discussionI sur PP

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ANNEXE I au Texte de synthèse Georges LEGROS (2003), dans Enjeux, n° 58, p. 117-140

Pour une rationalisation de l’accord du participe passé

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les subtilités des règles d’accord du participe passé (désormais, ici, PP) hantent les cauchemars des élèves invités à les étudier, avant de devenir l’une des sources les plus récurrentes d’incertitude chez la plupart des scripteurs adultes et, par voie de conséquence, l’un des symboles les plus éclatants de la difficulté (honnie ou révérée, c’est selon) de l’orthographe française (dont, comme on le sait, l’apprentissage dure à peu près autant que la lecture de Tintin). Ainsi, pour m’en tenir à deux exemples littéraires parmi beaucoup d’autres, Alphonse Daudet et Jules Vallès, à l’issue des évènements douloureux de 1870-1871, qui les avaient meurtris de façon opposée, en faisaient déjà des indices par excellence, le premier, de la qualité de cette irremplaçable langue française que les petits Alsaciens allaient désormais devoir défendre contre la tentative d’assimilation prussienne, le second, de l’intolérable oppression bourgeoise qu’avait tenté en vain de secouer la Commune de Paris1. C’était mon tour de réciter. Que n’aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout au long cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute ? Mais je m’embrouillai aux premiers mots, et je restai debout à me balancer dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête. J’entendais M. Hamel qui me parlait : « Je ne te gronderai pas, mon petit Franz, tu dois être assez puni… voilà ce que c’est. (…) Maintenant ces gens-là sont en droit de nous dire : " Comment ! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni lire ni écrire votre langue ! " » (…) Alors, d’une chose à l’autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c’était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide ; qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clé de sa prison… (A. Daudet, Contes du lundi, 1873, « La dernière classe ») C’est un maître de lavoir qui a la « signature » à l’intérieur (…). Il signe des ordres pavés de barbarismes, mais pavés aussi d’intentions révolutionnaires, et il a organisé, depuis qu’il est là, une véritable insurrection contre la grammaire. Son style, ses redoublements de consonnes, son mépris des participes et de leur concubinage, ses coups de plume dans la queue des pluriels lui ont valu un régiment et une pièce de canon. (J. Vallès, L’Insurgé, 1886, chap. XXVII)

Ainsi donc (mais ce n’est que de la littérature !) maitriser les règles d’accord du PP, ce serait, au moins pour partie, « tenir la clé de sa prison », et leur manquer de respect, se ranger parmi les

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Quelques années auparavant, et sur un tout autre ton, E. Labiche et A. Jolly (La Grammaire, 1867) avaient obtenu un succès retentissant en mettant en scène un ancien négociant tenté par la politique, François Caboussat, un temps opposé au mariage de sa fille, seule capable d’assurer la correction de ses discours, parce que, lui, il ne savait pas l’orthographe : « Les participes surtout, on ne sait par quel bout les prendre… tantôt ils s’accordent, tantôt ils ne s’accordent pas… quels fichus caractères ! Quand je suis embarrassé, je fais un pâté… mais ce n’est pas de l’orthographe ! » (scène 5). – Les malheurs domestiques ont parfois de curieuses façons de rejoindre les grandes tragédies nationales.

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ancêtres iconoclastes de l’aventure léniniste : on comprend que beaucoup hésitent à remettre en question des dogmes aussi sacrés2 ! Pourtant ce n’est pas d’aujourd’hui non plus que les linguistes dénoncent, à la fois, l’arbitraire de certaines de ces règles (à commencer par celle de l’accord du PP « conjugué » avec avoir, que Clément Marot versifia en 1558, contre l’avis de plusieurs grammairiens et humanistes contemporains) et la faiblesse, voire l’incohérence, de l’appareil conceptuel élaboré par la grammaire scolaire pour tenter d’en assurer l’application (Chervel [1977 : 276] n’hésite pas à qualifier « cette prétendue science de la langue » de « monstrueux bric-à-brac, échafaudé au cours des décennies »). Tout cela (qui est notamment rappelé, avec autant de verve que de science, par deux ouvrages de M. Wilmet [1997 : 357-359 et 466-469 ; 1999 : 17-20]) est trop connu pour que je m’y attarde ici. Les constats font largement consensus : –

les règles d’accord du PP, avec leurs exceptions en cascade, ne contribuent pas peu à accréditer l’idée que l’orthographe française est d’une complexité insurmontable, maintenue sans grandes raisons fonctionnelles, ce qui ne facilite son abord ni en français langue « maternelle », ni, a fortiori, en français langue étrangère3 ;

leur apprentissage scolaire est dès lors très couteux : combien d’heures n’y consacre-t-on pas, au long de plusieurs années, qui pourraient être employées plus utilement ?

et les résultats sont doublement décevants : la plupart des élèves qui sortent de l’enseignement obligatoire, la plupart des adultes ne maitrisent pas ce qui leur apparait toujours comme un maquis4 ; et l’acquis proprement grammatical n’est guère meilleur, hypothéqué qu’il est par les faiblesses de l’appareil convoqué ;

or la pertinence sociale d’un tel effort, aux bénéfices si incertains, est de plus en plus sujette à caution dans une société qui a choisi l’enseignement de masse, rejeté, d’une façon générale, toute révérence aveugle pour les normes établies et – last but not least – développé au point qu’on sait diverses formes de communication électronique, plus soucieuses de rapidité et d’économie que de correction rigoureuse.

Dans ces conditions, l’école se trouve trop souvent placée devant un dilemme insoluble : ou sanctionner les erreurs et accroitre un taux d’échec déjà trop élevé ou se résigner à ne pas vraiment accorder elle-même le statut de « règles » à ce qu’elle enseigne pourtant comme telles. Est-elle irrémédiablement condamnée à cette entreprise aussi désespérée que celle de Sisyphe ? Voici quelques années, M. Wilmet (1999) a voulu relever une première fois le défi en proposant d’aborder Le participe passé autrement. Pour l’essentiel, il s’agit de considérer, dans tous 2

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Dans la préface qu’il donne au tout récent ouvrage de M. Sommerant (2004 : 8-9), le célèbre Bernard Pivot écrit, sans doute avec un sourire mais apparemment sans ironie, que « les règles des participes passés sont une des grandes causes nationales ». On ne s’étonnera pas de le voir louer « la logique – oui, la logique – des règles, et même (…) la cohérence – oui, la cohérence – des cas particuliers », dont il justifie ainsi la complexité : « C’est parce que le français est une langue subtile, pénétrante, rusée, délicate, qu’elle demande à qui veut la bien posséder, du moins en avoir un usage correct, un peu d’attention et d’intelligence. Sans compter que ce qui nous effrayait dans les participes passés nous divertit lorsque nous faisons l’effort de jouer avec eux ». – Et, après tout, s’il plait à Martine d’être battue ! Au terme d’une Analyse linguistique de 4000 courriels, J. Maurais (2003 : 64) conclut : « Il faut se rendre à l’évidence que le système graphique du français pose problème, (…) la codification orthographique actuelle crée de sérieuses difficultés aux francophones de langue maternelle et n’est sûrement pas de nature à faciliter la diffusion du français dans le monde, en particulier dans les conditions de l’enseignement en Afrique, plus grand réservoir de francophones potentiels ». Est-ce seulement parce qu’ils n’ont pas pu bénéficier des formules magiques de « la fée Nina », dévoilées récemment ? On peut en douter malgré les promesses alléchantes faites aux parents des jeunes enfants visés : « Voici l’histoire d’une victoire heureuse et définitive. Les règles de l’accord du participe passé sont compliquées, mais Hugo apprend à les maîtriser. Une fée lui explique tout, avec des mots de tous les jours, et des dessins. Il s’en souviendra toute sa vie » (A.M. Gaignard, 2003 : quatrième de couverture). La multiplication de ces méthodes « infaillibles », aux secrets variables, témoigne plutôt d’un échec sans cesse renouvelé.

