Le sens grammatical. Référentiel à l'usage des enseignants.

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Dan Van Raemdonck, docteur en philosophie et lettres de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), est professeur de linguistique française (langue maternelle et langue étrangère) à l’ULB et à la VUB (Vrije Universiteit Brussel). Sa recherche porte sur la syntaxe de la phrase française et vise à développer une linguistique applicable.

gramm - r Le sens grammatical D. Van Raemdonck

Dans cette perspective, nous avons interrogé le savoir à transmettre, révisé le discours sur la langue afin de nous assurer de sa justesse – celui-ci ayant trop souvent été constitué en savoir presque en soi –, de sa cohérence et de son appropriabilité, et proposé une « linguistique applicable ».

avec M. Detaille et L. Meinertzhagen

L’appropriabilité du discours grammatical dépend, selon nous, de la réinstauration du sens. En effet, si le savoir a du sens pour l’apprenant, si le système présenté est organisé de manière cohérente et ne se réduit pas à une classification ou à un étiquetage décalés de l’usage et de la construction/interprétation de la signification, la grammaire, qui n’est dès lors plus orthocentrée, apparaitra plus en phase avec la langue telle que l’exploitent les divers usagers. Elle ne sera plus vue comme un discours abstrait et inappropriable car inadapté.

Marie Detaille est régente en français et licenciée en linguistique de l’Université Libre de Bruxelles. Lionel Meinertzhagen est maitre en langues et littératures françaises et romanes de l’Université Libre de Bruxelles.

ISBN 978-2-8076-0008-9

p.i.e. peter lang bruxelles www.peterlang.com

études de linguistique française

Dan Van Raemdonck avec Marie Detaille et Lionel Meinertzhagen

Le sens grammatical Référentiel à l’usage des enseignants Deuxième édition revue et augmentée

p.i.e. peter lang

ÉTUDES DE LINGUISTIQUE FRANÇAISE

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Ceci n’est pas une grammaire. Quoique. N’est-il pas présomptueux de vouloir rajouter une grammaire à la grammaire ? Cependant, les enseignants que nous rencontrons depuis plusieurs années maintenant ressentent et pensent la grammaire comme arbitraire et dogmatique, peu systémique. Leur attitude révèle une certaine insécurité face à la matière à enseigner. D’où la démarche entreprise de rédiger un référentiel grammatical à leur usage. Plutôt qu’une parole dogmatique, nous proposons un chemin progressif d’acquisition, comme en spirale.

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Le sens grammatical

Référentiel à l’usage des enseignants

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Deuxième édition revue et augmentée

P.I.E. Peter Lang Bruxelles · Bern · Berlin · Frankfurt am Main · New York · Oxford · Wien


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Dan Van R aemdonck avec Marie detaille et Lionel meineRtzhagen

Le sens grammatical

Référentiel à l’usage des enseignants

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Deuxième édition revue et augmentée

« Gramm-R. Études de linguistique française » N° 10


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Cette publication a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

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© P.I.E. PETER LANG s.a. Éditions scientifiques internationales

Bruxelles, 2015 1 avenue Maurice, B-1050 Bruxelles, Belgique www.peterlang.com ; info@peterlang.com Imprimé en Allemagne

ISSN 2030-2363 ISBN 978-2-8076-0008-9 ePDF 978-2-8076-0085-0 ePUB 978-2-8076-0084-3 Mobi 978-2-8076-0086-7 D/2016/5678/66

« Die Deutsche Bibliothek » répertorie cette publication dans la « Deutsche Nationalbibliografie » ; les données bibliographiques détaillées sont disponibles sur le site <http://dnb.ddb.de>.


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À mon père


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IM EN Sommaire

INTRODUCTION ....................................................................................... 11 INVENTAIRE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGNES ................................... 33 MODULE 1 Les classes de mots ................................................................................. 35 MODULE 2 L’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé ............................ 105

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MODULE 3 La conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux .............. 289 MODULE 4 Grammaire d’accord .......................................................................... 355 GLOSSAIRE ............................................................................................ 433

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FONDEMENTS THÉORIQUES .................................................................. 457 TABLE DES MATIÈRES ........................................................................... 475

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INTRODUCTION


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Un constat sans équivoque : l’inefficacité des modèles théoriques traditionnels

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Dans le triangle pédagogique Savoir-Enseignant-Apprenant, on a pris soin de questionner tous les rapports et relations entre les trois pôles, mais on a oublié, pour le français, de questionner le savoir grammatical, considéré par des didacticiens, non spécialistes de la grammaire, comme le donné quasi catéchistique à transposer didactiquement. Cependant, ce donné ne va pas de soi. Et la meilleure transposition didactique ne pouvant offrir que ce qu’elle a, si elle a pour départ des prémisses fausses, un savoir qui charrie scories et apories, elle ne pourra atteindre l’objectif légitime d’appropriation du système de la langue et des compétences linguistiques y afférentes. C’est sur cette question du savoir à transmettre – et, ipso facto, sur celle des modalités spécifiques de la transmission de ce savoir – que nous avons choisi d’intervenir1, pour montrer que le savoir pris comme point de départ ne permet pas d’accomplir la mission que l’on s’est assignée. Partant, la valeur de formation des esprits à la rigueur et à la logique que l’on associe souvent à l’apprentissage de la grammaire n’a plus de fondement.

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On ne peut ignorer par ailleurs la question de la représentation du savoir grammatical que se font, se sont coconstruite, les différents intervenants du processus d’enseignement. Tant l’enseignant que l’apprenant ont une image de la grammaire – généralement réduite à sa composante orthographique et morphosyntaxique – qui conditionne leur attitude ou leur intérêt à l’égard de ce savoir. Or le moins que l’on puisse dire est que cette attitude ne se caractérise généralement pas par un amour immodéré pour la chose grammaticale. En cause sans doute une vision, traditionnelle, normative, de cette matière, un discours inappropriable sur la langue, des options de formation plutôt littéraires, pour ne pas dire « artistes ». De ce fait, les leçons de grammaire française demeurent pour les enseignants autant que pour leurs élèves un mal nécessaire, une étude plate et ennuyeuse, en somme la rigoureuse affaire des plus doués et des trop dociles. Car ces leçons que nous connaissons tous entremêlent tableaux à mémoriser, terminologie multiple et sibylline, règles nombreuses et sans explication, exceptions variables, … Les acteurs du processus d’enseignement ne se sentent pas habilités par l’« Institution Langue » – on ne leur a jamais fait savoir ou sentir qu’ils l’étaient – à remettre en question le savoir ou même le discours sur le savoir. Résultat de cette attitude, il faut bien le dire, des stratégies d’évitement ou souvent 1

Le présent référentiel est le résultat d’une recherche menée à l’ULB, financée par le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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de transposition fidèle du discours dominant – sans parler des réponses meurtrières du style : « C’est comme ça », aux questions naïves, mais pertinentes, des élèves. Alors, quand les méthodes communicatives ont prôné un temps l’éviction du discours grammatical explicite, il était aisé de se ruer sur l’aubaine.

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Voilà qu’à la lumière des enquêtes Pisa2 sur les performances en matière de lecture, resurgit la grammaire et qu’elle s’invite comme une question fondamentale – sinon la question fondamentale – posée à l’enseignement-apprentissage des langues. Le discours grammatical explicite, la manière de rendre compte du code qu’est la grammaire, ainsi que la terminologie sont ainsi aujourd’hui reconnus comme des outils essentiels à l’appropriation réflexive d’une langue. Mais de quelle grammaire parle-t-on ? Quels outils convoque-t-on ? Qu’ils ne soient pas adaptés à leur objet, et c’est tout le processus qui est hypothéqué. Or force est de constater que la rigueur scientifique n’a pas toujours présidé à leur élaboration. L’élaboration du discours sur la langue est née de l’observation de l’écrit et d’une visée essentiellement orthographique de la pédagogie du français. Le poids de cet écrit se fait encore sentir aujourd’hui. Il nous faut dès lors totalement réinvestir le champ de la description grammaticale pour la rendre plus adaptée à son objet, la rendre plus pédagogique que prescriptive, deux termes trop souvent associés. Il est vrai que la tradition française est très normative. Il importe donc que les linguistes et grammairiens de langue première revisitent la grammaire pour la rendre plus appropriable et pour permettre une meilleure maitrise de la langue. De tels exemples de réécriture nécessaire de la grammaire sont légion. Ils permettent également de rendre compte qu’une grammaire sans trop de terminologie est possible. En effet, la terminologie interfère entre le fond et la forme, elle est un filtre qui, s’il opacifie les liens, risque de les briser. S’efforcer de la réduire au strict minimum est une tâche qui incombe aux grammairiens. Il importe donc de se mettre au travail. En français langue maternelle, l’enseignement de la langue procède par explicitation d’un système que l’apprenant possède pour une grande part à son entrée dans le parcours scolaire. Il s’agit donc du plaquage d’un discours censé décrire et expliquer ce qui se fait par ailleurs naturellement. La grammaire convoquée, reposant sur une tradition volontiers normative et morphosyntaxique, n’a pas pour but d’apprendre à parler. Elle est centrée sur l’écrit, plus particulièrement l’orthographe, et sur la description-prescription des parties du discours et des fonctions syntaxiques au sein de l’unité phrase, la progression n’étant pas guidée par 2

Quelles que soient les réserves émises à l’égard de la méthodologie de ce type d’enquêtes, les résultats ne peuvent nous laisser indifférents et appellent une réaction.

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les besoins de l’apprenant, mais par la nécessité de proposer un pseudosystème dans son intégralité, partie par partie et fonction par fonction, selon un programme étalé sur les années d’études successives. Le tout, avec comme horizon le style des bons auteurs (c’est-à-dire, ceux qui écrivent en respectant les règles du « bon usage »…). Cette grammaire formelle apparaitra, plus souvent qu’à son tour, éloignée du système pratiqué par l’apprenant : n’oublions pas que le recopiage n’est pas la moindre des recettes des manuels, surtout quand le savoir a atteint le statut de dogme depuis la moitié du XIXe siècle. Soyons de bon compte : on observe çà et là quelques concessions à la modernité linguistique. Cependant, le recours, souvent essentiellement cosmétique, à l’innovation théorique (les arbres de Chomsky, par exemple) se fait sans vérification ni souci de compatibilité. Les errements du discours proposé n’ont cependant que peu d’impact sur un apprenant de langue première : il connait son système et celui-ci est apte à se construire indépendamment des élucubrations grammaticales des manuels. Cependant, ce discours erroné pourra donner le sentiment d’étudier une langue seconde, voire, pire encore, une langue morte, coupée de ses racines et de toute possibilité d’évolution. Ce discours est non seulement stérilisant, mais également responsable des attitudes de rejet décrites plus haut. Ce qui s’impose d’urgence – à côté de certaines préoccupations de transcription, mais remises à une plus juste proportion – est un retour du discours réflexif sur les pratiques langagières ainsi que le développement des compétences d’écoute et de parole, trop négligées par rapport à celles de lecture et d’écriture. Apprendre effectivement à encoder et produire un discours, ainsi qu’à en décoder, voire décrypter, un autre, en tenant compte de la situation de communication, requiert des compétences qui ne se construisent pas par la seule pratique scolaire du discours grammatical traditionnel.

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Il s’agirait de rendre enfin les usagers conscients de leur responsabilité de producteurs-récepteurs de langage. La grammaire normative et scolaire a beau prescrire et proscrire, ce n’est ni une grammaire de production ni une grammaire explicative. C’est tout au plus une grammaire de reproduction, de reconnaissance et de réécriture. Elle omet de dire à l’usager qu’il est responsable de ce qu’il veut exprimer et qu’il dispose pour ce faire de différents moyens dont il peut user librement. Un des objectifs de l’enseignant sera donc de faciliter la réappropriation par les usagers de leur langue, de leur droit de parole, via la réappropriation du discours fait sur la langue. La langue ne saurait être étudiée comme une langue seconde ou une langue morte.

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Or, ce que nous remarquons encore trop souvent, c’est l’illustration de l’adage « Quand le poète montre une étoile du doigt, l’imbécile regarde le doigt ». De fait, il semble que l’on attache plus d’importance au doigtrègle qu’à l’étoile-signification. L’appropriabilité du discours grammatical dépendra de la réinstauration du sens. En effet, si le savoir a du sens pour l’apprenant, si le système présenté est organisé de manière cohérente et ne se réduit pas à une classification ou un étiquetage décalés de l’usage et de la construction ou de l’interprétation de la signification, la grammaire apparaitra plus en phase avec la langue telle que l’exploitent les divers usagers, et ne sera plus vue comme un discours abstrait inappropriable car inadapté.

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On n’insistera jamais assez sur la nécessité du réinvestissement du linguiste dans les cours de langue, tant première que seconde ou étrangère. Non pas pour y imposer un enseignement linguistique ou grammatical technique et stérile, mais pour veiller à ce que l’objectif d’acquisition des compétences linguistiques nécessaires à la maitrise de la langue soit atteint, tant à l’oral qu’à l’écrit, grâce à des outils performants et surtout appropriables. Il ne s’agit pas ici, on l’aura compris, d’une tentative de colonisation de la didactique par les grammairiens. Il s’agit tout au contraire de permettre à chacun d’apporter ce que sa discipline a de meilleur pour concourir à l’objectif visé : la maitrise des compétences lire-écrire-écouter-parler. Dans cette collaboration, il incombe au linguiste d’interroger le savoir à transmettre, de réviser le discours sur la langue, de s’assurer de sa justesse (le discours sur la langue ayant été constitué en savoir presque en soi), de sa cohérence et de son appropriabilité, de proposer une « linguistique applicable ». La transposition didactique de ce savoir revient au didacticien et aux enseignants. Cela aboutira à une formule qui allierait un « moins de grammaire » (là où le discours grammatical, la terminologie, la formalisation ne s’avèrent pas nécessaires, voire pourraient être contreproductifs) à un « mieux de grammaire » (là où un réel besoin se fait sentir, pour une appréhension plus adéquate de la matière grammaticale et un apprentissage de la réflexion grammaticale à des fins de mieux écrire et de mieux parler). Pour mettre en pratique ces principes, nous avons conçu un programme de recherche qui se déroule depuis 2003 en plusieurs étapes3.

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Voir Dehon C., Van Gorp D. & Van Raemdonck D. (2004), Van Raemdonck D. & Detaille M. (2008, 20092) et Van Raemdonck D., Detaille M., Brohé S. & Meinertzhagen L. (2009-2010), Van Raemdonck D. & Meinertzhagen L. (2010-2016).

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La première étape de notre recherche a intégré une enquête auprès des instituteurs, des régents et des formateurs de formateurs en Hautes Écoles4. Elle a permis de mettre au jour un certain malaise face à la question grammaticale (un rapport autoritaire, mais conflictuel au fond, à la grammaire et son enseignement) et une réelle demande de nouveaux outils. Les causes de ce malaise, avancées par les représentants de l’institution scolaire, sont éparses et concernent notamment la grammaire en tant que branche scolaire normative en laquelle on croit (la dictée et les exercices systématiques font partie du catéchisme) : on doit l’apprendre et faire montre de sa foi dans quelque chose qui nous dépasse, qu’on ne comprend pas complètement, dont les nomenclatures sont disparates, et qu’on préfère admettre à défaut de pouvoir l’expliquer entièrement. Ensuite est identifié comme cause à l’insécurité le manque de référentiels et de manuels valables : il s’agit de la grammaire en tant qu’objet livre inaccessible, peu pratique, pas assez complet et inefficace immédiatement. Ces manquements dépendent directement des lacunes de la théorie grammaticale, avec les quelques modèles sous-jacents en vigueur actuellement, ainsi que leur terminologie protéiforme et indigeste. La confusion est considérable et génère des incertitudes que les enseignants considèrent pour certains comme illégitimes (et qui engendrent donc une certaine gêne), précisément parce qu’ils ont adopté l’idée que la grammaire est bien conçue et que s’ils ne la maitrisent pas, c’est leur compétence intellectuelle et professionnelle qui est en jeu. En fait, la cause est double : d’un côté, la grammaire traditionnelle n’est effectivement pas entièrement domptable, et la maitriser relève du mythe de Sisyphe ; mais d’un autre côté, certains enseignants avouent bel et bien manquer d’une maitrise basique de cet objet, fleuron de leurs leçons, ce que confirment leurs formateurs.

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Il est apparu que les enseignants avaient un besoin criant de documents de référence. D’où la rédaction d’un référentiel grammatical qui s’attache, au moins au niveau du fond(s) théorique et de la terminologie, au respect des recommandations fournies antérieurement.

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Voir notamment Dehon C., Van Gorp D. & Van Raemdonck D. (2004), Recherche sur les outils pédagogiques de soutien pour une meilleure maitrise du fonctionnement de la langue, en vue d’accéder à la maitrise des compétences Lire-Écrire-Écouter-Parler.

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Une volteface grammaticale : la rédaction d’un nouveau référentiel

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Ainsi, c’est le constat d’une inconsistance scientifique et d’une inefficacité opératoire5 des grammaires scolaires qui nous a amené à opter pour un changement radical, sans demi-mesure, dans l’approche de la grammaire de la langue maternelle. En concevant ce référentiel, nous nous sommes donné un défi : réaliser un compromis abouti et sans compromission entre science linguistique de pointe et didactique moderne du français. Les bases scientifiques de cette réflexion reposent sur nos travaux en morphosyntaxe (voir, entre autres, Siouffi G. & Van Raemdonck D., 100 Fiches pour comprendre les notions de grammaire, Bréal, 2007, 200142), notamment à partir et dans la lignée de ceux de Marc Wilmet (voir à la fin de l’ouvrage, les Fondements théoriques).

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L’objectif premier de la démarche est de rendre la langue de Zazie et de Voltaire accessible à tous et manipulable sans inhibition ou hypercorrection, grâce à des propositions d’aménagements de la grammaire traditionnelle, afin d’amener chaque enseignant et chaque élève à comprendre véritablement les rouages de sa langue. En effet, l’approche que nous proposons dans ce référentiel est une approche descriptive qui désacralise la norme séculaire, en lui rendant sa place d’usage particulier, de référence, non pas par esprit d’opposition au communément admis, au traditionnellement établi, mais parce que la langue évolue. Notre langue est plus que jamais vivante, et le modèle qui en dévoile le système formel et les règles de fonctionnement doit être adapté à ses nouvelles rondeurs. Il n’est plus question aujourd’hui de surimposer à la langue que nous parlons une grille d’analyse qui la fasse rentrer dans des cadres trop étroits et de toute éternité inadaptés à l’appréhension qu’en ont intuitivement ses locuteurs actuels. L’idée est de rendre du sens à l’analyse de la langue, de mieux cerner les significations des assortiments phrastiques et des tressages langagiers du quotidien pour mieux en saisir le fonctionnement, en permettre un décodage plus systématique, et inversement de donner des outils pertinents pour permettre un encodage plus conforme aux intentions du locuteur. Il ne s’agit pas de prétendre faire découvrir leur langue aux natifs, qui la connaissent et la pratiquent6, mais bien de 5 6

Confirmée par les résultats médiocres des enquêtes PISA en matière de lecture. Nous ne méconnaissons pas le fait qu’aujourd’hui, dans les classes, un certain nombre d’élèves ne parlent aucune des langues nationales comme langue maternelle. Nous avons cependant la conviction que le discours grammatical proposé ici, et qu’il appartiendra à l’enseignant de transposer didactiquement dans sa classe, est plus à même que le discours grammatical traditionnel de les conduire à une compréhension de la langue, et, partant, à sa plus grande maitrise.

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les mettre à distance réflexive de cet objet afin de leur faire appréhender le système qui la régit. Il est une évidence que l’éveil au systémique, à l’organisation logique et sensée, à la formalisation naturellement réglée d’un ensemble cohérent, est bien plus porteur et formateur que l’éveil à l’arbitraire d’un étiquetage opaque et à l’apprentissage par cœur.

