Supplément Juridique Fiscalité

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Fiscalité Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 30 Janvier 2010



Sommaire

Avant-Propos

Avant-Propos ............................. 3

Titre

Table ronde: La Belgique est-elle un paradis fiscal ?....................... 4 Fisc et délation......................... 10 Le Bouclier Fiscal français: un exemple à suivre?................ 11 Lutte contre la fraude fiscale : vers un nouvel équilibre?......... 13 Impact de la crise économique sur la gestion fiscale................. 14 Le Tax Shelter nouveau est arrivé................................... 15 Importance grandissante des “e-services” en matière fiscale..................... 16

L’herbe est toujours plus verte ailleurs. De l’intérieur de notre beau Royaume, nous fustigeons la rage taxatoire de nos dirigeants pendant que d’autres, de l’extérieur, nous considèrent comme un paradis fiscal.

Une administration fiscale désormais polyvalente et tentaculaire.......................... 17

Pourtant de nombreuses initiatives ont modifié le paysage fiscal de ces dernières années. On pensera bien sûr à la DLU, à la fiscalité verte, au Tax Shelter, aux intérêts notionnels pour évoquer les aspects positifs. Par ailleurs, les conséquences de la crise sur le secret bancaire inquiètent le contribuable.

Le Service des Décisions Anticipées, une opportunité pour les contribuables?............ 18

Qu’en est-il? La Belgique est-elle sur la bonne voie en matière fiscale? At-elle les mains libres dans le contexte européen? Quels sont les récents développements en la matière?

La fin annoncée du secret bancaire et la régularisation fiscale........ 21

Tobin or not Tobin................... 20

Pour répondre à ces questions, RGP et LexGo.be ont réuni les meilleurs spécialistes du marché. Ces derniers vous livrent ici leurs réflexions sur l’actualité en matière fiscale en Belgique.

Bibliothèque............................. 22 Le paquet TVA.......................... 23

Ce supplément s’inscrit dans un projet de suppléments juridiques réguliers. N’hésitez pas à nous contacter pour tout renseignement que vous pourriez souhaiter. Bonne lecture, La rédaction

Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 30 janvier 2010 Rue des Francs,79 - 1040 Bruxelles Tèl:02.211.28.49 - Fax:02.211.28.70 Editeurs responsables: Emmanuel Denis, Henry Visart Coordination et publicité: Luc Dumoulin (02/211 29 54) luc.dumoulin@saipm.com

Rédaction: Coordination: Harold Grondel Rédacteurs: Philippe Galloy, Thierry Afschrift, M.C. Delaisi, Axel Haelterman, André Claes, Pierre Schimp, Benoit Vanderstichelen, Olivier Bertin, Benoît Malvaux, Alain Van Geel

MISE EN PAGE: Azurgraphic sprl Photos: Johanna de Tessières, Geoffroy Van der Hasselt www.Photos.com. Internet: www.lalibre.be


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Supplément juridique : Fiscalité

Table ronde

La Belgique est-elle un paradis fiscal ? Si certains éminents spécialistes de la fiscalité belge considèrent plutôt notre pays comme un «enfer fiscal», d’autres estiment que la Belgique se défend bien grâce à des mesures particulières comme les intérêts notionnels. Dans la concurrence fiscale que se livrent les États, notre pays serait condamné à user de ce type de mécanismes originaux.

Les intervenants du débat organisé à «La Libre Belgique» : Assis de gauche à droite: Albert Wolfs (SPF Finances) André Claes (Deloitte) Thierry Afschrift (Afschrift) Debout de gauche à droite: Harold Grondel (LexGo.be ) Alain Van Geel (Tiberghien)

Olivier Bertin (De Wolf & Partners) Olivier Van Belleghem (Institut des juristes d’entreprise) Benoît Malvaux (NautaDutilh) Luc Dumoulin (RGP) Laurence Durodez (LexGo.be ) Philippe Galloy (Journaliste)


Supplément juridique : Fiscalité

Table ronde

Laurence Durodez

Olivier Bertin

Albert Wolfs

Benoît Malvaux

André Claes

Olivier Van Belleghem

Thierry Afschrift

Alain Van Geel

Axel Haelterman

Thierry Afschrift:

Thierry Afschrift:

La Belgique est plutôt un enfer fiscal ! Dans les classements qui comparent, pour chaque État, le pourcentage de prélèvements obligatoires au PIB (produit intérieur brut, ndlr), la Belgique figure toujours dans les trois premières places. Et ce, quel que soit l’organisme et la méthode employée. C’est avant tout un enfer fiscal pour ceux qui travaillent. D’ailleurs, quand des habitants de pays voisin, notamment de France et des Pays-Bas, viennent en Belgique, c’est rarement pour y travailler. Par contre, les accueillir chez nous reste utile puisqu’ils dépensent de l’argent et paient donc de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée, ndlr). Mais l’investissement de particuliers étrangers dans les banques belges n’a jamais été un phénomène majeur. À ce point de vue, la Belgique n’a pas les atouts du Luxembourg ou de la Suisse. La Belgique n’est donc pas un paradis bancaire. Et si l’on en croit le récent avis du Conseil d’État (qui n’émet pas d’objection sur une proposition de loi visant à obliger les banques à fournir des informations à l’administration fiscale, ndlr), elle n’est pas près de le devenir. Ce n’est d’ailleurs pas son ambition.

La proposition de loi sur laquelle le Conseil d’État vient de se prononcer a pour but de réduire encore davantage le peu de secret bancaire interne qui reste en Belgique.

André Claes: Pour parler de paradis fiscal, il n’y a pas que les taux qui jouent. Parler d’un précompte à 15 % et faire référence aux pays voisins, c’est de la concurrence comparative: notre taux est intéressant dans la mesure où il est un peu plus bas ou suffisamment plus bas que celui de nos voisins. Mais quand on analyse le concept de paradis fiscal, on constate que la Belgique fait beaucoup d’efforts pour ne pas en être un. Notre pays travaille énormément sur les trois autres critères, à savoir l’échange d’information, la transparence et surtout la connectivité avec le territoire. L’administration est relativement attentive à ce dernier critère. Et les dernières conventions conclues avec nos grands partenaires économiques, tels que les États-Unis et le Royaume-Uni, vont clairement vers plus d’échanges d’informations, moins de protection bancaire et plus de transparence.

Olivier Bertin: Alors que ce secret bancaire interne continue à être attrayant pour les étrangers, dans certaines circonstances. Je pense à des résidents Français ayant en Belgique des revenus non déclarés au fisc français. En principe, à partir du premier janvier de cette année, ces revenus devaient être dévoilés à leur administration fiscale en application de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Mais certains contribuables français sont venus s’installer en Belgique pour bénéficier du secret bancaire dans sa dimension interne.

Mais dans ce cas, ils subissent l’ensemble de la fiscalité belge, notamment sur le travail... Olivier Bertin: Oui car ils transfèrent leur résidence fiscale chez nous. Or, notre pression fiscale arrive en troisième position, juste derrière la France et la Chine, dans l’indice de la misère fiscale de 2009 du magazine Forbes. Pour établir ce classement, ce dernier additionne les taux de l’Isoc (impôt des sociétés, ndlr), de l’IPP (impôt des personnes physiques, ndlr), de l’ISF (impôt sur la fortune, ndlr), s’il existe, et des cotisations de sécurité sociale des employeurs et des employés de 63 pays industrialisés.

Thierry Afschrif: De plus, quand on calcule le pourcentage de PIB que représentent les prélèvements obligatoires, on arrive à 46,1 % pour la Belgique. Au cours des dix dernières années, on n’a pas arrêté de dire que l’on réduisait les impôts. Or, il y a dix ans, on était à 46,2 %..

Benoît Malvaux: C’est non seulement le cas de ces conventions préventives de double imposition mais aussi des accords bilatéraux passés avec d’autres États, comme Monaco. Mais dans ce dernier cas, ce sont les Belges qui vont trouver refuge à l’étranger !

Outre ces mesures à l’échelon international, y a-t-il aussi, parmi les décideurs belges, une volonté d’augmenter la transparence ?

Alors, la Belgique, plutôt enfer fiscal que paradis fiscal ? Alain Van Geel: Tout dépend de la connotation. En tout cas, quand on se réfère à la définition de paradis fiscal, la Belgique n’en est pas un. Peut-on parler de fiscalité avantageuse ? La réponse vient d’être donnée. Peut-on parler de paradis bancaire ? Peut-être. Quoique, c’est de moins en moins évident quand on voit les propositions de loi pendantes et l’avis récent du

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Table ronde

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Conseil d’État. En ce qui concerne le secret bancaire ou le transfert d’informations fiscales, quand on lit la loi programme du 30 décembre 2009, on y voit clairement des instructions aux administrations fiscales de transférer les informations entre elles, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Benoît Malvaux: Cela dit, dans le passé, en matière de sécurité sociale, il existait déjà des transferts d’informations.

Thierry Afschrift: Ce qui est neuf, c’est que maintenant, la loi dit que tout contrôleur est censé chercher des renseignements pour toutes les administrations, ce qui permet des dérives. Car en matière de TVA, il ne restait déjà quasiment rien du secret bancaire: ce n’était qu’une question de niveau du fonctionnaire apte à effectuer les recherches. Or, à présent, si un fonctionnaire de la TVA fait une vérification dans une entreprise, il est censé aussi chercher les données relatives à l’impôt sur les revenus. N’étant pas soumis au secret bancaire, il peut obtenir l’accès aux données bancaires et les remettre immédiatement à son collègue de l’impôt sur les revenus. Et non seulement il le peut mais il le doit ! Le petit texte a priori anodin inclus dans la loi programme a donc pour effet, en tout cas pour les entreprises, de ramener le secret bancaire d’un niveau déjà proche de zéro à quasiment rien...

Olivier Van Belleghem: Quand on parle de secret bancaire, je pense que c’est un débat symbolique. En Belgique, il n’y avait de toute façon pas de secret bancaire mais un devoir de discrétion. Et celui-ci était déjà sous pression depuis longtemps. En cas de réclamation, par exemple, l’administration avait déjà accès aux données bancaires. En cas de recouvrement, elle avait déjà la possibilité d’y accéder aussi. Et sur le plan international, sur base des conventions bilatérales qui ont été signées, il existe un échange d’informations sur demande. Et au sein de l’Union européenne, depuis le 1er janvier 2010, la Belgique adhère au système d’échange d’informations automatique. Ce secret bancaire est donc symbolique. Et il le restera, même si la proposition de loi (visant à obliger les banques à fournir des informations à l’administration, ndlr) est votée au parlement. Il y aura toujours une différence entre le système belge et celui qui est appliqué en France ou aux Pays-Bas, par exemple, où, de manière automatique, le secteur bancaire communique des informations à intervalle régulier.

André Claes: Ce qui est frappant, c’est que dans cette relation entre l’administration fiscale et les contribuables, il n’y a en fait qu’une

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vision unilatérale: il s’agit de pouvoir retreindre la capacité d’agir d’un individu et d’augmenter la capacité d’action de l’administration dans un cadre qui cadre qui est principalement répressif. Le concept anglo-saxon de «governance services» (littéralement, «services de gouvernance», ndlr, soit une façon de gouverner qui s’apparente davantage à un service au public qu’à un pouvoir autoritaire) montre que la relation entre l’autorité et ses administrés peut être une bonne chose à la fois pour le contribuable et pour le budget de l’État. Les gens ne recherchent pas l’impôt zéro: ils recherchent souvent un traitement qui soit acceptable, qu’ils considèrent comme raisonnable. Or, certains impôts sont moins raisonnables que d’autres. Une fois que cette relation s’améliore, la situation devient beaucoup plus facile à vivre pour l’administré comme pour l’administration. À cet égard, la fameuse commission sur la grande fraude fiscale n’a pas été une aide. Dans son rapport, l’angle de développement de services entre l’administration fiscale et ses administrés est presque totalement inexistant. On va de plus en plus vers un durcissement des relations.