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les cas, le PP comme un adjectif, susceptible, à ce titre, de s’accorder avec le nom auquel il se rapporte (son support). Il suffit dès lors de découvrir ce support par un jeu de questions appropriées (Qui / Qu’est-ce qui est / était / sera… PP ? ou, pour les verbes « essentiellement pronominaux », ceux où le se est « persistant », indispensable à la forme et au sens, Qui / Qu’est-ce qui s’est / s’était / se sera… PP ?), sans s’embarrasser de sa fonction syntaxique, qui n’a plus désormais aucune pertinence pour décider de l’accord. Ainsi dégagée des catégories suspectes déterminées par les rapports avec le verbe (sujet, COD et autres compléments), l’analyse gagne incontestablement en cohérence et en intelligibilité : le PP n’y apparait plus comme ce curieux hybride, mi-verbe mi-adjectif, qui s’accorde tantôt avec son sujet, tantôt (cas unique !) avec l’un de ses compléments, mais comme un adjectif soumis à la même loi générale que tous les autres. Ou presque. Car, évidemment, à s’en tenir aux règles traditionnelles, la découverte du support ne peut pas suffire et M. Wilmet doit donc bien définir plusieurs cas où l’accord est « bloqué » pour diverses raisons (l’ordre des éléments, par exemple : La pomme que j’ai mangée mais J’ai mangé une pomme). De sorte que le gain intellectuel – à lui seul, déjà précieux – ne se double pas automatiquement d’une simplification pratique à la hauteur de ce que pourraient espérer les usagers incertains. Le même M. Wilmet s’est alors engagé dans une voie complémentaire, plus hasardeuse5 mais plus directe. Président du Conseil supérieur de la langue française de notre Communauté, il y a créé une commission qui s’est attelée à un projet de rationalisation de notre orthographe grammaticale. Cette commission6 a étudié successivement l’accord du PP (comment ne pas commencer par ce véritable « pont-aux-ânes »7 ?), le pluriel des noms composés et les divers problèmes d’accord liés à certains syntagmes nominaux à double noyau8. – Était-ce bien raisonnable ? L’histoire, en effet, abonde en projets de réforme qui ont avorté malgré leurs intentions généreuses et, souvent, leurs fondements scientifiques sérieux. Pour nous en tenir au seul PP, on se souvient que, à la suite d’un rapport de linguistes compétents, (…) le ministre Georges Leygues signait le 31 juillet 1900 un arrêté permettant le non-accord du participe passé avec « avoir » dans tous les cas. En février 1901, après des protestations de l’Académie, cet arrêté était rapporté et remplacé par un autre qui réduisait la tolérance à de rares cas particuliers (vu et laissé devant infinitif)9. Les tolérances instituées par ce timide arrêté ont été elles-mêmes insuffisamment mises en application par la partie routinière du corps professoral. La règle ancienne d’accord du participe passé avec avoir en cas de complément précédent reste donc officiellement debout… (Cohen, 1967 : 287)

À quoi M. Arrivé (1993 : 112) ajoute que, dans un arrêté de 1976, le ministre Haby a prescrit à son tour des tolérances limitées, concernant notamment les PP des verbes « métrologiques » (comme couter, peser, valoir…) et les PP précédés de en, qui sont toujours loin d’être appliquées, ou même

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D. Manesse & I. de Peretti (1995 : 87) n’y voient qu’une « utopie de (certains) linguistes ». Y ont notamment œuvré Alain Braun (Université de Mons-Hainaut), Guy Jucquois (Université Catholique de Louvain), Jean-Marie Klinkenberg (Université de Liège), Michèle Lenoble-Pinson (Facultés Universitaires Saint-Louis), Marc Wilmet (Université Libre de Bruxelles) et moi-même, qui ai eu l’honneur de la présider. « Il conviendrait (…) aussi de se demander s’il ne serait pas souhaitable de procéder à une simplification des règles de grammaire, à commencer, évidemment, par les règles d’accord du participe passé. L’Académie française a eu la bonne idée de rendre le participe présent invariable en 1679 ; pourquoi, dans son élan, n’a-t-elle pas aussi fait subir le même sort au participe passé ? Elle nous aurait ainsi évité bien des heures d’apprentissage et d’enseignement. » (Maurais, 2003 : 65) Problèmes particulièrement complexes : au départ des exemples bien connus où le verbe peut s’accorder soit avec le premier nom (qui est souvent un quantifieur) soit avec le second (La majorité des habitants se déplace[nt] en voiture), on en rencontre vite d’autres, de plus en plus courants dans l’usage écrit et oral malgré une acceptabilité douteuse du point de vue grammatical (?C’est une des raisons qui m’a poussé à…), puis, dans le prolongement de ces derniers, d’autres encore où l’hésitation se rapproche dangereusement du syntagme à double noyau lui-même, voire s’installe en son cœur (*C’est une des villes la plus réputée d’Europe ; *Il possède un des meilleurs restaurant asiatique de Belgique). Ironie de l’histoire : moins de trois mois plus tard, le même ministre imposa en primaire un enseignement antialcoolique, examens à la clé, avant de devoir « faire rapidement machine arrière devant les lobbys de l’alcool » (Chervel, 1988 : 77). Toutes les tolérances ne sont pas également intolérables.

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connues, des enseignants français. Et l’on sait les difficultés rencontrées par les prudentes « rectifications » de 1990 pour obtenir un succès encore bien limité. Mais, justement, les rectifications de 1990, une fois apaisée la tempête dans un verre d’eau qu’elles avaient soulevée, n’ont pas été rapportées ou entièrement oubliées comme le décret Leygues10 : nous ne sommes plus tout à fait en 1900 et même l’Académie peut parfois, fût-ce du bout des lèvres, se rallier à certains changements raisonnables. De surcroit, comme l’écrit très justement M.-J. Béguelin (2002 : 168), dans un article remarquable sur notre sujet11, (…) le lexique français, du moins le lexique non néologique, n’est pas un terrain d’expérimentation idéal pour la simplification orthographique – du moins une simplification qui resterait modérée, et qui serait proposée et non imposée. En matière lexicale en effet, le gain qui résulte d’un certain choix (priorité accordée au principe phonographique, facilitation de l’encodage) peut se trouver perdu d’un autre point de vue (reconnaissance visuelle des signes, aisance du décodage).

Des risques comparables sont évidemment à craindre en matière d’orthographe grammaticale : supprimer l’accord du PP avec avoir, par exemple, effacerait de la phrase écrite certaines marques de solidarités syntaxiques et sémantiques ; et l’on connait, en français, la répugnance générale à adopter un principe de « facilitation de l’encodage » qui pourrait nuire à celui de « facilitation de la lecture et de l’interprétation » (Blanche-Benveniste & Chervel, 1978 : 11). On peut toutefois penser que l’orthographe grammaticale se prêterait plus naturellement que la lexicale à un effort de rationalisation (puisqu’elle est un jeu de règles explicites et argumentées) et qu’une intervention y serait plus rentable (puisqu’une règle peut couvrir une infinité de cas), voire qu’elle y soulèverait moins de résistances (puisque des règles comme celles de l’accord du PP paraissent à beaucoup plus dépendantes du raisonnement des grammairiens que l’identité graphique des mots ordinaires). Pour autant, notre commission n’était pas naïve au point de sous-estimer les difficultés de pareille entreprise : la tradition française, je l’ai rappelé, n’est guère accueillante à l’idée – qui semble naturelle dans d’autres langues – d’une « mise à jour » de l’orthographe. Pour avoir quelque chance de succès, une rationalisation12 (toujours partielle !) doit donc conjoindre de nombreuses qualités, dont certaines peuvent être antithétiques : –

des fondements scientifiques rigoureux, ce qui est beaucoup moins simple qu’il ne pourrait y paraitre, compte tenu de la complexité du plurisystème que constitue l’orthographe française13 ;

une portée ni trop ambitieuse (qui provoquerait à coup sûr un violent rejet a priori : les auteurs des rectifications de 1990 l’avaient bien compris) ni trop restreinte (qui la frapperait d’insignifiance, le bénéfice escompté ne méritant pas l’effort demandé : sans doute faut-il voir là aussi une des raisons des difficultés rencontrées par les mêmes rectifications) ;