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On ne parle pas pour ne rien dire. On le dit bien souvent. Dès lors, lorsque l’on parle, lorsque l’on écrit, notre intention est théoriquement de transmettre une information, de communiquer à autrui (ou à soi-même dans le cas d’un journal intime) un message qu’il aura à interpréter. Ce message dit quelque chose du monde qui entoure celui qui parle, représente ce monde, ou essaie d’agir sur lui. Il rend compte d’un point de vue posé sur le monde et le traduit en mots à des fins tantôt utilitaires de transmission de message ou d’action sur le monde, tantôt gratuites, plus esthétiques. Dans le monde qui nous entoure, nous distinguons des entités, des objets (personnels, animés ou non), nous les regardons en telle manière que nous les mettons en relation les uns avec les autres. Nous émettons des jugements à leur propos, les décrivons, les précisons. Nous parlons de situations, de faits, nous développons des points de vue à leur propos, nous défendons ces points de vue, les argumentons. Bref, nous sommes bavards… Nous enchainons les phrases, les paragraphes, construisons des textes, voire des livres. La grammaire d’une langue essaie de rendre compte du fonctionnement de celle-ci, en décrivant notamment les règles qui régissent l’organisation et la combinaison des mots entre eux. Un manuel constitue une introduction à une manière de dire cette grammaire. En effet, la grammaire pour la grammaire est de peu d’intérêt pour un élève. Les activités d’étiquetage ou de formulation pratiquées souvent pour elles-mêmes sont peu enrichissantes et ne permettent guère d’envisager la plus-value d’une analyse grammaticale dans l’interprétation d’un message. Notre volonté a été de restituer à la grammaire son pouvoir explicatif, en réduisant au maximum la terminologie et en recentrant le discours grammatical sur les mécanismes à l’œuvre lorsque nous communiquons. La plupart du temps, nous choisissons de parler à propos de quelque chose. Ce quelque chose est la base d’un développement plus ou moins long : nous apportons de l’information à propos de ce qui peut être vu comme un support. On pourrait considérer que tout acte de langage consiste en la mise en relation d’un apport de signification à un support de signification. Cette relation apport-support est l’élément primordial de 19


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la communication. Dès lors, pour pouvoir rendre compte de la communication, il nous a semblé essentiel de retrouver sous tous les mécanismes grammaticaux cette même relation apport-support de signification. C’est ainsi que nous la verrons à l’œuvre jusque dans la grammaire d’accord où l’apport transmet une information à propos du support, lui confère un élément de signification supplémentaire. En retour, le support transmettra à l’apport les marques morphologiques de ses catégories grammaticales spécifiques (le genre et le nombre pour l’accord de l’adjectif ; la personne et le nombre pour l’accord du verbe, …). Toute la grammaire d’accord se résume en fait à la mise en évidence de cette relation entre apport et support. Elle ne doit pas s’encombrer d’un pseudo-système de fonctions pour être décrite. Il en va de même lorsqu’il s’agit d’expliquer la spécificité des différentes classes de mots, ainsi que les différentes fonctions de ces mots dès qu’ils sont intégrés dans une phrase ou dans un texte. Ce qui est en jeu, c’est la mise en évidence des relations entre les mots dans une phrase. La phrase est vue comme un réseau de relations apport-support ; le texte comme un réseau de phrases. C’est cet écheveau qu’il faut démêler et décrire, afin de permettre d’encoder le sens que l’on cherche à transmettre et de décoder celui qui a été transmis.

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La méthode d’enseignement que nous préconisons repose donc sur un principe assez simple : « Moins mais mieux de grammaire, et plus tard »… En fait, si la réflexion sur la langue peut être menée assez tôt, par des jeux d’observation, de manipulations, de collections de mots…, l’utilisation d’un discours grammatical, d’un métalangage spécifique, ne doit pas être prématurée. Ce qui importe, c’est que les élèves puissent percevoir les mécanismes de construction du sens à l’œuvre dans les productions langagières. Pourquoi dès lors proposer un référentiel de discours grammatical, qui contient une terminologie par endroit nouvelle et qui pourra apparaitre comme un manuel de plus, perturbant l’ordre établi de surcroit ? Le référentiel que nous proposons est destiné aux enseignants. Il est censé leur donner une vision progressive et systématique de la langue, avec dans toute la mesure du possible, une explication, certes théorique, des enjeux de la production phrastique. Il ne sera pas exempt de terminologie, mais cette dernière se veut éclairante, la plus économique possible, au plus près des mécanismes ou des phénomènes dont elle a à rendre compte. Libre aux enseignants de l’utiliser en classe. Cependant, nous conseillons fortement, au moins dans l’enseignement primaire (6-12 ans), de faire le plus possible l’économie de termes qui pourraient constituer autant de filtres opacifiants, et de n’utiliser que ceux qui apportent

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réellement à la compréhension des mécanismes étudiés pour construire ou interpréter le sens en jeu. Cela signifie également que certains termes que nous proposons dans ce référentiel ne doivent pas forcément franchir le seuil de la classe : on peut rendre compte des phénomènes ou mécanismes qu’ils recouvrent à l’aide de paraphrases explicatives si le terme semble trop ardu. Par exemple, si le terme « extension » passe difficilement, on peut le rendre par sa définition : ‘ensemble des objets du monde auxquels un mot peut être appliqué’ ; nous avons nous-même glosé le terme d’« incidence », hérité de Gustave Guillaume, par sa périphrase ‘relation entre un apport et son support de sens (terme ou relation)’. De même, s’il semble difficile de parler de « déterminant du noyau du groupe déterminatif verbal », on peut s’en tenir à « déterminant du verbe », voire, au niveau de l’enseignement primaire, à « apport du verbe ». Pour notre part, nous avons cherché à cerner au plus juste l’objet décrit, mais nous comprendrions que, tout en gardant à l’esprit que nous ne pouvons rien enseigner que nous sachions faux, une simplification puisse s’avérer utile. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas entretenir l’illusion d’une possible terminologie parfaite. Contrairement à ce que l’on croit parfois, le discours grammatical n’est pas uniforme (quand bien même on aurait essayé de le rendre tel) : il dépend pour beaucoup du regard, du point de vue que l’on porte sur l’objet (et les grammairiens et linguistes sont assez nombreux…), de la manière d’appréhender le système, … Prétendre à LA terminologie est un leurre et serait une publicité mensongère. Tout au plus, une communauté peut-elle décider d’adopter une terminologie par convention, et non comme un dogme. Nous ne serions pas le moins du monde allergique à ce que les élèves produisent eux-mêmes, à l’issue d’observations guidées par l’enseignant, leur propre terminologie, à condition qu’on leur fasse comprendre le caractère relatif du code ainsi adopté, et donc la possibilité de le voir évoluer au cours de leur cursus scolaire. Il faudrait néanmoins veiller à fournir, en fin de primaire, un code commun (par exemple, celui adopté par la communauté), afin que, dans le premier cycle du secondaire, les élèves puissent se comprendre même s’ils sont issus d’écoles diverses. Ce code pourra dès lors être compris non comme un dogme, mais comme une construction conventionnelle. Cet outil, à destination de l’enseignant, lui propose un modèle, un « tout se passe comme si ça se passait comme ça » : pas de vérité vraie, à laquelle personne n’a accès, mais une construction systé(mat)ique qui semble bien fonctionner de manière isomorphe à notre langue. Ainsi, une fois reconstruite cette vision du système, l’enseignant pourra sélectionner les informations nécessaires à son enseignement à l’étape où il intervient, tout en étant capable de l’inscrire dans le tout global qu’est le système du 21


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modèle proposé. Il pourra transposer didactiquement ces informations de la manière la plus adaptée (en termes de concept, de terminologie, …), en fonction du public (de son âge, …) qu’il a devant lui. Nous avons opté pour un système qui puisse être exploité durant toute la scolarité, mais nous n’en avons pas établi les variantes didactiques en fonction de la diversité des publics. Le travail de transposition didactique reste celui de l’enseignant. Puisque notre langue est notre premier outil de communication, il est utile de se rendre compte que la production d’un énoncé n’est que le pendant verbal concret du vouloir-dire déjà présent dans la pensée. Le modèle proposé dans ce référentiel vise à réinstaurer du sens dans la description des mécanismes, à construire des ponts, à rétablir le lien entre cette pensée et la chaine de sons ou de graphèmes qui la matérialise. Comprendre ce lien est la pierre angulaire de tout apprentissage en langue maternelle ou dans quelque langue moderne que ce soit. Constatant que leur intuition de natifs, souvent plus proche de celle des linguistes que des discours des grammairiens traditionnels, se reflète dans la théorie que nous proposons de leur enseigner, les enfants et les adolescents pourront progressivement, âge par âge, chacun à la mesure de ses capacités d’abstraction, retrouver la confiance nécessaire à l’abord d’un acte de parole ou d’écriture.

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L’organisation du référentiel

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La grammaire fournit en général le découpage de la chaine parlée et écrite en mots, distribués en classes (ou « parties du discours »). Les critères selon lesquels furent discriminées ces classes ont évolué avec les siècles ; les classements obtenus ont été l’objet de critiques relevant leur caractère peu systématique. À l’heure actuelle, il apparait qu’aucun référentiel n’offre de critère suffisamment univoque et stable pour la discrimination de toutes les classes7 de mots ; il est difficile d’y trouver une réelle définition en intension qui soit claire pour chaque partie de langue. Par ailleurs, en plus d’être sibyllines, les définitions des classes traditionnelles sont basées sur des critères hétérogènes : sémantique pour le nom (mot qui s’utilise pour une personne, un objet, un animal, …), morphologique pour l’adverbe (mot invariable), positionnel pour la préposition… De même, les pseudodéfinitions notionnelles abondent mais sont peu adéquates pour décrire linguistiquement le mécanisme de discrimination sous-jacent. Par exemple, dire qu’un verbe = une action est une forme de paradoxe en soi, puisque le terme même d’action décrit une action, alors que c’est un nom. 7

Nous choisissons le terme de « classe » en lieu et place de celui, trop essentialiste, de « nature ».

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Dans certains référentiels récents, un des critères retenus pour le classement est le critère morphologique : la variabilité ou non des mots. Ce critère discrimine les mots fléchis (flexion en genre, nombre, personne, temps, mode, aspect) des non-fléchis (pas de flexion : adverbe et mot de liaison). C’est un premier critère de repérage pertinent et intéressant, mais qui ne peut être considéré comme suffisant pour l’explication ou la définition d’une classe. Finalement, rien ne permet de comprendre fondamentalement ce qu’est une classe, si ce n’est, comme on l’entend souvent répéter dans les écoles, « ce qui figure à côté d’un mot dans le dictionnaire, ce qu’il est en dehors de sa fonction ». Définition approximative et sans conteste insuffisante dès qu’on la confronte à la réalité des usages linguistiques. On ne peut en effet affirmer qu’un item doit appartenir définitivement à une et à une seule classe quand des mots comme tout peuvent être tour à tour nom (le tout), pronom (Tout va bien), déterminant (tout livre) ou adverbe (un tout petit peu) … sauf si l’on considère que ce sont des mots distincts ! Il est pourtant possible, en adoptant un regard presque naïf sur sa langue, assez proche en fait de celui de l’enfant qui regarde l’objet langue sans avoir l’esprit préformaté par des années de discours grammatical dogmatique, de percer le mystère de l’établissement des classes de mots. En effet, cette organisation n’est pas une grille formatant la langue de l’extérieur, mais bien un système inhérent à celle-ci, qu’il convient d’identifier, de comprendre et de nommer. Le premier module de ce référentiel, consacré aux classes de mots, s’efforce de rendre claire l’organisation des mots.

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En ce qui concerne les fonctions, la grammaire traditionnelle, en plus de n’en répertorier qu’un certain nombre limité, tout en faisant fi de moult mécanismes, ne permet d’entrevoir aucun système, aucune unité dans les fonctions que peuvent endosser les mots et groupes. Par ailleurs, elle multiplie les incohérences et « impertinences » terminologiques. L’analyse syntaxique de la phrase a été en effet traditionnellement réduite à l’étude du système des fonctions. Or, le système fonctionnel du français tel que présenté habituellement n’est pas à proprement parler un système. Il n’est pas hiérarchisé, ni organisé autour d’un critère unique ; les fonctions ne se définissent déjà que très peu par elles-mêmes, encore moins par le lien systématique qu’elles entretiennent les unes avec les autres. La distinction entre les différents types de compléments n’est pas toujours claire : dans des phrases comme Pierre habite Paris ou Pierre va à Paris, on ne sait pas si Paris ou à Paris sont des compléments circonstanciels ou des compléments (d’objet) du verbe. De même, le code de terminologie en vigueur en Fédération Wallonie-Bruxelles a-t-il oublié 23


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

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de traiter les cas comme Pierre mange son poulet avec les doigts ou Pierre tombe mal : difficilement traitables comme compléments (in)directs du verbe ou comme compléments de phrase, ces anciens compléments circonstanciels (ici de moyen ou de manière) rattachés ordinairement au verbe sont en effet les grands absents de la grille des fonctions adoptée en 1986-1989. Les grammairiens s’efforcent, en fait, d’articuler les fonctions de la même manière que les classes de mots. Ce faisant, ils sont amenés à en organiser la description autour d’un centre : le verbe qui n’a selon eux d’autre fonction que d’être la base de la phrase. En réalité, cette méthode permet de répondre à des questions que posait la grammaire d’accord. Avec quoi accorde-t-on le verbe mange dans Pierre mange une pomme ? Avec le mot qui répond à la question « qui est-ce qui mange la pomme ? », qu’on appelle traditionnellement « sujet » (nous l’appellerons noyau de phrase). De même, le complément d’objet direct est indispensable à l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir : dans La pomme que Pierre a mangée…, le participe passé s’accorde avec le complément d’objet direct que, mis pour la pomme. Il s’agissait de ne pas confondre ce complément régisseur d’accord avec le complément circonstanciel direct8 de, par exemple, Cette nuit, j’ai bien dormi. Le système fonctionnel habituel permet donc (et ne permet que ça) de rendre compte de nombreuses règles d’accord. En outre, traditionnellement, l’opposition adverbe/adjectif s’inscrit dans un cadre structurel plus large, où ces parties du discours se partagent, en emploi, les autres parties du discours avec lesquelles elles entretiennent des liens de dépendance. Ainsi, l’adjectif se rapporterait au nom, et l’adverbe à l’adjectif, au verbe ou à un autre adverbe, le tout, dans des relations systématiquement décrites comme T1 ß T2, où le terme T2 se rapporte au terme T1. Dans ce cadre, c’est d’ailleurs quasiment par ce seul trait syntaxique (hormis la sacrosainte invariabilité) que se définit la partie du discours « adverbe ». Que faire dès lors des cas suivants, où le verbe est plus que taquiné par l’adjectif : Cette femme est séduisante (déterminant du verbe copule, traditionnellement attribut du sujet) ; Même cardiaque, il mourra vieux (prédicat second difficilement rattachable directement au noyau de la phrase, car il serait sous la portée d’une négation) ; Il a fait deuxième ; Il fait chaud/très beau/tout blanc ; Il a beau dire, il en sait plus long qu’il ne le prétend (compléments du verbe ?) ; Il vote utile, bronze idiot, mange italien et roule japonais ; Il parle clair et net (ceux que l’on 8

Nous tenons là une preuve que le système fonctionnel du français était clairement orienté vers l’orthographe : on a distingué deux compléments du verbe, direct et indirect, l’accord du participe passé se faisant avec le seul complément direct. Mais on n’a pas jugé nécessaire de distinguer un circonstanciel direct d’un circonstanciel indirect : cette distinction ne résolvait en effet aucune question d’accord.

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appelle « adjectifs adverbialisés » ; pourtant, ils ne se comportent pas comme les adverbes clairement ou nettement, qui eux ne caractérisent pas le résultat, mais le processus, et engendrent donc un effet de sens différent). Que dire encore des adjectifs qui se rapporteraient à d’autres adjectifs : Une porte bleu foncé (c’est le bleu qui est foncé) et des fenêtres grandes ouvertes ; Des enfants derniers-nés. Sans oublier l’adjectif bref, qui semble parfois se rapporter à une phrase dans Bref, tu as encore oublié ton rendez-vous. De même, nous ne pouvons qu’observer que ce que l’on a pris l’habitude d’étiqueter adverbe déborde des cadres corsetés. C’est ainsi que l’on trouve, dans l’optique quasi unanime où l’adverbe se rapporterait à des constituants, des adverbes dont on ne peut dire autre chose si ce n’est qu’ils se rapportent à : des verbes (il court vite), des adjectifs (c’est très bon), des adverbes (c’est très bien) ; mais également à des présentatifs (voilà bien une histoire belge), des connecteurs subordonnants ou des groupes déterminatifs connectifs (il est juste devant la porte), des connecteurs enchâssants ou des sous-phrases enchâssées (juste avant qu’il ne parte), des connecteurs coordonnants (et donc, et/ou surtout, et/ou même), des interjections (eh bien, merci bien) ; encore à des adjectifs numéraux (il a quelque/à peine/presque/juste vingt francs en poche), des adjectifs personnels et déictiques (il a mangé toute son assiette, il a travaillé toutes ces années), des adjectifs articulaires (il a bien des ennuis, il a toute la vie devant lui, il en fait tout un plat) ; et enfin, contre toute attente « traditionnelle », à des pronoms (même lui/lui aussi est venu, c’est tout lui), des noms propres (c’est tout Pierre, le tout Paris), des noms communs en position attribut (elle est très femme, il est très café, tout gens du monde qu’ils prétendent être…, quelque princes que vous soyez…, être tout feu tout flamme), certaines expressions figées (avoir très faim), certains noms communs déadjectivaux ou déverbaux (la presque/quasi-totalité, la non-conformité, la toute-puissance, les nouveau-nés, le tout début, la toute fin), des noms communs avec adverbes « adjectivés » (la station debout, la roue arrière, la lettre exprès, une fille bien, les dames du temps jadis). On le voit, l’adverbe peut porter sur toutes les parties du discours, sur tous les types de constituants de la phrase. Il peut également se rapporter à des unités supérieures au constituant de la phrase, à des sous-phrases ou des phrases (évidemment, il vient), et des discours (enchainements logiques du type premièrement … deuxièmement, d’abord … ensuite … enfin …). La répartition des fonctions traditionnellement admises vacille donc sous le coup des contre-exemples.

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

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Le deuxième module de ce référentiel, consacré à l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé, tente, en réponse, de détailler le processus de compréhension d’un système cohérent pour l’organisation et la dénomination des fonctions élémentaires dans la phrase. La terminologie qui en ressort se veut au plus près du sens des mécanismes à l’œuvre. La conséquence en est une fonte drastique du nombre des étiquettes qui étaient en fait d’origine plus rhétorique que syntaxique. Le parallélisme observable entre classes et fonctions des mots a guidé notre démarche d’analyse et notre trame de progression. En effet, nous avons, depuis de nombreuses années9, tenté d’élaborer un système descriptif et explicatif à deux niveaux : un niveau de langue, avec un système de classes organisé tout entier par le critère de l’extension ; et un niveau de discours, avec un système de fonctions organisé tout entier par le critère de l’incidence, en tant que celle-ci est relation entre un apport et un support de sens.

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Nous consacrons un troisième module à la conjugaison et à l’emploi des modes et des tiroirs verbaux10. Nous constatons en effet que le discours traditionnel, qui repose sur des bases théoriques disparates, a inutilement compliqué la description. Nous essayons de proposer, ici encore, un système qui montre l’extraordinaire régularité et l’organisation logique du champ verbal.

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Enfin, le quatrième et dernier module retravaille la logique de l’accord, dans la recherche de la cohésion de nos productions langagières. Partant d’une compréhension basique du mécanisme de l’accord, nous revisitons les espaces tant de fois écumés (ah, les dictées, les exercices d’orthographe grammaticale, qui sont si facilement évaluables…) de l’accord de l’adjectif, du verbe et du participe passé, en faisant l’économie de tout l’appareil terminologique fonctionnel. Estomaqué par le nombre d’heures passées à l’apprentissage des règles hétéroclites et fantaisistes consacrées à ce dernier point (plus de 85 heures du parcours scolaire), nous lui avons rendu, en tout cas nous l’espérons, la simplicité qui n’aurait jamais dû l’abandonner, en regard de son importance statistique toute relative dans nos productions (à l’oral, un nombre infime 9

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Voir notamment Van Raemdonck D. (1998), « Sous mon arbre volait un esthète », in Englebert A., Pierrard M., Rosier L. et Van Raemdonck D. (dir.), La ligne claire. De la linguistique à la grammaire. Mélanges offerts à Marc Wilmet, Louvain-la-Neuve, Duculot, p. 237-252. Le terme temps étant ambigu et polyvalent, nous utilisons plutôt le terme tiroir, bien connu des linguistes, pour désigner les formes verbales : le mode serait dès lors comme une commode à tiroirs.

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Introduction

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d’accords seulement sont audibles) : la simplicité de l’accord d’un mot avec celui auquel il se rapporte, comme le ferait un simple adjectif. L’économie de temps qu’une telle vision permet donnera l’occasion d’approfondir en classe d’autres aspects du système de notre langue, autrement plus porteurs de sens, comme les genres et registres de discours, les variétés de langue, l’importance de la prise en compte de la situation de communication et de l’intention de l’énonciateur, … On l’aura compris, nous avons essayé, en nous basant sur nos observations dans les classes, d’intégrer dans ce référentiel tout ce qui, dans la grammaire, concourt à la construction du sens. Nous avons volontairement évité de nous étendre sur des données – que l’on trouve par ailleurs dans de nombreux ouvrages de référence – qui ne suscitent guère de réflexion. Ainsi, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spécialisés pour tout ce qui relève par exemple des paradigmes de conjugaison et de l’orthographe d’usage (avec, notamment, l’épineuse question de la transcription des homophones).

