La cuisine romaine, de la taverne au banquet
Sous la direction de Cécile Batigne Vallet Armand Desbat La cuisine romaine, de la taverne au banquet lugdunum.grandlyon.com
Préface ................................ p.7
Cédric Van Styvendael, Vice-président à la Culture de la Métropole de Lyon
Avant-propos p.8
Claire Iselin, directrice de Lugdunum-musée et théâtres romains
Genèse de l’exposition.......... p.9
Cécile Batigne Vallet, Armand Desbat, commissaires de l’exposition
Introduction p.10
Une salade, César ? La cuisine romaine, de la taverne au banquet : une exposition de plus sur l’alimentation romaine ?
Cécile Batigne Vallet
DU CHAMP À L’ÉTAL
La valeur des produits p.14
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
LES BIENFAITS DE CÉRÈS
Fruits, légumes et légumineuses ............... p.18 à Lugdunum et dans le monde romain
Laurent Bouby, Philippe Marinval
Conserves en stock… p.20 légumes et fruits de réserve à l’époque romaine.
Séverine Lemaître
Les céréales produites et consommées .......... p.23
Laurent Bouby, Manon Cabanis, Philippe Marinval
Produire et manger du pain p.26 dans l’Antiquité romaine
Nicolas Monteix
L’entrepôt à grains de Panossas ................ p.29 et les circuits de l’annone
Matthieu Poux
L’ÉLEVAGE...
Quelles chairs pour nourrir p.34 la colonie de Lugdunum ?
Thierry Argant
Approvisionner la ville en viande, ............. p.37 une économie aux multiples ramifications
Thierry Argant
Faire des réserves et du commerce de chair… p.40 tout un art
Thierry Argant
Ab ovo usque ad mala. ....................... p.41
La consommation de l’œuf durant l’Antiquité romaine
Cécile Batigne Vallet
Fromages et produits laitiers p.43 dans l’Antiquité et en Gaule
Alain Ferdière
4 LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET
LES PRODUITS DE LA MER
Produits de la mer : introduction p.48 aux espèces marines consommées jusqu’à Lugdunum
Gaël Piquès
Fruits de mer (et de rivière) à Lugdunum ........ p.50
Thierry Argant
La conservation des produits de la mer : ........ p.52 les salaisons de poissons
Emmanuel Botte
UN PEU PLUS DE PIQUANT
La production et le commerce ................. p.56 de l’huile d’olive en Méditerranée et à Lugdunum.
Tony Silvino
Le garum et les sauces de poissons p.59
Emmanuel Botte
Les épices : les traces discrètes p.61 et fugitives de l’art culinaire romain en Gaule romanisée
Elisabeth Dodinet
Le sel : de l’or blanc dans les assiettes ........... p.63
Christine Hoët-van Cauwenberghe,
Armelle Masse, Gilles Prilaux
Le sucré : miel et hydromel p.65
Philippe Riffaud-Longuespé
SOMMAIRE
BOISSONS
Bibis cervesam gratis p.70
Tu bois de la bière gratuitement
Noémie Ledouble
Vinum et pix, le vin et la poix .................. p.72
Christophe Caillaud
Le tonneau, conteneur idéal .................. p.76 pour les denrées alimentaires
Armand Desbat
DE LA CULINA AU TRICLINIUM
Principes de diététique ....................... p.80 et pluralité des régimes alimentaires
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
NOURRITURES DE RUE
L’image de la caupona et p.86 de l’aubergiste dans les textes antiques
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
Ça se passe comme ça chez le caupo : .......... p.88 restauration et plus si affinités
Nicolas Monteix
Une caupona au ier siècle, rue des Farges ? p.90
Armand Desbat
5
SOMMAIRE
EN CUISINE
Cuisines et cuisiniers
dans les textes antiques
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
Cauchemar en cuisine ?
p.94
La culina dans les maisons romaines ............ p.96
Cécile Batigne Vallet
Les cuisines à Lugdunum p.98
Armand Desbat
Avoir du pot en cuisine.
p.100
Les bons récipients pour une cuisine « à la romaine ».
Cécile Batigne Vallet, Michel Feugère
Cuisine moléculaire ......................... p.103 au fond des vieux pots
Nicolas Garnier
BANQUET(S), UNE MANIÈRE DE VOIR LE MONDE
Le banquet domestique ...................... p.106
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
Le faste du triclinium dans les colonies ......... p.109 de Lyon et Vienne, entre architecture et décor
Benjamin Clément
Des vins pour les habitants de Lugdunum ....... p.112
Séverine Lemaître
Les vases à boire p.115
Armand Desbat
L’eau ...................................... p.117
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
Les banquets de Cybèle ...................... p.120
Armand Desbat
Le banquet du clos p.123 de l’Antiquaille à Lugdunum
Thierry Argant, Clémence Mège
Honorer et partager en mangeant : ........... p.126 banquets sacrificiels et funéraires à l’époque romaine
William Van Andringa
Conclusion p.131
Cécile Batigne Vallet, Loïc Bienassis
Annexes
Catalogue ................................. p.136
Sources littéraires antiques ................... p.142
Prêteurs................................... p.143
Auteurs p.143
6 LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET
Cédric Van Styvendael, Vice-président à la Culture de la Métropole de Lyon
Se nourrir est une nécessité du vivant. Mais cet animal complexe qu’est l’être humain a fait une multitude de cultures locales de l’art d’accommoder les plats.
Il s’est défini par le cru et le cuit, a dessiné la géographie de ses champs et de ses pâturages, il a dessiné les équilibres politiques le long des vignes, des rizières et des blés. Il a organisé l’économie autour de l’approvisionnement. Il a inventé l’écriture pour administrer les stocks de céréales. Les distinctions sociales s’incarnent dans les aliments privilégiés. Les inégalités se creusent à travers les régimes alimentaires et la solidarité passe par la redistribution de nourriture, depuis l’annone romaine, jusqu’à l’actuel fonds européen d’aide aux démunis.
Nous vivons entourés de l’importance économique, sociale et culturelle de la nourriture, sans toujours la comprendre, souvent sans même la percevoir. Même ici dans la Métropole de Lyon, capitale de la gastronomie, où nous savons pourtant que manger est une manière de nous définir, et que cuisiner est un geste culturel, parfois artistique.
Or ces questions s’actualisent et reprennent une actualité politique majeure : consommation locale et bio, production paysanne, inégalités alimentaires et effets sur la santé, souffrance animale, économie circulaire… La nourriture est au cœur des transformations politiques en cours.
Notre avenir est l’ombre que notre passé projette devant nous et pour comprendre les enjeux profonds qui sont les nôtres, ceux qui traversent les temps, il est parfois nécessaire de se retourner et d’observer la façon dont ils se posaient autrefois, les solutions trouvées, les erreurs commises, les troublantes similitudes et les différences irréductibles qui se jouent à 2 000 ans d’écart.
Merci au musée Lugdunum de nous fournir l’occasion de ce coup d’œil dans le rétroviseur qui nous aide à conduire vers l’avenir. Scripta manent, les textes demeurent. Que ce catalogue inscrive dans le temps cette exposition des mets et fumets disparus, miroir si utile à notre intelligence du temps présent.
7 PRÉFACE
PRÉFACE
INTRODUCTION
UNE SALADE, CÉSAR? – LA CUISINE ROMAINE, DE LA TAVERNE AU BANQUET : UNE EXPOSITION DE PLUS SUR L’ALIMENTATION ROMAINE ?
Cécile Batigne Vallet
Le musée Lugdunum - Musée & Théâtres romains organise une exposition sur l’alimentation des Romains en 2020. Ne sait-on pas déjà tout ou à peu près de ce que consommaient les Romains ? Le sujet n’est-il pas déjà traité et suffisamment restitué au grand public depuis que la mode dans les arts visuels et la littérature s’en est emparée au début du xixe siècle ? En effet, depuis Jean Anthelme Brillat-Savarin et Alexandre Dumas, plusieurs écrivains de genres divers ont fait référence à la cuisine romaine pour les besoins de leurs démonstrations historiques ou médicales et ont sollicité Caton ou Martial pour les descriptions qu’ils ont données de recettes ou de repas. Les peintres pompiers, quant à eux, ont trouvé dans le thème du banquet évoqué par Pétrone ou Apicius une très belle opportunité d’exploiter une large palette de couleurs et surtout un fascinant éventail de rendus de matières et de lumières. Tous ces effets étaient alors en mesure de provoquer, chez le spectateur, une cuisante tension entre plaisir des sens et culpabilité, car ces tableaux, de très grande taille pour certains, devaient dénoncer, en les dépeignant dans le détail, les pratiques licencieuses et les abus des hommes de pouvoir. Et c’est bien à partir de la représentation qu’ils ont proposée de la commensalité romaine que l’image exclusive de l’excès dans cette alimentation s’est formée dans les esprits des contemporains.
L’exposition Une salade, César ? – La cuisine romaine, de la taverne au banquet souhaite restituer de l’alimentation romaine ce qu’il est possible de montrer au public aujourd’hui concernant Lugdunum. Elle s’accompagne du présent catalogue, élaboré à partir de deux axes thématiques : les principales denrées alimentaires à l’époque romaine, leur exploitation et leur commerce, d’une part, et leur préparation et leur consommation, d’autre part. Il a été écrit sur la base des
sources littéraires bien sûr, mais aussi sur celle des vestiges archéologiques de Lyon depuis que L. Munatius Plancus y a installé une colonie de vétérans en 43 av. J.-C. Pour tous les thèmes, nous avons demandé aux auteurs d’exploiter les données archéologiques lyonnaises et régionales autant que faire se peut. Aussi, de nombreuses données inédites sont exposées dans ces pages.
La première partie de ce recueil, « Du champ à l’étal », dresse le bilan des connaissances des aliments consommés par les Lyonnais. Dans l’alimentation des Anciens, les espèces végétales semblent avoir tenu une place prépondérante, que L. Bouby et P. Marinval détaillent pour le lecteur. Les bienfaits nutritionnels des légumes consommés sont certains et les apports énergétiques des légumineuses, très appréciées aussi, sont encore vantés par les diététiciens d’aujourd’hui, car elles sont parfois présentées comme la protéine de demain ! La forte valeur symbolique de certaines d’entre elles les amène également à figurer parmi les restes des ensembles funéraires de Lugdunum, à côté de certains fruits. Ces fruits, dont plusieurs espèces sont arrivées récemment en Occident, sont consommés crus ou bien sont stockés grâce aux techniques de conservation bien connues des Romains et décrites par S. Lemaître. Cela permet aux Lyonnais de consommer des espèces méditerranéennes qui ne croissent pas sur leur territoire, encore trop inhospitalier à la fin du Haut Empire. Les céréales représentaient sans aucun doute la source énergétique principale déjà durant l’Antiquité : P. Marinval, L. Bouby et M. Cabanis présentent d’abord les céréales retrouvées à Lugdunum puis la formidable organisation de l’approvisionnement des grandes villes en grains et leur exploitation pour la production du pain sont développées ici par M. Poux et N. Monteix.
10 LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET
Les vestiges osseux et les coquilles retrouvés sur le site de Lugdunum, leur nature et l’observation des éventuelles traces de découpe, permettent à T. Argant de brosser un tableau chronologique des espèces consommées durant l’Antiquité alors que les restes ichtyologiques – arêtes, épines, écailles notamment – sont à la base du travail de G. Piquès : à l’époque romaine, les Lyonnais dégustaient des poissons d’origine locale, mais également divers produits de la mer parvenus frais jusqu’à la capitale ou bien apportés sous forme de conserves : E. Botte explique les principes de la salaison de poisson, mais aussi, plus loin, de leur transformation en garum, ce précieux condiment dont les qualités sont variées. Le fromage et les œufs, objets des articles d’A. Ferdière et de C. Batigne Vallet, complétaient très probablement le régime en protéines.
Pour la réalisation des mets, ces ingrédients substantiels pouvaient être accompagnés d’épices, d’aromates, de miels, d’huiles et parfois de sel. Cela permettait certes de relever
leur goût, mais tous ces adjuvants pouvaient également remplir des fonctions de conservateurs. Les qualités gustatives et antioxydantes de ces produits, ainsi que leur économie dans le monde romain et leur utilisation à Lugdunum, sont exposées par les spécialistes sollicités : T. Silvino, E. Dodinet, C. Hoët-van Cauwenberghe, A. Masse, G. Prilaux et P. Riffaud-Longuespé.
N. Ledouble livre ensuite un exposé détaillé sur la bière et son élaboration, dont la consommation était sans doute plus importante que ce que l’on croit. A. Desbat et C. Caillaud abordent la question du transport et du commerce des boissons grâce à une analyse des diverses utilisations du tonneau, pour le premier auteur, et par un descriptif de la poix, son élaboration et son utilisation dans le commerce des produits, pour le second.
Dans la seconde partie du catalogue, « De la culina au triclinium, sont présentés les vestiges qui sont en lien avec
11 INTRODUCTION
Les Romains de la décadence, Huile sur toile Joseph-Paul-Marius Soumy (1831-1863), d’après Thomas Couture (1815-1879) 1847, Musée des Beaux-Arts, Lyon, Inv. 1938-8 © Lyon MBA – Photo Alain Basset
la réalisation des préparations et la prise des repas. La composition du repas romain peut varier en fonction de l’activité, ce que D. Tilloi-d’Ambrosi expose en avant-propos de cette partie. Trois textes détaillent un espace de consommation particulier, encore peu fouillé à Lyon, mais bien avéré à Vienna et qui correspond à un lieu commercial où préparation et consommation sont mêlées : il s’agit de la taverne, un restaurant ouvert sur la rue offrant au passant la possibilité de s’alimenter rapidement. Ce commerce de bouche est parfois désigné par thermopolium, thermospodium ou popina dans la littérature archéologique, mais N. Monteix, qui a étudié dans les détails ce type de commerce dans les villes vésuviennes, préfère le nommer caupona, terme qu’il conviendrait d’adopter définitivement. D. Tilloi-d’Ambrosi présente l’auberge et la figure de l’aubergiste dans les textes antiques alors qu’A. Desbat fait la présentation de la seule caupona identifiée aujourd’hui dans la capitale des Gaules. L’espace dédié à la préparation des mets, la cuisine, ainsi que ses occupants, les maîtres queux, sont d’abord présentés de manière générique par C. Batigne Vallet et D. Tilloi-d’Ambrosi grâce aux textes et aux nombreux vestiges connus en Campanie. Dans leurs contributions, A. Desbat, C. Batigne Vallet et M. Feugère exposent de quelle manière les cuisines lyonnaises et leur mobilier sont en grande partie conformes aux habitudes italiennes tout en présentant des spécificités et N. Garnier termine cette partie en précisant l’intérêt des analyses chimiques des résidus organiques piégés dans les parois des poteries et en revenant sur le processus d’extraction des molécules à identifier.
