département du Louvre : celui des peintures, des sculptures, des arts graphiques… C’est au sein de ces sections qu’est organisée la confrontation entre les créations de Picasso et les trésors du Louvre « parfois sans certitudes, certaines relevant de l’hypothèse, confie Dimitri Salmon. Elles n’ont pour beaucoup jamais été établies mais nous nous risquons à l’erreur, c’est le grand jeu de l’histoire de l’art ».

Regards croisés

Au fil de ce parcours fleuve se révèlent ainsi des analogies entre un autoportrait "picassien" tracé au fusain en 1908, et un portrait dit "du Fayoum" « PICASSO A BEAUCOUP REGARDÉ INGRES DANS LES ANNÉES 1920 » – ces peintures funéraires insérées dans les bandelettes sur le visage de la momie. On remarque aussi comment la fameuse Tête de Taureau signée de l’artiste en 1942 et constituée d’une selle et d’un guidon, puise son origine dans l’antiquité orientale. Le travail sur Les Demoiselles d’Avignon est par ailleurs mis en perspective avec des sculptures ibériques… Citons aussi Le Déjeuner sur l'herbe d'après Manet, Le Retour du baptême d’après Le Nain, L’Enlèvement des Sabines inspiré par Nicolas Poussin… « Sans oublier Ingres, que Picasso a beaucoup regardé dans les années 1920 pour revenir à une forme plus classique », ajoute Marie Lavandier. Si comparaison n’est pas raison, dit-on, celle-ci donne le vertige. Julien Damien

Lens, 13.10 > 31.01.2022, Louvre-Lens, tous les jours sauf mar : 10 h-18 h 12 > 5 € (gratuit -18 ans), www.louvrelens.fr

Pierre Colacicco (Le Figaro), montrant la Grande Galerie noire de monde Photographie 30,5 x 24 cm, Paris, musée du Louvre, SEDP © DR

< David Hockney "n° 299", 29 avril 2020

Tableau sur iPad © David Hockney David Hockney dans son studio en Normandie, le 24 février 2021 © David Hockney Photo: Jonathan Wilkinson

DAVID HOCKNEY

Haut en couleur

C’est sans doute l’un des plus grands peintres encore en activité. Depuis le milieu du xxe siècle, David Hockney produit une œuvre située entre figuration et abstraction. Si tout le monde connaît ses fameuses représentations de piscines, le désormais octogénaire n’a pas fini de nous surprendre. En témoigne cette double exposition bruxelloise. À Bozar, on découvre une rétrospective de son travail et sa toute dernière série de tableaux magnifiant l’arrivée du printemps. Ou comment célébrer une éternelle renaissance.

David Hockney, "n° 88", 3 mars 2020, Tableau sur iPad © David Hockney

David Hockney, Mr. and Mrs. Clark and Percy, 1970-1971, Acrylique sur toile, 213,4 x 304,8 cm Tate : Don des Amis de la Tate Gallery 1971 © David Hockney

Originaire de Bradford, ville industrielle du nord de l’Angleterre, David Hockney a conquis le monde avec ses natures mortes, portraits ou paysages aux couleurs acidulées. Dès lors, il serait facile de le ranger dans la case "pop art". Mais l’histoire est plus complexe. « Il a toujours refusé les étiquettes », explique Ann Flas, l’une des commissaires. Ce « virtuose du dessin et de la peinture » fut en effet très tôt marqué par la rétrospective Picasso, présentée à la Tate Gallery en 1960. « Il pouvait maîtriser tous les styles. La leçon que j’en tire, c’est que l’on doit les utiliser tous », déclarera-t-il. Depuis cet instant, David Hockney ne cessera de se réinventer, passant de l’art abstrait au figuratif ou effectuant des détours par le cubisme. Un foisonnement dont témoigne le premier volet de ce diptyque bruxellois, rassemblant de façon chronologique plus de 80 œuvres de la collection de la Tate, de 1954 à 2017.

Lumière dans la nuit

Si l’on regrette de ne pas y trouver A Bigger Splash (le musée londonien n’ayant pas souhaité s’en séparer), l’exposition n’est pas avare de chefs-d’œuvre. Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par Bigger Trees Near Warter, un gigantesque assemblage de 50 toiles de plus de 12 mètres de long (sa création

David Hockney My Parents, 1977 Huile sur toile, 182,9 x 182,9 cm Tate : Acquisition 1981 © David Hockney

la plus imposante) représentant un paysage de son Yorkshire natal. Cette même Angleterre puritaine qu’il dut quitter en 1969, « où l’homosexualité était encore illégale », pour rejoindre Los Angeles et sa lumière écrasante. C’est là qu’il initie la série des Pool Paintings qui assureront sa célébrité. « Il est alors fasciné par le mouvement de l’eau, comme Monet, la transparence des matériaux et la géométrie des bâtiments ».

Mise en perspective

Au-delà de ces thèmes récurrents, David Hockney est également connu pour sa "perspective inversée", enveloppant littéralement notre regard. « Il multiplie les points d’entrée dans la toile, souhaitant y représenter un monde en trois dimensions », décrypte Ann Flas. L’autre constante de son travail, c’est la variété de ses techniques. Dans sa palette, on trouve le fax, l’ordinateur, le polaroïd... Du haut de ses 84 ans, ce « féru de nouvelles technologies » est ainsi l’un des premiers à peindre avec un iPad, comme le révèle la deuxième partie de l’accrochage. À partir de janvier 2020, cet artiste « profondément optimiste » a immortalisé l’arrivée du printemps en Normandie, où il est aujourd’hui établi. Armé de sa tablette numérique, il a croqué le bourgeonnement des arbres, la renaissance des premières fleurs… soit 116 tableaux saisissant cette explosion de couleurs et de vie. Une célébration de la nature qui, comme lui, n’en finit pas de se re-

nouveler. Julien Damien

Œuvres de la collection de la Tate, 1954-2017 + L’Arrivée du printemps, Normandie, 2020

Bruxelles, 08.10 > 23.01.2022, Bozar, mar > dim : 10h–18h, un ticket pour 2 expos : 20>10€ (gratuit -6 ans), www.bozar.be

© Jameel Subay. Courtesy de l’artiste

IMAGES DE HÉROS

Mise en perspective

Des représentations du prophète Mahomet à Dalida, en passant par les caricatures de Slim et quelques super-héroïnes, cette exposition met à mal nombre d’idées reçues sur l’utilisation de l’image au quotidien, du Maghreb au Moyen-Orient. L’Institut du monde arabe de Tourcoing (IMA) rassemble affiches de films, peintures, planches de BD, dessins de presse, vidéos ou photographies, et raconte une histoire inédite de la culture musulmane.

« Il est dit qu’il n’ y a pas d’images en pays d’Islam, débute Françoise Cohen. Eh bien ce n’est pas tout à fait vrai… ». En témoigne cette exposition, pour laquelle la directrice de l’IMA s’est plongée dans les collections du musée du Quai BranlyJacques Chirac et du Mucem, y dénichant quelques raretés. À commencer par cet ensemble de chromolithographies et de peintures sous verre datant du début du xxe siècle et (sujet ô combien sensible) illustrant la chose religieuse.

