10 minute read

MUSIQUE

Next Article
Artik

Artik

musi q u e

PETER DOHERTY & FRÉDÉRIC LO

Advertisement

La corde sensible

Peter Doherty, combien de divisions ? Combien de vies, surtout. Des épopées fracassées avec The Libertines, Babyshambles, The Puta Madres, quelques échappées solitaires et, désormais, un sublime voyage en tandem avec Frédéric Lo. Il y a une quinzaine d’années, on l’imaginait bientôt rejoindre le fameux et funeste Club des 27. Or, touché par la grâce (parfois) et bénéficiant d’un sacré bol (surtout), l'Anglais a survécu. Tant mieux, car l’âge lui va bien. Ses postures de poète maudit prêtaient à sourire ? N’empêche qu’il aura incarné Musset chez Sylvie Verheyde, en 2012. C'est peut-être cette même sensibilité exacerbée et créative qui aura convaincu Frédéric Lo de travailler avec lui. Le Français avait déjà ressuscité Daniel Darc, autre poète électrique bouffé par les mythes. Composées dans une maison normande cossue et confortable, à mille lieues de la déglingue urbaine, leurs chansons s’inscrivent dans la veine mélancolique et légère des Smiths. Des morceaux divins, finement arrangés (cordes, pianos…) comme autant de classiques instantanés qui passeront l’épreuve du temps et survivront aisément à Doherty – quelles que soient les existences lui restant à vivre. Thibaut Allemand

Lille, 06.12, L'Aéronef, 20h, 30/25€, aeronef.fr

ALOÏSE SAUVAGE VS

Les Combattantes SUZANE

© Fifou / © Boby

En une poignée d’années, elles se sont imposées comme les figures de proue de la nouvelle scène française. Du féminisme, aussi. Entre rap, pop et textes engagés, Aloïse Sauvage et Suzane étrennent leur deuxième album, et ont pas mal de points communs… J.D.

Nom de nom. Contre toute attente Aloïse Sauvage n'est pas un pseudo. Comme si elle était « faite pour être artiste et monter sur scène », dit-elle. ≠ Océane Colom a piqué le sien (Suzane, donc) à son arrière-grand-mère, en virant un "n" au passage parce qu’elle « adore sa graphie avec le z en plein milieu ». Côté son. Quelque part entre Diam's et MHD, Aloïse Sauvage fusionne chanson française, electropop et afro-trap. Dans son deuxième album (Sauvage) elle ouvre plus encore son jeu, accueillant cordes et piano. ≠ Suzane se définit comme une « conteuse d'histoires vraies sur fond d'electro ». Caméo, son dernier disque, se pare toutefois de rythmes plus chaloupés et rap. Le sens du combat. Aloïse Sauvage soutient les luttes féministes et LGBT comme en témoigne, entre autres, Crop Top, morceau évoquant les féminicides et le consentement. ≠ Suzane a aussi publié quelques hymnes sans équivoque : le titre SLT, en 2018, dénonçait le harcèlement (« bats-toi fillette ! ») quand le récent Clit is Good, clipé par Charlotte Abramow, célèbre le plaisir féminin – évidemment, YouTube a immédiatement censuré la vidéo. On dit match nul ?

Aloïse Sauvage

Bruxelles, 03.12, Botanique, 19h30 25,50 > 19,50€, botanique.be Valenciennes, 01.04.2023, Le Phénix, 20h30, 19/16€, lephenix.fr

Suzane

Lille, 07.12, L'Aéronef, 20h, 35€, aeronef.fr

THE HAUNTED YOUTH

Teen spirit

© Charlie De Keersmaecker

Les années passent, le xxie siècle est déjà sévèrement entamé, dans tous les sens du terme. Les modes vont et viennent et, pourtant, certaines choses ne changent pas depuis les années 1950 : la capacité et la foi de jeunes gens à empoigner guitares, basses et batteries pour chanter.