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S’en sera-t-on aperçu ? Cet article essaie de s’y conformer,… sans toujours être sûr d’y parvenir dans tous les détails : tant est grande, passé un certain âge, la force de l’habitude, surtout quand vient l’épauler un logiciel de correction automatique ! L’auteur y publie un état de nos travaux antérieur à celui qu’on trouvera ici, sensiblement différent à la fois dans son architecture générale et dans le détail de certaines propositions. La comparaison des deux textes montre bien comment peut progresser la réflexion sur une matière aussi délicate. Il n’y a donc pas lieu non plus de considérer comme définitive la version ci-annexée. J’évite à dessein le mot réforme, à lui seul déjà gros d’interprétations exagérées et de rejets passionnels. Voir l’analyse très fine que fait M.-J. Béguelin (2002 : 168-170) des résistances opposées à certaines rectifications de 1990 touchant à l’emploi des accents ou à la soudure des mots composés. Exemple : « Alors qu’elle allège la tâche du scripteur, la suppression de certains circonflexes réduit, symétriquement, la saillance perceptuelle des mots concernés, qui seront identifiés moins aisément à la lecture, notamment chez les lecteurs experts qui, pour accéder au sens, ne passent pas, ou du moins pas forcément, par une oralisation intermédiaire : sans conteste, la distinctivité graphique des unités s’amoindrit dans la série cou, coup, cout (nouvelle orthographe), par rapport à la série cou, coup, coût (ancienne orthographe). En cas de suppression du circonflexe, un profit est donc compensé par une perte, l’abaissement du coût de l’encodage entraînant un accroissement proportionnel du coût du décodage. (…) De ce point de vue, il y a bien sûr un fossé entre les intérêts stratégiques des lecteurs experts (…) et d’autre part ceux des jeunes élèves (…) » (169).

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une adhésion des acteurs sociaux les plus directement concernés – en particulier, de ceux de l’édition, des médias et de l’enseignement –, ce qui suppose un long travail d’association progressive à l’élaboration et à la mise en œuvre des décisions ;

et bien entendu, d’abord, un accord international solide entre les organismes chargés d’éclairer les ministres responsables de la politique linguistique dans les principaux pays francophones.

C’est dire s’il s’agit d’une entreprise de longue haleine (et soumise à de nombreux aléas !), où « patience et longueur de temps feront plus que force ni que rage ». Aussi la commission belge a-t-elle d’emblée informé de son projet les autres organismes de gestion linguistique de la Francophonie du Nord. Après une première consultation des responsables de l’enseignement secondaire qui siègent au Conseil supérieur de la langue française, elle a ensuite soumis ses propositions à un séminaire international qui a rassemblé, à Bruxelles, les 21 et 22 mars 2003, une vingtaine de spécialistes du domaine et de représentants institutionnels des conseils de la langue français, québécois et suisse romand, ainsi que de l’Agence de la Francophonie. Le produit, plusieurs fois remanié, de ces divers travaux a enfin été examiné (dans l’état que l’on trouvera en annexe) lors de la rencontre des organismes linguistiques et de l’Agence de la Francophonie qui a eu lieu à Québec le 11 juin 2003. Convaincus de l’intérêt d’une plus grande rationalisation de l’orthographe grammaticale, à commencer par celle du PP, les partenaires réunis à Québec ont décidé, suivant la recommandation issue du séminaire de Bruxelles, de créer entre eux un Observatoire francophone du français contemporain (OFFC), en vue d’assurer à l’opération les meilleures chances de succès. Le mandat de départ de cet observatoire est triple : –

tirer les leçons de l’implantation des rectifications de 1990, en dressant le bilan des mesures prises dans les principaux pays francophones et en procédant à une analyse des conditions de réussite de pareille tentative ;

établir un état des recherches récentes ou en cours sur l’orthographe française ;

étudier les usages actuels, oraux et écrits, concernant les problèmes soulevés, de manière à fonder toute intervention éventuelle sur une connaissance scientifique éprouvée des difficultés récurrentes et des évolutions déjà en cours.

C’est dans cette perspective élargie que je soumets ici à l’attention critique des enseignants et des didacticiens de français deux documents de travail de notre commission (devenue la cellule belge de l’OFFC) : les propositions relatives à l’accord du PP, telles qu’elles ont été déposées à la réunion de Québec, et un premier coup de sonde dans des copies d’élèves d’âges divers. Quelques grandes préoccupations ont guidé l’élaboration de nos propositions : –

régler d’abord les cas particuliers les plus embarrassants : supprimer les distinguos discutables de la tradition scolaire à propos, par exemple, du PP des verbes métrologiques (Les cent francs que cela m’a couté mais, au figuré, Les efforts que cela m’a coutés [sans oublier, à l’impersonnel, Les cent francs / efforts qu’il m’en a couté !]) ou du PP suivi d’un infinitif (Les chanteuses que j’ai entendues chanter mais Les chansons que j’ai entendu chanter) constituait, aux yeux de tous les membres de la commission, le minimum qu’on puisse attendre d’un essai de rationalisation ;

déduire ces ajustements locaux de principes généraux assez simples, référés à la logique d’analyse définie par Wilmet14 (1999), de façon à afficher la rationalité de l’ensemble des règles et à favoriser ainsi, chez l’apprenant ou l’usager, la réflexion et le transfert plutôt que la mémorisation ;

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Même si, par commodité, le document parle encore de COD ou de complément circonstanciel pour définir certains cas ou renvoyer aux règles scolaires, le changement de logique générale fait partie intégrante de l’essai de rationalisation : comme l’indique l’encadré final, « sans doute est-il souhaitable que la réforme de l’accord du PP s’accompagne d’une refonte en profondeur de la pédagogie grammaticale, qui pourra seule en assurer l’intelligence profonde et le succès durable ».

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prôner, dans tous ces cas, la tolérance de la digraphie plutôt que de nouvelles contraintes univoques, à la fois pour respecter l’ambivalence de l’analyse elle-même et pour assouplir quelque peu l’image d’une tradition orthographique trop souvent encline à légiférer de façon pointilleuse, y compris au-delà du raisonnable (dans les deux sens du terme) ;

présenter un ensemble doublement étagé (de la règle de tolérance à des recommandations inspirées par un souci de simplicité ou d’alignement sur l’évolution en cours à l’oral, pour les cas envisagés, mais aussi, plus largement, de la solution de ces seuls cas particuliers, qui a fait consensus dans la commission, à des propositions plus radicales, qui n’y ont encore qu’un statut exploratoire), pour inscrire d’emblée la réflexion dans une dynamique, à accorder à celle de la langue.

