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Le Grand Bain
Eaux bouillantes
théâtre & d ans e
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Après deux années perturbées par la crise sanitaire, le festival de danse initié par le Gymnase revient plus fort que jamais. Pour cause, cette 9e édition déploie près d'une quarantaine de spectacles partout dans les Hauts-de-France, de Laon à Dunkerque, en passant par le bassin de la Piscine de Roubaix. Parés pour le grand plongeon ?
Ultime programme élaboré par Céline Bréant (qui a quitté le Gymnase de Roubaix pour la Comédie de Clermont-Ferrand), ce Grand Bain 2022 s'annonce particulièrement dense. Son mot d'ordre ? « La diversité », souligne Romain Paquet, le responsable de la communication. Le festival fait la part belle aux solos comme aux performances collectives, aux artistes émergents ou confirmés. À côté de la compagnie de Pina Bausch, on découvre par exemple Nuit d'Eliott Pradot. Ce jeune homme passé par l’Université de Lille s'est inspiré de gestes observés dans l'espace public lors de ses déambulations nocturnes, nourrissant des chorégraphies propres à chaque ville traversée.
Scène ouverte
Pas de thème imposé ici, mais des pièces en prise avec le monde tel qu'il va – ou déraille, à l'image du post-apocalyptique After de Tatiana Julien. « Il est aussi beaucoup question d'émancipation », observe Romain Paquet. Citons Jezebel de Cherish Menzo. La Néerlandaise détourne l'esthétique des "Video Vixens", mettant en scène des femmes noires et hypersexualisées dans les clips de rap des années 1990, pour mieux déconstruire ces stéréotypes – et sublimer l'art du twerk ! Enfin, le public est lui aussi invité à se mettre en scène, par exemple en participant au Danceoke de Sylvain Huc. Soit un spectacle participatif rassemblant danse et karaoké, histoire de se glisser dans la peau de William Forsythe ou Lady Gaga. Joli pas de côté, n'est-ce pas ? Julien Damien •••
La preuve par 4
ROOM WITH A VIEW
(Rone, (La)Horde & le Ballet national de Marseille)
© Aude Arago
Comme une dernière rave avant la fin du monde. Figure de l’electro française, Rone se joint au collectif de chorégraphes et plasticiens (La)Horde pour créer un spectacle explosif et onirique sur le désastre écologique en cours – une pièce écrite, rappelons-le, avant la crise sanitaire... Dans un décor évoquant une carrière de marbre blanc sur le point de s’effondrer, au milieu des gravats, 18 interprètes du Ballet national de Marseille entrent en transe, se battent parfois ou enchaînent les portés acrobatiques, sur un set techno tour à tour rageur ou envoûtant. Entre jeux circassiens et contorsions hip-hop, les corps vrillent, se frottent mais retombent (de justesse) sur leurs pieds ou dans les bras des autres. Ici une grotte abrite une fête sous les décombres, là certains tentent d'escalader la falaise à mains nues... Déséquilibre et chaos, amour, haine et espoir demeurent les motifs récurrents de cette allégorie dansée d’une humanité au bord du gouffre, mais toujours prête à se relever – jusqu’à quand ?
Roubaix, 04.03, Le Colisée, 20h, complet !, www.coliseeroubaix.com
Hauts-de-France, 01.03 > 02.04, Le Gymnase de Roubaix & divers lieux 1 spectacle : 36€ > gratuit • Pass soirée (plusieurs spectacles dans la même soirée) : 14€ 5 places : 35€ • 10 places minimum : 5€ la place, www.gymnase-cdcn.com Sélection / 01.03 : Cyril Viallon - Sébastien B. (Maniac Opus III), Sylvain Huc - Danceoke // 02.03 : Alexander Vantournhout - Through the Grapevine // 04.03 : Rone feat (La)Horde & le Ballet National de Marseille - Room With a View // 08 & 09.03 : Emmanuel Eggermont - All Over Nymphéas // 10.03 : Fouad Boussoum - Oüm, Eliott Pradot – Nuit... // 10 > 12.03 : Gaëlle Bourges - (La bande à) Laura // 11.03 : Jann Gallois - Mandala + Reverse // 16 > 19.03 : Pina Bausch & Tanztheater Wuppertal – Palermo Palermo // 17.03 : Nathalie Pernette - La Mémoire de l'eau // 22.03 : Cherish Menzo - Jezebel // 29.03 : Christian Ubl + Kurt Demey Nuit - Garden of Chance, Eliott Pradot - Nuit, Tatiana Julien - After // 30.03 : Nathalie Béasse – Ceux-qui-vont-contrele-vent... // 31.03 : Christian Ubl + Kurt Demey Nuit - Garden of Chance, Rachid Ouramdane - Corps Extrêmes...