Dans la partie consacrée à la commensalité, D. Tilloid’Ambrosi dépeint le banquet dans les grandes maisons d’après ce que les textes antiques apportent comme sources, mais de nombreux vestiges mobiliers et immobiliers permettent aux chercheurs de savoir que les normes du banquet
romain étaient parfaitement respectées à Lyon : B. Clément fournit des informations très précises au sujet de l’aménagement du triclinium dans les grandes demeures lyonnaises et viennoises depuis la période augustéenne jusqu’au iie siècle apr. J.-C. Les boissons y tiennent un rôle important, notamment parce qu’elles ont le pouvoir de faciliter la discussion et les mots d’esprit, qui doivent obligatoirement émailler la soirée qui se déroule dans le triclinium. D. Tilloi-d’Ambrosi et S. Lemaître livrent des exposés détaillés sur l’eau, dont la qualité et l’approvisionnement sont particulièrement surveillés par les Romains, et sur le vin et la consommation qu’il en était fait à Lugdunum, et A. Desbat complète cette partie sur les boissons par un inventaire des gobelets en terre cuite utilisés par les convives dans les triclinia lyonnais.
Les contributions d’A. Desbat, T. Argant et C. Mège couronnent cette approche grâce à des descriptions minutieuses des restes céramiques et fauniques relevant vraisemblablement de banquets sur deux sites lyonnais : le « sanctuaire de Cybèle » et le clos de l’Antiquaille, tous deux implantés sur la colline de Fourvière. Enfin, une place importante est donnée aux repas funéraires parce que la religion était omniprésente dans la société romaine et W. Van Andringa offre à comprendre leur rôle, leur fonctionnement social et religieux ainsi que l’organisation des sacrifices alimentaires qu’ils occasionnent.
Les articles de ce catalogue, à destination des collègues spécialistes, mais aussi du public passionné, sont donc construits à partir d’un objectif double dans la mesure du possible : l’alimentation romaine, d’une part, et le site de Lyon/Lugdunum, d’autre part. Aussi sommes-nous pressés de conclure cette introduction pour passer au cœur de l’ouvrage en citant la Plaisante sagesse lyonnaise : « C’est pas les belles paroles qui font cuire la soupe » !
12 LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET
DU CHAMP À L’ÉTAL
Les
L’élevage... p. 32
Les produits de la mer p. 46
Un peu plus de piquant p. 54 Boissons p.
bienfaits de Cérès p. 16
Scène de halage Calcaire Fin du Ier – début IIe s. apr. J.-C. Musée lapidaire, fondation Calvet, Avignon Inv. 16274 © Fondation Calvet
68
LA VALEUR DES PRODUITS
Dimitri Tilloi-d’Ambrosi
Les prix des denrées alimentaires varient selon les périodes et les aires géographiques de l’Empire. Il est en outre difficile d’opérer des équivalences avec notre époque. Malgré tout, la littérature et l’épigraphie permettent d’établir certaines échelles de valeurs.
L’ENVOLÉE DES PRIX SUR LES MARCHÉS
Dans les pièces de théâtre de Plaute (Aulularia, II, 6), à l’époque républicaine, les personnages se plaignent du coût élevé de la viande et des poissons. Les produits de la mer sont considérés comme des mets de luxe. À l’époque impériale, les sommes astronomiques dépensées pour acquérir les meilleurs poissons sont un lieu commun de la littérature. Juvénal (Satires, IV) incrimine un certain Crispinus, pour avoir dépensé 6000 sesterces pour un rouget de six livres1, et Horace (Satires, II, 4) déplore qu’un poisson coûte 3000 sesterces. Sous Caligula, un surmulet s’est même vendu 8000 sesterces. Le précieux garum sociorum2 se négocie quant à lui 2000 sesterces (Pline, Histoire Naturelle, IX, 67-68/XXXI, 94).
ENCADRER LES PRIX
Évidemment, ces dépenses extraordinaires ne sont pas celles du quotidien. Il s’agit d’une dénonciation du luxe corrupteur des mœurs romaines. Néanmoins, la spéculation sur les denrées alimentaires n’est pas rare, notamment en cas de crise frumentaire. Ce problème oblige les autorités à intervenir pour réguler les prix. En 301, Dioclétien promulgue l’Édit du Maximum destiné à fixer une limite aux prix, compte tenu des difficultés économiques et de l’inflation au terme du iiie siècle (Fig. 4). Sans indiquer les prix pratiqués réellement, il rend compte des échelles de valeurs entre les denrées. Ainsi, le modius3 de blé est de 100 deniers contre 60 pour celui d’orge ; une livre4 de porc vaut 12 deniers contre 8 pour le bœuf, une livre de poisson de mer 24 deniers contre 12 pour du poisson de rivière.
LES RÉALITÉS DES PRIX AU QUOTIDIEN
Les inscriptions et les graffiti offrent des indices sur les prix couramment pratiqués. Ainsi, dans une taverne d’Hercula-
14 LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 2 - Enseigne peinte d’Herculanum (VI, 14) affichant les prix en as selon le type de vin et l’inscription Ad Cucumas. ier siècle.
© Werner Forman Archive / N.J. Saunders / akg-images
Fig. 1 - Balance en alliage cuivreux et son curseur en plomb retrouvée montée des Carmélites. Un plateau se trouvait à l’une des extrémités, tandis qu’un fléau indiquait le poids. Lugdunum (inv. br. 413).
© J.-M. Degueule, C. Thioc/Lugdunum
ier siècle. Lugdunum (Inv. br. 045).
num (VI, 14), un verre de vin coûte entre 2 et 4 as selon la qualité5 (Fig. 2). Cette échelle de valeurs correspond au salaire journalier d’un ouvrier. Une liste provenant des Thermes maritimes recense des aliments probablement consommés lors du passage aux bains, où les valeurs semblent être en as : des noix ; du vin 14 as ; du saindoux 2 as ; du pain 3 as ; 3 boulettes 12 as ; 4 saucisses 8 as6. On peut déduire de ce document qu’un large accès à une nourriture variée et carnée est possible, ne se limitant pas à des bouillies végétales. Malgré tout, ces prix peuvent être relativement élevés pour les plus pauvres.
Notes
1 – Sous Auguste, la fortune d’un chevalier est de 400 000 sesterces, celle d’un sénateur un million ; un légionnaire gagne 900 sesterces par an.
2 – Il s’agit du « garum des associés », produit en Bétique au sud de l’Espagne.
3 – Environ 8,6 litres.
4 – 324 grammes.
5 – Sous Auguste un sesterce vaut 4 as.
6 – CIL IV, 10674. Les noix sont mentionnées, mais sans valeur de prix.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Jacques ANDRÉ, La cuisine et l’alimentation à Rome, Paris, Les Belles Lettres, 1981.
Brigitte MARIN, Catherine VIRLOUVET (dir), Nourrir les cités de la Méditerranée. Antiquité-Temps modernes, Maisonneuve & Larose, Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, Paris, 2004.
Paul ERDKAMP, « Supplying cities », dans John WILKINS, Robin NADEAU (éds.), A Companion to food in the Ancient world, Oxford, Blackwell, 2015, p. 183-192.
15 LA VALEUR DES PRODUITS
Fig. 4 - Fragment du texte de l’Édit de Dioclétien adopté en 301 retrouvé dans le macellum d’Aizanoi en Turquie. Pergamonmuseum, Berlin (inv. ZPE 26-125 = ZPE 34-167). © Werner Forman Archive / N.J. Saunders / akg-images
Fig. 3 - Statuette en bronze de Mercure, dieu des commerçants et des voleurs, retrouvée sur les pentes de la Croix-Rousse.
© J.-M. Degueule, C. Thioc/Lugdunum
Fruits, légumes et légumineuses à Lugdunum et dans le monde romain
Laurent Bouby, Philippe Marinval p. 18
Conserves en stock… légumes et fruits de réserve à l’époque romaine.
Séverine Lemaître p. 20
Les céréales produites et consommées
Laurent Bouby, Manon Cabanis, Philippe Marinval p. 23
Produire et manger du pain dans l’Antiquité romaine
Nicolas Monteix p. 26
L’entrepôt à grains de Panossas et les circuits de l’annone
Matthieu Poux p. 29
Scène de moisson / Pierre Montauban-sous-Buzenol (province du Luxembourg, Belgique) Vers 240 apr. J.-C.
Musée Gaumais-société royale, Virton Inv. MAR-MGV 1254
© Collection Musée Gaumais, B-Virton
LES BIENFAITS DE CÉRÈS
FRUITS, LÉGUMES ET LÉGUMINEUSES À LUGDUNUM ET DANS LE MONDE ROMAIN
L’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien, l’Art culinaire d’Apicius, ou les écrits des agronomes, tels les traités d’agriculture de Caton et de Columelle, les textes que nous a légués l’Antiquité, font état d’une grande diversité de légumineuses, légumes et fruits connus et utilisés par les Romains. De ce point de vue, les contacts avec les Romains, puis la conquête, ont fortement modifié l’alimentation des peuples de la Gaule. On pense avant tout au registre des fruits, puisque, en dehors de la région méditerranéenne, les Gaulois se nourrissaient principalement de fruits cueillis. Mais, parmi toutes les plantes alimentaires mentionnées dans les textes, lesquelles ont été adoptées dans la région de Lyon ? Avec quel succès ? Quels rythmes de diffusion ? Les textes eux-mêmes, l’épigraphie, l’archéologie concourent à fournir des indications à ce sujet. L’archéobotanique, plus singulièrement l’étude des graines et fruits (carpologie), procure des indications directes et précises sur la consommation, parfois la production et la transformation, de produits végétaux en un lieu donné. Sous certaines conditions, les restes végétaux se conservent effectivement dans les sédiments archéologiques et peuvent être collectés à la fouille, puis identifiés en laboratoire. Le plus souvent les graines et fruits sont conservés par carbonisation, que le passage par le feu résulte de l’élimination de déchets culinaires, d’accidents lors de la préparation ou du stockage, ou, par exemple, du dépôt comme offrandes végétales en lien avec l’incinération des défunts. Sous certaines conditions particulières, les végétaux non carbonisés sont épargnés de la putréfaction, autrement inévitable lorsqu’ils sont enfouis dans
la terre. C’est en particulier le cas dans les milieux constamment immergés, comme dans les puits ou les sites portuaires. Ces contextes sont particulièrement propices à l’enregistrement de fruits, légumes ou plantes condimentaires.
Ces dernières années plusieurs fouilles archéologiques conduites dans l’agglomération lyonnaise ou dans les environs ont permis de réaliser des études carpologiques et de recueillir ainsi des informations sur les végétaux consommés localement. Citons notamment les fouilles conduites par
18 LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Laurent Bouby, Philippe Marinval
Fig. 1 - Fresque représentant une nature morte avec des pêches. Herculanum, Maison des Cerfs. L’iconographie est une des sources pour identifier des produits consommés durant l’Antiquité. Musée archéologique de Naples. © akg-images / De Agostini Picture Lib. / G. Nimatallah
l’Inrap lors de l’aménagement du parking Saint-Georges, sur un ancien site portuaire sur les bords de la Saône offrant d’excellentes conditions de conservation du matériel végétal (Fig. 2)
Les graines riches en protéines des légumineuses connaissaient un grand succès dans l’alimentation romaine. Elles tenaient une grande place, semble-t-il, surtout au menu des plus pauvres, qui pouvaient les consommer sous forme de soupes, bouillies ou purées. La plupart des espèces appréciées par les Romains étaient déjà connues des Gaulois. Mais parmi ces dernières se détachent, à l’époque romaine, la lentille et la féverole qui sont particulière ment valorisées dans le Sud-Est de la France. Une réserve de graines de féveroles a notamment été découverte dans une couche archéologique du iiie siècle apr. J.-C. de la vil la de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère). À Lyon, lentille et féverole comptent parmi les principales offrandes végétales déposées dans les tombes à incinération explorées lors des fouilles du Boulevard Périphérique Nord et de la Favorite. Ceci montre que ces légumineuses possédaient alors un certain statut symbolique.
D E
A B C D E
Dans ce domaine, les fruits sont plus particulièrement valorisés. Les tombes lyonnaises ne font pas exception, en affichant une grande diversité d’espèces fruitières. Parmi ces dernières on relève la présence d’espèces méditerranéennes et exotiques, dont plus particulièrement le pin pignon et le dattier, qui sont fortement attachés aux contextes funéraires en Gaule romaine. Mais dans l’alimentation romaine, les fruits sont omniprésents, consommés frais, secs, sous forme de conserves, comme des saumures, mangés tels quels, en dessert, ou intégrés à de multiples préparations culinaires. Les nombreux restes fruitiers observés dans les dépotoirs du site du parc Saint-Georges sont la preuve de leur consommation régulière en contexte urbain, à Lyon. On trouve là encore diverses denrées importées depuis le Sud, telles les figues, les olives, les amandes ou les mûres du mûrier noir. D’autres espèces sont cultivées dans les environs de la cité. Les fruits trouvés dans un fossé agraire à Saint-Romain-deJalionas proposent vraisemblablement un témoignage de leur culture sur place. Les espèces recensées sont la gourde calebasse, le noyer, le néflier, le pêcher, le prunier et, bien sûr, la vigne. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les Romains continuaient à consommer régulièrement les fruits sauvages, comme les baies de sureau ou les mûres de ronces, y compris dans une grande ville comme Lyon.