C’est pour tenter de vérifier où apparaissent surtout les problèmes et si les erreurs s’ordonnent autour de certaines tendances dominantes, qui pourraient annoncer le sens d’une évolution, que nous avons entrepris depuis peu l’examen de quelques corpus écrits. On trouvera en annexe 2 les résultats, tout provisoires, d’un premier coup de sonde dans des compositions libres (de types divers) d’élèves de 15 à 18 ans ; parallèlement, vient d’être entamée une analyse de dictées d’étudiants de 1re année universitaire15. Sur les 300 copies étudiées jusqu’à présent, les erreurs d’accord de PP (qui n’abondent pas, parce que, non narratifs, les textes ont appelé peu de passés composés) ne manifestent pas de tendance générale significative. En particulier, l’invariation du PP avec avoir lorsque le support de l’accord précède, qui semble devenue si courante à l’oral16, y apparait moins fréquente que son inverse, la variation abusive lorsque le support suit ou est absent. Un tel résultat n’est toutefois qu’apparemment paradoxal et n’invalide en rien la pertinence d’une éventuelle proposition de généralisation de l’invariation17 : on sait en effet combien une situation d’épreuve scolaire peut favoriser l’hypercorrectisme, surtout chez les plus incertains18 ; il n’est donc pas étonnant qu’à l’écrit, beaucoup d’élèves se sentent obligés de signaler des accords, même s’ils ne savent plus très bien lesquels. Cette étude, qui n’est pas terminée, n’est d’ailleurs que le premier d’une longue suite de pas que devront faire en commun les forces internationales fédérées par l’OFFC pour disposer d’une connaissance des usages (écrits et oraux, formels et spontanés) susceptible de fonder une rationalisation efficace de l’orthographe grammaticale. C’est dans cet esprit que je publie ici les deux documents de travail annoncés, avec l’espoir qu’ils susciteront réactions critiques, compléments et collaborations des chercheurs et des enseignants intéressés. Alors, fini(s), les problèmes d’accord du PP ? Acquis(e), la rationalisation salvatrice ? Rien, évidemment, n’est moins sûr, vu(s) les obstacles divers à surmonter, que nous avons peut-être à tort cru(s) à notre portée. Mais, selon la fière devise prêtée à Guillaume le Taciturne, « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Et l’on sait que, pourtant affrontés à la puissance espagnole à son apogée, incarnée par l’armée du terrible duc d’Albe, le 15

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On devine l’intérêt de pouvoir confronter ces deux types de textes : la dictée, par définition, interdit au scripteur de tourner la difficulté, mais elle focalise son attention sur l’orthographe (surtout si elle succède à un rappel des règles de celle-ci). À conditions différentes, résultats différents ?… Encore faudrait-il y regarder de plus près : M.-J. Béguelin (2002 : 173) a bien raison de rappeler que « ce n’est pas parce qu’un accord est inaudible qu’il n’est pas fait » mentalement par le locuteur. L’invariation n’est pas sans raison profonde. Au contraire, depuis le latin, l’évolution du « passé composé » tend à y faire glisser le PP de son statut initial d’adjectif à celui de verbe, avoir glissant inversement du rang de verbe plein à celui de simple « auxiliaire » : « La langue française n’aura de cesse de rapprocher les deux tronçons du verbe, l’auxiliaire avoir et le PP, une soudure qui rend la règle d’accord " avec le complément d’objet direct " progressivement obsolète » (Wilmet, 1999 : 16). Dans les courriels analysés par Maurais (2003 : 24), le PP avec avoir provoque 1,48 % de l’ensemble des erreurs relevées, juste devant le PP avec être (1,37 %) et assez loin derrière le nombre du nom (6,68 %), les règles générales d’accord du verbe (4,38 %) ou l’accord de l’adjectif (3,47 %). Faute d’exemples, l’étude ne permet toutefois pas de dire si ces erreurs vont dans un sens différent de celui que nous avons pu observer dans de tout autres textes.

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Taciturne et ses « gueux », finalement, n’ont pas si mal réussi leur combat au service de la « Réforme »… Quelques adresses pour communiquer avec l’OFFC : – en Communauté française de Belgique, georges.legros@fundp.ac.be ou denis.fierens@cfwb.be – en France, bernard.cerquiglini@culture.gouv.fr – au Québec, chantal.bouchard@mcgill.ca – en Suisse romande, marinette.matthey@unine.ch

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Références bibliographiques

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Annexe 1. Propositions de rationalisation des règles d’accord du participe passé (Conseil supérieur de la langue française de la Communauté française de Belgique, Commission Enseignement de la langue française. – Coll., juin 2003) La tradition scolaire distingue quatre variétés de participes passés (en abrégé PP) et quatre types d’accords : (1) (2) (3) (4)

le PP employé seul, qui s’accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte ; le PP construit avec une copule ou conjugué avec l’auxiliaire être, qui s’accorde en genre et en nombre avec le sujet du verbe ; le PP conjugué avec l’auxiliaire avoir, qui (a) s’accorde en genre et en nombre avec le complément (d’objet) direct (en abrégé C.O.D.) antérieur, mais (b) ne s’accorde pas si le C.O.D. suit ou (c) s’il n’existe pas de C.O.D. ; le PP des verbes pronominaux, qui s’accorde en genre et en nombre soit (a) avec le sujet (cas des verbes essentiellement pronominaux et des pronominaux à sens passif), soit (b) avec le C.O.D. antérieur (cas des verbes accidentellement pronominaux). Remarque générale

Cette présentation s’avère inutilement compliquée. Voyons en quoi. • Le PP « participe » — le mot l’indique — des natures du verbe et de l’adjectif. Comme adjectif, il est receveur d’accord et tend à s’accorder avec le donneur d’accord auquel il se rapporte. La question pertinente pour repérer le donneur d’accord est « Qui ou qu’est-ce qui est PP ? ». Pas de différence fondamentale, ainsi, entre p. ex. Une pomme partagée en deux… (règle 1), La pomme sera partagée en deux (règle 2), La pomme que Pierre et Marie ont partagée en deux… (règle 3a) ou La pomme que Pierre et Marie se sont partagée… (règle 4b). L’accord du PP de p. ex. Pierre et Marie ont aimablement partagé se fait par défaut en l’absence de donneur d’accord (règle 3c). Il ne reste qu’à expliquer les échecs du principe illustrés par les règles 3b (le donneur d’accord suit : Pierre et Marie ont partagé la pomme) et 4a (voir ci-après). • Les verbes dits « essentiellement pronominaux » contiennent un se obligatoire (s’absenter, s’abstenir, s’acharner, etc. : une cinquantaine au total) ; les verbes dits « accidentellement pronominaux » (comprenant les « pronominaux à sens passif »), un se facultatif. Cette opposition cache la dichotomie opératoire des verbes à se persistant (les « essentiellement pronominaux » plus les « accidentellement pronominaux » sémantiquement distincts de leurs homonymes sans se [p. ex., s’apercevoir = « prendre conscience » vs s’apercevoir = « se voir en un coup d’œil » comme apercevoir = « voir en un coup d’œil » ; se révéler = « faire ses preuves » vs se révéler = « se faire des confidences » comme révéler = « faire des confidences »…]) et des verbes à se caduc (le reliquat des « accidentellement pronominaux »). Pour repérer le donneur d’accord du PP d’un verbe à se persistant, la question pertinente est maintenant « Qui ou qu’est-ce qui s’est PP ? ». On aura donc : Pierre et Marie se sont révélés aux yeux de tous (« Qui ou qu’est-ce qui s’est révélé ? » ; réponse : « Pierre et Marie ») mais Pierre et Marie se sont révélé leur secret (« Qui ou qu’est-ce qui est révélé ? » ; réponse : « Leur secret »). Retenons qu’au fond le PP s’accorde comme un adjectif (en genre et en nombre) et non comme un verbe (en personne) ; il ne s’accorde donc ni avec le sujet ni avec le C.O.D. en tant que tels (fonctions liées au verbe) mais avec un donneur d’accord, qui se trouve être parfois sujet, parfois C.O.D. et parfois… autre chose.

Les propositions de rationalisation qui suivent visent, dans l’ordre, le PP employé seul, le PP conjugué avec l’auxiliaire avoir, le PP des verbes pronominaux. Elles s’inspirent de deux principes :

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tolérer les deux graphies envisageables chaque fois qu’il peut y avoir hésitation dans l’analyse (p. ex., sur la « nature » du PP [adjectif ou adverbe, ou préposition, ou… ?] ou sur l’identité du donneur d’accord [nom ou syntagme plus large ? C.O.D. ou sujet ?…]) ;

recommander (notamment dans l’enseignement) la forme qui parait aller dans le sens de l’évolution de l’usage. Justification. Le premier principe vise à recentrer l’analyse linguistique sur sa logique fondamentale et à en reconnaitre les flottements par une tolérance de la digraphie plutôt que de vouloir les réduire d’autorité par le formalisme de règles en cascade. Le second, à réduire l’écart entre les règles enseignées et les usages spontanés des locuteurs. La conjugaison des deux, à augmenter la cohérence de l’ensemble autant qu’à le simplifier.

