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ISBN 978-2-919070-54-1 Dépôt légal avril 2014 Imprimé en France Maquette : www.lettmotif-graphisme.com Photo couverture : D.R.
Éditions LettMotif 105, rue de Turenne 59110 La Madeleine – France Tél. 33 (0)3 66 97 46 78 Télécopie 33 (0)3 59 35 00 79 E-mail : contact@lettmotif.com www.edition-lettmotif.com
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Jean-Christophe HJ Martin
Directed by Sylvester Stallone Nouvelles
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1. You gotta lot of style for somebody with pigeon crap on their shoulder (Paradise Alley, 1978)
Notre plateau fait 6 mètres d’ouverture, sur 5 de profondeur. On a un écran de 4 mètres sur trois. Notre salle a une profondeur de 22 mètres, avec un balcon en fond de salle en surplomb à 5 mètres 50, sur lequel on pourra installer le projecteur 35 mm sans que notre grill technique ne gêne la projection. Si nécessaire, on pourra aussi travailler à partir d’un DVD, on a le projo adéquat. Les conditions techniques sont réunies, on a six mois devant nous pour être prêts. Le groupe a déjà joué chez nous, le choix du film est presque fait. Tout s’annonce très bien, et tout le monde trépigne d’impatience à l’idée de ce ciné-concert. C’est probablement le dossier le plus emballant qui m’ait été confié cette année. J’ai suggéré Phase IV, de Saul Bass. Un film court, peu bavard, très graphique, idéal pour ce genre d’exercice, et qui plus est une vraie réussite, avec le petit parfum SF culte qui devrait nous garantir contre un flop. Le groupe doit le voir ce week-end, je leur ai prêté
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mon DVD import. Si je les connais comme je crois les connaître, la cause est entendue. Dans le vieux temps, les choses étaient d’une simplicité biblique. On se levait tard après avoir fait la dernière séance, on petit-déjeunait vaguement en milieu de journée et on se débrouillait pour être à peu près d’attaque dans l’après-midi et foncer en salle à nouveau. À raison de trois séances par jour, cinq jours par semaine, on pouvait voir pas loin de 500 films sur grand écran dans l’année. L’année universitaire, c’està-dire. C’était le temps où on était étudiant. Pas en filmo, pourtant. Mais c’était le temps où toute cette pellicule, c’était tout ce qui comptait. – Je pense que ce serait très possible. En fait, le film nous plaît beaucoup. Je pense qu’on pourrait faire quelque chose de vraiment intéressant là-dessus. J’ai vu juste. Le groupe adore. Thibaut, le guitariste, exprime avec la retenue dont il est coutumier le franc enthousiasme du trio. – Épatant ! J’ai tout de suite pensé que ce serait un support visuel très adapté à votre approche postrock un peu prog, répliqué-je. On peut donc s’épargner d’autres recherches et visionnages ? – Je crois que oui. Artefact est un ensemble local guitare-bassebatterie, quasi exclusivement instrumental, qui figure parmi les plus inspirés du courant qu’il illustre, et qui jouit d’une honnête notoriété, dans un registre certes plutôt pointu. Je les ai vus de nombreuses fois, j’apprécie leur musique, leur courte mais brillante discographie n’a
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plus de secrets pour moi. Quand on m’a chargé d’organiser un ciné-concert à inscrire dans le programme de rentrée du centre culturel où je vends ma force de travail, c’est, avant même d’avoir songé à un longmétrage éventuel, à eux que j’ai pensé pour l’aspect sonore de la chose. – Eh bien, il ne me reste plus qu’à me rapprocher du distributeur pour connaître le montant des droits de diffusion, dis-je en guise de conclusion à notre bref échange.
Une rapide requête auprès de notre cessionnaire habituel confirme ce que je subodorais: Phase IV ne figure pas à leur catalogue; il n’existe d’ailleurs pas de droits de diffusion vidéo pour la France. Exit donc la solution DVD. Reste la version 35 mm, à laquelle va notre préférence de toute manière. Il faut contacter directement Paramount France. Ce qui ne présente en soi aucune difficulté, mais fait naître une petite émotion, un irrépressible frisson lié à tout ce qu’évoque la simple apparition sur un écran du célèbre pic montagneux, symbole du studio depuis 1927. Le ton sec et professionnel, quoique courtois, de Mademoiselle Boulanger, mon interlocutrice, rompt cependant assez rapidement le charme. – Monsieur, il n’y a en France qu’une seule copie disponible pour ce film, et je crains que son piètre état nous interdise désormais de la louer. – Mais, objecté-je, nous ne sommes pas opposés à projeter une pellicule un peu fatiguée. Cette copie est-elle à ce point endommagée ?
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– Elle ne répond en tout cas plus aux critères que nous avons mis en place pour la circulation de nos films. – Peut-être la rénovation de la copie est-elle prévue? La projection n’a lieu que dans six mois, tenté-je. – Ni rénovation ni tirage d’une nouvelle copie, j’en ai peur, me répond l’intraitable représentante de la firme cinématographique. Le titre ne génère pas assez de demandes en salles pour que nous envisagions de telles mesures. Pas cette année en tout cas. J’en suis désolée, croyez-le. L’entretien se termine sur cette fin de non-recevoir. Pas de copie 35. Pas de droits de diffusion vidéo. Pas de ciné-concert Phase IV. La sentence est sévère. Les Artefact partagent naturellement ma déception. Mais, autour d’un verre chez Thibaut, on se remonte mutuellement le moral. Ce premier revers ne doit pas refroidir irrémédiablement nos ardeurs. Nous n’en sommes qu’au début du projet. Voyons d’autres films, creusons d’autres pistes ! On évoque plusieurs cinématographies, on réfléchit aux options possibles. La musique du trio a un petit côté cérébral, dont il faudra tenir compte : chez les trois musiciens, pas d’appétence particulière pour le Z ou le film de kung-fu. Pas question non plus de donner dans le tout-venant du film muet, solution de facilité et option tellement rebattue que la simple mention de Metropolis ou de Nosferatu m’exposerait à des regards lourdement réprobateurs. Le champ de nos investigations n’en demeure pas moins assez vaste. Mais on connaît tâche plus rébarbative que d’avoir à faire ce genre de sélection, et galvanisés par l’idée d’un futur accomplissement artistique, nous
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