LA MÉMOIRE DE L’EAU
(Nathalie Pernette)
Nathalie Pernet met en scène quatre interprètes… dans le bassin de la Piscine de Roubaix ! Dans cette chorégraphie aquatique, chacun disparaît sous la surface de l’eau, plonge ou resurgit, jouant joyeusement avec les ambivalences de cet élément, synonyme de naufrage comme de vie.
Roubaix, 17.03, La Piscine, 18h, gratuit www.roubaix-lapiscine.com
© Olivier Look
© Pascale Cholette
CORPS EXTRÊMES
(Rachid Ouramdane)
Chorégraphe et danseur, Rachid Ouramdane applique sa même science de la virtuosité au cirque. Après Möbius, il invite une nouvelle fois acrobates et voltigeurs, mais aussi grimpeurs et funambules en haute altitude (ou "highliners") à défier les lois de la gravité – et c’est vertigineux.
PALERMO PALERMO
(Pina Bausch & Tanztheater Wuppertal) Attention événement ! La compagnie de Pina Bausch ne s’était pas produite à Lille depuis 1975. Elle signe son retour à l’Opéra avec l’une des pièces iconiques de la chorégraphe allemande (1940-2009). Créée peu avant la chute du mur de Berlin, en 1989, Palermo Palermo met en scène 22 interprètes en robes à fleurs, talons aiguilles ou pieds nus, dans un décor apocalyptique. Devant un mur de parpaing qui s’effondre, les saynètes sidérantes se succèdent (ici on danse la tarentelle, là une jeune femme est bombardée de tomates) symboles d’une humanité en morceaux, un monde en déroute.
KONTAKTHOF
© Reiner Pfisterer
Le manège de la vie
Attention, spectacle de légende ! En créant Kontakthof en 1978, Pina Bausch souhaitait déjà qu'il résiste à l’épreuve du temps. En 2000, c’est à des amateurs de plus de 65 ans qu’elle confiait l’interprétation de ce ballet contemporain, puis à des adolescents huit ans plus tard. L'illustre chorégraphe s’est éteinte en 2009, mais son œuvre lui survit : la pièce, donnée dans sa version originale à Charleroi, n’a jamais été aussi actuelle.
Ils sont 24 interprètes sur la scène, transformée en salle de bal. Douze femmes moulées dans des robes de cocktail, satins chatoyants et drapés travaillés. Douze hommes engoncés dans de sombres costumescravates, mine concentrée et cheveux peignés. Prêts à se lancer dans une entreprise pour le moins sérieuse : le grand jeu de la séduction. Avec cette succession de courts tableaux sans lien apparent les uns avec les autres, Pina Bausch affermit à l’époque le concept de danse-théâtre qui fit sa renommée, en laissant s’exprimer les danseurs. Pendant près de trois heures, c’est tout le manège des rapports humains et amoureux qui s’affiche, sur une bande-son des années 1930. Déambulations sensuelles, confrontations épiques, tentatives parfois grossières d’attirer l’attention de l’autre. La danse s’imprègne des petits gestes du quotidien et livre des images saisissantes, tel ce tableau de groupe jazzy où le lâcher-prise règne en maître. À l’aube d’un renouveau (Boris Charmatz prendra la direction du Tanztheater Wuppertal en septembre) la compagnie historique de Pina Bausch affiche avec superbe ce qui fait son ADN. Marine Durand
FESTIVAL LEGS
Où comment célébrer la danse à travers son histoire, son héritage et sa transmission – son legs, donc. C'est par exemple Stéphanie Auberville qui revisite avec sept interprètes le célèbre Boléro de Maurice Béjart, mais en se jouant des genres et du désir, renversant les points de vue féminins sur la séduction... La particularité de cette quatrième édition ? Une mise à l'honneur des formes festives. On trouve ici du cabaret, beaucoup de folklore (la danse en sabots de Dalila Belaza) et même... une œuvre chorégastronomique ! Le Brésilien Calixto Neto nous convie ainsi à la préparation d'une feijoada, tout en samba. Appétissant, n'est-ce pas ? J.D.