Thierry Afschrift: Il est clair que cette commission a travaillé à partir de prémisses contenant un certain nombre d’erreurs. Cela ne peut qu’exacerber les conflits. Quasiment toutes les propositions de la commission ont exclusivement pour but d’augmenter les capacités du pouvoir et de réduire les droits du contribuable. On est très loin de la charte du contribuable, dont il ne reste quasiment plus rien. Elle a été grignotée morceau par morceau au cours des dernières années. Quasiment toutes les propositions de la commission vont dans ce sens, à l’exception d’une seule: celle qui prévoit une simplification de la législation fiscale. Mais c’est évidemment la plus difficile à mettre en œuvre. À moins de se diriger vers une «flat tax» (littéralement, «impôt plat», c’est-à-dire impôt à taux unique pour tous, ndlr), telle qu’elle existe dans beaucoup de pays européens actuellement. Il s’agirait de supprimer une grande quantité de réductions d’impôts et de déductions tout en réduisant les taux de base. Cela réduirait très sensiblement les conflits entre administration et contribuables car il y aurait beaucoup moins de querelles sur la détermination de la base imposable. Mais c’est évidemment assez difficile à faire passer dans la Belgique d’aujourd’hui, faite de compromis entre les partis, où chacun veut trouver une petite déduction à sa «clientèle». Sauf peut-être si la crise devenait intenable au point qu’une véritable réforme fiscale s’impose.

André Claes: Les pays où la «flat tax» a été introduite avec succès sont surtout des pays d’Europe de l’est où il y a eu un changement de régime. C’est un fait objectif. La «flat tax» a permis d’y lever un certain impôt minimum parce que l’encaissement était déplorable. En Belgique, je ne pense pas que l’encaissement soit déplorable, au contraire.


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Table ronde

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Albert Wolfs: Il ne faut pas donner une image trop négative des choses. Concernant les aspects internationaux, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr) et l’Union européenne ont les choses en main. À ce niveau, l’échange d’informations et la transparence deviennent une nécessité. Il faut lutter contre la fraude fiscale, ce que personne ne conteste. Mais il y a quand même d’autres aspects dans notre fiscalité, où l’on essaie d’améliorer les relations avec les contribuables. Je pense au ruling (vérification préalable, à la demande du contribuable, de la justesse de ce qu’il compte déclarer, ndlr). Depuis 2005, on a mis en place une commission indépendante. On peut en penser ce que l’on veut. Certes, il y a parfois des éléments «extra legem», où l’administration ajoute des conditions. Mais ce mécanisme offre la possibilité d’arriver à un accord et d’éviter les conflits avec l’administration a posteriori. Par ailleurs, en ce qui concerne l’impôt sur le travail, il existe des petites mesures prises en faveur des heures supplémentaires et du travail en équipe. On essaye de cibler les améliorations là où elles sont absolument nécessaires. À l’avenir, une fiscalité intelligente, tenant compte des marges budgétaires, va renforcer nos points forts et affaiblir nos faiblesses. Par exemple, nous profitions du régime des centres de coordination. Il arrivait à échéance. Nous l’avons remplacé par les intérêts notionnels. En plus, ils ont été entendus à toutes les entreprises, ce qui a eu un impact important. Cela a permis de maintenir de l’emploi, voire d’en créer. On a aussi instauré une législation interne qui ramène le précompte sur le dividende à 0 %. Grâce à toutes ces mesures ciblées, quand je me déplace à l’étranger pour présenter essentiellement l’impôt des sociétés et le statut de cadre étranger, je constate que cela suscite l’intérêt. C’est aussi le cas des mesures en matière de recherche et développement, concernant les brevets dans le domaine pharmaceutique ou encore le précompte professionnel en matière de recherche. Il y a donc une série de pistes qui font que cet aspect «enfer fiscal» est à prendre avec des pincettes. Il existe des lueurs d’espoir dans ce qui se passe à l’heure actuelle. En tant qu’administration, nous essayons de créer un climat de confiance entre les investisseurs et l’État fédéral et, de la sorte, nous essayons d’éviter au maximum les conflits.

Thierry Afschrift: Je ne dis pas que l’administration recherche nécessairement le conflit. Je pense plutôt que c’est au niveau des hommes politiques que l’on tente de l’instituer ! Cela dit, je ne partage pas votre avis concernant les rulings. Ils ont le gros défaut, à moyen terme, d’essayer de transférer le pouvoir décisionnel du parlement vers l’administration. La commission du ruling est censée appliquer la loi mais elle ne l’applique pas dans de nombreux domaines car elle ajoute des conditions, comme vous l’avez reconnu. C’est très dangereux. À moyen terme, on veut instaurer un système où ce

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n’est pas le parlement qui décide mais l’administration qui fixe ses conditions. Et, bien pire, elle les fixe pour les uns et pas nécessairement pour les autres. Cela, c’est tout à fait le contraire du principe de la légalité de l’impôt. Personnellement, je suis un adversaire du ruling compris de cette manière. J’apprécie un certain nombre d’avantages accordés aux entreprises. Mais je pense qu’il serait beaucoup plus intéressant de réduire les taux globalement que d’accorder un avantage ponctuel à certains types d’entreprises. Les intérêts notionnels ont été mis en place parce qu’on ne trouvait pas d’accord politique pour réduire le taux d’imposition des sociétés comme cela avait été annoncé au départ. On a préféré un petit avantage ponctuel qui rend les choses plus complexes et qui, soyons clairs, favorise les grandes entreprises très capitalisées. Ça n’arrange pas les PME pour lesquelles les sources principales de revenus sont le travail et pas le capital...

Albert Wolfs: Lorsque je rencontre des dirigeants de PME, ils me disent le contraire. Elles me disent que les intérêts notionnels leur ont permis soit de maintenir soit d’engager du personnel. On ne doit pas sous-estimer l’impact que cette mesure a sur les PME. Bien sûr, c’est moins connu car cela apparaît moins dans les comptes. On remarque plus facilement les chiffres plus importants de certaines grandes sociétés. On devrait aussi se demander si celles-ci seraient encore aussi présentes en Belgique si on n’avait pas cette mesure. Je suis tout à fait d’accord pour dire que la réduction du taux nominal serait un signal très fort. Mais il faut effectivement un accord politique. Cela se vendrait beaucoup mieux visà-vis des investisseurs. Mais ce que je leur dis lorsque je les rencontre, c’est de faire le calcul de leur taux d’imposition effectif. Quant au ruling, il ne doit évidemment pas dire la loi. Je ne pense pas qu’il aille dans cette direction-là. Les décisions sont prises au cas par cas et la transparence est organisée par la publication des décisions et le rapport transmis au parlement.

Benoît Malvaux: Un rapport qui n’est malheureusement pas public... Il y a un problème à ce niveau-là.

Alain Van Geel: Personne ne conteste le principe du ruling. Mais le traitement du cas par cas montre que dans certaine situations, l’administration demande de respecter des modalités qui ne sont pas exigées dans d’autres cas. Et ces modalités ne sont nullement prévues par la loi. Là, on peut se poser des questions. En outre, il existe des rulings qui ne sont pas publiés. Sur le principe, on est d’accord mais la réalité est tout autre !

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Table ronde

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Au point de faire de la Belgique un enfer fiscal ? André Claes: Depuis 2002-2003, quand la Belgique a vu que la Cour de justice ne suivait pas son point de vue sur les centres de coordination, elle a pris des mesures en matière de précompte mobilier, des exonérations en faveur des intérêts, puis en faveur des dividendes. Nous avons ensuite adopté les intérêts notionnels, le système de ruling, etc. Il y a donc une série de mesures qui partent d’une intention de «governance services» et qui veulent rendre la Belgique plus attrayante. Mais nous n’avons toujours pas décidé si nous voulions devenir un petit grand pays ou un grand petit pays ! C’est-à-dire qu’il y a toujours un retour de manivelle: on freine car on ne veut pas aller «trop loin». Dès lors, on voit d’autres choses: commission de lutte contre la fraude fiscale, échanges d’informations, etc. Ces éléments viennent tempérer l’optimisme.

Olivier Van Belleghem: N’est-ce pas plutôt un problème politique ? N’est-ce pas dû au fait que la Belgique est condamnée à avoir des gouvernements de coalition ? Parfois, au sein même du gouvernement, les vues sont déjà opposées. Une très bonne idée, comme réduire le taux de l’impôt des sociétés à 30 % voire moins, ne peut pas être réalisée parce qu’il y a une opposition politique. On se rabat alors sur des idées telles que l’introduction d’un intérêt notionnel, qui aboutit au même résultat mais pas pour tout le monde et via des chemins complexes. C’est un peu le problème de la Belgique.

Albert Wolfs: Oui mais, d’un autre côté, c’est une fiscalité intelligente. Il faut voir ce qu’il est possible de faire. Une «flat tax» serait sans doute discutable sur le plan de la justice fiscale. Ce qui est possible, c’est une série de petites mesures qui ont été prises et qui arrivent à un résultat acceptable pour le contribuable.

Vaut-il mieux une mesure comme l’intérêt notionnel déductible ou une réduction claire du taux de l’impôt des sociétés ? Thierry Afschrift: Les revenus de l’impôt des sociétés représentent seulement une fraction du budget de l’État. Il est donc peut-être possible de réduire l’Isoc sans un coût trop important. Ça crée-

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rait un appel à l’égard des sociétés étrangères. Réduire l’impôt des personnes physiques de 50 % créerait un problème au point de vue budgétaire mais réduire l’Isoc de moitié serait encore vivable et permettrait d’attirer beaucoup plus d’investisseurs étrangers. Cela dit, nous serions à un taux encore nettement supérieur à celui de l’Irlande, par exemple. Ce ne serait pas scandaleusement concurrentiel.

André Claes: Les intérêts notionnels sont très décriés. Mais si l’on observe les entrées de l’État, entre 2005 et 2008, on constate une croissance de plus de 30 % des revenus de l’Isoc. J’ignore quelle en est la cause. Sans conclure hâtivement que c’est grâce aux intérêts notionnels, on peut en tout cas constater que, d’un point de vue budgétaire, cette mesure n’a pas nui aux finances publiques.