Pour chanter quoi, d’ailleurs ? Oh, à peu près n’importe quoi – ici, le mal-être, principalement. The Haunted Youth (la jeunesse hantée, tout un programme) et son premier LP Dawn of the Freak s’inscrivent dans une histoire plus longue. On pourrait la relier au blues et à ses démons ou, plus près de nous, à tout un pan de l’indie rock US des 90’s qui émargeait du côté de Seattle. Une douleur qui fait écho à celles, bien contemporaines, de ces Belges menés par Joachim Liebens, leader (ostensiblement) écorché vif et un peu démago (Teen Rebel…), abordant sa santé mentale, sa fragilité émotionnelle – manquerait plus qu’il soit HPI, tiens. Reste que ces carnets intimes sont joliment mis en musique. Les intéressés citent volontiers MGMT ou Tame Impala. À l’écoute de ces chansons, on songe aussi à Matt Fishbeck, loser magnifique, héraut de Holy Shit et mentor d’une scène californienne maudite (Girls, Ariel Pink, John Maus…) ou, sur le versant anglais, à une certaine idée de la new wave – cette alliance de boîtes à rythmes et de guitares cristallines. C’est alors le flacon qui compte, bien plus que le lendemain d’ivresse, d’autant que sur les planches, Liebens se révèle un frontman habité. Hanté, quoi. Thibaut Allemand

PLANÈTE RAP

Un Planète rap sans Fred, ça ne se refuse pas. Voici quatre dates hip-hop à ne pas rater ce mois-ci. Où l'on croise un Helvète en survêt’, un revenant nostalgique, un pionnier du genre et un grand gaillard pas vraiment à l’aise avec la

gent féminine. Thibaut Allemand

© DR

MAKALA

Et si la relève du rap francophone venait… de Suisse ?! Douze ans après la fin des pionniers Sens Unik, Makala, un ego gros comme ça et son crew Xtrm Boyz jouent des coudes dans une compétition pas facile. Armé d’un flow tout-terrain, le Genevois fait feu de tout bois sur des instrus carambolant jazz, bossa, reggae, electro... On retrouve, au gré des productions, des morceaux de Booba, Benny Benassi, Les Baxter ou… Raymond Scott ! Entre egotrips (passages obligés mais plutôt réussis) et petites nouvelles narrées avec un certain sens du style, Makala pourrait rafler la mise. D'ailleurs, qui de mieux qu’un Suisse pour faire sauter la banque ?

KRS-ONE

© DR

KRS-One, ou la plus célèbre paracousie du rap. La quoi ? Une hallucination auditive. Celle qui, depuis plus de 30 ans, nous fait entendre "assassin de la police" en lieu et place de "That's the sound of da police". À quoi ça tient, hein. D’autant que Lawrence Parker, ex-SDF et rat de bibliothèque, ex-graffeur et pionnier du hip-hop conscient, a depuis 1983 beaucoup d’autres choses à proposer, souvent entonnées de sa gouaille héritée des toasters jamaïcains. Bref, un morceau d’histoire, directement arraché au bitume de la grosse pomme.

Courtrai, 07.12, De Kreun, 20h, 27,50 > 21,50€

© Ojoz

DAMSO

Polyvalent et touche-à-tout, Damso ? Ou simplement opportuniste ? À vous de voir. Révélé via Booba et le crew 92i, depuis auteur de quatre albums, le Bruxellois s’était taillé une réputation d’expert èspunchlines bien grasses. Quelques temps plus tard, surprise ! Il aligne un duo avec Angèle. Pour le reste, entre house-pop, trap et boom-bap, la misogynie en étendard cache mal la dépression, la haine de soi et la misère sexuelle. Et si Damso proposait, finalement, un rap tout en fragilité ?

Lille, 09.12, Le Zénith, 20h, complet ! Bruxelles, 10 &.11.12, Palais 12, 20h, complet !

© Douglas Friedman

JOEY BADA$$

En 2019, Joey Bada$$ annonçait arrêter la scène pour se consacrer à ses affaires. C’était un leurre : cette année parut 2000, comme une suite à sa mixtape initiale (1999, sortie en 2012). Ce disque nostalgique est marqué par le retour à un son profondément new-yorkais, soit du boom-bap traversé de boucles jazz et enrichi de la présence de quelques vieilles gloires (Diddy, Chris Brown…). Celui-ci est conscrit temporellement donc, mais aussi géographiquement (Bronx, Queens, Brooklyn et Staten Island). Un devoir de mémoire, en quelque sorte.