Bruxelles, 23.03 > 02.04, La Raffinerie, 1 spectacle : 5€, www.charleroi-danse.be Sélection / 23.03 : Stéphanie Auberville - M-81 // 24.03 : Latifa Laâbissi - Consul et Meshie 30.03 : Calixto Neto - Feijoada // 01.04 : Dalila Belaza - Au cœur
© Claudia Borgia, Chiara Bruschini Save the Last Dance for Me
FESTIVAL KICKS !
Cette huitième édition de Kicks ! célèbre la jeunesse à travers une dizaine de spectacles originaux. Citons par exemple Going Home, soit l'histoire d'un jeune Ethiopien vivant en Europe... mais prêt à tout pour regagner son pays. Tout aussi politique, Extreme/Malecane décortique à l'inverse l'adhésion des jeunes Européens aux thèses nationalistes. Enfin, on ne manquera pas cette relecture rock de Hamlet, sublimée par l'incandescent Thomas Mustin. M.M.
Charleroi, jusqu'au 26.03, Théâtre de L'Ancre et divers lieux 1 sepctacle : 15 > 5€, ancre.be Sélection / 10 & 11.03 : Vincent Hennebicq - Going Home 15 > 17.03 : Paolo Pisciottano - Extreme/Malecane 15 > 18.03 : Emmanuel Dekoninck - Hamlet
LA BEAUTÉ DU GESTE
De la danse partout et pour tous, aux quatre coins du Pas-de-Calais : telle est la promesse de ce festival. Au programme ? Des spectacles croisant les genres (avec le cirque, la musique) présentés dans des lieux atypiques. En témoigne Le Chemin de Mehdi Kerkouche, qui rend hommage aux Lensois. Lors de cette déambulation chorégraphique, six interprètes empruntent le chemin effectué par les mineurs pendant un siècle, pour finir en beauté au sein du Louvre. Au Métaphone de Oignies, le collectif Quatrième Souffle décrit la rencontre (façon "puzzle") entre un danseur de hip-hop et une clownesse, au rythme d’une batterie survoltée. J.D.
Bassin minier du Pas-de-Calais, 22 > 27.03, divers lieux, 1 spectacle : 5€, culturecommune.fr Sélection / 22 > 25.03 : Anne Nguyen - Le Procès de Goku // 23.03 : Collectif Quatrième Souffle - Tu me suis ? // 26.03 : Jonathan Guichard - 080, Cie Jeanne Simone - Ce qui s’appelle encore Peau // 27.03 : Mehdi Kerkouche - Le Chemin
Anne Nguyen © Patrick Berger
Pas de deux © DR
LABEL DANSE
Mis sur pied par le Ballet du Nord, ce festival se déploie à Roubaix. À la Condition Publique, on admire ainsi le sens du collectif de Joanne Leighton. Depuis plus de dix ans, l'Australienne recueille des photos de rassemblements. Sur le plateau, neuf interprètes rejouent ces clichés, de la scène de liesse familiale à la manifestation. Plus intimiste, Pas de deux exprime à la Piscine toutes les facettes de l'altérité, de la tendresse à l'agressivité. J.D.
Roubaix, 31.03 > 03.04, divers lieux, 1 spectacle : 12€ > gratuit www.balletdunord.fr Sélection / 01.04 : Joanne Leighton - People United, Sylvain Groud & Chamberlain - Between // 03.04 : Rita Cioffi & Cie
Aurélia - Pas de deux
VIRIL
Trois femmes puissantes
Ce spectacle mis en scène par David Bobée, nouveau directeur du Théâtre du Nord à Lille, réunit Casey, Béatrice Dalle et Virginie Despentes. La rappeuse, l’actrice et la romancière délivrent onze textes féministes et antiracistes, accompagnées par le groupe de rock lyonnais Zëro. Et frappent juste : là où ça fait mal...
