Mémoires urbaines (Extrait)

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DIVERS|CITÉS

Cette sélection de vues contemporaines et plus anciennes contribue à révéler comment les grands ensembles en Bourgogne, et en particulier à Chalon-sur-Saône, ont façonné le paysage urbain et les mémoires collectives. Fruits d’une histoire et d’une architecture singulières, les quartiers se caractérisent par leur évolution constante et par la nécessité d’en saisir tous les enjeux ainsi que leurs dimensions paysagères. www.editions-libel.fr

9,00 € TTC

ISBN 978-2-917659-89-2 DÉPÔT LÉGAL décembre 2019



Les immeubles modernes symbolisent désormais l’entrée sud de Chalon-sur-Saône et se démarquent des anciennes constructions environnantes par leur hauteur et leur rupture d’alignement.


Vue en direction du nord depuis la tour du Canal à Chalon-sur-Saône. Photographie ancienne, mai 1968, fonds Gros, musée Nicéphore Niépce.


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« Les immeubles de onze étages […] avec un confort innovant pour l’époque. »

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« Ces cages à lapins… »

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« C’était un lieu de vie. »

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« C’est la mixité sociale qui manque. »

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« Une population hétéroclite. »

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Les grands ensembles en France ont une histoire récente, mais riche et diverse comme en témoigne l’abondante littérature sur ce sujet, qu’il s’agisse de récits de vie, d’études historiques ou encore de la presse. Souvent décriés et pointés du doigt, ils sont pourtant le symbole d’un pays qui se relève au sortir du conflit mondial, un repère architectural et urbain des Trente Glorieuses. Ils témoignent de l’urgence de reconstruire dans un contexte de grave crise du logement après la Seconde Guerre mondiale. L’État est à l’origine de cette politique volontariste. Les différentes mesures prises ont pour objectif de répondre à la pénurie de logements, mais également de relancer le secteur du bâtiment, dans un esprit de « cercle vertueux ». Ce sont encore les pouvoirs publics qui, désirant que les entreprises accèdent à l’ère de l’industrialisation, encouragent et favorisent la préfabrication lourde, notamment pour des gains de temps. Les grands ensembles sont construits selon les différents critères architecturaux et urbains du mouvement Moderne, où préfabrication, standardisation et industrialisation sont les maîtres mots. Les formes architecturales de la barre et de la tour, peu présentes jusqu’alors, se généralisent et transforment la morphologie de la périphérie des villes. Les grands ensembles sont souvent présentés comme étant uniformes et monotones. Cette étude, avec un regard photographique renouvelé, a mis en exergue leur diversité. Châteaux et églises ne sont pas l’apanage du patrimoine qui est étudié et recensé dans toute sa diversité par les services régionaux de l’Inventaire général. Les constructions du XXe siècle entrent aussi désormais dans le champ patrimonial et sont analysées en tant que telles par les chercheurs de l’Inventaire depuis la fin des années 1990. C’est à partir des années 2010 que le service régional de l’Inventaire de Bourgogne (aujourd’hui Bourgogne-Franche-Comté) a choisi de lancer une étude thématique sur ce sujet. Malgré son caractère rural, le territoire bourguignon a, comme tous les autres, connu une vague d’urbanisation sans précédent avec la réalisation de nombreux quartiers. Mais si beaucoup de grands ensembles ont été construits dans cette région, beaucoup ont également été transformés, réhabilités ou détruits depuis. Cette étude est sans doute un peu tardive mais nécessaire, afin de procéder, par la recherche et la photographie, à un enregistrement de la mémoire de ces quartiers, amenés à poursuivre leur évolution.