1.

PP employé seul

Propositions

Lorsqu’il peut être pris soit pour un véritable PP (« adjectif ») soit pour l’équivalent d’un élément invariable, le PP employé seul pourra s’accorder ou non avec le nom auquel il se rapporte (question : « Qui ou qu’est-ce qui est PP ? »). On recommandera toutefois l’invariation du PP, à la fois plus simple et plus conforme à l’évolution actuelle de l’usage.

Tel est le cas pour • ci-annexé, ci-inclus, ci-joint, lorsqu’ils équivalent à peu près aux adverbes ci-contre, ci-dessus, cidessous… : Ci-annexé(e) la copie des pièces demandées ; Vous trouverez la copie des pièces demandées ciannexé(e). Vous trouverez ci-inclus(e) la copie du procès-verbal ; Vous trouverez la copie ci-inclus(e). Ci-joint(e) l’expédition du jugement ; Vous trouverez la copie ci-joint(e).

• attendu, excepté, mis à part, non compris, y compris, vu, etc. (franchi, ôté, passé, quitté, sonné…, auxquels on associera étant donné, formellement employé avec être), lorsqu’ils équivalent à peu près aux prépositions à cause de, à l’exception de, après, au-delà de, fors, outre, sans, sinon… : Attendu(es) les déclarations du prévenu, … Étant donné(s) les retards fréquents des trains, … Passé(e) la barrière, … Sonné(e) l’heure de la retraite, …

fini, terminé, acquis, etc., lorsqu’ils constituent une phrase équivalente à C’est fini… : 10


Fini(e), la plaisanterie ! ; Fini(es) les vacances ? ; L’amour, le soleil et la mer : fini(s) ! Terminé(es) les factures qui tombent mal : … ; Les primes généreuses ? Terminé(es) dès lors que… Acquis(es), les réductions d’impôts ? ; La victoire électorale : acquis(e), pour nous. Vraiment compliqué(e), l’orthographe !… ; La nouvelle orthographe ? Encore plus compliqué(e) ! Remarque. Pour le PP employé seul (comme pour l’adjectif), les places respectives du donneur et du receveur ne sont pas pertinentes pour l’accord ; on tolèrera donc les deux graphies, que le PP précède ou suive son support. Il va toutefois de soi qu’un PP qui suit son support ne peut pas être interprété comme une préposition (antérieure par définition) et demeurer invariable à ce titre : d’où La barrière passée,… et non *La barrière passé,… ; L’heure des adieux sonnée,… et non *L’heure des adieux sonné,…

2.

PP conjugué avec l’auxiliaire avoir

Propositions

Lorsque l’identification d’un donneur d’accord est syntaxiquement incertaine, le PP pourra s’accorder ou non avec le nom qui pourrait faire figure de C.O.D. antérieur. On recommandera toutefois l’invariation du PP, à la fois plus simple et plus conforme à l’évolution actuelle de l’usage.

Tel est le cas pour • couté et valu, quel que soit le sens de leur complément : Les efforts que sa maison a couté(s)/valu(s)… (évaluation morale) s’écrira librement comme Les dix millions que sa maison a couté(s)/valu(s)… (évaluation matérielle). Justification. Ces verbes donnent lieu à de grands débats entre spécialistes quant à la fonction exacte de leur complément (C.O.D. ou complément circonstanciel ?). On tolèrera donc les deux graphies qui répondent à cette double analyse. – On notera toutefois que, dans la logique générale de l’accord prônée ici, aucun donneur ne résulte naturellement des questions heuristiques « *Qui ou qu’est-ce qui est couté/valu ? » : ?Les dix millions/efforts coutés par sa maison… ou ?La médaille/gratification value à Paul par son courage… ; ce qui plaide en faveur de l’invariation du PP.

• les PP qui régissent un ensemble fait d’un nom et d’un infinitif, quels que soient les rapports logiques qui unissent ceux-ci : Les chanteurs que j’ai entendu(s) chanter…, aussi bien que Les chansons que j’ai entendu(es) chanter… Justification. La grammaire scolaire distingue les deux cas en partant de la recherche du C.O.D., non du PP, mais d’abord de l’infinitif. Menée à partir du PP, la recherche du donneur d’accord est incertaine. Question : « Qui/qu’est-ce qui est entendu ? » ; réponse : « Les chanteurs/Les chansons » ou « Chanter » ? On tolèrera donc les deux formes qui répondent à cette double analyse. – On peut toutefois estimer que la meilleure réponse à la question est l’ensemble « Les chanteurs chanter » ou « Chanter les chansons », ce qui plaide en faveur de l’invariation du PP.

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Remarque. Que l’infinitif soit prépositionnel ne change pas nécessairement l’analyse, ni, par conséquent, la proposition qui s’ensuit : Les chemises que j’ai donné(es) à repasser (question : « Qui/qu’est-ce qui est donné ? » ; réponse : « Les chemises » ou « Les chemises à repasser »).

• les PP dont le C.O.D. antérieur a un attribut, chaque fois que la suppression dudit attribut dénaturerait le sens de la phrase : Marie, nous l’avions cru(e) morte. Les sommes que Pierre a laissé(es) impayées. Justification. Comme dans les cas évoqués au point précédent, l’identité du donneur d’accord peut apparaitre incertaine. Questions : « Qui ou qu’est-ce qui est cru ? », « Qui ou qu’est-ce qui est laissé ? » ; réponses : « Marie » ou « (Que) Marie (était) morte » ? « Les sommes » ou « (Que) les sommes (soient) impayées » ? On tolèrera donc les deux formes qui répondent à cette double analyse. – On peut toutefois estimer que, dans bien des cas, la meilleure réponse à la question est l’ensemble C.O.D. + attribut, ce qui plaide en faveur de l’invariation du PP. Remarque. Les mêmes PP s’accordent en genre et en nombre, selon la règle générale, lorsque le donneur d’accord est indiscutablement le nom ou le pronom seul : Les documents qu’il a reçus propres sont aujourd’hui souillés. C’est en particulier le cas chaque fois qu’une préposition introduit l’attribut : Marie, nous l’avons choisie comme présidente ; Ils l’ont laissée pour morte. La différence entre formes accordées et formes invariées peut alors devenir porteuse de sens : Marie, je l’ai cru jeune (« j’ai cru qu’elle était jeune ») vs Marie, je l’ai crue jeune (« je l’ai crue quand elle était jeune »). Les nouveaux locataires, nous les avons laissé tranquilles (« nous ne les avons pas ennuyés ») vs … nous les avons laissés tranquilles (« nous les avons quittés apaisés »). Les traites que Pierre a laissé impayées (« qu’il a omis de payer ») vs Les traites qu’il (nous) a laissées impayées (« qu’il [nous] a abandonnées sans les avoir payées »). Je lui ai confié ma fille pendant le congé et il me l’a rendu malade (« il a été cause de sa maladie ») vs … et il me l’a rendue malade (« il me l’a ramenée malade »).