Notre volonté : cohérence, transparence, accessibilité et efficacité. Vers une linguistique applicable

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Il est nécessaire aujourd’hui d’encourager enseignants et élèves à interroger les savoirs grammaticaux ancestraux, parce que ceux-ci ne répondent plus aux besoins langagiers actuels. Pour les aider dans cette démarche, nous avons synthétisé et simplifié dans les pages de notre référentiel quelques décennies d’études approfondies en linguistique française, qui se sont efforcées de restructurer, réorganiser et rendre enfin cohérents et pertinents les apprentissages grammaticaux. Notre volonté est donc sans conteste la transparence de la théorie et l’efficacité des termes et des règles choisis. Notre responsabilité sociale est de proposer aux enseignants un discours dont la transposition didactique est envisageable. C’est le programme d’une linguistique qui a oublié d’être nombriliste, d’une linguistique applicable, dont nous défendons l’avènement. Cependant, aucun modèle scientifique sérieux et honnête ne peut se targuer d’avoir tout envisagé, tout pensé, tout résolu. Certaines zones de la langue française n’ont pas encore été explorées ; d’autres cherchent encore à être comprises et élucidées. Le référentiel que nous avons construit ne se veut donc pas exhaustif : il traite de la phrase et de l’énoncé, avec quelques perspectives sur le texte (il est au moins texto-compatible), et rend possible tant l’analyse de l’écrit que celle de l’oral. Il laisse ouverte la réflexion sur un certain nombre de questions encore en suspens. Par ailleurs, certains points d’un abord trop complexe ont été simplifiés sans jamais cependant sacrifier à la correction des faits. Nous avons donc préféré l’honnêteté à l’autorité d’usage, et avons choisi de ne 27


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

présenter pour l’apprentissage grammatical que ce que nous estimions fondé et correct, quitte à laisser un point d’interrogation là où la langue est capricieuse…11

L’épreuve de l’école

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L’expérimentation directe dans les classes constituait une étape incontournable de notre démarche. Elle est la condition sine qua non de l’obtention de réponses fiables et valides à nos interrogations visant à déterminer si nos propositions, contenues dans le référentiel, sont effectivement transposables et si l’on peut en tirer les bénéfices escomptés en terme de représentation de la langue et de la grammaire ; si le discours proposé permet d’appréhender les mécanismes fondamentaux à l’œuvre dans la construction du sens, tant à l’oral qu’à l’écrit ; si l’économie et le rendement supposés en termes d’énergie se réalisent effectivement ; si la méthode permet dans les faits un meilleur encodage et décodage des messages ; si l’économie de discours et du temps passé à maitriser ce qui est devenu par la force de l’habitude un véritable objet d’étude en soi encourage à pratiquer d’autres activités qui fassent réellement sens, si, en d’autres termes, le réinvestissement d’une réflexion grammaticale non dogmatique dans les séquences proposées aboutissent effectivement à un développement des compétences dans le sens du mieux parler, du mieux écrire, du mieux lire et du mieux écouter ; si, enfin, notre approche permet de rencontrer les missions mêmes de l’école (« confiance en soi », « apprendre à apprendre », « citoyen responsable et autonome », « émancipation »), ce à quoi échoue la description traditionnelle. Pour répondre à toutes ces questions, il a fallu observer dès le début de l’apprentissage, en première primaire, voire en préscolaire, les modes de construction des représentations sur la langue ainsi que les manières de préparer l’élève à recevoir des discours sur celle-ci. Nous avons donc proposé une recherche qui suive les élèves durant leur scolarité de la première année primaire à la troisième année du secondaire, avec à l’esprit la question de la nécessaire progression curriculaire corrélée au développement métacognitif de l’élève. 11

La présente version papier du référentiel fait suite à deux versions en ligne (2008 et 2009), avec un volume d’Outil didactique (2009), qui constitue une porte d’entrée moins théorique au référentiel, et un Portfolio d’activités d’enseignementapprentissage (2010), déposés sur le site du Service de Pilotage du Système éducatif de la Fédération Wallonie-Bruxelles (http://enseignement.be). Complété aujourd’hui d’un Cadre théorique (2014), qui va du texte à la phrase, puis au mot, le référentiel est régulièrement mis à jour et des documents plus didactisés ont été postés sur le site http://gramm-r.ulb.ac.be/scollab. Nous invitons le lecteur à aller visiter ce site et à nous faire part de ses commentaires.

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À toutes les étapes du processus, nous avons prévu des concertations entre les équipes pédagogiques et l’équipe de recherche, avec des contacts réguliers avec le service de pilotage, l’inspection et les conseils pédagogiques. L’idée était de créer un espace de dialogue constant, qui permette de faciliter et d’évaluer les séquences didactiques proposées à partir de l’observation en classe et qui procèderaient de la transposition du discours proposé. Cela étant, afin de ne pas bouleverser l’ordre des études et le cursus des élèves, il a été décidé de ne pas provoquer de changement radical dans l’intervention du professeur : les séquences proposées s’inscrivaient dès lors dans le cursus de l’élève, à l’étape où elles devaient intervenir dans la progression actuelle des études. En d’autres termes, notre intervention n’a pas modifié la progression curriculaire. Les propositions de séquences qui ont pu être testées ou discutées ont par ailleurs montré une adhésion à la démarche, tant de la part des élèves que de celle des enseignants. Intervenir dès le début de l’enseignement obligatoire a eu pour conséquence de revoir la progression sur l’ensemble du curriculum grammatical de l’élève, à telle enseigne que les propositions faites une année, lors de nos interventions, ont pu se voir modifier en fonction de la nouvelle progression curriculaire proposée. Nous nous sommes dès lors attachés à déterminer de la manière la plus claire possible et dans une vision réellement curriculaire comment définir et co-construire avec les enseignants – et les élèves – un système qui permette de développer des outils et des séquences réflexives sur la langue dans une perspective de réinvestissement de la réflexion grammaticale (non dogmatique) en vue de mieux parler, écrire, lire et écouter, pour soi et pour les autres. La nouvelle progression curriculaire qui en a découlé fut le résultat tant de l’observation des classes, du dialogue avec les enseignants et de l’évaluation des séquences proposées, que d’une recherche nécessaire et parallèle sur le développement métacognitif des élèves afin d’évaluer quel savoir peut être coconstruit à quelle étape de l’évolution de l’élève et d’interroger comment la dimension métacognitive, ici appliquée au langage, peut être impliquée dans les actions d’enseignement, les situations d’apprentissage et les processus cognitifs à l’œuvre dans les activités des apprenants. Ceci est d’autant plus crucial que la littérature psycholinguistique, abondante pour ce qui concerne l’acquisition de la grammaire chez le très jeune enfant (0 à 3 ans) est, par contre, très peu diserte en ce qui concerne la poursuite des apprentissages correspondant aux âges préscolaires et scolaires.

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Reconnaissance

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Cette progression curriculaire, conçue avec Lionel Meinertzhagen (voir http://gramm-r.ulb.ac.be/scollab), a pu trouver un champ d’expérimentation dans la collaboration fructueuse entreprise, dans la foulée, avec deux écoles qui ont accepté de basculer totalement vers notre système. Le succès fut incontestable, qui a montré qu’il est possible de faire plus de grammaire utile, propice à la construction et la déconstruction du sens, en faisant moins de grammaire futile, centrée exclusivement sur l’orthographe et l’étiquetage.

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Au seuil de ce référentiel, qu’il nous soit permis d’exprimer notre reconnaissance à tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont aidé ou soutenu, parfois sans en être conscients, dans cette entreprise. Nos inspirateurs, au premier rang desquels Marc Wilmet, mais aussi tous ceux qui ont collaboré avec nous depuis le début de notre recherche : Catherine Dehon et Deborah Van Gorp, aux premières étapes ; Marie Detaille, ensuite, puis Lionel Meinertzhagen, qui nous ont aidé dans la rédaction de ce référentiel, rejoints enfin par Sarah Brohé et nos collègues de l’Université de Mons, Bernard Harmegnies et Myriam Piccaluga. Nos collègues et amis Laurence Rosier, Ivan Evrard et Laura Calabrese, ainsi que tous nos partenaires de la plateforme internationale de recherche en linguistique française GRAMM-R : Michel Pierrard, Pascale Hadermann et Gilles Siouffi, pour nos fructueuses collaborations et les plaisirs (oui, oui) d’écrire ensemble ; Olga Galatanu, Eva Havu, Antoine Gautier et Laura Pino Serrano pour nos imparables organisations et nos dialogues fertiles ; et tous les autres qui nourrissent nos recherches et travaux par la rencontre et l’échange (qu’ils nous pardonnent de ne pas les nommer, mais ils se reconnaitront et savent combien ils comptent dans notre parcours, en particulier Hugues Constantin de Chanay). Nos étudiants de baccalauréat, qui ont essuyé les plâtres et sur lesquels nous avons testé nos hypothèses : ils nous ont poussé à chercher davantage. Tout comme les autres chercheurs qui travaillent ou ont travaillé avec nous — et qui sont parfois devenus des collègues —, même s’ils n’étaient pas particulièrement impliqués dans le projet, Marie-Ève Damar, Audrey Roig, Thylla Nève de Mévergnies et Maxence Delsaut : les interactions, débats, interpellations et disputes sont autant de perles ramassées sur le chemin parcouru. Nos collègues de Hautes Écoles, avec qui une riche collaboration s’est installée afin de faire percoler une autre grammaire dans les classes (Merci donc à Guillaume François, Benoit Wautelet et Marie Dumont, Soledad Ferreira et Geneviève Hauzeur, et tous les autres, qu’il serait trop long de citer. Nos collègues membres de l’Association Internationale de Recherche en Didactique du Français, et en particulier Jean-Louis Dumortier et Georges Legros, qui ont cru dans le potentiel de

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Introduction

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ce que nous proposons et qui nous ont incité à faire partager notre modèle au niveau international, ce qui nous a permis de faire d’autres fructueuses rencontres. Tous ceux qui, par leurs questions, hésitations, enthousiasmes ou doutes, nous ont permis d’avancer : les représentants des pouvoirs organisateurs de l’enseignement, les conseillers pédagogiques et les inspecteurs (avec une pensée particulière pour Micheline Dispy et Robert Bernard, qui nous ont toujours soutenus ; pour Françoise Gosselin et Claude Marion, qui nous ont fait confiance pour l’élaboration d’un discours grammatical alternatif pour le programme de français des 2e et 3e degrés de l’enseignement qualifiant (les quatre dernières années de l’enseignement obligatoire) ; et pour Claire Desmarets et Jorge Rozada y Ordiz, qui nous ont permis d’organiser une collaboration fructueuse avec les deux écoles qui ont accepté de basculer dans notre système). Les enseignants et les directions qui nous ont reçus dans leurs classes et qui nous ont permis un dialogue sans cesse enrichissant pendant nos années d’observation et de propositions : pour la première année d’observation, 3 implantations doubles (6e primaire et 1re secondaire), l’Institut SainteUrsule (province de Namur), l’Athénée royal Yvonne Vieslet de Marchienne-au-Pont (province de Hainaut), et l’École 9 d’Ixelles et l’Athénée Charles Janssens (Région de Bruxelles-Capitale) ; pour les années suivantes, les deux dernières écoles citées. Dominique Paquot, Directeur de l’École Singelijn à Woluwe-Saint-Lambert et toute son équipe pédagogique, grâce à qui une expérimentation grandeur nature a pu être entreprise du fait du basculement de l’école entière vers le système et la progression curriculaire que nous avons proposés. Leur curiosité et leur enthousiasme ont été la clé du succès incontestable de l’expérience, que nous espérons pouvoir pérenniser. Sophie Hougardy, Directrice de l’École communale du Centre à Woluwe-Saint-Pierre, et toute son équipe pédagogique, qui ont emboité le pas à la même expérience, une année après. Ceux, de tous les niveaux d’enseignement, qui nous rejoignent dans nos formations et nous obligent à sans cesse nous remettre en question. Les personnes qui ont rendu cette recherche possible : le Service de Pilotage du Système éducatif de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui encadre administrativement notre recherche, et en particulier Martine Herphelin, Michèle Barcella et Françoise Chatelain. Et enfin ceux qui ont soutenu financièrement notre travail : les ministres successifs de l’Enseignement obligatoire, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Mention spéciale, pour terminer, à nos relecteurs assidus : Jean-Claude Dortu, Guillaume François, Laurence Moulart et Xavier Dessaucy, ainsi qu’à Nadia Zylmans, qui a gracieusement dessiné les illustrations de cet ouvrage. Dan VAN RAEMDONCK

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Inventaire des abréviations et des signes

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CLASSES ET FONCTIONS Adj. Adjectif Adv. Adverbe Ca. Caractérisant C.Coord., C.Ench., Connecteur coordonnant / enchâsseur / C.Pron., C.Sub., C.Adv. pronominal / subordonnant / adverbial COORD. Coordination de deux ou plusieurs termes Dét. Déterminant Déterminant du noyau du groupe Dét. Noyau GDX déterminatif X Juxtaposition coordonnante de deux ou JUXTA.C. plusieurs termes Méc. Mécanisme N. Nom Ø Zéro, position fonctionnelle non saturée P. / Préd. Prédicat premier P2 Prédicat second Q. (Déterminant) Quantifiant Q.-Ca. (Déterminant) Quantifiant-caractérisant V. Verbe STRUCTURES INTÉGRATIVES Groupe déterminatif nominal/ GDN, GDPron., GDAdj., pronominal/adjectival/connectif/ GDC, GDV, GDAdv. verbal/adverbial Structure intégrative « groupe GDX déterminatif », dont le noyau est de classe X (nom ou verbe ou adjectif, …) Structure intégrative « groupe prédicatif », GP (1, 1’ ou 2) premier (1 = phrase ou 1’ = sous-phrase) ou second ∆ Delta, marqueur de complexité d’énoncé Thêta, « discours re-produit », marqueur Θ de complexité d’énonciation

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

? ??

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*

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T1 / T2 / T3 [-]

OUTILS Terme 1 / Terme 2 / Terme 3 Relation (dans le cours du texte) Relation de détermination (en schéma) Relation de prédication (en schéma) Relation de détermination de l’énonciation (en schéma) Relation indifférenciée (soit détermination, soit prédication) (en schéma) JUGEMENTS D’ACCEPTABILITÉ La séquence qui suit est d’une grammaticalité questionnable La séquence qui suit est de grammaticalité plus que douteuse La séquence qui suit est agrammaticale

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IM EN MODULE 1

1

Les classes de mots

1.1 LE CRITÈRE SÉMANTICO-RÉFÉRENTIEL : LE MODE D’ACCÈS À L’EXTENSION 1.1.1 Les trois modes d’accès à l’extension 1.1.2 Récapitulatif des modes d’accès à l’extension

1.2 LE CRITÈRE DÉFINITIONNEL : LE MODE DE DÉFINITION 1.2.1 Définition de type notionnel 1.2.2 Définition de type catégoriel

1.3 LE CRITÈRE SYNTAXIQUE : LE MODE DE FONCTIONNEMENT

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1.3.1 Le support d’information : le noyau 1.3.2 Les apports d’information 1.3.3 Les mécanismes d’apport d’information : la détermination et la prédication 1.3.4 D’autres mécanismes à l’œuvre dans la phrase ou le texte

1.4 LE CRITÈRE MORPHOLOGIQUE : LE MODE DE FLEXION 1.4.1 Les catégories de flexion 1.4.2 Classes de mots et modes de flexion

1.5 MISE EN PARALLÈLE DES SYSTÈMES

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1.6 FICHES D’IDENTITÉ DES CLASSES 1.6.1 Le nom 1.6.2 Le pronom 1.6.3 L’adjectif 1.6.4 Le verbe 1.6.5 L’adverbe 1.6.6 Le connecteur 1.6.7 L’interjection


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On a pris l’habitude de classer les mots de la langue en différentes natures dont le nombre et les critères organisateurs ont varié au fil du temps et des modèles théoriques. En lieu et place des natures traditionnelles, et des critères hétérogènes et non systématiques (alternance des critères morphologique, sémantique, syntaxique, …) qui les décrivent sans les définir, nous optons pour un classement plus transparent et plus systématique selon quatre critères : sémantico-référentiel : le mode d’accès à l’extension, définitionnel : le mode de définition, syntaxique : le mode de fonctionnement, morphologique : le mode de flexion.

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1. 2. 3. 4.

Ces quatre critères permettent une discrimination claire des classes de mots (et non plus des natures, terme qui enferme les mots une fois pour toutes dans un carcan essentialiste).

1.1

Le critère sémantico-référentiel : le mode d’accès à l’extension

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On ne parle pas pour ne rien dire. Et la langue parle du monde. Chaque mot renvoie à un ensemble d’objets du monde auxquels il est applicable ; cet ensemble d’objets du monde est son extension. L’extension est un concept sémantico-référentiel, en ce sens que le mot donne accès à cet ensemble d’objets du monde, à ses référents dans le monde, à son extension, par le biais du sens qu’il véhicule.

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Table

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Pour organiser les mots en classes, le critère retenu est celui du mode d’accès à l’extension de ces mots. Par mode d’accès, il faut entendre la nécessité ou non d’avoir un support pour accéder à l’extension d’un mot. Il peut y avoir non-nécessité de support, nécessité de support simple ou nécessité de support double (une relation entre deux pôles).

§ § §

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En fonction de leur appartenance à telle ou telle classe, les mots renvoient plus ou moins directement à leur extension, à savoir de manière

directe (sans support), indirecte (nécessitant un support), doublement indirecte (nécessitant un support double, c’est-à-dire une relation impliquant deux pôles ou termes).

Les trois modes d’accès à l’extension 1.1.1.1

Accès direct à l’extension : le nom et le pronom

Le mot « table » (nom) renvoie de manière directe à son extension, à l’ensemble des objets du monde auxquels il peut être appliqué. Il s’envisage sans que l’on ait besoin d’un support, quelle que soit la forme qu’on lui donne. Lampe

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Table

Soleil

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Truc : si l’on ferme les yeux et qu’on entend le mot « table », on peut s’imaginer directement une table, quelle qu’elle soit. Il en va de même des autres noms comme « alphabet ». D’autres noms cependant, comme les noms abstraits (par exemple « bonté »), ne se laissent pas aisément représenter de la sorte. On ne peut les dessiner comme on dessine des objets concrets. Pour autant, leur mode d’accès à l’extension est tout aussi direct : comme le nom ne peut se dire que de lui-même, on ne peut dire bonté que de la bonté elle-même. Le pronom, tout comme le nom, renvoie de manière directe à son extension, mais par le biais d’un type particulier de définition (voir ciaprès 1.2 Le critère définitionnel : le mode de définition).

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Module 1 : les classes de mots

1.1.1.2

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Dans le cas du nom et du pronom, il n’y a pas nécessité d’avoir un support pour avoir accès à l’extension du mot, c’est-à-dire à l’ensemble des objets du monde (êtres, objets, faits ou situations) auxquels le mot peut être appliqué. Tous les noms et pronoms renvoient directement à leur référent, ou, le cas échéant, en pensée, à l’image mentale de ce référent.

Accès indirect à l’extension : le verbe et l’adjectif

Le mot « alphabétique » (adjectif) renvoie de manière indirecte à son extension, à l’ensemble des objets du monde auxquels il peut être appliqué, puisqu’il ne peut être dit que de « quelque chose qui a la caractéristique d’être alphabétique », c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un support auquel cet adjectif est rapporté. Ex. : un classement alphabétique. Mûr

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Lumineux

Guirlande lumineuse

Pomme mûre

Confortable

Fauteuil confortable

SP

Truc : si l’on ferme les yeux et qu’on entend le mot « lumineux », on peut s’imaginer un ensemble d’objets lumineux, c’est-à-dire un ensemble de supports de la qualité « lumineux ». Tous ces objets peuvent être différents, unifiés seulement par leur propriété (lumineux). De même, le mot « alphabétiser » (verbe) renvoie de manière indirecte à son extension, puisqu’il ne peut se dire que de « quelqu’un qui alphabétise », c’est-à-dire par l’intermédiaire du support de ce verbe. Ex. : L’institutrice alphabétise les primo-arrivants de langue chinoise.