Axel Haelterman: Nous avons étudié le rendement de l’impôt des sociétés d’un point de vue budgétaire. Nous constatons que ce sont essentiellement la conjoncture, d’une part, et les taux d’intérêt, d’autre part, qui jouent. La hausse de ces taux réduisent les bases imposables considérablement (car les sociétés qui contractent des prêts peuvent déduire les intérêts, ndlr) et donc le rendement de l’Isoc pour l’État belge. Avec les intérêts notionnels, cet effet est double puisque non seulement le taux d’intérêt réel augmente mais en plus, l’intérêt notionnel grimpe. Il y a donc beaucoup de conjoncturel là-dedans. Au sujet d’une réduction de taux, non seulement il est très difficile pour la Belgique d’obtenir un accord politique dans ce domaine mais en plus, il n’est pas sûr que notre pays puisse se permettre une course vers le bas au point de vue de l’Isoc. Car les concurrents ne sont pas à 25 % mais à 10 %. La question qui se pose est: quel serait l’avantage comparatif de réduire le taux de l’Isoc de 33 % à 30 % ? Il serait très faible. Il faudrait le réduire à 15 % mais c’est un effort énorme. Dès lors, dans la mesure où nous n’arrivons pas à gagner la bataille au point de vue des taux excessivement réduits, mieux vaut se battre avec les armes dont nous disposons, à savoir ces mesures particulières que sont notamment les intérêts notionnels. D’autant qu’avec cette mesure, nous parvenons à des objectifs que nous ne pourrions jamais atteindre avec une baisse de taux. Par exemple, attirer des centres de financement de groupes de sociétés est possible en Belgique grâce au remplacement des centres de coordination par les intérêts notionnels, qui permettent de cibler certains investisseurs. De grands groupes se sont installés encore récemment en Belgique précisément pour cela. Avec un taux réduit, nous n’arriverions pas à avoir un tel effet d’appel. Philippe Galloy


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sur les revenus et les dépenses excède largement ce chiffre pour les cadres et dirigeants de sociétés. Cela n’est malheureusement pas près de changer,

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• D’abord en vous informant de ce que vous devez faire, pour ne pas risquer, en plus, des sanctions.

• Ensuite en demandant à un avocat fiscaliste d’assurer votre défense en cas de contrôle fiscal difficile, ou pour exercer des recours. En Belgique, près de 50% des jugements des tribunaux donnent raison aux contribuables.

• Vous avez le droit de « choisir la voie la moins imposée ». Il y a souvent plusieurs moyens juridiques d’atteindre un résultat économique. Votre entreprise n’est pas obligée de choisir celui qui rapporte le plus à l’Etat. Les tribunaux reconnaissent au contribuable, personne physique ou morale,

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le droit de choisir la voie « la moins imposée » tant qu’il n’enfreint aucune loi. Il n’y a à cela rien de choquant, la constitution garantit à chacun le droit de ne payer que les impôts prévus pour la loi.

• Ce droit existe aussi sur le plan international. C’est pourquoi nous pouvons vous conseiller à Bruxelles, mais aussi à Luxembourg, Genève, Madrid et Tel-Aviv.

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Thierry AFSCHRIFT • Founder and Managing partner - Afschrift lawyers

Fisc et délation

L

a délation se définit comme la «dénonciation mais toujours en mauvaise part» (Littré). Les régimes totalitaires en raffolent, et les administrations fiscales aussi.

Elle est fréquemment spontanée, parfois provoquée. Aujourd’hui, elle est de plus en plus souvent suscitée par l’Etat, et fréquemment même obligatoire.

La dénonciation spontanée Mues par l’intérêt ou la vengeance, des personnes bien informées, le plus souvent des proches de la personne dénoncée, informent très fréquemment l’administration fiscale de faits de nature à lui permettre de réclamer des suppléments d’impôt à charge de leur victime. L’administration fiscale belge ne rémunère pas de telles informations, mais elle les reçoit volontiers … et les utilise. Une très ancienne circulaire prévoit que, lorsque les éléments d’une dénonciation sont pertinents, les fonctionnaires doivent les vérifier et, systématiquement, les exploiter. La circulaire prévoit même, en contradiction avec le principe constitutionnel d’accès par les citoyens à l’information de l’autorité, que, prétendument «afin d’assurer la concorde entre les citoyens» (sic), les dénonciations doivent être retirées des dossiers lorsque les contribuables demandent à en prendre connaissance, comme la loi le permet. Le plus souvent, les délateurs prennent soin de joindre à leur dénonciation des pièces, aussi accablantes que possible, pour le contribuable. Il est fréquent que de tels documents soient recueillis illégalement : détournements de documents par un ancien employé, vol pur et simple, enregistrements illégaux de conversations. Il va de soi que, lorsque le délateur commet à cette occasion une infraction pénale, il peut être poursuivi pour celle-ci, alors que la délation, en revanche, n’est pas sanctionnée comme telle. Certains délateurs agissent aussi par intérêt, et, souvent, procèdent d’abord à un chantage, plutôt que de recourir directement à la dénonciation. Il s’agit alors d’un délit d’extorsion. On s’intéresse en général moins à la situation juridique des personnes qui reçoivent les renseignements. Il est admis qu’il est inhérent à la fonction de policier de recevoir de telles dénonciations s’ils ne font rien pour susciter les infractions pénales qui accompagnent celles-ci. Peut-on en revanche être certain, en droit, que des contrôleurs du fisc, qui ne sont pas chargés de la poursuite d’infractions pénales, agissent conformément à la loi lorsque, consciemment, ils reçoivent des documents qu’ils savent volés ? Il est vrai que l’administration fiscale belge ne rétribue jamais de telles informations, mais, même en l’absence de rémunération, il reste constant que le fait de recevoir des biens que l’on sait provenir d’une infraction peut être qualifié de recel, et cela vaut tant pour des documents originaux, ou même des photocopies, que pour des biens de valeur. Et la loi ne -prévoit aucune immunité pour les agents du fisc … Dans le climat actuel, les maîtres chanteurs, et autres délinquants cherchant à monnayer des informations confidentielles échappent régulièrement à toutes poursuites. On se souviendra à ce propos que l’Allemagne, après avoir rétribué grassement un informateur au sujet de fondations du Liechtenstein sur lesquelles celui-ci s’était procuré des informations de manière illégale, a, par la suite, refusé toute entraide judiciaire au Liechtenstein, pays dans lequel, légitimement, des poursuites pénales ont été exercées contre cette personne.

La dénonciation obligatoire Dans notre système juridique, il a toujours existé, à charge des fonctionnaires publics uniquement, une obligation de dénoncer les délits dont ils avaient connaissance. Pour les particuliers, aucune sanction n’est en général prévue pour celui qui s’abstient de dénoncer son prochain, à l’exception de certains crimes graves. La situation évolue toutefois vers un système, aux relents totalitaires, d’obligation de transmettre certaines données à des administrations. Les codes fiscaux prévoient déjà l’obligation de répondre à des demandes de renseignements portant sur la situation fiscale de tiers, et ce sous peine d’amendes. La situation des personnes interrogées est souvent délicate, dans la mesure où ils doivent choisir entre la loyauté envers leurs cocontractants et la crainte des pouvoirs de l’administration. Des membres de professions de plus en plus nombreuses sont tenues, en vertu d’une législation dite préventive «du blanchiment et de la prévention du terrorisme» d’informer une administration, la Cellule de traitement des informations financières (CETIF), non pas d’infractions dont ils ont connaissance, mais de simples soupçons. L’utilisation des données ainsi communiquées porte désormais essentiellement sur des infractions fiscales. Le système révèle ainsi son objectif véritable, bien caché à l’origine : permettre à l’administration fiscale, informée via les Parquets, de compter sur une collaboration spontanée mais obligatoire des banques, des compagnies d’assurances, des notaires, des casinos, des experts-comptables, des réviseurs d’entreprises, des agents immobiliers, et de multiples autres professions … pour assister indirectement le fisc. Les professionnels réfractaires encourent de lourdes amendes s’ils ne dénoncent pas alors qu’il aurait légalement fallu le faire, tandis qu’ils n’assument en principe aucune responsabilité lorsqu’ils dénoncent à tort des personnes qui n’ont commis aucun délit … D’un système d’accueil passif de la délation, on est arrivé ainsi à l’institutionnalisation, chaque jour élargie (encore récemment par une loi du 18 janvier 2010), d’une obligation légale de délation. Le législateur a même prétendu étendre de telles obligations à ceux qui, dans un Etat de droit, sont l’ultime recours de l’individu face au pouvoir : les avocats. Il a fallu une courageuse décision de la Cour constitutionnelle en 2008 pour faire prévaloir – quand même – leur secret professionnel sur une telle obligation de délation, et consacrer que, tant dans leur activité de défense que dans celle de conseil, ils échappent à une obligation de dénoncer, c’està-dire de trahir la confidence de leurs clients. On trouve toutefois, dans le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur la fraude fiscale, de nouvelles propositions, inconciliables avec la protection de la vie privée et les droits de la défense, d’étendre les obligations de dénoncer. Une récente proposition de loi pour lever le secret bancaire en matière fiscale, vise également à obliger les banques à révéler annuellement la liste de tous les titulaires de comptes, ce qui constitue une nouvelle méthode de délation organisée. Face à l’Etat qui veut tout savoir, à n’importe quel prix, la Constitution et la Convention Européenne des Droits de l’Homme sont mises à rude épreuve.


Supplément juridique : Fiscalité

Le Bouclier Fiscal français: un exemple à suivre?

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nstitué sous le gouvernement Villepin1 durant la présidence de Jacques Chirac, à une époque où l’ISF2 faisait craindre aux politiques un exode fiscal massif de riches français vers les nombreux «paradis fiscaux» frontaliers (Belgique et Suisse) ou transmanche (Royaume-Uni), le bouclier fiscal français est souvent présenté comme une illustration du particularisme et de la complexité du système fiscal français. Etabli sur le principe simple que «trop d’impôt tue l’impôt» et qu’au-delà d’un certain seuil d’imposition le revenu de l’impôt pour l’Etat décroit3 , le bouclier fiscal français a aussi une vocation de justice fiscale. Pour justifier le bouclier fiscal, le Conseil d’Etat relève en effet que «l’exigence d’une répartition équitable de l’impôt à hauteur des facultés de chacun serait méconnue, non seulement si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire, mais aussi s’il faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives»4 . Reste alors à réécrire, l’article 1 du CGI5 pour faire de ce principe une réalité fiscale. L’article 1 dudit Code dispose donc que «les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50% de ses revenus». Initialement le dispositif prévoyait un seuil de 60% et ne concernaient par les prélèvements sociaux (CSG, CRDS6 etc..), la loi TEPA du 1er août 20077 a abaissé le seuil et intégré les contributions sociales au titre des impôts servant de référence au bouclier fiscal.

Une règle de calcul simple, une mise en œuvre plus compliquée Quels sont les revenus pris en compte pour l’application du bouclier fiscal? Tous ou presque: les salaires, les plus values (y compris celles exonérées) les revenus fonciers, les intérêts de plans d’épargne populaire ainsi que ceux générés par les contrats d’assurance-vie en euros (mono support même sans effectuer de retrait)8 . N’entrent pas dans le calcul: les plusvalues immobilière exonérées, les plus-values mobilières dans la mesure où le seuil de cession de 25.000 € n’est pas dépassé, les prestations sociales, les gains (mais pas les retraits) sur PEA, et contrats d’assurance-vie multisupports sous certaines conditions9. Ceci établit, le bouclier fiscal se formule comme suit: (IR + PSx) sur RN + (ISF+TH+TF) n+1 < 50% Rn

(Rn: revenu de l’année; PSx: Prélèvements sociaux ; R: revenus ; TH: taxe d’habitation & TF: taxe foncière afférente à l’habitation principale). L’une des difficultés principales de mise en œuvre du bouclier fiscal est liée à son mécanisme même, à savoir qu’il est fondé sur une demande de restitution par le contribuable à l’administration du trop-perçu par application du calcul susmentionné. Le dispositif d’accompagnement du mécanisme du bouclier fiscal prévu à l’article 1649-0 A du CGI est d’une mise en œuvre complexe et a d’ailleurs à ce jour été déjà complété par cinq instructions administratives. En effet, les différents impôts devant être déclarés sur la base des revenus de l’année n-1, ce n’est que l’année suivante n+1 qu’une demande peut être introduite pour obtenir le remboursement des sommes perçues en trop. Ce mécanisme obligeait les contribuables à avancer des sommes qui leur étaient remboursées par la suite. Il est clair que ce mécanisme n’était pas tenable et a dès lors été modifié. Désormais, le contribuable peut payer le montant dû au titre du bouclier fiscal en imputant lui-même sur son impôt les sommes qui le feraient passer au-delà du seuil global de 50% d’imposition. Par ailleurs, il convient également de signaler que l’une des conditions d’application du bouclier fiscal a peut-être découragé certains bénéficiaires. Comme il a été précisé plus haut, le droit à restitution ne porte que sur les «impositions régulièrement déclarées». Bien évidemment, le système ne peut se concevoir s’il offre une solution d’évitement de l’impôt pour les fraudeurs fiscaux, il n’en reste pas moins que la règle - notamment en matière d’ISF lequel est soumis à deux plafonnements successifs – a été appliquée de manière particulièrement rigoureuse par les services fiscaux, notamment face à des contribuables de bonne foi !

