Malgré Eux dans l'armée allemande

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L’histoire de l’incorporation de force est une histoire juridique, nationale et internationale. Avec près de 7 000 Mosellans déclarés morts ou disparus, c’est aussi une histoire tragique et douloureuse, encore très vive dans la mémoire des familles. L’ouvrage entend lever un premier voile sur ces destins tragiques et nous entraîne sur les différents fronts de l’un des plus vastes conflits de l’histoire humaine.

Prix : 18 € www.editions-libel.fr ISBN : 978-2-917659-26-7 Dépôt légal : novembre 2012

L’incorporation de force des Mosellans 1942-1945

Moins connue peut-être du grand public que le sort des MalgréNous alsaciens, l’histoire de l’incorporation de force des jeunes Mosellans est le sujet de cet ouvrage. Réunissant les contributions de plusieurs spécialistes, « Malgré Eux dans l’armée allemande » explore tous les thèmes de cet épisode douloureux et aujourd’hui encore mal compris : l’embrigadement de la population mosellane, l’insoumission, la répression et la résistance.

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, 30 000 Mosellans ont été contraints de servir dans l’armée allemande, victimes de la politique d’annexion de la Moselle au Reich.

L’incorporation de force des Mosellans 1942-1945





L’incorporation de force des Mosellans 1942-1945

Malgré Eux dans l’armée allemande

Pour accompagner l’exposition de Saint-Julien-lès-Metz Novembre 2012 – juillet 2013 Textes de Jean-Éric Iung, Laurent Kleinhentz, Thierry Mohr, Cédric Neveu, Cécile Roger, Alfred Wahl et Philippe Wilmouth 2012

En partenariat avec l’Association pour la conservation de la mémoire de la Moselle en 1939-1945 (ASCOMEMO 39-45, Hagondange)



PRÉFACE Insoumis malgré eux, réfractaires malgré eux, incorporés de force malgré eux, prisonniers à Tambov ou à la Flèche malgré eux, et malgré eux morts en Ukraine, en Courlande, en Italie ou en Norvège. Les cas de figure sont nombreux et les destins individuels comparables, mais jamais identiques. Les souffrances morales et physiques furent réelles. La reconnaissance de la Nation tarda à se manifester. Les récits ont été de longues années gardés enfouis dans les mémoires, puis après presque un demi-siècle, ils ont parlé, ces hommes que l’Allemagne avait arrachés à leurs familles et à leur jeunesse. Soixante-dix ans après les ordonnances instituant la conscription en Moselle et en Alsace, un travail historique s’impose en direction du grand public, en particulier des générations des petits-enfants et des arrière-petits-enfants des Malgré-Nous et des Français « de l’intérieur », dont l’appréhension du sujet est médiocre, voire inexistante. L’exposition que propose le Conseil général de la Moselle au service départemental d’archives à Saint-Julien-lès-Metz et sous forme itinérante à partir du 23 novembre 2012 a pour objectif de mettre en valeur l’histoire de ces hommes, de ces femmes (celles qui furent incorporées dans le Reichsarbeitsdienst) et de ces familles en Moselle. Le livre qui accompagne l’exposition présentera successivement l’embrigadement des êtres et des consciences, le statut des incorporés de force, leur résistance, leur captivité, leur mort, en recourant le plus possible aux textes originaux, ceux du temps et de l’occupant pour commencer, en une espèce d’hommage scientifique sincère de notre collectivité à ces compatriotes mosellans incorporés malgré eux dans l’armée allemande.

Patrick Weiten Président du Conseil général de la Moselle

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INTRODUCTION

L’incorporation de force dans l’armée allemande des jeunes Lorrains de Moselle annexée, de 1942 à 1945, fut la conséquence conjoncturelle des premières difficultés militaires de l’armée allemande à partir du printemps de 1942, du fait de la résistance inattendue de l’armée soviétique et de l’endurance britannique, et la conséquence institutionnelle et juridique de l’annexion illégale, mais assumée de cette portion de territoire français que les dirigeants nazis avaient intégrée sous le nom de Lothringen (« Lorraine ») dans une circonscription spécifique appelée Westmark (« marche de l’Ouest ») au milieu de l’automne 1940. Cette page d’histoire mal connue en France « de l’intérieur », sinon par les échos du procès en 1953 d’un groupe de soldats présents à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944, a été beaucoup plus documentée par les historiens et chercheurs alsaciens que par ceux de la Moselle, au point que les ouvrages généraux de référence traitent principalement de la conscription allemande des jeunes Alsaciens, certes plus nombreux que les jeunes Mosellans à avoir été appelés de 1942 à 1945. Leurs histoires ne sont pas antagonistes, elles sont complémentaires. Ce n’est pas faire injure à l’Alsace ni à la Moselle de soutenir cette thèse. Les nazis, en séparant les deux morceaux de l’ancienne Alsace-Lorraine de 1871-1918, ont d’ailleurs eux-mêmes séparé les Alsaciens et les Lorrains de Moselle. Rassembler des contributions historiques relatives au seul cas mosellan n’a pour but que d’enrichir un corpus déjà fourni sans aucune volonté de déprécier l’œuvre des historiens alsaciens, et notamment pas l’ouvrage de référence d’Eugène Riedweg (Les Malgré-Nous. Histoire de l’incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans l’armée allemande, Mulhouse, 1995). C’est en se pénétrant de cet état d’esprit que les lecteurs sont invités à découvrir ce livre.

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Une société en uniforme L’embrigadement de la population mosellane dans les formations paramilitaires nazies durant l’annexion de fait (1940-1944) T hierry Mohr

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Grossdeutsches Reich, Tausendjähriges Reich Expansionnisme, bellicisme et refonte de la carte de l’Europe

militaires. Ceux-ci permettent la mise en œuvre fulgurante, puis la poursuite au gré des victoires, d’un vaste projet de redécoupage territorial global dans le cadre de l’instauration d’un nouvel ordre européen. Au premier rang des régions concernées par ces bouleversements annoncés se trouvent notamment l’Alsace et la Moselle, provinces âprement disputées, dont le sort à venir est peu enviable.

■ Une politique étrangère agressive En matière de revendications territoriales, Adolf Hitler s’emploie, dès sa nomination comme chancelier de ■ Sitzkrieg et Blitzkrieg l’Allemagne le 30 janvier 1933, à un permanent brouilLa France et la Grande-Bretagne déclarent finalement lage des cartes à l’endroit des gouvernements et des la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, deux jours opinions publiques auxquels il fait face en Europe, et ce après l’agression par celle-ci de sa voisine orientale, la dans ses actes, tout comme dans ses revendications et Pologne. Cette dernière, victime du pacte de non-agresproclamations. Il réclame surtout à cor et à cri la Gleichsion germano-soviétique3, subit un « quatrième partage » berechtigung, à savoir une égalité de traidepuis 1772 et disparaît à nouveau en tement diplomatique, afin que son pays La France et tant qu’État indépendant. Après le long la Grande-Bretagne puisse pacifiquement retrouver la place épisode de la « drôle de guerre »4, la grande déclarent finalement qui lui revient de droit dans le concert des offensive est déclenchée sur la frontière la guerre à l’Allemagne occidentale du Reich le 10 mai 1940 et nations. le 3 septembre 1939. Ses interventions des 15 septembre 1933 l’armée française est mise en déroute en (lors d’un entretien à Berlin avec André quelques semaines, tandis qu’un gigantesque exode lance sur les routes des millions de perFrançois-Poncet, l’ambassadeur de France), 7 mars 1936 sonnes. Paris tombe le 14 juin et les troupes allemandes (à l’occasion d’une prise de parole devant le Reichstag) et 12 septembre 1938 (pour le discours de clôture du entrent dans Metz le 17 ; Mulhouse et Strasbourg sont respectivement prises les 18 et 19. congrès du parti nazi à Nuremberg) montrent son cynisme et sa totale duplicité en la matière, notamment sur la question de la révision des frontières d’AlsaceÀ ce moment, les trois départements de l’Est de la France 1 ont déjà payé un lourd tribut ; sinistrés d’une part suite Lorraine . Considéré à tort par nombre de ses voisins comme un interlocuteur à part entière, il exploite sans aux multiples conséquences des vagues d’évacuations5 vergogne l’aveuglement et les atermoiements de ceux-ci et d’autre part en raison de leur situation à la pointe de en multipliant les promesses sans lendemain. certains combats d’une extrême violence, notamment autour des défenses de la ligne Maginot. Les autochAprès les succès initiaux2 dus à une politique extérieure tones l’ignorent encore, mais leur destin, tragique, est menaçante, mais régulièrement ponctuée de décladéjà scellé. rations d’apaisement, vient l’époque des triomphes 3 1

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Il réitéra d’ailleurs ce type de propos, y compris après le déclenchement du conflit, comme le 6 octobre 1939, devant ces mêmes députés allemands. Plébiscite du 13 janvier 1935 pour le rattachement de la Sarre à l’Allemagne, remilitarisation de la Rhénanie le 7 mars 1936, Anschluss de l’Autriche du 12 mars 1938, annexion du Sudetenland le 29 septembre 1938 puis invasion sans coup férir de la Tchécoslovaquie résiduelle en mars 1939.

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Signé le 23 août 1939 par Viatcheslav Molotov et Joachim von Ribbentrop, représentants de Moscou et de Berlin. Voir Henri Hiegel, La drôle de guerre en Moselle 1939-1940, Sarreguemines, 1983 et 1984, 2 volumes (t. 1 : Du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940 ; t. 2 : Du 10 mai 1940 au 4 juillet 1940), 424 et 372 p. Voir le catalogue de l’exposition des archives départementales de la Moselle, Un exil intérieur. L’évacuation des Mosellans, septembre 1939 – octobre 1940, Lyon, 2009, 143 p.

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■ La France amputée. Isolement, affaiblissement, morcellement et asservissement6 La défaite de la « Grande Nation », l’un des ennemis héréditaires désignés par Hitler comme à abattre en priorité, conduit en définitive à un démantèlement complet de l’espace national métropolitain. Les étapes successives pour parvenir à cette scission atypique répondent à des exigences tant tactiques et stratégiques qu’idéologiques et politiques7. Contrairement aux idées communément admises, la France n’a donc pas subi, à cette époque, une division bipolaire, mais bien un morcellement en huit zones géographiques distinctes aux statuts radicalement différents et ne correspondant ni à la délimitation d’entités préexistantes, ni à des impératifs militaires, conjoncturels ou structurels, dictés par le haut commandement de la Wehrmacht8 : ● zones réservée et interdite : délimitées par la « ligne verte » (ou « ligne du Führer »), elles voient s’implanter à partir de septembre 1940 des unités de production de l’Ostlandgesellschaft9. Soumise aux services allemands du ravitaillement, cette dernière récupère et exploite des fermes de paysans ayant fui durant l’exode en abandonnant leurs maisons et leurs terres arables. Des cen6 7

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Voir Rita Thalmann, La Mise au pas. Idéologie et stratégie sécuritaire dans la France occupée, Paris, 1991, 394 p. L’armistice est signé le 22 juin 1940 par le général Charles Huntziger et le maréchal Wilhelm Keitel ; il entre officiellement en vigueur 3 jours plus tard, le 25. Le lieu particulier choisi (le wagon de la clairière de Rethondes dans la forêt de Compiègne) confère un statut symbolique à cet acte : en effet, c’est à cet endroit que l’Allemagne wilhelminienne vaincue avait été contrainte d’accepter le 11 novembre 1918 ce qui préfigurait ce qui serait ensuite dénoncé comme le Diktat de Versailles. Les violations flagrantes des clauses de la convention ont été monnaie courante durant toute la guerre : de juillet 1940 à juillet 1944, plus de 110 protestations officielles françaises enregistrées auprès de la commission d’armistice siégeant à Wiesbaden sont recensées ; les notes véhémentes en date des 3 septembre 1940 et 4 septembre 1942 sont particulièrement édifiantes quant à la réprobation manifestée. Il faut savoir qu’à la demande d’Hitler, un projet bien plus ambitieux avait même été précédemment esquissé par Wilhelm Stuckart, secrétaire d’État au ministère de l’intérieur et juriste notoirement connu pour être le co-rédacteur des trois « lois de Nuremberg » du 15 septembre 1935, pour, à terme, réduire le territoire français à ses frontières issues des traités de Westphalie du 24 octobre 1648 ! Voir Jacques Mièvre, L’Ostland en France durant la Seconde Guerre mondiale. Une tentative de colonisation agraire allemande en zone interdite, Nancy, 1973, 167 p.

tres de colonisation agraire sont actifs à la fois dans l’Aisne, les Ardennes, la Marne, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse et la Somme. ● zone d’occupation (puis « zone Nord ») : on retrouve à Paris le Militärbefehlshaber in Frankreich10 qui siège à l’hôtel « Majestic », la Propaganda Abteilung Frankreich de Joseph Goebbels, les services de l’Auswärtiges Amt de l’ambassadeur Otto Abetz11, l’Einsatzstab Reichsleiter Alfred Rosenberg ainsi que le Reichssicherheitshauptamt de Reinhard Heydrich. S’agissant de la représentation de l’État français, ne sont tolérées dans la capitale qu’une délégation générale du gouvernement dans les territoires occupés (D.G.T.O.) ainsi que quelques rares antennes ministérielles. ● zone non-occupée (dite aussi « zone libre » puis « zone Sud ») délimitée par une ligne de démarcation12 dont le tracé, flou et remanié à maintes reprises, s’étire sur plus de 1200 kilomètres jusqu’à son franchissement le 11 novembre 1942 et la nomination du général Heinrich Niehoff comme Kommandant des Heeresgebietes Südfrankreich13 : le gouvernement du maréchal Philippe Pétain, replié à Vichy, y siège du 10 juillet 1940 au 20 août 194414. ● zone côtière interdite : créée le 20 octobre 1941, d’une profondeur variant de 10 à 30 km selon les endroits, elle englobe l’intégralité du littoral de la Manche et de l’Atlantique et comprend l’ensemble des fortifications du « Mur de l’Atlantique ». ● zone d’occupation italienne : l’armistice est signé le 24 juin à Olgiata. Initialement limitée au territoire limitrophe de la frontière, elle est étendue après l’invasion de la « zone Sud » et comprend les départements 10 Sous l’égide d’Otto von Stülpnagel et divisé en 4 Militärbezirksverwaltungen. Voir Hans Umbreit, Der Militärbefehlshaber in Frankreich (1940-1944), Boppard-am-Rhein, 1968, 361 p. 11 Voir Barbara Lambauer, Otto Abetz et les Français ou l’envers de la Collaboration, Paris, 2001, 899 p. 12 Voir Éric Alary, La ligne de démarcation, Paris, 2003, 429 p. 13 Voir Eddy Florentin, 11 novembre 1942 : l’invasion de la zone libre, Paris, Perrin, 2000, 514 p. 14 Voir Jean-Pierre Azéma et François Bédarida, (dir.), Le Régime de Vichy et les Français, Paris, 1992, 790 p. et Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, Paris, Perrin, 2e éd., 2004 (1re édition 2000), 375 p. Voir également les différents ouvrages de Michèle Cointet-Labrousse consacrés à Vichy et Pétain.