39


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Une main allume

Lire

Chanter

IM EN

Allumer

Lionel et Sarah lisent

Antoine chante

Truc : si l’on ferme les yeux et qu’on entend le mot « allumer », on peut s’imaginer un ensemble de personnes qui allument, c’est-à-dire un ensemble de supports de l’action « allumer ». Toutes ces personnes peuvent être différentes, unifiées seulement par l’action dont elles sont supports (allumer).

ÉC

Dans le cas de l’adjectif et du verbe, il y a nécessité d’avoir un support pour avoir accès à l’extension du mot, c’est-àdire à l’ensemble des objets du monde (êtres, objets, faits ou situations) auxquels le mot peut être appliqué.

1.1.1.3

Accès doublement indirect à l’extension : l’adverbe et les connecteurs

SP

Le mot « alphabétiquement » (adverbe) renvoie de manière doublement indirecte à son extension, puisqu’il se dit d’une relation entre deux termes : il se dit, en effet, de « quelqu’un qui fait (1) quelque chose (2) alphabétiquement ». Ex. : Pierre range ses fiches alphabétiquement. C’est bien le processus du rangement (1) des fiches (2) qui se fait alphabétiquement.

40


Module 1 : les classes de mots

Tim obtient brillamment son diplôme

Agréablement

Férocement

IM EN

Brillamment

Sophie est agréablement surprise

Cerbère garde férocement les enfers

SP

ÉC

Truc : si l’on ferme les yeux et qu’on entend le mot « alphabétiquement », on peut s’imaginer un ensemble de processus, de faits ou de situations dans lesquels des personnes agissent (1) sur un objet (2) alphabétiquement, c’est-à-dire un ensemble de supports doubles de l’adverbe « alphabétiquement ». Tous ces objets de pensée, processus, faits et situations peuvent être différents, mais correspondent toujours à une mise en relation entre deux pôles ou termes, relation qui servira de support à l’adverbe (alphabétiquement). L’extension d’un adverbe sera systématiquement constituée d’un ensemble de mises en relation ou de processus, constitutifs d’objets de pensée, de faits ou de situations. L’adverbe apporte une information sur ces mises en relation. Le cas des connecteurs est sans doute plus difficile à cerner : ce sont des mots outils, qui permettent de mettre en relation des éléments porteurs d’un sens mieux définissable que le leur. Ainsi, l’extension du connecteur et sera constituée de l’ensemble des faits et situations auxquels le mot et est applicable, soit par exemple un ensemble de situations d’addition. Quoi qu’il en soit, les connecteurs ont également besoin d’un support double pour donner accès à leur extension : l’élément d’avant et l’élément d’après qu’ils relient (Pierre et Sarah mangent). Le connecteur est en fait le signe de la relation entre les deux éléments : il marque la relation et en donne la signification.

41


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.1.1.4

IM EN

Dans le cas de l’adverbe, l’extension est constituée d’un ensemble de processus, faits ou situations du monde, qui sont autant de mises en relation auxquelles le mot peut être appliqué : il y a en fait nécessité d’avoir un support double, une relation entre deux pôles, à laquelle l’adverbe apporte une information. Les connecteurs, quant à eux, ont également besoin d’un support double, constitué, lui, de l’élément d’avant et de l’élément d’après qu’ils relient. Le connecteur est en fait le signe de la relation entre les deux éléments.

Le cas de l’interjection

ÉC

L’interjection, parfois analysée comme un phénomène de discours, comme l’expression d’une modalité expressive, présente néanmoins certaines occurrences qui semblent ne pouvoir fonctionner que comme telle, ce qui implique un traitement comme classe de mots. Étant donné qu’une interjection est un mot qui fonctionne à la manière d’une phrase (Aïe !, Hé !, Hein !, …), son extension correspond à un ensemble de faits ou situations auxquels renvoie ce que l’on peut considérer comme le système relationnel que constitue une phrase. En ce sens, l’interjection a un accès doublement indirect à son extension : la relation bipolaire à laquelle l’interjection renvoie est en fait une relation de type thème/rhème (ce dont je parle, ce dont j’affirme ou nie quelque chose/ce que j’en dis), impliquée dans le sens du mot (Aïe ! = +/- « J’ai mal », je parle de moi et j’en affirme que je souffre).

SP

Dans le cas de l’interjection, l’extension est constituée d’un ensemble de processus, faits ou situations du monde, qui sont autant de mises en relation auxquelles le mot peut être appliqué : la relation double à laquelle l’interjection renvoie est en fait une relation de type thème/rhème (ce dont je parle, ce dont j’affirme ou nie quelque chose / ce que j’en dis). L’interjection signifie, en elle-même, à la fois les deux éléments et la relation qui les relie.

42


Module 1 : les classes de mots

Récapitulatif des modes d’accès à l’extension

Classe

IM EN

direct

indirect

doublement indirect

SP

ÉC

Nom Pronom Adjectif Verbe Adverbe Connecteur Interjection

Mode d’accès à l’extension

43


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.2

Le critère définitionnel : le mode de définition

IM EN

L’accès à l’extension d’un mot se fait par le biais de la définition de ce mot. À titre d’exemple, voici une définition possible du nom ‘table’ : ensemble des objets du monde composés d’une surface plane de présentation/disposition. Cette définition convient pour l’ensemble des objets désignés ‘table’, dont par exemple

Etc.

ÉC

L’extension du nom ‘table’ sera donc constituée de l’ensemble des objets du monde auxquels le mot « table » est applicable, en fonction de sa définition. Ainsi, au-delà du mode d’accès à l’extension, le mode de définition précise la classe du mot : la définition des mots d’une classe peut être notionnelle (par énumération des éléments de sens constitutifs) et/ou catégorielle (reposant sur la catégorie grammaticale qui est à la base de l’identité du mot, telle que le genre, le nombre, la personne grammaticale, la relation ou même la fonction).

SP

Extension de X = ensemble des objets du monde auxquels le mot X est applicable. Définition en compréhension de X = proposition qui énonce les caractéristiques A, B, C, … que partagent l’ensemble des objets du monde auxquels le mot peut être appliqué.

44


Module 1 : les classes de mots

Si l’on prend l’exemple de la classe des adjectifs, l’adjectif12 ‘vert’ o extension : ensemble des objets du monde auxquels le mot ‘vert’ est applicable. o définition : mot (adjectif) qui renvoie à des objets du monde porteurs de la caractéristique suivante : la couleur verte, ou l’absence de maturité. à définition notionnelle.

§

l’adjectif13 ‘la’ o extension : ensemble des objets du monde auxquels le mot ‘la’ est applicable. o définition : mot (adjectif, généralement de fonction déterminant quantifiant) qui renvoie à des objets du monde porteurs des caractéristiques suivantes : troisième personne, genre féminin, nombre singulier. à définition catégorielle.

SP

ÉC

IM EN

§

12 13

de fonctionnement caractérisant, voir 1.3 Le critère syntaxique : le mécanisme prototypique d’apport d’information à un support. de fonctionnement quantifiant, voir 1.3 Le critère syntaxique : le mécanisme prototypique d’apport d’information à un support.

45


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Définition de type notionnel Les définitions de type notionnel se rencontrent pour les mots des classes suivantes14 : L’adjectif

Table

Le verbe

IM EN

Le nom

Confortable

L’interjection

ÉC

L’adverbe

Lire

Férocement

Aïe

Les mots de ces classes sont définis en faisant appel à des éléments de sens ; ils renvoient souvent à des images. On peut aisément se les figurer.

Définition de type catégoriel

SP

Comme le nom « table » donne un accès direct à son extension par le biais de sa définition notionnelle (‘élément plan de disposition ou de présentation’), le pronom « il » donne un accès direct à son extension par le biais de sa définition catégorielle. Le pronom apparait donc comme le pendant catégoriel du nom. La définition du pronom personnel il pourrait être la suivante : Il : mot (pronom personnel) qui renvoie de manière directe à des objets du monde de genre masculin de troisième personne du singulier et de fonction noyau de phrase.

14

Les adjectifs à définition de type notionnel sont ceux qui fonctionneront comme déterminants caractérisants ou comme prédicats seconds.

46


Module 1 : les classes de mots

le cartable

l’arbre

le lion

le livre

IM EN

… est grand

= il … est grand

Dans ce cas, on a effectivement un accès direct (comme pour le nom) à l’extension de ce pronom (à l’ensemble des référents possibles, des objets du monde auxquels le mot il est applicable), mais la définition par le biais de laquelle on accède à cette extension est de type catégoriel, puisqu’elle est fondée sur les catégories de genre, de nombre, de personne et de fonction. Les définitions de type catégoriel se rencontrent pour les mots des classes suivantes : § §

ÉC

§

Le pronom à genre, nombre, personne, fonction : je, tu, il, … L’adjectif (de fonction déterminant quantifiant) à genre, nombre : deux, les, quelques, … Le connecteur à fonction15 : à, dans, que, quand, et, mais, …

SP

Certains pronoms (les non personnels), ainsi que les adjectifs qui à la fois quantifient et caractérisent (certains) et les connecteurs, combinent en fait définition catégorielle et notionnelle. Ils sont tributaires des catégories qui les définissent, mais expriment en plus un sens notionnel (par exemple, le sens de la relation, pour les connecteurs).

15

Le connecteur est un mot invariable : sa forme ne varie pas en fonction d’un quelconque accord ou du contexte. Dès lors, parler de définition catégorielle pour le connecteur peut paraitre bizarre. Néanmoins, le choix du connecteur dépend à la fois du type de relation (hypotaxe ou parataxe) mis en œuvre et de son mode de fonctionnement (ligature, subordination, enchâssement). Le connecteur comme signe et marqueur de la relation est donc marqueur de fonction. Il participe dès lors de cette catégorie grammaticale, même si l’on ne peut pas parler de variation en ce qui le concerne. La catégorie « fonction » est porteuse d’un sens que l’on retrouvait également dans les cas du latin. Par ailleurs, le sens de la relation marquée par le connecteur ajoute une dimension notionnelle à la définition de celui-ci. Dès lors, la définition du connecteur est d’abord catégorielle (marqueur de la fonction, du type et du mode de la relation), puis notionnelle en fonction du sens de la relation.

47


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.3

Le critère syntaxique : le mode de fonctionnement

IM EN

En principe, conformément à son mode d’accès à l’extension, chaque classe de mots est associée à un mécanisme d’apport d’information. Soit les mots ou le groupe dont ils sont noyaux reçoivent de l’information et sont des supports d’information, soit ils fournissent de l’information et sont des apports d’information. À ces deux mécanismes fonctionnels principaux s’ajoutent celui de la connexion.

Le support d’information : le noyau

SP

ÉC

Dans chaque groupe, il y a un support d’information ; il est l’élément de base qui organise autour de lui les informations véhiculées par les autres mots (les apports) qui s’y rapportent ; ce support endosse la fonction de noyau du groupe. Dans l’analyse syntaxique de la phrase, il faut envisager deux niveaux d’appréhension du noyau : Au niveau phrastique proprement dit, où la phrase est envisagée comme un groupe constitué d’un support-noyau et d’un apport-prédicat (le cas échéant avec d’autres apports à la relation prédicative), la fonction de noyau de phrase est prototypiquement endossée par des groupes déterminatifs nominaux ou pronominaux. Au niveau de ces groupes porteurs de fonction, deuxième niveau d’appréhension, les noyaux sont respectivement des noms et des pronoms, c’est-à-dire des mots dont le mode d’accès à l’extension est direct : ils n’ont pas besoin de support, ce qui les prédispose à exercer certes la fonction de noyau de leur groupe, mais surtout, conformément au mode d’accès à l’extension qui les caractérise, celle de noyau de phrase, à quoi tout est rapporté. À ce même niveau des groupes porteurs de fonction, mais d’apports cette fois, on trouve des noyaux appartenant à différentes classes : l’adjectif dans le GDAdj., le verbe dans le GDV, l’adverbe dans le GDAdv., le connecteur subordonnant dans le GDC, etc. Dans ces derniers cas, les groupes déterminatifs, une fois construits, sont donc eux-mêmes porteurs de fonction et généralement rapportés, comme apports d’information, à un autre support (terme ou relation), conformément au mode d’accès à l’extension du type de noyau qui les constitue (apport à un terme pour un GDAdj. ou un GDV ; apport à une relation pour un GDAdv.).

48


Module 1 : les classes de mots

Les apports d’information

IM EN

Tout support d’information est susceptible de recevoir un ou plusieurs apport(s) d’information. En toute logique, les groupes qui endossent cette fonction d’apport ont un noyau dont le mode d’accès à l’extension sera simplement ou doublement indirect (c’est-à-dire un adjectif, un verbe ou un adverbe), étant donné que ce noyau nécessite un intermédiaire (support simple ou double) pour donner accès à son extension. Cependant, on trouve également des GDN (dont le noyau est un nom) comme apports d’information, notamment à des verbes dans le cadre d’un GDV (Pierre mange une pomme).

Les mécanismes d’apport d’information : la détermination et la prédication

Lorsqu’il produit un énoncé, l’énonciateur a à sa disposition deux types de mécanismes pour apporter de l’information à un support : §

soit il choisit de modifier l’extension du support ; alors l’apport donne un complément d’information ; cela correspond syntaxiquement au mécanisme de détermination.

ÉC

Ex. : triangles blancs

triangles blancs

SP

triangles

§

soit il choisit de ne pas modifier l’extension du support ; alors l’apport donne un supplément d’information, qui intervient après la constitution, par détermination, du groupe ; cela correspond syntaxiquement au mécanisme de prédication.

49


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ex. : Le triangle est blanc

IM EN

Le triangle

est blanc

Récapitulatif :

Niveau sémantique

Apport

Déterminant

ÉC

Fonction

Complément Supplément Détermination d’information d’information

SP

Mécanisme

Niveau syntaxique

Prédicat

Prédication

Chaque classe de mots incarne de manière prototypique (et donc non exclusive) un mode de fonctionnement caractérisé par un mécanisme spécifique qu’elle délègue au groupe dont elle est le noyau. C’est le groupe qui est porteur d’une fonction dans le réseau phrastique. Son mode de fonctionnement sera déterminé par la classe d’appartenance de son noyau.

50


Module 1 : les classes de mots

Les groupes dont le nom ou le pronom est noyau seront prototypiquement supports : les noyaux de phrase seront prototypiquement pris en charge par des GDN ou des GDPron.

IM EN

Les groupes dont l’adjectif ou le verbe (qui constituent à eux deux l’ensemble des mots dont le mode d’accès à l’extension est indirect et dont la définition est notionnelle16) est noyau seront généralement des apports. L’adjectif et le verbe seront précisément discriminés par le mécanisme prototypique que les groupes dont ils sont noyaux mettent en œuvre dans leur mode de fonctionnement d’apports. En effet, les adjectifs et les groupes dont ils sont noyaux fonctionnent prototypiquement comme déterminants (ils modifient l’extension du support souvent nominal ou indiquent la quantité des objets considérés). Les groupes dont le verbe est noyau ont quant à eux un fonctionnement prototypiquement prédicatif (ils ne modifient pas l’extension du support noyau de phrase) ; ils seront donc prédicat17.

ÉC

Les groupes dont l’adverbe est noyau, quant à eux, peuvent être rapportés à leur support (une relation entre deux termes) soit par détermination, soit par prédication (seconde). Les connecteurs coordonnants, subordonnants et enchâssants ne fonctionnent pas comme des apports (voir cidessous). Ils seront prototypiquement ligateurs.

SP

L’interjection fonctionne comme si elle impliquait un mécanisme de prédication ; elle résume à elle seule la mise en relation d’un prédicat avec un noyau de phrase, constitutive d’une phrase canonique. Elle a donc un fonctionnement de phrase, avec prédication impliquée.18

16 17

18

Voir 1.2 Le critère définitionnel : le mode de définition. Le verbe n’est pas, comme communément admis, le centre de la phrase. En effet, dans la structure syntaxique, le verbe est le noyau du prédicat, celui-ci se rapportant au noyau de la phrase. De fait, tout comme dans la structure logique où le thème se voit rapporter l’information contenue dans le rhème, dans le formatage syntaxique, le noyau de la phrase est l’élément auquel finalement tout se rapporte (le prédicat, via la relation prédicative). Ainsi, si le verbe est bien le noyau du prédicat, il n’est pas le centre de la phrase. Voir 2.4.2 La phrase simple (GP1).

51


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

D’autres mécanismes à l’œuvre dans la phrase ou le texte

1.3.4.1

La connexion

IM EN

En outre, dans la gestion de l’information au niveau textuel, deux autres mécanismes sont également à l’œuvre : la connexion et la pronominalisation.

La connexion permet de mettre au jour la trame, la texture du discours. Lorsqu’un locuteur ou un scripteur produit un discours ou un texte, il doit rendre compte à son interlocuteur ou à son lecteur le plus explicitement possible des liens qu’il établit entre les différents termes de phrase et entre les différentes phrases qu’il énonce.

Niveau sémantique

Niveau syntaxique

Relateur

Ligateur

Indication de la relation, du lien (causal, chronologique, …) entre des informations

Ligature (+ Subordination + Enchâssement)19

ÉC

Fonction

Mécanisme

SP

Les connecteurs regroupent au premier chef les mots connecteurs coordonnants, subordonnants et enchâssants. Ils ont pour fonction d’établir une relation entre deux ou plusieurs éléments ou structures. Nous différencierons ces connecteurs principaux sur la base de leur mode de fonctionnement, selon qu’ils combinent ou non les trois types de fonctionnement suivants : § §

19

la ligature : mécanisme de mise en relation (non autrement définie en termes de hiérarchisation) et de liaison de deux ou plusieurs éléments ou structures. la subordination : mécanisme par lequel un mot ou un groupe de mots est placé en relation de dépendance vis-à-vis d’un autre (ou d’une relation), pour en constituer un apport.

Voir 1.6.6 Le connecteur.

52


Module 1 : les classes de mots

§

l’enchâssement : mécanisme par lequel on intègre une sousphrase dans la phrase matrice, avec hiérarchisation et souvent (mais pas toujours) dépendance, à l’intérieur d’une phrase dès lors complexe.

1.3.4.2

IM EN

Peuvent également fonctionner comme le font les connecteurs des mots appartenant à d’autres classes : certains pronoms (pronoms communs d’emploi relatifs ou interrogatifs (qui, que, dont, lequel, …) ; certains adjectifs (adjectifs communs d’emploi relatifs ou interrogatifs (lequel, quel, … ; corrélatifs : tel … tel) ; certains adverbes (connecteurs logiques, organisateurs d’arguments : d’abord, ensuite, enfin, de plus, en outre, par ailleurs, … ; adverbes dits « de liaison » : ensuite, soudain, … ; des adverbes interrogatifs : combien, … ; des adverbes corrélatifs : plus … plus). En plus d’exercer une fonction dans le deuxième segment, ces connecteurs secondaires relient donc celui-ci au premier.

La pronominalisation

SP

ÉC

En produisant un énoncé qui se veut à la fois cohérent et léger dans le style, voire économique, tout locuteur doit utiliser des procédés de reprise de l’information.20 Les outils grammaticaux à disposition sont variés (la substitution par un synonyme par exemple), mais parmi ceux-ci, la pronominalisation tient la vedette, surtout dans le langage oral. Considérant qu’un pronom est la forme condensée d’un nom ou d’un groupe déterminatif nominal, beaucoup de séquences ont été incluses abusivement dans la classe des pronoms. Ex. : J’ai deux robes : une verte et une bleue. La première est plus longue que la seconde. Mais je préfère quand même les tiennes. Dans ces phrases, les éléments en gras ne sont en fait pas à proprement parler des pronoms, mais bien des groupes issus du mécanisme de pronominalisation. Ils résultent la plupart du temps de la suppression du noyau du groupe déterminatif de base avec le maintien ou la transformation de l’un ou l’autre accompagnateur. On obtient des pronoms acciden20

En matière d’économie, à côté de la pronominalisation qui permet à l’aide d’un terme la reprise d’un segment antérieur (anaphore : Pierre, je l’ai vu) ou l’annonce d’un segment postérieur (cataphore : Je l’ai vu, Pierre), on recense également le procédé de l’ellipse, qui permet de faire l’économie de la répétition d’une information déjà fournie, pour autant que cette information soit identifiable et récupérable dans le contexte immédiat grâce à la récurrence de structures syntaxiques successives (Sarah travaille plus que Pierre : le verbe travaille omis dans la comparative est identifiable et récupérable dans le contexte, dans la phrase matrice, grâce au parallélisme supposé des structures comparées). Il faut être prudent dans l’utilisation que l’on fait de l’analyse par l’ellipse : on en arrive vite à des reconstructions hypothétiques qui risquent de biaiser l’analyse.