Qui est protégé par le bouclier? Les contribuables fortunés bien évidemment, en premier lieu, puisque la tranche marginale de l’impôt sur le revenu ne dépasse pas 40%. Il s’agit principalement des contribuables imposés à l’ISF. 755 foyers fiscaux (patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros) ont ainsi bénéficié, en 2008 , de 66% des sommes remboursées. Parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal, mais dans une moindre mesure, on compte également des ménages plus modeste en termes de revenus, mais propriétaires de biens immobiliers et donc fortement imposés par la taxe foncière. Certains seraient même allocataires du RMI10 ! Cette deuxième catégorie re-

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Supplément juridique : Fiscalité

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présentait toujours en 2008, 8338 foyers qui se seraient vus restituer 4,8 millions d’euros. Notons que le bouclier fiscal concerne désormais les étrangers vivants en France11 depuis plus de trois ans, et ne bénéficiant plus du statut de «non-résidents».

C’est l’Allemagne qui a ouvert la voie en 1995 en abrogeant son impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour se conformer aux principes consacrés par la Cour constitutionnelle de Karslruhe13: «l’ISF doit être calculé de telle sorte que, additionné avec d’autres impôts, il laisse intacte la substance du patrimoine et puisse être acquitté grâce aux revenus

Efficacité du bouclier fiscal

qui peuvent habituellement en être retirés ; à défaut, l’ISF conduirait à une confiscation progressive et imposerait le

La complexité d’application du système est certainement à l’origine du nombre peu élevé de contribuables ayant sollicité le bénéfice de la mesure, par rapport aux candidats potentiels dénombrés par Bercy12 . En 2007, seuls 20.000 contribuables ont déposé une demande, 14.000 demandes ont été honorées, alors que Bercy en avait identifiées près de 93.000. Pour 2008, seuls 23.000 demandes (dont 19.000 ont été honorées) ont été reçues sur les 235.000 contribuables que Bercy escomptaient pouvoir compter parmi les bénéficiaires ! Selon le rapport du député Carrez, il apparait que seuls 41% des «plafonnés-plafonnés à l’ISF» ont demandé à bénéficier du bouclier fiscal, alors qu’ils sont nécessairement bénéficiaires du bouclier fiscal, puisque celui-ci se déclenche à un seuil nettement plus bas (50% contre 85%).

contribuable de façon exorbitante ... L’ISF ne peut s’ajouter aux autres impôts que dans la mesure où la charge fiscale totale pesant sur les revenus ne dépasse pas 50%». Une forme de bouclier fiscal existe également au Danemark, en Finlande et en Suisse. Les Etats-Unis connaissent quant à eux un système différent: l’AMT (Alternative Minimum Tax) consistant à appliquer un taux unique - ne prenant pas en compte la plupart de déductions et crédits d’impôts bénéficiant aux autres contribuables - pour les contribuables dont l’impôt payé est manifestement faible par rapport à leur revenu. Il s’agit bien plus d’un système permettant d’éviter que l’impôt ne

S’agissant de la rentabilité et de l’efficacité économique du bouclier fiscal, les avis divergent évidemment entre les défenseurs et les détracteurs du dispositif. Pour 2007, le coût budgétaire a été établi à 578 M€, et a concerné 18.893 bénéficiaires qui ont reçu un remboursement moyen de 30.593 €.

soit pas éludé, ce qui n’est pas l’objectif du bouclier fiscal tel que conçu par la France.

En terme de lutte contre l’évasion fiscale (dont c’était l’un des objectifs affichés), il est difficile d’affirmer que les redevables de l’ISF sont rentrés au pays ! Il semble qu’en 2007 (date du 1er bouclier fiscal), la France ait enregistré une diminution des départs de 15% et une hausse des retours de 9% .

fiscal à la française n’existent pas en Belgique si l’on s’en

Le bouclier fiscal une exception fiscale française?

guère séduisant pour notre pays. Quant à la question de

Pas exactement ! La protection des citoyens contre le cumul d’impositions confiscatoire constitue une préoccupation partagée par de nombreux pays européens.

peut-être pas à rejeter en bloc.

Vers un bouclier fiscal belge? Les principes sous-jacents à la mise en place du bouclier tient principalement à celui de l’exode fiscal. S’agissant de l’efficacité économique d’une telle mesure fiscale, le système français - certes complexe - (car se juxtaposant à l’ISF, lequel n’existe pas en Belgique) est semble-t-il peu performant en terme de rentrées budgétaires. Il ne parait donc savoir si l’on souhaite aller vers une plus grande justice fiscale, alors le principe d’un «bouclier fiscal à la belge» n’est

M.C. Delaisi

1. Loi de Finances pour 2006 2. Impôt de Solidarité sur la Fortune 3. Principe mis en évidence par la courbe établie par l’économiste Arthur Laffer 4. Décision du Conseil d’Etat du 29 décembre 2005 5. Code Général des Impôts 6. Contribution Sociale Généralisé, Contribution au Remboursement de la Dette Sociale 7. Lors de la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé les principes de calcul de ce nouveau bouclier fiscal 8. Notons que les modalités de prise en compte des revenus des contrats d’assurance-vie font l’objet d’une approche divergente entre l’administration française et les contribuable. De nombreux tribunaux administratifs ont été saisis sur ce point. 9. Voir note 8 10. La plupart d’entre eux étant situé sur l’île de la Réunion 11. Loi de Modernisation de l’Economie – 12 juin 2008 12. Ministère de l’Economie et des Finances 13. Décision du 21 juin 1995


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Axel Haelterman - tax partner - Freshfields Bruckhaus Deringer LLP

Lutte contre la fraude fiscale: vers un nouvel équilibre?

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a lutte contre la fraude fiscale engendre des frustrations profondes. Dans le chef des agents du fisc d’une part (difficulté, voire impossibilité, d’obtenir des condamnations pénales dans les dossiers qu’ils considèrent comme frauduleux), et dans celui des contribuables de l’autre (ils se voient trainés en justice pour des pratiques fiscales que leur ont recommandées des réviseurs ou experts-comptables réputés et doivent attendre plusieurs années avant de pouvoir obtenir gain de cause). La commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner les grands dossiers de fraude fiscale a résolument opté pour une série de mesures tendant a réduire ce sentiment. Certaines de ses recommandations ont entre-temps été critiquées par le Conseil d’Etat ; d’autres ont été reçues très favorablement par différents intervenants dans le débat. Ainsi est-il notamment acquis qu’un véritable secret bancaire n’est plus de notre époque, et qu’aucun fraudeur ne devrait pouvoir se réfugier derrière l’impossibilité pour les autorités d’obtenir toutes les informations nécessaires auprès des institutions bancaires. Par ailleurs, un groupe de travail mis en place par le gouvernement a tenté de présenter une charte du contribuable actualisée (en rappelant les droits de la défense, la séparation des pouvoirs, etc) tout en approuvant certaines des recommandations de la commission d’enquête. L’ensemble des éléments et arguments développés — tels que le respect des droits du contribuable, l’efficacité dans le traitement des dossiers et la volonté d’éviter les doubles emplois - mène au constat d’un accord global sur le fait que certains dossiers devraient être traités par l’administration fiscale, et d’autres par le parquet. Cette approche est à ce jour communément désignée comme l’approche una via. Voilà donc une occasion unique pour procéder à un remaniement et à une modernisation des éléments de procédure importants dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale. Le gouvernement n’a donc pas hésité à créer un groupe de travail ayant pour mission d’élaborer une approche una via dans des textes de projets de loi, en reprenant certaines recommandations parlementaires mais également certains éléments apportés par le groupe de travail «charte du contribuable». Voici l’esquisse de ce qui pourrait être le fil conducteur du remaniement. Jusqu’à présent, toutes les infractions fiscales intentionnelles étaient tenues pour constitutives de fraude fiscale pénalement répressible. Dans le nouveau cadre en revanche, on distingue la fraude importante qui mérite une poursuite pénale, des infractions plus «communes». La fraude importante est celle pour laquelle il existe une valeur sociale ajoutée à déclencher la mise en œuvre de tous les pouvoirs d’enquête des autorités judiciaires. Par exemple: la création d’une structure fiscale visant à obtenir des commissions «en noir» pour de larges montants. A côté de celle-ci figurent toutes les infractions fiscales considérées comme «courantes» qui seraient uniquement traitées par l’administration fiscale et sanctionnées par des amendes administratives (éventuellement importantes dans certains cas). Par exemple: de mauvaises imputations comptables. Cette dépénalisation de toute une série d’infractions — même intentionnelles— aura pour effet de rendre beaucoup plus efficace la lutte contre la fraude fiscale «courante», dont l’objectif est de récupérer rapidement les impôts éludés.

Afin de mettre l’administration fiscale en mesure de lutter efficacement contre ce deuxième type d’infractions, et par ailleurs contre une série d’abus évidents en matière de planification fiscale, il y a lieu de réintroduire dans notre fiscalité une nouvelle disposition anti-abus de portée générale et de permettre au contribuable d’en soumettre l’application à la commission de ruling. La disposition fiscale anti-abus actuelle étant devenue pour ainsi dire «lettre morte» suite à quelques arrêts de la Cour de Cassation, il devient nécessaire de la réformer. II ne peut être exclu que l’exemple français puisse nous inspirer en cette matière. Cette même approche est également développée en ce moment au sein de l’institut fiscal, à la KULeuven (par les professeurs de Broe et Haelterman): l’introduction d’une approche una via avec dépénalisation d’une série d’infractions, accompagnée d’une proposition d’introduction d’une nouvelle disposition anti-abus ayant une effectivité réelle. Neutralité fiscale des restructurations financières: arrêté royal souhaité La loi sur la continuité des entreprises en difficulté comporte des dispositions fiscales importantes. Ces dispositions consacrent la neutralité fiscale qui est essentielle en vue d’éviter de pénaliser indûment les entreprises en voie de redressement et leurs créanciers sacrifiés sur l’autel de la réorganisation judiciaire. Axel Haelterman, associé du cabinet d’avocats Freshfields à Bruxelles et professeur à la KULeuven, est intervenu comme conseil fiscal dans plusieurs opérations de restructuration financière. Celles-ci ont le plus souvent comporté soit des abandons de créances soit des «debt/equity swaps», à savoir des conversions de créances par les partenaires financiers en participations au capital. «La commission de ruling joue un rôle très positif et constructif pour ce qui concerne les abandons de créances et la conversion de créances en actions, mais la loi sur la continuité des entreprises, de son côté, apporte des garanties de neutralité fiscale additionnelles» confirme Axel Haelterman. II songe à la possibilité pour le créancier de pouvoir opérer une déduction pour perte sur créance dès le moment de l’homologation par le tribunal, voire sa prise d’acte de l’accord amiable intervenu. II s’agit également de la certitude pour le débiteur de ne pas voir traités comme un bénéfice imposable les abattements de créances qui réduisent son niveau d’endettement. Un arrêté royal devant déterminer les modalités d’application de dernier principe est toujours en attente. Axel Haelterman confirme cependant, en se référant notamment à l’avis du Conseil d’Etat, que «le texte légal connait une «application directe» en ce sens que l’exonération qu’il prévoit peut déjà être invoquée à ce jour par des contribuables concernés.» Et Axel Haelterman d’ajouter une observation technique importante: «L’arrêté royal fixant les conditions d’application devra confirmer que l’exonération au niveau du débiteur pourra être opérée via ce qu’on appelle une augmentation extracomptable de la situation de début des réserves. Voilà en effet la seule approche permettant de garantir que l’exonération soit définitive et complète, à l’instar de l’exonération des plus-values sur actions.»