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suivants : Corse, Haute-Savoie, Savoie, La Moselle, rattachée simples16, immédiats ou légèrement difà la Sarre (Saar) et au Drôme, Hautes et Basses-Alpes, Var, férés dans le temps. Les décisions sont Alpes-Maritimes ainsi que des portions Palatinat (Pfalz), se fond systématiquement unilatérales et les dans le Gau Westmark de l’Ain, des Bouches-du-Rhône, de l’Isère États concernés sont placés devant le fait et du Vaucluse. Lorsque le 3 septembre nouvellement créé le 30 accompli, les Allemands faisant fi de pra1943, l’Italie signe une paix séparée avec novembre 1940 et dirigé tiquement toutes les protestations. par Josef Bürckel ; à sa les Alliés à Cassibile, il s’ensuit en réacLa Moselle, rattachée à la Sarre (Saar) mort, le 28 septembre tion, dès le 8 du même mois, une occupaet au Palatinat (Pfalz), se fond dans le 1944, Willi Stöhr lui tion par les troupes allemandes. Gau Westmark17 nouvellement créé le succède. ● zone rattachée au commandement 30 novembre 194018 et dirigé par Josef allemand de Bruxelles : le pouvoir y est Bürckel ; à sa mort, le 28 septembre 1944, directement exercé par le général d’infanterie Alexander Willi Stöhr lui succède19. Le centre de gravité adminis15 von Falkenhausen . tratif passe de Neustadt an der Weinstrasse à Sarrebruck (Saarbrücken)20. L’Alsace est pour sa part intégrée ● zone annexée au Reich : le remaniement de la frontière rhénane entraîne la situation la plus oppressive. au Gau Baden-Elsass (nom auquel l’occupant préféra Le texte de l’armistice ne contient aucune clause ou disvite substituer l’appellation Oberrhein pour éviter toute position claire sur « les territoires perdus ». Le transfert référence identitaire à un passé désormais révolu) à la de souveraineté ne fit jamais l’objet d’un acte diplomatête duquel on retrouve Robert Wagner, dont le quartier tique officiel contresigné par les deux puissances belgénéral, déplacé de Karlsruhe, est dorénavant localisé à ligérantes. Hitler interdit d’ailleurs la publication des Strasbourg (Strassburg). mesures mises en œuvre au cours des deux étapes fondamentales que sont ses décrets successifs des 2 août et 18 octobre 1940 relatifs à l’administration provisoire de l’Alsace et de la Moselle. L’historien Eberhard Jäckel a 16 Voir Hans-Adolf Jacobsen, Nationalsozialistische Außenpolitik 1933-1938, Francfort-sur-le-Main et Berlin, 1968, 944 p.  ; parlé à juste titre d’ « annexion déguisée ». ■ « Pax Germanica » à l’Ouest : des populations prises au piège Instaurer une hégémonie à l’échelle du continent implique la constitution d’un ensemble territorial homogène. Si, en Europe centrale et orientale, il s’agit pour le peuple allemand de conquérir son espace vital (Lebensraum), pour la frontière occidentale, la volonté est clairement affichée d’établir une sorte de glacis protecteur autour du Reich par des rattachements purs et

15 Pour l’anecdote, il succède à son oncle Ludwig qui avait occupé un poste similaire durant la Première Guerre mondiale.

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Klaus Hildebrand, Deutsche Außenpolitik 1933-1945. Kalkül oder Dogma ?, Stuttgart, 3e éd., 1976 (1re édition 1971), 187 p. ; Lothar Gruchmann, Nationalsozialistische Großraumordnung. Die Konstruktion einer deutscher « Monroe-Doktrin  », Stuttgart, 1962 (Schriftenreihe der Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte n° 4), 160 p. et Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanschauung. Entwurf einer Herrschaft, Stuttgart, 2e éd., 1981 (1ère édition 1969), 175 p. Ostmark était par ailleurs le nom attribué à l’Autriche réunie au Reich. Divisée en Gaue après l’Anschluss, il s’agissait là-aussi de la priver de son identité. Arch. dép. Moselle, 29 J 2544-2545. En trois phases distinctes, selon la fonction exercée : les 28 septembre 1944, 3 octobre 1944 et 1er février 1945. Il convient de souligner que J. Bürckel, à l’instar de R. Wagner dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, est à la fois fois Gauleiter et Reichsstatthalter dans son fief de « Marche occidentale ». Dotés des pleins pouvoirs, les deux hiérarques poursuivent certes des buts similaires mais leurs personnalités, de même que leurs méthodes diffèrent fondamentalement. Jaloux de leurs prérogatives, les rapports qu’ils entretiennent sont plus que tendus, d’autant plus qu’ils sont l’un comme l’autre de vieux compagnons de lutte du Führer. Ce dernier leur a assigné une mission assortie d’objectifs et ils savent tous les deux pertinemment que pour conserver les faveurs du maître au sein de la polycratie nazie, il convient de rivaliser de zèle et d’initiative, sous peine de disgrâce.

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Certes, les frontières héritées du traité de Francfort du 10 mai 1871 sont intégralement rétablies, mais, à la différence de l’époque du Reichsland Elsass-Lothringen, les deux entités sont séparées à dessein, afin d’éviter l’apparition de possibles forces centrifuges, et les dénominations « Alsace » et « Lorraine » disparaissent peu ou prou du vocabulaire employé pour les désigner. D’autres régions limitrophes à l’ouest de l’Allemagne connaissent des destins identiques et tout aussi funestes21. Le grandduché de Luxembourg fait désormais partie du Gau Koblenz-Trier qui devient Moselland. C’est Gustav Simon qui en a la charge ; le siège en est à Coblence (Koblenz). Les cantons de l’Est belge dépendent désormais du Gau Köln-Aachen dont le Gauleiter est Josef Grohé et la capitale Cologne22.

de remaniement des frontières de l’espace européen, lui-même façonné par la conception idéologique du monde d’Adolf Hitler, sa Weltanschauung24. À ce sujet, l’historien Yves Durand définit d’ailleurs des statuts de domination adaptés à la situation de chacun des pays concernés. Selon lui, ils peuvent être ramenés à cinq grands groupes : ● annexion25 (Alsace, Moselle, grand-duché du Luxembourg, Eupen-Malmédy et Saint-Vith, Reichsgaue Danzig-Westpreussen und Wartheland Reichsgebiet, etc.). ● administrations directes : civile (Ukraine, Gouvernement général, etc.) ou militaire (Belgique). ● tutelle de gouvernements locaux (Protectorat de Bohême-Moravie, Slovaquie, etc.). ● satellites (Finlande, Hongrie, Roumanie et Bulgarie). ● neutres, qui malgré leur statut subissent la pression de la puissance allemande.

Cette situation relativement méconnue confère à ces cas respectifs une indéniable spécificité ; le contexte est radicalement différent pour Il n’y a, durant cette Il n’y a, durant cette période noire, rien de période noire, rien de ces régions aux particularismes marqués comparable avec les quarante-huit années comparable avec les qui deviennent de facto (et non de jure) des passées sous la férule prussienne. D’emquarante-huit années subdivisions administratives territoriales blée, les mesures s’enchaînent implacapassées sous la férule de l’Allemagne ainsi que du NSDAP (Natioblement avec la brutalité et le cynisme prussienne. nalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). dont les satrapes nazis sont coutumiers. Il faut donc toujours se représenter le cas Il s’agit de museler toute velléité d’oppomosellan dans une perspective plus large, à l’échelle du sition. Toute liberté d’expression est abolie et il s’ensuit continent. l’avènement d’une société de non-droit. J. Bürckel veut L’aspect fondamental, qu’il faut sans cesse garder à accomplir avec diligence la tâche qui lui a été confiée ; l’esprit, est que l’annexion (comme par la suite les des buts à atteindre, selon des rythmes précis, ont été expulsions, les transplantations, la colonisation, le serclairement établis et un impressionnant arsenal juridique va se mettre en place pour parvenir à les réavice du travail, la conscription et tous les autres types de mesures prises dans le cadre pangermaniste de la liser. Néanmoins, si certains comportements et initia23 tives obéissent à une pensée définitivement élaborée, défense du Volksstum) s’inscrit dans un projet global d’autres répondent à une démarche pragmatique, tandis 21 Voir Peter M. Quadflieg, „Zwangssoldaten“ und „Ons Jongen“. Euque d’autres encore sont caractérisés par l’improvisapen-Malmedy und Luxemburg als Rekrutierungsgebiet der deutschen tion, l’impréparation et la méconnaissance des spécifiWehrmacht im Zweiten Weltkriege, Aix-la-Chapelle, 2008, 173 p. et cités locales. Georges-Gilbert Nonnenmacher, La grande honte de l‘incorporation de force des Alsaciens-Mosellans, Eupenois-Malmédiens et Luxembourgeois dans l‘armée allemande au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Colmar, 2e édition, 1966 (1ère édition : date inconnue), 240 p. 22 Voir Peter Hüttenberger, Die Gauleiter. Studie zum Wandel des Machtgefüges in der NSDAP, Stuttgart, 1969, 240 p. 23 Voir Michel Korinman, Deutschland über alles. Le Pangermanisme, 1890-1945, Paris, 1999, 703 p.

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24 Ainsi, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler était également chargé de la consolidation de l’ethnie germanique en sa qualité de Reichskommissar für die Festigung deutschen Volksstums . 25 « Eingegliederte Gebiete ».

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La vie quotidienne à l’ombre de la croix gammée : « Gleichschaltung, Umvolkung und Rückdeutschung » ■ L’accaparement systématique du pouvoir par des séides À de rares exceptions près, les autorités allemandes n’ont aucune confiance dans les indigènes, y compris les « autonomistes » aux sympathies pro-allemandes affichées. Après l’éviction des fonctionnaires de haut rang26 et des élus, seuls quelques maires au comportement germanophile avéré conservent leurs prérogatives ; les postes de confiance sont systématiquement confiés à des Reichsdeutsche, notamment d’origine sarroise et palatine. Des équipes éprouvées sont formées et se mettent en place, largement composées de partisans fidèles reconnus et, pour certains, ayant déjà servi sous les ordres de J. Bürckel dans ses précédentes fonctions. ■ L’éviction complète de la souveraineté et de la présence françaises L’annexion est décrite aux autochtones à la fois comme une libération et une fierté. La correction apportée aux frontières est présentée comme un retour dans le giron de la patrie d’un bastion historique du Deutschtum (réin-

26 Après la victoire militaire, le contrôle du territoire passait tout d’abord par le démantèlement de l’administration française en place. Ainsi, le préfet Charles Bourrat fut arrêté par les autorités allemandes le 18 juin 1940, gardé à vue puis expulsé du département le 8 août, comme son chef de cabinet, Darrouy, ainsi que nombre de leurs compatriotes. Maintenu dans ses fonctions à titre symbolique à compter du 6 octobre, il devint ensuite préfet de la Moselle « repliée » à Montauban (Tarn-et-Garonne), où Albert Durocher, ancien sous-préfet de Thionville, avait d’ailleurs été nommé préfet. Le 10 décembre 1940 intervint l’installation de ses services au 4, rue Lacapelle ; au 1er avril 1941, tout le personnel préfectoral de Metz (avec aussi Etienne Jung, ancien souspréfet de Boulay), replié ou expulsé, y prenait ses quartiers de manière définitive. 27 employés y étaient désormais réunis (avec leurs familles respectives, il s’agissait d’une communauté de 72 personnes). Tous les éléments relatifs à cette antenne en charge de l’administration des réfugiés répartis dans les départements d’accueil sont réunis dans la sous-série 3 W aux archives départementales de la Moselle. Voir aussi Jean-Guy Bourrat, L’exode de la Lorraine. Itinéraire de Charles Bourrat, préfet de la République, de Metz à Neuengamme en passant par Montauban, Issy-les-Moulineaux, 2006, 470 p.

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tégration d’une population de souche raciale allemande, des Volksdeutsche)27. Parallèlement est menée une action de sape de l’influence française jugée néfaste ; ce travail est considéré comme une rééducation obligatoire : il faut au plus vite extirper et faire disparaître toute trace, même la plus infime, d’identité nationale et de sentiment français. Les derniers espoirs disparaissent définitivement le 7 août 1940 avec la désignation d’une autorité administrative allemande. Le 21 septembre, c’est l’entrée officielle du Gauleiter à Metz. L’installation du régime s’accompagne du démantèlement des structures existantes et de mesures à la fois vexatoires et chargées de symboles28 ; la version officielle des faits indique évidemment que ces changements sont les garants d’un avenir placé sous le signe du renouveau et de la prospérité : ● interdiction formelle de l’usage de la langue française et introduction de l’allemand obligatoire (y compris dans les cultes). ● incorporation à l’espace douanier allemand et imposition de la monnaie (retrait de la circulation du franc national et introduction du Reichsmark). ● introduction de la législation allemande, des systèmes judiciaire, scolaire, ferroviaire et postal. ● germanisation des noms : les villes et villages sont débaptisés, les prénoms et noms de famille sont changés sans autre forme de procès ; panneaux indicateurs, noms de rues, enseignes de commerces, plaques gravées des professions libérales, péniches, et pierres tombales subissent un sort similaire. ● confiscation des drapeaux nationaux, modifications des inscriptions sur les monuments aux morts et descellement des statues de personnages français illustres. ● refonte du cadastre et remembrement pour la colonisation agraire ; réorganisation territoriale par le découpage politico-administratif.

27 Voir Christian Hallier, Vom Selbstbehauptungskampf des deutschen Volkstums im Elsass und in Lothringen 1918-1940, Bühl-Baden, 2e édition, 1944 (1ère édition 1940), 136 p. 28 Ces dispositions sont recensées et décrites dans le Verordnungsblatt für Lothringen (VbfL). Arch. dép. Moselle, 1 W 1484-1488.

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[1] Arch. dép. Moselle, 2 W 206. Prestation de serment d’hommes du Reichsarbeitsdienst.

● dissolution des associations, fondations et organisations éducatives, sportives, culturelles et cultuelles préexistantes et substitution graduelle par des groupements émanant du nazisme29. ● épuration des bibliothèques et promotion d’ouvrages de propagande30. ● pillage et mise sous tutelle de l’économie.

En outre, toutes les personnes jugées « indésirables », et notamment les Juifs, le clergé catholique et les francophiles, sont persécutées, spoliées et expulsées31 par vagues successives. La population est placée devant le fait accompli : le choix ne peut s’exercer qu’entre deux options, assimilation ou départ. ■ Mainmise et contrôle. Des tentatives d’endoctrinement poussées Le contrôle d’une nouvelle étendue territoriale impliquait systématiquement la mainmise sur l’ensemble des médias (censure absolue et impitoyable ; diffusion des thèmes de prédilection). La Lorraine mosellane faisant dorénavant partie intégrante du Reich, la propagande, « troisième front », élément central du système de domination nazi et soutien de l’effort de guerre, y devint rapidement omniprésente et les consignes du ministère de tutelle y furent appliquées à la lettre. Les nazis s’appropriaient le temps et l’espace et imposaient leurs préceptes, envahissant et bouleversant la vie quotidienne des individus ; le but étant de forger et imposer un univers mental. Même si aucun corps 29 Un important travail est mené dans ce domaine par les deux organismes suivants : Lothringisches Institut für Landes- und Volksforschung et Mittelstelle Westmark. Arch. dép. Moselle, 1 W 208-285. 30 Voir Henri Hiegel, « La germanisation et la nazification de la vie culturelle du département de la Moselle sous l’occupation allemande de 1940 à 1944 » dans Mémoires de l’Académie nationale de Metz (1983-1984), Metz, 1985, tome 11, série VI, p. 99-109, et tome 12, série VI, p. 84-96. 31 Voir le catalogue de l’exposition des archives départementales de la Moselle, De gré ou de force. L’expulsion des Mosellans, 19401945, Lyon, 2010, 127 p., et Henri Hiegel, « Les expulsions et les transplantations en Moselle de 1940 à 1945 » dans Mémoires de l’Académie nationale de Metz (1980-1981), Metz, 1982, tome 9, série VI, p. 183-197.

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constitué, aucune activité physique ou intellectuelle, n’échappait au joug nazi32, la jeunesse était une cible éminemment privilégiée33. Le but était de la séduire afin de la prendre en main, puis de l’encadrer et enfin de l’enrégimenter. D’innombrables manifestations politiques et culturelles de masse étaient organisées de manière régulière pour l’attirer. C’est cette partie de la population qui vit se concentrer sur elle les principaux efforts de la propagande. Les sollicitations furent multiples, incessantes et les résultats attendus ambitieux. Mais l’adhésion sincère resta proportionnellement très faible. L’emprise totalitaire et son principe constitutif, « Ein Reich, ein Volk, ein Führer ! » Le Führerprinzip s’applique dorénavant à tous les échelons de la société : au sommet de cette hiérarchie se trouve Adolf Hitler, incarnation des forces vives de son peuple et dont la personnalité s’inscrit dans une continuité des grands personnages providentiels de l’histoire allemande, la « minorité historique ». Dans le cadre de ce culte de la personnalité, l’acte fondamental de la dévotion est le serment de fidélité auquel sont astreints les militaires34, les fonctionnaires, servants civils ainsi que l’ensemble des membres des organisations paramilitaires nazies [1] ; il s’apparente à un rite initiatique, qui est au cœur de nombreuses pratiques, de même que le salut hitlérien, le drapeau frappé

32 NS Frauenschaft, Deutsche Arbeitsfront et NS-Gemeinschaft « Kraft durch Freude », NS Beamtebund, NS Ärtztebund, NS Lehrerbund, NS Studentenbund, NS Rechtswahrerbund, NS Bauernbund, NS Volkswohlfahrt... 33 Voir la rubrique «Die Seite der Jugend » dans le quotidien NSZWestmark (15, 19 et 25 mars, 24 août, 19, 20 ainsi que 22 septembre 1941). 34 En vigueur depuis la loi du 20 juillet 1934 (Gesetz über die Vereidigung der Beamten und der Soldaten der Wehrmacht). Les autres textes fondateurs pour la Wehrmacht datent des 20 juillet 1935 et 15 mars 1938.