Ces reproductions étaient diffusées auprès d’un large public, ornant les cafés, les boutiques ou l’intérieur des maisons. On y trouve notamment des calligraphies de sourates et des représentations du prophète Mahomet. On voit le saint homme tenir ses petits-fils sur les genoux ou encore chevauchant Al-Buraq, animal merveilleux ailé et à tête de femme sur lequel il entreprit son voyage nocturne de la Mecque à Jérusalem. Hérauts de la liberté – Mais pour-

quoi parler de "héros" ? « Nous rassemblons des figures remarquables au sens large et qui trouvèrent une large audience avec leurs messages : religieux, politiques ou artistiques », éclaire Françoise Cohen. Oh, pas de jugement de valeur ici, mais beaucoup de questions. Ainsi de la série de photographies de la Palestinienne Ahlam Shibli réalisée à Naplouse lors de la deuxième intifada (2000-2005). Ces clichés révèlent une glorification des martyrs au sein des foyers, entretenant leur mémoire, mais aussi la haine... Certains personnages, eux, ont plié de rires des millions d’Algériens, comme Bouzid, le paysan acerbe du dessinateur Slim, un vétéran de la caricature arabe. Publiés, entres autres, dans Algérie Actualités dès 1967, ses strips dépeignent avec une liberté de ton rare la situation politique du pays, avant que l’auteur ne s’exile au Maroc durant les années de plomb, menacé par le FIS… Sous le voile – Entre autres affiches célébrant les stars de la chanson (Oum Khaltoum) ou du cinéma (Dalida en vamp, dans Un verre, une cigarette en 1955), on découvre aussi une nouvelle génération d’autrices féminines. Citons l’Égyptienne Deena Mohamed et sa super-héroïne : Qahera. Né durant les manifestations au Caire en 2011, ce personnage lutte contre le harcèlement de rue et pour le droit des femmes, en ayant le visage dissimulé derrière un hijab. Ou comment porter le voile tout en étant féministe. Vous avez dit iconoclaste ?

Julien Damien

Tourcoing, jusqu’au 09.01.2022 Institut du monde arabe mar > dim : 13h–18h 5>2€ (gratuit -6 ans) ima-tourcoing.fr

Ahlam Shibli, untitled (Death no. 19), Palestine, 2011–12, chromogenic print.Balata Refugee Camp, February 16, 2012. Courtesy of the artist © Ahlam Shibli

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INFINIMENT PROCHE

Plus près des étoiles

Si, comme nous, vous avez tendance à scruter le ciel une fois la nuit tombée, les yeux rivés sur les étoiles, alors cette exposition est taillée pour vous. Présentée au campus de la Cité scientifique de l'Université de Lille, Infiniment proche nous emmène aux confins de l'espace et du temps, aux prémices de la formation du système solaire. Ce parcours dévoile les enjeux d'une mission d'étude de matière extraterrestre, tout en initiant un dialogue entre science et art.

C’est un petit morceau de roche chargé de grandes promesses. Le 22 février 2019, la sonde japonaise Hayabusa 2 réussissait à se poser sur Ryugu, un astéroïde en goguette dans le cosmos, pas très loin de chez nous – enfin, à 440 millions de kilomètres... Son objectif ? Collecter de la matière carbonée à la surface de l'objet stellaire pour l'analyser en laboratoire, sur Terre. Et devinez quoi : une équipe lilloise est à la manœuvre. « Nous avons reçu un échantillon il y a quelques jours », s'enthousiasme Hugues Leroux, qui dirige cette mission au sein de l'Unité Matériaux et Transformations (UMET) à l'Université de Lille, équipée de microscopes électroniques très pointus « pouvant plonger jusqu'à l'atome » - et donc dans un lointain passé. Cette « matière extraterrestre » s'annonce riche d'enseignements : Ryugu existait avant

« DÉTERMINER même la naissance

L’APPORT du système solaire, il

EXTRATERRESTRE y a 4,5 milliards d’anDANS L’ÉMERGENCE nées. « En l'étudiant,

DE LA VIE » nous pourrons ainsi mieux appréhender les conditions dans lesquelles se sont formées les planètes ». Ce n'est pas tout : cette poussière expliquerait peut-être comment fut transportée l’eau à travers l'espace, et la complexification de la matière organique.

En clair : « il s'agit de déterminer l’apport extraterrestre dans l’émergence de la vie, nous glisse Hugues Leroux. On n'est pas à l'abri d'une découverte majeure... ».

Vers l'infini et au-delà

En attendant les premiers résultats, début 2022, l'Université de Lille partage cette formidable aventure au sein du parcours Infiniment proche. Ponctuée de conférences, l'exposition retrace les grandes lignes de la mission Hayabusa 2. Elle rassemble des clichés de l’agence spatiale japonaise JAXA, des images de ces poussières d'étoile et comporte aussi un volet artistique. Parmi ces œuvres, citons l'installation vidéo Misurgia Sisitlallan de Vir Andres Hera. Passé par le Fresnoy de Tourcoing, le Mexicain s'est appuyé sur les recherches lilloises pour conter une histoire entre spiritualité et science, anthropologie et mythologie, l'infiniment grand et l'infiniment petit, afin de mieux prolonger la réflexion - et le rêve. Julien Damien

Villeneuve d'Ascq, 15.10 > 21.12, Campus Cité scientifique - LILLIAD Learning center Innovation & Xperium, lun > ven : 8h-20h • sam : 9h-13h, gratuit, www.univ-lille.fr

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1. Astéroïde Ryugu photographié par la sonde Hayabusa2. Taille pixel de l’image : 2800 x 2800, Fichier JPG., taille finale = 762 x 762 mm © JAXA, University of Tokyo, Kochi University, Rikkyo University, Nagoya University, Chiba Institute of Technology, Meiji University, University of Aizu, AIST.

2. Ombre de la sonde Hayabusa2 sur la surface

de l’astéroïde Ryugu. Taille pixel de l’image : 2500 x 2500, Fichier JPG, Taille finale = 762 x 762 mm © JAXA, University of Tokyo, Kochi University, Rikkyo University, Nagoya University, Chiba Institute of Technology, Meiji University, University of Aizu, AIST

3. Surface de l’astéroïde Ruygu photographiée par

l’atterrisseur Mascot. Taille pixel de l’image : 2133 x 2133, Fichier JPG, Taille finale = 762 x 762 mm © Jaumann et al Science (2019)

4. Rentrée dans l’atmosphère terrestre de la capsule renfermant les échantillons prélevés,

le 6 décembre 2020 en Australie. Image capture d’écran d’une vidéo https://www.hayabusa2.jaxa. jp/en/topics/20201206_fireball/ Taille finale = 762 x 762 mm © JAXA

5. Échantillons de l’astéroïde Ryugu rapportés sur Terre pour l’analyse dans les laboratoires interna-

tionaux. Taille pixel de l’image : 3333 x 3333, Fichier JPG, Taille finale = 762 x 762 mm. © JAXA