Proposition radicale Les options indiquées ci-dessus régularisent quelques anomalies mais laissent intacte la difficulté majeure — surtout pour des apprenants jeunes ou étrangers — qui nait de la différence de comportement du PP selon que le donneur d’accord le précède (p. ex. La pomme que Pierre et Marie ont partagée en deux…) ou le suit (p. ex. Pierre et Marie ont partagé la pomme en deux…). On ne peut dès lors en escompter un grand bénéfice dans l’enseignement. L’analyse des copies montre en effet que bon nombre d’erreurs procèdent d’une mauvaise identification du C.O.D. (notamment dans le cas des verbes construits impersonnellement : *Les chutes de neige qu’il y a eues cette nuit), de l’oubli du C.O.D. antérieur (*La pomme que Pierre et Marie ont partagé en deux…) ou, à l’inverse, d’une extension abusive de l’accord lorsque le C.O.D. suit le PP (*Les techniciens ont déchiffrés les messages de l’émetteur central). Or l’usage oral montre une tendance très nette à l’invariation généralisée du PP conjugué avec avoir (propension que manifeste aussi, à l’écrit, le droit de laisser invarié le PP dont le donneur d’accord est le pronom en : Les pommes, Pierre et Marie en ont mangé/mangées et de toute façon Pierre et Marie en ont mangé/*mangées, des pommes). Comme cet alignement du PP à donneur d’accord antérieur sur le PP à donneur d’accord postérieur ne semble pas entrainer de perte sensible pour la communication, une proposition radicale (qui, conformément à l’esprit général de l’entreprise, reste optionnelle), coiffant les précédentes propositions partielles, serait : LE PP CONJUGUÉ AVEC L’AUXILIAIRE AVOIR NE VARIE JAMAIS.

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3.

PP des verbes pronominaux

Propositions

1. Lorsque l’identification du donneur d’accord est incertaine, le PP d’un verbe « essentiellement pronominal », ou « accidentellement pronominal » et sémantiquement distinct de son homonyme, pourra s’accorder avec le sujet aussi bien qu’avec le C.O.D. antérieur. On recommandera toutefois l’accord avec le sujet, qui, dans la logique prônée ici, est la règle générale pour les pronominaux à se persistant (question : « Qui ou qu’est-ce qui s’est PP ?»).

Tel est le cas pour •

le PP du verbe s’arroger : Ils se sont arrogé(s) le droit de… ; Elles se sont arrogé(es) le droit de…; Les droits qu’il s’est arrogé(s)… ; Londres brise l’impunité que s’était arrogé Pinochet (La Libre Belgique, 19 octobre 1998). Justification. S’arroger est le seul verbe « essentiellement pronominal » à régir un C.O.D. La tradition grammaticale et le parallélisme de formules synonymiques comme Les droits/avantages qu’il s’est attribués/procurés… poussent à chercher dans celui-ci le donneur d’accord, mais les questions qui pourraient y conduire sont agrammaticales, aussi bien dans la procédure scolaire (« *Ils ont arrogé quoi ? ») que dans la pratique rénovée proposée ici (« *Qui ou qu’est-ce qui est arrogé ? »). C’est que s’arroger est ambivalent : la présence d’un C.O.D. l’apparente à se serrer (la main) tandis que le pronom se aujourd’hui persistant (sans doute depuis le XVIIe siècle) le range auprès des s’absenter, s’abstenir, s’acharner, s’adonner, se blottir, etc. (pour lesquels la question pertinente est « Qui ou qu’est-ce qui s’est PP ? », orientant vers le sujet).

les PP des verbes dont le sens varie selon qu’ils sont ou non munis d’un se : La situation que Pierre s’est figuré(e) (se figurer = « imaginer » vs figurer = « représenter »). Les satellites se sont aujourd’hui approprié(s) le ciel (s’approprier = « accaparer » vs approprier = « adapter »). Justification. Comme pour s’arroger, la présence d’un C.O.D. pousse à en faire le donneur d’accord, mais l’application des procédures habituelles est impossible, sauf à altérer le sens du verbe : « *Pierre a figuré quoi ? » ou « *Qui ou qu’est-ce qui est figuré ? », « *Les satellites ont approprié quoi ? » ou « *Qui ou qu’est-ce qui est approprié ? ».

2. Lorsqu’ils ne régissent pas de C.O.D., les PP des verbes « accidentellement pronominaux » et sémantiquement distincts de leurs homonymes pourront s’accorder avec le sujet ou demeurer invariables. Dans un souci de cohérence et de simplicité, on recommandera toutefois l’accord avec le sujet, qui, dans la logique prônée ici, est la règle générale pour les pronominaux à se persistant (question : « Qui ou qu’est-ce qui s’est PP ?»).

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Tel est le cas pour •

les PP des verbes se plaire, se déplaire, se complaire, se rire, quand ils sont pris dans un autre sens que les verbes simples correspondants : Elles se sont (com)plu(es) à dire du mal de tous les absents. Remarque. La tradition grammaticale a décrété l’invariabilité des PP plu, déplu, complu et ri malgré l’existence des deux séries non synonymiques plaire = « séduire » vs se plaire = « trouver du plaisir » (et non « se séduire »), déplaire = « rebuter » vs se déplaire = « être mal à l’aise » (et non « se rebuter »), complaire = « satisfaire » vs se complaire = « persister » (et non « se satisfaire »), rire = « laisser éclater sa joie » vs se rire = « se moquer » (et non « se décocher des sourires »). Ce faisant, elle crée une exception fondée sur une analogie abusive : pour la justifier, il faudrait en effet, en bonne logique linguistique, considérer que les verbes se plaire, se déplaire, se complaire, se rire sont toujours pourvus d’un se caduc, ce qui entrainerait les questions heuristiques « *Elles ont plu/déplu/complu/ri quoi ? » ou « *Qui ou qu’est-ce qui est plu/déplu/complu/ri ? », dont l’agrammaticalité interdirait l’accord avec le C.O.D. (absent) comme dans Elles se sont plu l’une à l’autre. Vers une seconde proposition radicale ? L’adoption de la proposition radicale relative à l’invariation généralisée du PP conjugué avec l’auxiliaire avoir risque d’entrainer, non seulement le non-accord de p. ex. *La pomme que Pierre et Marie se sont partagé…, mais celui de ?Marie s’est cru plus forte qu’elle n’était, ?Marie s’est vu morte, ?Marie s’est fait la championne de…, etc., dont on se demande s’il n’irait pas à contre-courant d’un certain usage. D’ou la tentation d’une seconde proposition radicale venant compléter la première : LE PP CONJUGUÉ AVEC L’AUXILIAIRE ÊTRE POURRA TOUJOURS S’ACCORDER AVEC LE SUJET. Les avantages concrets seraient appréciables. Des inconvénients n’en subsistent pas moins. Sur le plan théorique, la résolution oblige d’abord à fondre les verbes à se caduc dans le creuset des verbes à se persistant (tous les « verbes pronominaux » acceptant la question « Qui ou qu’est-ce qui s’est PP ? »). Observons ensuite que la consigne toucherait aussi le coverbe faire dans p. ex. *Marie s’est faite violer (un accord toutefois déjà fréquent à l’oral). En conséquence, la Commission ne croit pas pouvoir soutenir aujourd’hui cette proposition, qui pourrait, dans le long terme, faire l’objet d’un examen approfondi de sa conformité éventuelle avec l’évolution de l’usage (voir p. ex. la fréquence de *Marie s’est permise de…). Cette réserve laisse tout loisir d’adopter la proposition radicale n° 1 indépendamment de la proposition radicale n° 2. On notera que le rejet de celle-ci combiné à l’acceptation de celle-là force à choisir définitivement la procédure de découverte du donneur d’accord au moyen de la question « Qui ou qu’estce qui est PP ? » au lieu de la démarche traditionnelle consistant à trouver le C.O.D. par substitution de l’auxiliaire avoir à l’auxiliaire être (elle débouche sur l’invariation généralisée). Mais sans doute est-il souhaitable que la réforme de l’accord du PP s’accompagne d’une refonte en profondeur de la pédagogie grammaticale, qui pourra seule en assurer l’intelligence profonde et le succès durable.

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Annexe 2. Coup de sonde dans des copies d’élèves (Conseil supérieur de la langue française de la Communauté française de Belgique, Commission Enseignement de la langue française, pour l’Observatoire francophone du français contemporain. – G.L., déc. 2003)

Corpus disponibles D : 1600 « articles » d’élèves « à l’heure » de fin de 3e secondaire de transition, sur le thème « Présentez votre région à des lecteurs étrangers » ; épreuve passée en CFB en 1993 (et, parallèlement, en France, au Québec et au Nouveau-Brunswick : Groupe DIEPE, 1995) ; échantillon représentatif. É : 500 « lettres » d’élèves « tout venant » de début de 5e secondaire de transition, sur le thème « Plaidez auprès du bourgmestre pour que la commune dote la maison des jeunes de tel ou de tel équipement » ; épreuve passée en CFB en 2000 (évaluation commandée par le Ministère) ; échantillon représentatif. U : 5 x environ 200 textes d’étudiants entrant en Philosophie et Lettres, sur des thèmes divers (dissertation à partir d’une phrase de philosophe sur la passion, justification du choix de ses études, résumé-discussion à partir d’un article lu) ; épreuves passées aux FUNDP de 1999 à 2003 ; échantillons non représentatifs. À chaque fois, la longueur demandée était de 300 à 400 mots, soit une bonne cinquantaine de lignes. Ce sont donc, au total, plus de (3000 x 50 =) 150 000 lignes qui sont disponibles. Un des grands avantages de ces corpus est qu’ils ont déjà été corrigés en identifiant les erreurs d’orthographe dans les marges ; ils permettent donc un recensement rapide de ces erreurs. La représentativité de deux d’entre eux n’est pas non plus sans intérêt pour la généralisabilité des résultats. Enfin, leur étalement dans le cursus scolaire permettrait même, le cas échéant, une analyse longitudinale (bien qu’on puisse douter, a priori, de la rentabilité d’un tel essai). Par contre, les types de textes (article descriptif, lettre argumentative, dissertation…) n’apparaissent pas favorables à la production d’un grand nombre de passés composés (qui constituent la majeure partie des cas de PP visés par les propositions de la commission du CSLF). Dès lors, il ne semble pas judicieux de chercher à mesurer dans ces corpus le poids relatif des règles d’accord du PP dans le nombre total des erreurs relevées ; on se contentera donc, au moins dans un premier temps, d’enregistrer les erreurs touchant aux cas visés par la commission et d’essayer de voir si s’en dégagent des tendances générales. Coup de sonde effectué 300 copies (100 D, 100 É, 100 U), soit environ 15000 lignes. On n’a relevé ici que les erreurs touchant aux règles d’accord du PP visées par les propositions de la commission (à l’exclusion, par exemple, des cas simples de PP employé avec être, du type Marie est tombée) ; à toutes fins utiles, on en a identifié le corpus d’origine : (D), (É) ou (U). À ce stade, les exemples sont sans doute encore trop rares pour qu’on puisse en tirer des conclusions définitives ; il faudra donc approfondir l’enquête sur ces corpus et/ou la déplacer vers d’autres, plus riches en la matière. Il semble toutefois qu’on puisse déjà dégager certaines tendances et formuler de premières hypothèses. 1.

PP employé seul des types ci-joint, passé la barrière, fini les vacances etc. 15


2 erreurs seulement [et sans doute bien peu d’exemples dans les textes] : 1) Mise à part ces deux monuments, Mons est une petite ville… (D95) ; 2) Le commerce y est très peu pratiqué, exceptés une dizaine de magasins (D55).

Si l’on ajoute à l’exemple 1 un cas comme Il est clair qu’un tel matériel est très coûteux comptes tenus du nombres d’appareils (É13), qui ne relève pas exactement de la catégorie visée, on a l’impression que le rôle prépositionnel (ou adverbial, ou…) joué par le PP (ou par la locution dont il fait partie) ne suffit pas toujours à le mettre à l’abri de la tyrannie de règles d’accord mal maitrisées. L’ex. 2 est très différent. Les correcteurs de l’épreuve ont-ils eu raison de le sanctionner comme une erreur ? Oui, selon la tradition scolaire, qui accorde ici un rôle déterminant à l’ordre des éléments. Mais Le Bon Usage (257 b 1°, éd. 1994, p. 360) note que « L’usage est un peu hésitant » et cite quelques exemples où excepté est accordé avec un « donneur » qui le suit. Bel exemple de l’intérêt de la tolérance proposée par la commission, pour qui « les places respectives du donneur et du receveur ne sont pas pertinentes pour l’accord ».

2.

PP employé avec avoir 51 erreurs relevées.

2.1. Invariation attendue (i.e. sans COD, avec COD postérieur, avec COD antérieur mais masc. sg.) 2.1.1. Invariation, mais erronée 17 cas : 3) 4) 5) 6) 7) 8) 9)

J’ai récolter tout le bonheur possible (D26) ; Je ne regrette pas d’avoir quitter cette école (D76) ; La France a aussi déposer sa candidature à l’épreuve de football (D86) ; Elle a ériger de grands bâtiments (D89) ; Après avoir coloniser le Congo (D41) ; Notre souverain a fêter ses soixante ans (D52) ; La dernière chose dont je n’ai pas parler (D62) ;

10) 11) 12) 13) 14) 15)

Nous avons penser de mettre… (É17) ; Celles-ci nous ont beaucoup aider à… (É18) ; J’ai même discuter avec des Anglais (É73) ; Nous avons l’an dernier créer une pièce de théâtre (É77) ; J’ai penser à la possibilité de mettre un professeur à chaque table (É83) ; Je pense avoir soulever des points importants (É98) ;

16) 17) 18) 19)

Un autre aspect important m’ayant amener à mon choix (U14 ; signé : Cédric) ; Nous discuterons de gros points qui ont favoriser mon choix (U18) ; La culture américaine a peut-être changer de forme (U50) ; Lorsqu’il a comprit qu’il ne pourrait rivaliser avec la première puissance économique mondiale (U90).

En dehors des problèmes d’accord proprement dits, les confusions morphologiques – en particulier, celle des formes en -é/-er (qui déborde largement les cas de PP avec avoir !) – demeurent fréquentes jusqu’à l’université. Les propositions de réforme n’ont pas l’ambition d’y porter remède : les exemples ci-dessus, où l’invariation était attendue, ne semblent donc pas significatifs dans cette perspective. 16


2.1.2. Variation 15 cas : 20) C’est dans cette région que j’ai passée mon enfance [et où j’ai récolter tout le bonheur possible : cf. supra] (D26 : Aurore) ; 21) Une terrible tempête a inondée la région et a causée la mort de milliers de personnes (D24) ; 22) Bien des événements qui ont marqués son histoire (D49) ; 23) Après, ils m’ont tapés dessus (D73) ; 24) Sur leur pont ils ont écrits « Les Flamands sont chez eux » (D82) ; 25) 26) 27) 28) 29) 30) 31)

Ils ont trouvés quelques arguments (É25) ; Ils ont tous choisis une installation d’ordinateurs (É52) ; J’espère que mes arguments vous [= le bourgmestre] auront convaincus (É62) ; Des études ont révélés que… (É42) ; La plupart des gens de la commune a trouvés que le centre sportif était le mieux (É72) ; Vous avez trouvé d’autres solutions qui m’auraient échappées (É78 : Deborah) ; La commune de Fléron a convoqués tous les jeunes (É52) ;

32) Des films qui ont mieux marchés que certains navets (U48) ; 33) La menace de la culture américaine a toujours existée (U69) ; 34) Les caractéristiques de ces deux points de vue sont diamétralement opposées et ont donnés lieu à toutes sortes d’accusations naïves (U90).