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[2] Arch. dép. Moselle, J 7278. Affichette Das Banner muss stehn wenn der Mann auch fällt (« La bannière doit rester debout même quand l’homme tombe »), publiée par la Wochenspruch der NSDAP, n° 22, 24-30 mai 1943.

de la Deutsche Volksgemeinschaft, à laquelle l’appartenance « corps et âme » était censée être vécue comme un honneur, intervint le 1er avril 1941. Ce « modèle social idéal » devait regrouper des gens venus de tous les horizons. Les pressions pour adhérer au mouvement furent incessantes. La création en Lorraine annexée du NSDAP proprement dit n’intervint cependant que le 30 août 1942 (tandis que les adhésions ne débutèrent que le 30 janvier 1943).

de la Swastika [2], l’hymne national, Deutschlandlied, ou encore la lecture de Mein Kampf. Cette prestation d’un serment d’allégeance était censée matérialiser l’attachement à Adolf Hitler, chef charismatique, et manifester un soutien loyal et indéfectible au guide suprême, et ce jusqu’à la mort : « Diensteid der Soldaten der Wehrmacht « Ich schwöre bei Gott diesen heiligen Eid, dass ich dem Führer des Deutschen Reiches und Volkes Adolf Hitler, dem Oberbefehlshaber der Wehrmacht, unbedingten Gehorsam leisten und als tapferer Soldat bereit sein will, jederzeit für diesen Eid mein Leben einzusetzen »35. Volksstum et Deutschtum caractérisaient le rayonnement intense du peuple allemand des siècles durant. L’appartenance des Mosellans à cette vaste entité linguistique, historique et culturelle justifiait le regroupement géographique imposé ; le rassemblement étant la base du concept de communauté. Prélude nécessaire à l’intégration dans le IIIe Reich, l’introduction officielle 35 « Devant Dieu, je jure obéissance inconditionnelle à Adolf Hitler, guide du Reich et du peuple allemands, commandant suprême des forces armées, et que je serai toujours prêt, comme un valeureux et brave soldat, à donner ma vie pour respecter ce serment ».

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La mise en scène du régime par le biais des célébrations patriotiques L’année s’écoule au rythme du calendrier des fêtes. Sont tour à tour célébrés avec faste : ● 24 janvier : commémoration de la mort d’Herbert Norkus, figure emblématique de la Hitlerjugend (HJ, Jeunesse hitlérienne), mais aussi d’autres figures comme Albert Leo Schlageter et Horst Wessel. ● 30 janvier : prise du pouvoir de 1933 (Machtübernahme. Tag der deutschen Revolution). ● 24 février : fondation du NSDAP36. ● 16 mars : glorification des héros (Heldengedenktag). ● 20 avril : anniversaire d’Adolf Hitler (Tag des Führers), qui coïncide généralement avec la prestation de serment de la jeunesse. ● 1er mai : fête du Travail (Tag der nationalen Arbeit). ● Fête des mères allemandes (Ehrentag der deutschen Mütter), le deuxième dimanche de mai. ● Solstice d’été (Sommersonnwendfeier) le 21 juin. ● Fête de remerciement pour la moisson et les récoltes (Erntedanktag), le 1er dimanche après la Saint-Michel (29 septembre). ● Le 9 novembre, sont célébrés les hommes tombés pour le mouvement lors du Tag der Kämpfer. À tout ceci s’ajoute une pléthore de manifestations en tout genre, relayées par une presse d’obédience nazie sans concurrence37 : Tag der Wehrmacht, Tag der 36 Voir l’article « Das deutsche Metz marschiert » dans le quotidien NSZ-Westmark du 31 août 1942. 37 Voir Thierry Mohr, Les quotidiens nazis Deutsche Front et NSZWestmark en Moselle annexée (1940-1944), mémoire de maîtrise, université de Metz, 1994.

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Luftwaffe, Tag der deutschen Polizei, Erster Deutscher Tag in Metz. Die Heimkehr ins Reich (relaté dans les colonnes des journaux le 20 septembre 1940), Tag des Deutschtums, Deutsche Kulturtage, Tag der DVG, Saarbefreiungsfeier… De même, la venue à Metz de personnalités du régime (Himmler le 7 septembre 1940, Hitler les 25-26 décembre 1940, Axmann en mars 1941, Goebbels le 6 octobre 1941) donne lieu à des réjouissances. Les différentes formations paramilitaires sont systématiquement invitées aux manifestations publiques, notamment lors des défilés, tant diurnes que nocturnes (les retraites aux flambeaux sont fréquentes), censés être [3] Arch. dép. Moselle, 2 W 245. Défilé d’hommes du Reichsarbeitsdienst, [Metz, 1942 ?]. des démonstrations de force : leurs fanfares jouent des musiques de marche martiales. Lors de ces parades et [4] Arch. dép. Moselle, 17 Fi 514. Affiche Kamerad, es war nicht umsonst !, « Camarade, ce ne fut cortèges, l’espace public est saturé de drapeaux, pavois, pas pour rien », dit le soldat de 1940 à celui de 1918). étendards, oriflammes et fanions auxquels s’ajoute un foisonnement de portraits, effigies, slogans, emblèmes, sans oublier les couronnes et corbeilles de Le nazisme étant un nuité du combat de la Moselle aux côtés fleurs [3]. projet global de société, de l’Allemagne (dans cet esprit, les cimeil s’agit de créer avec Le nazisme étant un projet global de tières et les monuments sont soigneului une identification de société, il s’agit de créer avec lui une idensement entretenus, le Nationalsozialischacun en esthétisant, tification de chacun en esthétisant, théâtisches Kriegsopferversorgung s’occupe des tralisant et ritualisant la vie politique par théâtralisant et ritualisant anciens combattants et des victimes de la vie politique. l’orchestration d’un cérémonial grandiose guerre ainsi que de leur famille, le journal et d’un décorum (à Metz, autour de la Der gute Kamerad. Monatsblätter für die porte des Allemands, de la place d’armes, de la cathéKriegsopfer der Westmark est distribué39, les glorieux épisodes des victoires prussiennes de 187040 à Vionville, drale, de l’hôtel des mines). Le port de l’uniforme doit Gravelotte, Rezonville, Saint-Privat sont célébrées)41 exercer une fascination et une attirance, être synonyme de prestige. La réalité du régime est enjolivée. [4]. Deutsches Soldatentum38. Une politique d’incitation à l’enrôlement par la glorification de l’héroïsme Les propagandistes placent leur récit dans une tradition militaire liant passé, présent et avenir, une conti38 Voir l’article du quotidien NSZ-Westmark du 26 juillet 1944 « Unsterbliches Soldatentum ».

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La jeunesse doit suivre l’exemple de ses aînés. Ainsi, très tôt, les appels au volontariat pour rejoindre la 39 Arch. dép. Moselle, 2 W 1237. 40 Voir l’article du quotidien Deutsche Front du 15 août 1940 « Auf Blutgetränkte Erde ». 41 Voir l’affiche intitulée Kamerad, es war nicht umsonst ! [« Camarade, ce ne fut pas en vain ! »] (Arch. dép. Moselle, 17 Fi 514).

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[5] Arch. comm. Metz, 3 Z 11 b. Affiche Lothringens Jugend bekennt sich zu Adolf Hitler (« La jeunesse de Lorraine dit sa foi en Adolf Hitler »).

[6] Arch. dép. Moselle, 2 W 20. Affiche pour le recrutement dans la Wehrmacht, Unteroffizier im Heer. Dein Beruf ! (« Sous-officier dans l’armée de terre. Ton métier »).

Hitlerjugend et son organisation sœur pour les filles, le Bund deutscher Mädel (organisation de Werbewoche der HJ und des BDM)42 [5], le RAD et la Wehrmacht [6] se multiplient et ils ne cesseront d’ailleurs jamais tout au long de la guerre43. Ne pas adhérer étant considéré comme une forme de dissidence. Mais, excepté quelques cas marginaux qui se portent immédiatement volontaires, l’engagement, de quelque nature que ce soit, reste fort rare malgré une intense pression, dans les classes supérieures des lycées notamment, où un office de recrutement pour la Waffen-SS est institué dès la fin de l’année 194044. Les publications comme Signal45 [7], Der Adler46, Die Wehrmacht et Offiziere des Führers. Die nationalsozialistische Monatsschrift der Wehrmacht für Politik, Weltanschauung, Geschichte und Kultur, moyens de diffusion de l’idéologie, et notamment de la théma42 Voir la pléthore d’articles du quotidien NSZ-Westmark consacrée à ce type de manifestation (15-23 septembre 1941). 43 Voir les deux petits encarts « Vom HJ zum Offizier des Heeres. Dein Weg » (31 mars 1943) et « Offiziere von Morgen » (20 janvier 1943) dans le quotidien NSZ-Westmark. 44 Ce n’est que le 28 août 1941 que l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW), réticent à l’origine, autorise la publicité pour l’engagement. 45 Sous le contrôle de l’OKW, le premier numéro de ce journal d’actualité militaire paraît le 15 avril 1940, à l’initiative notamment du lieutenant-colonel Hasso von Wedel et du responsable de la section IV de la Wehrmacht Propaganda Abteilung, le capitaine Hans Martins. 46 Magazine servant de «  vitrine » à la Luftwaffe et ayant développé toute une série de produits dérivés (brochures, romans héroïques, carnets de chants, calendriers, cartes postales et même boîtes de jeux) ayant l’armée et la guerre pour thématiques (publication du premier numéro de ce titre le 1er mars 1939 et poursuite jusqu’à la fin d'octobre 1944).

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[7] Coll. privée. Magazine illustré bimensuel d’actualité militaire et de propagande Signal (numéro du 2 août 1941).

tique de la croisade contre le judéo-bolchevisme, sont abondamment diffusées. Globalement, c’est un échec cuisant par rapport aux efforts déployés et aux sommes colossales investies. Les encouragements suscitent peu d’enthousiasme bien que le recrutement pour l’entrée dans les diverses formations paramilitaires se caractérise par d’intenses campagnes via magazines, affiches, radio et cinéma (en privilégiant les aspects techniques novateurs de l’époque) ; les différentes organisations disposent en effet de moyens considérables alloués pour leur promotion. Les véhicules culturels, les outils pédagogiques et didactiques Afin d’inculquer les préceptes du national-socialisme et ainsi modifier les fondements de la société en profondeur, de nombreux périodiques et journaux d’information sont vendus ou distribués gracieusement47, non sans arrière-pensées. À côté des traditionnelles publications comme Unser Wille und Weg. Monatsblätter der Reichspropagandaleitung der NSDAP ou encore Die Westmark. Monatsschrifte für deutsche Kultur, on retrouve les diverses affiches incitatrices et coercitives (Anordnung, Verbot, Bekanntmachung, Aufruf etc.), les placards apposés dans les rues, les écoles, les gares, les administrations, les entreprises (Die Parole der Woche. Parteiamtlichen Wandzeitung der NSDAP, Wochenspruch der NSDAP, Kernsprüche des Tages, etc.)48 [8], les brochures 47 Il peut s’agir d’éditions nationales, régionales ou locales. 48 Arch. dép. Moselle, J 7278.

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[8] Arch. dép. Moselle, J 7278. Affichette Wer zu Hause keine Not tragen will, der schäme sich vor den Helden der Schlacht (« Celui qui ne veut pas supporter de manquer de quelque chose chez lui, qu’il soit plein de honte face aux héros de la bataille », publiée par la Wochenspruch der NSDAP, n° 34, 16-22 août 1942. [9] Coll. privée. Magazine pour les écoliers Hilf mit ! Illustrierte Deutsche Schülerzeitung, n° 4, janvier 1941.

(Lothringen, mein Heimatland), les livres édifiants (Die Une condition sine qua non s’impose pour la réussite Heimkehr) qui répètent inlassablement les mêmes mesdu programme, du plan d’ensemble : il faut ériger en sages. dogmes les sujets de la propagande et en faire des « artiL’éducation étant un axe majeur, un objectif prioritaire cles de foi » (Henri Burgelin), relevant tant de l’intime du projet national-socialiste, les publications pour la que du communautaire. La liturgie nazie s’appuie donc jeunesse occupaient une place prépondérante, comme sur ses évangiles qui doivent inspirer un dévouement les mensuels Hilf mit ! Illustrierte Deutsche Schülerabsolu. Une série d’obligations s’impose alors à chaque zeitung [9] et Deutsche Jugendburg. Die Zeitung für die membre de la Volksgemeinschaft : Treupflicht, GehorsamPimpfe (publication du NS-Lehrerbund). La fonction de pflicht et Leistungspflicht ; à cela s’ajoutent les devoirs de ces revues est de susciter l’exemplarité et l’émulation la jeunesse : Jugenddienstpflicht, Arbeitsdienstpflicht et en prônant des « vertus proprement allemandes » : disWehrdienstpflicht. cipline, obéissance, ordre, persévérance, volontarisme, intégrité, droiture, sens L’éducation étant un Annexion, germanisation, nazification et axe majeur, un objectif de l’honneur, etc. ; sans oublier le soutien militarisation de la société étaient donc prioritaire du projet et la solidarité réciproques entre Front et intrinsèquement liées ; elles s’inscrivaient 49 national-socialiste, les Heimat dans une même contribution à dans un projet global de domination qui publications pour la l’effort de guerre50. La presse est aussi un s’organisait sur les court, moyen et long jeunesse occupaient une termes. puissant relais de la propagande51. place prépondérante. 49 Voir l’article de la NSZ-Westmark du 30 août 1944 « Aus dem Opfer blüht das Leben. Das Beispiel der Front. Die Antwort der Heimat ». 50 Voir une série de dix publicités pour la Deutsche Reichsbahn parue dans le quotidien NSZ-Westmark (27-28 juin, 4-5 et 11-12 juillet ainsi que 5, 12, 13, 15, 19, 22 et 29 août 1942). 51 Ainsi, dans le quotidien Deutsche Front, on peut découvrir, du 21 au 28 septembre 1940, la rubrique « Tapfere Söhne Lothringens ».

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[10] NSZ-Westmark, 4 mars 1942. Appel à l’engagement dans la Waffen-SS : « Jeune Lorrain ! Ton père se battait pour la beauté et la grandeur de l’empire. Viens à nous, dans les divisions d’assaut nationales-socialistes des temps nouveaux ! Entre dans les Waffen SS ! ». [11] Arch. dép. Moselle, J 7278. Affichette In der Hingabe des eigenen Lebens für die Gemeinschaft liegt die Krönung allen Opfersinns (« Le couronnement du sens du sacrifice réside dans le don de sa propre vie pour la communauté »), publiée par la Wochenspruch der NSDAP, n° 12, 15-21 mars 1942.

Éducation et militarisation : la préparation à la guerre Il s’agit d’un processus évolutif caractérisé par une succession d’étapes auxquelles il est d’abord difficile, puis impossible de se soustraire : la formation débute par la Hitlerjugend, se poursuit avec le Reichsarbeitsdienst et s’achève par le service dans l’une des trois armes de la Wehrmacht52 ou, couronnement suprême, dans la Waffen-SS [10]. La jeunesse en est le socle. Le but ultime pour cette armée d’enfants et d’adolescents est l’apprentissage du danger, de la virilité et de la violence, par la mise en valeur de l’idéal belliqueux national-socialiste. La guerre, et la brutalité qui lui est consubstantielle, sont considérées comme des valeurs souveraines et régénératrices. Ce maillage, auquel on ne peut ni ne doit se soustraire, est censé inculquer aux jeunes générations, par un intense conditionnement idéologique, le sens du devoir et l’esprit de sacrifice inhérent à son accomplissement [11]. Le soldat allemand est présenté comme un modèle à suivre, champion d’une cause juste, défenseur attitré de la civilisation européenne et prototype du héros aryen acceptant la mort au combat comme couronnement de son existence. Une obéissance aveugle et une soumission de tous les instants sont exigées. 52 Le 16 mars 1935, l’Allemagne avait rétabli le service militaire obligatoire. Parallèlement, le ministère de la guerre réapparaissait. La Reichswehr, aux effectifs et armements dérisoires imposés par le traité de Versailles du 28 juin 1919 devenait Wehrmacht (constituée de la Heer, de la Kriegsmarine et de la Luftwaffe).