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Au sein du corpus bourguignon, Chalon-sur-Saône est une ville représentative par le nombre de quartiers construits et par la diversité de ces derniers. En effet, la ville connaît une extension urbaine inédite au cours des Trente Glorieuses, avec tant un renouvellement à proximité de son centre historique (opérations Bassin du Canal et Canal-Rocade) qu’un développement des sites périphériques (Aubépin, Près—Saint-Jean, Plateau-Saint-Jean, Laënnec, etc.). L’ampleur et le nombre de projets urbains (et industriels) sont notamment dus au fait que la commune, située le long de plusieurs axes forts, est désignée en octobre 1959 comme l’une des villes de moins de 100 000 habitants pilotes pour l’élaboration du IVe Plan avec pour but de définir le développement possible et souhaitable de telles agglomérations. Ces quartiers sont un excellent témoignage pour retracer une histoire complète des grands ensembles en France au vu des différentes procédures administratives qui ont encadré leur réalisation et des différentes techniques employées pour la construction des bâtiments. Ce cas unique pour une sous-préfecture à l’échelle de la région permet une compréhension à la fois précise et générale de ce « patrimoine ordinaire ». En outre, deux fonds d’archives photographiques de grande qualité, le fonds Combier et le fonds Gros (musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône), complètent et enrichissent les vues contemporaines. Tours et barres sont naturellement les premières images, pour l’habitat, qui viennent en tête lorsqu’est évoqué le sujet. Pour autant, des logements individuels, sous la forme de pavillons, peuvent participer à la composition de ces quartiers. L’un des objectifs de cet ouvrage est d’offrir un nouveau regard sur ces ensembles, d’observer leur importance dans l’espace de la ville. Les vues paysagères ou les photographies d’archives permettent de conserver la mémoire de ces nouveaux lieux de vie, en constante mutation. En déplaçant le curseur de nos valeurs et grâce à ces différentes images qui offrent une vision autre de ces bâtiments, il est possible de « s’attacher » à ces objets architecturaux et d’en percevoir la valeur de témoin d’une époque, d’une manière d’habiter, de vivre… Dédié à l’image, cet ouvrage se propose d’offrir une représentation renouvelée de l’architecture sérielle des grands ensembles, qui n’ont cessé d’être tant un objet politique, social et urbain qu’un enjeu pour les villes et leurs habitants.

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Point de vue sur la ville de Chalon-sur-Saône depuis la tour du Canal.

8 Chalon-sur-Saône depuis la tour du Canal : les nouveaux quartiers ont été construits en majorité en dehors du centre-ville historique.


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Aire de jeux dans la partie centrale du quartier de la ZAC du Plateau Ă Chalon-sur-SaĂ´ne.


Aire de jeux du quartier de l’Aubépin, Chalon-sur-Saône. Photographie ancienne, septembre 1959, fonds Gros, musée Nicéphore Niépce.

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Aire de jeux réalisée par le groupe LUDIC pour la ZUP des Prés-Saint-Jean. Photographie ancienne, ca. 1972-1980, fonds Combier (CIM), musée Nicéphore Niépce.


Vue d’ensemble des immeubles du quartier Rives de Saône, Chalon-sur-Saône. Ils font face aux quais du centre historique.

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13 Les immeubles sont orientés en direction du nord-ouest pour former un nouveau front face au bras de la Génise et à la Saône.


La tour B12.05 du quartier de l’Aubépin, Chalon-sur-Saône. Photographie ancienne, septembre 1959, fonds Gros, musée Nicéphore Niépce. Nouvellement installés, les premiers habitants profitent des bassins. En 2018, la tour, alors en cours de démolition, se fond dans une végétation plus dense.

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Vue en direction de l’immeuble Pointe de la Colombière au sud du quartier Canal-Rocade depuis la rue Maréchal de Lattre-de-Tassigny.


Chantier de la tour de la Verrerie, premier immeuble réalisé dans le cadre de l’opération de Rénovation Urbaine Canal-Rocade. Photographie ancienne, octobre 1965, fonds Gros, musée Nicéphore Niépce.