D
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles Inrap, dir. G. Ayala, ), B. Néflier ( ), C. Gourde ), E. Mûrier (
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles Inrap, dir. G. Ayala, étude carpologique
L. Bouby). A. Olivier (Olea europaea), B. Néflier (Mespilus germanica), C. Gourde calebasse (Lagenaria siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera), E. Mûrier (Morus alba/nigra).
siceraria), D. Vigne ( ), E. Mûrier (Morus alba/nigra
germanica), C. Gourde calebasse (Lagenaria siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera). E. Mûrier (Morus alba/nigra). © L. Bouby, CNRS
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles Inrap, dir. G. Ayala, étude carpologique
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles Inrap, dir. G.Ayala, étude carpologique
E
FRUITS, LÉGUMES ET LÉGUMINEUSES À LUGDUNUM ET DANS LE MONDE ROMAIN / LES BIENFAITS DE CÉRÈS B C E
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à
Les légumes constituaient un autre pan considérable de l’alimen tation. Les textes nous rap pellent la consommation des tiges, feuilles, jeunes pousses ou parties souterraines d’une multitude d’es pèces. Cette catégorie se laisse toutefois plus difficilement appréhender par la carpologie. On retrouve bien là encore des espèces exotiques, dont la présence dans les dépotoirs suffit à signer la consommation locale, comme le concombre ou la bette. Mais nombre de plantes régulièrement cultivées et cuisinées par les Romains étaient par ailleurs naturellement présentes dans la flore de la Gaule. Il est alors difficile de savoir, quand on trouve la carotte, le chénopode, la mauve ou le pourpier dans les dépotoirs lyonnais, s’il s’agit de restes de légumes ou de plantes poussant naturellement dans l’environnement des sites. Il faudrait encore parler des plantes condimentaires (aneth, coriandre, fenouil, etc.), dont certaines étaient également des légumes comme des condiments appréciés.
L. Bouby).A. Olivier (Olea europaea), B. Néflier (Mespilus germanica), C. Gourde calebasse A
L. Bouby).A. Olivier (Olea europaea), B. Néflier (Mespilus
Restesdefruitsdesfouillesdu
siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera), E. Mûrier (Morus
Parc-Saint-Georges,àLyon(fouillesInrap,dir.G.Ayala, L.Bouby).A.Olivier(Oleaeuropaea),B.Néflier(Mespilusgermanica),C.Gourde siceraria),D.Vigne(Vitisvinifera),E.Mûrier(Morusalba/nigra).
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles Inrap, dir. G.Ayala, étude carpologique
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L. Bouby).A. Olivier ( Mespilus germanica D E
siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera), E. Mûrier (Morus alba/nigra). B D
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles Inrap, dir. G. Ayala, étude L. Bouby). A. Olivier (Olea europaea), B. Néflier (Mespilus germanica), C. Gourde calebasse siceraria Morus alba/nigra
Restes de fruits des fouilles du L. Bouby). A. Olivier (Olea europaea siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera
A B D E
Restes de fruits des fouilles du Parc-Saint-Georges, à Lyon (fouilles L. Bouby). A. Olivier (Olea europaea), B. Néflier (Mespilus germanica siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera), E. Mûrier (Morus alba/nigra).
L. Bouby). A. Olivier (Olea europaea), B. Néflier (Mespilus germanica), C. Gourde calebasse (Lagenaria siceraria), D. Vigne (Vitis vinifera), E. Mûrier (Morus alba/nigra).
CONSERVES EN STOCK… LÉGUMES ET FRUITS DE RÉSERVE À L’ÉPOQUE ROMAINE
Au côté des céréales, les fruits et les légumes permettaient de condimenter les plats et d’agrémenter la fin des repas. Ils étaient cueillis dans la nature, récoltés dans les vergers et dans les potagers cultivés dans les domaines ruraux ou encore en ville, dans les espaces jardinés associés aux domi, en Italie, mais également en Gaule à l’époque romaine. Fruits et légumes pouvaient être consommés frais et/ou cuisinés sur place. D’autres étaient vendus tels quels, sur les étals des boutiques en ville par un pomarius (Horace, Satires, II, 3, 227). C’est ce que montre la stèle d’un primeur de Narbonne ou Bordeaux7. Il existait aussi des marchands spécialisés comme le salgamarius qui fabriquait et pouvait vendre des fruits et des légumes confits (Columelle, De re rustica, XII, 46, 1, et 56, 1).
PRÉPARATION DES CONSERVES À LA CAMPAGNE
Dans les domaines ruraux, les récoltes étaient souvent plus abondantes que les besoins quotidiens de la maisonnée, aussi était-il d’usage, soit de vendre les surplus au marché, soit de transformer fruits et légumes en conserves, précieuses pendant les mois d’hiver. Les textes antiques indiquent que toutes sortes de fruits, de légumes et d’herbes aromatiques pouvaient être ainsi préparés : laitue, aunée, jeunes pousses de choux, panais, fenouil, maceron, câpres… Du côté des fruits, figues, pommes, coings, prunes et dattes étaient séchés, enrobés de miel ou préparés au sirop. Les données
archéologiques montrent que bon nombre de ces espèces végétales étaient également consommées en Gaule romaine.
Les sources littéraires anciennes nous apportent des informations précieuses sur les recettes antiques de conserves. Columelle, un agronome romain du ier siècle apr. J.-C., consacre le livre XII de son traité De re rustica, spécifiquement à leur fabrication.
Certaines conserves sont destinées à être consommées dans le mois, tandis que d’autres doivent durer une année. Il est conseillé d’utiliser plusieurs petits récipients plutôt que de grandes jarres. Ceux-ci peuvent être en verre ou en terre cuite, ce que semble illustrer une célèbre peinture de Pompéi (Fig. 1). Certains de ces pots à ouverture large sont enduits de poix (résine de conifère chauffée) à l’intérieur, ce qui favorise la conservation des denrées (Columelle, De re rustica, XII, 4, 4 et 5).
TECHNIQUES ET PRODUITS DE CONSERVATION
En l’absence de moyens de réfrigération de longue durée, les Anciens ont employé deux techniques principales de conservation des fruits et des légumes. Les végétaux étaient soit séchés, soit conservés dans un liquide sucré ou salé.
Encore aujourd’hui, le séchage est la technique la plus simple pour la préservation des fruits. Les figues étaient ainsi séchées entières ou coupées en deux et disposées sur des claies au soleil. Le processus de dessiccation pouvait être ter-
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Séverine Lemaître
miné dans le four si le temps était trop humide. Les figues sèches étaient rangées serrées, éventuellement séparées par des feuilles de figuier, dans des pots hermétiquement bouchés (Columelle, De re rustica, XII, 15, 1-5).
On utilisait le séchage pour la conservation des pommes et des poires coupées en deux ou trois morceaux (Columelle, De re rustica, XII, 14, 1), ainsi que celle des prunes de Damas importées à Rome et dont l’aspect ridé caractéristique est souligné par le poète Martial (Épigrammes, XIII, 29).
Certaines préparations étaient plus sophistiquées. Les figues, une fois leur queue retirée, pouvaient ainsi être écrasées et assaisonnées d’épices variées : graines de sésame torréfié, d’anis d’Égypte, de fenouil et de cumin. Le mélange était formé en pâtons, enveloppés dans des feuilles de figuier et mis à sécher au soleil, puis conservés dans des vases poissés (Columelle, De re rustica, XII, 15, 3-5).
D’autres fruits étaient au contraire conservés imbibés dans un liquide : miel, sirops à base de jus de fruits ou encore defrutum, dont Pline l’Ancien livre la recette (Pline, Histoire naturelle, XIV, 80). Il s’agit d’un vin cuit réduit de moitié par chauffage8. Des étiquettes peintes sur l’épaulement d’amphores Haltern 70, originaires d’Andalou-
sie, mentionnant des olives noires confites dans du defrutum comme celle découverte à Vindonissa (Suisse)9 (Fig. 3), témoignent de la commercialisation de conserves d’olives en Germanie et en Gaule lyonnaise10. Ce vin cuit était également employé pour garder d’autres fruits comme les prunes, les poires, les coings, et les raisins (Columelle, De re rustica XII, 10, 3 et 4 / 44, 2 /48, 5).
Le miel a lui aussi été largement utilisé pour conserver des fruits, des légumes, seul ou mélangé à de l’eau. Martial propose de qualifier de « pommes du paradis » les coings confits dans du miel de l’Attique, le plus réputé dans l’Antiquité (Martial, Épigrammes, XIII, 24).
Le vinaigre et le sel mélangé à de l’eau étaient des agents de conservation pour toutes sortes de plantes condimentaires et de légumes. Après avoir été lavées et séchées, les feuilles, tiges ou encore jeunes pousses, étaient plongées dans une saumure fortement concentrée en sel. C’est également le cas des oignons (Martial, Épigrammes, III, 77). Certaines recettes à base de légumes peuvent nous sembler étonnantes, comme la conserve de laitue (Columelle, De re rustica, XII, 9, 1-2). Les tiges et les feuilles étaient disposées dans des pots avec d’autres verdures et recouvertes d’une sauce composée
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Fig. 1 - Nature morte, Praedia de Julia Felix (II, 4, 3), Pompéi. Musée archéologique de Naples. © Sites & Photos / akgimages / Samuel Magal. CONSERVES EN STOCK… LÉGUMES ET FRUITS DE RÉSERVE À L’ÉPOQUE ROMAINE / LES BIENFAITS DE CÉRÈS
Fig. 4 - Amphore levantine, contenant des dattes carbonisées, découverte à Avenches à la fin du xixe siècle. © S. Lemaître.
Fig. 3 - Inscription peinte sur l’épaule d’une amphore de Bétique découverte à Vindonissa en Suisse. OLIVA(e) / NIGRA(e) / EX DEFR (uto). Traduction : olives noires confites dans le defrutum. D’après A. Aguilera, 2004, p. 67. © DAO A. Aguilera
de saumure et de vinaigre et assaisonnées avec du fenouil. La même sauce sert à confire également les herbes condimentaires : maceron, férule et fenouil, mais aussi sarriette et origan (Columelle, De re rustica, XII, 9, 2 et 3).
[…] un Syrien poussé à Rome par le vent avec une cargaison de prunes et de figues […] (Juvénal, Satires, III, 81-83).
Ce court extrait d’une satire de Juvénal fait état d’un commerce de conserves de fruits, du Levant à Rome. Un certain nombre de découvertes archéologiques confirment l’existence de tels réseaux d’échanges. L’exportation de conserves de dattes est également attestée. L’impossibilité de faire fructifier les palmiers dattiers en Italie et a fortiori en Gaule explique que ces fruits aient été importés en Occident (Varron, De Agricultura, 2, 1 ; Pline, Histoire naturelle, XIII, 27). C’est au Levant (Judée, Syrie), en Arabie, en Assyrie, en Égypte que les dattes sont réputées les plus savoureuses (Pline, Histoire naturelle, XIII, 41-50). Elles sont séchées (Fig. 4) ou transformées en pâte, mangées pour elles-mêmes ou employées pour épaissir les sauces. Des dattes ont été découvertes dans deux
épaves de la côte provençale ainsi que dans plus d’une dizaine de sites de Gaule et de Bretagne romaine. Des fruits carbonisés contenus dans une amphore levantine mise au jour à Avenches constituent un des rares témoignages de l’arrivée de ces conserves dans l’Occident romain (Fig. 4) Enfin, c’est une saveur ou un goût particulier qui explique la commercialisation vers l’Occident de conserves de prunes ou de figues originaires de Méditerranée orientale. Martial aime la figue âpre et piquante de l’île de Chio, jaunie par une chaleur tempérée. Le même auteur reçoit de la part d’Umber, pour les Saturnales, des petites figues de Syrie avec des prunes blanches et un vase plein de figues de Libye (Martial, Épigrammes, VII, 25 et 31 et 53).
Notes
7 – Michel Reddé, « Les scènes de métier dans la sculpture funéraire gallo-romaine », Gallia, 36, fasc. 1, 1978, p. 43-63.
8 – Robert Étienne, Fr. Mayet, Le vin hispanique, Paris, De Boccard, 2000, p. 95.
9 – Antonio Aguilera, « Los tituli picti », dans Culip VIII i les amfores Haltern 70, Monografies del CASC 5, Girona, Museu d’Arqueologia de Catalunya, 2004, p. 67.
10 – Robert Étienne, Fr. Mayet, Op. cit. , p. 96.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Jacques ANDRÉ, L’alimentation et la cuisine à Rome, Paris, C. Klincksieck, 1961.
Nicole BLANC, Anne NERCESSIAN, La cuisine romaine
antique, Grenoble, Glénat Faton, 1997.
David DJAOUI (dir.), On n’a rien inventé ! Produits, commerce et gastronomie dans l’Antiquité romaine, Marseille, Musées de Marseille, 2019.
