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SOCIÉTÉ
Événement Wig esport Lyon 2020 Niceuu © Michal Konkol
interview
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WOMEN IN GAMES
Ouvrir le jeu
Le jeu vidéo s'est imposé comme la première industrie culturelle au monde, mais pas la plus paritaire. Contrairement aux idées reçues, les hommes ne représentent pas l'écrasante majorité des gamers. Si la gent féminine fait bien jeu égal manette en main, elle reste largement sous-représentée dans les studios. Depuis cinq ans, l'association Women in Games œuvre pour davantage de mixité dans le secteur. On démarre une nouvelle partie avec sa viceprésidente, Harmonie Freyburger.
Qu’est-ce que Women in Games ?
Une association professionnelle créée en 2017 par Audrey Leprince et Julie Chalmette, travaillant toutes deux dans le milieu du jeu vidéo et déplorant la faible représentativité des femmes dans cette industrie. Women in Games regroupe aujourd’hui 150 membres. On accueille bien sûr les hommes, considérant qu’on ne peut pas changer les choses en se privant de la moitié de l’humanité !
Quel constat dressez-vous ?
Selon des études réalisées, notamment, par les syndicats SNJV* et SELL**, on recensait en France 22 % de femmes dans les studios en 2021, contre 14% en 2019 et 10,6% en 2014. Il y a donc une progression, mais c'est encore trop faible. Notre objectif est de doubler leur présence d'ici 2027.
En comparaison, qu'en est-il du nombre de joueuses ?
C’est bien simple, dans le monde, un joueur sur deux est une femme, soit un milliard et demi de gameuses ! On observe donc une grande différence entre les personnes qui utilisent ce média et celles qui le fabriquent. Dès lors, comment concevoir des histoires représentatives ?
Concrètement, comment ce manque de mixité se traduit-il ?
Eh bien la majorité des personnages que l’on peut incarner dans les jeux sont des hommes, les femmes n’ayant généralement pas d’histoire à part entière, ni de compétences. Elles sont rarement "jouables". On dénonce aussi des lacunes au niveau de la diversité ethnique ou des communautés LGBT. L’autre conséquence de cette inégalité réside dans la représentation d’héroïnes stéréotypées, hypersexualisées, dénudées...
En gros, le héros du jeu vidéo, c’est surtout un homme blanc, âgé de 20 à 40 ans, souvent très musclé et à qui il arrive des aventures incroyables. Un cliché de la masculinité, finalement.
Cette représentation évolue-t-elle ?
Oui, on note une belle amélioration ces trois dernières années. En 2019, seulement 5% des jeux annoncés lors de l’E3, l’un des plus grands salons du genre au monde, présentaient une héroïne. Ce chiffre a atteint 18% en 2020. Les choses évoluent lentement, mais rappelons qu’il faut du temps pour créer un jeu vidéo, jusqu’à cinq ans. Parmi ces titres, on peut citer The Last of Us Part II, le premier blockbuster dont le personnage central, Ellie, est une femme puissante et homosexuelle.
De quelle façon luttez-vous pour atteindre la parité ?
À travers la communication, en sensibilisant les studios. Nous accompagnons aussi le développement de carrière des jeunes femmes et agissons dès l’orientation, pour les encourager à choisir ce métier. Pour cela, nous invitons par exemple des créatrices de jeu vidéo, tous les mois, dans une émission sur Twitch.
Parmi vos actions, on se souvient aussi de l'opération Gender swap…
Oui, il s’agissait de dénoncer les attitudes hypersexualisées des personnages féminins. On démontrait que celles-ci étaient inutiles pour le déroulement du jeu, voire grotesques, en les appliquant à des
LES FEMMES DANS L'INDUSTRIE DU JEU VIDÉO EN FRANCE
Tournoi Interbar WIG, 2019, MELT Toulouse © Women in games
héros masculins comme Batman ou Superman. Dans cette vidéo, ils affichent des postures sensuelles et tout en minauderies.
Qu’en est-il de l’autre côté de l’écran ?
Lorsque l’on joue entre soi, à la maison, tout va bien, c’est en ligne que les choses se gâtent. On le constate par exemple sur Twitch où de nombreuses streameuses, dans le sillage de Maghla, l'une des plus suivies en France, dénoncent le sexisme, le harcèlement et la violence dont elles sont victimes. D’ailleurs, concernant le jeu en réseau, des études montrent que plus de la moitié des filles dissimulent leur identité, c’est-à-dire leur genre, allant jusqu’à utiliser des filtres de voix pour éviter les railleries.
Compte-t-on aussi des championnes d’e-sport ?
Elles sont pour l’heure moins nombreuses que les garçons, mais il y a de grandes joueuses. On peut citer Kayane, spécialiste des jeux de combats, ou encore Laure Valée, qui s’est imposée comme une figure du journalisme de l’e-sport. Au final, c’est un cercle vertueux : plus il y aura de jeux conçus par des femmes et plus les gameuses pourront s’identifier aux personnages. Mieux, elles pourront envisager une carrière dans cette industrie, et ensuite jouer les premiers rôles.
Propos recueillis par Julien Damien * Syndicat national du jeu vidéo ** Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs À visiter / womeningamesfrance.org À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com