6. Image en microscopie électronique en transmission, résolution atomique, météorite martienne

NWA 7533. Taille pixel de l’image : environ 1024 x 1024, Fichier TIF, Taille finale = 762 x 762 mm © Maya Marinova, Institut Chevreul, Université de Lille

7. Image en microscopie électronique à balayage de la météorite primitive Semarkona, champ de

vue environ 2 mm. Taille pixel de l’image : beaucoup de pixels, Fichier TIF, Taille finale = 762 x 762 mm ou 762 x 1016 mm © MNHN Paris

[Book miques Marcel Broodthaers, Livre tableau ou Pipes et formes acad é pes and academic forms], 1969-1970 © Succession Marcel painting or Pi Broodthaers – Sabam 2021

MARCEL BROODTHAERS

Détournement de fond

6 Qui était Marcel Broodthaers (1924-76) ? Chimiste de formation, poète par vocation, peintre, sculpteur, réalisateur d’une cinquantaine de courtsmétrages… Le plasticien belge, grand admirateur de Magritte, reste une énigme pour beaucoup malgré sa renommée internationale. Ainsi, les 120 plaques en plastique réunies par le Wiels (produites industriellement entre 1968 et 1972 mais en tirage limité), déjouent tous les codes. Alphabets fantaisistes, imagiers réinventés... les multiples travaux exposés, sortes de poèmes visuels savoureux de malice, détournent les règles de la publicité et de la signalisation routière en exploitant le potentiel créatif des pictogrammes ou de la ponctuation. À côté de ces plaques on trouve 14 lettres ouvertes (des tracts distribués par Broodthaers au moment du développement de son "Musée d’art moderne - Département des Aigles") et 70 dessins et documents témoignant de son point de vue critique du monde de l’art. D’indispensables clés de lecture pour comprendre l’œuvre de cet illustre inconnu. Marine Durand

PANORAMA 23

é s Monument aux arbres tomb Gregor Božič, © Gr egor Božič production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains

Vues de l'esprit

6 L'Homme descendrait-il du songe ? C'est la question posée par cette 23e édition de Panorama. Sous-titrée "par le rêve", l’exposition annuelle des étudiants de la prestigieuse école tourquennoise marie (comme souvent) science et poésie, art et technologie, pour mieux décrypter des enjeux bien réels. À l'image de Love & Revenge d'Anhar Salem, mettant en scène une adolescente qui perd le contrôle de son avatar dans les réseaux sociaux... En parallèle, Gregor Božič s'interroge sur la bétonisation à outrance de nos cités en dressant un Monument aux arbres tombés. On répond aussi à l'invitation du film immersif en 360° stéréoscopique de Faye Formisano. Avec They Dream in My Bones, elle nous entraîne sur les pas de Roderick Norman, chercheur en onirogénétique qui extrait... les rêves d’un squelette. De l'illusion en chair et en os... J.D.

Tourcoing, jusqu'au 31.12, Le Fresnoy, mer > dim : 14 h-19 h, 4 / 3 € (gratuit -18 ans) www.lefresnoy.net

Faye Formisano, They Dream in My Bones © Faye Formisano production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains

Danseuse à la barre , 2001, Huile sur toile, 164 x 116 cm, Collection privée © Fernando Botero

FERNANDO BOTERO. AU-DELÀ DES FORMES

Ses personnages aux formes rondes ont fait le tour du globe... Enfin, presque, car Fernando Botero n'avait jamais bénéficié d'une rétrospective en Belgique. C'est désormais le cas. Le BAM révèle 70 ans d'une œuvre singulière, aux couleurs vives, puisant ses racines dans l'art précolombien, l’iconographie populaire ou la Renaissance italienne. Le parcours aborde les thèmes chers à l'artiste, comme les natures mortes ou les nus, soit autant de peintures, sculptures et dessins tantôt bienveillants ou ironiques. Pour parachever l'événement, une sculpture monumentale du Colombien prend ses aises sur la Grand-Place de Mons. Représentant discret de l'abstraction géométrique belge, le Liégeois Léon Wuidar est honoré d'une première rétrospective sur ses terres. Ses tableaux, collages ou dessins se distinguent de la froideur parfois attribuée au genre, par un jeu poétique entre les lignes et couleurs, mais aussi lettres ou mots. Au MACS, on découvre ainsi une œuvre ludique et teintée de surréalisme, à l'image de son clin d'œil à la fameuse pipe de Magritte.

Hornu, jusqu'au 30.01.2022, MACS mar > dim : 10 -18 h, 10 > 2 € (gratuit -6ans) www.mac-s.be

29 juillet 89, 1989, Huile sur toile, 60 × 60 cm + L’enceinte, février 1970, 1970, Huile sur toile, 50 x 70 cm © Léon Wuidar

- Dardex © Qdestieu Shuguet Machine 2 Fish V.2

LES SAFRA'NUMÉRIQUES

Machine à rêver

6 Avant un retour en force en mars 2022, le festival des arts numériques célèbre ses cinq ans à travers une édition (forcément) spéciale, à l'instar de ce spectacle mêlant cirque et réalité virtuelle (The Ordinary Circus Girl). Au Safran, d'étranges robots insectoïdes s'agrippent aux murs pour questionner en rythme notre rapport aux machines (Chimères Orchestra de Reso-nance), tandis qu'un poisson rouge se balade tranquillement dans les allées, grâce à son bocal cybernétique (Machine 2 Fish V.2, signé Dardex). À la Citadelle, Revolve initie une chorégraphie stroboscopique avec des centaines de LED, histoire de nous en mettre plein la vue et surtout tester les limites de nos perceptions. Mais c'est aussi en ville que la magie opère, où diverses installations font honneur à la cité de Jules Verne – qui n'aurait pas renié cette grande fête numérique. À l'instar de la Distillerie d'images du Kolektif Alambik, enveloppant les façades de couleurs et de formes oniriques. Sur l'esplanade et le parvis du Safran, Tilt a quant à lui installé d'étonnants luminaires. Ces Papyrus offrent une palette mouvante, tel un arc-en-ciel nocturne... Julien Damien

Amiens, 19 > 23.10, Le Safran & divers lieux en ville, gratuit (sauf les spectacles The Ordinary Circus Girl & Les Murmures d'Ananké : 13,50 > 5 €), www.amiens.fr

E/MOTION

Pour sa réouverture, après plus de trois ans de travaux, le MoMu sort le grand jeu. Le temple de la mode organise dans toute la ville des expositions, événements en plein air, balades thématiques et convie les stylistes qui ont fait la réputation de la cité flamande. Parmi ces temps forts, le parcours E/MOTION. Mode en transition scrute la marche du monde à travers des pièces de Walter Van Beirendonck, Alexander McQueen, Versace, John Galliano, Martin Margiela… entre autres !