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LA
AU BANQUET /
À L’ÉTAL
CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE
DU CHAMP
LES CÉRÉALES PRODUITES ET CONSOMMÉES
Laurent Bouby, Manon Cabanis, Philippe Marinval
Les céréales dans l’Antiquité, comme ce fut le cas jusqu’à une date très récente dans toute l’Europe et même bien au-delà, occupent une place prépondérante dans l’alimentation. Les données carpologiques issues des fouilles récentes pratiquées au cœur de la capitale des Gaules et dans ses environs permettent de brosser un tableau des céréales cultivées et consommées. Toutefois, pour y parvenir nous sommes contraints de faire appel à toutes les sources d’information disponibles. Non seulement la documentation issue de fouilles d’habitats et des niveaux d’occupation ; mais nous devons aussi nous tourner vers les ensembles funéraires. Les données carpologiques domestiques demeurent encore, hélas, par trop lacunaires. Certes, le monde des morts est particulier, chargé qu’il est de croyances et de symbolismes, mais il constitue malgré tout une base documentaire appréciable et, par chance, près d’une dizaine de nécropoles lyonnaises ont fait l’objet d’études carpologiques.
Trois céréales prédominent dans les ensembles romains lyonnais et semblent constituer une part importante de l’alimentation. En premier lieu, le blé nu - dont le froment, l’orge et une espèce à petits grains qui n’est plus guère consommée de nos jours : le millet commun.
Le blé nu est très largement répandu. Il est avéré sur le site du parc Saint-Georges et domine dans la nécropole de la Zone industrielle nord de Vaise. Chez les blés nus, battage et nettoyage (vannage) suffisent à libérer le grain de ses enveloppes ; il se trouve alors prêt à être moulu.
Cette catégorie regroupe cependant deux types de blés aux propriétés agronomiques, techniques et gustatives très différentes. Les blés durs, de type blé poulard ou blé dur, plutôt d’affinité méridionale, sont surtout utilisés pour produire des pâtes alimentaires, des semoules ou des pains à pâte non levée. Le froment constitue au contraire le blé panifiable par excellence grâce à son taux de gluten qui permet à la pâte de lever.
Dans pratiquement toutes les régions gauloises, le blé nu connaît un essor manifeste à l’époque romaine, et ce dès les débuts de la période, voire à la fin de l’âge du Fer. Il est notamment bien représenté dans la villa des Vernes, à la Boisse, qui date du gallo-romain précoce. Il n’est malheureusement pas possible de distinguer les deux types de blé nu par la morphologie des grains trouvés dans les sites archéologiques. Seuls les rachis d’épis, beaucoup plus rares en contexte archéologique, permettent de trancher. Les résultats les plus récents nous disent que ces deux blés nus étaient présents en Gaule romaine. C’est notamment le cas sur le site du parc Saint-Georges, à Lyon.
Pline, dans son Histoire Naturelle, vante les qualités des froments gaulois ainsi que des pains qu’ils permettent de confectionner. Les textes latins nous apprennent aussi que le froment est consommé sous forme de bouillie, la puls.
L’orge polystique vêtue. Aujourd’hui on considère que l’orge est essentiellement employée pour la bière et comme fourrage pour les animaux. Il n’en a pas toujours été ainsi. Céréale rustique, précoce et assez facile à produire, les Hommes l’ont pendant longtemps consommée. La polenta d’orge (bouillie épaisse) constitue un mets courant de l’époque romaine. Bien que sa farine ne soit pas panifiable, elle entre dans la composition de certains « pains ». Ses grains devaient aussi être employés dans l’élaboration de la bière (la cervoise), et déjà servir de fourrage pour les animaux, notamment les chevaux.
Le millet commun est une céréale à cycle végétatif court. Semé au printemps, souvent au mois de mai, il mûrit trois mois après, pour être récolté en juillet ou août. En Europe, les millets apparaissent au cours de l’âge du Bronze et acquièrent rapidement une place de premier plan au sein des productions céréalières. À l’époque romaine, la culture
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LES CÉRÉALES PRODUITES ET CONSOMMÉES / LES BIENFAITS DE CÉRÈS
du millet commun est commune en Gaule, tout en restant largement en deçà de celles des blés nus et de l’orge. Dans la région de Lugdunum, elle est attestée à Quincieux et sur le site du Boulevard Périphérique Nord. Avec ses grains (plus ou moins sphériques et de petites dimensions, de 3 mm de long environ), on élabore essentiellement des bouillies. Columelle précise qu’elles composent souvent l’ordinaire des paysans. Visiblement cette puls fitilla (la bouillie de millet) est commercialisée dans la Gaule romaine. On a, par exemple, retrouvé des pots entiers de cette préparation à Chalon-sur-Saône, datant des tous débuts de l’époque romaine. Le millet peut aussi servir à élaborer de la bière, mais aucune découverte probante ne vient, pour l’instant, confirmer cette hypothèse en ce qui concerne la Gaule romaine.
D’AUTRES CÉRÉALES
L’épeautre et l’amidonnier, deux blés à grains vêtus, ainsi que le seigle, complètent le corpus des céréales romaines. L’épeautre est largement cantonné aux provinces du NordEst. Peu de grains d’amidonnier sont attestés à Lyon.
Production très secondaire, il devait être consommé sous forme de galettes et de bouillies. Quant au seigle, vu sa rareté, il ne s’agit que d’une sorte de mauvaise herbe des champs de céréales, au moins jusqu’au Bas-Empire. La plante ne se développe en Gaule qu’à la fin de l’Empire romain et ne connaît un véritable engouement qu’à partir du Moyen Âge.
DES « PAINS » ROMAINS
Les Romains déposent sur leurs bûchers funéraires des préparations alimentaires, dont des « pains ». Leur passage au feu assure leur carbonisation, donc leur conservation. Opportunité qui nous permet d’observer des pains de l’époque et de disposer de précieuses informations sur la panification romaine.
Plusieurs exemplaires de ces « pains » figurent dans les nécropoles de Lugdunum et de sa région : à la Favorite, rue Pierre Audry, à Quincieux/Grande-Rouge ou encore à Décines/le Grand Montout. Il s’agit de pains de forme ronde, de 10 à
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15 cm de diamètre, assez plats, et leur épaisseur
Fig. 1 - Froment (Triticum aestivum). © J. Wiethold
Fig. 3 - Orge polystique vêtue (Hordeum vulgare). © J. Wiethold
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Fig. 4 - Millet commun (Panicum miliaceum). © J. Wiethold
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 5 - Pain romain découvert au centre-ville de Lyon dans le cadre d’un diagnostic archéologique de l’INRAP. © L. Bouby, CNRS
Fig. 2 - Rachis carbonisé de blé nu de type froment provenant du site du parc Saint-Georges, Lyon. © M. Cabanis
varie de 3 à 5 cm. Ils sont élaborés avec des farines finement moulues. Leur pâte est compacte et présente un alvéolage (les bulles de la mie) de petite taille, plus proche d’une pâte non levée (une « galette » au sens boulanger du terme) que d’un pain véritable, fermenté. Leur pâte est souvent repliée sur elle-même avant cuisson, rappelant nos pains briochés actuels. Souvent confectionnés à partir de blé, très certainement de froment, quelques exemplaires sont parfois constitués d’un mélange de farines de blé et d’orge.
DES GAULOIS AUX ROMAINS : QUELLE ÉVOLUTION ?
L’époque romaine ne connaît pas une rupture fondamentale avec la période antérieure. On constate, au contraire, une certaine continuité. À l’exception probable du seigle, le
cortège de céréales romain était déjà exploité dès l’époque gauloise, souvent même plus tôt. Comme le reste de l’Empire, la Gaule romaine se caractérise par une production céréalière assez spécialisée selon les régions, processus de spécialisation lui-même enclenché au cours des siècles précédant la conquête.
Beaucoup reste à découvrir sur la consommation des céréales durant l’Antiquité à Lyon. Le sujet, du fait d’une documentation lacunaire, ne peut encore être qu’effleuré. Très certainement, la poursuite des fouilles dans l’agglomération fournira de précieuses données supplémentaires, sur les habitudes et usages concernant la production, le traitement, les échanges à courte et longue distances, la préparation et la consommation des céréales.
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3 4 LES CÉRÉALES
ET
LES BIENFAITS
PRODUITES
CONSOMMÉES /
DE CÉRÈS
PRODUIRE ET MANGER DU PAIN DANS L’ANTIQUITÉ ROMAINE
) que ». La phrase, siècle av. J.-C., décrite par Plaute, auteur de comédies. Pourtant, il fallut attendre près de deux siècles pour qu’elle commençât à correspondre à l’image que l’on se forge de la scène : l’achat d’un pain levé dans un établissement spécialisé dans cette production. C’est en effet sous l’Empire romain que l’on a assisté au début d’une révolution alimentaire, la
Nicolas Monteix
diffusion massive de consommation de pain levé, rendue possible grâce à d’importantes innovations techniques dans les processus de fabrication, alors même que l’obtention de la pâte est restée relativement simple : mélanger de la farine avec de l’eau et du sel, et, éventuellement, du levain.
PRODUCTION DE PAIN ET INNOVATIONS TECHNIQUES
Pendant plusieurs millénaires, la farine a été obtenue en broyant les céréales par percussion ou avec des meules vaet-vient. Cette préparation est facilitée, à partir du ve siècle av. J.-C., par l’adoption progressive des meules utilisant la rotation d’un élément actif, le catillus, sur un élément dormant, la meta. De cette manière, le rendement de la mouture et la finesse de la farine obtenue sont considérablement améliorés. Les deux innovations suivantes vont permettre de poursuivre ces améliorations : le recours à l’énergie animale, puis hydraulique. Les meules gagnèrent en taille dans e siècle av. J.-C. ce qui permit de les faire actionner par des ânes ou des chevaux. Parallèlement, après quelques aménagements, visibles au moins dans la partie occidentale du bassin méditerranéen, les meules prirent la forme d’une clepsydre, ce qui permettait de les retourner pour continuer de les employer une fois qu’elles étaient usées d’un côté. Ces meules, dites « pompéiennes » parce que découvertes en grand nombre à Pompéi, sont rapidement devenues l’un des symboles utilisés par les boulangers sur leurs reliefs funéraires, à l’instar de l’affranchi M. Careieus Asisa à Narbonne dont l’épitaphe est surmontée d’une meule actionnée par un âne. Au plus tard au
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Fig. 2 - Restitutions du pétrin de la maison des « Chastes amants » (IX 12, 6) à Pompéi. © N. Monteix.
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
trissage s’est longtemps fait à bras, probablement d’abord simplement sur des tables puis dans des coffres fermement ancrés au sol comme un relief de Rome le montre monde romain a développé une forme unique de pétrissage mécanique. Il s’agit de récipients en pierre, partiellement évidés à l’intérieur par une cavité cylindrique, et dont la paroi est percée de plusieurs creusements destinés à recevoir des fiches en bois. Au fond, une lame métallique, recourbée vers le haut à ses deux extrémités est insérée à la base d’un axe vertical qui est maintenu par une poutre horizontale. Lorsque l’homme – ou l’animal – fait tourner l’axe vertical, les différents ingrédients de la pâte sont mélangés. Les fiches insérées dans la paroi du pétrin aident à accroître l’homogénéité de la pâte et à l’aérer pour que les levures commencent à fermenter (Fig. 2). Apparue vers le changement d’ère, cette étonnante machine est attestée jusqu’au vie siècle apr. J.-C. Il fallut attendre le xixe siècle pour qu’un pétrin soit de nouveau mécanisé.
VERS UNE LENTE « DÉMOCRATISATION » DE LA CONSOMMATION DE PAIN (LEVÉ)
S’il est difficile de percevoir précisément l’impact de ces innovations en termes de quantité ou de qualité de production, on soulignera qu’elles sont devenues des techniques en usage et qu’elles ont accompagné le développement de la consommation des céréales sous forme de pain levé.
La phrase de Plaute citée au début de ce texte ne nous permet pas de déterminer la nature du pain dont il est question. À une date aussi haute, il est plus probable qu’il se soit agi de galettes que de formes levées. Pour les cuire, on recourait soit à des plats céramiques, soit à un type de four provenant de la partie orientale du monde méditerranéen, appelé klibanos en grec et clibanus en latin. Il s’agit de fours à air chaud, de forme cylindrique, ouverts à leur sommet, généralement construits en terre crue ou, plus tard, en utilisant un récipient céramique
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en remploi (Fig. 3). Après avoir chauffé la paroi interne avec un foyer situé au fond du four, on plaquait sur celle-ci la pâte à cuire. Cuite, la galette tombait sur le foyer éteint.
PRODUIRE
Fig. 1 - Relief de boulangerie, conservé dans le restaurant Romolo a Trastevere (Rome). De gauche à droite : arrivée des sacs de céréales ; mouture du grain ; pétrissage « à bras » en coffre ; façonnage des pâtons ; défournement après cuisson. © N. Monteix, avec l’aimable autorisation de la Signora Casali.
ET MANGER DU PAIN DANS L’ANTIQUITÉ ROMAINE / LES BIENFAITS DE CÉRÈS
apr. J.-C. que ces boulangeries intégrées dans les maisons de l’élite pompéienne sont abandonnées, remplacées par des établissements commerciaux disposant de plus de meules, de fours plus grands et parfois de boutiques pour une vente directe du pain.
La première attestation de ce que l’on reconnaîtrait encore actuellement comme un four à pain remonte au ier siècle av. J.-C. : sur le relief funéraire de M. Vergilius Eurysaces est représentée une coupole dans laquelle un personnage enfourne des pains avec une pelle11. Si ce relief présente une base maçonnée qui surélève la coupole, cet aménagement est loin d’être omniprésent12. Dans ce type de four, la chambre de cuisson est portée à température (environ 250°C) grâce à du combustible (bois, noyaux d’olives) qui est ensuite retiré pour laisser la place aux pâtons, enfermés derrière une plaque de fer le temps de la cuisson (Fig. 4).