Plus qu'un concert-lecture, un manifeste choral, un uppercut. Les cibles ? La virilité, le patriarcat et toutes les formes de domination masculine. Sur scène, Béatrice Dalle, Casey et Virginie Despentes donnent corps à de grandes voix pourfendeuses du sexisme, mais aussi du racisme ou de l'hétéronormativité. À l'heure où l'extrêmedroite est obsédée par sa masculinité (on ne vise personne, Éric) et où la politique internationale devient affaire de gros bras (on ne vise personne, Vladimir), cette ambition n'est pas tout à fait incongrue.
Accident biologique
Avec la gouaille qu'on leur connaît, les artistes enchaînent des extraits de textes directs, crus mais toujours pertinents. Ils sont par exemple signés Monique Wittig, fondatrice du féminisme lesbien dans les années 1980, par les écrivaines afro-américaines Audre Lorde et June Jordan ou encore l’activiste LGBT Itziar Ziga. Et sonnent comme autant de punchlines dévastatrices, à l'image de Valerie Solanas qui assure dans son SCUM Manifesto : « Le mâle est un accident biologique. Le gène Y n’est qu’un gène X incomplet. En d’autres termes, l’homme est une femme manquée » . Ouille… Alors oui, ces messieurs en prennent pour leur grade, et le propos est du genre radical mais, pour citer David Bobée : « Maintenant que la parole est libérée, il faut passer aux actes et la colère est la seule réaction possible. La seule arme pour s'opposer à la haine. Mais c'est une colère salutaire ». Julien Damien
Lille, 15 > 23.03, Théâtre du Nord, 20h, 25 > 6€, www.theatredunord.fr + soirées consacrées aux féminismes : 15 > 24.03 • Soirée électro féministe : 17.03, 20h Soirée ARTE - 24 heures dans la vie d'une femme : 24.03, 20h Bruxelles, 03 & 04.05, Le 140, 25 / 22€, www.le140.be Mons, 10.05, Théâtre le Manège, 21h, 20 > 15€, surmars.be
Claire Mirande © Pidz
Mémoire vive
Antoine Lemaire affectionne les titres intrigants (tel Vivre sans but transcendant est devenu possible) et les histoires d'amour qui sortent de l'ordinaire. Ecrite en 2015, Est-ce que vous pouvez laisser la porte ouverte en sortant ? en est justement une. La pièce met en scène un couple de personnes âgées, une professeure de danse à la retraite et un écrivain. Un soir, elle rentre en pleine nuit, confuse, sans se rappeler de sa journée. La maladie d’Alzheimer est en train de frapper... Que faire ? S'adapter, pour continuer à vivre. Une nouvelle relation se met en place. Elle ne se souvient plus de lui, comme s’ils n’avaient jamais vécu ensemble ? Qu'importe, il va tout faire pour la reconquérir, leur réinventer une vie, tout rejouer sans cesse comme si c'était la première fois - un peu comme au théâtre... Au sein d'une scénographie épurée, Jean-Marc Chotteau et Claire Mirande incarnent cet homme et cette femme privés de repères au crépuscule de leur existence, mais pas d'amour. Une leçon de courage et de vie, livrée sans pathos mais avec juste ce qu'il faut de délicatesse. J.D.
ELLES EN RIENT ENCORE
Nez rouge, maquillage dégoulinant et langue bien pendue… Qu'on se le dise : le mois de mars est celui des clownesses. Parmi les sept spectacles du festival, citons Elle de Stéphanie Bailly, qui se penche sur les injonctions de genre. On lui a dit qu'elle était une femme, mais ne sait pas trop ce que cela signifie. Alors elle va chercher… pour mieux railler les stéréotypes. De son côté, Adelaïde Anaconda nous offre une parenthèse plus intime, mais pas moins universelle. Dans L’Amour n’a pas d’écailles, elle s’adresse « à tous ceux qui ont déjà été amoureux » en proposant d’écrire la « plus belle lettre de rupture possible ». Ça promet ! M.M.