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« Blut und Ehre ». Une jeunesse sous influence53 ■ « Wer die Jugend hat, hat die Zukunft ». Genèse et structuration Très tôt, le national-socialisme s’était autoproclamé mouvement de la jeunesse et dès le 8 mars 1922, Adolf Hitler avait fondé le Jugendbund der NSDAP. Basée sur l’unification de groupuscules épars, la Hitlerjugend voit le jour le 2 mai 1925 ; les 3 et 4 juillet 1926, lors du deuxième congrès du NSDAP tenu à Weimar, l’organisation, qui reste subordonnée à l’autorité de la SA, installe son quartier général à Plauen (Saxe) et se dote d’un dirigeant officiel, Kurt Gruber. À compter de cette date, elle se développe comme une organisation centralisée et autonome disposant de moyens d’expression considérables et en constante évolution (revues HJ Zeitung Sturmjugend, Die junge Front, Die Kameradschaft, Die Jugenschaft), tout en absorbant les autres mouvements de jeunesse. Il s’agit d’une structure fortement hiérarchisée avec à son sommet, la Reichsjugendführung ; l’autorité suprême en était le Reichsleiter Artur Axmann54. La Hitlerjugend arborait sur son fanion la rune de la victoire55. Les jeunes revêtaient un uniforme (foulard bagué, short noir ou jupe noire, chemise moutarde ou

53 Voir les articles des séries « Die Seite der HJ » et « BDM-Seite » du quotidien NSZ-Westmark (18 et 23 février, 10 et 24 août 1941). 54 Successeur, à partir du 8 août 1940, de Baldur von Schirach aux commandes de la HJ depuis mai 1931 mais ensuite tombé en disgrâce. 55 Tandis que l’emblème de la Schutzstaffel est constitué de deux Sieg Rune.

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[12] NSZ-Westmark, 21 septembre 1941. Die Seite der Jugend (la page de la jeunesse) : « La jeunesse se met en valeur » (sur la place d’armes de Metz).

blanche)56, suivaient un code de conduite et obéissaient à un système de grades. La conduite du mouvement se définissait par rapport au principe Jugend soll von Jugend geführt werden, prétendant incarner l’indépendance par rapport aux aînés. Les responsables étaient effectivement jeunes, mais, malgré l’existence d’écoles spécialisées, le personnel d’encadrement vint vite à manquer, et chaque jour plus cruellement. Il en allait de même des infrastructures d’accueil à cause notamment des dommages considérables causés par les bombardements. L’organisation interne se décomposait comme suit : pour les garçons, en Jungvolk (qui rassemblait les garçons de 10-14 ans surnommés Pimpfe) et (Kern)Hitlerjugend proprement dite (14-18 ans), pour les jeunes femmes en Jungmädel (10-14 ans) et en Bund deutscher Mädel (14-18 ans)57. Ces éléments du dispositif furent complétés le 19 janvier 1938 par la création du mouvement BDM Werk Glaube und Schönheit pour les femmes de 17 à 21 ans, qui le rejoignaient sur la base du volontariat : elles y apprenaient, la puériculture, l’exercice des tâches domestiques, la tenue d’une maison58 et y exerçaient des activités mettant en avant grâce et féminité (exercices gymniques en groupe avec ballons, au sol ou aux agrès) selon l’idéal des canons nazis. En Allemagne, le principal décret relatif à l’obligation de servir dans la Hitlerjugend date du 1er décembre 1936 (Gesetz über die HJ), il est ensuite complété les 30 avril 1938 (Jugendschutzgesetz) et 25 mars 1939 (Jugend56 L’uniforme doit être respecté en toute circonstance (Ehrenkleid). Les détails de tous les uniformes et tenues sont consignés dans l’Organisationsbuch der NSDAP. 57 BDM avec à sa tête Jutta Rüdiger qui, à partir de novembre 1937, succéda à Trude Mohr. En parallèle, à la tête de la NSFrauenschaft (du 24 février 1934 au 8 mai 1945), on trouvait la Reichsfrauenführerin Gertrud Scholtz-Klink. 58 D’après les instructions du manuel Mädel im Dienst.

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dienstpflicht). Des textes ultérieurs viennent préciser le dispositif légal notamment le 11 novembre 1940. Dans le Gau Westmark, après la suppression de tous les types d’associations en faveur de la jeunesse et d’intenses campagnes de recrutement, l’appel à l’inscription des enfants commence le 25 janvier 194159. Puis, l’étau se resserre et, conformément aux textes déjà en vigueur dans le Reich, l’adhésion à la Hitlerjugend devient obligatoire le 4 août 194260. Les différentes mesures applicables se retrouvent dans toute une série de textes officiels, soit publiés, soit à communication limitée, soit confidentiels61. ■ Une mission sacrée. Forger et endurcir les corps, régénérer les esprits [12] Il est vital d’imposer une nouvelle culture politique, de s’affranchir d’un ancien système de valeurs jugé décadent et corrompu et d’en imposer un nouveau, proprement allemand et dégagé de toute préoccupation humaniste. La modification de l’environnement socioculturel est radicale pour donner naissance à une future élite (cadres du Parti et de l’État, guerriers), une avant-garde national-socialiste fidèle qui obéit aveuglément aux ordres du Führer et se dévoue corps et âme au service de la communauté. Inspirées par l’idéologie Blut und Boden, le Bund der Artamanen et le mythe des Wehrbauern, les bases de la méthode éducative s’articulent essentiellement autour de trois thématiques : l’exaltation de l’Allemagne (sa mission, son histoire, sa puissance), le culte du soldat62, des héros et martyrs allemands (la cérémonie initiatique du serment des membres63, empreinte de beau59 Les subdivisions territoriales s’organisent comme suit : Banne 709 à Sarreguemines, 710 à Château-Salins, 711 à Sarrebourg, 712 à Thionville, 713 à Metz-Ville, 714 à Metz-Campagne, 715 à Boulay, 716 à Saint-Avold. Voir arch. dép. Moselle, 2 W 17. 60 Texte complété ensuite par le Gauleiter le 8 juin 1943. 61 Voir arch. dép. Moselle, 2 W 1271/1 (Obergaubefehl) et 1 W 786/1 (Gebietsbefehl). 62 Voir arch. dép. Moselle, J 7278 (album de vignettes Die deutsche Wehrmacht). 63 Voir Verpflichtung der deutschen Jugend (Arch. comm. Metz, 1 Z 48b) et l’article « Feiertag des Volkes. Der Tag der Verpflichtung der Jugend » dans le quotidien NSZ-Westmark (27-28 mars 1943).

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[13] Arch. dép. Moselle, 1 W 662. Livret Landdienst der Hitlerjugend. Wille und Werk relatif à la participation des jeunes aux travaux agricoles.

coup de solennité, avec des chants choraux glorifiant les forces vitales de la jeunesse et l’esprit de camaraderie. Le contenu des leçons prodiguées s’articule autour des mythes, légendes (Nibelungen, Frédéric Barberousse) et grands hommes allemands (Hermann der Cherusker, Prinz Eugen, Götz von Berlichingen, Friedrich der Grosse, Moltke, Bismarck, Von Richthofen, Clausewitz, Blücher, Dürer, Holbein, Nietzsche, Heidegger, Goethe, Schiller, Wagner, Bach, etc.). Élément central du culte et du goût de l’effort, les diverses activités sportives au grand air s’imposent d’emblée comme fondamentales. Des marches de différents niveaux et des courses d’orientation constituent la base de l’entraînement. Viennent ensuite la boxe, les sauts (hauteur et longueur), les lancers (poids, marteau, javelot, disque), le grimper de corde, la natation, l’escrime, ainsi que les sports d’équipe comme le football, mais aussi l’apprentissage du tir, le lancer de grenade factice ou encore les signaux par drapeaux. Le groupe, où règne une atmosphère d’entraide, doit être fort, structuré et protecteur. Des mesures disciplinaires très strictes sont édictées avec un service d’ordre chargé de les faire appliquer avec sévérité.

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■ Encadrement et formation Même si les leçons de l’école conservent une place fondamentale, notamment les cours de Deutschkunde et de biologie, les élèves en sont régulièrement détournés64 par la participation obligatoire aux multiples activités de la HJ (quêtes pour les veuves et les orphelins de guerre, exercices de défense passive, etc.)65 De ce fait, l’absentéisme, toléré, est monnaie courante. Dans le même ordre d’idées, les relations avec la famille se raréfient et se distendent. À mesure que la guerre s’éternise, les activités ludiques et récréatives se font de plus en plus rares tandis que les sollicitations sont innombrables : des rencontres (Heimabende) sont organisées de manière hebdomadaire dans des bâtiments et locaux (Heime) spécialement affectés, le plus souvent après l’école ou la participation aux travaux des champs dans le cadre des Landdienstlagern66 [13]. À cela s’ajoutaient les cours de premiers secours et de lutte contre les incendies. Les camps de printemps et d’été viennent compléter un programme déjà bien fourni67. Les instructeurs font passer toutes sortes de tests d’aptitude physique (les exigences athlétiques sont particulièrement importantes) et psychologique (le charisme des « meneurs d’hommes » est prisé pour la détection des futurs officiers) et tiennent des livrets (Leistungsbücher et Dienstbücher) où les performances, les comportements et les progrès réalisés sont consignés. Des distributions de badges et de médailles68 pour les plus méritants ont lieu lors des compétitions internes, régionales ou nationales69. Rapide64 Les cours sont par exemple fréquemment interrompus par la diffusion, à l’aide des haut-parleurs, des Sondermeldungen, dont l’écoute est impérative. 65 Comme les prérogatives de l’organisation ne cessent d’enfler, des frictions surviennent régulièrement avec Bernhard Rust, Reichsminister für Wissenschaft, Erziehung und Volksbildung. 66 Voir plaquette Landdienst der HJ. Wille und Werk : arch. dép. Moselle, 1 W 662. 67 Voir l’article de la NSZ-Westmark du 15 juin 1943 « HJ Pfingstlager im Metzer Land. Tage der Bewährung in Kameradschaft und Disziplin ». 68 Schiessauszeichnung pour récompenser les tireurs d’élite. 69 Voir Reichs-Sportwettkampf der HJ 1941. Reichsausschreibung (détails de l’organisation des jeux) et Reichs-Sportwettkampf der HJ 1941. BDM Wertungstafel (tableau des performances) : arch. dép. Moselle, 1 W 756.

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[14] Coll. privée. Affiche illustrant le mot d’ordre pour la jeunesse en 1943 engagée dans la guerre totale décrétée par Hitler (Wir alle helfen mit [« Nous nous mobilisons tous »]), s. d.

service comme estafette (lorsque les communications sont interrompues lors des attaques aériennes) ou agent de liaison72, mettent la jeunesse en première ligne [14]. S’agissant des jeunes femmes, la vocation naturelle de ces Volksgenossinnen était d’être des « gardiennes de la race et de la vie », selon la maxime Kinder, Kirche, Küche, à la fois épouses, mères et filles vertueuses, exemplaires et dévouées ; la maternité était ainsi assimilée à une vertu patriotique. Cantonnées à l’origine aux travaux ménagers, les tâches qui leur sont confiées s’adaptent au fur et à mesure aux situations induites par la guerre, notamment l’aide aux plus démunis : participation à des quêtes dans la rue et à domicile, collecte d’habits, de plantes médicinales, de métaux, de livres (pour le Kriegswinterhilfswerk, le Nationalsozialistische Volksment, des présélections s’opèrent selon les dispositions wohlfahrt ou la Deutsches Rotes Kreuz)73. Elles travaillent manifestées ; les meilleurs éléments suivent une formacomme infirmières dans des hôpitaux ou à la poste, partion militaire poussée. ticipent aux programmes agricoles, gardent des enfants, confectionnent des paquets et colis pour Parallèlement à l’intensification du volet La Wehrmacht entretient le front. de longue date des militaire dans la HJ, surtout après le rapports très étroits début du conflit, apparaissent peu à Travaillant en commun avec les instances peu des branches de formation spécifi- avec les organisations de du Reichsjugendführer, la Wehrmacht ques : ces soirées destinées à acquérir des jeunesse, viviers naturels entretient de longue date des rapports de recrutement. connaissances théoriques et effectuer très étroits avec les organisations de des travaux pratiques supplémentaires jeunesse, viviers naturels de recrutement. ont généralement lieu une à deux fois par semaine, Ainsi, dès 1937, cette étroite collaboration est les samedis et dimanches en après-midi ou en soirée matérialisée par la création d’un poste d’officier de (pour les trois armes, les transmissions ainsi que la cavaliaison entre Wehrmacht et Hitlerjugend : cette fonction 70 lerie : Flieger-HJ , Marine-HJ, Motor-HJ, Nachrichten-HJ, est confiée à Erwin Rommel, alors instructeur militaire Reiter-HJ mais aussi Sanität-HJ et même Feuerwehr-HJ71). et commandant de l’académie de guerre de Potsdam et Les enseignements dispensés durant ces ateliers dépendont l’ouvrage Infanterie greift an sera abondamment dent souvent d’autres institutions). distribué dans les rangs en guise de manuel. Le 11 Durant la guerre, l’intensification et la fréquence des août 1939, la coopération, déjà fructueuse, est encore activités directement en contact avec le front et donc renforcée par la signature d’une nouvelle convention tous les dangers qui en découlent, notamment pour le de coopération avec le maréchal Wilhelm Keitel, commandant suprême des forces armées allemandes. L’armée édicte des règlements et forme des instructeurs 70 Voir l’article du quotidien NSZ-Westmark du 9 juin 1941 « Ehrentag der Metzer Flieger-HJ ». 71 Il existait déjà avant la guerre une formation de défense passive (dispensée par le Reichsluftschutzbund) dans les écoles ; la maîtrise alliée du ciel et la violence des raids de bombardement rendaient cette entreprise très périlleuse.

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72 Arch. comm. Metz, 30 Z 29, Rundschreiben der NSDAP. Gebietsführung Westmark. Anweisung für den Einsatz von 13-, 14- und 15jährigen für den Katastrophenschutz. 73 Arch. dép. Moselle,1 W 1423 et J 7278.

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[15] Coll. privée. Affiche pour promouvoir l’enrôlement des éléments de valeur dans la SS après leur passage dans la Hitlerjugend (Gerade du [« C’est toi qu’il nous faut ! »]), s. d. [16] Coll. privée. Mensuel Das deutsche Mädel. Die Zeitschrift des Bundes Deutscher Mädel in der HJ, mars 1941.

qui officient dans les écoles de cadets d’Obermassfeld ■ Les principaux vecteurs de l’idéologie. (Thuringe) et Middleburg (Mecklembourg). La Des moyens pour une fin Waffen-SS n’est pas en reste et, sous l’impulsion de Gottlob Berger, des tractations fructueuses débutées le La lecture 26 août 1938 débouchent le 1er octobre de cette même Très tôt sont éditées les lettres éducatives (Schülungsannée sur la création d’un bureau de liaison. Il propose briefe) destinées à fournir les éléments des causeries aussi à Himmler la création d’une division SS composée de groupe. Les contes, sermons patriotiques et drames historiques sont privilégiés. Des parutions spécifiques de membres des Hitlerjugend (avec présélection des candidats potentiels), elle sera officiellement mise sur apparaissent, où se mêlent endoctrinement, rêves pied à partir du 10 février 1943 (17 ans, classe 1926). d’aventure et promesses d’émancipation vis-à-vis du Sont également créées deux divisions (les 9e et 10e monde des adultes : PzgD Hohenstaufen et Frundsberg) en sélectionnant les ● le bimensuel édité depuis 1932 par B. von Schirach jeunes hommes satisfaisant à des critères physiques Wille und Macht. Führerorgan der nationalsozialistischen drastiques74 dans divers camps du RAD. Comme à partir Jugend. de 1937, les formations paramilitaires ● les mensuels Das deutsche Mädel. Die sont renforcées, Wehrmacht et Waffen Très tôt sont éditées Zeitschrift des Bundes Deutscher Mädel les lettres éducatives SS se livrent une concurrence acharnée in der HJ [16] , Die Jungmädelschaft, (Schülungsbriefe) pour disposer des recrues les plus Junge Welt. Die Reichszeitschrift der Hidestinées à fournir les prometteuses [15]. tlerjugend (qui succède en avril 1939 à éléments des causeries l’hebdomadaire Die HJ. Das Kampfblatt de groupe. Les contes, der Hitlerjugend) et Morgen (qui devient sermons patriotiques et en 1937 Der Pimpfe. Nationalsozialistische drames historiques sont Jugendblätter). privilégiés. ● Le livre de Hans Wolf, Kameradschaft (1938), connaît un grand succès. La littérature de guerre fait la part belle aux morts pour la 74 Mais, au vu des besoins croissants en hommes, de nombreux critères de sélection sont revus à la baisse. cause de l’Allemagne, aux récits exemplaires, aux réci-

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[17] Arch. dép. Moselle, J 7278. Livre de chants Unser Liederbuch. Lieder der HJ, destiné aux membres de la Jeunesse hitlérienne.