53


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

tels ou des locutions pronominales (accidentelles). Dans ces structures résultant de l’effacement du noyau initial, il existe un débat sur la question de savoir21 :

§

Peu importe en fait le choix définitif. En effet, le quantifiant partage avec le pronom la propriété d’avoir une extension basée sur une définition de type catégoriel. Le mécanisme de pronominalisation fonctionnant souvent par effacement, il semble que le maintien des catégories de genre et de nombre, portées par le quantifiant, suffise à être pertinent, et ce quantifiant est présent dans les trois hypothèses. On remarquera que s’il n’y a pas de caractérisant, le quantifiant le/la/les sera remplacé par le pronom personnel le/la/les correspondant (Je mange la pomme / Je la mange). Celui-ci sera attiré devant le verbe, parce que, atone, il a besoin d’un support tonique qui le suive. Enfin, l’autre classe de mots pourvus d’une extension basée sur une définition de type catégoriel, le connecteur subordonnant, semble aussi fonctionner dans le cadre de la pronominalisation. Des phrases comme Je vote pour, Je te retrouve devant… reprennent clairement des phrases du type Je vote pour cette proposition, Je te retrouve devant la porte. Fonctionnent de même les tournures, considérées comme fautives, Je viens avec, souvent rencontrées, en lieu et place de, par exemple, Je viens avec vous.

SP

21

ÉC

§

si c’est le noyau une/le/la/les qui est caractérisé par le déterminant vert/bleu/premier/second/mienne, si c’est le noyau vert/bleu/premier/second qui est quantifié par le déterminant un/une/le/la, si le tout est un pronom non analysable, résultant d’une structure de groupe déterminatif nominal avec effacement du noyau nominal (et parfois modification d’un déterminant : mon chien deviendra le mien). Le reste des relations internes serait considéré comme inchangé. Aucun des déterminants ne serait élevé au rang de noyau.

IM EN

§

54


Module 1 : les classes de mots

1.4

Le critère morphologique : le mode de flexion

ÉC

Lorsqu’il s’agit, dans les premières années d’école, de faire découvrir et de distinguer les classes de mots, par le biais de collections et manipulations, par exemple, il peut paraitre plus aisé de travailler avec ce qui est le plus observable : les marques de flexion. Cependant, si cela permet d’identifier formellement un mot, voire sa classe, cela ne permet pas d’entrevoir le sens de la classe, sa signification ou sa valeur dans le système des classes de mots. Cette entrée en matière devra s’accompagner d’une démarche progressive, qui permette petit à petit à l’élève de se forger un système qui fasse non seulement forme, mais surtout sens. Rappelons que ce référentiel est destiné aux enseignants, et que ce que nous visons est bien la construction pour lui d’un modèle systémique appropriable. Une fois ce système approprié par l’enseignant dans une progression que l’on pense pertinente (ce que nous avons essayé de proposer en hiérarchisant et en ordonnant les quatre critères présentés), libre à lui de choisir, dans le cadre de sa transposition didactique, un ordre de présentation différent, pour autant qu’il garde à l’esprit la visée générale d’un système à révéler. Dans notre manière de classifier les objets du monde et les mots qui en rendent compte, nous procédons souvent par regroupement en sous-systèmes. Aussi, nous catégorisons les mots selon le critère du genre, sous-système qui regroupe le masculin, le féminin et le neutre. En grammaire, on compte plusieurs sous-systèmes sémantiques comme le genre. À l’intérieur de ceux-ci, chaque positionnement interne peut avoir des répercussions sur la forme des mots : pour le genre, le positionnement du masculin, du féminin ou du neutre peut impliquer une variation morphologique des mots (noms et adjectifs, par exemple). On appelle ‘catégories grammaticales’ ces sous-systèmes sémantiques. Le phénomène de variation morphologique (phonologique ou graphique) est, quant à lui, décrit sous le terme de flexion. Les autres catégories grammaticales sont le nombre, la personne, le temps, le mode, l’aspect, la fonction, la relation.

SP

22

IM EN

Le mode de flexion est un critère de repérage assez simple22 : la flexion est un phénomène de variation morphologique (phonologique : changement audible de finale ; ou graphique : + -s, + -e, + -nt, …) tributaire de sous-systèmes sémantiques appelés catégories grammaticales23. Ce critère dépasse le test commun de variabilité, car il précise selon quelles catégories particulières une classe de mots varie ou pas. Chaque classe possède un mode de flexion qui lui est propre, caractérisé par une combinaison singulière de catégories, selon lesquelles les mots qui la composent varient ou pas.

23

55


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Les catégories24 de flexion

Notons qu’autrefois, le latin sélectionnait également la catégorie du cas, laquelle permettait le marquage de la fonction. Aujourd’hui, en français, la catégorie du cas n’est plus effective, car la fonction des mots est révélée par la position ordonnée des mots dans la chaine parlée ou écrite, et non plus par une variation morphologique casuelle. Cependant, il se peut que la forme varie tout de même selon la fonction : le pronom masculin 3e personne du singulier = il (sujet) >< le (déterminant direct du verbe) >< lui (déterminant de la relation). Le genre neutre est celui notamment de pronoms tels que cela/ça, rien, le, qui/que ?…, de pronoms dont le référent est une proposition, des groupes de genres mixtes, … Le genre neutre, non marqué, présente les mêmes traits morphologiques que le masculin et est donc souvent confondu avec celui-ci. Par exemple, le groupe déterminatif nominal « Un homme et mille femmes [sont venus] » pourrait être considéré comme étant de genre neutre, et c’est cette catégorie qui guiderait l’accord du participe passé. Cette hypothèse éclairerait de manière plus grammaticale la traditionnelle justification qui veut que le masculin l’emporte.

SP

24

ÉC

§

le genre (masculin, féminin, neutre25) le nombre (singulier, pluriel) la personne (1re, 2e, 3e) le mode (indicatif, subjonctif, participe, infinitif) le temps (présent, passé, futur) l’aspect (extérieur / intérieur, projeté / en cours / dépassé / doublement dépassé) la fonction (noyau de phrase, déterminant de verbe, ligateur, …)

IM EN

§ § § § § §

25

56


Module 1 : les classes de mots

1.4.1.1

Récapitulatif des catégories de flexion

Nom

X26

Pronom

(X)27

(X)

(X)

Adjectif

X

X

(X)28

Verbe

(X)29

X

X

Adverbe30 Connecteur

Fonction

Aspect

Temps

X

(X)

X

X

X

SP

ÉC

Interjection

Mode

IM EN

Personne

Nombre

Genre

Catégories selon lesquelles chaque classe est susceptible de varier

26 27

28 29 30

Le nom possède un genre et peut varier en nombre en fonction du vouloir-dire de l’énonciateur. La mise entre parenthèses signifie que tous les mots de la classe ne partagent pas la variation selon cette catégorie. Par exemple, seuls les pronoms personnels (je, tu, il, …) varient en personne et en fonction (le/lui). Les adjectifs personnels (mon, ta, ses, mien...) sont les seuls adjectifs à être fléchis en personne (Voir 1.6.3.2 Les types d’adjectifs). Seule la forme adjectivale du verbe, c’est-à-dire le participe, varie en genre. L’adjectif que l’on dit en emploi adverbial ‘grand’ est susceptible de varier en genre et en nombre. Ex. : les fenêtres grandes ouvertes ; les yeux grands ouverts. L’adjectif en emploi adverbial tout varie en genre seulement devant un mot féminin commençant par une consonne ; dans cette configuration seulement, il varie également en nombre. Ex. : les toutes grandes classes mais les tout petits animaux.

57


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Classes de mots et modes de flexion 1.4.2.1

Le nom et l’adjectif : la cohésion par l’accord

IM EN

Les grammairiens latins réunissaient tous les items susceptibles de variation en genre et en nombre sous une seule classe : les nomina ; on y retrouvait donc tant bonus, pulcher, nobilis, … (adjectifs) que aqua, dominus, res, … (substantifs). C’est au XIIe siècle que la classe des nomina se répartit en deux sous-classes : les nomina substantiva (exprimant des « substances ») et les nomina adjectiva (exprimant les « ajouts » de la substance). En latin

Au XIIe siècle

Classe des nomina

Classe des nomina

(= substantifs + adjectifs sans

adjectiva

Classe des noms

substantifs

adjectifs

Classe des

Classe des

noms

adjectifs

(= substantifs)

ÉC

distinction)

substantiva

En français

SP

Aujourd’hui, en français, ces deux classes sont distinctes, la première étant celle des noms (ou substantifs), et la seconde celle des adjectifs. Cette distinction entre nom et adjectif dans la grammaire française ne doit pas occulter le lien étroit qui les unit. On remarque en effet une apparente équivalence des modes de variation flexionnelle du nom et de l’adjectif : tous deux portent les marques du genre et du nombre. L’examen du phénomène de l’accord est éclairant pour comprendre cette apparente isomorphie. Pour rappel, le nom est un mot dont l’accès à l’extension est direct, alors que l’adjectif est un mot dont l’accès à l’extension est indirect. En l’occurrence, l’adjectif a le plus souvent besoin d’un nom comme support. Cette différence entre modes d’accès à l’extension est corroborée par la distinction entre deux modes de flexion : les flexions sont soit « inhérentes », par exemple, au nom (il les possède en propre) ; soit elles sont « adhérentes », par exemple, pour l’adjectif (il les détient par procuration, à la suite d’un phénomène d’accord).

58


Module 1 : les classes de mots

IM EN

L’accord est le mécanisme flexionnel par lequel est établi un rapport de cohésion entre deux termes, dont l’un (l’apport) apporte du sens au second (le support), lequel en retour transmet les traits et marques morphologiques liés aux catégories grammaticales pertinentes qu’ils ont en partage.

Transmet ses traits et marques

Transmet ses traits et marques

Ex.1 : Une grande montagne à Deux grandes montagnes (apport) (support) (apport) (support) Apporte du sens

Apporte du sens

Ex.2 : Le groupe déterminatif ‘une savante (A) amoureuse (B)’ peut être compris de deux façons différentes, selon l’interprétation syntaxique choisie : soit comme une dame dont on dit qu’elle est une amoureuse et que par ailleurs cette amoureuse est savante en la matière ;

ÉC

§

Une savante amoureuse (apport)

soit comme une dame dont le métier est d’être savante, et dont on précise par ailleurs que cette savante est amoureuse.

SP

§

(support)

Une savante amoureuse (support) (apport)

Mais de quelque manière que ce soit, §

Un des deux termes (A ou B) doit nécessairement être syntaxiquement le noyau du groupe déterminatif, et sémantiquement le

59


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§

support d’information ; à ce titre, il transmet ses traits morphologiques à son apport. L’autre terme (B ou A) doit nécessairement être syntaxiquement le déterminant (ou prédicat) du noyau, et sémantiquement l’apport d’information ; à ce titre, il reçoit les traits morphologiques de son support, c’est-à-dire qu’il s’accorde avec lui.

IM EN

Soit A = support et B = apport (nom) (adjectif)

à B apporte du sens à A (noyau du groupe déterminatif) à A transmet ses traits et marques morphologiques à B Soit A = apport et B = support (adjectif) (nom)

SP

ÉC

à A apporte du sens à B (noyau du groupe déterminatif) à B transmet ses traits et marques morphologiques à A

60


Module 1 : les classes de mots

IM EN

En somme, un mot support (noyau de groupe déterminatif, par exemple) varie selon les traits de flexion dont il est porteur. Ainsi, dans un groupe déterminatif nominal, le noyau nominal possède un genre et est susceptible de varier en nombre31. Ensuite, les apports qui gravitent autour de ce noyau vont s’accorder morphologiquement avec celui-ci pour créer une cohésion. Le mode d’accord le plus simple et le plus cohérent est d’adopter les mêmes traits et marques de flexion que le mot support. Les apports vont donc adopter, pour autant qu’ils soient pertinents pour eux, les traits et marques correspondant aux catégories de flexion de leur support.

Ex. : Soit le GDN des fleurs bleues

SP

ÉC

Dans un groupe déterminatif nominal (GDN = noyau nominal + déterminants), le noyau fleurs possède un genre (= catégorie), qui est féminin (= sous-catégorie) et le locuteur lui attribue un nombre (= catégorie), qui est pluriel (= sous-catégorie). Ce noyau est déterminé par un adjectif qui lui apporte du sens, et qui, en retour, va emprunter au noyau les traits et marques des sous-catégories pertinentes du genre et du nombre, soit ceux du genre féminin et du nombre pluriel. Le genre féminin se marque ici par l’ajout d’un e final à l’adjectif, et le nombre pluriel se marque par l’ajout d’un s final. Ensuite, l’adjectif en fonction de déterminant quantifiant (des) apporte l’indication de la quantité (de l’unité à la totalité) selon laquelle considérer le nom. Le processus de cohésion morphologique veut que l’adjectif adopte également les traits et marques du genre et du nombre du noyau.

31

Dans un groupe déterminatif nominal, les catégories pertinentes sont celles du genre et du nombre. Le genre est inhérent au nom, c’est-à-dire que tel nom possède d’office un genre masculin ou féminin ; il en va de même pour le nombre, même s’il n’est inclus initialement (pré-discursivement) ni dans le nom, ni dans un quelconque déterminant du groupe déterminatif. Ce mode de flexion est en fait fonction de la volonté de l’énonciateur de produire un énoncé qui mette en scène un ou plusieurs objets du monde. Le formatage morphologique singulier ou pluriel des éléments du groupe déterminatif dépend de l’intention de dire, de la réalité à mettre en mots.

61


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.4.2.2

Le pronom

1.4.2.3

Le verbe

IM EN

Le pronom, rappelons-le, est un mot dont l’accès à l’extension est direct, et qui fonctionne prototypiquement comme noyau. À ce titre, sa forme dépend de son mode de flexion propre : potentiellement selon les catégories du genre (masculin, féminin ou neutre), du nombre (singulier ou pluriel), de la personne (1e, 2e ou 3e) et de la fonction (noyau de phrase, déterminant de verbe, déterminant de relation). Ainsi, le pronom personnel « la » est marqué en genre (féminin >< « le »), en nombre (singulier >< « les »), en personne (troisième >< « me », « te ») et en fonction (déterminant du verbe >< « elle » noyau de phrase, « lui » déterminant de relation32). Tous les pronoms ne voient pas leur forme varier selon l’ensemble de ces critères. Par exemple, la forme des pronoms autres que personnels ne varie pas selon la catégorie de la personne : ces pronoms sont tous de la troisième personne.

SP

ÉC

Le mode de flexion du verbe regroupe quasiment l’ensemble des catégories de variation morphologique, dont certaines lui sont propres (flexions inhérentes en mode, temps et aspect) et d’autres qu’il emprunte (flexions adhérentes en personne, nombre et parfois genre). Cette combinaison donne lieu à un ensemble de terminaisons propres aux verbes : les marques de la conjugaison. Si nous nous figurons la construction d’un château au Moyen Âge, et que nous voulons rendre compte linguistiquement de ce procès, nous allons choisir un mode, un tiroir-temps et un aspect adéquats : le mode indicatif, un temps passé et un aspect extérieur ou intérieur33.

Ex. : Au Moyen Âge, les hommes construisirent des châteaux. (Époque passée)

32 33

noyau de phrase (masc. plur.)

Voir Module 2 : L’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé. Voir Module 3 : La conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux.

62


Module 1 : les classes de mots

En outre, en français, nous nous devons d’exprimer le noyau de phrase porteur du procès et duquel dépend le verbe ; cela se fait prototypiquement au moyen d’un groupe déterminatif nominal ou pronominal. Les marques de la personne et du nombre sont transmises par le noyau du groupe noyau de phrase auquel se rapporte le verbe. Mode de flexion

Impact sur le verbe

IM EN

Données influençant la forme verbale

On donne une information Choix ancrée sur la ligne du temps du mode indicatif On parle d’une époque Inhérent (contextuel Choix passée ou intention de dire d’un temps passé de l’énonciateur) On envisage le procès Choix globalement et de l’aspect extérieur ponctuellement Marquage On a un noyau de phrase Adhérent en personne (3e) et e 3 personne du pluriel (par accord) en nombre (pluriel)

ÉC

Remarquons que le phénomène est double : flexion inhérente en mode, temps et aspect du verbe, d’une part, et flexion adhérente (donc accord pour marquer la cohésion) avec la personne grammaticale et le nombre empruntés au noyau de phrase, d’autre part. En outre, en français, l’accord du verbe avec le noyau de la phrase ne sélectionne pas la catégorie « genre » (la variabilité du verbe en genre ne concerne que le participe, qui est considéré comme la forme adjectivale du verbe).

1.4.2.4

Les adverbes et les connecteurs

SP

Pour les adverbes et les connecteurs, il y a absence de flexion. Pour rappel, ce sont des mots dont l’accès à l’extension est doublement indirect et qui, de ce fait, réclament un support sémantico-syntaxique double (une relation à deux pôles). En réalité, en tant qu’apport d’information, le groupe dont l’adverbe est noyau porte sur la relation entre les deux pôles qu’il exige. Une relation est une entité qui n’est pas marquée d’un genre, d’un nombre, d’une personne, d’un mode, d’un temps, d’un aspect, … Partant, il est compréhensible que l’adverbe, noyau du groupe, ne varie pas, qu’il n’adopte aucun trait ni marque morphologiques, étant donné que le support du groupe (la relation) n’en possède pas.

63


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Le groupe dont l’adverbe est noyau fonctionne donc prototypiquement comme déterminant ou prédicat second (T3) d’une relation entre deux termes (T1 et T2), et reste ordinairement invariable.

Terme 2

IM EN

Terme 1

Terme 3

De la même manière, les connecteurs ne varient pas, puisqu’ils sont le signe de la relation (tant au niveau de son type que de son sens) existant entre les deux segments qu’ils relient.

1.4.2.5

L’interjection

SP

ÉC

L’interjection ne varie pas en flexion.

64


Adjectif

Déterminant

65

35

34

C É

Indirect

Indirect

Mode de définition

Catégorielle

Notionnelle

34

Prédicat

35

Mode, temps, aspect

Nombre, personne, (genre)

Genre, nombre, (personne)

/

§ quantifiant-caractérisant

CatégorielleNotionnelle

Notionnelle

Genre, nombre, (personne)

/

§ caractérisant

Notionnelle

Genre, nombre

/

(Personne), (genre), (nombre), (fonction)

§ quantifiant

Déterminant :

Noyau

Catégorielle

(+ not.)

P S

Direct

Direct

Mode d’accès à l’extension

Critères de définition Mode de flexion Mode de fonctionnement du groupe dont le terme Flexions Flexions inhérentes est noyau adhérentes Noyau Genre, nombre /

NOUVEAU SYSTÈME

Le fonctionnement peut être prédicatif second comme dans Fatigués, ils sont partis plus tôt ou dans Pierre marche la tête haute (dans un groupe prédicatif second). Le fonctionnement peut être déterminatif s’il s’agit d’un participe 1 ou 2 en emploi adjectival.

Verbe

Verbe

Pronom

Pronom

Adjectif

Nom

Nom

Classes (9)

THÉORIE

Classes (7)

Mise en parallèle des systèmes

ANCIENNE

1.5

N E M I Module 1 : les classes de mots


66

37

36

Doublement indirect

Doublement indirect

Mode d’accès à l’extension

Catégorielle (+ not.)

Doublement indirect

Notionnelle

§ ligateur + subordinateur § ligateur + (subordinateur) + enchâsseur 37 Prédication impliquée

Déterminant ou prédicat (second) de relation 36 Ligateur : § ligateur

Mode de fonctionnement du groupe dont le terme est noyau

/

/

/

/

/

/

Mode de flexion Flexions Flexions inhérentes adhérentes

Le connecteur ne constitue, en général, pas un groupe mais relie deux groupes. Par conséquent, le mode de fonctionnement principal sera celui de ligateur et sera attaché au connecteur lui-même et non à un groupe dont il serait noyau. Cependant, le connecteur subordonnant a historiquement fusionné avec le groupe qui le suivait pour constituer un groupe déterminatif connectif (GDC). Dans ce groupe, le connecteur ligateur est le noyau, son déterminant est le groupe qui le suit. L’interjection étant un mot qui fonctionne comme une phrase, elle intègre en elle-même la prédication première constitutive de l’énoncé décrivant le procès auquel elle correspond : on parle de prédication impliquée. L’interjection sera traitée souvent à l’écrit comme une irruption de discours re-produit (Voir 2.4.5.2. Le discours re-produit(structure notée Θ dans les schémas)).