Lille, 04 >18.03, Le Prato (+ maison Folie Moulins), 1 spectacle : 15 > 5€, leprato.fr Sélection / 10.03 : Justine Cambon - L'Amour n'a pas d'écailles // 17.03 : Stéphanie Bailly - Elle
Elle © Fabien Debrabandere
HOMO SAPIENS
« Comment ne pas voir dans le passé de troublantes similitudes avec aujourd’hui ? », demande Samuel Tilman, metteur en scène d’Homo Sapiens. À travers des allers-retours entre les époques son complice au plateau, Fabrizio Rongione, déterre les racines des névroses et luttes contemporaines – où l'on découvre, entre autres, que Jules César était le roi des fake news. Le temps passe mais la médiocrité des hommes traverse les millénaires… Tant mieux ! M.M.
ELLES VIVENT
Poétique fiction
© Matthieu Edet
Qualifier le travail d’Antoine Defoort de "déjanté" tiendrait presque de la tautologie. Avec L’Amicale, la plateforme coopérative de production qu’il a créée voilà 12 ans avec Halory Goerger et Julien Fournet, le metteur en scène expérimente des formes nouvelles, du genre installation-performance-conférence, avec une inclination prononcée pour la poésie et l’absurde. Alors, quand il décide de s’attaquer aux turpitudes du discours politique et aux nouveaux gourous du développement personnel, on a l’œil qui frise. L’action se déroule dans une forêt (en images projetées) et le récit frôle la dystopie. Un homme, Michel, raconte la campagne électorale qu’il vient de mener avec son think tank "Plateforme, Contexte et Modalités" à son ami Taylor, jusque-là coupé du monde car enfermé dans un ashram (lieu isolé dédié au yoga et à la méditation) pendant deux ans, sans manger. Sur ce pitch déjà riche, Defoort ajoute une astuce narrative d’une folle créativité : un "mnémoprojecteur", soit un casque à souvenirs permettant aux personnages de présenter aux autres ce qu’ils ont vécu, à la manière d’un PowerPoint. Novlangue de l’entreprise, vacuité des nouvelles technologies… Notre société en prend pour son grade dans ce spectacle qui rappelle la force des histoires, et la puissance des idées.
Marine Durand Dunkerque, 24 & 25.03, Le Bateau Feu, jeu : 19h • ven : 20h, 9€, www.lebateaufeu.com Bruxelles, 15 & 16.06, Kaaitheater, 20h30, 30 > 10€, www.kaaitheater.be
LOUSTIX EN FÊTE
Des spectacles à hauteur d'enfants, mais pas au ras des pâquerettes. C'est tout l'esprit de ce "Loustix en fête". Citons la dernière création de Cédric Orain, qui s'inspire de l'histoire de Victor de l'Aveyron et Kaspar Hauser, qui ont grandi seuls dans la forêt, à l'écart du monde. Ici, un acrobate incarne ces "enfants sauvages" et initie une réflexion sur notre rapport à l'autre. Tout aussi futé, Babïl explique aux plus jeunes le pouvoir de la parole. Comment la prendre ? La laisser ? C'est ce qu'apprennent Tohu et Bohu, en pleine construction de la tour de Belba. Car pour bâtir ensemble, il va falloir s'entendre, donc s'écouter... Compris ? J.D.
Valenciennes, 01 > 19.03, Le Phénix, 1 spectacle : 15 > 6€, www.lephenix.fr Sélection / 01 > 03.03 : Cédric Orain - Enfants sauvages // 08 & 09.03 : Bérangère Vantusso
& Compagnie de l’Oiseau mouche - Bouger les lignes, histoires de cartes
16 > 19.03 : L’Embellie Cie - Babïl
© Frederic Iovino Babïl
QU'EST-CE QU'ON FABRIQUE EN FAMILLE ?
Culture Commune a concocté un programme pour toute la maisonnée ! De formidables spectacles suivis par autant d'ateliers. Dans I Killed The Monster, Gildwen Peronno crée un film de série B avec tout ce qu'il trouve sur sa table : un abat-jour, une voiturette... Tout aussi déjantée, la compagnie Sens Ascensionnels nous raconte rien de moins qu'Une Petite histoire de l’humanité à travers celle de la patate – qu'on apprendra bien sûr à cuisiner dans la foulée. J.D.