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Supplément juridique : Fiscalité

André Claes, Associé - Deloitte

Impact de la crise économique sur la gestion fiscale

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ans le présent article nous abordons l’impact de la crise économique sur la gestion fiscale des entreprises, ensuite nous illustrerons brièvement son impact sur les particuliers, et sur la stratégie fiscale de l’Etat. La législation fiscale est en mouvement permanent, mais elle n’est pas responsable de l’inconfort causé par la crise. Nous avions même connu avant la crise économique, une certaine stabilité fiscale au plan législatif. En effet, malgré une fragmentation des sources allant de l’Europe aux régions jusqu’aux communes, les taux d’imposition principaux n’ont pas augmentés au cours des dernières années, -certains ont même diminués de manière spectaculaire, par exemple certains barèmes de droits de succession- les règles de déduction de charges sont restées relativement stables, les règles d’exemption n’ont pas été restreintes et, pour clôturer cette liste non-exhaustive, la taxation des contributions au deuxième pilier de pensions ainsi que la taxation des paiements de capitaux ou de rentes sont restés stable. Toutefois la crise économique est venue déstabiliser le paysage présenté ci-dessus. En effet des facteurs tels que l’incertitude grevant les performances des entreprises liée aux déficits importants des budgets de l’Etat, et à la rareté du crédit ont créé une onde de choc qui a accru la pression sur la gestion fiscale. Nous verrons que la réalité se situe bien loin d’une perception qui pourrait être qu’en période de crise les fiscalistes se contentent de gérer les pertes. Pour le fiscaliste d’entreprise ce nouveau paysage a eu principalement trois conséquences. La première conséquence est certainement la focalisation créée par la crise économique sur le cash. C’est évidemment la conséquence directe de la rareté du crédit qui a mis l’accent sur la gestion du cash dans tous les domaines de l’entreprise. Celle-ci a forcé les à regarder la fiscalité de manière globale et à analyser de beaucoup plus prêts l’impact du cash flow fiscal total sur son bilan. En matière d’impôts directs, il s’agit non seulement de gérer le processus de paiement des versements anticipés ou les demandes de reports de ceux-ci, il s’agit aussi de s’assurer de l’efficacité financière de la déduction des coûts encourus, et de tenter d’organiser une forme de consolidation internationale afin d’éviter notamment de la double imposition. En matière TVA nous avons constaté que les entreprises savent que le caractère techniquement neutre de la taxe ne prévenait pas des situations courantes où de grosses créances TVA se retrouvaient avec à l’actif du bilan. Plusieurs mois ou plusieurs années étaient parfois nécessaires à récupérer cet argent. Un autre cas pratique est celui où les garanties financières assurant le report de paiement de la TVA à l’importation n’étaient plus ajustées à l’ampleur des opérations. En termes de gestion des salaires et des avantages aux employées nous avons également constaté que beaucoup d’entreprises ont entamé une revue fiscale de l’impact de leurs structures de salaires. Dans tous ces domaines la focalisation sur le cash est devenue totale. La deuxième conséquence pour le fiscaliste d’entreprise est la fluctuation des résultats qui l’a forcé à se concentrer sur la gestion de risques d’une manière différente. En période de crise économique le fiscaliste est forcé de gérer les risques d’une manière beaucoup plus dynamique, c’est-à-dire par anticipation. Deux phénomènes ont mis un accent neuf sur les risques liés à la fiscalité et la crise les a mis enrelief. D’une part, la gouvernance d’entreprise qui impose aux administrateurs de s’intéresser aussi à des domaines plus techniques tels que la fiscalité. D’autre part, l’internationalisation croissante des transactions et des processus d’entreprise ont rendu beaucoup plus complexe la gestion de la fluctuation des résultats. Cette situation doit être couplée à l’émergence des normes comptables IFRS qui ont eu pour conséquence une augmentation du volume dl’information fiscale fournie par l’entreprise dans ses comptes consolidés. Cela concerne non seulement le cash flow

fiscal mais aussi la gestion des impôts différés. Le fiscaliste a donc dû mettre sur pied des méthodes gestion de ces risques y compris dans des domaines qui n’étaient pas toujours ses domaines rapprochés de prédilection technique. Ce sont par exemple tous les impôts indirects tels que le TVA ou les droits de douanes ainsi que la fiscalité liée aux paiements des salaires. Ces derniers sont des domaines qui sont souvent «outsourcés» à d’autres départements de l’entreprise, le département financier ou le département des ressources humaines, mais où les directeurs fiscaux sont souvent intervenus pour dynamiser la gestion de risques liés aux obligations fiscales. Enfin , la troisième conséquence est la mise en avant du double son rôle de conseiller d’une part et de gestionnaire dans l’entreprise d’autre part. La fluctuation des résultats des sociétés, les variations rapides par rapport aux budgets, et les besoins de financements ont eu pour conséquence que le fiscaliste ne peut plus se contenter d’être un spectateur qui émet des avis mais il est devenu un acteur potentiel dans tous les processus de l’entreprise. L’entreprise s’étant dans la plupart des cas fortement internationalisée, la capacité de gérer en même temps plusieurs systèmes fiscaux et de les intégrer dans une mesure comparable aux divisions opérationnelles est devenue un impératif. Le directeur fiscal a dû s’intéresser au processus de décision de l’entreprise auquel il doit pouvoir participer en se basant sur des informations structurées de manière telle à pouvoir avoir un impact sur les décisions. L’époque où le fiscaliste vivait dans l’histoire, gérant à partir de l’information contenue dans les déclarations fiscales est révolue. A titre d’illustration, les phénomènes de centralisation des fonctions financières, de simplification et d’informatisation des tâches administratives, d’outsourcing de celles-ci ou de réorganisations présentent autant de défis. Les programmes de réductions de coûts ont non seulement comprimé les dépenses de fonctionnement des entreprises, mais aussi entraîné des modifications opérationnelles qui ont à leur tour eu des conséquences sur la gestion fiscale. La mise en place d’équipe de gestions «virtuelles» dont les membres sont localisés dans plusieurs pays et utilisent les nouvelles technologies pour communiquer et décider, est un autre exemple concret de mesure qui pose de nouveaux défis. En ce qui concerne l’impôt des personnes physiques, la crise économique a elle aussi amené des changements si pas de comportements en tout cas de préoccupation. Les questions liées à la gestion des droits de successions – on pense aux successions ouvertes avant une chute de cours spectaculaire - et celles liées à la mise en place de la directive épargne et à l’intensification des échanges d’information menée par le G2O induisent de nouveaux comportements, à leur tour influencés par les fluctuations très importantes qu’on connu beaucoup de patrimoine privé. L’impact de la crise économique n’a pas épargné les recettes fiscales de l’Etat. Au niveau des administrations la crise sera le catalisateur favorisant l’utilisation de méthodes de contrôle plus efficaces. L’utilisation des techniques de data mining pour contrôler des opérations spécifiques va se répandre. Un exemple fin 2009 sont notamment les contrôles sur des opérations de réorganisations liées à l’intérêt notionnel. L’administration va aussi bénéficier de nouveaux flux d’information suite à la mise en place de conventions permettant l’échange internationale d’information. Dans la mesure où nos charges fiscales sont déjà parmi les plus élevées par rapport au produit intérieur brut, l’ augmentation des taux d’impôts pour combler le déficit n’est probablement pas une option réaliste. On doit dès lors s’attendre à une stratégie visant à améliorer la base soumise à l’impôt.


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Le Tax Shelter nouveau est arrivé

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e Tax Shelter en matière audiovisuelle a été instauré en 2003. Depuis ce sont près de 300 millions d’euros qui ont été investis par ce biais. En Communauté française, les fonds apportés par cette mesure atteignent les montants des fonds publics alloués à la création audiovisuelle. Pas de doute que le système fut régulièrement qualifié de «bouffée d’oxygène pour le cinéma belge».

Pour rappel, ce mécanisme visant à promouvoir la production audiovisuelle en Belgique permet à des entreprises établies en Belgique et investissant dans des productions de bénéficier d’une exonération fiscale équivalent à 150% de leur mise. Cette dernière est toutefois limité à 50% du bénéfice imposable de l’investisseur et ne peut excéder 750.000 EUR.

Afin de pouvoir bénéficier de l’exonération fiscale, l’investisseur doit répondre à un certain nombre de conditions relatives à la maison de production, à l’investisseur, au type d’investissement et à l’œuvre en elle-même.

C’est ce dernier point qui a été modifié conformément au projet de loi déposé en mai par le sénateur Philippe Mahoux (PS). Le Tax Shelter était jusqu’ici réservé aux longs métrages (longs métrages de fiction, documentaire ou d’animation, destiné à une exploitation cinématographique, série télévisuelle d’animation ou un programme télévisuel documentaire), agréée par les services de la Communauté concernée comme œuvre européenne telle que définie par la directive «Télévision sans frontières» du 3 octobre 1989 (89/552/EEC).

Or depuis le 1er janvier cette limitation qui fixait la durée minimale du résultat produit à 60 minutes est supprimée. Les courts et moyens bénéficieront dès lors aussi de la mesure.

Une nouvelle aubaine … Outre le fait qu’il étend la zone de prospection des investisseurs, ce changement va permettre aux jeunes talents de recourir à l’argent issu de la mesure fiscale. Le court métrage est en effet la première étape de la plupart des carrières dans le cinéma. La mesure a prouvé qu’elle mettait nos techniciens au talent réputé au travail sur les longs. Gageons que l’effet sera identique pour les moyens et courts métrages.

… conditionnée à la crise … L’effet bénéfique attendu risque toutefois d’être contre balancé par la crise économique actuelle. La mesure ne s’applique qu’aux bénéfices des investisseurs et permet un traitement fiscal de faveur. Cependant, les circonstances économiques actuelles n’incitent pas à la recherche d’affectation de bénéfices ceux-ci étant sensiblement plus maigres que par le passé.

Aménée à s’étendre ? Jenne De Potter (CD&V) souhaite en effet étendre le dispositif à la production de jeux vidéos tandis que le Ministre des Fianances, Didier Reynders (MR) souhaite que les infrastructures sportives puissent en bénéficier et ce afin de trouver les fonds nécessaires aux financement des infrastructures nécessaires pour la Coupe du monde de football n 2018 pour laquelle la Belgique s’est portée candidate.