Interjection

§ subordonnant § enchâssant

Critères de définition

NOUVEAU SYSTÈME

C É

Mode de définition

Notionnelle

P S

Connecteur § coordonnant

Préposition

Conjonction § conj. coord. § conj. sub. Interjection

Adverbe

Classes

Adverbe

Classes

THÉORIE

ANCIENNE

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 1 : les classes de mots

1.6

Fiches d’identité des classes §

LE NOM

§

LE PRONOM

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

§

L’ADJECTIF

ÉC

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion : §

direct catégorielle (+ notionnelle) noyau (personne), (genre), (nombre), (fonction)

indirect notionnelle et/ou catégorielle déterminant (quantifiant et/ou caractérisant) genre, nombre, (personne)

LE VERBE

SP

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

38

direct notionnelle noyau genre, nombre

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement38 : mode de flexion :

indirect notionnelle prédicatif mode, temps, aspect, personne, nombre, (genre)

À comprendre comme le mode de fonctionnement prototypique du groupe dont le terme est noyau.

67


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§

L’ADVERBE

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion : LE CONNECTEUR

IM EN

§

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion : §

doublement indirect notionnelle déterminant ou prédicat second /

doublement indirect catégorielle (+ notionnelle) ligateur (+ subordinateur) (+ enchâsseur) /

L’INTERJECTION

doublement indirect notionnelle prédication impliquée39 /

SP

ÉC

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

39

Voir 1.3.3 Les mécanismes d’apport d’information : la détermination et la prédication.

68


Module 1 : les classes de mots

Le nom 1.6.1.1 Identité

1.6.1.2

direct notionnelle noyau genre, nombre

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

Les types de noms

SP

ÉC

Nous sous-catégorisons le nom à partir de deux critères : commun/ propre et simple/composé. Les autres paires concret/abstrait, humain/non humain, animé/inanimé ne sont présentées que pour expliquer des différences de pronominalisation40. Remarquons, cependant, que le caractère plus ou moins concret/ abstrait du nom peut avoir une incidence sur la manière dont on croit percevoir son extension. Lorsque l’on se figure un nom à partir de l’accès direct à son extension, on utilise généralement des noms concrets comme le mot table. Ces mots sont facilement représentables : on peut les dessiner aisément. Dès lors, leur extension est facilement concevable : concevoir l’ensemble des objets auxquels le mot table peut être appliqué ne pose que peu de problèmes. Cependant, il peut apparaitre difficile d’envisager de dessiner l’ensemble de noms comme situation, beauté, psychologie, etc. Pour autant, le mode d’accès à l’extension de ces mots reste bien direct. Prenons l’exemple de beauté. On n’a pas besoin de support pour concevoir la beauté, car ce qui est visé, c’est le caractère commun à tout ce qui est beau, le commun dénominateur, et non un support qui serait beau. Le nom beauté renvoie donc directement à l’ensemble des êtres ou des objets auxquels il peut être appliqué : comme le nom homme ne renvoie qu’à lui-même (on ne dit normalement homme que d’un homme, alors que vert se dit de nombreux êtres ou objets porteurs de cette caractéristique), le nom beauté ne renvoie qu’à la beauté même, c’est-àdire seulement à la beauté. 40

Par exemple, ‘autrui’ et ‘personne’ ne peuvent être utilisés que pour désigner des humains. De même, les pronoms ‘je’ et ‘tu’ ne peuvent être utilisés que pour désigner des animés, ou considérés comme tels. Quant à la paire concret/abstrait, dont la frontière est quasi impossible à tracer, elle n’a d’impact formel que sur le type d’adjectifs utilisés pour les déterminer (quantifiants). Ex. la douceur (abstrait) versus une douceur (concret). Cependant, le fait de caractériser un nom abstrait peut entrainer la présence d’un adjectif quantifiant partitif (ex : une douceur nocturne).

69


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.6.1.2.1 Le critère de la définition : Commun/Propre

IM EN

Le nom commun est appliqué à des êtres ou à des objets en fonction d’une définition préalablement et conventionnellement construite. Par exemple, le nom commun pierre renvoie à la définition conventionnelle suivante : matière minérale solide plus ou moins dure qu’on rencontre en masses compactes à la surface et à l’intérieur du sol41 ; cette définition permet de se figurer un objet du type :

ÉC

Le nom propre, lui, n’a aucun sens préalable et conventionnel, et dès lors pas de définition à priori. C’est une fois appliqué à un objet du monde par une opération de dénomination qu’il se construit un sens fait des expériences que ce nom résume. Par exemple, à la base, le nom Pierre ne signifie rien ; rien ne le prédestine à être utilisé pour désigner telle personne plutôt que telle autre. C’est seulement une fois la dénomination opérée que le nom propre Pierre résume les caractéristiques de vie de la personne dont on parle et à laquelle le nom est appliqué. Remarques La présence de la majuscule est un critère de repérage courant, mais pas toujours efficace, la majuscule pouvant servir de mise en exergue typographique, d’initiale de phrase, … Dans l’expression Monsieur le Directeur, adressée au porteur du titre, la majuscule à Directeur indique une forme de déférence, réelle ou feinte, à l’égard du titulaire. Pour autant, le nom Directeur garde le sens que lui confère le dictionnaire. C’est un nom commun et non un nom propre. Certains noms initialement propres peuvent devenir communs dans certains emplois. Ils sont alors précédés d’un adjectif quantifiant. Le lien entre le nom et son référent devient plus direct, et conventionnel dans le chef des locuteurs qui l’utilisent. Le nom renvoie à un référent particulier (souvent à partir d’une caractéristique marquante ou définitoire de la personne de laquelle vient le nom). Par exemple, dire de quelqu’un que c’est un pygmalion, une mistinguett, … c’est faire référence à une

SP

§

§

41

Définition extraite du Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi).

70


Module 1 : les classes de mots

IM EN

§

caractéristique forte de la personne qui portait ce nom (alors propre). Lors du passage du nom propre au nom commun, le nom perd sa majuscule. À l’inverse, certains noms communs se rencontrent dans des emplois propres. Tel est le cas, par exemple, pour certains noms de rues (Rue de la Station), d’évènements (le Débarquement), de personnages historiques (la Pucelle d’Orléans), etc.

1.6.1.2.2 Le critère morphologique : Simple/Composé

Que ce soit pour les noms communs ou les noms propres, il est de prime abord assez aisé de distinguer un nom simple d’un nom composé. Un nom simple formerait un bloc graphique, tandis qu’un nom composé serait formé de plusieurs termes. La présence du trait d’union est un critère de repérage courant mais pas définitoire. On trouve en effet de nombreux noms dits composés § §

ÉC

§

sans trait d’union : une pomme de terre, une ceinture noire (grade au karaté), … avec trait d’union : un sèche-cheveu, un garde-manger, MarieLouise, … soudés (cas limite où le nom composé rejoint le nom simple) : un portefeuille, un pourboire, …

SP

Un nom composé est un nom constitué, à l’écrit, de plusieurs blocs graphiques, mais qui est perçu, et dès lors fonctionne, comme un nom simple42. Il se caractérise par la perte d’autonomie des éléments tant syntaxiquement que sémantiquement : par exemple, aucun élément ne peut être déterminé indépendamment de l’ensemble ( ? ? la petite pomme verte de la terre friable) ; dans le même ordre d’idées, la pronominalisation se fait sur l’ensemble.

42

Il n’y a finalement que la question orthographique qui les maintienne dans des catégories distinctes. Pourtant, en ce qui concerne la question de la mise au pluriel, il est à présent recommandé (depuis les Rectifications orthographiques de 1990) de ne plus faire reposer l’accord sur la reconstruction de périphrases faisant ressortir le sens des éléments pris individuellement, et de mettre le morphème du pluriel à la fin du dernier terme, seulement lorsque l’ensemble est au pluriel (cf. Module 4 : Grammaire d’accord). Ex. un sèche-cheveu et non, sous prétexte qu’« on sècherait plusieurs cheveux à la fois » ou qu’il y aurait « plus qu’un cheveu sur la tête à Mathieu », un sèche-cheveux. Mathieu pourrait d’ailleurs avoir le cheveu gras (singulier collectif)…

71


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Le pronom 1.6.2.1

Identité

1.6.2.2

direct catégorielle (+ notionnelle) noyau (personne), (genre), (nombre), (fonction)

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

Les types de pronoms

Les seuls mots pouvant être étiquetés ‘pronoms’43 sont des pronoms qui ne sont pas issus d’un mécanisme de pronominalisation accidentelle. Ils sont donc des pronoms « purs » et ont un paradigme de formes propres. On distingue les § Communs : o de sens

§ §

§ §

interrogatif, exclamatif, relatif (qui, que, quoi, dont, où, lequel). Personnels (exprimant une personne grammaticale) : personnes de la conjugaison et dérivés (je, moi, me, m’/tu, toi, te, t’/elle, il, le, la, l’, lui/nous/vous/elles, ils, eux, se, s’ ; on (omnipersonnel)). Déictiques : ce, cela, [celui/celle(s)/ceux + -ci/-là ou une sousphrase pronominale].

Le sens du mot « pronom » varie selon les grammairiens : ‘mot mis à la place d’un nom’ (mais quels noms remplaceraient rien ou personne ; de plus, les pronoms remplacent également des adjectifs (Intelligente, elle l’est), des verbes (Respecter les règles, on est censé le faire), des (sous-)phrases (Qu’il viendra, je le pense), …) ; ‘mot tenant lieu de nom’, qui récupère rien et personne, ainsi que les emplois transposés – emplois quasi nominaux – des adjectifs, des verbes et des (sous-)phrases ; ‘ébauche, préfiguration ou prototype de nom’. Pour éviter l’ambigüité, certains préfèrent parler de proforme. Pour notre part, nous rapprochant de la deuxième acception, nous avons maintenu le terme « pronom », eu égard à son mode d’accès direct à l’extension, qui le rapproche du nom. Il s’agit de parler ici du sens de base de ces pronoms : en marque au départ l’origine (J’en viens) ; y marque la situation ou la direction (J’y suis ; J’y vais). Il va de soi que des sens figurés se sont développés, qui paraissent parfois éloignés du sens de base (J’en profite ; J’en pleurerais ; J’y pense). D’une manière générale, en pronominalise un GDC dont le noyau est le connecteur subordonnant de ; y pronominalise un GDC dont le noyau est le connecteur subordonnant à.

SP

43

en emploi

positifs-négatifs (quelqu’un, personne, quelque chose, rien), locatifs (en, y)44.

ÉC

o

§

44

72


Module 1 : les classes de mots

1.6.2.3

La pronominalisation

Exemples :

IM EN

Considérant qu’un pronom est la forme condensée d’un nom ou d’un groupe déterminatif nominal, on a inclus abusivement beaucoup de mots dans la classe des pronoms. Ils ne sont que le résultat d’un mécanisme de pronominalisation45. L’effacement du substantif noyau laisse généralement inchangé ou modifié un autre mot de définition au moins catégorielle (adjectif en emploi quantifiant ou quantifiant-caractérisant), le cas échéant accompagné d’un caractérisant, ou encore un connecteur subordonnant.

SP

ÉC

1. J’ai deux robes : une verte et une bleue. La première est plus longue que la seconde. Mais je préfère quand même les tiennes. 2. J’ai quelques robes ; j’en ai quelques-unes/plusieurs. 3. La plupart de tes robes sont belles ; la plupart sont belles. 4. Chaque robe a un créateur ; chacune a un créateur. 5. L’histoire a connu bon nombre de grammairiens : certains étaient plus logiciens, d’autres plus structuralistes. 6. Je vote pour ce projet ; je vote pour.

45

Voir 1.3.4.2 La pronominalisation.

73


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’adjectif 1.6.3.1

Identité

mode de flexion :

1.6.3.2

indirect notionnelle et/ou catégorielle déterminant (quantifiant et/ou caractérisant) nombre, genre

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement :

Les types d’adjectifs

Cette classe est unifiée par l’accès indirect à l’extension. Se retrouvent donc sous la classe des adjectifs (= classe des mots « posés à côté du » nom) tous les anciens déterminants46 et tous les anciens adjectifs (qualificatifs, …). La classe des adjectifs regroupe 5 sous-classes. À côté des adjectifs communs, par défaut, on dénombre 4 sous-classes de sens et d’emploi particuliers : les adjectifs communs : les adjectifs qui annoncent une quantité indéfinie, non précise, limitée à une zone de l’éventail entre zéro et la totalité (aucun, nul, quelques, plusieurs, certains, divers, quel, lequel, …), les tournures du type « l’un ou l’autre X », « une espèce de X », « je ne sais quel X », « n’importe quel X », « cette andouille de X », … ; ainsi que tous les adjectifs simples ou composés (un X rouge, les X désordonnés, une X neuve, un enfant sourd-muet, …)47 que l’on considèrera comme des adjectifs de base, non plus spécifiquement qualifiables en tant que sousclasse, et donc communs.

ÉC

§

les adjectifs articulaires : tous les anciens « articles » (renommés adjectifs articulaires dans la mesure où, susceptibles de désigner chacun tant l’unité que la totalité des éléments de l’ensemble, ils articulent en discours les noms de la langue avec les référents du monde auxquels ils renvoient).

SP

§

46

47

Les anciens articles définis, indéfinis et partitifs, ainsi que les déterminants numéraux, indéfinis, possessifs, démonstratifs… Le terme « déterminant » est utilisé dans ce référentiel pour désigner les éléments fonctionnant par détermination. C’est donc un terme qui désigne une fonction et non plus une classe de mot. Seront rangés dans cette dernière catégorie, tous les anciens adjectifs qualificatifs, qui, à l’intérieur d’un GDN, fonctionnent essentiellement comme caractérisants (à l’exception des numéraux ordinaux et personnels toniques, rangés ci-dessous).

74


Module 1 : les classes de mots

les adjectifs numéraux : les numéraux cardinaux (les dix commandements, deux arbres, …) ainsi que les numéraux ordinaux (un troisième enfant, le livre quatrième, …), qui donnent une indication précise de quantité ou de rang.

§

les adjectifs personnels : les anciens « possessifs atones » mon, ma, mes, ton, ta, tes, son, sa, ses, notre, nos, votre, vos, leur, leurs ; ainsi que les anciens « possessifs toniques » : une mienne cousine, un tien voisin, … (devenus rares). On parle d’adjectifs « personnels » (toniques ou non) car ils établissent un rapport à la personne (mon général, mon train, ma femme, une mienne cousine, …), et sont donc les seuls adjectifs à être fléchis en personne. Cette terminologie est préférable à l’appellation « possessif » qui suppose un rapport de possession. Lorsque je dis « J’ai raté mon train », je n’en suis nullement le propriétaire. De même, « ma copine » ne m’appartient pas.

§

les adjectifs déictiques : les anciens « démonstratifs » ce, cet, cette, ces (+ -ci/-là), ledit, ladite, lesdits, lesdites. On parle d’adjectifs « déictiques », parce qu’ils font référence au contexte. « Cet homme » est l’homme que je montre ou l’homme dont j’ai parlé.

ÉC

IM EN

§

1.6.3.3

Les adjectifs en fonctionnement prototypique de déterminant

Dans leur fonctionnement prototypique de déterminant48, les adjectifs peuvent être scindés en trois sous-groupes, selon leur sous-fonctionnement : la quantification, la caractérisation ou la synergie des deux sousfonctionnements. Les adjectifs en fonction de déterminants quantifiants Les adjectifs en fonction de déterminants caractérisants Les adjectifs en fonction de déterminants quantifiants-caractérisants49

SP

§ § §

48

49

On trouve quand même des exemples d’adjectifs en fonctionnement prédicatif. Il s’agit essentiellement d’adjectifs en position de prédicat second (prédicat, en l’absence de verbe conjugué à un mode personnel, sur un terme de la phrase). Ex. : Verte, cette banane n’est pas mûre. On se reportera à la partie consacrée aux fonctions pour envisager les mots ou groupes de mots d’autres natures qu’adjectivale qui peuvent occuper des fonctions de déterminant quantifiant, déterminant caractérisant et déterminant quantifiant-caractérisant.

75


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.6.3.3.1 Les adjectifs en fonction de déterminants quantifiants Ils donnent une indication de la quantité d’êtres ou d’objets du monde auxquels le mot support est effectivement appliqué. En fonctionnement déterminatif, les adjectifs suivants quantifient : les adjectifs articulaires : ces adjectifs articulent en discours les noms de la langue avec les référents du monde auxquels ils renvoient ; ils sont susceptibles de pouvoir désigner chacun tant l’unité que la totalité des éléments de l’ensemble, soit les deux pôles de la tension unité-totalité, qui renvoie à la tension particulier-universel.

IM EN

§

Ex. : Un enfant est toujours l’ouvrage de sa mère (= totalité par addition d’unités, universel) >< Un enfant entra dans la pièce (= unité, particulier) ; L’enfant alla s’assoir près de la fenêtre (= unité, particulier) >< L’enfant est l’avenir de l’Homme (= totalité, universel). Unité

X

Totalité

X

Cette sous-classe comprend :

la série « le » : le, la, l’, les50

§

la série « un » : un, une, des

§

la série « de » : de, du, de la, de l’

§

Ø : J’ai Ø peur ; rendre Ø justice51

SP

ÉC

§

50

51

On prendra soin de ne pas confondre, d’une part, adjectif articulaire et, d’autre part, ce que l’on a appelé article contracté (connecteur subordonnant à + le(s) = au(x) : Pierre va au marché ; connecteur subordonnant de + le = du : Sarah vient du port). Du latin au français se sont généralisés les adjectifs articulaires. Cependant il reste des poches de résistance : dans des expressions figées (rendre justice), quand il n’apparait pas nécessaire de quantifier, ou dans certaines fonctions, où une quantification apparaitrait redondante (parce que déjà prise en charge par ailleurs) : Philippe, Roi des belges (l’ancienne ‘apposition’, ici ‘prédicat second’) ; Pierre est médecin (l’ancien ‘attribut du sujet’, ici ‘déterminant du verbe en emploi copule’) ; Adieu, veaux, vaches, cochons, couvées… (les énumérations).

76


Module 1 : les classes de mots

L’opposition le >< un La différence entre le (et dérivés) et un (et dérivés) tient à la place qu’occupe l’élément déterminé au sein d’un ensemble plus grand.

enfant

Un enfant

IM EN

L’enfant

On sélectionne le seul élément d’un ensemble singleton. Cet élément recouvre donc la totalité de l’ensemble.

enfant X

enfant

enfant

On extrait un élément d’un ensemble plus grand. Cet élément recouvre donc une partie de l’ensemble52.

PARTITIF

SP

ÉC

EXHAUSTIF53

enfant

52

53

La lecture d’un enfant est toujours l’ouvrage de sa mère en tous les enfants (lecture exhaustive) résulte de la répétition jusqu’à épuisement de l’ensemble de l’opération qui consiste à prélever un élément d’un ensemble qui en contient plus d’un. On ne peut normalement pas combiner deux adjectifs qui quantifieraient un même support. La combinaison est néanmoins possible entre un adjectif articulaire de type les et l’adjectif commun quelques ou un adjectif numéral cardinal (quatre). Dans les quelques/quatre livres, la quantification est d’abord partitive : on prend quelques ou quatre livres dans l’ensemble de départ qui en compte plus ; ensuite, sur la base de ce qui apparait comme un sous-ensemble de quelques/quatre livres, on déclare que l’on considère l’exhaustivité de ces quelques/quatre livres pour parler de la totalité d’entre eux, ce qui entraine l’usage de les : les quelques/quatre livres.

77


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’opposition un >< du Parmi les adjectifs articulaires partitifs, on distingue encore les numératifs (ceux qui déterminent un nom que l’on peut compter : une chaise, des chaises, …) des massifs (ceux qui déterminent un nom que l’on ne peut compter : de la mayonnaise, de l’eau, …)54. ><

de l’eau

IM EN

une goutte

(comptable ; on peut remplacer ce quantifiant par d’autres quantifiants deux, quelques, … gouttes)

(non comptable)

En résumé, on obtient une nouvelle répartition des adjectifs articulaires, différente de la répartition traditionnelle en « définis », « indéfinis » et « partitifs » :

ÉC

ADJECTIFS ARTICULAIRES

EXHAUSTIFS

Numératifs

Massifs

un, une, des

du55, de la, de l’

SP

le, la, les, l’

PARTITIFS

54

55

On peut également avoir une expression numérative d’un mot non comptable : une eau, des eaux de marques différentes ; et inversement, une expression massive d’un mot comptable : il vend de la chaussette sur les marchés (d’après Hervé Bazin). L’adjectif articulaire partitif du ne doit pas être confondu avec l’article contracté homophone. Ex. : Je mange du pain (adjectif articulaire partitif) >< Je viens du port (article contracté).