BONOBO

Bête de set

© Grant Spanier

1999, l’année du singe ? Dans le sillage de Gorillaz, à Brighton, Simon Green, 23 ans, s’affuble à son tour d’un pseudonyme simiesque. Un petit tour chez le label de sa ville, Tru Thoughts (Quantic, Jon Kennedy, Sarah Russel…) puis il signe chez Ninja Tune qui, à l’époque, représente une certaine idée du futur – soit un avenir plein de breakbeats échevelés, d’abstract hip-hop, d’electronica rêveuse et de jazz concassé. Bref, l’écrin idéal pour le downtempo de Bonobo, dont les sorties régulières le placent en valeur sûre de la maison. Entre moult remixes (pour Gorillaz, London Grammar, Amon Tobin, Michael Kiwanuka ou encore le vénérable jazzman Henri Texier !), l’Anglais signe sept albums dont le dernier, Fragments (un nom chipé à Roland Barthes) témoigne du talent du désormais quadragénaire. À savoir, des titres idéaux pour la scène ET l’écoute domestique : pop ambient lunaire, chemins de traverse folk, écho de musiques du monde… Un canevas modulaire et modelable à l’envi, Bonobo ne livrant jamais deux fois le même set. Thibaut Allemand

ROSALÍA

Lâchez l'hybride

© Daniel Sannwald

Mieux qu'une superstar, Rosalía est devenue un phénomène. Entre flamenco traditionnel, pop, R’n’B et reggaeton, l'Espagnole a renversé la table. Elle s'est imposée en moins de temps qu'il ne faut pour dire "olé" comme une créatrice de la trempe de Björk ou de Billie Eilish – oui, rien que ça !

C’est suite à l’écoute de Camarón de la Isla, à l’origine du nouveau flamenco, que Rosalía se découvre une passion pour ce genre né au xviiie siècle. S’ensuit des études à l’École supérieure de musique de Catalogne et un premier album, Los Angeles, dans lequel elle chante simplement accompagnée d'une guitare. Nous sommes en 2016 et, déjà, la jeune femme concilie des publics a priori différents, revisitant des œuvres patrimoniales et populaires. Mais c'est surtout son deuxième disque, El Mal Querer, réalisé avec le compositeur El Guincho (complice de Björk ou de Lous and the Yakuza) qui révélera la chanteuse à l'échelle planétaire, enthousiasmant le public comme la critique la plus pointue – de Pitchfork au NME. Le pari de transmettre son amour pour un art ancestral, par essence extrêmement rigide et codifié, est réussi. Sans doute parce que Rosalía sait l’habiller d’une modernité déconcertante. Motomami (soit "meuf-moto"), paru en mars dernier, pousse toujours plus loin l’innovation, avec un alliage de reggaeton des Caraïbes, de flamenco de Catalogne ou de trap américaine – sans oublier cette voix, tout en puissance et fragilité. En somme, un œil dans le rétroviseur, et tous les possibles en ligne de mire. Louisa Darrigrand

© Kirsten Thoen

VIAGRA BOYS

L’an passé, le guitariste Benjamin Vallé passait l’arme à gauche, mais ses comparses n’ont pas rendu les leurs. Ils signaient même au printemps un troisième disque éclatant. Avec, dans leur tote-bag, le lourd héritage des Stooges, de Suicide ou de The Birthday Party, les Suédois (à peine) calmés ont enrichi leur post-punk. N’empêche, on retrouve ce tapis de basse "lourdissime" et de guitares acérées, des claviers et saxos désaxés. Bref, Viagra Boys incarne, encore et toujours, une certaine idée du rock en 2022. T.A.

Anvers, 12.12, Trix, 19h30, complet !

Haai © Imogene Barron

BRAINDANCE

Le nom de ces soirées renvoie forcément à la compilation éditée par Rephlex en 2001 et, plus généralement, à l’IDM. Point de techno domestique ici, mais Daniel Avery, Fatima Yamaha, Asa Moto, entre autres, et surtout deux Australiennes rétromaniaques. Si l’on apprécie le revival deep house UK garage de Logic 1000, on fond totalement face au maelström sonique mêlant hardcore, pop, jungle et UK techno de Haai, dont la science du mélange a séduit Jon Hopkins, Alexis Taylor ou Obi Franky – excusez du peu ! T.A.

Bruxelles, 17.12, Ancienne Belgique, 22h complet !

© Philippe Fernandez

CALI

Ne faites jamais confiance à un cowboy, ce n'est pas seulement un concert, ni vraiment du théâtre. Plutôt un western musical. Seul sur scène, à l'ombre d'un réverbère, Cali est assis sur un banc. Guitare en bandoulière, le Perpignanais à la voix éraillée se glisse dans la peau d'un clochard céleste. Il se réveille, nous prend à témoin pour raconter sa vie d'avant, quand il était chanteur. S'enchaînent alors des histoires d'amour, d'amitié, tantôt rock ou mélancoliques. Toutes inventées, bien sûr, mais bouleversantes de sincérité. J.D.

This article is from: