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PHILIPPE LOMBARD
Retour vers le futur, Terminator, Gremlins, Rambo, Robocop… Autant de films qui ont assuré les plus grands succès du box-office à la fin du siècle dernier et, plus tard, des vidéoclubs. En somme, du cinéma américain à grand spectacle, à déguster avec un grand sachet de popcorn, truffé de répliques cultes, de scènes de castagne, de batailles interstellaires… et parfois plus profond qu’il n’y paraît. Ces œuvres font-elles partie des "vingt glorieuses" de Hollywood ? C’est en tout cas la théorie que défend le journaliste et auteur Philippe Lombard dans un livre jouissif. Pour lui, l’âge d’or du septième art américain commence avec Les Dents de la mer, en 1975, pour s’achever avec le Mission impossible de Brian de Palma, en 1995. On rembobine ?
Pourquoi considérez-vous les années 1975 à 1995 comme les vingt glorieuses de Hollywood ?
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Il y a eu d’autres âges d’or : les années 1930 ou 1950 par exemple. Mais les films tournés durant cette période, ce que j’appelle le cinéma pop-corn, sont toujours aussi présents. On tourne encore des suites de Star Wars, Terminator, Rocky, SOS Fantômes… À travers ce livre, je retourne donc à la source. On peut d’ailleurs regretter qu’il n’y ait pas plus de nouveautés de nos jours. Je viens par exemple de découvrir la bande annonce d’Indiana Jones 5… toujours avec Harrison Ford ! Le premier opus date quand même de 1981.
À quoi tient le succès de ces films ?
D’abord ils touchent tout le monde, dans tous les pays, ce qui n’est pas forcément le cas d’une production française ou italienne. Ils servent aussi un divertissement total, mais sans sacrifier la psychologie des personnages ou le récit.
Star Wars nous entraîne dans des mondes délirants, tout en creusant des histoires complexes de famille, de pouvoir… En somme, c’est un cinéma populaire mais qualitatif.
Quels étaient les genres de prédilection de ce cinéma pop-corn ?
Steven Spielberg et George Lucas ont bien sûr creusé une veine SF avec E.T., Rencontre du troisième type… Un cinéma que seuls les Américains savent réaliser.
En France par exemple, on tournait La Soupe aux choux à ce moment-là.
Comment jugez-vous la production hollywoodienne actuelle ? Les studios ne manqueraient-ils pas d’imagination ?
Complètement. On a l’impression que Hollywood est dirigé par des gens du marketing. Mais quand Disney rachète à prix d’or Marvel ou Lucasfilm, ce n’est pas pour créer des contenus originaux et prendre affaire à un caniche. Ils ont donc décidé d’en fabriquer un, mécanique et électrique, mais il n’a jamais fonctionné ! Il a coulé à pic dès le premier jour, et sa queue ne battait pas de droite à gauche. Spielberg n’a donc pas trop montré le requin dans le film. C’est justement pour ça qu’il nous terrorise ! Quand les effets numériques sont apparus, ça a tout changé, amenant par exemple cette vague de super-héros qui a renversé le cinéma pop-corn. des risques, mais gagner de l’argent avec des filons qui marchent déjà, jusqu’à l’overdose. Ils ont moins d’histoires à raconter et d’ailleurs moins de succès. Il va falloir passer à autre chose… Mais je ne suis pas inquiet, Hollywood s’est toujours réinventé. Ça va peut-être prendre du temps, mais il y aura un nouvel âge d’or.
Ces films sont truffés de répliques qui ont aussi assuré leur succès, n’est-ce pas ?
Pourtant ce n’est pas qu’une question d’argent. À l’époque, ce cinéma pop-corn ne jouissait pas de budgets faramineux et il fallait se montrer astucieux… Oui, car les effets numériques n’existaient pas et les films n’étaient pas forcément dotés de grands moyens. Par exemple, les producteurs des Dents de la mer ont d'abord voulu dresser un vrai requin blanc. Ils ont vite compris qu'ils n'avaient pas
Oui, d’ailleurs Schwarzenegger demandait systématiquement aux scénaristes de lui préparer ce genre de petites phrases. Il mélangeait action et humour, c’était sa marque de fabrique. Sans parler de son « je reviendrai »… qui revient tout le temps !
D’ailleurs, la VF y est parfois pour beaucoup, non ?
Oui, dans Predator le même Schwarzenegger lâche au monstre : « T’as pas une gueule de porte-bonheur ! ». Alors qu’en anglais, il dit simplement « You’re one ugly motherfucker ». La traduction n’a rien à voir mais c’est plus drôle. Idem dans le premier Star Wars, quand Han Solo dit à Chewbacca : « Allez Chico, on met la gomme ! ». Ça sonne quand même mieux que le banal « Get us out of here ! ». >>>
Pourquoi ces décalages ?
Le doublage prenait à cette époque de sacrées libertés, aujourd’hui c’est plus contrôlé. De mon côté, je n’ai rien contre ça. Les versions françaises font aussi partie du plaisir de visionnage. Vous ne me ferez par exemple jamais regarder L’Arme fatale en VO !
Ces films étaient assez violents, non ?
C’est vrai, mais pas plus que John Wick aujourd’hui. Et puis, comme il y avait plus d’humour dans ces films, la violence était plutôt délirante, pas vraiment "grave".
un nouveau Jurassic Park ou SOS Fantômes, il faut absolument incorporer les acteurs originaux, même si la qualité n’est pas au rendez-vous. Il y a l’idée de toucher plusieurs générations, que les parents fassent découvrir ces films à leurs enfants.
Quelle est l'influence de ce cinéma sur les productions actuelles ?
On continue à sortir des Rocky et des Star Wars. L’influence est donc totale. Regardez, quand on tourne
À vous lire, Jurassic Park symboliserait la fin de ces 20 glorieuses… Oui, c’est une histoire que j’adore. Pour les besoins du film, on fabrique d’abord des animatroniques, pour les plans de têtes ou de pattes, et puis Steven Spielberg reçoit un appel de la société d’effets spéciaux de George Lucas qui lui apprend qu’elle peut créer numériquement des dinosaures hyperréalistes. Le réalisateur hurle de joie, mais les techniciens comprennent que ce sont désormais eux qui sont en voie d’extinction, qu’ils vont disparaître comme les dinosaures. Ce progrès marque la fin d’une ère pour eux, et celles de ces vingt glorieuses.
Propos recueillis par Julien Damien
À lire / Ciné pop-corn 1975 - 1995 : les vingt Glorieuses de Hollywood
Philippe Lombard (Hugo Image) 432 p., 12€ whugopublishing.fr
La version longue de cette interview sur lm-magazine.com