Précis d’écriture du scénario (tome 2), extrait

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Dans la même collection Précis d’écriture du scénario, tome 1 : Du brouillon à la V1 Kevan Stevens Kit de survie du scénariste Gildas Jaffrennou

ISBN 978-2-36716-194-5 Dépôt légal avril 2017 Imprimé dans l’Union européenne Maquette : www.lettmotif-graphisme.com

Éditions LettMotif 105, rue de Turenne 59110 La Madeleine – France Tél. 33 (0)3 66 97 46 78 Télécopie 33 (0)3 59 35 00 79 E-mail : contact@lettmotif.com www.edition-lettmotif.com www.scenario-film.fr




Prologue Au cours de cette suite logique de Précis d’écriture du scénario, j’ai souhaité aller plus en avant dans certains concepts qui paraissent clefs et rarement mis en exergue dans les manuels, en tout cas pas sous cette forme. J’ai donc cherché à développer leur essence, leurs sources et la plus simple façon de se les approprier. Prenons cette expérience comme une fenêtre ouverte sur l’écriture, un type de narration particulière, pas forcément adaptée à tous les projets. À vous de sentir si votre script peut se nourrir de cette série de réflexions et de focus en termes d’écriture. Nous allons chercher à éclairer des recoins moins accessibles, ceux qui sont rarement placés sous les feux de la rampe. Un ensemble d’outils, la continuité d’une grammaire, qui pourraient permettre d’aller plus loin ensemble, en tant que professionnels de la production et de l’écriture, et contribuer à une amélioration des relations, via un principe élémentaire : la compréhension et l’échange de connaissances. Lecteur, consultant, script doctor depuis une dizaine d’années, auteur et scénariste, ma position « in » et « out » m’offre un regard précis, critique, argumenté et détaillé sur le monde de l’écriture et de la production. Cet ensemble de réflexions, de pistes de discussions a donc été développé à chaque fois à travers le prisme de plus de 2000 scénarios lus ces dernières années – télévision et cinéma confondus –,

PROLOGUE

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unitaires, séries 26 et 52 mn, longs métrages. Qu’il s’agisse de scénarios à destination du marché français ou de la vente et de la distribution internationale. L’objectif de cette série d’analyses est aussi de lancer des pistes d’argumentations pour avancer plus vite vers des voies encore trop peu explorées du cinéma et de la télévision en France, dans lesquelles on a trop tôt décidé de rebrousser chemin ou vers lesquelles on avance beaucoup trop lentement encore – même s’il faut reconnaître que la volonté et la motivation de nombreux acteurs du domaine commencent à porter leurs fruits. L’objectif numéro un serait de créer des synergies, réduire les peurs et voir à l’écran, petit et grand, les films et les séries qui n’existent pas en termes de production et/ou d’écriture en France, et que d’aucun comme moi aimerait tant mettre enfin en chantier ou simplement avoir le plaisir de découvrir. À ce titre, nous vous invitons à nous rejoindre, à nous interpeller. Si certaines questions vous taraudent au fil de cette aventure, si des points restent obscurs, n’hésitez pas à nous écrire et nous interpeller afin que cette ouverture sur nos métiers soit la plus pertinente, la plus large et la plus complète possible. Et répondre avant tou à vos attentes et vos interrogations.

Kevan Stevens

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Le pacte de lecture



Contrat et pacte de lecture Un projet répond à des attentes mais aussi à un cahier des charges. Je ne lis pas de la même façon un film de Godard que le dernier Jason Statham. Mais je le lis selon les attentes du guichet auquel il s’adresse. Si le guichet est exigeant commercialement – en termes de retombées économiques – ou pas. Un contrat de lecture met en place une relation entre votre script et un lecteur. Il induit qu’il fasse le lien avec la promesse que votre scénario suscite, qu’il corresponde à votre proposition de départ, vos intentions, votre pitch. Par rapport au texte même. Mais aussi par rapport à vous. Que le scénario remplisse les attentes qu’il a provoquées. Si vous vendez un film d’action, que cette promesse soit rendue. Un film d’épouvante, que votre scénario fasse trembler. Une romance ou une comédie sentimentale, qu’on soit ému par la formation du couple, par les atermoiements des protagonistes. Là se situe le cœur du contrat de lecture. Le contrat n’est pas rempli quand le potentiel qu’on y avait décelé ne semble pas présent. Quand la construction du projet reste maladroite. S’il a été écrit trop vite, ou si on est passé à côté du ton, de la rythmique. Une problématique qui ressort d’autant plus dans les genres comédie, action, policier ou épouvante.

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Car plus le genre du film est inscrit et lisible selon des schémas et des conventions, plus son créneau est imposé, les attentes, inscrites dans son ADN de départ. Un projet d’épouvante qui ne provoque pas la peur ou du moins une certaine inquiétude à sa lecture démarre difficilement. Il n’est pas question de subjectivité à ce niveau mais de mécanismes et d’une rythmique qui permettent de faire monter la pression, provoquer la peur. Un polar dans lequel l’univers policier ou celui des voyous n’est pas crédible, pas authentique, est tout de suite sanctionné. Idem pour une comédie aux dialogues faiblards, où les situations d’humour s’affaissent. La sanction est immédiate. Le pacte de lecture n’a pas été respecté.