78


Module 1 : les classes de mots

§

certains adjectifs communs56 : partitifs, à l’exception de tous les, ces adjectifs annoncent une quantité indéfinie, limitée à une zone de l’éventail entre zéro et la totalité. Zéro

X

X

X

X

X

X

X

IM EN

X

Totalité

Cette sous-classe comprend : §

des formes simples : aucun(e)(s), chaque, nul(le), maint(e)(s), moult, tout(e)(s), quelques, plusieurs, …

§

des formes composées « quantifieur (+ de) (+ le, la, les) : beaucoup de, assez de, plus de, trop de, pas de57, tous les, nombre de, quantité de, le plus clair de, le plus gros de, la plupart de, la majorité de, …

Ensemble des objets « livres » On en sélectionne une quantité non précisée

SP

ÉC

Quelques livres

56 57

Nous réservons la dénomination commun aux adjectifs qui quantifient et/ou caractérisent sans plus d’indication. Dans ces cinq premiers exemples, le de est en fait un adjectif articulaire partitif qui quantifie son support et beaucoup, assez, plus, trop, pas, sont des adverbes qui quantifient partitivement la relation entre ce quantifiant de et son support. On observe le même phénomène avec tous et le pendant exhaustif les dans tous les : tous est dans ce cas un adverbe qui quantifie, pour en marquer l’exhaustivité, la relation entre le quantifiant les et son support hommes dans tous les hommes.

79


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

certains adjectifs numéraux : partitifs, les numéraux cardinaux, antéposés au nom (les dix commandements, deux arbres, …), donnent une indication précise de la quantité d’objets sélectionnés.

Zéro

Unité

0

1

Deux livres

Totalité 2 … 10 … 1000 … 100000 …

IM EN

§

Ensemble des objets « livres » On en sélectionne une quantité numériquement précise

1.6.3.3.2 Les adjectifs en fonction de déterminants caractérisants

ÉC

Ils déterminent le mot support en en réduisant l’extension. Ils le caractérisent. Gros livres

Ensemble des objets « livres »

SP

Sous-ensemble des objets « gros livres »

En fonctionnement déterminatif, les adjectifs suivants caractérisent : §

certains adjectifs communs : les adjectifs simples ou composés qui énoncent une qualité (un X rouge, les X désordonnés, une X neuve, un enfant sourd-muet, …).

§

certains adjectifs numéraux : les numéraux ordinaux antéposés et postposés (un troisième enfant, le livre quatrième, …), auxquels s’ajoutent les numéraux cardinaux

80


Module 1 : les classes de mots

postposés au nom en emploi ordinal (Louis XIV, Acte III scène 2, …). §

certains adjectifs personnels : les adjectifs personnels toniques (une mienne cousine, un tien voisin, … (devenus rares)).

IM EN

1.6.3.3.3 Les adjectifs en fonction de déterminants quantifiantscaractérisants Ils donnent une indication de quantité et réduisent l’extension du nom auquel ils se rapportent. Mon livre = le livre en rapport avec moi

Ensemble des objets « livres »

ÉC

Sous-ensemble des objets « livres » en rapport avec moi + on en sélectionne une quantité précise = le = 1 du sous-ensemble singleton.

En fonctionnement déterminatif, les adjectifs suivants quantifient et caractérisent : certains adjectifs communs : les adjectifs qui à la fois quantifient et énoncent une qualité indéterminée, tel, certains, différents, divers, (telles / certaines / différentes / diverses personnes sont venues), autre, même, (autre/même chose)58, quel (en emploi interrogatif ou exclamatif), lequel (en emploi relatif), les tournures du type « l’un et/ou l’autre X », « une espèce de X », « une sorte de X », « je ne sais quel X », « n’importe quel X », « cette andouille de X », …

SP

§

58

§

certains adjectifs personnels : les personnels atones, mon, ma, mes, ton, ta, tes, son, sa, ses, notre, nos, votre, vos, leur, leurs.

§

les adjectifs déictiques : ce, cet, cette, ces (+ -ci/-là), ledit, ladite, lesdits, lesdites.

S’ils sont précédés d’un déterminant quantifiant, ces adjectifs communs ont un fonctionnement de caractérisant : une telle décision, une différente manière de voir, une autre/même chose, …

81


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Le verbe 1.6.4.1

Identité

1.6.4.2

indirect notionnelle prédicatif mode, temps, aspect, personne, nombre, (genre)

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

Les types ou emplois des verbes

ÉC

Il est nécessaire d’éviter les cloisonnements « par essence » (transitif, copule, unipersonnel) que l’usage dément ou démentira à mesure de l’évolution de la langue. Il faut envisager des cadres plus souples et parler d’emploi. Ainsi, le verbe tomber peut connaitre des emplois intransitif (Pierre tombe, ‘il chute’), transitif (Pierre tombe la veste, ‘il l’enlève’) ou unipersonnel (Il tombe des cordes, ‘il pleut’), sans compter l’emploi de Il tombe amoureux59. Nous rappelons ici l’importance de traiter les extraits de productions langagières en discours et non dans un absolu de langue qui étiquette une fois pour toutes un item hors contexte. Les emplois du verbe seront ici répartis selon leur transitivité,

§

leur rapport à la charge lexicale,

§

leur rapport à la personne grammaticale du noyau de la phrase.

SP

§

59

Où amoureux est ici plutôt considéré comme un prédicat second détaché du noyau de phrase (il s’accorde avec lui) que comme un déterminant du verbe tomber, qui n’a à priori pas de déterminant. Cela est rendu possible par le sens particulier de tomber, qui s’apparente de plus en plus, dans ce cas, à un verbe support, quasi copule. La langue bouge, les emplois de verbes qui se lexicalisent également. Dès lors, l’analyse ellemême doit pouvoir en rendre compte.

82


Module 1 : les classes de mots

1.6.4.2.1 La transitivité60 Le verbe est catégorisé selon qu’il est construit avec ou sans déterminant, et, dans le premier cas, selon le type de déterminant avec lequel il est construit (avec ou sans connecteur subordonnant61). On trouvera par exemple des verbes dits en emploi : § transitif (direct, indirect)

§ Intransitif

IM EN

Le verbe a un déterminant construit directement ou indirectement. Ex. : Pierre lit un livre ; Pierre pense à son livre. Certains verbes peuvent être employés dans des constructions où l’on peut identifier deux types de déterminants : un déterminant du verbe (1) et un déterminant de la relation entre le verbe et son déterminant (2). On parle dans ces cas de verbes en emploi doublement transitif ou bitransitif. Ex. : Pierre offre des fleurs (1) à Sarah (2) ; Sarah dérive cet emploi (1) d’un autre plus ancien (2) ; Pierre tient ça (1) de son père (2).

SP

ÉC

Le verbe est construit sans déterminant (Pierre part). L’emploi intransitif d’un verbe qui peut par ailleurs se construire transitivement est susceptible d’altérer le sens du verbe. Ex. : Pierre boit un verre (= ‘Pierre a soif’) >< Pierre boit Ø (= ‘Pierre boit un verre pour le moment, dans la situation présente’ ou ‘Pierre est alcoolique’, l’absence de déterminant marquant dans cette deuxième interprétation une disposition générale de Pierre à boire. Il faut s’en remettre au contexte pour trancher entre les deux lectures, situationnelle ou dispositionnelle62).

60 61

62

Voir 2.3.5.2.1.1.1.3 Déterminants du verbe / du noyau du groupe déterminatif verbal. Il existe également des déterminants indirects construits sans connecteur subordonnant, lorsqu’ils se trouvent sous la forme pronominale (me, te, se, lui, leur, en…). Toutefois, si ce déterminant est dépronominalisé ou présent sous la forme tonique (à moi, à toi…), un groupe déterminatif connectif réapparait (lui à à Pierre/lui, en à de Sarah…). Le déterminant zéro (Ø) d’un verbe pourra en fait recouvrir trois lectures différentes que le contexte ou la connaissance du lexique se chargeront de distinguer : la situationnelle et la dispositionnelle, d’une part, pour les verbes d’emplois d’habitude transitifs ; et la lecture absolue, d’autre part, pour les verbes d’emplois d’habitude intransitifs (Il part).

83


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.6.4.2.2 Le rôle du verbe et la charge lexicale Le verbe est catégorisé selon le rôle qu’il joue au sein du prédicat et la charge lexicale qu’il porte. Il est nécessairement au moins porteur des indications de mode, de temps et d’aspect, et permet ainsi au groupe déterminatif dont il est le noyau de fonctionner comme prédicat. Il est en outre susceptible de porter un sens plus ou moins marqué. Le verbe peut être : à

support et pleinement lexical

IM EN

§ plein

Le verbe est pleinement porteur de sens Ex. : Sarah chante ; Pierre appelle son chien ; Xavier mange italien ; Je pense donc je suis (dans le sens d’exister). § support

à

pleinement support et peu lexical

ÉC

Le verbe est partiellement désémantisé. Il est surtout porteur des indications de mode, de temps et d’aspect, afin de permettre au groupe dont il est le noyau de fonctionner comme prédicat. De la sorte, il sert de support au déterminant qui le suit et qui porte la part la plus importante de la charge sémantique du prédicat. Ex. : Sarah a peur ; Pierre prend la fuite

SP

Cas particulier du verbe support : le verbe en emploi copule à support, peu lexical et pleinement lien (grammatical). Le verbe en emploi copule est, comme les autres verbes supports, peu porteur de sens. Il constitue essentiellement le lien entre le déterminant du verbe et le noyau de phrase avec lequel celui-ci s’accorde lorsqu’il est de nature adjectivale. Le déterminant de ce verbe est généralement pronominalisable à l’aide de la forme neutre du pronom dit objet (le, l’). Ex. : Je suis sage (Je le suis) ; Elle devient grande (Elle le devient)…

§

coverbe

à

support de composition verbale, peu lexical

Le coverbe est un verbe qui permet à un autre verbe (dont la forme sera infinitive ou participe) d’être conjugué. Contraire-

84


Module 1 : les classes de mots

1.6.4.2.3 La personne

IM EN

ment à ce que nous avons vu pour le verbe support où le segment qui le suit est un terme de phrase (déterminant de ce verbe), le verbe que le coverbe permet de conjuguer n’en est pas le déterminant. La tradition grammaticale privilégie être et avoir (appelés « auxiliaires ») à cause du paradigme des formes (sur)composées de la conjugaison, mais ce type d’emploi s’étend à d’autres formes (venir de, aller, … + infinitif). Ex. : Sarah a mangé sa soupe ; Pierre est allé au football ; Pierre va partir ; Sarah vient de partir. Dans les exemples ci-dessus, les participes et les infinitifs ne sont pas déterminants de verbe. Ils font partie de la forme verbale.

Le verbe est catégorisé selon qu’il se conjugue, aux modes personnels, à une ou plusieurs personnes : § personnel

Le verbe est conjugable à plusieurs personnes. Ex. : Je/Il noue des cordes.

ÉC

§ unipersonnel

SP

Le verbe est conjugué à la seule 3e personne du singulier. Ex. : Il pleut des cordes63. Ce pronom Il qui régit l’accord du verbe n’est en fait que la matérialisation de la personne anciennement incluse dans la forme verbale, que d’aucuns appellent par ailleurs personne d’univers. Dans cette tournure, on ne parle pas de Il, qui occupe la fonction de noyau de phrase ; on parle des cordes. Il apparait donc évident que ce dont on parle, ce dont on affirme ou nie quelque chose, le thème (Voir 2.2.1 La structure logique du procès : thème et rhème), n’occupe pas, dans le formatage syntaxique, la position de noyau de phrase, ce qui est une spécificité par rapport aux autres voix (Voir 2.2.2 La voix). Le véritable thème (des cordes) est relégué en position syntaxique de déterminant du verbe. Les catégories d’emplois sont cumulables entre elles, mais pas à l’intérieur d’une même catégorie (il ne peut y avoir de verbe à la fois en emploi transitif et intransitif). 63

Dans l’exemple Les coups pleuvent, pleuvoir se retrouve en emploi personnel.

85


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Entre catégories, toutes les combinaisons sont possibles 64. On peut trouver des verbes § transitif + copule + unipersonnel à Il est utile d’étudier. § intransitif + plein + unipersonnel à Il neige.

SP

ÉC

IM EN

§ transitif + support + personnel à Vous avez mal aux dents.

64

Tout semble possible, si ce n’est qu’à première vue, on ne peut trouver un verbe qui soit intransitif et copule ou support. En effet, un verbe en emploi copule ou support n’assume rien d’autre qu’un rôle grammatical et sa présence est justement due à la nécessité de créer un prédicat complet, qui puisse porter l’information principale du rhème : le déterminant du verbe.

86


87

65

Est construit avec un déterminant de verbe et un déterminant de la relation [DéterminantNoyau GDV]

Pierre pense [à Sarah]

Pierre tient [ça] [de son père]

Pierre part Pierre boit Pierre pense

Sarah chante Pierre lit [une histoire]

Porte une information sémantique significative

Plein

Il prend [la fuite] Sarah a [peur]

Sert de support en mode, temps et aspect. Est partiellement désémantisé

Non copule

Copule

Sarah est [belle] Sarah devient [agressive]

Sert de support en mode, temps et aspect. Est un lien entre le noyau de la phrase et le dét. du verbe (notamment pour l’accord)

Support

Pierre a [mangé] sa pomme. Pierre va [partir]

Sert de support de composition verbale. Est peu lexical

Coverbe

Rôle et charge sémantique du verbe

C É

Est construit sans déterminant

Intransitif

P S

Est construit avec un déterminant indirect (pris en charge notamment par 65 un GDC )

Est construit avec un déterminant direct (pris en charge notamment par un 64 GDN )

Pierre boit [un jus de pomme]

Indirect

Direct

Bitransitif

Transitivité

Transitif

CRITÈRES DE CLASSEMENT

ou un GDPron. ou une sous-phrase. Voir 1.6.4.2.1 La transitivité.

Exemples d’emplois

Glose explicative

1.6.4.2.4 Récapitulatif : les différents emplois du verbe en discours

N’est conjugué qu’à la 3e pers. sing. en relation avec un noyau de phrase (il), qui ne correspond pas au thème (des cordes)

Unipersonnel

Il noue [des Il pleut [des cordes] cordes] La pluie tombe Il faut [partir] Il neige

Peut être conjugué à plusieurs personnes grammaticales

Personnel

Personne

N E M I Module 1 : les classes de mots


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’adverbe 1.6.5.1

Identité

1.6.5.2

doublement indirect notionnelle déterminant ou prédicat second /

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

Les types d’adverbes

Dans leur fonction de déterminants, on peut considérer deux grands pôles66 dans les adverbes §

adverbes plutôt quantifiants

§

adverbes plutôt caractérisants

§ Les adverbes plutôt quantifiants indiquant notamment

la quantité, l’intensité et la comparaison : si, beaucoup, très, trop, moins, plus, assez, tellement, peu, peu ou prou, fort, guère, presque, aussi, autant, tant, davantage, environ, pas mal, tout à fait, tout (tout beau), que (Que vous êtes jolie !), ne pas, … la quantification d’arguments : même, surtout, seulement, … la fréquence : souvent, parfois, jamais, toujours, longtemps, ne pas/ jamais/plus, …

ÉC

o

o

SP

o

§ Les adverbes plutôt caractérisants, notamment

66 67

o

Adverbes en -ment (issus des adjectifs caractérisants) : gentiment, bruyamment, alphabétiquement, vaillamment, …67 ;

De nombreux adverbes sont également employés, à l’instar des connecteurs, comme ligateurs (alors, après, ensuite, depuis, puis, …). Voir Module 4 : Grammaire d’accord sur la formation des adverbes en -ment. Certains adverbes en -ment voient leur signification parfois glisser de la caractérisation à la

88


Module 1 : les classes de mots

o

Locutions adverbiales : à tort, à propos, cicontre/dessus/dessous, … ; audedans/dehors/dessus, … là-contre/dedans/dessus/ bas, … ; en arrière/avant, … ; quelque part, … bien, mal, mieux, bon, bas, haut, cher, plutôt, quasi, ainsi, vite, volontiers, jadis, autrefois, demain, soudain, naguère, désormais, avant, avant-hier, où, ailleurs, autour, arrière, ici, là, çà et là, dessus, dessous, contre, derrière, devant, loin, dedans, dehors, longtemps (durée), partout, …

IM EN

o

Dans leur fonction de prédicats, on peut considérer :

§ Les adverbes modaux, qui expriment le jugement fait par l’énonciateur sur la probabilité de son énoncé : o certainement, assurément, certes, apparemment, sans doute, probablement, … § Les adverbes évaluatifs, qui expriment un jugement de l’énonciateur sur son énoncé : heureusement, curieusement, …

SP

ÉC

o

quantification pour marquer l’intensité : vachement, franchement, carrément, gravement…

89


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Le connecteur 1.6.6.1

Identité

mode de flexion :

1.6.6.2

doublement indirect catégorielle (+ notionnelle) ligateur (+ subordinateur) (+ enchâsseur) /

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement :

Les types de connecteurs

SP

ÉC

On peut observer différents types de connecteurs : on sépare traditionnellement préposition et conjonction (de coordination et de subordination). La délimitation n’en est pas toujours claire, d’autant que d’autres termes (adverbes de liaison, par exemple) peuvent également remplir le rôle de connexion. Nous considèrerons qu’il n’y a qu’une classe de connecteurs. Mais nous différencierons ces connecteurs sur la base de leur mode de fonctionnement. Nous envisageons ici trois modes de fonctionnement principaux : la ligature, la subordination et l’enchâssement. Les connecteurs en emploi combinent ou non ces modes de fonctionnement. C’est sur la base des combinaisons potentielles de ces trois modes que seront indexés les connecteurs à telle ou telle sous-classe de fonctionnement : connecteurs coordonnants, connecteurs subordonnants et connecteurs enchâssants. Par ailleurs, les connecteurs subordonnants et enchâssants permettent à une structure qui à priori ne peut pas fonctionner dans un emploi particulier (par exemple, le groupe déterminatif nominal ma mère ne peut fonctionner comme l’adjectif maternel : * le château ma mère), d’être employé comme tel (le château de ma mère). On appelle ce mécanisme la transposition. Ces connecteurs sont donc également vus comme transposeurs. D’autres mots, appartenant à d’autres classes, peuvent également fonctionner comme le font les connecteurs. Nous les considèrerons comme des connecteurs secondaires.

1.6.6.2.1 Le connecteur coordonnant (anciennement conjonction de coordination) Le connecteur coordonnant est simple ligateur non hiérarchisant. Il relie des éléments, placés sur le même plan syntaxique, pour leur permettre d’occuper la même fonction. Cela peut être des structures

90


Module 1 : les classes de mots

intégratives de différents types (du mot à la phrase (GP1), en passant par les groupes déterminatifs, les groupes prédicatifs seconds (GP2) ou les sous-phrases (GP1’)), dont aucune n’est subordonnée à l’autre. Ce connecteur matérialise la relation qui unit les deux structures intégratives.

IM EN

Liste des connecteurs coordonnants : Les traditionnels mais, ou, et, or, ni, car (‘Mais où est Ornicar ?’68) restent les marqueurs de la coordination.

1.6.6.2.2 Le connecteur subordonnant (anciennement préposition)

Donc a longtemps été considéré comme une conjonction de coordination. Cependant, 1°) il est combinable avec un autre connecteur coordonnant, ce qui ne devrait pas être possible (or donc vs. *et mais) et 2°) il n’est pas figé à l’initiale de la deuxième séquence ; il est déplaçable à l’intérieur de celle-ci et joue le rôle de déterminant de relation : Il a beaucoup travaillé ; il a donc réussi. Donc est ligateur et foncteur (il occupe une fonction dans la phrase dans laquelle il est inscrit). Il est donc reversé dans la classe des adverbes de liaison. En outre, or est encore très fortement ressenti lui aussi comme un adverbe. Enfin, l’indexation de car aux coordonnants ne va pas de soi. On trouve en effet des emplois fort proches de l’enchâssant parce que, par exemple avec une focalisation, impossible avec des termes coordonnants : C’est car il est plus vieux qu’elle le quitte. On remarque dès lors que la constitution en classe des coordonnants est de plus en plus artificielle. Cela confirme la pertinence d’un classement des occurrences par emplois factorisés. On a l’habitude de dire que le connecteur subordonnant a comme déterminant un groupe déterminatif nominal (GDN) alors que le connecteur enchâssant introduirait une sous-phrase (GP1’). Cependant, on trouve des exemples comme il faut l’avoir terminé pour dans deux jours / pour demain ou encore Avec Marc pour guide, on ne se perdra jamais. Dans ces cas, le déterminant du connecteur subordonnant est soit un autre groupe déterminatif connectif (GDC), soit un groupe déterminatif adverbial (GDAdv.), soit encore un groupe prédicatif second (GP2). Le point commun entre tous les déterminants du noyau du groupe déterminatif connectif est, en fait, qu’ils sont dépourvus de verbe conjugué à un mode personnel (à l’exception de verbes inclus dans une sous-phrase. Par exemple : Je t’attends à l’endroit que je t’ai indiqué).