Loos-en-Gohelle & Lens, 04 > 06.03, Base 11/19 & Cité des Provinces, 1 spectacle : 5/3€ • pass 10 spectacles : 35€, www.culturecommune.fr Sélection / 05.03 : A.I.M.E - Une échappée, Cie Sens Ascensionnels - Une petite histoire de l’humanité à travers celle de la patate // 05 & 06.03 : Cie La Bocca della Luna - À l’envers, à l’endroit, Roi ZIZO Théâtre - I Killed The Monster... // 06.03 : Cie Les Bas-Bleus - Filles et soie
OUVREZ LES VANNES !
Ils sont corrosifs, loufoques, burlesques ou poétiques… mais pareillement hilarants. Ces valeurs sûres (ou en devenir) de la gaudriole débarquent près de chez nous pour le meilleur et le rire – et ce n’est pas de la blague. J.D
© Magali R
GUILLAUME MEURICE
L'élection présidentielle manquant de candidats (surtout à gauche), Guillaume Meurice franchit le Rubicon. Le chroniqueur de Par Jupiter ! a suffisamment tâté le pouls de la France avec ses micros-trottoirs pour envisager l'Elysée. Derrière son pupitre, habillé en costume-cravate (avec la petite plante posée dans un coin, histoire de rappeler la gravité des enjeux), il déroule son programme. Enfin, pour l'heure, il tape surtout sur ses concurrents, avec le sens de la formule qu'on lui connaît. Yannick Jadot ? « Une sorte de Général de Gaulle en tofu ». Eric Zemmour ? « Un juif qui aime Pétain, un peu comme un torero vegan ». Ben voyons...
© Louis De Caunes
GUILLERMO GUIZ
« Est-ce que je vous ai parlé de l’enterrement de mon père ? », interpelle d'entrée Guillermo Guiz dans son deuxième spectacle, cette fois centré sur la paternité et la transmission, la virilité et la masculinité... mais toujours aussi absurde et trash. Après avoir tenté de nous prouver qu’il avait un bon fond, le natif d'Anderlecht rend hommage à son paternel, partageant au passage un tas de conseils, du genre : « épouse ta meilleure amie » ou « ne pisse pas pendant un orage, tu vas t’électrocuter ». Pas bête.
Namur, 27.03, le Delta, 15h, 25€ La Louvière, 31.03, Le Théâtre, 20h, 22 > 8€
© Bazil Hamard
PATRICK TIMSIT
Après 35 ans de vannes mythiques (au hasard : « y'a de plus en plus de cons chaque année. Mais cette année, j'ai l'impression que les cons de l'année prochaine sont déjà là »), Patrick Timsit tire sa révérence. Pourquoi ? Parce qu'il a « tous ses points de retraite » mais surtout : « il faut s’arrêter avant qu’on t’arrête ». Comment va-t-il occuper son temps après ça ? « Je vais aller chasser, j’ai toujours rêvé de tuer des animaux », assure le sniper, qui pour l'occasion a sorti la sulfateuse.
Lille, 25.03, Théâtre Sébastopol, 20h, 47 > 35€ Bruxelles, 26.03, Cirque Royal, 20h, 47 > 29€
© Thomas Braut
FELIX RADU
Marchant dans les pas du grand Raymond Devos, Félix Radu jongle avec les mots, l’absurde et (forcément) le surréalisme. Dans Les Mots s’improsent, ce Namurois réussit l'exploit de nous faire rire en citant Camus, Saint-Exupéry ou Shakespeare. Cet amoureux du beau verbe, révélé avec ses chroniques matinales sur La Première (RTBF) et une web-série (Félix déLIRE) vulgarisant la littérature, évoque la mort, l’amour ou le temps qui passe avec cette touche de loufoquerie propre à son mentor.
Miramar (Christian Rizzo) Dans la langue occitane, miramar signifie littéralement "qui regarde la mer". Inspiré par cette considération éminemment poétique (et mélancolique), Christian Rizzo imagine une pièce pour onze danseurs. Ou plutôt, pour dix interprètes et un individu en solo, mis en regard de ce groupe dont les mouvements de flux et de reflux évoqueraient le ressac des marées, entre chutes, projections ou gestes synchronisés. Une mise en perspective tout en mouvement, une émotion chorégraphiée.