Chaque quartier de Chalon-sur-Saône possède sa propre ambiance, fruit de la composition urbaine et architecturale, ainsi que de ses évolutions successives. L’architecte-urbaniste Daniel Petit (puis son fils Didier-Noël) est intervenu dans la grande majorité des sites étudiés. Outre le fait qu’il dirige le groupement d’urbanistes constitué après la Seconde Guerre mondiale qui donne les orientations principales du développement urbain de la commune, il a participé à plusieurs opérations, soit en validant le projet, soit en étant l’auteur du plan de masse, voire de plusieurs des immeubles construits. Pour l’Aubépin, le parc, dont l’ampleur est unique à l’échelle régionale, mérite une attention particulière tant il est devenu l’emblème de ce quartier. Plaine de jeux ou chemins boisés se succèdent alors que les arbres sont arrivés à leur stade de maturité. Les opérations Bassin du Canal et Canal-Rocade sont un rappel de l’emplacement de l’ancien tracé du canal du Centre qui, tel un palimpseste, est devenu une importante voie urbaine. Les différents immeubles et tours ponctuent le site, situé à proximité du centre historique, marquant tant la rupture architecturale avec l’environnement que l’emplacement de ce centre-ville bis. Avec la ZUP des Près-Saint-Jean, c’est l’aboutissement de la politique des grands ensembles dans sa démesure et avec tous ses poncifs : une localisation en périphérie, une optimisation de la construction avec un recours massif à la standardisation et la préfabrication, ou encore une configuration urbaine représentative de comment est fabriquée la ville nouvelle à cette époque. C’est l’une des plus grandes ZUP du territoire bourguignon, le lac étant indissociable de ce quartier. Les barres-manivelles encadrent l’axe central que représente le chemin piéton : comme un rappel de la composition de l’Aubépin, ce sont les immeubles qui encerclent les espaces verts en cœur de quartier. À la ZAC du Plateau, les mentalités et les normes évoluent : des immeubles réalisés dans le cadre de la Politique des Modèles avec une place importante accordée aux espaces verts et aux aires de jeux (c’est le même groupe LUDIC qui réalise plusieurs structures pour enfants après celles de la ZUP). Désormais, c’est un chemin tout en courbe qui serpente au cœur du quartier, bordé par les arbres et les parterres végétalisés. Les quartiers Laënnec ou encore Rives de Saône témoignent à leur tour de la volonté d’offrir de nouveaux logements avec tout le confort moderne de l’époque dans des immeubles. L’espace se structure selon l’agencement des barres et tours qui endossent désormais la fonction de point de repère du monument. Elles sont devenues les nouveaux clochers qui émergent dans le paysage avec comme rôle celui de signal urbain.

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Tour du centre commercial du quartier de l’Aubépin : les quatre façades sont toutes différentes.

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La galerie en péristyle au rez-de-chaussée de la barre du Canal (Bassin du Canal), imaginée comme un espace de rencontre, à l’abri des intempéries.

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Cage d’escalier de la tour du Canal (Bassin du Canal) avec une large ouverture permettant de profiter du panorama.

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ZUP des Prés-Saint-Jean, vue depuis l’entrée nord-ouest du cœur d’îlot de l’opération îlot 5, réservé aux chemins piétons.

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L’immeuble d’habitation de forme pyramidale marque l’entrée du nouveau quartier Canal-Rocade.

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Tour du Canal et Maison de la Culture (Espace des Arts), Bassin du Canal.

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Quartier Laënnec : vue depuis un porche de la barre A1 en direction de la A2, au sud.

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Barre de la résidence Emiland Gauthey, quartier Brill-Pinette.

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Les parkings semi-enterrés à doubles niveaux de la ZAC du Plateau.

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10 Les deux tours de la résidence Saint-Germain closent l’opération Canal-Rocade au nord avec des travaux qui durent jusqu’en 1981. 11 Le vaste espace entre les barres du quartier Laënnec a été conçu par les architectes comme un parvis-esplanade, prévu pour accueillir les activités de jeux en plein-air des habitants. 12 Aire de jeux du quartier de l’Aubépin. Photographie ancienne, septembre 1959, fonds Gros, musée Nicéphore Niépce.

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Cette sélection de vues contemporaines et plus anciennes contribue à révéler comment les grands ensembles en Bourgogne, et en particulier à Chalon-sur-Saône, ont façonné le paysage urbain et les mémoires collectives. Fruits d’une histoire et d’une architecture singulières, les quartiers se caractérisent par leur évolution constante et par la nécessité d’en saisir tous les enjeux ainsi que leurs dimensions paysagères. www.editions-libel.fr

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