Quels résultats? Comme mentionné plus haut, le système aurait déjà permis de financer la création audiovisuelle à hauteur de plus de 300 millions. On dénombre presqu’un millier d’entreprises ayant eu recours à la mesure et 4000 engagements temporaires ont été contractés sur des projets bénéficiant de la mesure. Parmi les films concernés, on retiendra tout particulièrement L’Enfant des frères Dardenne (Palme d’or à Cannes 2005) et Mr Nobody de Jaco Van Dormael (Prix du meilleur Décor à la Mostra de Venise 2009) mais aussi Coco avant Chanel, Le Petit Nicolas. Pierre Schimp

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Benoit Vanderstichelen, Associé - Deloitte

Importance grandissante des “e-services” en matière fiscale Comme dans de nombreux autres domaines, l’introduction des «e-services» gagne de l’importance en matière fiscale. A l’heure actuelle, la plupart des autorités fiscales permettent, voire obligent les contribuables à introduire différents types de déclarations par voie électronique. Souvent, l’introduction de déclarations fiscales sur papier est seulement autorisée dans des cas très spécifiques.

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n exemple de cette évolution dans le domaine du «e-filing» est l’introduction récente, à partir de Janvier 2010, du dépôt par voie électronique des demandes de remboursement de la TVA supportée à l’étranger par les assujettis européens. Chaque Etat membre met à disposition de ses assujettis un portail via lequel ces derniers introduiront leurs demandes qui seront ensuite transmises à l’Etat de remboursement. L’introduction de telles demandes constituait jusqu’à présent une procédure lourde nécessitant de joindre de nombreux documents sur papier à la demande. Parmi ceux-ci, il y avait le certificat d’assujettissement, qu’un assujetti peut obtenir auprès des autorités fiscales compétentes. Cette attestation était seulement valable pour une période d’un an. Ainsi, chaque année, un nouveau document sur papier devait être demandé auprès des autorités fiscales et être annexé à la demande de remboursement. Désormais, les autorités fiscales du pays d’établissement de l’assujetti, communiqueront ce statut directement à l’Etat où l’assujetti postule le remboursement de la TVA étrangère, sans échange de documents papier. De même, les factures papier pour lesquelles un remboursement de la TVA est demandé ne devront plus être jointes à la demande. L’Etat de remboursement pourra requérir des copies de factures qui excèdent un certain montant, si cela s’avère nécessaire afin de statuer sur la demande.

De même, l’e-invoicing, procédure actuellement adoptée, suivant des estimations, par 2% à 5% des assujettis, tend à se développer rapidement. Ce phénomène devrait s’accélérer avec la simplification de la procédure à partir du 1er janvier 2010. Le 21 décembre 2009, un nouvel arrêté royal a été publié, supprimant les exigences existant jusqu’alors, d’utiliser une signature digitale avancée, E(lectronic) D(ata) I(nterchange) ou une autre méthode moyennant l’approbation des autorités fiscales belges. La nécessité d’un accord préalable entre le fournisseur et le client avant l’émission de factures électroniques et la condition de garantir l’authenticité de l’origine et l’intégrité des contenus de la facture électronique sont maintenus. Les assujettis peuvent désormais dé-

terminer plus librement une méthode de facturation qui répond à ces exigences et qui s’adapte aux particularités de l’entreprise et de l’activité.

En ne précisant plus la manière dont les assujettis doivent se conformer aux conditions d’authenticité et d’intégrité, la Belgique suit l’exemple néerlandais. Aux Pays-Bas, le e-invoicing a été simplifié depuis février 2009 dans le but de diminuer les coûts pour les entreprises et dès lors de favoriser la migration vers cette méthode de facturation.

Les règles TVA concernant l’archivage des factures n’ont pas été modifiées par le nouvel arrêté royal précité. Cela signifie que les factures électroniques peuvent être stockées dans un autre Etat membre européen pour autant que celles-ci soient accessibles en ligne depuis la Belgique. Les données garantissant l’authenticité et l’intégrité des factures doivent également être conservées. Cela signifie aussi que la Belgique doit encore faire un pas supplémentaire pour faciliter la vie des entreprises car si les exigences en matière de facturation électronique ont été simplifiées, cette simplification doit également être étendue en matière d’archivage ce qui n’est pas encore les cas. Ces mesures sont à l’étude et nous espérons que la Belgique ne tardera pas trop à adapter ses conditions en matière d’archivage.

Rappelons enfin que le principe général est que les factures reçues ou émises électroniquement doivent être archivées électroniquement. Une exception importante à cette règle est le scanning des factures papier reçues. La possibilité de convertir ces factures sous forme d’images électroniques en vue de ne conserver que ces dernières n’est pas modifiée. Les assujettis peuvent dès lors, en respectant certaines conditions mentionnées dans une circulaire administrative, décider de détruire les factures papier et d’archiver uniquement les images électroniques.


Supplément juridique : Fiscalité

Olivier Bertin • Partner - De Wolf & Partners

Une administration fiscale désormais polyvalente et tentaculaire

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es contribuables trouveront peu de motifs de réjouissance dans les lois contenant des dispositions fiscales adoptées à la fin 2009, qui modifieront le paysage fiscal à partir de 2010.

Parmi celles-ci figurent des dispositions élargissant les pouvoirs d’investigation de l’administration fiscale. Le législateur a notamment organisé le «décloisonnement» des différentes administrations fiscales fédérales et de leurs pouvoirs d’investigation respectifs. En matière d’impôts directs, tout agent du Service Public Fédéral Finances, régulièrement chargé d’effectuer un contrôle, est en effet depuis le 9 janvier 2010 de plein droit habilité à prendre, rechercher ou recueillir les renseignements «adéquats, pertinents et non excessifs» qui contribuent à assurer l’établissement ou le recouvrement de «n’importe quel autre impôt établi par l’Etat». Avant sa modification, la disposition légale supposait que le contrôle dont l’agent était chargé, et dont il transmettait le résultat à son collègue compétent pour l’autre impôt, concerne uniquement l’impôt pour lequel l’agent investigateur était compétent. Des dispositions similaires ont été introduites pour la TVA, les droits d’enregistrement et de succession. La réforme validera donc les détournements de procédure sanctionnés antérieurement par la jurisprudence. Citons deux exemples. Les agents des douanes perquisitionnant le véhicule de contribuables saisissent de l’argent ou des relevés de compte (d’une banque étrangère), qu’ils transmettent aux contributions directes. Des rectifications effectuées sur cette base ont été annu-

lées par des juridictions s’il apparaissait que l’intention des douaniers n’était pas d’effectuer un contrôle «douanier» (suspicion de transport de marchandises non déclarées) mais bien de rechercher des infractions aux impôts sur les revenus, pour lesquels ils n’étaient pas compétents. De même, une administration fiscale qui a le pouvoir d’interroger les banques pour la vérification de la situation fiscale de ses clients (par exemple l’administration de la TVA) ne pouvait valablement transmettre les informations ainsi obtenues aux collègues des impôts sur les revenus. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans un arrêt de 2007. Désormais, cela sera possible. Adieu, alors, le secret bancaire… à tout le moins pour les assujettis à la TVA. La porte est donc ouverte aux contrôles «tentaculaires», avec les pouvoirs d’investigation les plus absolus. Ainsi, par exemple, un fonctionnaire du Cadastre (administration appelée aujourd’hui «Documentation patrimoniale») peut visiter sans autorisation particulière un immeuble d’habitation entre 8 et 18 heures, aux fins d’estimation et de mesurage. Il pourra désormais relever aussi des infractions à la TVA (par exemple: constatation d’un stock de marchandise occulte) alors que son collègue de la TVA, lui, n’aurait pu pénétrer dans l’habitation qu’avec l’autorisation du juge de police… La réforme vient encore au secours de cet agent pour la validité de ses constatations. Les agents des contributions directes pourront en effet désormais dresser des procès-verbaux relatant tout fait qui peut établir la débition d’un impôt. Ils auront force probante pour tout ce qui y aura été constaté. La charge de la preuve contraire incombera au contribuable. Auparavant, les agents des contributions directes ne pouvaient établir de procès-verbaux que pour établir des infractions et ils n’étaient pourvus d’aucune force probante particulière.

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Supplément juridique : Fiscalité

Benoît Malvaux, Partner - NautaDutilh

Le Service des Décisions Anticipées, une opportunité pour les contribuables?

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ien que le Service des Décisions Anticipées, communément appelé la «Commission de ruling», soit opérationnel depuis le 1 janvier 2005, relativement peu de contribuables, personnes physiques ou sociétés, connaissent aujourd’hui son existence et y font appel dans le cadre des transactions qu’ils envisagent de réaliser. La possibilité d’introduire une demande de ruling, à l’instar de ce qui se passe dans les pays limitrophes a certainement créé une situation de «win win», tant pour les contribuables que pour l’administration fiscale: en effet, d’un côté, les contribuables peuvent par ce biais obtenir la sécurité fiscale en interrogeant la Commission sur les conséquences fiscales d’une transaction déterminée, avant la réalisation de celle-ci. Une fois que la Commission s’est prononcée favorablement, la décision est en principe valable pour cinq ans. En pratique toutefois, la validité de certaines décisions peut être réduite à deux ou trois ans. D’un autre côté, l’administration fiscale (et a fortiori le Trésor), en garantissant la sécurité fiscale aux contribuables, attire les investisseurs étrangers, ce qui a un effet positif sur les recettes de l’Etat. S’il est incontestable que la Commission de ruling a une incidence non négligeable sur l’attractivité de la Belgique pour les investisseurs étrangers, force est toutefois de reconnaître qu’elle a fait l’objet de critiques, au demeurant pas toutes méritées. En premier lieu, le ruling n’étant valable que dans le chef du contribuable qui en a fait la demande, certaines caractéristiques de la procédure peuvent sembler contraires au principe d’égalité de traitement des contribuables, principe qui doit être scrupuleusement respecté. Or, il est en pratique très difficile pour les contribuables d’examiner si d’autres contribuables peuvent être traités de la même façon que ceux ayant saisis la Commission. En deuxième lieu, lors de commercialisation de produits financiers, les clients exigent fréquemment que les intermédiaires obtiennent au préalable un ruling afin de limiter leurs risques fiscaux. Pour de nombreux produits, p.ex. l’investissement dans le tax shelter (en faveur du cinéma), l’obtention d’un ruling n’est pas un must mais une condition requise pour leur mise sur le marché. Il n’est pas rare que des intermédiaires commercialisent des produits en insistant sur le fait qu’ils ont obtenu un ruling. Encore faut-il que le produit en question respecte les termes du ruling afin de ne pas créer des situations de concurrence déloyale avec les autres intervenants du marché...

Une autre critique régulièrement formulée concerne le fait que la Commission impose des conditions lors de l’attribution d’une décision positive, comme, par exemple, en matière de constructions d’usufruit ou de tax shelter.

Pour tempérer ces critiques, plusieurs solutions pourraient être envisagées: • Dans un souci de plus de transparence, tous le rulings devraient être publiés dans un délai raisonnable, ce même si nous comprenons qu’il faut laisser le temps d’anonymiser les textes et de supprimer les informations financières ou stratégiques sensibles. Une traduction de tous les rulings ne nous parait pas nécessaire, bien que l’utilisation de résumés dans les banques de données publiques en facilite l’accès. En outre, le rapport annuel de la Commission devrait être rendu public. Aujourd’hui, celle-ci a seulement l’obligation de le communiquer à la Chambre, qui ne le rend pas public. • Pour certains rulings plus «sensibles», une «commission du suivi» pourrait être créée. Cette commission aurait pour tâche de vérifier le respect par le contribuable des conditions imposées par le ruling. Il y aurait lieu également d’éviter d’imposer l’obligation au contribuable de mentionner dans sa déclaration fiscale les éventuelles demandes de ruling: c’est à l’administration fiscale de faire son travail de contrôle fiscal, et la mention de la demande dans la déclaration poserait un soupçon infondé sur le contribuable. Dans le dernier rapport de la Commission, les statistiques montrent deux tendances claires: le nombre de demandes de rulings (hors les préfilings) diminue depuis 2006, et ce nombre est largement supérieur pour les demandes en néerlandais. Aujourd’hui, et malgré les critiques, le système du ruling est une réelle opportunité pour les contribuables. Il ne permet pas pour autant d’obtenir un traitement de faveur, au même titre que le fait de ne pas demander de ruling n’expose pas le contribuable à un traitement plus sévère. Il appartient dès lors à chaque contribuable, en fonction de sa situation particulière, de décider de consulter la Commission.