Au-delà de l’exemple d’Eurysaces, à la tête d’une véritable entreprise boulangère, les premiers exemples connus de ce type de four ont été découverts dans de grandes et riches demeures, à Pompéi, systématiquement de taille réduite et généralement associés à des balnéaires privés, de manière à regrouper les pièces dans lesquelles du feu était déployé. Il est probable que ce pain était consommé principalement dans la maison où il était produit, au sein du cercle familial élargi aux amis : produire son pain comme signe de distinction sociale. Ce n’est que dans le courant du ier siècle
Peut-on faire du cas pompéien un exemple ayant une valeur plus générale ? Dans le cas des formes de consommation de céréales et de pain, c’est possible, au moins en Italie, en observant l’évolution avec ce que permettent les faits – peu nombreux – à disposition : les boulangeries d’Ostie sont plus grandes que celles de Pompéi à partir du iie siècle, même si elles ne présentent pas la « rationalité » qu’on leur prête parfois ; à Rome même, après avoir longtemps distribué du grain aux citoyens bénéficiant du blé public, les empereurs ont distribué directement du pain à partir du ive siècle. En dehors d’Italie, le constat est plus contrasté : en dehors des camps militaires, où des batteries de fours à coupole sont présentes dès le ier siècle apr. J.-C., les attestations sont assez éparpillées et ne permettent que difficilement de dresser une évolution linéaire. Soulignons que dans certaines villes, le four à coupole n’a jamais été adopté : le pain est resté, pendant toute l’Antiquité, cuit sous forme de galettes. Enfin, s’il est possible de supposer une croissance de la consommation de blé cuit sous forme de pain, il ne faut pas oublier les autres formes de consommation, et en particulier les bouillies – pultes –, courantes dans l’alimentation romaine et qui ont certainement continué de dominer pendant plusieurs siècles.
Notes
11 – Il est possible que ce type de four soit plus ancien. Toutefois, aucune attestation antérieure n’a pour l’instant été découverte.
12 – De nombreux fours à coupole sont disposés à même le sol ou à peine surélevés. On observe plutôt cette conformation lorsque les fours sont en batterie, en particulier dans les camps militaires.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Jan Theo BAKKER (éd.), The mills-bakeries of Ostia, Amsterdam, Gieben, 1999.
Gertrud KUHNLE, Argentorate : le camp de la VIII e légion et la présence militaire romaine à Strasbourg, Mainz, 2018, p. 178-189.
Nicolas MONTEIX, Les lieux de métier : boutiques et ateliers d’Herculanum, Rome, École française de Rome, 2010, p. 133-167.
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LA
DE LA
AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 4 - Four à pain expérimental construit, sur un modèle pompéien, dans le Domaine des Allobroges à Saint-Romain-en-Gal. (1) Maçonnerie ; (2) Blocs de basalte ; (3) Couche de sable ; (4) Sole où sont déposés les pains à cuire ; (5) Coupole ; (6) Gueule. © N. Monteix.
CUISINE ROMAINE
TAVERNE
À GRAINS DE PANOSSAS (ISÈRE) ET LES CIRCUITS DE L’ANNONE
Matthieu Poux
Depuis l’apparition de l’agriculture, diverses solutions de stockage ont été expérimentées en matière de conservation des céréales (blé amidonnier, orge, seigle…) et des légumineuses (lentilles, fèves, pois…), afin de pouvoir les consommer toute l’année ou accumuler des surplus en vue de leur revente. Avant l’arrivée des Romains en Gaule, la solution la plus utilisée est celle du « silo enterré » à savoir une ou plusieurs fosses, creusées dans le sol argileux, obturées de sorte à stopper la fermentation des graines. Elles pouvaient y être conservées en conditions anaérobies pendant des années voire plusieurs décennies, si l’on en croit les traités d’agronomie. Un autre dispositif consistait à isoler les stocks de l’humidité du sol et des animaux nuisibles, sur une petite construction en bois juchée sur des pilotis, qui facilitait l’aération et le séchage des récoltes. Cette seconde solution a été largement privilégiée durant la période romaine. Les fouilles préventives conduites dans l’arrière-pays des colonies de Lugdunum et de Vienne ont révélé un certain nombre de ces petits « greniers ruraux », qui équipaient la plupart des établissements agricoles en Gaule.
Certains systèmes de stockage se distinguent par leurs dimensions hors normes et un mode de construction particulier. Leur superficie au sol atteint plusieurs centaines de mètres carrés et leurs maçonneries, beaucoup plus massives, contiennent une série de murets ou piliers presque jointifs, qui supportaient un plancher surélevé. Ce dispositif, souvent pourvu en façade de bouches d’évent pour améliorer la circulation de l’air et le séchage des stocks, est décrit dans le détail par l’architecte Vitruve (De Architectura, VI, 6, 5) sous l’appellation de granarium sublimatum. Une majorité d’entre eux se concentrent sur les camps militaires du limes rhénan, danubien et britannique, où ils assuraient le
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L’ENTREPÔT
0 25 50 m N L K E H A B F M R J U T Grenier (H) MR 13520 MR 13519 MR 13510 MR 13508 MR 13522 MR 13507 MR 13523 MR 13512 MR 13511 MR 13513 MR 13514 MR 13515 MR 13526 MR 13525 MR 13527 MR 13528 MR 13529 MR 13509 MR 13521 H1 H2-H7 H8-H13 0 10 m N blocs déplacés blocs en place secteur résidentiel infrastructures thermes
L’ENTREPÔT À GRAINS DE PANOSSAS (ISÈRE) ET LES CIRCUITS DE L’ANNONE / LES BIENFAITS DE CÉRÈS
Fig. 1 - Panossas-Les Buissières (Isère), plan général et relevé pierre à pierre du grenier. © Matthieu Poux, Univ. Lyon 2
stockage des vivres pour les soldats et du fourrage pour les montures. Dans certaines villes de garnison ou chefs-lieux, ils étaient affectés à l’intendance aussi bien militaire que civile. D’autres, enfin, semblent plutôt liés aux grandes voies terrestres, dont ils jalonnent le tracé.
En Gaule, le plus gros de ces greniers a été découvert dans l’arrière-pays de Vienne, sur le site des « Buissières » à Panossas, fouillé de 2012 à 2016 par les étudiants de l’université Lumière Lyon 2. Les bâtiments s’étendent sur plus de deux hectares et se scindent en deux parties, séparées par une vaste cour enclose d’une centaine de mètres de côté : à l’est, un complexe résidentiel se démarque par ses thermes de très grande taille et la présence de grandes latrines, d’une cuisine et de nombreuses chambres, retrouvés dans un état
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Fig. 3 - Fondations du granarium de Panossas. © Matthieu Poux, Univ. Lyon 2
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 2 - Vue aérienne du granarium de Panossas. © Bernard-Noël Chagny, Kap-Archéo
de conservation exceptionnel. À l’ouest, la cour est délimitée par une enfilade de constructions comprenant une auberge, des cuisines, des écuries et plusieurs forges, dont un atelier de charronnier, auxquels est venu s’ajouter, à la fin du ier siècle apr. J.-C., un grand entrepôt destiné au stockage des céréales.
Cet ensemble a longtemps été identifié, à tort, comme un établissement agricole et vinicole. On n’y retrouve pourtant aucun équipement et très peu d’outils en relation avec la céréaliculture, l’élevage ou la viticulture. Au vu des comparaisons disponibles, il semble plutôt correspondre à l’une de ces stations routières qui jalonnaient le réseau de voies principales qui s’est mis en place en Gaule sous le règne d’Auguste. Implantés tous les trente ou cinquante kilomètres, les relais de la poste impériale étaient en effet équipés pour permettre le changement des attelages, l’entretien ou la réparation des véhicules, l’hébergement des voyageurs et… la mise à l’abri de leurs marchandises.
L’entrepôt de Panossas se présente sous la forme d’un grand bâtiment rectangulaire de 52 m par 18 m de large, soit environ 180 par 60 pieds romains, pour une superficie d’environ mille mètres carrés. Il n’en subsiste plus que les fondations, larges de 90 cm et conservées par endroits jusqu’à 2 m de hauteur. De part et d’autre de l’espace central, identifié à une cour ouverte ou à une aire de battage, s’élevaient deux pavillons carrés d’environ 210 m2 chacun. Leur plancher reposait sur cinq murets parallèles, interrompus par des trous d’évent ménagés le long des façades ouest et sud de l’édifice. Même si les stocks de graines ne pouvaient y dépasser une quarantaine de centimètres d’épaisseur, pour éviter le risque de fermentation spontanée et permettre leur brassage régulier, ces deux espaces de stockage fermés pouvaient accueillir simultanément jusqu’à 96 tonnes de récoltes cumulées.
Une telle capacité n’a d’équivalent que dans les grands entrepôts publics construits en milieu urbain ou militaire.
Situé à équidistance des grands entrepôts fluviaux de Vienne et de Lugdunum, le grenier de Panossas a pu jouer un rôle dans les réseaux d’approvisionnement des deux colonies, dont les surplus étaient exportés jusqu’à Rome et sur le limes Ces circuits, dits de « l’annone », semblent se mettre en place en Gaule sous Auguste, avant d’être étendus aux nouvelles provinces de Bretagne et de Germanie à la fin du ier siècle apr.
J.-C. Construit à la même époque et situé en limite des provinces de Narbonnaise et de Lyonnaise, l’entrepôt a pu servir à protéger les denrées lors de leur transport, ou à centraliser
les récoltes des villas et fermes environnantes pour le règlement de taxes en nature, dans le cadre du fisc impérial. Quoi qu’il en soit, cet équipement avait parfaitement sa place dans cette station routière d’importance, construite dès les années 40 av. J.-C. sur un diverticule de la voie qui reliait Lyon et Vienne à l’Italie. La collecte de nombreux ustensiles liés au transport et à l’écriture, d’une bourse de monnaies datées de la fin du iiie siècle apr. J.-C., prouve qu’il a connu une intense activité économique jusqu’à la fin du Haut-Empire.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Matthieu POUX, Aldo BORLENGHI, Le granarium des « Buissières » à Panossas : contribution à l’étude des réseaux d’entrepôts de grande capacité dans les Gaules et les Germanies (ier - iiie siècle p.C.). In : TRÉMENT
F., Produire, transformer et stocker dans les campagnes des Gaules romaines. Problèmes d’interprétation fonctionnelle et économique des bâtiments d’exploitation et des structures de production agro-pastorale. Actes du XIe Colloque de l’Association d’étude du monde rural gallo-romain (AGER), Clermont-Ferrand, 11-13 juin 2014. Bordeaux, 2017 (Suppléments Aquitania, 38), p. 407-437.
Matthieu POUX, Aldo BORLENGHI, La station de Bergusium et le site des Buissières à Panossas (Isère) : de la toponymie à l’archéologie. In : COLLEONI, F. (éd.), Les stations routières en Gaule et dans les régions voisines : architecture, équipements et vocations, Actes de la journée d’étude internationale à Toulouse (2011), Paris, CNRS, (Gallia, 73-1) 2016, p. 133-163.
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L’ENTREPÔT À GRAINS DE PANOSSAS (ISÈRE) ET LES CIRCUITS DE L’ANNONE / LES BIENFAITS DE CÉRÈS
Quelles chairs pour nourrir la colonie de Lugdunum ?
Thierry Argant p. 34
Approvisionner la ville en viande, une économie aux multiples
ramifications
Thierry Argant p. 37
Faire des réserves et du commerce de chair…
tout un art
Thierry Argant p. 40
Ab ovo usque ad mala. La consommation de l’œuf durant l’Antiquité romaine
Cécile Batigne Vallet p. 41
Fromages et produits laitiers dans l’Antiquité et en Gaule
Alain Ferdière p. 43
Scène de boucherie
Pierre, Musée archéologique, Dijon (inv. Arb. 67)
© Musée archéologique de Dijon, cl. François Perrodin
L’ÉLEVAGE…
QUELLES CHAIRS POUR NOURRIR LA COLONIE DE LUGDUNUM?
On peut distinguer deux grandes phases dans l’approvisionnement en viande de la colonie de Lugdunum : les premiers temps, de la fondation jusqu’au milieu, voire la fin du ier siècle apr. J.-C., et les siècles suivants, jusqu’à la fin de l’Empire romain d’Occident.
Quand les colons s’installent, ils trouvent en effet un pays déjà bien aménagé et qui dispose d’une culture culinaire basée sur le cochon. Les nouveaux arrivants adoptent manifestement volontiers ce régime, tout en apportant leurs goûts méditerranéens. Ces décennies sont par ailleurs une période faste pour la jeune cité qui devient, dès 12 av. J.-C., capitale des Gaules. Parviennent ainsi très rapidement des
Thierry Argant
mets exotiques, tels que les premiers coquillages et des poissons marins. Dès les années 20 av. J.-C., on voit ainsi apparaître des maquereaux et des thons, amenés sous forme de conserves en saumure dans des amphores ou sous forme de salaisons ou de poissons séchés. Les huîtres de Méditerranée apparaissent sur la table lyonnaise dès la période augustéenne et constituent le seul coquillage marin vraiment consommé dans la ville, principalement au ier siècle apr. J.-C.
Au niveau de la triade domestique, qui constitue l’essentiel de l’apport carné des Lyonnais, on constate une progression constante de la part des bovins tout au long des deux premiers siècles après J.-C. Ils passent dans l’intervalle de 26 à 39 % des restes de la triade, au détriment du porc, quand les moutons et les chèvres demeurent totalement anecdotiques, manifestement peu goûtés de la population. Cette progression du bœuf est une conséquence de l’urbanisation et de la mise en place de bouchers pour lesquels il est plus rentable d’abattre un bœuf que plusieurs cochons pour approvisionner le marché. C’est un phénomène récurrent dans l’Antiquité.
Le chien et le cheval, qui étaient consommés par les Gaulois, disparaissent totalement de la diète dès les premiers temps de la colonie. Désormais, on retrouve leurs cadavres relégués dans les zones périurbaines, le long des voies où se développent également les nécropoles, ou enterrés dans des fosses dans
La chasse occupe une part tout anecdotique dans l’approvisionnement de Lugdunum, quelle que soit la période considérée. On note toutefois que le lièvre, principal gibier
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les rues.