(Refrain) Uns’re Fahne flattert uns voran. In die Zukunft ziehen wir Mann für Mann Wir marschieren für Hitler Durch Nacht und durch Not Mit der Fahne der Jugend Für Freiheit und Brot. Uns’re Fahne flattert uns voran, Uns’re Fahne ist die neue Zeit. Und die Fahne führt uns die Ewigkeit ! Ja, die Fahne ist mehr als der Tod !

piendaires de prestigieuses décorations et médailles militaires75. Des Dichterlesungen sont tenues, durant lesquelles sont lus des poèmes épiques. Le chant76 et la musique [17] Le principal air entonné par les membres de la HJ, Vorwärts ! Vorwärts ! (oder Fahnenlied der HJ), est repris en chœur à la moindre occasion : Vorwärts ! Vorwärts ! Schmettern die hellen Fanfaren, Vorwärts ! Vorwärts ! Jugend kennt keine Gefahren. Deutschland, du wirst leuchtend stehn Mögen wir auch untergehn. Vorwärts ! Vorwärts ! Schmettern die hellen Fanfaren, Vorwärts ! Vorwärts ! Jugend kennt keine Gefahren. Ist das Ziel auch noch so hoch, Jugend zwingt es doch.

Jugend ! Jugend ! Wir sind der Zukunft Soldaten. Jugend ! Jugend ! Träger der kommenden Taten. Ja, durch uns’re Fäuste fällt Wer sich uns entgegenstellt Jugend ! Jugend ! Wir sind der Zukunft Soldaten. Jugend ! Jugend ! Träger der kommenden Taten. Führer, wir gehören dir, Wir Kameraden, dir ! Les formations musicales organisent régulièrement des récitals publics, les Konzerten der Jugend. Les Spielscharen der HJ accueillent les élèves doués au sein de troupes de théâtre, orchestres et chorales.

75 Kriegsbücherei der deutschen Jugend  : collections d’ouvrages glorifiant les hauts faits d’armes des soldats allemands à travers les âges. 76 Arch. dép. Moselle, J 7278, Unser Liedbuch. Lieder der HJ.

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de trois semaines77 d’un stage intensif Le cinéma Dans les salles obscures sont projetés des films Dans les salles obscures sont projetés au terme duquel elles se familiarisent de propagande afin des films de propagande afin de captiver avec l’entraînement basique d’infanterie l’auditoire et de le galvaniser ; les courts, de captiver l’auditoire et et l’acquisition de connaissances dans de le galvaniser. moyens et longs-métrages sont précédés des spécialités comme le camouflage, la des Deutsche Kriegswochenschauen (qui cartographie, les armes à feu (entretien, détaillent les campagnes allemandes en cours, tout en assemblage, maniement, fonctionnement, balistique, assurant la promotion de la Wehrmacht) ainsi que des etc.) ou encore la reconnaissance. Couplé à un enseiKulturfilme. Au programme, parmi tant d’autres : gnement idéologique poussé, l’accomplissement de cet ● Hitlerjugend in den Bergen (1932) de Stuart Josef Lutz apprentissage est sanctionné par la remise d’un Kriegs● Hans Westmar (1933) de Franz Wentzler ausbildungschein. L’enseignement fait alterner cours ● Hitlerjunge Quex. Ein Film vom Opfergeist der théoriques dispensés par des soldats expérimentés et deutschen Jugend (1933) de Hans Steinhoff décorés (souvent blessés) du front et pratique inten● SA-Mann Brand (1933) de Franz Seitz sive. La pratique des exercices du drill prussien est quo● Jungens wollen zur See (1940) de Wilhelm Stöppler tidienne ; des manœuvres grandeur nature ont lieu ainsi ● Kadetten et Stukas (1941) de Karl Ritter que des exercices à balles réelles : ces jeunes doivent être ● Jakko (1941) de Fritz Peter Buch aguerris avant même d’avoir subi leur baptême du feu. À ● Spähtrupp Hallgarten (1941) de Herbert B. partir du 12 août 1943, les jeunes hommes de 17 ans qui Fredersdorf(f) en sont issus peuvent être immédiatement versés dans ● Sieg im Westen. Ein Film des Oberkommandos des unités combattantes une fois la formation achevée. des Heeres (1941) On dénombre plus de 250 unités réparties sur tout le ● U-Boote Westwärts ! (1941) de Günther Rittau Reich durant la guerre ; dans le Gau Westmark, plusieurs ● Kampfgeschwader Lützow (1941) de Hans Bertram sont identifiées, dont celle de Kaiserslautern, exclusive● Soldaten von Morgen (1941) d’Alfred Weidenmann ment encadré par les Waffen-SS. À cela s’ajoutent les Jugendfilmstunden. Les propriétaires de salles de cinéma sont en effet tenus de laisser les membres des jeunesses hitlériennes disposer de leurs salles à titre gracieux. Les dimanches matins, des projections sont organisées auxquelles des permissionnaires de la Wehrmacht sont invités pour relater devant l’auditoire leurs expériences du front. ■ L’encasernement futur, les Wehrertüchtigungslager Ce sont des camps d’entraînement militaire destinés aux membres de la Hitlerjugend, (pour des candidats ayant atteint les 16 ans). Créés le 13 mars 1942 et placés sous l’autorité du capitaine Gerd Hein, officier prestigieux nommé inspecteur général de cette nouvelle structure, ils préparent les futures recrues au métier des armes lors

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SA, SS, NSKK et NSFK78 L’espace public était complètement saturé de propagande, mais les Mosellans n’étaient pas dupes et dans le cadre de la sphère privée, bien souvent une hostilité sourde prévalait. Néanmoins, précipités au cœur d’un conflit planétaire qui induisait un rationnement ainsi qu’une multitude de restrictions consécutives aux pénuries, il leur fallait s’accommoder de la situation et cela passait parfois par une certaine forme de passivité mêlée de renoncement, car les préoccupations du quotidien (re)prenaient vite le dessus. Il était vital, pour subvenir aux besoins de sa famille, de pouvoir continuer 77 Tantôt en cumulant des samedis et des dimanches, tantôt d’un seul trait. 78 Leur création est officiellement annoncée par le Gauleiter le 8 février 1941.

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[18] Coll. privée. Revue des sections d’assaut, Die SA. Zeitschrift der Sturmabteilungen der NSDAP, n° 26, 19 juillet 1940. [19] Arch. comm. Metz, 3 Z 11d. Affiche Die SA ruft auch dich in die Wehrmannschaft (« La SA t’appelle aussi dans la section défensive »).

à exercer son activité professionnelle ; si on voulait la conserver, l’adhésion à l’une ou l’autre des formations nazies était un moyen sûr et efficace : elle n’était certes pas obligatoire, mais elle permettait de s’assurer une certaine tranquillité vis-à-vis du régime et d’en éviter les tracasseries. L’obtention d’une quelconque autorisation, d’un logement, d’une aide sociale, d’une bourse d’études, d’une promotion professionnelle ou d’autres avantages financiers ou en nature (parfois substantiels s’agissant de la SS) étaient très souvent conditionnés à cette appartenance. Parmi la myriade d’organisations satellites du NSDAP, le choix se portait alors sur celles que l’on croyait, souvent à tort, les moins politisées. Les multiples ramifications du mouvement nazi furent donc autant de moyens de contrôle de la population afin de s’assurer d’une certaine docilité.

pas moins présentes dans les activités d’encadrement des masses [18]. À leur tête, on trouvait le Reichsleiter, Stabschef und Oberster SA-Führer Viktor Lutze, qui effectua d’ailleurs une visite officielle en grande pompe à Metz le 21 mai 194179. C’est ensuite Wilhelm Schepmann qui lui succéda.

Depuis la nuit des longs couteaux le 29 juin 1934, les sections d’assaut (Sturmabteilungen) étaient passées au second plan, supplantées par la SS ; elles n’en restaient

79 Voir NSZ-Westmark du 22 mai 1941. 80 Voir les articles de la série « Die Seite der SA » du quotidien NSZWestmark (12 et 19 février, 2 mars et 8 avril 1941) ainsi que l’article « SA-Dem Führer auf ewig verbunden ».

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Les efforts déployés mettaient désormais l’accent sur les cours de langue et surtout l’entraînement sportif, dans le cadre d’un programme de Wehrsport80 [19]. Les rangs étaient clairsemés et plutôt peu zélés en Moselle et bien souvent des renforts des provinces voisines venaient gonfler les effectifs et assurer les différents échelons du commandement. La création de la brigade 250 Lothringen, sous l’égide de l’Oberführer Kerth, avait été autorisée le 1er octobre 1940 par le commandement en

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chef à Munich. Elle dépendait du groupe Kurpfalz et sa direction régionale se trouvait à Neustadt an der Weinstrasse81. Les autorités exigeaient une fiabilité attestée après l’année probatoire de rigueur : en Moselle, des peines d’exclusion furent prononcées82. Au son du Horst Wessel Lied, les miliciens organisaient donc des compétitions de disciplines sportives à vocation militaire (tir, lancers, parcours du combattant, courses de vitesse, d’endurance, de relais et d’obstacles, boxe et lutte, tir à la corde, etc.)83 [20]. Accessoirement, ils servaient aussi d’auxiliaires de gendarmerie et contrôlaient le bon fonctionnement de la garde territoriale84. C’est enfin à eux qu’incomba en grande partie, aux côtés des SS, NSKK et NSFK le soin d’organiser et mettre en œuvre le Volkssturm85. Les sujets valides furent eux aussi mobilisés dès 1943 et n’échappèrent pas à la saignée du front de l’Est, bien souvent en servant comme simple Landser86.

81 Elle était composée de 5 Standarte d’infanterie (Metz 98, Thionville 135, Saint-Avold 173, Sarrebourg 97 et Sarreguemines 70), d’une Standarte de cavalerie (Metz) et d’une Sturmbann de marine. 82 Arch. dép. Moselle, 2 W 92. 83 Arch. dép. Moselle, 2 W 206, plaquette (avec le détail précis du déroulement des épreuves) Wehrkampftage 1943. Ausschreibung und Durchführungsbestimmungen. 84 Arch. dép. Moselle, 1 W 810, Befehlsblatt für die Land-und Stadtwacht. 85 Le Volkssturm était la levée en masse des hommes de 16 à 60 ans, décrétée par Adolf Hitler le 25 septembre 1944 et appliquée dès le 19 octobre de cette même année. A cette garde territoriale, il fallait ajouter les bataillons de Schanzer appelés pour l’organisation de la défense du territoire : travail à l’entretien des ouvrages fortifiés sur le Westwall, creusement de boyaux de communication entre les tranchées et de fossés antichars ; aménagement de points d’appui et de positions anti-aériennes, de postes d’observation et de tirs pour les nids de mitrailleuses ; pose de réseaux de fils de fer barbelés ; travaux de terrassements dans le cadre de la construction de fortifications de campagne et d’abris du génie mais aussi pose de mines et d’obstacles. Arch. dép. Moselle, 1 W 1178 (en Moselle, les SA sont proportionnellement majoritaires au sein de l’état-major). 86 Arch. dép. Moselle, 2 W 93.

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[20] NSZ-Westmark, 14 octobre 1941. Die Seite der SA (« La page de la SA ») : reportage sur la fête de la bannière SA de Metz et ses compétitions sportives (cl. Bour). [21] Arch. dép. Moselle, J 6950. Livret de propagande et de recrutement intitulé Dich ruft die SS ! (« La SS t’appelle ! »). Cette brochure du SS-Hauptamt, publiée en 1941 sous l’autorité directe du Reichsführer-SS Heinrich Himmler, détaille l’histoire et les valeurs de l’« ordre noir » ainsi que les opportunités de carrière au sein de ses différentes branches.

Les habitants pouvant attester de la pureté de leur ascendance aryenne étaient invités à intégrer l’Allgemeine SS et surtout la Waffen-SS [21]. Fiers de leur devise, « Meine Ehre heisst Treue », leur rôle était surtout de donner un exemple de dévouement et de fanatiser la jeunesse, de lui donner conscience d’appartenir à une élite selon les principes du darwinisme social. L’hebdomadaire Das schwarze Korps. Organ der Reichsführung SS – Zeitung der Schutzstaffeln der NSDAP servait de relais à leur action. Les unités motorisées (NSKK-Nationalsozialistisches Kraftfahrerkorps – Motorgruppe Westmark)87 s’étaient rapidement implantées en Moselle (Standarten 161 à 165 sous la direction de Friedrich Ritter von Städler). Dirigé successivement par les deux Korpsführer Adolf Hühnlein et Erwin Krauss, ce corps regroupait tous ceux 87 Voir les articles du quotidien NSZ-Westmark du 22 mars 1941 « Die Seite der NSKK » et du 8 mars 1943 « Prüfzeit ist Kampfzeit. Feierliche Verpflichtung der NSKK Motorstandarte 162 Metz ».

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[22] Coll. privée. Magazine officiel du NSKK, Deutsche Kraftfahrt. Motorwelt, novembre 1942. [23] Coll. privée. Magazine officiel du NSFK, Das NS-Fliegerkorps, n° 7, juillet 1942.

qui, par profession (garagistes) ou par goût (membres de clubs), s’intéressaient au domaine de l’automobile [22]. Des moniteurs formaient les jeunes aux rudiments et techniques de la mécanique, notamment dans le cadre des Motor-HJ. En théorie, il ne s’agissait pas d’unités combattantes, mais ces activistes furent rapidement versés dans l’armée, notamment comme chauffeurs de camions pour assurer le transport des convois de ravitaillement. Le vol à voile et le planeur avec le NSFK (Nationalsozialistisches Fliegerkorps) étaient très prisés et les instructeurs encadraient les membres des Flieger-HJ. Des baptêmes de l’air étaient organisés afin de susciter l’engouement pour le pilotage et des vocations88 [23]. Dès le 11 septembre 1944, à l’initiative du préfet Marcel Rebourset, les membres des SA, SS et NSKK furent placés préventivement dans des camps d’internement administratif (Metz-Queuleu, Forbach, Hayange, SuzangeSérémange, Écrouves en Meurthe-et-Moselle)89 en attendant leur jugement par les différentes sections de la cour de justice de la Moselle90 dans le cadre de l’épu-

88 Voir l’article « Die Seite des NSFK. Lothringens Jugend will fliegen » dans le quotidien NSZ-Westmark du 14 novembre 1941 89 Arch. dép. Moselle, 96 W 4-30. 90 Jugements et dossiers dans : arch. dép. Moselle, sous-séries 256 W, 285 W et 1498 W 1008-1022.

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ration91 ; ils furent étroitement surveillés par les Renseignements généraux92 après leur libération ou une fois leurs peines purgées.

« Arbeit (für Dein Volk) adelt (Dich selbst) »93 ■ L’incorporation au sein du Reichsarbeitsdienst94 Créé en Allemagne le 26 juillet 1935, il s’agissait à la base d’un service d’une durée d’un semestre constitué de tâches d’intérêt général pour la tranche d’âge des 17-25 ans et destiné à mettre en exergue les valeurs d’effort collectif, d’union nationale et de cohésion solidaire ; les jeunes gens des deux sexes étaient incorporés par ordre d’appel. 91 Sur l’épuration administrative : arch. dép. Moselle, 73 W 75-88, 76 W 463-522, 77 W 277-298, 151 W 202-344, 372/1-14, 1242 W 1-5 et 1331 W 124-138. 92 Arch. dép. Moselle, sous-séries 2005 W, 2071 W et 2203 W. 93 L’enrôlement des hommes et des femmes dans le Reichsarbeitsdienst ne doit surtout pas être confondu avec le S.T.O. (Service du travail obligatoire), officiellement institué en France le 16 février 1943 par Julius Ritter, envoyé de Fritz Saückel (Gauleiter de Thuringe et plénipotentiaire général pour le recrutement de la maind’œuvre en Europe depuis le 21 mars 1942). Voir Henri Hiegel, « L’enrôlement des Mosellans dans le R.A.D. et la Wehrmacht de 1940 à 1945 », dans Mémoires de l’Académie nationale de Metz (1980-1981), Metz, 1982, t. 8, série VI, p. 75-89. 94 Pour les fiches et les rôles, voir notamment arch. dép. Moselle, 1 W 786/1.