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Pacte de confiance spectateur contrat spectateur

Le pacte de confiance rejoint en partie le contrat de lecture. Si ce dernier n’est pas rempli, le film pourra rarement pallier les défauts, les lacunes, les problèmes rencontrés dans le scénario. On retrouve à l’écran 80 % des problèmes qui existaient sur le papier. Telle relation ne fonctionnait pas ? Il y a peu de chance qu’elle change au montage. La scène patinait dans son humour ? Sauf miracle, elle patinera en salle.

Pacte de crédibilité Mais le pacte de confiance possède un niveau supplémentaire. On ne peut pas faire croire par exemple à des situations si elles ne sont pas crédibles dès le début. Si leur postulat de départ ne fonctionne pas, tout le film sera bâti par la suite sur cette fissure. Et le pacte de confiance est d’ores et déjà fragilisé. C’est malheureusement ce qui est arrivé dans beaucoup de films d’épouvante ou d’horreur français, où on n’y croit pas une seconde dès les premières scènes. Et si le spectateur n’y croit pas, il ne pourra pas être emporté par le film.

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Les personnages doivent ainsi répondre à des schémas actanciels crédibles. En fonction de leur personnalité, de leur construction de départ (des entrées de personnages qui surgissent de nulle part, des résolutions trop rapides, des rencontres hasardeuses, un enchaînement de coïncidences, des changements de ton trop brusques, des réactions de personnages qui ne correspondent pas à leurs caractéristiques de départ…, autant d’éléments qui font décrocher et fragilisent le pacte). Ce qui nécessite aussi une adéquation physique, psychologique, de lieu, le passé du personnage, son métier, ses liens, sa famille, ses amis, etc. Rendre crédible ces adéquations et ces constellations de liens participe à entraîner le spectateur avec soi dans son histoire. De la même façon, les situations et les détails nécessitent d’avoir été vérifiés (si ce n’est vécu…) Que les informations fournies (sur un corps de métier, un événement, une base historique, etc.) soient validées par plusieurs sources que vous aurez au préalable consultées. Mais ce pacte de crédibilité doit aussi répondre à deux vecteurs clef au cinéma et en télévision: la logique et la psychologie humaines. Trop de scripts s’affranchissent encore d’une simple valeur logique. À cet effet, il est important de se plonger dans ses personnages, basculer sur leurs points de vue, et ne pas réagir à titre personnel par rapport aux situations vécues. On ne doit pas partir sur ce qui nous arrange et se réfugier dans la pseudo-part fictionnelle (« le spectateur

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n’y verra que du feu, ne relèvera pas cette incohérence ». Il va au contraire buter dessus, ce qui nuira au reste de l’histoire). On ne quitte pas une aire d’autoroute en ayant oublié inconsciemment sa bellemère aux toilettes, sauf volonté comédie appuyée. De la même façon, l’homme résiste rarement à l’appel de l’argent, du pouvoir, de la séduction… Il en va ainsi de vos personnages, qui ne sont pas des superhéros, sauf cas exceptionnel, mais bien des hommes et des femmes proches de nous, de nos préoccupations, minés par les mêmes désirs, les mêmes failles… Au niveau psychologique, les personnages doivent également répondre à ce pacte de crédibilité. Les logiques humaines sont ainsi faites que nos personnages ne peuvent pas se permettre de prendre trop de liberté dans cette phase de caractérisation, à moins d’apparaître comme décalés, lunaires, voire même atteints d’une particularité ou d’une maladie mentale si les traits sont trop appuyés ou les décalages, marqués.

Le contrat spectateur rejoint ici le pacte de lecture. Un spectateur a des attentes avant de se rendre en salle. Il ne doit pas sortir déçu. Mais vivre des moments forts, une expérience et connaître des émotions sublimées. Découvrir un point de vue, un sujet, s’attacher à des personnages ou simplement passer un agréable moment. Mais le film à la base est doté d’une attente, d’un pitch, d’un résumé. Qui doivent a minima suivre ce qui a été énoncé au départ et convaincre le public. Pour qu’il ne se sente ni floué ni dupé.

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À cet égard, ce pacte de confiance concerne aussi bien le traitement du scénario que sa construction. Des problèmes dans la dynamique, dans le rythme (par exemple trop de flous ou des scènes creuses qui n’apportent rien ou qui seraient mal placées) impactent directement ce pacte. Idem dans la chronologie du scénario, de l’histoire racontée, dans sa complexité (on peut à la fois écrire une histoire éminemment complexe mais la rendre fluide, cf. Zodiac de David Fincher, ou encore mieux Usual Suspects de Bryan Singer). D’où l’importance de construire l’histoire avec pertinence, le puzzle parfois ne fonctionnant plus à l’arrivée.

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