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 1 – Mosaïque (détail). Musée de Saint-Romain-en-Gal (inv. DV1994.7.0030). © Musée et site gallo-romains de Saint-Romain-en-Gal – Vienne / Prise de vue : Paul VEYSSEYRE
Fig. 2
en cours : un lot de faune antique en attente d’être étudié pour en tirer des informations nouvelles sur l’histoire de l’alimentation, les techniques de découpe et le mode de gestion des troupeaux. © Th. Argant, 2010.
Fig. 3 – Ulna d’ours brun (Ursus arctos) portant des traces de coups probablement liés au prélèvement de la viande à des fins de consommation. Il provient des niveaux du ier siècle apr. J.-C. du site du 11-13 rue Roquette (Lyon-Vaise) (cliché Th. Argant 2010). Il apparaît dans le menu d’un repas de funérailles romaines, où il remplace le sanglier plus cher (Flandrin, Montanari 1996 : 228).
consommé, connaît un lent déclin de sa consommation entre le début de la colonie et celui du iie siècle apr. J.-C., tout comme le gibier à plumes, beaucoup plus rare. Le grand gibier demeure quant à lui très discret. Il comprend le cerf, le sanglier et le chevreuil, mais aussi l’aurochs, encore présent en Gaule à cette époque. On trouve même exceptionnellement du bouquetin. Toutefois ce dernier a été trouvé dans un contexte artisanal et il pourrait correspondre à une peau. C’est également le cas pour plusieurs carnivores (ours, lion, lynx, renard, blaireau, belette ou hermine) et le castor, qui apparaissent essentiellement dans les niveaux du iie et du iiie siècles apr. J.-C. Cette période semble connaître une évo-
lution des productions liées à la matière première animale, avec l’utilisation des os de chevaux pour la tabletterie, quand seuls ceux de bovins le sont pour les périodes antérieures. Une légère recrudescence des mentions de cerf pourrait également être liée à l’exploitation des bois de l’animal. L’ours a toutefois pu faire l’objet d’une consommation.
Dans la deuxième partie du iie siècle, l’instabilité politique se traduit manifestement par une désorganisation de l’approvisionnement. La part du bœuf connaît une chute, avant de reprendre de l’importance au ive siècle. À la fin de l’Antiquité, l’abattage semble alors se concentrer en un seul en-
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– Travail
L’ÉLEVAGE…
QUELLES CHAIRS POUR NOURRIR LA COLONIE DE LUGDUNUM? /
droit, en aval du quartier épiscopal, le long de la Saône, où l’on a retrouvé des concentrations très importantes de restes de bovins. Parmi ces derniers se sont glissés quelques restes de chevaux ou d’ânes, dont la viande semble de nouveau consommée à partir du ive siècle au moins… toujours en quantités anecdotiques. La viande de mouton et surtout de chèvre connaît, à la fin de la période, un début de notoriété, mais c’est vraiment dans la seconde partie du premier millénaire que ces animaux prennent une place beaucoup plus importante, probablement en lien avec l’arrivée de nouvelles populations.
À la fin du ie siècle apr. J.-C., on voit apparaître sur le marché lyonnais des gallinacés de plus grande taille, qui correspondent soit à de nouvelles races de poules plus massives, quand les premières poules correspondaient à nos poules naines actuelles, soit à la consommation de chapons, dont la technique était connue des Romains. Le développement de la basse-cour semble d’ailleurs connaître un essor particulier à partir de ce moment-là et on voit apparaître du paon, voire même du faisan, dans certains contextes particulièrement riches. Les oies et les canards sont également bien présents sur certaines tables et sont probablement alors des produits de l’élevage. Dans cette seconde période, la part de la volaille dans l’alimentation croît de manière assez significative. Quant aux œufs, leur importance probable dans la consommation, soit directement, soit comme ingrédient
dans de multiples recettes, demeure difficile à apprécier faute de preuves, ce matériau étant très fragile et en outre recyclé facilement pour l’alimentation des poules elles-mêmes, qui y trouvent une source de calcium.
Si des conserves de poissons et notamment de maquereaux arrivent toujours sur le marché lyonnais au cours de cette seconde phase, la part des poissons locaux devient plus importante. Les poissons migrateurs sont notamment largement exploités, que ce soit l’anguille, l’alose ou encore l’esturgeon. En revanche, il n’est plus trop question de coquillages, même si les niveaux archéologiques les plus tardifs connaissent un faible regain du nombre de coquilles d’huîtres, qui correspondent en grande majorité à des remaniements de mobiliers plus anciens.
Thierry ARGANT, L’alimentation d’origine animale à Lyon des origines au xx e siècle, thèse de doctorat, Université LumièreLyon 2, 2001.
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POUR EN SAVOIR PLUS :
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
VILLE EN VIANDE, UNE ÉCONOMIE AUX MULTIPLES RAMIFICATIONS
L’installation de la colonie de Lugdunum et le développement urbain qui a suivi ont réduit considérablement la place disponible pour l’agriculture et l’élevage et la population agglomérée a vite dépassé les capacités de production très locales. Comme ailleurs en Gaule, cette urbanisation a donc entraîné une adaptation des circuits de production, de transformation et de distribution de la viande13 L’étude des ossements animaux sur les sites de consommation et dans les dépotoirs urbains révèle la nature des produits consommés, les espèces préférées, le choix des individus, etc. Dans les campagnes environnantes, les éleveurs ont ainsi été amenés à développer de nouvelles stratégies d’élevage.
D’un semis de producteurs qui jusque-là fonctionnaient essentiellement en autarcie ou à l’échelle locale, on est passé à un système beaucoup plus circulant, avec des marchés et des foires qui ont permis le brassage des animaux, amenant notamment à un accroissement progressif de la taille des bovins, afin de produire des surplus destinés aux villes.
À l’autre bout de la chaîne, la mise en place d’un marché urbain de la viande, le macellum, a permis le contrôle et le développement de corporations dédiées à ce commerce et d’alimenter toute une chaîne opératoire utilisant les produits secondaires issus de l’abattage des animaux.
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Thierry Argant
APPROVISIONNER LA VILLE EN VIANDE / L’ÉLEVAGE…
Fig. 1 – Relief décoré d’une scène de boucherie, Musée des Dresde (inv.415). © Skulpturensammlung, Staatliche Kunstsammlungen Dresden, Foto: Hans-Peter Klut / Elke Estel
On ne situe pas l’emplacement du macellum lyonnais, mais un negotatior artis macellariae est connu par une stèle du iie siècle apr. J.-C.14 (Fig. 2). L’analyse de nombreux lots osseux permet également de constater la progression constante de la part du bœuf dans la consommation des Lyonnais entre les débuts de la colonie et le ive siècle justement. Cette évolution est symptomatique de l’importance prise par les professionnels de la boucherie, au détriment de l’abattage domestique qui concerne encore probablement la plupart des cochons et des rares moutons consommés dans la ville. Une partie des animaux consommés étaient par ailleurs issus des nombreux sacrifices liés aux rituels de la religion romaine et les boucheries étaient généralement implantées au voisinage des sanctuaires ou des édifices de spectacle.
Outre l’approvisionnement en viande, l’abattage bovin fournissait également les matières premières de nombreuses activités artisanales15. Aussi pouvait-on trouver à proximité des étals de bouchers, des ateliers de travail de la corne (cornarius) ou de l’os (tabletterie) et de production de colle d’os (glutinarius). Les tanneurs (coriarii) étaient également regroupés dans le même quartier ainsi que les artisans qui assemblaient ces différents produits pour les transformer en outils, vêtements, meubles, etc. En tout, une cinquantaine de métiers étaient directement liés à cette chaîne opératoire de la viande, depuis les marchands de bestiaux jusqu’aux cordonniers plus ou moins spécialisés.
Si une partie de la viande achetée était cuisinée dans le cadre domestique, la transformation des produits carnés était aussi
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Fig. 2 - Stèle avec épitaphe de Attonius Restitus, citoyen Triboque, artisan boucher. Lugdunum (inv. AD 217). © J.-M. Degueule, C. Thioc/Lugdunum
CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 3 - Crâne de porc. Le profil crânien est typique des porcs antiques, très proche de celui d’un sanglier (Aoste [Isère], ive siècle apr. J.-C.). © Th. Argant, 2017.
l’apanage de l’artisanat alimentaire, et notamment des charcutiers, bien distincts des bouchers traitant exclusivement le bœuf. Les nombreuses spécialités que mentionnent les textes n’étaient pas appréciées que des élites qui disposaient de leur propre cuisinier et on pouvait les acheter dans les cauponæ ou auprès de marchands ambulants. On s’y procurait force saucisses fraîches, boulettes, saucissons, cervelas, rillettes, le tout à base de viande de porc et de bœuf 16 .
Après l’abattage, rituel ou profane, réalisé en assommant l’animal puis en le saignant, le dépouillement et la découpe primaire permettaient de séparer les sous-produits qui allaient alimenter les artisans et les quartiers de viande. Ces derniers étaient obtenus généralement à Lugdunum en séparant les deux moitiés de la bête en isolant la colonne vertébrale, parfois après avoir coupé le cou et l’arrière-train. Les parties pauvres en viande, crâne et extrémités des pattes, étaient évacuées avec la peau vers les tanneurs. Les bouchers procédaient ensuite à la partition en pièces vendues avec ou sans os, ces derniers (les os longs) étant transmis aux tabletiers pour la confection d’objets.
Le cheptel bovin alimentant le marché lyonnais était constitué pour une bonne part d’animaux élevés exclusivement pour la boucherie et abattus avant quatre ans, mais des animaux de réforme intégraient également le marché de la viande. Les veaux, plus rares, étaient généralement réservés à la consommation des classes aisées.
Pour les porcs (Fig. 3), l’âge d’abattage est toujours plus constant, entre un et deux ans, même si certains pouvaient
être mis à engraisser plus longtemps pour confectionner des réserves de lard. C’est ainsi qu’on note une légère différence d’âge à l’abattage entre les porcs destinés à alimenter les offrandes faites sur les bûchers funéraires, plus jeunes en moyenne que ceux destinés à l’alimentation des vivants.
Notes
13 – Sébastien LEPETZ, « Boucherie, sacrifice et marché à la viande en Gaule romaine septentrionale : l’apport de l’archéozoologie », in Sacrifices, marchés de la viande et pratiques alimentaires dans les cités du monde romain, Turnhout, Brepols Publishers, 2007 Food & History, vol. 5, n° 1, , p. 73-105.
14 – CIL XIII, 2018
15 – Yves LIGNEREUX et Joris PETERS, « Techniques de boucherie et rejets osseux en Gaule romaine », Anthropozoologica, 24, 1996, p. 45-98.
16 – Martine LEGUILLOUX, « À propos de la charcuterie en Gaule romaine : un exemple à Aix-en-Provence (ZAC SextiusMirabeau) », Gallia, 54, 1997, p. 239-260.
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APPROVISIONNER LA VILLE EN VIANDE / L’ÉLEVAGE…
FAIRE DES RÉSERVES ET DU COMMERCE DE CHAIR… TOUT UN ART
Avant l’avènement des réfrigérateurs, la conservation et le transport des produits carnés faisaient appel à de nombreuses techniques adaptées aux climats, aux viandes et aux ressources locales. Le séchage, avec ou sans fumage (boucanage), est probablement la plus ancienne. La chaleur permet en effet d’assécher la viande et la fumée présente des vertus antiseptiques et donne un goût particulier à la chair. Sa mise en œuvre a fait l’objet de continuels perfectionnements notamment à l’époque antique. Des structures maçonnées de fumage des viandes sont ainsi connues pour cette période dans les Alpes, mais n’ont pas été identifiées jusqu’à présent dans la région lyonnaise. Il s’agit en effet d’une technique essentiellement développée dans les régions plus humides et où la ressource en bois devait être abondante.
L’autre grande technique de conservation est la salaison, bien connue des peuples de la Gaule. Les productions de jambons, lards et saucissons gaulois étaient particulièrement goûtées et renommées jusqu’à Rome, ainsi que le relate Varron dès le ie siècle av. J.-C. Les cochons élevés spécifiquement pour produire du lard sont généralement gardés plus longtemps à l’engraissage afin de constituer des réserves de graisse. Cela se traduit sur les sites archéologiques par des indices d’âge à l’abattage plus élevés que pour les porcs
destinés à la consommation immédiate, souvent aux alentours de deux-trois ans contre un à deux ans pour les autres. On retrouve par ailleurs en fouilles des concentrations parfois assez importantes de mandibules et de scapulas qui montrent que la viande de bœuf faisait également l’objet de salaisons et notamment la langue et l’épaule. Ces dernières étaient percées pour suspendre les pièces en hauteur. Mais les méthodes de conservation ne se limitaient pas aux seuls mammifères. Sans oublier les viviers, d’eau douce ou salée, permettant de garder, voire de transporter vivantes les prises de pêche, les poissons faisaient également l’objet de traitements destinés à permettre leur consommation différée. Les plus connus sont les sauces réalisées à partir des viscères de petits poissons laissées à macérer dans de grandes cuves sur les littoraux puis filtrées et stockées dans des amphores adaptées, qui ensuite alimentaient les marchés de tout l’Empire en garum, liquamen et autres muria, indispensables dans de nombreuses recettes romaines. Mais des poissons plus gros étaient également mis en conserve – salsamenta – après avoir été découpés en tronçons. C’est ainsi qu’étaient probablement acheminés à Lugdunum, dans des amphores, les maquereaux et les thons que l’on retrouve en fouille. Quant aux poissons plats, comme la plie, ils étaient plus souvent simplement séchés.