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[24] Coll. privée. Photographie du Reichsarbeitsführer Konstantin Hierl tiré de l’ouvrage Bausteine zum dritten Reich. Lehr- und Lesebuch des Reichsarbeitsdienstes.

d’eau, de drainage et d’irrigation, d’exploitation de carrières, de dégagement d’abattis ou d’entretien des routes. Les grands chantiers étaient alors très nombreux. Mais les tâches dévolues durant la guerre changèrent : travaux de protection et de lutte contre les incendies (installations de caves-abris), déblaiement des gravats et décombres suite aux destructions causées par les bombardements. Les troupes du RAD pouvaient aussi être amenées à côtoyer voire à seconder les membres de l’organisation Todt97 pour diverses tâches ou encore effectuer des travaux comme Bautruppen avec les pionniers et sapeurs des troupes du génie ou le Technische Nothilfe. À sa parution, afin de susciter l’intérêt et un élan de sympathie, le quotidien nazi Deutsche Front rappelait à l’envi que le RAD avait activement travaillé, notamment aux côtés du Hilfsdienst, à la reconstruction des villes et villages sinistrés de Moselle À l’origine, les recrues en 194098. étaient affectées à Sous la houlette du Reichsarbeitsführer des activités agricoles Konstantin Hierl [24], le RAD, structure L’Arbeitsgau XXXII Westmark siégeait à hybride, n’était pas une émanation du (moissons, vendanges), de Bad Münster am Stein en Palatinat, puis Parti, mais dépendait des services de l’In- curage des cours d’eau, à Scy-Chazelles (rebaptisé Metz-Sigach)99 térieur de Wilhelm Frick. Inculquer les de drainage et d’irrigation, [25]. Le RAD/wJ féminin (Bezirk XXVIII principes nationaux-socialistes ainsi que d’exploitation de carrières, Westmark) était quant à lui stationné à les rudiments de la vie militaire étaient les de dégagement d’abattis Longeville-lès-Metz (Langenheim). Les objectifs déclarés. Le RAD possédait son ou d’entretien des routes. unités stationnées étaient réparties en propre drapeau95, sa devise et disposait Gruppen, Abteilungen et Truppen. Des d’un organe officiel, l’hebdomadaire Der Arbeitsmann. camps100 étaient disséminés un peu partout à travers Zeitung d. Reichsarbeitsdienstes für Führer und Gefolgle Reich, quadrillant l’ensemble du territoire101. Dans le schaft. Amtl. Organ des Reichsarbeitsführers ; un journal Gau Westmark, ils se situaient notamment à Kaiserslauofficiel recensait l’intégralité des textes relatifs aux instructions et directives à appliquer, le Verordnungsblatt 97 Groupe de génie civil et militaire, du nom de son fondateur et di96 rigeant, l’ingénieur Fritz Todt (4 septembre 1891-1942), Generalfür den RAD . Il était même doté de sa propre juridiction bevollmächtigter für die Regelung der Bauwirtschaft et Reichsmidurant la guerre et, en août 1943, sa hiérarchie devint nister für Bewaffnung und Munition. A sa mort, ses attributions furent confiées à Albert Speer. directement subordonnée au Führer lorsque le Reichs98 Voir l’article du 24 août 1940 « RAD. Alles für Deutschland. führer SS Heinrich Himmler s’empara des pouvoirs de Ehrendienst am Volke ». son ministère de tutelle. 99 Arch. dép. Moselle, 2 W 200 (carte de l’implantation des camps du RAD dans la région de Metz et Boulay, ainsi que l’organigramme À l’origine, les recrues étaient affectées à des activités fonctionnel établi au 21 juin 1941). Le bâtiment officiel a été agricoles (moissons, vendanges), de curage des cours photographié dans une plaquette (dans arch. dép. Moselle, 2 W 95 L’emblème représentait une pelle entourée de deux épis de blés au sein d’un cercle blanc sur fond rouge. 96 Voir 2 W 200, 206, 218 et 222, etc. Voir également 2 W 226 pour les Gaubefehle et Tagesbefehle.

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206, p. 7). 100 Les conditions d’hébergement étaient des plus variées : baraquesdortoirs, huttes de bûcherons, tentes, refuges de montagne. 101 Sur l’édification des bâtiments et des dortoirs du camp, voir les ouvrages dans arch. dép. Moselle, 2 W 241-243.

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[25] Arch. dép. Moselle, 2 W 206. Photographie du bâtiment officiel du RAD à Scy-Chazelles parue dans une plaquette Feldpostbrief des Arbeitsgaues XXXII Westmark. [26] Arch. dép. Moselle, 1 W 573. Photographie du camp du RAD féminin de Vaux (Wals).

tern et Spire. En Moselle proprement dite, on peut citer par exemple ceux de Bouzonville, Hettange-Grande et Veckring [26]. Un hôpital dédié aux membres était situé à Metz102. Pour la jeunesse mosellane des deux sexes, c’est le 23 avril 1941 que la nasse se referma : en effet, le service dans le RAD devint obligatoire103 suite à un décret de février de la même année : le 1er octobre 1941, les hommes de la classe 1922 revêtaient leur uniforme lors de la cérémonie de l’Einkleidung et le 1er novembre 1941 c’était au tour des femmes de la classe 1923104. Certaines affectations découlaient d’une formation professionnelle précoce (mécanicien, charpentier, maçon) ou recherchée (armurier, forgeron), voire de la manifestation de dispositions particulières. Cela pouvait arriver, mais en général, les Mosellans ne servaient pas aux alentours de leurs localités d’origine ; au contraire, ils étaient plutôt affectés dans les régions voisines, voire au cœur même du Reich [27].

102 Arch. dép. Moselle, 1 W 573. 103 Pour les hommes des classes 1920 à 1927 et pour les femmes des classes 1923 à 1926. 104 Voir les articles du quotidien NSZ-Westmark (« Annahmegutachten : Voll tauglich... Die ersten Untersuchungen und Erfassungen zum RAD in Lothringen » le 24 juillet 1941 et « Eine Woche im RAD-Lager » le 15 octobre 1941).

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Théoriquement, chaque section du RAD comprenait 214 hommes dirigés par un Obertruppenführer. Plusieurs documents officiels étaient délivrés (ils récapitulaient les états de service, grades, fonctions, soldes versées, etc.) dont les livrets Reichsarbeitsdienstpass, Bescheinigung über Dienstleistung im RAD et Soldbuch. Pour leurs rares moments de liberté, les recrues avaient à leur disposition une pléthore d’ouvrages idéologiques en provenance de la bibliothèque d’unité qui en regorgeait105.

105 Arch. dép. Moselle, 2 W 226/6-7.

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[27] Arch. dép. Moselle, 1 W 786. Rôles de recrutement dans le Reichsarbeitsdienst, Ars-sur-Moselle, classe 1924, [début] 1942.

■ Le déroulement d’une journée-type dans un camp pour jeunes femmes106 [28] Le programme quotidien se déroulait dans un cadre rigoureux (les règles édictées étaient sévères et appliquées sans le moindre ménagement ; les manquements étaient généralement sanctionnés par des privations de permissions) et strictement répétitif (rythmé par le son de la cloche), avec un conditionnement par une propagande incessante. Sur la base de multiples recueils de témoignages concordants, il semblerait que les incorporées de force des provinces annexées de l’Ouest n’aient pas été les cibles de discriminations ou de brimades particulières (aucune directive officielle de confinement en ce sens n’est connue), même si parfois elles étaient séparées. Le comportement à leur égard est tantôt basé sur la méfiance ou l’indifférence, tantôt sur l’estime voire la compréhension. ● 6

h 00 réveil. ● 6 h 15 course à pieds et gymnastique (par tous les temps) en tenue de sport (short bleu, maillot blanc et chaussons de sport). ● 6 h 45 douche froide. ● 7 h 00 faire le lit au carré (le contrôle est effectué par la cheftaine de chambrée Hauptführerin à l’aide d’une équerre !). ● 7 h 15 petit-déjeuner (malt, confiture, morceaux de pain noir de seigle type Pumperneckel) en tenue de jour (robe en grosse toile bleue, fichu rouge, tablier blanc, veste marron, souliers noirs cloutés, chaussettes grises). ● 7 h 45 chant patriotique et salut au drapeau devant le mât dans la cour centrale (la prestation de serment au Führer, qui ne se déroule qu’une seule fois, est obligatoire à l’issue de la formation initiale). 106 Les horaires et les activités peuvent varier selon les exigences, plus ou moins importantes, des responsables de camps. Pour les camps féminins de Vaux (Wals), Volkrange (Volkringen) et Landonvillers (Ladenweiler), voir arch. dép. Moselle 1 W 573 et l’article du quotidien NSZ-Westmark (« Blaues Kleid-Rotes Kopftuch. Erlebnis unserer Arbeitsmaiden » le 14 septembre 1941).

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[28] NSZ-Westmark, 15 octobre 1941. Eine Woche im RAD-Lager (« Une semaine dans un camp du RAD »). ● 8 h 00 travail au camp (Innendienst : corvées comme les travaux de buanderie, repassage, nettoyage des chambrées…) ou en service extérieur chez des particuliers107 (Aussendienst : en qualité de domestique ou d’aide-ménagère, d’auxiliaire aux gardes forestiers ou encore comme journalière dans une ferme, parfois les besognes les plus éreintantes leur sont confiées avec des Ostarbeiterinnen, parfois l’ambiance est conviviale et la jeune femme est considérée comme faisant partie de la famille). Parfois, elles étaient contraintes de déblayer la neige pour permettre le passage des convois militaires. ● 12 h 00 déjeuner (plat unique souvent à base de porc, pommes de terre et choux). ● 13 h 00 leçon d’histoire et éducation politique. ● 14 h 00 travaux manuels (couture, raccommodage) ou cours de secourisme et d’hygiène. ● 15 h 00 leçons de chants populaires (Volkslieder)108, de musique et de danses folkloriques. ● 16 h 00 discussions. ● 17 h 00 écoute en commun de la radio et commentaires politiques. ● 18 h 00 dîner (soupe, charcuterie, pain de seigle). ● 19 h 00 lecture par la cheftaine (de Mein Kampf notamment). ● 20 h 00 salut aux couleurs. ● 21 h 00 extinction des feux.

107 Uniquement sur décision de l’équipe d’encadrement et après une période de stage probatoire, généralement de quinze jours. 108 Voir le recueil de récitations, chants de marche et citations (Vortragsbuch) dans arch. dép. Moselle, 2 W 244. Les titres sont évocateurs : Soldatenlied, Der Führer, Deutschland erwache !, Grenzlandschwur, Auch Du !, Ewiges Deutschland, Deutschland, mein Vaterland, Hakenkreuz, So kämpft und stirbt deutsche Jugend, Soldaten…

Une société en u niforme


[29a-b] Coll. privée. 2 séries de timbres respectivement parues en 1943 et 1944 à l’occasion des célébrations des Tag der Wehrmacht et Heldengedenktag.

■ L’engrenage fatal Très vite, le RAD devient l’antichambre d’un front de l’Est qui, régulièrement menacé de rupture, devient de plus en plus gourmand en hommes comme en matériel. Ainsi, les unités du RAD sont souvent contraintes à des déplacements et des actions imprévus, car il leur faut colmater en permanence des brèches de plus en plus béantes. Les recrues se retrouvent régulièrement prises sous le feu de l’ennemi et contraintes de se défendre, notamment dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, qu’il s’agisse de réguliers ou de partisans. À compter du 16 juillet 1942, les femmes enrôlées dans le RAD, initialement pour six mois, voient leur période de service prolongée de douze, voire dix-huit mois supplémentaires, par un assujettissement à un service auxiliaire de guerre109, le Kriegshilfsdienst110. Leurs affectations sont des plus variées. Elles travaillent dans des usines d’armement ou de produits chimiques (sur des sites appartenant aux grands conglomérats : BASF, Bayer, IG Farben etc.) où elles sont souvent soumises à des cadences infernales et d’incessants contrôles pour éviter les tentatives de sabotage111. Elles servent de renfort dans la Deutsche Reichsbahn et les compagnies de tramway des grandes villes allemandes. L’armée les emploie comme auxiliaires dans des secteurs comme l’intendance (chargées de la comptabilité et des écritures, fourrier), les communications (opératrices radio, standardistes, etc.), l’administration (secrétaires des officiers). Malgré les réticences d’Adolf Hitler qui préfère que les femmes se cantonnent au rôle de mère, elles sont au 109 Voir l’article « Mädel im KHD » dans le quotidien NSZ-Westmark du 6 novembre 1941. 110 Pour les fiches et les rôles, voir notamment arch. dép. Moselle, 1 W 784 et 1 W 786/1. 111 Certaines sont affectées dans l’usine VDM à Woippy.

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contraire de plus en plus impliquées dans l’effort de guerre, y compris sur le front : dans ce cadre précis, elles sont surtout affectées dans l’armée de l’air, tantôt en qualité de Flakhelferinnen (servantes de stations radar et météo ou d’équipe de projecteurs de DCA, voire des batteries antiaériennes)112, tantôt de Flughelferinnen (assistantes de vol). Elles sont aussi souvent transférées comme infirmières, dans des hôpitaux civils ou de campagne.

« Glauben, Kämpfen, Siegen ». [29a-b] La mobilisation113 au sein de la Wehrmacht La conscription obligatoire, d’une durée de deux ans, était l’aboutissement inéluctable d’un processus irréversible. De plus, les résultats des mesures d’incitation étant restés bien en deçà des espérances, le régime passait à la coercition devant l’urgence due au retournement de situation et à la perte de l’initiative tactique et stratégique en Russie. Cet ultime recours intervint les 19 août (ordonnance introduisant le service militaire obligatoire) et 29 août 1942 (comme une récompense, la pleine nationalité allemande est octroyée aux membres de la DVG, c’est-à-dire 98 % de la population à ce moment) ; chacune de ces mesures légalisant l’autre par ricochet. Les destins des « Malgré-nous » furent des plus variés.

112 Tout comme les lycéens affectés dans les corps de Luftwaffenhelfer comme servants de pièces de Flak (batteries statiques ou unités de DCA rattachées aux unités combattantes). 113 Le droit international était allègrement bafoué car les conférences de La Haye pour le désarmement et la prévention de la guerre (18 mai – 29 juillet 1899 et 15 juin – 18 octobre 1907) interdisaient explicitement, notamment dans les articles 23 et 44 à 46, de « contraindre la population des territoires occupés à prendre part aux opérations militaires contre son propre pays » et « de contraindre la population d’un territoire occupé à prêter serment à une puissance ennemie occupante ».

Malgré eu x dans l’armée allemande


Désobéissance et représailles implacables

échapper. De nombreuses recrues tentent aussi par tous les moyens, notamment médicaux, de retarder leur Même si nombreux sont ceux qui finissent par se souincorporation. D’autres acceptent d’intégrer des cours mettre, la mort dans l’âme, aux exigences du RAD et de d’écoles d’officiers pour surseoir à leur départ effectif la Wehrmacht, des incidents emblématiques ont toupour le front. tefois lieu. Certains de ces actes de désobéissance et Surtout, les mesures de répression se succèdent et se 114 d’insoumission , destinés à manifester radicalisent au fur et à mesure de la multiplication des défaites. Les événements un profond attachement à la France ainsi L’un des principaux aspects du bilan de s’accélèrent, le IIIe Reich est aux abois et que le rejet du travail et du combat sous l’annexion est une un uniforme et pour une « cause » qui leur la « guerre totale » est décrétée à partir du jeunesse confisquée et semblaient totalement étrangers, sont 18 février 1943. La Volksgemeinschaft doit sacrifiée sur l’autel des assimilés par les autorités à de la haute traalors se muer en Wehrgemeinschaft et, ambitions hitlériennes. hison et donc passibles de lourdes peines. par conséquent, des sacrifices immenses Les épisodes les plus marquants ont lieu doivent être consentis par chacun pour les 18 février et 25 juin 1943115. Les récalcitrants sont conduire à la victoire finale118. Une mesure de rétoraffectés manu militari à des bataillons disciplinaires. sion emblématique intervient le 1er octobre 1943, la Évidemment, la désertion (passage à l’ennemi, fuite lors Sippenhaft(ung), par laquelle l’attitude, coopérative ou non, du conscrit conditionne le sort réservé à sa d’une permission ou d’une convalescence)116 entraîne le passage devant la cour martiale dont le verdict prononcé famille119, jugée collectivement responsable. Les parents 117 est de manière quasi systématique la peine capitale . voient l’ensemble de leurs biens confisqués et sont de Dès le début, les autorités redoutent les défections et surcroît menacés de transplantation dans des régions imposent par conséquent des délais très courts entre éloignées d’Europe centrale et orientale. les différentes phases (inscription sur les listes, convocation, visite médicale et appel sous les drapeaux) afin Il y a maintenant plus de 70 ans, le département de la d’empêcher les futurs soldats de s’organiser pour y Moselle a vécu, sous le poids écrasant de la botte nazie, cinq années de nuit, depuis l’ordre de mobilisation générale jusqu’à la libération complète du territoire dépar114 Les futures recrues, avec l’énergie du désespoir, entonnent « La Marseillaise » ou d’autres chants patriotiques, agitent des dratemental. L’un des principaux aspects du bilan de l’anpeaux tricolores, arborent des cocardes, refusent de signer le nexion est une jeunesse confisquée et sacrifiée sur l’autel livret militaire, de prêter serment voire d’endosser l’uniforme. 115 Episodes de la mise à sac du train Sarrebourg-Sarreguemines et des ambitions hitlériennes. Le ralliement escompté par de l’« émeute » de Sarreguemines. l’occupant n’a jamais eu lieu. Les entreprises de séduc116 Voir l’état-civil des déserteurs lorrains dans arch. dép. Moselle, 2 tion et de subordination ont échoué. W 20. 117 Voir les dossiers de conseil de guerre de vingt-trois détenus de la forteresse d’Ehrenbreitstein près de Coblence (arch. dép. Moselle, 1 W 1479). Voir également les ouvrages suivants : Frédéric Stroh, Les MalgréNous de Torgau. Des insoumis alsaciens et mosellans face à la justice militaire nazie, Paris, 2006, 341 p. et Auguste Gerhards, Morts pour avoir dit non. 14 Alsaciens et Lorrains face à la justice militaire nazie, Strasbourg, 2007, 251 p.