Anvers, jusqu'au 23.01.2022 MoMu, mar > dim : 10 h-18 h 12 / 8 € (gratuit -18 ans), www.momu.be

Jean-Paul Lespagnard © Catwalkpictures

BRUSSELS TOUCH

Depuis près de 40 ans, Anvers tient son rang de "capitale de la mode". Et si Bruxelles avait aussi joué un rôle déterminant dans le rayonnement de la création belge ? Sur ce postulat, plus audacieux qu’il n’y paraît, ce parcours met au jour un « esprit bruxellois » encore jamais théorisé. Signée Olivier Theyskens, Ester Manas, Anthony Vaccarello ou Éric Beauduin (en en passe), cette centaine de pièces dessine les contours d'un style dégagé de tout diktat.

Bruxelles, jusqu'au 15.05.2022 Musée Mode & Dentelle mar > dim : 10 h-17 h, 8 > 4 € (gratuit -18 ans) www.fashionandlacemuseum.brussels

LAURENT DURIEUX

« L’art de l’affiche de cinéma est de réduire en une image ce que le metteur en scène a réalisé en 350 000 », dit un jour Stanley Kubrick. Ce n’est pas Laurent Durieux qui le contredira. Le graphiste belge est passé maître dans cet exercice délicat. À la fois vintage et modernes, sublimant des œuvres patrimoniales ou issues de la pop culture, ses illustrations ont tapé dans l’œil de prestigieux réalisateurs comme Steven Spielberg ou Francis Ford Coppola. À Molenbeek, le MIMA lui déroule le tapis rouge.

Bruxelles, jusqu'au 09.01.2022, MIMA, mer > ven : 10h-18h sam & dim : 11h-19h, 9,50>3€ (grat. -6 ans), mimamuseum.eu

Casa Número Ocho (House Number Eight), In collaboration with Yoel Pytowski © Silvia Cappellari La Centrale inaugure un nouvel espace : CENTRALE. vitrine. Ouvert sur la rue sainte-Catherine et au regard des passants, il est dédié aux artistes émergents établis dans la capitale. Pour cette première, il accueille Home contains us and is within us # Ste Catherine 13. Signée Angyvir Padilla, cette installation figure une pièce recouverte d’un film plastique. Elle est emplie d’ustensiles évoquant un foyer mais façonnés en argile, comme un trait d’union entre l’intérieur et l’extérieur, la mémoire et le présent.

Bruxelles, 30.09 > 21.11, Centrale for Contemporary Art (CENTRALE.vitrine), mer > dim : 13h30-18h, 8>2,50€ (gratuit -18 ans et installation visible depuis la rue), centrale.brussels

LIBRES FIGURATIONS, ANNÉES 80

Keith Haring, Basquiat, Futura 2000, Robert Combas, Hervé Di Rosa… et bien d’autres ! Les musées de Calais rapprochent une cinquantaine d’artistes majeurs de la fin du xxe siècle. Soit plus de 200 œuvres réparties dans une double exposition puisant dans la culture pop, à la croisée du graffiti, du punk, de la SF ou de la BD. Ces peintures, sculptures ou vêtements dessinent les contours d’un mouvement célébrant son quarantième anniversaire : les Libres figurations. Une grande bouffée d’art. Calais, jusqu’au 02.01.2022, Musée des beaux-arts, mar > dim : 13h-18h, Cité de la dentelle, tous les jours sauf mar : 10h-18h pass 2 musées : 5/4€ (gratuit -5 ans), calais.fr

BROGNON-ROLLIN. L’AVANT- DERNIÈRE VERSION DE LA RÉALITÉ

Le réel existe-t-il en dehors de ses représentations ? Telle est l’une des questions soulevées ici. Né il y a près de 15 ans, le duo composé de David Brognon et Stéphanie Rollin produit une œuvre protéiforme, située quelque part entre Philip K. Dick et Jorge Luis Borges. Parmi cette quarantaine de pièces, on trouve notamment Yamina. Conçue spécialement pour le BPS22, celle-ci reproduit la ligne de cœur nichée dans la main d’une femme mariée de force, sous la forme d’un néon de 27 mètres – et c’est brillant. Charleroi, 09.10 > 09.01.2022, BPS22 mar > dim : 10h-18h, 6>3€ (gratuit -12 ans) www.bps22.be

PLOSSU. LA BELGIQUE L’AIR DE RIEN

Internationalement reconnu pour ses photographies en noir et blanc (mais pas seulement), « voyageur-migrateur » comme il se nomme, Bernard Plossu a arpenté la Belgique dès les années 1980. De ses pérégrinations "l’air de rien" à Anvers, Gand, Bruxelles, Liège ou (bien sûr) Charleroi, le Français a tiré de nombreuses images - imprimées selon le procédé Fresson. Saisis à la ville ou à la campagne, voire derrière des fenêtres de train, ces clichés offrent un relief inédit au plat pays.

Au familistère de Guise, l’utopie n’est pas un vain mot. Élevée au xixe siècle par Jean-Baptiste André Godin, cette cité plaçait le travail et le capital au service de l’Homme. Pour la première fois, le site accueille une série d’œuvres issues du FRAC Grand-Large de Dunkerque. Signées Annette Messager, Henri Cartier-Bresson ou Françoise Pétrovitch, ces pièces sont réparties dans les étages et, d’un appartement à l’autre, soulignent l’esprit de liberté perdurant dans ces lieux.

Guise, jusqu’au 14.11, Familistère, tous les jours : 10h-13h & 14h-18h, 11>8€ (gratuit -10 ans) www.familistere.com

ARTOUR COLORS, ETC.

Baptisée L’Image conjuguée, la 13e édition de cette biennale mariant art et patrimoine propose deux mois de balades et de découvertes artistiques à travers la région du Centre. Parmi une foultitude d’expositions, d’œuvres et de pratiques, on remarque une prégnance de l’écrit. Citons, entre autres, le Monde 4 de Marc Veyrat (au Mill) qui « s’architexture » en quatre dimensions et en réalité virtuelle. Cette installation nous plonge littéralement dans les mots employés par Lewis Carroll pour composer Les Aventures d’Alice au pays des merveilles. La Louvière, Soignies et Le Roeulx, jusqu’au 28.11, divers lieux et tarifs, www.artour.be Quel son produit une couleur ? Peuton la toucher ? Lui associer une odeur ? L’utiliser pour se soigner ? Voici le genre de questions pas si incongrues que l’on se pose au Tripostal. D’abord programmée dans le cadre de "Lille, capitale mondiale du design", cette exposition tombe finalement à pic. Elle dévoile sur trois étages et 6 000 m2 une impressionnante palette d’œuvres contemporaines et de designers inspirés, stimulant les sens comme l’imagination. Lille, jusqu’au 14.11, Tripostal mer > dim : 11 h-19 h, 9 / 7 € (gratuit -26 ans) www.lille3000.eu

NI MÉCHANT NI GENTIL !

© LH - MHNL Ville de Lille Que n’a-t-on pas entendu sur le loup ! Au sein d’un musée en pleine transformation, cette exposition (destinée aux 3 - 7 ans) répond à une question souvent formulée par les enfants : l’animal est-il gentil ou méchant ? Ni l’un, ni l’autre. Au sein d’une scénographie conçue comme un pop-up, le parcours confronte les différentes représentations du loup dans la littérature (tantôt sympathique ou effrayant... voire en slip !) aux données scientifiques expliquant le mode de vie du Canis lupus.