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AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Thierry Argant
CUISINE ROMAINE
TAVERNE
AB OVO USQUE AD MALA. LA CONSOMMATION DE L’ŒUF DURANT L’ANTIQUITÉ ROMAINE
recommande de faire payer 4 deniers les 4 œufs, alors que le lard de première qualité coûte environ 48 deniers le kilogramme, situant ainsi les deux matières premières dans un rapport qui est à peu près équivalent à celui que nous connaissons sur les marchés d’aujourd’hui.
Donner raison ou tort à l’épicurien, ridiculisé par Horace qui affirmait que les œufs de forme allongée sont meilleurs que les ronds, reviendrait à prendre position dans la guerre des bouts opposant Lilliput et Blefuscu sous les yeux ahuris de Lemuel Gulliver ! Une lecture même sommaire de la littérature latine enseigne que, parmi les apports protéinés, l’œuf tient une place importante dans l’alimentation antique. Il est évident qu’il s’agit surtout de l’œuf de poule, animal facile à élever dans les zones périurbaines – et même urbaines – mais surtout dans les exploitations rurales, où, selon Caton, cet élevage doit être placé sous la responsabilité des fermières. Il semble toutefois que les œufs d’autres volatiles, sauvages ou domestiques, telles que les oies, soient également consommés. L’Édit du Maximum, qui fixe les prix de certains biens au début du ive siècle apr. J.-C.,
En tant qu’ingrédient, l’œuf est incorporé dans de nombreuses préparations, notamment les pâtisseries, composées de farine ou de semoule, de fromage, de miel ou parfumées avec du vin doux, des pignons, du poivre. Pour réaliser le libum, qui est un petit gâteau d’origine probablement sacrificielle, cuit sur des feuilles de laurier, Caton recommande d’incorporer un œuf au mélange réalisé par de la farine et du fromage. Les vertus coagulantes de l’œuf sont aussi exploitées par les paysans qui, selon Pline l’Ancien, en badigeonnent la croûte du pain avant sa cuisson pour y fixer des graines de pavot. L’œuf entier est aussi intégré à diverses préparations pour apporter liant et épaississant. Il est en particulier requis à de nombreuses reprises par le gourmet Apicius dans son recueil pour élaborer des farces : celles qui vont garnir certaines saucisses, celles qui vont remplir des sèches, des lièvres et même des porcelets entiers – parfois les œufs sont versés par les oreilles de l’animal – mais aussi pour la farce de l’estomac de porc et celle des quenelles de mollusques, de crustacés ou de cervelle. Les œufs sont encore sollicités dans des sauces, notamment pour le foie et les poumons d’agneau. Plus rarement, c’est l’œuf précuit qui est intégré, sous forme émincée ou hachée, aux diverses sauces et farcis (Fig. 1). C’est surtout en tant qu’ingrédient majoritaire dans une prépara-
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Cécile Batigne Vallet
LA CONSOMMATION DE L’ŒUF DURANT L’ANTIQUITÉ ROMAINE / L’ÉLEVAGE…
Fig. 1 - Peinture provenant de la Maison de Giulia Felice, Pompéi. Des œufs sont disposés dans un plat, sous des grives suspendues par le bec. La chair de ces oiseaux était parfois utilisée comme farce, avec des œufs durs pilés.© Sites & Photos / akg-images / Samuel Magal
tion culinaire décrite par Apicius et qu’il désigne par le terme patina que l’œuf est réquisitionné. Il s’agit d’une omelette élaborée à partir d’ingrédients standards (œufs, poivre, « garum », huile) que l’on enrichit d’un aliment phare précuit et qui donne son caractère à chaque patina : poisson frais ou en conserve, fruits de mer, poulet, abats, légumes verts et plus rarement fruits frais ou secs.
Le cuisinier romain fait parfois appel au jaune d’œuf seul, pour ses propriétés de liant, d’émulsifiant, mais peutêtre aussi de colorant. Il est en effet prescrit sous forme crue dans de nombreuses recettes de sauces pour accompagner les poissons, mollusques et produits de la mer. Cuit et écrasé, il agrémente la farce de saucisses et épaissit la sauce de viandes et de divers poissons tels que le congre ou l’anguille. En revanche, le blanc d’œuf cru n’est que très rarement exigé dans le livre de recettes qui nous est parvenu :
il est utilisé à deux reprises pour lier des sauces accompagnant poulet et sanglier et une troisième fois dans le cadre d’une astuce dévoilant comment obtenir du vin blanc à
partir de rouge : on agite très longtemps un mélange de farine de fève et de blanc d’œuf dans un récipient contenant le vin rouge, et le lendemain, on obtient du vin blanc ! Pour d’autres raisons pas plus explicitées, l’ingestion d’œufs est parfois investie d’un pouvoir curatif. Ainsi, alors que les œufs de tortue bouillis à feu vif contribuent à élaborer un antidote contre le venin de la peau des salamandres, selon le médecin grec Nicandre, Caton recommande au fermier de donner immédiatement à son bétail malade un œuf de poule cru à avaler entier.
Dégusté pour lui-même, l’œuf peut être brouillé avec du lait et du miel et consommé sous forme de flan ou d’omelette, et Apicius demande alors de retourner le mélange en cours de cuisson. La recette des « ova frixa : œnogarata » est plus incertaine, car l’emploi du terme frigo varie : il désigne rarement une cuisson dans un bain d’huile – définition de la vraie friture –, mais est aussi employé pour désigner un bouillon élaboré à partir d’un mélange d’huile, de vin et de garum. Les œufs ont donc pu être frits à l’huile puis assaisonnés de garum au vin, mais ils ont aussi pu être pochés dans ce condiment. Par ailleurs, les « ova apala » sont-ils réellement des œufs « mollets » comme le propose J. André, traducteur d’Apicius et spécialiste de la cuisine romaine antique, dans la mesure où ce terme désigne, en grec, une consistance molle et tendre, mais est un hapax dans la langue latine ? Enfin, l’œuf peut être cuit dur et le terme ovum durum ne semble pas poser de problèmes d’interprétation au regard de ses occurrences dans les textes, émincé dans des sauces à épaissir au gré des recettes d’Apicius, ou tranché et disposé sur un plat de poisson chez Martial. À Lyon, les reliefs d’un repas consommé lors de la démolition du prétoire du site du pseudo-temple de Cybèle comportaient deux coquilles d’œufs entiers (Fig. 2).
Cet œuf dur est généralement dégusté en début de repas, au moment de la gustatio avec d’autres aliments riches en protéines – petits animaux, saucisses –, pratique ayant donné l’expression romaine utilisée jusque dans la littérature française « Ab ovo usque ad mala », du début jusqu’à la fin.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Jacques ANDRÉ, L’alimentation et la cuisine à Rome, Paris, Les Belles Lettres, 2018.
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LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 2 - Coquilles d’œufs retrouvées lors des fouilles du pseudosanctuaire de Cybèle, Lyon. © J.-M. Degueule, C. Thioc/Lugdunum
FROMAGES ET PRODUITS LAITIERS DANS L’ANTIQUITÉ ET EN GAULE
Depuis la domestication des animaux, l’homme a consommé leur lait, mais celui-ci ne se conservant pas longtemps tel quel, il est transformé en produits dérivés : lait fermenté, yogourt, lait caillé et fromage ou beurre. Le caillé, puis fromage après égouttage, est particulièrement privilégié dans les sociétés antiques classiques du pourtour méditerranéen. Ainsi, depuis les cunéiformes assyriens et hiéroglyphes égyptiens, les textes antiques, comme l’iconographie, font de multiples références au fromage : dès le viie siècle avant notre ère, Homère ne mentionne-t-il pas, dans l’Odyssée, le cyclope Polyphème, en fait un paisible berger qui fabrique des fromages de chèvre dans sa grotte-bergerie, attirant ainsi la convoitise belliqueuse des marins d’Ulysse ?
par Guillaume le Conquérant, xie siècle ©Tapisserie de Bayeux - xie siècle, avec autorisation spéciale de la Ville de Bayeux.
La technique de transformation du lait en caillé (puis fromage) a sans doute été rapidement découverte, en observant les entrailles des agneaux et autres chevreaux allaités à la mamelle : celui-ci y est en effet naturellement caillé par l’effet d’enzymes (présure) sécrétés par leur estomac. C’est donc là que l’homme va chercher cette présure pour transformer le lait en fromage, avant de se rendre compte que d’autres produits naturels peuvent produire le même effet de caillage, suc de figuier ou vinaigre.
Le lait caillé peut bien sûr être ensuite consommé tel quel, mais il est plus souvent égoutté pour être consommé sous forme de fromage frais, ou encore salé et séché pour une plus longue conservation, notamment en vue de son commerce.
43 FROMAGES ET PRODUITS LAITIERS DANS L’ANTIQUITÉ ET EN GAULE / L’ÉLEVAGE…
Alain Ferdière
Fig. 1 – La Fable du Corbeau et du Renard, d’Ésope, en motif décoratif de frise inférieure de la broderie dite « Tapisserie de Bayeux », figurant la conquête de l’Angleterre
Le fromage antique, méditerranéen, est préférentiellement de brebis ou de chèvre, bien que celui de vache ne soit pas inconnu, sans doute plus apprécié encore au-delà des Alpes. Les producteurs en sont avant tout les bergers euxmêmes, même si, avec l’Empire romain, au moins, le négoce s’empare du contrôle de ces productions et de leur diffusion. Le fromage est en effet un aliment parmi les plus importants dans ces sociétés anciennes, à telle enseigne qu’il est l’un des piliers du régime alimentaire dit méditerranéen. Ses variétés régionales les plus renommées sont celles des Vestins d’Italie centrale ou de l’île grecque égéenne de Kythnos, objets d’un commerce florissant. Il peut être fumé ou assaisonné de divers ingrédients. C’est alors un élément de base dans maintes recettes de cuisine romaines et apprécié des empereurs : Auguste était amateur de fromage de vache pressé à la main, Hadrien partageait l’ordinaire de ses soldats, composé notamment de fromage, et Antonin mourut après avoir consommé du fromage des Alpes. Le fromage entre aussi, selon les manuels médicaux antiques, dans maintes préparations curatives.
Dès lors, qu’en est-il des Gaules ? Ces provinces, romaines depuis avant notre ère, ne sont en effet pas totalement méditerranéennes, par leur climat comme par leur culture ; et les habitudes alimentaires sont un marqueur essentiel de ces différences culturelles. Ces territoires, comme d’ailleurs la province de Britannia conquise au ier siècle apr. J.-C., sont beaucoup moins bien documentés par les textes comme par l’iconographie. L’essentiel des connaissances sur la vie quotidienne est donc issu de l’archéologie : celles concernant la production fromagère sont chiches, on va le voir.
Cependant, quelques mentions textuelles concernent des fromages appréciés des Romains de Rome, tel que la Tarentaise, le Toulousain, ou – encore plus – les régions du sud du Massif central et Cévennes, avec leurs abords, avec non moins de trois variétés de fromages (du Gévaudan, du Mont Lozère, de la région de Nîmes).
Contrairement aux informations que nous donnent quelques inscriptions grecques, des graffiti de Pompéi ou des papyrus égyptiens, aucune mention certaine de fromage dans l’épigraphie des Gaules, ni d’ailleurs documents iconographiques.
Dès lors, seule reste l’archéologie pour nous informer de la situation de ces contrées quant au fromage, alors que ces productions ne sont guère susceptibles de fournir beaucoup d’artefacts tangibles qui leur soient associés. Quelques
indices indirects nous viennent de l’archéozoologie, semblant parfois indiquer des élevages en vue d’une production laitière, mais c’est presque une évidence, car c’est l’une des principales fonctions de l’élevage des bovins, ovins et caprins.
Ne reste donc que le seul « outil » servant à la production, les faisselles qui servent à égoutter le lait caillé, mais aussi à lui donner sa forme (moule, d’où le terme latin de forma qui lui est parfois donné). Il est amusant de penser que le terme de faisselle, du latin fiscella, « petit panier », a la même étymologie que le « fisc », les impôts qui étaient récoltés à l’origine dans des paniers… Malheureusement, tout laisse à penser que ces faisselles, comme dans le monde méditerranéen où textes et représentations l’attestent, étaient essentiellement en matériaux végétaux et donc périssables et non accessibles à l’archéologie : vannerie d’osier, jonc ou saule, voire éclisses de bois.
Mais heureusement, les Gallo-Romains ont aussi fabriqué des faisselles en terre cuite (Fig. 3) ; petits vases en général de forme basse et percés de trous. Une fois éliminés d’autres « vases à trous » tels que les passoires avec lesquelles elles sont souvent confondues, se dessine ainsi une carte de production fromagère des Gaules et Germanies, tant pour l’âge du Fer que pour la période romaine (Fig. 4).
Mais cette carte, complétée par les quelques terroirs fromagers indiqués par les textes, est trompeuse : d’un côté, des régions proches de la Méditerranée et donc plus volontiers mentionnées dans les textes anciens, de l’autre, des aires
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À L’ÉTAL
Fig. 2 - Statuette de terre cuite de Corinthe figurant un âne ou un mulet transportant sur un bât un mortier, un pilon, une râpe à fromage, sans doute un fromage et une botte d’ail. British Museum (inv. 1873, 0820.576). © The Trustees of the British Museum.
LA CUISINE ROMAINE DE LA
TAVERNE
AU BANQUET / DU CHAMP
où l’on préfère des faisselles en terre cuite à celles en vannerie. Cet « effet de source » est donc un obstacle majeur pour établir la vraie carte des Gaules fromagères et rien ne permet d’exclure qu’en réalité la totalité de ces provinces romaines produisent peu ou prou des fromages, destinés, comme dans tout le monde antique, à l’alimentation quotidienne.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Alain FERDIÈRE et Jean-Marc SÉGUIER, « La place de la Gaule dans la production de fromage du monde antique », à paraître dans : Gallia, 77, 2020.