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118 Ainsi, chaque année est placée sous le signe d’un slogan visant à mobiliser les troupes : en 1943, la jeunesse se retrouve encore une fois aux premières loges car le mot d’ordre décrété est sans équivoque : Kriegseinsatz der Hitlerjugend. 119 Au sens large : ascendants et descendants, directs ou par alliance, conjoints, etc.

Une société en u niforme



Les Lorrains sont-ils des Allemands et des anciens combattants comme les autres ? Aspects juridiques et institutionnels de l’incorporation de force en Moselle J ean - É ric Iun g

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Les Lorrains sont-ils des Alleman ds et des anciens combattants comme les a u tres ?



La résistance à l’incorporation de force et sa répression C écile R o g er

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L a résistance à l’incorporation de force et sa répression



Les prisonniers mosellans de la Seconde Guerre mondiale captifs en U.R.S.S. Réflexions sur les horreurs de la guerre1 La u rent K leinhent z

1

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L’auteur de la présente contribution, Laurent Kleinhentz, a recueilli quantité de témoignages d’incorporés de force qu’il a publiés (en tout ou en partie) et dans le même temps a écrit des ouvrages de fond sur le sujet des Malgré-Nous et en particulier de leur captivité en U.R.S.S. : Malgré-Nous, qui êtes-vous ? Histoire d’incorporés de force mosellans, 3 vol., Farébersviller-Faulquemont, 1996-1999 (le 3e vol. en collaboration avec Edwin Neis) ; Tambov, la face cachée : le rapport secret de Ioussitchew, commandant du camp 188 de Tambow, Metz, 2001, 416 p. ; Les barbelés rouges, Metz, 2003, 336 p. ; Dans les griffes de l’oURSS, Metz, 2007, 584 p. ; À la sueur de ton front. Malgré-Nous, incorporés de force d’Alsace-Moselle, Metz, 2009, 702 p. Il remercie M. Eugène Pysarev de lui avoir communiqué les photos reproduites sous les n° 1 et 4.

Les prisonniers mosellans de la Seconde Gu erre mondiale capti fs en U . R . S . S .



Le retour des incorporĂŠs de force Al f re d Wahl

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L e retou r des incorporĂŠs d e force



Les incorporés de force mosellans décédés ou disparus Premier bilan statistique C é d ric N e v e u

105

L es incorporés de force mosellans décédés o u d ispar u s



Du silence à la volonté de laisser trace Mémoire des Malgré-Nous mosellans de 1945 à nos jours P hilippe W ilmouth

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Du silence à la volonté de laisser trace


[1] Le Républicain lorrain, 21 octobre 1945, page une : l’arrivée des Malgré-Nous à Paris.

La mémoire est construction, représentation du passé et entretien de son souvenir. Elle est une « unité significative d’ordre matériel ou idéel dont la volonté des hommes ou le travail du temps a fait un élément symbolique d’une quelconque communauté »1. Depuis 1945, la mémoire nationale de la Seconde Guerre mondiale a évolué. Longtemps mythifiée par le récit de la seule Résistance, elle s’est rapprochée, depuis les années 70, de l’Histoire. Dans ce contexte, la mémoire des Malgré-Nous a également évolué. Résolument obligés au silence au sortir de la guerre, les Malgré-Nous sont devenus plus prolixes, au crépuscule de leur vie, pour laisser trace.

L’uniforme des vaincus La mort de 40 000 Malgré-Nous alsaciens-mosellans et le retour de 35 000 blessés graves créent un réel traumatisme, une cicatrice dans de nombreuses familles de l’est de la France. Ce traumatisme est souvent tu, car les Malgré-Nous ont porté un uniforme honni par les Français après quatre années d’occupation. Pour Eugène Riedweg, « beaucoup d’incorporés vont se sentir mal à l’aise d’avoir dû, malgré eux, porter l’uniforme de l’ennemi et combattre dans la Wehrmacht et ne peuvent oublier les brimades et les souffrances endurées durant leur passage dans l’armée allemande. La plupart d’entre eux refuseront ou auront beaucoup de mal à parler de cette période de leur vie. Il est vrai que l’atmosphère de la Libération où chacun fait étalage de son patriotisme et où les résistants tiennent le haut du pavé ne favorise pas ce genre de souvenirs » 2. Les sociologues Geneviève Herberich-Marx et Freddy Raphaël pensent à juste titre que dans la première phase 1

2

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Pierre Nora, définition du mot « mémoire » dans le Grand Robert, Laffont, 1993. Voir à ce sujet, Pierre Nora, Les lieux de mémoire, Paris 1984. Eugène Riedweg, Les Malgré-Nous, Mulhouse, 1995, p. 282.

de la construction mémorielle, « les incorporés de force sont des « soldats honteux », « qui ont fini la guerre sous l’uniforme du vaincu et qui portent les stigmates physiques et psychiques de l’internement dans les camps »3. En théorie, les Malgré-Nous sont du côté des vainqueurs, car français4 ; en réalité ils sont bien du côté des vaincus puisqu’ils se sont battus dans les armées du IIIe Reich. « On avait fait la guerre du mauvais côté, reconnaît Jean-Paul Baillard, président de l’association des déserteurs, évadés et incorporés de force (ADEIF), alors on ne s’en vantait pas5. » Le déserteur6, quant à lui, espère être considéré comme un allié, mais, avant d’être identifié comme Français enrôlé de force, souvent, le Malgré-Nous partage le même sort que le prisonnier allemand7, ce qui est vécu comme une injustice et une incompréhension traumatisantes. Même des déserteurs ou insoumis cachés chez eux ont été embarqués à la libération de leur village comme prisonniers de guerre allemands à la Flèche (Sarthe) ou à Cherbourg (Manche)8. Lorsque les rapatriés des camps soviétiques sont acheminés à Paris, souvent les insultes ou les crachats pleuvent, car les Français ignorent les réalités de l’annexion et confondent ces incorporés de force avec les Français 3

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Geneviève Herberich-Marx et Freddy Raphaël, « Les incorporés de force alsaciens, déni, convocation et provocation de la mémoire », dans Revue du 20e siècle, 1985, 6, p. 83. L’annexion est de fait, car non régie par un traité. En droit, les Alsaciens Mosellans sont donc français. En réalité, ils sont considérés comme allemands par le IIIe Reich… à partir d’août 1942. Dans le Code des pensions militaires et d’invalidité, l’attribution de la mention « Mort pour la France » s’applique, selon l’ordonnance n° 45-2717 du 2 novembre 1945 à « tout militaire décédé après avoir été incorporé de force ou après s’être engagé sous l’empire de la contrainte ou la menace de représailles dans les armées ennemies » (articles L. 488 à 492). Interview de Jean-Paul Baillard dans le reportage de Gabrielle Schaff, « On remuait les lèvres mais on ne disait rien », 2012. Pour éviter la répression sur les familles pour manquement à l’appel sous les drapeaux, des Alsaciens-Mosellans optent pour la désertion plutôt que la fuite en France ou la cache. Dès le printemps 1943, on recense les premiers prisonniers alsaciens-mosellans. Sur le front de l’Est, ils sont regroupés en grande partie, mais pas dans leur ensemble, au camp de Tambov seulement à partir de la fin de 1943. Il n’y a pas eu de camp de regroupement de prisonniers alsaciens-mosellans dans les camps britanniques ou américains. Voir à ce sujet Joseph-François Gross, Les Fléchards, Malgré-Nous et évadés, Sarrebourg, 1997.

Malgré eu x dans l’armée allemande


[2] Première de couverture du livre de Georges-Gilbert Nonnenmacher, juriste, président de l’ADEIF du Haut-Rhin, publié par l’association en 1965.

« Dans l’euphorie vengeresse de la Libération, après toutes les horreurs que les Allemands avaient commises, on n’avait guère le temps de s’appesantir sur la réalité du sort de chacun »14. Comment se plaindre alors que tant de leurs copains ne sont pas rentrés ? Comment ces Malgréqui se sont engagés dans la Légion des volontaires franNous qui ont combattu pour l’essentiel en U.R.S.S. peuçais contre le bolchevisme (LVF) ou les Waffen SS de la vent-ils évoquer leur campagne contre une des nations brigade Frankreich [1]. victorieuses du nazisme alliée de la France ? Comment peuvent-ils évoquer sans suspicion leurs souffrances Pour Florence Fröhlig, « dans l’immédiat après-guerre (…) dans les camps soviétiques d’où ils reviennent épuisés l’incorporation de force n’était pas conforme et malades alors qu’en France le parti à cette mémoire nationale de l’héroïsme ; elle Dans l’immédiat aprèscommuniste assujetti à l’U.R.S.S. est puisn’a pas trouvé sa place »9. C’est ce que sou- guerre (…) l’incorporation sant15 ? De plus, à la Libération, une vague de force n’était pas lignent les titres évocateurs de livres sur de germanophobie16 et d’expiation des les incorporés de force comme La grande conforme à cette mémoire crimes17 anime les cœurs. Dans ces condihonte de Georges-Gilbert Nonnenmacher nationale de l’héroïsme ; tions, les Malgré-Nous sont condamnés elle n’a pas trouvé en 1965 ou La nuit des parias d’Henry au silence, sauf entre eux, dans leurs assosa place. Allainmat et Betty Truck, en 1975. Jeanciations. Alors que n’est toujours pas réglé Laurent Vonau estime que « l’incorporation le délicat problème de la recherche des de force demeure une tragédie non partagée, une tragédie disparus et du rapatriement d’U.R.S.S.18, ces jeunes, ils n’ayant pas encore accédé au rang de tragédie nationale… »10. ont entre 18 et 31 ans en 1945, enfouissent leurs souPour le psychiatre Georges Federmann, « la France n’a venirs au plus profond de leur mémoire et reprennent pas repris à son compte cette Histoire… L’individu ne peut goût à la vie par la construction de leurs vies profesjamais témoigner ; c’est le collectif qui reprend ou non le rapsionnelle et familiale, parfois confrontés aux critiques port à l’Histoire »11 [2]. de la belle-famille lorsqu’ils se marient avec une « non Au sortir de la guerre, tout ce qui est allemand représente le mal absolu12. En France, à la Libération, la figure du déporté patriote résistant13 s’impose comme hégémonique, détenteur de la mémoire de l’épouvante nazie. Face à ces fantômes, les autres catégories de victimes s’effacent, trouvant leur parcours moins affligeants. 9 10 11

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13

127

Florence Fröhlig, « Du traumatisme à la réconciliation », dans Tambov, Strasbourg, 2010, p. 142. Jean-Laurent Vonau, Le procès de Bordeaux, Strasbourg, 2003, p. 203. Interview du professeur Georges-Yoram Federmann de Strasbourg, dans le reportage de Gabrielle Schaff, « On remuait les lèvres mais on ne disait rien », 2012. A partir de juin 1945, le film « Les camps de la mort » réalisé par les Actualités françaises est diffusé dans de nombreuses salles de l’Hexagone et montre des images insupportables de charniers trouvés dans huit camps de concentration. Les travaux de Serge Klarsfeld en 1978 ont modifié la mémoire de la déportation avec la primauté de la Shoah.

14 Jacques Gandebeuf, Le silence rompu, Metz, 1996, introduction. 15 Aux législatives de 1945, le PCF obtient 26,2 % des suffrages et 159 députés, devenant le premier parti de France et de la gauche. De 1944 à 1947, des ministres PCF participent aux différents gouvernements. 16 Malgré une coopération économique avec la création de la Communauté européenne de charbon et de l’acier (CECA) en 1950 initiée par Robert Schuman, puis la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, les Français restent toujours méfiants envers leurs voisins. Le 30 août 1954, l’Assemblée nationale rejette l’idée pourtant initiée par Jean Monnet d’une Communauté européenne de défense (CED) qui implique le réarmement de l’Allemagne. Il faut attendre le 22 janvier 1963 et le traité de l’Élysée entre De Gaulle et Adenauer pour rétablir une réelle réconciliation franco-allemande au niveau de l’État. Dans la population, elle est certainement plus récente, liée à la disparition des générations qui ont subi l’occupation allemande. 17 Le procès de Nuremberg qui se tient du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 introduit dans le droit international les crimes contre l’humanité. 18 Le dernier rentré recensé est un Alsacien, Jean-Jacques Remetter, le 13 avril 1955.

Du silence à la volonté de laisser trace


restée »19 . « Le traumatisé ne demande qu’à oublier. C’est le mécanisme psychologique pour lutter contre l’angoisse, pour vivre, sinon on crève, sinon on se suicide, sinon on ne fait pas de gosses. Il faut se laisser rattraper par la vie. », analyse le psychiatre Georges Federmann20 .

« Restés, revenus ; hier des frères ; aujourd’hui souvent dressés l’un contre l’autre », écrit l’éditorialiste René Ferry dans L’Est républicain23 . De réelles dissensions naissent entre les restés et les partis. Les prêtres constatent cet éclatement des communautés villageoises. Par exemple, l’archiprêtre Gombert de Pange explique qu’« à leur retour, les expulsés se sont posés en seuls vrais patriotes, victimes et martyrs de la cause nationale et suspectèrent tous les autres de collaboration avec l’ennemi. Au malaise général et à la jalousie s’est jointe la haine avec des sentiments de rancune, des désirs de vengeance et parfois des actes de violence »24. Le journaliste Jacques Gandebeuf rapporte que selon les témoignages qu’il a recueillis, « les retrouvailles furent difficiles quand chacun regagna sa 1945, dans une Moselle dévastée redevenue française, maison détruite. Le souvenir du fameux choix flottait dans est l’année des retours. Les déportés et les expulsés-réles mémoires et freinait les effusions… Comment empêcher fugiés rentrent en mai-juin alors que des Malgré-Nous un jeune Lorrain qui avait risqué sa vie pour reviennent jusqu’en décembre et au-delà. rejoindre les Français libres à Londres de L’un des nœuds Chacun ramène ses souvenirs difficiles traumatiques de bouder un copain d’école fait prisonnier en à partager. « Qu’ils soient des expulsés ou des transplantés, qu’ils soient des patriotes la conscience alsacienne uniforme de Panzer-grenadier ? »25. s’organise autour dénoncés ou des travailleurs réquisitionnés, de l’incorporation À la différence de l’Alsace, où « l’un des la réadaptation était moralement facile. des Alsaciens dans Ils rejoignaient la Moselle en héros21 ». Ces nœuds traumatiques de la conscience alsal’armée allemande. expulsés et réfugiés, dans leur ensemble, cienne s’organise autour de l’incorporation reviennent souvent avec le sceau autoprodes Alsaciens dans l’armée allemande »26 qui clamé de « bon Français », reprochant aux restés, notamtouche presque chaque famille sur tout le territoire et où ment d’avoir porté les bottes. Dans son bulletin de « la construction de la mémoire de la Seconde Guerre mondécembre 1946, l’association des Malgré-Nous indique diale, dès l’immédiat après-guerre, va être majoritairement que « chaque revenant qui promène son crâne tondu à tral’œuvre des incorporés de force »27, la Moselle ne construit vers le village paternel rouvre des blessures qui ne peuvent pas sa mémoire de la Seconde Guerre mondiale autour 22 cicatriser » . de l’incorporation de force. Face aux autres victimes et en particulier face aux expatriés, les Malgré-Nous sont minoritaires.