C’est ce qui nous a fait défaut durant des mois : des perspectives. La troisième programmation de l’Institut pour la Photographie n’en manque pas. Jugez plutôt : parmi ces dix accrochages, on trouve trois séries emblématiques de la portraitiste Bettina Rheims (La Chapelle, Détenues et Rose c’est Paris), une présentation inédite du travail documentaire de Jean-Louis Schoellkopf et… la toute première exposition d’Agnès Varda, présentée en 1954. Vous avez dit immanquable ?

Lille, 08.10 > 05.12, Institut pour la Photographie mer > dim : 11h–19h • jeu : 11h-21h, gratuit, www.institut-photo.com

EUROPEAN CUSTOM BOARD SHOW

Plus qu’un sport, une véritable culture. Apparu au milieu du xxe siècle au pays de l’oncle Sam, le skateboard n’a cessé de fédérer les communautés, mais aussi les artistes. C’est justement cette diversité que célèbre l’European Custom Board Show (ECBS), en réunissant les œuvres d’une quarantaine de créateurs européens. L’exposition met en lumière plus d’une centaine de planches customisées, tout en scrutant d’autres horizons, telles l’architecture ou la sculpture – en roue libre, évidemment. Roubaix, jusqu’au 18.12, La Condition Publique, mer > sam : 13h30-19h dim : 13h30-18h, 5/2€ (gratuit -18 ans)

LETTRES DE VERRE UNE ÉCLIPSE DE L’OBJET

Cette exposition met à l’honneur le travail de Jean-Baptiste SibertinBlanc. Accueilli en résidence au MusVerre en 2020, cet artiste et designer français s’est lancé dans un projet des plus ambitieux. Jugez plutôt : il a façonné les 26 lettres de l’alphabet en usant des principales techniques du verre, comme le soufflage ou le bombage. En découlent des pièces uniques, jouant avec les couleurs, la transparence et nos perceptions, entre tradition et innovation. Sars-Poteries, jusqu’au 09.01.2022, MusVerre, mar > dim : 11h-18h, 6>4€ (gratuit -26 ans), musverre.lenord.fr

GIORGIO GRIFFA MERVEILLES DE L’INCONNU

Des lignes et arabesques, de subtiles touches de couleurs lumineuses ou pastel, de larges espaces vierges peuplés de mots et de chiffres... Considéré comme l’un des peintres les plus radicaux de sa génération, Giorgio Griffa fut jusqu’ici peu représenté en France, où sa dernière exposition d’envergure remonte à 2016, à Arles. Rendons grâce au LaM de Villeneuve d’Ascq, qui consacre à cette figure discrète mais majeure un parcours à l’image de son art : empli de mystères et de poésie. Villeneuve d’Ascq, jusqu’au 12.12, LaM, mar > dim : 10h-18h, 7>5€ / gratuit (-12 ans) www.musee-lam.fr

Any Attempt Will End In Crushed Bodies And Shattered Bones, Jan Martens © Phile Deprez

Lovetrain2020, Emanuel Gat © Julia Gat

CHARLEROI DANSE

Scène libre

À Charleroi Danse, on se serait bien passé de cette polémique. Alors que la Biennale 2021 devait acter avec panache le retour du public dans les salles, la direction a décidé, « face aux pressions », d’annuler le spectacle du plasticien flamand Jan Fabre, accusé de harcèlement sexuel. Ni censeur, ni juge, l’organisation privilégie ainsi l’intérêt général. L’affiche n’en reste pas moins généreuse, et festive.

Pas question pour Annie Bozzini, la directrice du Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de laisser gâcher ces retrouvailles. « Ce qui compte, c’est la reprise. Le public, si longtemps éloigné de l’art, en a besoin. » Les artistes aussi, las de voir leurs dates repoussées. Durant deux semaines, 14 compagnies prennent d’assaut les deux lieux de la Biennale avec des créations ambitieuses. Lara Barsacq par exemple, qui s’inspire d’un ballet russe méconnu pour en tirer une cérémonie écoféministe (Fruit Tree), fait partie des performeuses les plus attendues. Le spectacle Simple de l’Argentine Ayelen Parolin, aux racines dada et accents comiques, promet aussi un beau temps fort. Ces filles-là bousculent les codes, pensez-vous ? « L’audace, ces derniers temps, est féminine », confirme la directrice, ravie. « Les danseuses assument de ne plus être dans la séduction sur un plateau. » Belgique, Afrique, c’est chic – Au-delà de la danse contemporaine belge (Julien Carlier, Jan Martens) dont la Biennale se veut depuis toujours une vitrine, la manifestation regarde vers l’Afrique, avec la New-Yorkaise native du Zimbabwe Nora Chipaumire, ou le chorégraphe burkinabé Salia Sanou. Ce dernier propose une « comédie dansée » sur une bande-son confiée à Gaël Faye et Capitaine Alexandre. On vous l’avait dit, pas de quoi troubler la fête ! Marine Durand

Charleroi & Bruxelles, 14 > 30.10, Les Écuries & La Raffinerie, divers horaires, 16>5€ www.charleroi-danse.be

SÉLECTION / 14.10 : Julien Carlier : Collapse // 14 & 15.10 : Ayelen Parolin : Simple // 15 &16.10 : Lara Barsacq : Fruit Tree / Boris Charmatz : La Ronde // 16.10 : Emmanuel Gat : Lovetrain2020 20.10 : Jan Martens & GRIP & Dance On Ensemble : Any attempt will end… 21.10 : Marlène Saldana & Jonathan Drillet : Showgirl // 22.10 : Mette Ingvartsen : The Dancing Public // 22 & 23.10 : Louise Vanneste : Earths… // 26, 27, 29 & 30.10 : Jérôme Brabant & Compagnie L’Octogonale : Ecdysis // 27.10 : Josef Nadj : OMMA // 28 & 29.10 : Salia Sanou : D’un rêve // 29.10 : Nora Chipaumire : Afternow

La preuve par

LA RONDE

CHARLERO E I DANS

Boris Charmatz s’inspire de la pièce de l’Autrichien Arthur Schnitzler, décrivant les amours illégitimes de couples liés les uns aux autres. Le Savoyard met en scène 20 duos pareillement unis, chacun comprenant un interprète du précédent. Jouée dans l’espace public, La Ronde appuie des clins d’œil à des corps-à-corps célèbres (tel Dirty Dancing), lors d’un spectacle total.

Bruxelles, 15.10, Gare du Nord, 16h, gratuit + Charleroi, 16.10, Ancien Tri Postal, 17h, gratuit

© Damien Meyer

© Jérome Pique

SHOWGIRL

Marlène Saldana & Jonathan Drillet revisitent Showgirls de Paul Verhoeven. Le duo se concentre sur l’histoire de Nomi, rêvant de devenir danseuse dans les plus beaux casinos de Las Vegas. Entre pole dance et effeuillage, sur une musique de Rebeka Warrior, cet opéra-techno met en scène la jeune femme... prisonnière d’un gigantesque volcan-mamelon !

