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DISCO BOY
L'amour de la party
Disco Boy, premier film de Giacomo Abbruzzese, n’a pas volé son Ours d’argent à la Berlinale. Passé par le Fresnoy de Tourcoing, le réalisateur italien nous ouvre les portes de l’impénétrable Légion étrangère, mais pour mieux brouiller les pistes entre film de guerre et quête existentielle. Une œuvre hypnotique.
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Giacomo Abbruzzese nous invite à un voyage au cœur des ténèbres digne de Joseph Conrad, l’écrivain qui a inspiré Apocalypse Now. L’histoire s'ouvre avec Aleksei, jeune homme ayant fui la Biélorussie pour s’engager dans la Légion étrangère, et ainsi obtenir la nationalité française. Envoyé au combat dans le Delta du Niger, il croise Jomo, un jeune révolutionnaire écologiste en lutte contre les compagnies pétrolières qui saccagent ses terres. Au cœur de la jungle, les deux hommes évoquent leurs rêves. Aleksei croit trouver une famille dans la Légion, quand Jomo s’imagine en danseur dans une boîte de nuit, en "disco boy"… Il aura fallu toute la pugnacité de Giacomo Abbruzzese (10 ans de travail !) pour que naisse cette œuvre atypique, à la croisée des genres. S’ouvrant comme un film de guerre classique, avec ses scènes imposées (entraînements virils et affrontements), Disco Boy privilégie rapidement la quête métaphysique à la Werner Herzog (Aguirre, la colère de Dieu)… avant de regarder vers le film musical et de danse ! Porté par les compositions electro de Vitalic, un sentiment d’envoûtement nous gagne crescendo tout au long du film, dont on ressort aussi déstabilisé que fasciné. Grégory Marouzé
Swarm
Plus qu'une chanteuse, une reine –une déesse, même. Le mot revient sans cesse dans la bouche de Dre lorsqu'elle évoque Ni'Jah, dont les clips et la stature en font un double fictif de Beyoncé. Avec quelques milliers d'autres, la jeune femme fait partie de l'"essaim" ("swarm", en anglais), un groupe de fans particulièrement actifs sur les réseaux sociaux. Et n’hésite pas à tuer quiconque ose critiquer la star… Alors que la (géniale) série Atlanta vient de s'achever, Donald Glover se lance dans une nouvelle satire de la société américaine. Portrait d'une groupie en feu, Swarm frappe moins par ses déchaînements de violence que par la conduite imprévisible de son récit. Avec son jeu tantôt lascif, tantôt syncopé, Dominique Fishback (Dre) confirme ici l'étendue de son talent.
Raphaël Nieuwjaer
Série de Donald Glover et Janine Nabers (7 x 35 min), avec Dominique Fishback, Nirine S. Brown, Chloe Bailey… Disponible sur Amazon Prime Video
Mad God
Star Wars , Indiana Jones , Robocop ou Twilight lui doivent leurs effets spéciaux. Spécialiste de l'animation en volume, Phil Tippett aura passé 30 ans à tourner Mad God le week-end, dans son garage, avec des amis. Débutant par la destruction de la tour de Babel, le film révèle un scénario minimal : un assassin énigmatique explore un monde peuplé de créatures immondes, de chirurgiens sadiques et de victimes expiatoires. C'est peu dire qu'il faut avoir l'estomac bien accroché pour supporter ce voyage au cœur de la matière. Celui-ci ne manque toutefois pas de visions saisissantes. Évoquant les toiles de Jérôme Bosch, Mad God déploie sa fable métaphysique sur la grandeur et la décadence de l'humanité dans des paysages affolants, dont l'œil cherche à scruter chaque détail. Raphaël Nieuwjaer
FIGRA Un œil sur le monde
Il y a 30 ans naissait au Touquet le Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société, à l’initiative de Georges Marque-Bouaret. Le rendez-vous a voyagé (Lille, Saint-Omer et aujourd'hui Douai), la sélection s’est étoffée (70 films répartis dans cinq compétitions cette année), mais la mission du Figra demeure : témoigner de la réalité du monde sur grand écran.
Hélas, trois décennies après le coup d’envoi du Figra, « le monde ne va pas vraiment mieux », constate Georges Marque-Bouaret. D’ailleurs, si chaque édition pointe de nouvelles préoccupations, notamment dans la sélection "Autrement vu" qui pose un regard intime sur des faits de société (des récits de victimes d’inceste, le parcours d’une petite-fille de harkis…) nombre de fléaux persistent. « Les atteintes aux droits des femmes, des enfants, les souffrances des peuples », énumère le délégué général du festival. Le conflit ukrainien tient bien sûr une place centrale dans la programmation, qu’il s’agisse de documenter l’identité du pays, de brosser le portrait de civils entrés en résistance ou de raconter l’impitoyable revanche de Vladimir Poutine.
Par-delà les écrans
Engagé « sans être militant, sauf sur la question des droits de l’homme », attentif à élargir sans cesse son public (600 scolaires sont attendus à Douai) le Figra œuvre désormais sur tous les supports. En plus d’une exposition consacrée au travail du photojournaliste serbe Goran Tomašević, ou d’un débat sur le traitement médiatique de l’urgence écologique, le documentaire surgit aussi sur les planches avec la pièce Du silence à l’explosion, sur l’accueil des exilés en France. Après ça, « plus personne ne pourra dire "je ne savais pas"». Marine Durand
Douai, 30.05 > 04.06, cinéma Majestic et divers lieux, une séance : 6/5€ • 5 séances : 20/17€ pass semaine : 48/40€ • pièce de théâtre : 17/10€, figra.fr
(+ Exposition Entre guerre et paix, 30 ans de photographies de Goran Tomašević : Douai, 20.05 > 03.07, Musée de la Chartreuse)