45 FROMAGES ET PRODUITS LAITIERS DANS L’ANTIQUITÉ ET EN GAULE / L’ÉLEVAGE…
Fig. 3 - Faisselles en terre cuite d’Avenches, capitale des Helvètes (Suisse). © François Roulet, Service archéologique de l’État de Fribourg.
Fig. 4 - Carte de la Gaule romaine avec ses productions fromagères : cercles noirs pour la répartition des faisselles en terre cuite galloromaines ; aires en vert pour les attestations et fromage par les textes antiques. © DAO C. Scheid, LAT/UMR CITERES, Tours.
Produits de la mer : introduction aux espèces marines consommées jusqu’à Lugdunum
Gaël Piquès p. 48
Fruits de mer (et de rivière) à Lugdunum
Thierry Argant p. 50
La conservation des produits de la mer : les salaisons de poissons
Emmanuel Botte p. 52
Pêcheur ou poissonnier
Marbre
iie siècle apr. J.-C. Place des Jacobins, Lyon 2
Lugdunum
Inv.2001.0.337
© J.-M. Degueule/Lugdunum
LES PRODUITS DE LA MER
PRODUITS DE LA MER :
INTRODUCTION AUX ESPÈCES MARINES
CONSOMMÉES JUSQU’À LUGDUNUM
Fig. 1 - Restes de plusieurs maquereaux espagnols, Scomber colias Gmelin, 1789, d’une des fosses du « sanctuaire de Cybèle » (Lyon-Fourvière) contenant des reliefs de banquet. © Gaël Piquès
Fig. 2 – Col d’amphore avec une inscription peinte indiquant « Vieille (conserve de) jeune thon piquante ». Lugdunum (inv. 2004.2.239).
© J.-M. Degueule, C. Thioc/ Lugdunum
Dans les textes antiques traitant de l’alimentation, les poissons marins et d’autres produits de la mer tiennent une place prépondérante par rapport aux espèces dulçaquicoles. Les poissons d’eau douce étaient-ils moins prisés ? Quels étaient réellement les goûts de l’époque et quels produits étaient consommés en Gaule romaine, du littoral jusqu’à Lyon ?
DE NOUVEAUX PRODUITS, DE NOUVEAUX GOÛTS
Avec la conquête romaine s’offrent aux Gaulois de nouveaux produits. Sur le littoral de la Narbonnaise, des changements sont perceptibles dans la consommation à partir du deuxième quart du ier siècle av. J.-C., en particulier pour les coquillages. L’huître, le peigne glabre et le murex supplantent les moules et les coques habituellement consommées auparavant. Les plus appréciées sont les huîtres dont les premiers parcs (vivaria) sont créés en Italie au début de ce siècle.
Les restes de poissons des sites de Gaule méridionale témoignent également de changements dans la consommation au cours de la deuxième moitié du ier siècle av. J.-C. La sardine, le maquereau et l’anchois sont de plus en plus représentés aux côtés des poissons traditionnellement consommés. L’engouement pour ces poissons va de pair avec celui pour de nouveaux produits : des sauces et des salaisons élaborées avec ces espèces, dont la production, en Espagne et en Italie, atteint au Haut-Empire des proportions jusque-là inégalées.
Les analyses des contenus d’amphores issues d’épaves permettent d’entrevoir plusieurs types de produits. Tout d’abord, des poissons entiers ou en morceaux, parfois avec des aromates (fenouil, coriandre, aneth et bien d’autres encore), comparables à nos sardines et maquereaux en boîte. Ensuite, des produits composés d’alevins de sardine ou de toutes sortes de
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Gaël Piquès
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
petits poissons, de texture probablement pâteuse pouvant assaisonner des plats ou être mangés sur du pain. Certains vases céramiques livrent seulement des restes d’ouïes de maquereaux mêlés à quelques sardines, témoins d’une sauce élaborée à partir de sang, de viscères et de petits poissons. Enfin, figurent des sauces filtrées qui ne livrent aucun reste, bien que ces produits puissent parfois être détectés par la présence de quelques os ayant échappé au filtrage. Les poissons figurant le plus souvent dans ces préparations sont la sardine et le maquereau, suivis de l’anchois, du chinchard et de l’allache, puis de toutes sortes de petits poissons. Le thon, une espèce majeure en Méditerranée, est en revanche sous-représenté, car seuls sa chair ou son sang sont conditionnés dans ces vases céramiques.
Il faut noter enfin la présence sur les sites côtiers de restes d’oursins, de sèches et de crustacés, dont de la crevette que l’on trouve parfois dans des sauces de poissons, et sur lesquels les archéozoologues commencent à se pencher.
ENTRE POISSON DE MER ET DE RIVIÈRE, QUELLE PRÉFÉRENCE ?
Sur les sites proches de la mer aux ier et iie siècles apr. J.-C., les poissons d’eau douce sont très peu consommés, à l’exception des poissons migrateurs comme l’anguille, l’esturgeon ou l’alose. C’est le cas à Lattes (Hérault), à Caneten-Roussillon (Perpignan) ou bien à Narbonne, pourtant proches de cours d’eau riches en poissons.
Dans cette même région, à une trentaine de kilomètres de la côte, plusieurs sites localisés en bordure du fleuve Vidourle, livrent en revanche des restes de brochets et de cyprinidés (famille du chevaine, de la tanche, du gardon…). C’est le cas notamment du relais routier d’Ambrussum (Villetelle, Gard), où les poissons d’eau douce et les poissons marins figurent à parts égales. Il s’agit pour ces derniers principalement de sardines pour lesquelles il est difficile de dire s’il s’agit de poissons frais du littoral ou de produits dérivés du poisson importés, dont la présence est attestée par le biais des amphores Dressel 7-11. Un peu plus loin dans les terres, à 50 km de la côte, Nîmes, entre le ier siècle et le iiie siècle apr. J.-C., livre un corpus composé de dix-huit espèces marines et de troisespèces migratrices, mais aucun poisson d’eau douce. Il est difficile de croire que ces poissons n’aient pas été consommés. Néanmoins, leur absence régulière témoigne d’une préférence pour les poissons de mer lorsqu’il est possible d’y avoir accès.
LA DIFFUSION DES PRODUITS DE LA MER JUSQU’À LYON
Au-delà de Nîmes, en remontant la vallée du Rhône, la liste des poissons marins passe de dix-huit à quatre espèces : le maquereau espagnol, la sardine, le loup et le muge. Cette diminution tend à montrer que jusqu’à Nîmes certains poissons devaient certainement être acheminés frais depuis le littoral, situé à environ 50 km. Cette aire de diffusion correspond à peu près à celle des coquillages, comme le peigne glabre ou le murex. Seule l’huître est exportée beaucoup plus loin. Le nombre d’espèces marines augmente de nouveau en arrivant à Lyon où cinq espèces sont attestées parmi les restes de banquet du « sanctuaire de Cybèle », du début du ier siècle apr. J.-C. : le maquereau espagnol, qui témoigne du commerce des salaisons de Méditerranée, puis deux labres, un turbot, un loup et des mulets, poissons colorés dont le mode d’acheminement est encore incertain. Le maquereau espagnol, surtout les gros spécimens, ne se rencontre pas à cette époque sur toutes les tables. Il semble s’agir d’un produit assez cher. Des restes de ces poissons ont été trouvés déposés dans une tombe du début du ier siècle apr. J.-C. à Moislains, dans la Somme, ainsi que dans un habitat urbain à Meaux, en Seine-et-Marne. Lyon est par ailleurs le centre d’un commerce de redistribution de produits dérivés du poisson, acheminés vraisemblablement en vrac puis redistribués vers notamment les camps romains du limes germanique, dans des amphores produites à Lyon comportant l’inscription « garum de maquereau ».
Pour le iie siècle apr. J.-C., seuls quelques restes issus d’une fouille du quartier de Vaise ont été étudiés, mais ils correspondent là encore à des salaisons de maquereau espagnol et de maquereau commun, auxquels s’ajoute une anguille.
Au iiie siècle apr. J.-C., les produits dérivés du poisson continuent à être acheminés vers Lyon. Les restes de poissons marins, essentiellement des sardines et des maquereaux espagnols, représentent 58 % des restes de poissons issus des dépotoirs de la fouille du Parc-Saint-Georges. À cela s’ajoutent des anchois, du rouget et des petits sparidés, des mélanges de petits poissons que l’on retrouve dans la composition de certaines sauces. Mais cet intérêt des Lyonnais pour les condiments et conserves de poissons de la mer ne doit pas occulter la place des produits de la pêche locale dans la cité.
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INTRODUCTION AUX ESPÈCES MARINES CONSOMMÉES JUSQU’À LUGDUNUM / LES PRODUITS DE LA MER
FRUITS DE MER (ET DE RIVIÈRE) À LUGDUNUM
En termes d’alimentation, l’arrivée des Romains sur le site de Lyon bouleverse totalement les habitudes locales. Dès les années 20 av. J.-C., on voit apparaître des vertèbres de maquereaux et de thons dans les dépotoirs de la colonie primitive. Vers 10 apr. J.-C., on retrouve le maquereau, accompagné de plie commune, d’un mulet, mais aussi de saumon et de perche dans une fosse ayant livré les reliefs d’un festin. Le maquereau provient certainement d’une saumure, dont le conditionnement en amphores est bien connu sur le littoral méditerranéen. Il est, avec le thon salé, une des espèces les plus consommées et les plus appréciées par les Romains. Pour la plie, dont les auteurs latins précisent qu’elle était généralement élevée en vivier marin, on envisage plutôt un transport de poissons séchés ou salés, conditionnés en tonneaux.
Grâce à des infrastructures de transport performantes et de riches élites qui profitaient du dynamisme de la colonie, un système de chasse-marée17 n’est toutefois pas totalement à exclure entre Lyon et le littoral méditerranéen pendant les périodes hivernales au moins pour la première moitié du ier siècle apr. J.-C.
Rhône, on observe que les colons nouvellement installés, tout en conservant leur culture culinaire méditerranéenne réservée toutefois à l’élite ou tout au moins aux grandes occasions, s’adaptent rapidement à la faune piscicole locale et découvrent également très tôt des nouvelles saveurs avec le saumon, d’origine atlantique et qui provenait très certainement du fleuve Loire.
Sur les sites les plus tardifs, au ive siècle, les goûts semblent avoir évolué. Les restes de poissons d’eau douce deviennent majoritaires et plus diversifiés, illustrant différents types de milieux : Cyprinidés en tous genres, brochets, anguilles, esturgeons, aloses, truites, tanches, lottes d’eau douce ou encore perches.
Les coquillages sont totalement absents des niveaux antérieurs à la création de la colonie. Dès 40/20 av. J.-C. apparaissent les premières huîtres plates ( Ostrea edulis ), en provenance de Méditerranée – au moins dans les premiers temps –, accompagnées de rares coquilles isolées d’autres espèces marines. Ces dernières correspondent
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Fig. 2 - Quelques coquilles provenant des environs des théâtres romains (ier siècle apr. J.-C.). On note la grande taille des coquilles d’huîtres. © Th. Argant, 2009.
LA CUISINE ROMAINE DE LA TAVERNE AU BANQUET / DU CHAMP À L’ÉTAL
Fig. 1 – Mosaïque décorée d’une scène de pêche. Musée du Bardo © Gilles Mermet / akg-images
à des coquilles épaves, supports du développement des huîtres ou à des taxons carnivores, passagers clandestins dans des lots mal triés. Au total, vingt-sept espèces différentes de coquillages marins ont été reconnues dans les niveaux antiques lyonnais, mais seules les huîtres sont vraiment consommées (Fig. 2). Leur taille a tendance à diminuer au cours du temps, résultat de l’évolution des goûts ou d’une surexploitation des ressources, évoquée dès 1885 par Arnould Locard, auteur de la première étude de conchyliologie antique lyonnaise.
Le i er siècle apr. J.-C. représente la période de plus grande consommation de mollusques marins à Lyon (Fig. 3). Il n’est cependant jamais question d’amas coquilliers, les lots les plus importants ne dépassant pas soixante restes, et leur localisation évoque principalement des milieux aisés.
Notes
17 – Service de messagerie rapide à cheval.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Arnould LOCARD, Note sur une faunule malacologique gallo-romaine trouvée en 1885 dans la nécropole de Trion à Lyon, Lyon, Association typographique, 1885.
Gaël PIQUÈS, Catherine HÄNNI, Tony SILVINO, « L’approvisionnement de Lugdunum en poisson au iii e siècle : les données de la fouille du parc Saint-Georges (Lyon, France) », in Archéologie du poisson. 30 ans d’archéo-ichtyologie au CNRS, Antibes, APDCA, 2008, p. 255-268.
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FRUITS DE MER (ET DE RIVIÈRE) À LUGDUNUM / LES PRODUITS DE LA MER NOMBRE D’INDIVIDUS ANNÉES 350 300 250 200 150 100 50 0 -43 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
Fig. 3 - Effectifs des coquilles marines mises au jour à Lyon entre la fondation de la colonie et la fin du ve siècle apr. J.-C. Les huîtres plates constituent 81 % du total des découvertes. © T. Argant
Le catalogue de l’exposition Une salade, César? La cuisine romaine, de la taverne au banquet réunit les contributions de plus de 25 spécialistes de l’Antiquité romaine. Suivant le parcours proposé aux visiteurs, il présente dans un premier temps les modes de production, d’acheminement et de vente des produits consommés à l’époque romaine, en particulier à Lugdunum. Dans une seconde partie, il s’intéresse à la préparation culinaire et aux pratiques alimentaires, de la salle de banquet des plus fortunés aux tavernes urbaines. Cet ouvrage offre ainsi un panorama des connaissances actuelles sur l’alimentation des habitants de Lugdunum acquises grâce aux données archéologiques récentes mises en regard des sources littéraires. 22 € TTC
ISBN 978-2-491924-01-0
Dépôt légal : novembre 2020
www.editions-libel.fr