Bruxelles, 21.10, La Raffinerie, 20h30, 10/5€

THE DANCING PUBLIC

Dans son nouveau solo, Mette Ingvartsen célèbre l’extase du mouvement lors de grands rassemblements. Entre déferlement de musique, de mots et de chants, la Danoise explore ces temps de crise (sanitaire ou économique) où la danse envahit l’espace public. De la tarentelle aux raves parties, elle montre comme les corps se rebellent dans une pièce en forme d’exutoire.

© Hans Meijer

LA MOUCHE

© Fabrice Robin

Bébête show

Popularisée par le film de David Cronenberg en 1986, la nouvelle La Mouche de George Langelaan (1957) s’offre une seconde vie au théâtre. Valérie Lesort et Christian Hecq en livrent une adaptation inventive et comique. L’un des temps forts de la rentrée théâtrale, déjà gratifié de trois Molières.

Robert est un vieux garçon peu sociable et bedonnant. Dans le garage de la maisonnette qu’il occupe avec sa mère, l’étouffante Odette, il passe ses journées à mettre au point une machine de téléportation. Ne lui manque qu’un cobaye humain… vite trouvé en la personne de Marie-Pierre, une vieille amie d’Odette un peu gourde, qui disparaît dans les limbes de l’espace-temps. Tandis que l’inspecteur Langelaan se lance sur ses traces, l’apprenti scientifique, après une énième expérimentation ratée, mute peu à peu en insecte. La metteuse en scène et marionnettiste Valérie Lesort et le comédien belge Christian Hecq s’emparent d’un motif connu et lui offrent un tout nouveau destin : propulsée dans les années 1960, avec papier peint fleuri, table en formica et transistor, La Mouche virevolte dans le burlesque grâce à de folles trouvailles scéniques. Christian Hecq, maître en mimiques, fait basculer imperceptiblement la pièce de l’humour vers plus de noirceur au fil de sa métamorphose. On trouvera ici un peu de Kafka et beaucoup de Strip-tease, l’hommage au cultissime épisode La Soucoupe et le perroquet étant parfaitement assumé. Comme dans l’émission belge, on garde au cœur la solitude de nos anti-héros, une fois le rideau tombé. Marine Durand

Dunkerque, 15 & 16.10, Le Bateau Feu, ven : 20 h • sam : 19 h, 9 € // Calais, 19 & 20.10, Centre culturel Gérard Philipe, 20 h 30, 18 € // Charleroi, 22 & 23.10, PBA, 20 h, 16 > 11 € Uccle, 25 & 26.10, Centre culturel, 20 h, 45 > 14 € // Namur, 28 > 30.10, Théâtre, complet ! théâtre & danse – 128

TRIPTYCH

© Maarten Vanden Abeele

Conquête de l’espace

Un pied dans le théâtre, un autre dans la danse. C’est ainsi qu’avance le collectif belge Peeping Tom depuis 20 ans. Pour accéder à son univers hyper-réaliste dérapant vers l’étrange, voici trois pièces courtes créées entre 2013 et 2017 avec le Nederland Dans Theater. Et avec un tout nouvel ensemble de danseurs, s’il vous plaît.

En choisissant le nom de leur compagnie en 1999, le Français Franck Chartier et l’Argentine Gabriela Carrizo annonçaient la couleur : Peeping Tom, soit "voyeur" en anglais. « Dans nos spectacles, nous interrogeons les non-dits, les choses enfouies, les tabous », expliquait il y a quelques années dans nos pages le duo, qui s’est formé sur les plateaux d’Alain Platel. En effet, depuis la création inaugurale Caravana dont l’action se déroulait dans un mobilhome, la bande nous confronte à l’intimité des personnages. De même, elle a fait des espaces fermés sa marque de fabrique. Un salon truffé de portes closes dans The Missing Door, une cabine de bateau, labyrinthe de chambres et de couloirs dans The Lost Room et, pour The Hidden Floor, un restaurant abandonné où l’eau monte inexorablement. Coincés dans ces décors cinématographiques que ne renierait pas David Lynch, les danseurs de Peeping Tom, fébriles et habités, se mesurent aux peurs les plus profondes de l’être humain. Leur gestuelle, empruntant aussi bien à la contorsion qu’à l’acrobatie, se révèle de plus en plus inquiétante au fur et à mesure que l’on progresse dans cette trilogie… Marine Durand

LES YEUX ROUGES

Zéros sociaux

Roman remarqué de la rentrée littéraire 2019, Les Yeux rouges (Seuil) de Myriam Leroy est adapté au théâtre, à Bruxelles. On retrouve la journaliste et autrice belge à l’écriture, la comédienne Véronique Dumont à la mise en scène, et toujours le même propos acéré sur les ravages de la haine en ligne.

« Il s’appelait Denis. Il était enchanté. Nous ne nous connaissions pas. Enfin, de toute évidence, je ne le connaissais pas, mais lui savait fort bien qui j’étais ». Les premiers mots du roman sont aussi ceux du personnage féminin de la pièce. « Dans mon texte, l’histoire passe par le prisme de la narratrice qui régurgite tout ce qu’on lui vomit dessus, explique Myriam Leroy. Olivier Blin, le directeur du théâtre de Poche, m’a proposé de créer un deuxième © Debby Termonia personnage. » Charge donc à Vincent Lécuyer d’incarner Denis, l’admirateur insistant qui, au fil de likes et de messages Facebook lourds d’émojis "clin d’œil", se transforme en harceleur. Jusqu’à publier sur ses réseaux des photomontages dégradants de sa victime, une chroniqueuse en vue qui portera plainte, entre deux crises d’urticaire… Myriam Leroy ne l’a jamais caché, l’histoire des Yeux rouges est la sienne. Les dialogues lunaires avec l’entourage qui minimise, l’errance médicale virant au burlesque ou les courriers du procureur classant l’affaire sont tirés de son vécu. La scénographie, épurée et oppressante « comme un ring », donne encore plus de puissance à cette œuvre rappelant que lorsque les femmes parlent, la société n’est pas toujours prête à écouter.

Marine Durand

VIE DE VOYOU

© Cie Il faut toujours finir ce qu’on a commencé

Gangsta story

6 Braqueur de fourgons blindés, écrivain, roi de la cavale, faux repenti mais vrai champion de l’évasion spectaculaire… Le destin "bigger than life" de Redoine Faïd a été maintes fois raconté dans la presse. L’autrice et metteuse en scène Jeanne Lazar, repérée l’an dernier avec Jamais je ne vieillirai, le porte à la scène, mais pas comme on l’attendrait. Déjà, le multirécidiviste est une comédienne, Morgane Vallée. « Il s’agit de sortir des clichés autour du gangstérisme », assure la diplômée de l’École du Nord, de mettre l’action entre les mains des femmes, et sur du Bach s’il vous plaît. Ensuite, c’est à travers le miroir déformant de l’arène médiatique que se construit ce biopic fictionné mais ultra documenté. Mi-plateau de télé, mi-tribunal, l’espace scénique accueille bandit, policier, avocate, juge et bien sûr une flopée de journalistes au langage codifié surexploitant "l’affaire Faïd". Le voyou rêvait d’être sous les projecteurs. Il dort désormais à l’ombre. Marine Durand.