Lille, 05 & 06.03, Opéra, sam : 18h • dim : 16h, 23 > 5€ Dunkerque, 03.05, Le Bateau Feu, 20h, 9€
Accords parfaits
(Louis-Michel Colla / Isabelle Paternotte) Marie, jeune cadre dynamique, découvre avec stupeur que le ménage de son appartement n'est pas fait par la gardienne d’immeuble mais par François, un inconnu qui lui a volé ses clés. Qui est donc ce séduisant jeune homme ? En réalité un musicien désargenté qui cache un lourd secret... Comment ces deux êtres, si différents, vont-ils s'accorder ? C'est tout le propos de cette comédie romantique. Entre stratagèmes, mensonges et quiproquos, résonnent les notes chaleureuses d'une mélodie du bonheur...
Bruxelles, 09.03 > 03.04, Théâtre royal des Galeries, 20h15 (matinée : 15h), 26 > 10€, trg.be
Médée
(Sénèque / Tommy Milliot) C'est l'héroïne tragique par excellence. La femme qui commet le crime ultime, tuant ses enfants pour se venger de l'homme qui l'a répudiée... Mais comment devient-on Médée, celle qui transforme « la douleur en fureur » puis en meurtre inexpiable ? Tommy Milliot s'empare du mythe de Sénèque pour disséquer au plus près cette métamorphose. Dans la tradition du théâtre romain, c'est-à-dire sur un plateau sans décor, Bénédicte Cerutti brille dans le rôle-titre, ce monstre terriblement humain.
Béthune, 10 > 12.03, La Comédie (Le Palace) jeu & ven : 20h • sam : 18h30, 20 > 6€ www.comediedebethune.org
La Dernière nuit du monde (Laurent Gaudé / Fabrice Murgia) Imaginez : une petite pilule offrirait, en 45 minutes, autant de repos réparateur qu’une nuit de huit heures. Chacun choisirait alors le moment où il dort, profitant de ces moments ainsi gagnés. Grâce à cette invention bouleversant « la façon dont l’espèce humaine va habiter le temps », les citoyens pourraient donc vivre plus… ou travailler plus. Entre thriller et SF, cette dystopie réveille de très contemporaines questions, notamment la productivité à outrance et l’exploitation des individus.
Cela faisait trois ans que Josiane Balasko n’était pas montée sur les planches. Pour l’occasion, l’ancienne membre de la troupe du Splendid retourne à ses premières amours : la comédie. Plus de 40 ans après les Bronzés font du ski, la revoici à la montagne pour caricaturer avec férocité de riches exilés fiscaux, dans un chalet enneigé en Suisse. Il est ici question d’un huis clos entre deux couples fortunés et assez odieux, mais aussi d’un coach de vie qui se révèlera gourou de malheur…
Douai, 14.03, Théâtre municipal, 20h30, 41 > 20€, ville-douai.fr // Hem, 15.03, Le Zéphyr, 20h 43/40€, zephyrhem.fr // Le Touquet, 16.03, Palais des Congrès, 20h, 65 > 45€, letouquet.com
Le feu, la fumée, le soufre
(Christopher Marlowe / Bruno
Geslin & Jean-Michel Rabeux) Contemporain de Shakespeare, Christopher Marlowe produisit un théâtre de la démesure. Bruno Geslin et JeanMichel Rabeux adaptent ici Édouard II, tragédie écrite à la fin du xvie siècle, soit l’histoire d’un roi écartelé entre ses désirs et l’exercice du pouvoir. La pièce relate la fin du règne du souverain qui, lorsqu’il décide d’anoblir son amant, provoque l’ire des nobles et de la reine. Sur le plateau, les tableaux se succèdent via une scénographie majestueuse, ponctuée d’intermèdes dansés ou chantés.