En général, c’est l’accord avec le sujet qui semble dominer (ex. 20-30 et 32-34). Mais d’autres cas (ou interprétations) sont possibles : accord avec le COD postérieur (ex. 31), voire mélange d’accords ou contamination confuse par le contexte quand plusieurs de ses éléments présentent le même genre et/ou le même nombre (ex. 20-21, 25-26, 30, 32) ? Sans compter la possibilité que, parfois, pour le scripteur, il ne s’agisse nullement d’une question d’accord (cf. infra, 2.1.3)... Quoi qu’il en soit de ces interprétations, souvent incertaines, l’ensemble parait traduire, à la fois, une conscience forte qu’il y a des règles d’accord à appliquer et un manque profond de maitrise de celles-ci, bien plus qu’une tendance à l’esquive ou à la simplification (cf. 2.2.2). On remarquera que, la plupart du temps, la différence entre l’accord erroné et l’accord attendu n’est pas audible, ce qui interdit de prendre appui sur l’usage oral : c’est surtout quand le problème est purement orthographique qu’apparait la difficulté à maitriser les règles.

2.1.3. Interprétation douteuse 4 cas : 35) J’espère que ce récit vous aura plus (D15) ; 36) Je n’en aurai pas finis à cinquante ans (D83) ; 37) On y a recueillis une série de vestiges (D99) ; 38) Ayant longuement réfléchis aux aspects positifs, ma conclusion est que… (É42).

Dans certains cas, rien n’assure que la présence d’une marque morphologique, apparemment, de nombre ou de genre traduise un problème d’accord dans l’esprit du scripteur : les « pluriels » ci-dessus sont-ils dus aux divers compléments antérieurs ou postérieurs (c’est-à-dire, finalement, à une simple contamination de voisinage) ou, par exemple, à l’existence de PP en –is au masc. sg. (mis, pris etc.) ? Comment savoir si les erreurs dans les PP sont d’une autre nature que celles, si fréquentes ailleurs, 17


où le lexical semble l’emporter sur le grammatical (Un tissus, Une seule tribus, Parmis, Il fait tous pour sa commune… ; C’est normale, C’est vraiment géniale, Un argument subtile, Les moments utils… Sans parler du maquis des formes en [-é] : J’ai pu constaté que…, J’aimerais vous exposés…, Les avantages comme celui de retrouvez…, Les activités que vous proposés, Si les jeunes pouvaient se familiarisée avec ces techniques, etc.) ?

2.2. Variation attendue (i.e. avec COD antérieur masc. pl. ou fém.) 2.2.1. Variation, mais erronée 2 exemples : 39) Celles-ci pourraient devenir bien plus exaltantes que celles que l’on a acquise (É58) ; 40) La proposition que ces jeunes vous ont faites (É25).

La partie de l’accord attendu qui s’entendrait nettement à l’oral a été respectée, même si le PP a été tantôt (39) amputé de la marque (purement graphique) du nombre, tantôt (40) « enrichi » indument de celle-ci (sans doute sous l’influence du sujet proche). 2.2.2. Invariation 12 exemples : 41) Le souverain, lui, nous a toujours bien représenté lors de réunions… (D58) ; 42) 43) 44) 45) 46)

Pour les livres et certains dictionnaires, nous les avons acheté d’occasion (É96) ; Je vous remercie beaucoup de nous avoir consulté (É58) ; Les travaux [que l’on a préparée pour les élocutions] et que l’on a taper à l’ordinateur (É57) ; Les mêmes raisons que j’ai cité ci-dessus (É20) ; Une situation semblable à celle que j’ai connu ailleurs (É21) ;

47) Les études nous ont familiarisé et ouvert pour que nous puissions… (U26) ; 48) Nous sommes tous conscients que la culture américaine nous a envahit tout au long de ces cinquante dernières années (U78) ; 49) Cette histoire, les hommes nous l’ont raconté (U7) ; 50) La longue discussion que nous avons eu samedi (U45) ; 51) Tu m’as interrogé [signé : Laetitia] (U45) ; 52) Nous vivons aujourd’hui avec cette culture que nous ont apporté les États-Unis (U78).

De plus en plus fréquente à l’oral [À vérifier sur corpus !], l’invariation se manifeste aussi à l’écrit, mais un peu plus rarement (12 ex. ; peut-être 13 : cf. 2.2.3) que la variation abusive (15 ex., voire 19 ? Cf. 2.1.2 et 2.1.3) et, semble-t-il, surtout dans des cas où l’accord ne s’entendrait pas (ex. 41-44, 47-48) ou s’entendrait peu (ex. 45-46, 49-52). Elle n’apparait pas (encore ?) comme une solution de substitution en voie de généralisation dans le domaine de l’écrit, toujours dominé par la conscience (souvent confuse) de règles orthographiques contraignantes.

2.2.3. Interprétation douteuse 1 cas : 53) Les travaux que l’on a préparée pour les élocutions [et que l’on a taper à l’ordinateur] (É57).

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Doit-on interpréter préparée comme un féminin ? D’où venu ? Du complément qui suit (mais qui est au pluriel) ? La forme parallèle taper ne suggère-t-elle pas plutôt que l’on a ici deux cas, sinon d’invariation formelle, du moins d’absence d’accord, où se manifesterait, une fois de plus, la grande confusion qui règne dans la notation des formes en [é] ?... Comp. encore l’ex. 59.

3.

PP pronominal 14 erreurs.

3.1. Invariation attendue (i.e. avec COD postérieur, avec se COI, dans se plaire, se rire, etc.) 3.1.1. Invariation, mais erronée Aucune erreur relevée. 3.1.2. Variation 4 erreurs : 54) Quatre rois se sont succédés (D43) ; 55) Je me suis rendue compte que… (É41 ; signé : Caroline) ; 56) Nous nous sommes posés la question (É90) ; 57) Chacun de nos ancêtres se sont donnés du mal pour…(U7).

Les ex. 56-57, où apparait un COD nominal postérieur montrent bien qu’il s’agit ici, plutôt que d’une erreur sur la fonction du pronom « réfléchi », d’une extension abusive de l’accord avec le sujet, favorisée par le double cas du PP simple employé avec être (Elle est tombée) et du PP essentiellement pronominal (Elle s’est aperçue que…). Comp. les fréquents Elle s’est permise de…, Elle s’est faite mal, Elle s’est faite avoir… L’ex. 57 est ambigu : faut-il y voir un accord avec le second noyau du sujet ou une interprétation de chacun comme un pluriel (comp., dans les mêmes corpus, Il suffit que chacun fassent un pas, Des communes qui ont chacunes leurs bourgmestres, ou encore Tout le monde se basent sur…) ? On remarquera que ces accords sont inaudibles (ou peu audibles : ex. 55). 3.1.3. Interprétation douteuse 1 cas : 58) Je m’y suis toujours bien plus (É99).

Confirmation de l’ambigüité de l’ex. 35, où on ne doit pas nécessairement supposer un pluriel. 3.2. Variation attendue (accord avec le sujet) 3.2.1. Variation, mais erronée 1 exemple : 59) Des partis se sont formées (D18).

19


Erreur de genre ou confirmation de l’ambigüité de l’ex. 53 (-ée =-é) ?

3.2.2. Invariation 8 erreurs : 60) 61) 62) 63)

Je me suis renseigné (É42 ; signé : Aline) ; Combien d’élèves se sont déjà retrouvé bloqué dans un travail (É90) ; Nous nous sommes réuni pour examiner ensemble…(É58) ; Les jeunes de la commune se sont réunit pour décidé… (É52) ;

64) 65) 66) 67)

S’ils se sont jamais intéressé à quelque chose (U11) ; Des écrivains qui se sont battu (U1) ; S’est alors développé l’étude de… (U6) ; La France, elle, s’est aperçu tardivement des enjeux économiques de cette industrie américaine (U77).

La comparaison avec 3.1.2. fait apparaitre une curieuse inversion des règles, où l’absence de l’accord attendu avec le sujet est plus fréquente que l’accord abusif. Ici encore, les accords ne seraient pas (ou guère) audibles à l’oral. Dans l’ex. 66, en outre, le receveur précède le donneur d’accord.

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