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Supplément juridique : Fiscalité

Tobin or not TOBIN

D’

une certaine manière, la taxe Tobin est à la fiscalité internationale, ce que le «Monstre du Loch Ness» est à l’imaginaire populaire: celle qu’on aimerait bien voir, mais que l’on redoute de voir .... un jour appliquée!! La taxe Tobin est «le serpent de mer» de toutes les crises financières et économiques mondiales, depuis la crise mexicaine (1992/1994) jusqu’à la crise financière actuelle. Souvent présentée comme la panacée capable de mettre de l’ordre dans les désordres et dommages collatéraux de la spéculation financière internationale, on oublie souvent de dire qu’elle avait à l’origine une vocation de redistribution des richesses. Petit rappel historique: en 1972, le professeur James Tobin1 émet l’idée d’une taxe de très faible pourcentage (entre 0,01% et 0,5%) sur les transactions monétaires internationales. Le principal objectif serait de limiter la spéculation à court terme sur les devises. S’appuyant sur la pratique professionnelle des «traders» qui ne conservent en portefeuille que quelques instants un titre, pour profiter au mieux du marché, la taxe Tobin découragerait de tels ordres d’achat et de vente à répétition. Lutter contre les allers retours spéculatifs pour affecter les recettes aux pays les plus pauvres. On comprend immédiatement que la taxe Tobin ne peut avoir d’effet et de sens que si elle est appliquée par l’ensemble de la communauté financière, ou à tout le moins par une partie significative d’entre-elle (zone euro / zone dollar par exemple). Une mise en œuvre isolée par quelques pays aurait des effets négatifs sur leurs économies, faisant fuir toute l’activité boursière vers d’autres pôles financiers moins taxés, et où l’activité de «trading» resterait viable. Virtuelle, la taxe Tobin: non. Elle existe bien .... mais uniquement chez nous, en Belgique! Le saviez-vous? C’est même une première mondiale, puisque la Belgique est le premier pays à s’être dotée d’une loi instaurant une taxe sur les transactions financières2 . La taxe est prélevée sur le montant brut de l’opération de change au taux de 0,02%. Mais, virtuellement symbolique, la taxe Tobin belge, puisque son entrée en vigueur est prévue «pour autant que tous les Etats membres de l’Union européenne aient prévu dans leur législation» une telle taxe ou qu’une directive le prévoit! En 2004, l’Union Européenne comptait moins de membres qu’aujourd’hui. Désormais, convaincre les 27 membres, c’est pratiquement admettre que la taxe Tobin restera encore longtemps un beau projet ou un vœu pieux – au choix! De fait, c’est au niveau mondial voire européen, que doivent se dérouler les discussions sur l’instauration ou non d’une taxe Tobin. Aujourd’hui avec la crise, la taxe Tobin fait son chemin et même les esprits les plus libéraux daignent lui accorder quelques vertus.

A quelques jours du dernier G20 de Pittsburgh aux Etats-Unis3 , le Premier Ministre britannique, Gordon Brown, a estimé que la création d’une taxe mondiale destinée à réduire les comportements à risques des banques «vaut le coup d’être examinée», et d’ajouter que la coopération internationale doit être «renforcée», précisant que «la première chose à faire est d’obtenir une coopération mondiale avec tous les pays... la deuxième chose est de s’occuper des paradis fiscaux». Le Loch Ness agite encore la City: my Goodness! Pourtant, la grande absente des discussions du G20 de Pittsburgh était bien la taxe Tobin, même si à l’issue du sommet, le Fonds Monétaire International (FMI) se voit confier une étude sur la faisabilité d’une telle taxe. La considérant comme inadaptée, le FMI préconise plutôt un système d’assurance contre les risques systémiques financé par les banques responsables de la crise de 2008. Nous sommes bien loin des principes «fondateurs» de la taxe Tobin à savoir la redistribution – par une organisation internationale (FMI, Banque Mondiale...) - des sommes récoltées aux pays les moins développés. La crise de 2008 a laissé sur le bord de la route le volet «développement économique» de la taxe Tobin originelle. De son côté, la Commission Européenne, après avoir reçu le soutien de la France et de l’Allemagne, examine de plus en plus sérieusement les mérites de la taxe Tobin. Suivant le FMI, l’examen au niveau de l’UE d’une telle taxe est analysée comme une solution à la résorption des déficits budgétaires et une assurance contre un nouveau crash des marchés financiers. Toutefois, plusieurs questions restent pendantes: les divergences demeurent quant à l’assiette même de la taxe Tobin , toutes les transactions spéculatives ou principalement les produits financiers dérivés? De plus, quels seraient les effets d’une taxe Tobin si elle n’était appliquée qu’au seul niveau européen? Il est connu que même l’OCDE, après une période de long scepticisme sur l’efficacité de la taxe Tobin, admet du bout des lèvres l’option viable. Et les Etats-Unis? Le puissant lobby financier représenté par les grandes banques américaines, estimant avoir besoin de la spéculation pour exister, s’oppose formellement à une quelconque taxe Tobin. Pourtant, c’est bien ce même puissant lobby qui tremble aujourd’hui sous la semonce administrée par le Président Obama annonçant la taxation des grandes banques pendant 10 ans pour permettre de récupérer rapidement et intégralement les fonds publics dépensés pour les sauver! Pire, le Président américain prévoit de faire voter une loi limitant la taille et les activités des banques afin de lutter efficacement contre les excès ayant conduit à la crise! Alors, finalement, avec le soutien du Président américain, nous verrons – peut-être plus tôt que prévu – émerger une nouvelle taxe: la OBAMATOBIN! M-C.D. 1. Prix Nobel d’Economie en 1981 pour son travail sur les marchés financiers 2. Loi du 19 novembre 2004 instaurant une taxe sur les opérations de change de devises, de billets de banque et de monnaies, publiée le 24 décembre 2004. 3. Sommet du G20 de Pittsburgh (Etats-Unis) du 24 au 26 septembre 2009


Supplément juridique : Fiscalité

Alain Van Geel • Avocat-Associé - Tiberghien

La fin annoncée du secret bancaire et la régularisation fiscale

L

a Belgique est régulièrement qualifiée de paradis fiscal en raison d’une série de dispositions fiscales avantageuses. Néanmoins, cette affirmation laisse de nombreux contribuables belges perplexes lorsqu’ils consultent leurs derniers avertissements-extraits de rôle..Il est généralement reconnu qu’au fil des années ’70, ‘80 et ‘90 un grand nombre de contribuables belges a placé une partie de ses revenus (non déclarés) à l’étranger, soit sur des comptes numérotés, soit dans des structures dénommées «offshores» soit dans certains produits d’assurances. Suite à la volonté des Etats d’intensifier les échanges d’informations fiscales, beaucoup ont décidé de changer leur fusil d’épaule et de régulariser leur situation fiscale ou, en tout cas, envisagent de le faire dans un avenir proche. En effet, compte tenu de la vitesse à laquelle évoluent les mesures législatives visant à accentuer l’échange de renseignements bancaires, une réaction s’impose. En avril 2009, la Belgique est apparue dans la «liste grise» établie par l’OCDE regroupant les pays ne participant pas ou insuffisamment à l’échange de renseignements fiscaux. Depuis lors, la Belgique a été retirée de cette liste après avoir conclu une série de protocoles additionnels à plusieurs conventions préventives de la double imposition. Ces protocoles permettent désormais l’échange des renseignements bancaires sur demande expresse. Bien qu’au niveau interne le «secret bancaire» fiscal soit maintenu, il pourra être levé pour l’application de certaines conventions préventives de la double imposition. Au niveau européen, la Directive européenne sur l’épargne poursuit également l’objectif d’améliorer l’échange de renseignements entre les Etats membres. Depuis le 1er janvier 2010, la Belgique pratique l’échange automatique de renseignements avec ses partenaires européens. .La Belgique a donc renoncé spontanément à la dérogation transitoire qu’elle avait négocié jusqu’en 2014. Les informations transmises concernent, jusqu’à présent, uniquement les intérêts perçus en Belgique par un non résident européen. Le 19 janvier 2010, les ministres européens compétents se sont réunis à Bruxelles pour conférer de l’élargissement du champ d’application de la Directive sur l’Epargne. Bien que le Luxembourg et l’Autriche refusent (provisoirement) de basculer d’ores et déjà vers le système de l’échange «automatique» d’informations, il est vraisemblable qu’un accord interviendra à court terme pour étendre le système de l’échange automatique à d’autres produits comme les SICAV’S (par exemple les SICAV’S part II sans passeport européen) de même qu’à certains produits d’assurance de type 21 et 23 (avec éventuellement une exception pour les contrats déjà souscrits à une certaine date, par exemple au 1e janvier 2010). Il n’est dès lors guère surprenant qu’à l’instar des mesures européennes, le législateur belge envisage de lever le «secret bancaire» fiscal au niveau interne. En réalité les banquiers belges ne sont actuellement tenus par aucun secret professionnel mais uniquement par un devoir de discrétion. Seul le Code des impôts sur les revenus prévoit une règle de secret bancaire. En matière d’impôt sur le revenu l’Administration n’est, en principe, pas autorisée à recueillir auprès des banques des renseignements sur leurs clients en vue de les imposer. Le secret bancaire belge tel qu’il existe aujourd’hui connaît déjà plusieurs exceptions. L’article 318 du CIR prévoit que le secret bancaire fiscal est levé si une enquête effectuée auprès d’une banque fait appa-

raître des éléments concrets permettant de présumer l’existence ou la préparation d’un mécanisme de fraude fiscale. Dans son rapport du 7 mai 2009 la commission d’enquête parlementaire sur les grands dossiers de fraude fiscale a recommandé d’adapter les règles fiscales qui organisent le secret bancaire afin de permettre à l’Administration d’interroger les banques lorsqu’elles disposent d’indices concernant des revenus non déclarés. Suite à cette recommandation, un projet de loi a été déposé. Ce projet envisage d’une part de permettre à l’Administration de recueillir auprès des banques des informations en vue de l’imposition de leurs clients non seulement lorsqu’une enquête est effectuée (= législation actuelle) mais également lorsqu’il existe des indices d’infraction ou même de préparation d’infraction et, d’autre part, d’obliger les banques à fournir chaque année à l’Administration une liste de l’ensemble des comptes détenus par leurs clients. Pareilles mesures ne constituent-elles pas une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale? Dans son avis du 5 janvier 2010, le Conseil d’Etat estime que les droits en matière de respect de la vie privée et familiale, ne sont pas absolus et que le législateur peut les restreindre pour répondre à un besoin social impérieux, tel que la lutte contre la fraude fiscale. Il conclut que les moyens choisis par le projet de loi, à l’exception toutefois de l’obligation de communication automatique d’une liste des comptes, offrent suffisamment de garanties pour empêcher qu’il soit excessivement porté atteinte à la vie privée et familiale. Le fait d’introduire des mesures complémentaires dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale ne peut qu’être encouragé. Toutefois, le fait de permettre à l’Administration de recueillir des informations alors qu’il n’existe que des indices de “préparation” d’infraction risque de donner lieu a une interprétation subjective et unilatérale des faits par le fisc. Afin d’éviter cet écueil, il appartiendra aux hommes politiques d’éclaircir ce point. Dans monde qui tend à la transparence beaucoup de contribuables ont décidé de régulariser leurs fonds placés à l’étranger et, dans un grand nombre de cas, de les rapatrier. La loi-programme du 27 décembre 2005 permet au contribuable belge de régulariser auprès du PCR (Point de Contact-Régularisations) les revenus et les successions non déclarés se trouvant en Belgique ou à l’étranger. D’après une réponse du PCR un contribuable peut décider librement de ne régulariser qu’une partie des revenus éludés. Il est clair que le contribuable ne sera définitivement à l’abri de poursuites pénales éventuelles que s’il régularise l’intégralité des revenus qui n’ont pas été soumis à l’impôt en Belgique. Sur la place une certaine incertitude demeure, surtout en ce qui concerne l’immunité pénale du contribuable. Il y a quelques mois un fonctionnaire de l’ISI, en critiquant certaines régularisations auprès du PCR, a même accusé l’état belge d’encourager le blanchiment d’argent. Il est évident qu’il est inopportun qu’une règlementation aussi sensible que celle de la régularisation fiscale permet plusieurs interprétations. Une initiative législative, voire des éclaircissements du Ministre compétent seraient donc les bienvenus à brève échéance.