Valenciennes, 04 > 07.10, Le Phénix, lun > mer : 20 h • jeu : 18 h 30, 20 > 10 € www.lephenix.fr Amiens, 12.01.2022, Maison de la Culture, 20 h 30, 14 > 7 €, maisondelaculture-amiens.com théâtre & danse – 134

© Michiel Devijver

GRIEF & BEAUTY

Du djihadisme (The Civil Wars) à l’affaire Dutroux (Five Easy Pieces), Milo Rau s’est fait une spécialité de porter les sujets brûlants sur scène. Dans Grief & Beauty, le Suisse s’attaque cette fois à la mort, et surtout sa place dans nos vies. Sur scène, deux acteurs flamands de la troupe du NT Gent donnent la réplique à des interprètes non-professionnels. Tous ont déjà côtoyé la "grande faucheuse" : parce qu’ils ont accompagné un proche dans ses derniers instants, étant eux-mêmes très malades ou en l’affrontant chaque jour dans leur travail. Du théâtre vérité, ou le chagrin et la beauté inondent des récits emplis d’humanité.

Douai, 12 & 13.10, Hippodrome, mar : 19 h • mer : 20 h, 22 / 12 €, tandem-arrasdouai.eu Roubaix, 16 > 18.11, La Condition Publique, mar & mer : 20 h • jeu : 19 h, 21 > 6 €, larose.fr

BROS

Enfant terrible de la scène contemporaine, Romeo Castellucci interroge le concept même de théâtre. Sur scène, le dramaturge italien dirige 20 interprètes amateurs. Habillés en policemen des années 1940, ils ne savent rien du texte, n’ont reçu aucune indication au préalable, mais reçoivent des instructions en direct à travers une oreillette. Une pièce iconoclaste, dérangeante parfois, observant les notions d’obéissance et de libre arbitre.

© Stephan Glagla

Ils sont corrosifs, loufoques, burlesques ou poétiques… mais pareillement hilarants. Ces valeurs sûres (ou en devenir) de la gaudriole débarquent près de chez nous pour le

meilleur et le rire – et ce n’est pas de la blague. J.D.

© Hélène-Marie Pambru

GUILLERMO GUIZ

« J’espère que vous avez amené votre second degré », prévient d’emblée Guillermo Guiz dans son deuxième spectacle, toujours fait du même bois : absurde et trash. Après avoir tenté de nous prouver qu’il avait un bon fond, l’ancien footballeur, gérant de boîte de nuit et journaliste devenu stand-upper (sans doute le meilleur) cause cette fois paternité et transmission. Après un hommage hilarant à son paternel (« sûr de l’inexistence de Dieu mais pas du temps de cuisson des œufs mollets »), le Belge s’attaque à la génétique, la religion, l’enfance ou les pères incestueux. Noir ET brillant.

© Matthieu Dortomb

BAPTISTE LECAPLAIN ALEX LUTZ

Gad Elmaleh dit un jour de Baptiste Lecaplain que « c’est le meilleur de sa génération » – mais peut-être lui doitil quelques vannes ? En attendant, le natif de Mortain a envie de "voir des gens", titre de son nouveau spectacle. Après avoir narré ses premiers émois (« j’ai fait l’amour à 23 ans dans une voiture. J’étais en conduite accompagnée, donc il y avait ma mère… » ), l’ex-coloc de Kyan Khojandi balance à tout-va : « les scénaristes de Bambi c’est des gros connards. Sa mère se fait buter par un chasseur et ils appellent son copain Panpan ». Ça va saigner – mais gentiment.

Béthune, 07.10, Théâtre, 20h30, 34>17€ Lille, 08.10, Théâtre Sébastopol, 20h, 39€ Humoriste caméléon, acteur et réalisateur surdoué (son très réussi Guy, son rôle de tennisman dans 5e set) ou même romancier (il a signé Le Radiateur d’appoint, sorti chez Flammarion l’an passé)… Oui, Alex Lutz sait tout faire. Le voici en dresseur de chevaux - un autre de ses grands dadas. Dans ce "seul-en-selle", il partage les planches avec Nilo, majestueux lusitanien crème. Entre-temps, l’Alsacien se transformera en petit garçon, en homme préhistorique ou « boucher pas raciste ». La bête de scène, c’est bien lui.

Amiens, 10.10, Maison de la Culture, 17h 34>13€, maisondelaculture-amiens.com

KYAN KHOJANDI

© Laura Gilli Après avoir évoqué ses pulsions, Kyan Khojandi nous convie à "une bonne soirée", titre de son deuxième one-man-show, toujours concocté avec son complice Navo. Entre digressions loufoques, bonnes blagues et confidences, l’ex-héros de Bref déroule le film (plus ou moins vrai) de sa vie de trentenaire. Avec le débit mitraillette qui a fait sa renommée, il nous raconte la cour de récré jusqu’à la perte de ses cheveux, en passant par les Chevaliers du Zodiaque ou sa virée dans un bar gay… Bref, une bonne soirée entre potes.

© Christophe Raynaud de Lage « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Tel est le mantra de la compagnie XY. Dans son dernier spectacle, chorégraphié par Rachid Ouramdane, le collectif d’acrobates nordistes s’inspire des nuées d’oiseaux dansant dans le ciel (les murmurations) pour sublimer ses pyramides et lancers. Sur scène, les 19 circassiens se dressent les uns sur les autres et, tels les milliers d’étourneaux qui migrent soudés pour faire bloc face aux prédateurs, se placent au service du collectif. Une sublime allégorie de la solidarité.

Dunkerque, 05 & 06.10, Le Bateau Feu, mar : 20h • mer : 19h 9€, lebateaufeu.com (Les Flandroyantes) // Bruxelles, 23 & 24.10, Halles de Schaerbeek, sam : 20h • dim : 15h, 14>6€

JE BRÛLE (D’ÊTRE TOI)

(M. Levavasseur / Cie Tourneboulé)

KINGDOM

(A.-C. Vandalem / Das Fräulein)

Pourquoi les paroles justes ne sortentelles jamais quand il le faut ? Dans la bouche de Lova, les mots se mélangent et sortent de travers. Comment se faire comprendre avec ce « cheveu sur la mangue » ? Pour guérir, notre petite héroïne partira sur les traces de sa grandmère Louve, dont elle ne sait rien, au cœur d’un paysage enneigé et peuplé d’une faune surprenante... Ce conte marionnettique sert une fable sur la filiation, la compréhension de l’autre et le chemin à parcourir pour se découvrir.