Restés-revenus, mémoires conflictuelles

19 Entre autres, témoignage de Jean Weber (Malgré-Nous) et Carmen née Brion (expulsée) de Hagondange. Aurélie Bludszus dans son mémoire « L’association des Anciens Combattants MalgréNous et Réfractaires de la Moselle », université de Strasbourg, 2009, p. 35, cite une lettre anonyme d’insulte envoyée à des jeunes mariés dont l’époux est Malgré-Nous. 20 Interview du professeur Georges-Yoram Federmann, déjà cité. 21 Jacques Gandebeuf, déjà cité, p. 33. 22 Fascicule n° 4 de Malgré-Nous, bulletin de l’association des anciens combattants Malgré-Nous.

128

23 Almanach de l’Est républicain, 1945, p. 2. 24 Arch. dép. Moselle, 29 J 1198 : rapports des archiprêtres à Mgr l’évêque, 1946. 25 Jacques Gandebeuf, ouvr. cit., p. 17. 26 Eve Cerf, « Le Barabli de Germain Müller : un théâtre à la frontière », dans Revue des sciences sociales de la France de l’Est, 17, 1989-1990, p. 175. 27 Alfred Wahl, « Après Tambov, une mémoire particulière », dans Tambov, ouvr. cit., p. 89.

Malgré eu x dans l’armée allemande


[3] Carte établie d’après Aurélie Bludszus, L’Association des anciens combattants Malgré-Nous et réfractaires de Moselle, mémoire de mastère, université de Strasbourg, 2009 (annexe 17).

Estimations du nombre de victimes par catégorie Évacués non rentrés

70 000

évacués refoulés

24 000

Partis volontairement en mai-juin 1940 non rentrés Expulsés vers la France Optants vers la France avril-mai 1941

? 90 000 6 700

Malgré-Nous

30 000

Évadés

12 000

Internés et déportés

7 500

Internés en camps spéciaux (PRO)

9 500

La mémoire de la Moselle est hétérogène, plurielle, balkanisée. Environ un tiers de la population ne se trouve plus en Moselle annexée en 1944. Par exemple, le Saulnois est vidé de plus de 70 % de sa population par les expulsions28. Sur ces terres « épurées » par le Gauleiter Bürckel, la mémoire est celle des expulsés, et non des Malgré-Nous. Toute une partie de la Moselle ne se sent pas concernée par cette mémoire. Il faudrait cartographier l’origine géographique des appelés ou tombés de la Wehrmacht pour s’en apercevoir. La carte des sections de l’association des Malgré-Nous en Moselle [3] montre qu’elles sont concentrées dans les vallées usinières et 28 Arch. dép. Moselle, 3 W 70, listes des expulsés arrivés en gare de Lyon-Brotteaux, novembre 1940.

129

les agglomérations de l’est du département. Aucune section dans le Sud messin, ni dans le Saulnois, terres d’expulsés… Minoritaires, les Malgré-Nous mosellans s’opposent souvent à l’incompréhension de leurs propres compatriotes qui n’ont pas été confrontés à ce terrible dilemme : porter ou non l’uniforme feldgrau. « On voulait bien comprendre les Malgré-Nous, mais à condition qu’ils gardent un profil bas », estime Jacques Gandebeuf29. Cinquante ans après, cette tension a encore plombé un projet de musée de la Moselle annexée au fort de Queuleu initié en juin 1994 par l’Amicale 57 des déportés et internés résistants et politiques (ADIRP), car les anciens internés ne voulaient pas évoquer l’incorporation de force au premier étage de la casemate A. Jusqu’en 1977, il n’y a eu qu’un seul récit de Malgré-Nous mosellan publié, celui de Paul Fischer paru en 1952 : Tambov ou le temps de la persuasion30. Un long silence donc ! La plupart des monuments aux morts globalisent « les victimes des guerres » en omettant généralement d’y faire figurer les noms évitant ainsi

29 Jacques Gandebeuf, ouvr. cit., p. 34. 30 Imprimerie Cuellez à Metz ; illustré par l’artiste Albert Thiam, ancien de Tambov.

Du silence à la volonté de laisser trace


[4] Coll. Ascomémo. 1er décembre 1946, à Metz, devant l’hôtel de ville, le général Laurent remet le drapeau à la section messine de l’association des Malgré-Nous présidée par Charles Spitz (cliché René Bour). [5] Coll. Ascomémo. Thionville, devant l’hôtel de ville. Photo souvenir des congressistes. [6] Coll. Ascomémo. 1974, congrès de Saint-Avold (cliché Faust).

toute polémique31. En 1947, à Kédange-sur-Canner, la municipalité finance une plaque dédiée à « la mémoire de Jean Barbant mort en captivité russe, le 29-3-1945 », sans indiquer explicitement sa qualité d’incorporé de force. Alors qu’une plaque pour les civils et militaires morts pour la France au champ d’honneur, en internement et en déportation est apposée sur le monument aux morts de Lorry dès 1950, il faut attendre 1980 pour y ajouter les noms des incorporés de force. Très rarement les noms des victimes de l’incorporation de force sont inscrits sur les monuments aux morts32. De rares initiatives commémorent la mémoire spécifique des Malgré-Nous. Par exemple, à Hagen, un petit monument avec carré de fleurs financé par la commune et le Souvenir français est dédié à la mémoire des Malgré-Nous de 1939-1945. À Kirsch-lès-Sierck, une stèle dédiée aux Malgré-Nous est inaugurée en 1949 dans la grotte de Notre-Damede-Lourdes. Serge Barcelleni souligne qu’« à la différence des inscriptions de l’exil qui se réfèrent avec force à

Pour défendre les incorporés dans la Wehrmacht, l’association des anciens combattants Malgré-Nous (ACMN) est réactivée en août 194535. En 1950, elle compte 3 000 membres36. Elle n’attire donc pas tous les Malgré-Nous,

31 Voir sur ce sujet le site « memorial-genweb.org ». Après la guerre de 1914-1918, pour les mêmes raisons, les monuments aux morts sont très neutres tant au niveau de la symbolique architecturale que par l’épitaphe « À nos morts ». En 1993, Edouard Talay, délégué du Lot de la Fédération des grands invalides de guerre, déclare dans le Journal du combattant : « Il me semble inconvenant de souhaiter voir gravé sur nos monuments aux morts le nom des soldats ayant porté l’uniforme allemand ». 32 Nous avons relevé une plaque spécifique avec seulement les noms des incorporés de force à Oeting.

33 Serge Barcellini et Annette Wieviorka, Passant, souviens-toi, Paris, 1995, p. 148-150. 34 Sébastien Wagner, Dictionnaire historique des rues de Metz, Metz, 2009, p. 198. 35 Depuis 1955, l’ACMN est devenue aussi association des réfractaires et donc devient ACMNR. Une association des Malgré-Nous avait déjà été créée en 1920 par André Bellard de Novéant et Henri Pincemaille de Metz. Les nouveaux statuts de l’ACMN sont enregistrés le 10 novembre 1945 auprès du tribunal de Metz 36 Aurélie Bludszus, ouvr. cit., p. 82.

130

la France, celles des Malgré-Nous restent floues quant à la nationalité »33. Parfois, dans les cimetières, comme à Maizeroy ou à Saint-Julien-lès-Metz, à l’initiative des familles, une plaque tombale rappelle le destin tragique de ces « fils tombés à l’âge de 18 ans » sans autre explication, hormis une date qui permet de supposer la qualité de victime de l’incorporation de force. Dans le cimetière de Ranguevaux, une plaque rappelle qu’untel est « mort pour avoir sauvé ses parents », allusion à la loi de la responsabilité familiale, mais sans là non plus préciser sa qualité d’incorporé de force. Étonnamment, au milieu des années 1950, une rue des Malgré-Nous est cependant créée lors de l’aménagement du « fond du Sablon » à Metz 34.

Malgré eu x dans l’armée allemande


[7] Une du journal Le Républicain lorrain du 13 janvier 1953 annonçant l’ouverture du procès. Pendant un mois, le procès de Bordeaux fait la une des quotidiens mosellans.

Le procès de Bordeaux impose le silence

loin s’en faut. Désintérêt pour le monde associatif ? Volonté d’oublier, de ne pas être reconnu Malgré-Nous ? L’association, comme la plupart des associations patriotiques, n’a guère le souci de sa mémoire, mais bien celui des intérêts moraux, matériels et financiers de ses membres. Le président, Charles Spitz, constate une baisse En janvier-février 1953 se tient à Bordeaux (Gironde) sensible des effectifs après l’attribution du vestiaire et le procès de 21 soldats de la division SS Das Reich qui de la prime de retour de 5 000 F. Des sections cessent ont participé le 10 juin 1944 au massacre d’Oradourrapidement leurs activités reprochant « le manque de sur-Glane (Haute-Vienne) où 642 personnes ont péri vitalité du siège ». Charles Spitz est découragé et désire dont 44 Mosellans38. Sur le banc des accusés se troupasser la main. « Vous ne pouvez pas abandonner, même si vent 14 Alsaciens, un engagé, les autres reconnus incorporés de force. À travers le jugement de participants au tous les autres désertent. Il y a plus d’un général indispensable qui ne dispose pas d’armée37. » Faute d’adhérents, le crime d’Oradour devenu symbole national de la barbulletin de liaison de l’association cesse de barie absolue du régime nazi en France paraître entre 1950 et 1959. L’attribution Le procès d’Oradour-sur- occupée, le pays tout entier découvre souGlane mettra en cause dain un autre crime de guerre reconnu de la carte de combattant aux incorporés tous les incorporés de de force en 1957 dope cependant les effeccomme tel par le tribunal international tifs qui passent à 6 565 membres. Cette force… et suscitera une de Nuremberg en 1946 : l’incorporation qualité de combattant français qu’on lui émotion douloureuse dans de force [7]. accorde et les avantages inhérents ne pal- nos provinces, terres de fidélité, qui étaient en lient pas pour autant le préjudice moral L’ignorance du drame de l’annexion, l’indroit d’attendre autre subi lors du procès de Bordeaux en 1953 compréhension du caractère forcé de chose qu’une intolérable [4-6]. l’incorporation même dans la Waffen SS humiliation. et l’horreur du massacre d’Oradour jettent l’opprobre sur tous les Malgré-Nous. Le conseiller de la République haut-rhinois, Paul Kalb, crie à l’injustice : « le procès d’Oradour-sur-Glane mettra en cause tous les incorporés de force… et suscitera une émotion douloureuse dans nos provinces, terres de fidélité, qui étaient en droit d’attendre autre chose qu’une intolérable humiliation »39. Si les débats judiciaires et parlementaires 37 Association pour la conservation de la mémoire de la Moselle 1939-45 (Ascomémo), Hagondange, 45 IF, fonds ANMNR, lettre du président de la section de Thionville, 7 septembre 1950. Les ouvrages et périodiques cités et reproduits dans les illustrations figurent dans la bibliothèque de l’association.

131

38 Voir à ce sujet : Philippe Wilmouth, Des Mosellans dans l’enfer d’Oradour-sur-Glane, Saint-Cyr-sur-Loire, 2010. 39 L’Aurore, 12 décembre 1952, p. 1.

Du silence à la volonté de laisser trace


REMERCIEMENTS

Pour la seconde fois en trois ans, l’exposition et le présent livre sont

Nombreuses sont les personnes qui ont participé à la réalisation

le résultat d’un partenariat entre l’Association pour la conservation

du projet et qu’il convient de remercier ici :

de la mémoire de la Moselle de 1939 à 1945 (Ascomémo,

les personnes privées qui ont apporté leur témoignage écrit

Hagondange) et le service départemental d’archives de la Moselle.

ou oral, qui ont prêté des documents et qui ont ouvert

Les collections d’objets de l’association ont été mises à la disposition

des portes : Mesdames et Messieurs Yolande Damon,

du Département, dont les collaborateurs ont travaillé avec

Marie-Reine, Gilbert et Jean Dodeller, Bertrand Fousse,

les archives d’origine privée, notamment iconographiques,

Frédéric Gaudinet, Eugène Henry, Lucien et Roger Hochard,

réunies par Ascomémo.

Dominique Laglasse, Émile Lallemand, Gilles et Marie-Louise Louis, Renée Munier,

L’enquête documentaire et historique est due à Jean-Éric Iung,

Jeannie Pierron, Viviane Schiltz, Claude Toussaint, René Titry,

Thierry Mohr et Cécile Roger (service départemental d’archives

Albert Veber, Romain Wagner, Guillaume Wallraf, Lucien Zeller ainsi que ceux qui ont préféré rester anonymes ;

de la Moselle). Sa réalisation est le fruit de la collaboration de Luc Dufrène, Véronique Endrivet, Sylvie Faure-Spanier,

les institutions patrimoniales publiques qui ont prêté

Michel Mertz, avec l’aide de Pierre Arrambourg, Christian Lebowski,

des documents, fourni gracieusement des clichés et facilité

Gilles Mayer, Laurent Mousnier et Robert Schoumacker et de tous

le travail d’enquête dans leurs fonds : archives communales

les collaborateurs du service des archives mis occasionnellement

de Metz (M. Thierry Déprez), de Sarrebourg (Madame Gabrielle

à contribution.

Vélot), de Sarreguemines (M. Didier Hemmert) et de Thionville (MM. Dominique Laglasse et Frédéric Gaudinet) ;

Philippe Wilmouth, président d’Ascomémo, a apporté son concours

service départemental de l’Office national des anciens

d’historien spécialiste de la période et a guidé avec bienveillance et

combattants (M. Damien Berthoud) ;

efficacité les recherches dans les collections de l’association.

les services et collaborateurs du Conseil général de la Moselle ;

La réalisation du livre a été coordonnée par Jean-Éric Iung.

et les auteurs des contributions qui n’ont pas encore été cités : MM. Laurent Kleinhentz, Cédric Neveu et Alfred Wahl.

Que les personnes qui auraient pu être oubliées veuillent bien ne pas nous en tenir rigueur et soient assurées de notre gratitude.

142

Malgré eu x dans l’armée allemande


TABLE DES MATIÈRES

5 7 9

Patrick Weiten, président du Conseil général de la Moselle

Préface

Introduction Thierry Mohr

Une société en uniforme L’embrigadement de la population mosellane dans les formations paramilitaires nazies durant l’annexion de fait (1940-1944)

37

Jean-Éric Iung

Les Lorrains sont-ils des Allemands et des anciens combattants comme les autres ? Aspects juridiques et institutionnels de l’incorporation de force en Moselle

57

Laurent Kleinhentz

Les prisonniers mosellans de la Seconde Guerre mondiale captifs en U.R.S.S. Réflexions sur les horreurs de la guerre

73

Cécile Roger

91

Alfred Wahl

105

La résistance à l’incorporation de force et sa répression

Le retour des incorporés de force Cédric Neveu

Les incorporés de force mosellans décédés ou disparus Premier bilan statistique

125

Philippe Wilmouth

Du silence à la volonté de laisser trace Mémoire des Malgré-Nous mosellans de 1945 à nos jours

142

143

Remerciements


L’histoire de l’incorporation de force est une histoire juridique, nationale et internationale. Avec près de 7 000 Mosellans déclarés morts ou disparus, c’est aussi une histoire tragique et douloureuse, encore très vive dans la mémoire des familles. L’ouvrage entend lever un premier voile sur ces destins tragiques et nous entraîne sur les différents fronts de l’un des plus vastes conflits de l’histoire humaine.

Prix : 18 € www.editions-libel.fr ISBN : 978-2-917659-26-7 Dépôt légal : novembre 2012

L’incorporation de force des Mosellans 1942-1945

Moins connue peut-être du grand public que le sort des MalgréNous alsaciens, l’histoire de l’incorporation de force des jeunes Mosellans est le sujet de cet ouvrage. Réunissant les contributions de plusieurs spécialistes, « Malgré Eux dans l’armée allemande » explore tous les thèmes de cet épisode douloureux et aujourd’hui encore mal compris : l’embrigadement de la population mosellane, l’insoumission, la répression et la résistance.

Malgré Eux dans l’armée allemande

Pendant la Seconde Guerre mondiale, 30 000 Mosellans ont été contraints de servir dans l’armée allemande, victimes de la politique d’annexion de la Moselle au Reich.

L’incorporation de force des Mosellans 1942-1945


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