Douai, 15 > 17.03, L’Hippodrome, mar & mer : 20h • jeu : 19h, 22 > 5€, tandem-arrasdouai.eu
Falaise
(Baro d’evel) Second volet d’un diptyque initié avec Là, Falaise nous projette dans un monde en noir et blanc. Sur scène, huit artistes, un cheval et des pigeons forment une tribu de survivants cherchant malgré tout la lumière dans un monde prêt à s’effondrer. Entre rock et baroque, danse et cirque, équilibre et déséquilibre, la compagnie franco-catalane Baro d’evel poursuit son théâtre poétique et animal. Une jouissive allégorie de la chute, mais où l’on finit toujours pas se rattraper.
Maubeuge, 17 & 18.03, La Luna, 20h, 9/4€, www.lemanege.com // Roubaix, 23 & 24.03, Le Colisée, mer : 20h • jeu : 19h, 21/16€, www.coliseeroubaix.com // Charleroi, 22 & 23.04, PBA, 20h, 16 > 6€, www.pba.be
© Stanislalv Dobak Garcimore est mort (Gaël Santisteva)
Vous souvenez-vous de Garcimore ? Ce magicien au rire inimitable fut popularisé dans les années 1980 à la télévision, lors de tours magnifiquement bricolés, parfois longs, avant d’être évincé par un monde devenu hystérique. Gaël Santisteva célèbre cette figure éminemment poétique. Sur scène, entre danse et tours de passe-passe, mais aussi chansons ou numéros de claquettes, quatre interprètes livrent une ode pailletée à la simplicité et au ralentissement – en un mot, à la décroissance.
Le Bruit des loups (Étienne Saglio / Cie Monstre(s)) Orfèvre de l’illusion, spécialiste en magie 2.0, Étienne Saglio nous avait ensorcelés avec Les Limbes. Le Breton a travaillé près de trois ans pour mettre au point ce nouveau spectacle. Il ravive ici le frisson des contes d’enfance. Depuis son appartement, un homme taciturne est projeté comme Alice au pays des merveilles dans une forêt mystérieuse, peuplée de plantes anthropomorphes, d’un géant ou d’un vrai loup. Se reconnectera-t-il avec la nature ? Et donc la sienne ? Telle est la question…
Calais, 19.03, Le Channel, 19h30, 7 €, lechannel.fr
Boucle d’or 2021
(Alain Borek) On connaît tous l’histoire de cette petite fille perdue qui trouve refuge chez une famille d’ours. Dans ce spectacle pour le jeune public, Alain Borek se réapproprie le conte à travers un dispositif interactif évoquant le jeu vidéo. Nous suivons l’héroïne se déplaçant dans une forêt numérique, devant un écran géant servant de décor. À chaque moment clé, le spectateur oriente la trame du récit. Doit-on se méfier ou avoir confiance ? En filigrane, la pièce interroge les notions d'accueil et de migration.
Arras, 23.03, Théâtre d’Arras, 19h, 10 > 5€ www.tandem-arrasdouai.eu
La Réponse des hommes
(Tiphaine Raffier) Comment faire le bien ? Vaste question. Pour sa quatrième mise en scène, Tiphaine Raffier se penche sur les œuvres de Miséricorde, soit les actions de bienfaisance que se doit d’accomplir chaque chrétien – accueillir les étrangers, donner à boire aux assoiffés, assister les malades… Au fil d’un récit fragmenté en neuf tableaux, entre vidéo et musique classique, la pièce interroge notre humanité et notre engagement. Et pousse la morale dans ses retranchements.
Valenciennes, 24 & 25.03, Le Phénix, 20h, 25 > 10€, www.lephenix.fr // Lille, 06 > 09.04, Théâtre du Nord, mer & ven : 20h • jeu : 19h • sam : 18h, 21 > 6€, www.larose.fr
23 fragments de ces derniers jours
(Maroussia Diaz Verbèke / Instrumento de ver) La “circographe” Maroussia Diaz Verbèke n’aime rien tant que partager son terrain de jeu. Après avoir mis en scène FIQ ! pour le Groupe acrobatique de Tanger, elle s’associe ici au collectif brésilien Instrumento de ver. À travers une succession de tableaux et autant de prouesses, fragment par fragment, ils s’emparent d’objets du quotidien (des bouteilles de verre, du papier bulle) pour reconstruire ce qui est détruit dans le pays de Bolsonaro. En premier lieu : la joie et l’optimisme.
© Drago