Lille, 05 > 09.10, Le Grand Bleu, mar, jeu & ven : 10h & 14h • mer : 15h & 18h30 • sam : 10h & 16h, 13>5€ // Lille, 30 & 31.10, maison Folie Moulins, sam : 10h30 & 16h • dim : 16h, 5>2€, maisonsfolie.lille.fr (M Festival) Dernier volet d’une trilogie (initiée avec Tristesses et le très remarqué Arctique), Kingdom nous transporte aux confins de la taïga sibérienne. C’est ici que deux familles cousines se sont installées, afin de s’extraire du monde. Au fil du temps pourtant, la bonne entente s’est transformée en méfiance, jusqu’à la déclaration de guerre… Sur un plateau évoquant une forêt primaire, AnneCécile Vandalem pose la question ô combien actuelle de la naissance du conflit – et de l’impossibilité de la paix.

Bruxelles, 07 > 14.10, Théâtre National, 20h (sauf mer : 19h30), 21>11€ Lille, 19 > 22.10, Théâtre du Nord, 20h (sf jeu : 19h), 25>10€ // Tournai, 27 & 28.10, Maison de la Culture, 20h, 14>9€

DEAL (Jean-Baptiste André & Dimitri Jourde / Bernard-Marie Koltès)

Un dealer et son client se retrouvent au milieu de nulle part. Une situation, mais une infinité de sentiments, dont la peur et le désir… Tel est le point de départ de Dans la solitude des champs de coton, écrit par Bernard-Marie Koltès en 1985. Les circassiens Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde donnent corps à cette allégorie de la rencontre. Au centre d’un espace quadri-frontal évoquant un ring de boxe, les deux hommes s’empoignent et se balancent des répliques lors d’une joute acrobatique et verbale percutante.

Grande amoureuse, femme admirée puis délaissée : Tel est le destin de Marilyn… et de la grand-mère de Céline Milliat-Baumgartner. Quelque part entre le cabaret et la comédie musicale, la grande et la petite histoire, l’actrice et dramaturge française croise la vie de son aïeule avec celle de l’icône américaine, bien accompagnée par les notes du pianiste Manuel Peskine. En filigrane elle questionne, de Colmar à Hollywood, la place de la femme dans la société.

Armentières, 13.10, Le Vivat, 20 h, 18>2€, www.levivat.net

OLEANNA

(Fabrice Gardin / David Mamet)

PREMIÈRE RIDE

(Léo Walk / La Marche bleue)

John, professeur d’université, propose à Carol, étudiante en difficulté et issue d’un milieu défavorisé, un marché : il lui octroiera la note maximale à son examen si elle accepte de venir le voir pour des cours particuliers... Écrite par l’Américain David Mamet en 1993, cette pièce décrit avec minutie les luttes de pouvoir entre les classes et les sexes. Adapté par Fabrice Gardin, ce huis clos sous forme de thriller psychologique et social n’a rien perdu de sa force à l’heure du mouvement MeToo. Bruxelles, 13.10 > 14.11, Théâtre royal des Galeries, 20h15 (matinée : 15h), 26>10€ trg.be Première Ride (qu’on prononcera "raïde"), c’est l’histoire de huit jeunes qui entament une virée en voiture. Un trajet comme un passage entre deux mondes : celui de l’enfance et de l’âge adulte. Sur scène, les interprètes symbolisent cette transition, où chacun veut se fondre dans le groupe tout en affirmant sa personnalité. Avec leur style propre, ils esquissent une chorégraphie aux accents hip-hop, electro ou classiques, insufflant un vent de liberté palpable jusque dans la salle.

Bruxelles, 14.10, Cirque Royal, 20h, 35>29€ Béthune, 10.11, Théâtre municipal, 20h30 22>11€, www.theatre-bethune.fr Lille, 18.11, Théâtre Sébastopol, 20h, 29€

© Fabienne Rappeneau

LA MACHINE DE TURING

(Tristan Petitgirard / Benoit Solès)

Connaissiez-vous Alan Turing ? Durant la Seconde Guerre mondiale, ce mathématicien de génie inventa une machine capable de décrypter les messages codés des nazis. Mais l’homme fut aussi ostracisé pour son homosexualité, alors illégale dans l’Angleterre des années 1950. Il finira par se suicider, en croquant une pomme empoisonnée – ça ne vous rappelle pas un certain logo ? Couronné de quatre Molières, ce biopic théâtral retrace la vie du père de l’informatique.

Deux hommes attachés l’un à l’autre, avec des harnais d’ordinaire réservés aux chevaux de trait, s’engagent dans un corps-à-corps puissant. Pas une lutte, non, mais un jeu de traction et d’attraction où chacun devient tour à tour un instrument, un agrès. Dans cet impressionnant duo, la force de l’individu est décuplée par cette nouvelle complémentarité, permettant ainsi des acrobaties d’une légèreté inédite. Un spectacle sensible, viril – mais correct !

Dunkerque, 19 & 20.10, Le Bateau Feu, 20h, 6€, www.lebateaufeu.com

RIMBAUD EN FEU

(Jean-Michel Djian)

Et si Rimbaud n’était pas mort à Marseille, en 1891 ? En 1924, l’année même où André Breton publie son Manifeste du Surréalisme dans les colonnes du Figaro, voilà qu’on retrouve le poète dans une chambre d’hôpital, à Charleville-Mézières ! Tel est le point de départ de cette pièce un brin uchronique. Incarné par un Jean-Pierre Darroussin au sommet de son art, "l’homme aux semelles de vent" n’a rien perdu de ses visions hallucinées (et hallucinantes) qu’il délivre lors d’un monologue… flamboyant.

Béthune, 20.10, Théâtre municipal, 20h30 42>26€, www.theatre-bethune.fr

NOSZTALGIA EXPRESS

(Marc Lainé)

Un détective privé nous raconte une enquête rocambolesque : en 1967, il a suivi la trace de la mère du célèbre chanteur yéyé Danny Valentin, disparue lorsqu’il avait dix ans… Dans cette pièce en forme de road-trip psychédélique (rythmée par la musique d’Émile Sornin aka Forever Pavot), Marc Lainé détourne les codes de la culture populaire au cours d’un récit gigogne. Dans des décors transpirant les sixties, il nous emmène de Paris à Budapest, croisant drame intime, Histoire et polar burlesque. Béthune, 20 > 22.10, La Comédie (Le Palace), 20h, 20>6€ www.comediedebethune.org

© Bara Srpkova

DEEP ARE THE WOODS

(Éric Arnal-Burtschy)

Créé par le chercheur, performer et chorégraphe français Éric Arnal-Burtschy, Deep are The Woods n’est pas un spectacle comme les autres. Pour cause, la lumière en constitue l’unique interprète. Celle-ci est rendue tangible grâce à une fine brume diffusée dans la salle. Placé au centre de ce dispositif immersif, le public a tout le loisir de se déplacer à la rencontre de ces rayons, d’observer les silhouettes qu’ils dessinent et d’imaginer ses propres histoires. Lumineux !

JULIE CHÉRÈQUE

www.instagram.com/juliechq

Cette graphiste aime la pop culture et les jeux de mots. Résultat ? Des croisements improbables entre célébrités et autant d’illustrations irrésistibles, d’Édouard Baladeur à Lady Gagarine, en passant par Obamasqué (ohé ohé). Ce mois-ci, on salue la reformation du groupe ABBA, qui a changé un petit quelque chose dans son look... mais quoi ?

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