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Supplément juridique : Fiscalité

Bibliothèque VAT package • Les nouvelles règles applicables aux prestations de services par Alain Soriano, François Coutureau, Philippe Noirhomme

Plus-values et moins-values • Impôt des personnes physiques, impôt des sociétés, impôt des non-résidents, impôt des personnes morales par Thierry Blockerye, Laurence Deklerck • Préface de : Pascal Minne

Le Conseil des ministres de l’Union européenne a adopté le 12 février 2008 deux directives: la directive 2008/8/CE modifiant le lieu des prestations de services et la directive 2008/9/CE définissant les modalités du remboursement de TVA en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement. Une troisième directive est venue compléter l’ensemble: la directive 2008/117/CE du Conseil du 16 décembre 2008 modifiant la directive 20006/112/CE afin de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires.

L’ouvrage se veut didactique ; il aiguillera le lecteur à travers l’ensemble des dispositions applicables (telles qu’en vigueur au 30 juin 2009) en matière d’IP, d’ISOC, d’INR ou d’INR/SOC en prenant le thème des plus- ou moinsvalues comme fil conducteur.

Ces nouvelles dispositions forment ce qu’on appelle communément, le VAT package, recueil que les États membres doivent mettre en application pour le 1er janvier 2010. Sous peine de localiser incorrectement une prestation (et par conséquent d’appliquer peut-être un taux erroné ou une exemption qui n’a pas lieu d’être), il convient de maîtriser ces nouvelles règles. Outre une analyse juridique approfondie des textes, le présent ouvrage développe des exemples concrets et synthétise les principes dans des schémas clairs et précis. Enfin, la position administrative est également décortiquée. En d’autres termes, cet ouvrage offre une mise à jour indispensable et complète des nouvelles règles de localisation.

Sponsoring et mécénat par Anne Rayet • Quelles sont les différentes formes de soutien que les entreprises et les particuliers peuvent apporter à des activités «d’intérêt collectif»? • Quels sont les avantages fiscaux qu’ils peuvent en retirer? • Quels sont les domaines de «l’intérêt collectif»? • Peut-on (ré)concilier cet intérêt collectif avec l’intérêt particulier? • Un nouveau cadre légal est-il nécessaire?

L’ouvrage propose de recenser les différentes formes possibles du soutien que «le privé» (particulier, entrepreneur, société, association, etc.) peut apporter à des activités qualifiées généralement «d’intérêt général» (ou «intérêt collectif»), en situant ces formes d’investissements dans leur contexte législatif, tant civil que fiscal. Le droit fiscal contient une série de dispositions susceptibles d’intéresser l’investissement privé dans le «collectif», mais qui ne rencontrent pas toujours le succès qu’elles devraient. La doctrine et la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, en font pourtant une application relativement large. L’ouvrage contient une analyse exhaustive de cette jurisprudence, pour aider les milieux concernés à se positionner par rapport à ces aides privées. Il examine également les différentes propositions de loi qui ont été déposées en la matière, et s’interroge sur le cadre législatif qui serait le plus approprié au développement du mécénat, du sponsoring et de toute autre forme de soutien privé au collectif. Car «l’intérêt collectif» couvre tous les domaines d’activités nécessaires à notre qualité de vie et au progrès de la société (l’art, la recherche scientifique, la protection de l’environnement, le sport, l’aide humanitaire, etc.), mais il coûte cher et a besoin de soutien, notamment financier. La réalisation de ces objectifs n’est pas nécessairement incompatible avec l’intérêt privé. Le «mécénat», dans son acception la plus large et la plus actuelle, constitue un terreau fertile de rencontre entre ces intérêts traditionnellement opposés.

La matière s’est considérablement compliquée au cours des dernières années et les auteurs s’efforcent de mettre en avant les différences marquantes qui se sont creusées entre le régime fiscal applicable aux plus- ou moins- values par des personnes physiques ou par des sociétés. Une attention particulière est donnée au contexte au sein duquel la plus- ou moins-value a été générée: plus-values simplement exprimées, plus-values réalisées, plus-values d’échange, plus-values de réorganisation (en ce compris les modifications introduites par la loi du 11 décembre 2008), plus-values dégagées en cours d’exploitation, plus-values de cessation ou de liquidation, en tenant compte des derniers développements législatifs et jurisprudentiels, sans oublier les commentaires administratifs et la pratique prudentielle du Service de Décisions Anticipées. L’ouvrage devrait dès lors intéresser tout praticien de la fiscalité, qu’il soit avocat, expert-comptable, fiscaliste d’entreprise, conseil fiscal ou juriste fiscaliste.

Manuel pratique d’impôt des sociétés par Laurence Deklerck Après un rappel des notions élémentaires du droit fiscal, le Manuel pratique d’impôt des sociétés expose les règles d’assujettissement à l’impôt des sociétés et le régime de l’assiette de cet impôt: détermination des bénéfices imposables ou immunisés, ainsi que la description des frais professionnels déductibles. Ensuite, la déclaration fiscale à l’impôt des sociétés est analysée cadre par cadre, poste par poste. L’ouvrage se termine par le calcul de l’impôt ainsi que par la reproduction des principales annexes à joindre à la déclaration fiscale. Des exemples chiffrés d’écritures comptables accompagnent les exposés théoriques. Cette 8e édition inclus, entre autres: • la nouvelle déduction fiscale pour capital à risque (intérêts notionnels) • le nouveau crédit d’impôt pour investissements en recherche et développement respectueux de l’environnement et pour les brevets • les nouvelles réductions de valeur et de dette en cas d’entreprises en difficulté • la nouvelle exonération pour l’engagement des stagiaires en contrat de formation et le régime du boni sur avantages non récurrents • la possible détermination du bénéfice sur base du tonnage pour les entreprises de navigation maritime • les nouveautés en matière d’avantages sociaux immunisés • les modifications résultant des directives européennes en matière de dividendes, intérêts et redevances. L’ouvrage séduira tant les praticiens de la comptabilité et de la fiscalité que le juriste qui trouvera dans les références nombreuses et de toute nature de quoi alimenter sa recherche.


Supplément juridique : Fiscalité

La Paquet TVA

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ans le Moniteur Belge du 4 décembre 2009, p. 75123, a été publiée la loi du 26 novembre 2009 transposant la directive européenne VAT Package en droit belge et modifiant de ce fait le Code T.V.A. Conséquence directe, ce premier janvier 2010 entrait en vigueur le VAT Package ou paquet TVA. Il s’agit d’une des modifications les plus substantielles en la matière depuis de nombreuses années. La Paquet TVA est l’ensemble des mesures qui doivent entrer en vigueur entre 2010 et 2015 dans les différents états de l’Union. Il répond entre autres à un objectif de simplification. Ces modifications précisent des nouvelles règles générales.

Nouvelles règles en matière de localisation des services Les nouvelles règles de base en matière de localisation concernent les services. Pour ce qui est de la livraison de biens intracommunautaires, la règle de localisation tient toujours compte de la livraison des biens et marchandises. Pour ce qui est des services, on distinguera comme par le passé la situation des relations entre assujettis et envers un non assujetti. Règle générale B2B : Dans les relations entre assujettis , un service sera considéré comme localisé 1

à l’endroit d’où est établi l’émetteur de la commande qui donne lieu à la facturation, où est le siège de son activité économique ou où il dispose d’un établissement stable pour lequel les services sont fournis. Règle générale B2C : Lorsque l’acheteur est non assujetti, les règles reste identiques à celles en vigueur jusqu’ici à savoir que les services sont réputés se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel le service est fourni.

La modification de la procédure de restitution de TVA étrangère A partir du 1er janvier 2010, la procédure pour récupérer la TVA payée à l’étranger est simplifiée. Cette procédure se déroulera exclusivement en ligne. Elle remplace la procédure en vigueur jusqu’alors dans laquelle le candidat à la récupération devait non seulement remplir des formulaires sous format papier mais en outre les soumettre à l’autorité distante. Si certaines entreprises effectuant régulièrement des opérations avec un autre pays pouvaient systématiser les demandes et les intégrer dans les procédures comptables internes, les entreprises réalisant des opérations occasionnelles étaient confrontés à de nombreuses difficultés. Cela appartient désormais au passé puisque la demande de remboursement de la TVA étrangère sera introduite via le site portail de l’Etat membre de l’assujetti. L’administration locale de l’assujetti devient donc une sorte de guichet unique en matière de TVA intracommunautaire. Son rôle se limite cependant à traiter pour l’assujetti à sa place auprès de l’autorité distante laquelle garde son plein pouvoir en la matière.

Modifications administratives Les nouvelles règles apportent également des modifications relatives aux obligations déclaratives en vigueur. Le listing intracommunautaire qui reprend les opérations effectuées avec des assujettis et était jusqu’alors trimestriel devient, quant à lui, mensuel. Il devra désormais inclure les services intracommunautaires qui sont effectivement soumis à la TVA dans l’Etat membre du preneur des services en application de la règle générale dans les relations B2B. Ce listing devra être joint au nouveau formulaire de déclaration de TVA. Par ailleurs, est étendue:

l’obligation

de

déclaration

mensuelle

Les assujettis exonérés2 devront également tenir compte à l’avenir des obligations déclaratives complémentaires pour les opérations entrantes et sortantes.

Un acheteur assujetti bénéficiant des services prestés à des fins privés est lui aussi soumis à la règle énoncée ci-dessus.

Il est dès lors urgent que les organisations qui n’ont pas préparé ces changements adaptent leurs processus et systèmes !

Il subsiste malgré tout de nombreuses exceptions. Celles-ci concernent les services fournis par voie électronique, les services rattachés à un bien immeuble, les services d’intermédiaires, les services de télécommunication, les services de restauration et les services de transport.

Pierre Schimp 1. Cette règle concerne aussi les prestations de services fournies aux personnes morales non assujetties mais identifiées à la TVA, et aux prestations de services fournies aux assujettis partiels. 2. Banques, avocats, notaires, etc.

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