SP

68

ÉC

Le connecteur subordonnant est ligateur et subordinateur. Il établit un lien de dépendance entre le segment d’après (un groupe sans verbe conjugué à un mode personnel, c’est-à-dire à l’indicatif ou au subjonctif69) et celui d’avant (terme ou relation). Il rend donc possible la mise en relation de ces deux segments. En outre, il forme avec le second segment un groupe déterminatif connectif (GDC) dont il est le noyau (il est donc le seul connecteur primaire à exercer une fonction autre que celle de connexion). Il permet à ce GDC de fonctionner comme déterminant ou prédicat 2 du premier segment. En d’autres termes, le connecteur

69

91


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

subordonnant rapporte à un support (terme ou relation) un groupe sans verbe conjugué à un mode personnel. Dans l’exemple le château [de ma mère], le connecteur subordonnant de permet au groupe déterminatif nominal ma mère de fonctionner comme déterminant caractérisant de château. Le connecteur subordonnant est vu comme un subordinateur dans la mesure où il marque le lien de dépendance entre un apport (le subordonné) et son support de signification. Par ailleurs, le connecteur subordonnant est vu comme un transposeur dans la mesure où il permet, par exemple, à une structure (un groupe déterminatif nominal ma mère) qui à priori ne peut pas fonctionner dans un emploi adjectival de caractérisant (comme l’adjectif maternel), d’être employé comme tel. Dans certains cas, par exemple J’essaie de partir, le connecteur subordonnant peut cependant apparaitre plus transposeur que subordinateur : il permet de faire fonctionner un verbe à l’infinitif comme déterminant direct d’un autre verbe, fonction généralement occupée par un groupe déterminatif nominal. Si l’on avait un GDN, il serait dans ce cas construit directement : J’essaie une autre tactique. Mais dans les deux cas, le déterminant du verbe est subordonné (apport) au verbe.

SP

ÉC

Liste des connecteurs subordonnants : Formes simples : à, après, avant, comme (+ GD ou GP2), contre, de, dans, depuis, derrière, dès, devant, entre, par, parmi, pour, en, vers, chez, avec, sans, sous, sur, devant, contre, entre, hors, hormis, jusque, sans, selon, sous, sur, vers, … Certaines formes simples sont le résultat du figement d’expressions indexables à d’autres classes de mots : par exemple, participes 1 (concernant, durant, pendant), participes 2 (excepté), noms (genre, point de vue, côté), adjectifs (sauf) … Vu le figement, ces formes simples sont en passe de glisser du statut de connecteur secondaire à celui de connecteur primaire. Formes composées (notamment en « X + de »), parfois appelées ‘locutions prépositives’ : à cause de, à côté de, à la lumière de, à travers, loin de, proche de, près de, au-dessus de, au-dessous de, d’après, en dessous de, en face de, face à, grâce à, hors de, par-dessus, pardessous, pour ce qui concerne, sur (la) base de, …

92


Module 1 : les classes de mots

1.6.6.2.3 Le connecteur enchâssant (anciennement conjonction de subordination)

IM EN

Le connecteur enchâssant est toujours ligateur et enchâsseur. Il relie (ligateur) en les hiérarchisant des éléments phrastiques. Il intègre une sous-phrase dans la phrase matrice (enchâsseur). Ce connecteur instaure également un rapport de hiérarchie entre la phrase matrice, hiérarchiquement supérieure, et la sous-phrase enchâssée, hiérarchiquement inférieure. Il peut également, dans ses formes fusionnées et composées, marquer le lien de subordination entre la sous-phrase qu’il enchâsse (et qui serait dès lors apport et subordonnée) et son support ; il est, dans ce cas, subordinateur. Le connecteur enchâssant permet, par ailleurs, à une sous-phrase de fonctionner comme un groupe déterminatif nominal, capable d’endosser une fonction, comme celle de déterminant du verbe dans Je pense que tu viendras demain. Que transpose ici la sous-phrase dans un emploi de groupe déterminatif nominal : il est donc également transposeur. Liste des connecteurs enchâssants :

§ Formes basiques : que (marqueur d’enchâssement qui présente la sous-phrase comme posée), si (marqueur d’enchâssement qui présente la sous-phrase comme supposée).

ÉC

§ Formes fusionnées (composées d’un que) : comme (+ GP1), lorsque, puisque, quand, quoique, … § Formes composées (« X + que ») : à condition que, afin que, alors que, après que, avant que, bien que, étant donné que, jusqu’à ce que, parce que, pour que, tandis que, …

SP

Parmi les connecteurs enchâssants, les connecteurs de forme basique (que et si) ne sont que rarement subordinateur. Dans Que tu partes m’ennuie / Si tu viens ne m’intéresse pas (= ‘le fait de savoir si tu viens…’), la sous-phrase est noyau de phrase ; elle ne sera pas apport, mais support ; elle ne sera donc pas subordonnée et le connecteur ne sera dès lors pas subordinateur. Dans Je souhaite que tu partes / Je ne sais pas si tu viendras, le connecteur enchâssant permet de faire fonctionner une sous-phrase comme déterminant direct d’un verbe, fonction généralement occupée par un groupe déterminatif nominal ; le connecteur est transposeur. Si l’on avait un GDN ou un GDPron, il serait, dans ce cas, construit directement (donc sans connecteur subordonnant) : Je souhaite ton départ / Je ne le sais pas / Je ne sais pas cela. Mais dans les deux cas, le déterminant du verbe est subordonné (apport) au verbe. Cependant, le lien 93


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

de subordination est en fait marqué par une juxtaposition subordonnante et non par un marqueur spécifique de subordination. Le connecteur n’est donc pas subordinateur. Dans Je doute qu’il vienne, le connecteur enchâssant permet de faire fonctionner une sous-phrase comme déterminant indirect d’un verbe, fonction généralement occupée par un groupe déterminatif connectif ; le connecteur est transposeur. Si l’on avait un GD, il serait, dans ce cas, construit indirectement (donc avec connecteur subordonnant) : Je doute de sa venue. En fait, Je doute qu’il vienne est la réduction de Je doute de ce qu’il vienne, où l’on observe bien le connecteur subordonnant de. Dès lors, il faudrait considérer que dans Je doute qu’il vienne, que est bien connecteur enchâssant, mais pas subordinateur. La subordination (le déterminant indirect du verbe est subordonné (apport) au verbe) est assumée par un subordinateur Ø (le connecteur subordonnant de ayant été effacé). Dans S’il pleut, je ne sors pas, la tradition parle de « proposition subordonnée circonstancielle de condition introduite par une conjonction de subordination si ». La sous-phrase s’il pleut a valeur de cadre de condition, notamment vu sa place dans la phrase (à l’initiale) et sa portée sur la relation prédicative en tant que déterminant de celle-ci. D’autres structures, dans cette position, génèrent le même effet de sens, sans qu’il y ait de connecteur : Ferait-il un don, cela nous aiderait ; Tu fais un pas, t’es un homme mort. La position initiale pourrait être signe d’un marquage de cadre, notamment de condition. On pourrait dès lors douter ici également de la nécessité de considérer le si comme subordinateur. Cependant, la condition en si peut être postposée (Je ne sors pas, s’il pleut), ce qui n’est pas possible pour les autres constructions ci-dessus. On pourrait donc en conclure que, dans le cas des sous-phrases conditionnelles, vu l’emploi comme déterminant de relation prédicative de la sous-phrase enchâssée (toujours apport, donc, et subordonnée), le connecteur enchâssant si (il enchâsse bien une sous-phrase) a fini par intégrer une composante subordinateur, ce qui serait exceptionnel pour un connecteur enchâssant de forme basique. Les connecteurs enchâssants de formes fusionnées ou composées, quant à eux, intègrent systématiquement un élément subordonnant. Ils sont dès lors toujours subordinateurs. Dans Je ferai cela quand tu reviendras / avant que tu reviennes, les connecteurs enchâssants quand et avant que sont également subordinateurs vu qu’ils marquent la relation de dépendance entre la sous-phrase apport et son support dans la phrase matrice.

94


Module 1 : les classes de mots

IM EN

On observe une dissymétrie entre les différents types de connecteurs primaires. En effet, les connecteurs coordonnants relient, sans rapport ni de hiérarchie ni de dépendance, des séquences phrastiques ou non. Les connecteurs subordonnants relient, eux, des séquences non phrastiques, avec expression d’un rapport de dépendance, lié à la relation apportsupport décrite. Les connecteurs enchâssants, enfin, relient des séquences (sous-)phrastiques avec expression d’un rapport de hiérarchie du fait de l’enchâssement d’une sous-phrase dans une phrase matrice, sans nécessairement qu’il soit question de dépendance (une sous-phrase noyau de phrase ne dépend de rien : Que tu partes implique une réorganisation de l’équipe). En synthèse : Les différents types de connecteurs fonctionnent en combinant ou non les mécanismes de mise en œuvre des modes de liaison ci-dessous : § la ligature : mécanisme de mise en relation (non autrement définie en termes de hiérarchisation) et de liaison de deux ou plusieurs éléments ou structures. § la subordination : mécanisme par lequel un mot ou un groupe de mots est placé en relation de dépendance vis-à-vis d’un autre (ou d’une relation), pour en constituer un apport.

ÉC

§ l’enchâssement : mécanisme par lequel on intègre une sousphrase dans la phrase matrice pour lui faire occuper une position fonctionnelle, avec hiérarchisation et souvent (mais pas toujours) dépendance, à l’intérieur d’une phrase dès lors complexe.

SP

C’est par les combinaisons potentielles de ces trois modes de fonctionnement que se distinguent les connecteurs traditionnellement classés.

Connecteur coordonnant Connecteur subordonnant Connecteur enchâssant

Exemple

ligateur subordinateur enchâsseur

Partir et revenir

X

Je pars à la mer

X

X

Qu’il vienne me fait plaisir ; Je veux qu’il parte ; Je pars parce que je m’ennuie ; Je me demande s’il pleut.

X

(X)

95

X


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

1.6.6.2.4 Les connecteurs secondaires

IM EN

Les pronoms communs d’emploi relatif et les adverbes de liaison, par exemple, peuvent également, à côté du fonctionnement propre à leur classe, fonctionner comme le font les connecteurs. Ils se distinguent des autres connecteurs par le fait qu’ils exercent une fonction dans la séquence qu’ils introduisent. Le pronom relatif, quant à lui, a la particularité supplémentaire de reprendre un terme de la phrase appelé « antécédent » (présent ou non). On peut donc ajouter deux modes de fonctionnement pour ces connecteurs secondaires : § la représentation : mécanisme par lequel un terme en reprend un autre ou renvoie à un autre (pour lui apporter un sens complémentaire). § la fonction : le connecteur exerce une fonction au sein de la séquence introduite.

SP

ÉC

Les connecteurs secondaires ajoutent généralement à l’un ou l’autre de ces deux modes de fonctionnement le fonctionnement de ligateur. Ce fonctionnement est marqué syntaxiquement par le figement de la position du connecteur à la jointure des deux séquences liées. Se pose ensuite la question de savoir s’ils sont subordinateurs et enchâsseurs. Si l’on excepte le cas notable du pronom commun en emploi relatif, les connecteurs secondaires ne sont ni subordinateurs ni enchâsseurs : s’il y a subordination d’une séquence à l’autre, c’est par le biais d’une juxtaposition subordonnante ; s’il y a enchâssement d’une sous-phrase dans la matrice, cela s’opère sans connecteur enchâssant, par le biais d’une juxtaposition enchâssante. Au final, le connecteur secondaire est donc le plus souvent ligateur et non subordinateur ou enchâsseur. Dans le cas du pronom commun d’emploi relatif, dans la mesure où la sous-phrase est réputée non autonome (à l’inverse de l’interrogation indirecte, où la sous-phrase, en autonomie, correspond à une interrogation directe : Je me demande qui vient / Qui vient ?), on peut conclure que la sous-phrase, systématiquement d’emploi soit déterminant soit prédicat second et donc systématiquement apport, apparaitra toujours comme subordonnée et que le connecteur secondaire intègre dès lors le trait subordinateur. Il en va de même pour le trait enchâsseur, vu qu’il y a normalement intégration d’une sous-phrase. On distingue trois classes de connecteurs secondaires : des connecteurs pronominaux, adjectivaux et adverbiaux.

96


Module 1 : les classes de mots

1.6.6.2.4.1 Le connecteur pronominal

IM EN

Le pronom commun d’emploi relatif, en tant que pronom, reprend en général70 le terme qui lui est antécédent ; il est donc représentant. Il permet d’intégrer une sous-phrase dans la phrase matrice ; il est donc connecteur ligateur et enchâsseur. Cette sous-phrase est généralement un apport à un support nominal ou pronominal ; le connecteur est donc subordinateur. Enfin, le pronom relatif exerce une fonction dans la sousphrase qu’il introduit ; il est donc foncteur. La sous-phrase introduite joue généralement le rôle de déterminant d’un noyau de groupe déterminatif nominal ou pronominal ou de prédicat second d’un groupe déterminatif nominal ou pronominal, comme le ferait un adjectif ; le pronom relatif est donc également transposeur. Ex. : L’homme qui traverse la rue porte un chapeau vert. Le connecteur pronominal qui reprend l’antécédent homme (représentant) ; il enchâsse la sous-phrase qui traverse la rue dans la phrase matrice (ligateur et enchâsseur), la fait fonctionner comme apportdéterminant du nom homme (subordinateur et transposeur) ; il exerce la fonction de noyau dans la sous-phrase (foncteur).

SP

ÉC

On trouve également des connecteurs pronominaux qui introduisent des sous-phrases d’interrogation indirecte : Je me demande qui viendra demain. Dans ce cas, ces connecteurs sont ligateurs (figés à la jointure des deux séquences liées) et foncteurs (ici noyau de la sous-phrase). Ils ne sont ni subordinateurs ni enchâsseurs, et, comme ils ne reprennent pas un antécédent, ils ne sont pas représentants.

70

On rencontre des cas où le connecteur pronominal n’a pas d’antécédent (Qui dort dine ; J’aime qui m’aime). Dans ce cas, le connecteur reste ligateur, enchâsseur et transposeur (il relie la sous-phrase à la matrice et la fait fonctionner comme un GD) ; il pourra rester subordinateur selon l’analyse proposée ; il est foncteur (noyau de la sousphrase, ici). Il est enfin toujours représentant, mais, ici, pas d’un terme de la phrase. Il représente l’ensemble des personnes (sens général) qui ont la qualité décrite dans la sous-phrase. Certains parlent même de nominalisation de la sous-phrase (la sousphrase pronominale équivaudrait à un nom). D’autres préfèrent considérer que la sousphrase reste déterminant (caractérisant) d’un noyau dont la position est non saturée (Ø). Le caractère subordinateur de qui dépendra donc de l’analyse faite : dans le premier cas, (nominalisation), le qui ne sera pas subordinateur, dans la mesure où la sous-phrase, nominalisée, n’est pas apport à un noyau Ø (elle est noyau) ; dans le second cas, le qui sera subordinateur dans la mesure où la sous-phrase sera un apport au noyau Ø, et donc dépendante de celui-ci.

97


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Liste des connecteurs pronominaux : (Connecteur subordonnant +) qui, que, (connecteur subordonnant +) quoi, dont, où, (connecteur subordonnant +) lequel/laquelle/lesquel(le)s, duquel/de laquelle/desquel(le)s, auquel/à laquelle/auxquel(le)s, …

1.6.6.2.4.2 Le connecteur adjectival

ÉC

IM EN

On trouve quelques rares connecteurs adjectivaux, dans certains cas spécifiques : comme introducteurs de sous-phrases relatives, interrogatives indirectes ou corrélatives. En emploi relatif, l’adjectif renvoie en général au terme qui lui est antécédent et dont il détermine la reprise ; il est donc représentant. Il permet d’intégrer une sous-phrase dans la phrase matrice ; il est donc, comme le pronom commun d’emploi relatif, connecteur ligateur et enchâsseur. Cette sous-phrase joue généralement le rôle de déterminant d’un noyau de groupe déterminatif nominal ou de prédicat second d’un groupe déterminatif nominal, comme le ferait un autre adjectif ; l’adjectif est donc subordinateur et transposeur. Enfin, cet adjectif exerce une fonction dans la sous-phrase qu’il introduit (il détermine son support, qui le suit) ; il est donc foncteur. En tant que déterminant, il trouve dans la phrase un support nominal avec lequel il va s’accorder (cas rare d’un connecteur qui varie). Ex. : J’ai rencontré un homme intéressant, lequel homme s’est révélé un criminel notoire.

SP

On trouve également des connecteurs adjectivaux qui introduisent des sous-phrases d’interrogation indirecte : Je me demande quelles personnes viendront demain. Dans ce cas, ces connecteurs sont ligateurs (figés à la jointure des deux séquences liées) et foncteurs (ici déterminant du nom). Ils ne sont ni subordinateurs ni enchâsseurs, et, comme ils ne reprennent pas un antécédent, ils ne sont pas représentants. Les connecteurs adjectivaux se retrouvent encore dans des structures corrélatives71. Ils figurent, figés, à l’initiale des deux séquences qu’ils 71

Les structures corrélatives isomorphes posent des problèmes d’analyse aux grammairiens, qui hésitent à considérer les adjectifs ou les adverbes déplacés à l’initiale comme des ligateurs et peinent à trancher entre un fonctionnement subordonnant (la première séquence dépendant de la seconde et lui servant de cadre) ou coordonnant (les deux séquences, indépendantes, ayant la même fonction phrastique, tout en étant corrélées). Nous penchons pour la solution subordonnante pour les corrélatives en plus…plus, moins…moins, autant…autant et tel…tel. La première séquence joue le rôle de cadre (déterminant de la relation prédicative) de la seconde. Pour les

98


Module 1 : les classes de mots

IM EN

relient ; ils sont ligateurs. Ils occupent une fonction dans la phrase dans laquelle ils se trouvent ; ils sont foncteurs. Bien que la première séquence soit vue comme une sous-phrase subordonnée, le connecteur ne sera néanmoins considéré ni comme subordinateur ni comme enchâsseur. Ex. : Tel père, tel fils. L’adjectif tel relie deux séquences à l’initiale desquelles il se trouve (ligateur). Il joue le rôle de déterminant du nom dans les deux séquences (foncteur). En tant que déterminant, il trouve dans la phrase un support nominal avec lequel il va s’accorder (cas rare d’un connecteur qui varie). La première occurrence de tel n’est ni subordinateur ni enchâsseur. Il en va de même de la seconde. Cependant, cette dernière occurrence du connecteur pourrait être représentant et reprendre l’idée de qualité contenue dans la première, le parallélisme des structures induisant une interprétation relativement comparative et proportionnelle, avec appréhension cadrative de la première séquence.

ÉC

Liste des connecteurs adjectivaux : Lequel/laquelle/lesquel(le)s, duquel/de laquelle/desquel(le)s, auquel/à laquelle/auxquel(le)s, … + nom (Connecteur subordonnant +) quel(s)/quelle(s) + nom Tel(le)(s) + nom … tel(le)(s) + nom …

1.6.6.2.4.3 Le connecteur adverbial

SP

Les adverbes déterminants de relation exercent une fonction dans la séquence dans laquelle ils se trouvent ; ils sont donc foncteurs. Lorsqu’en outre, ils connectent la séquence dans laquelle ils se trouvent à celle qui précède, ils jouent également un rôle secondaire de connexion ; ils sont donc ligateurs. On les appelle en général adverbes de liaison. Ex. : Il a mangé à midi. Ensuite, il a fait une sieste. Le temps était au beau fixe. Brusquement, un éclair lézarda l’azur. Les connecteurs adverbiaux ensuite et brusquement déterminent la relation prédicative de la phrase dans laquelle ils se trouvent (foncteur). Ils connectent en outre cette phrase à celle qui précède (ligateur).

corrélatives isomorphes en ni…ni, soit…soit et tantôt…tantôt nous penchons pour une lecture coordonnante : chaque marqueur introduit un élément du paradigme envisagé en contexte, pour le nier, le sélectionner ou balancer son occurrence avec celle de l’autre terme.

99


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

On trouve également des connecteurs adverbiaux qui introduisent des sous-phrases d’interrogation indirecte : Je me demande comment tu vas. Dans ce cas, ces connecteurs sont ligateurs (figés à la jointure des deux séquences liées) et foncteurs (ici déterminant de relation). Bien qu’il y ait subordination, dans la mesure où la sous-phrase sera généralement déterminant du verbe, ces connecteurs ne sont ni subordinateurs ni enchâsseurs, et, comme ils ne reprennent pas un antécédent, ils ne sont pas représentants. Les connecteurs adverbiaux se retrouvent encore dans des structures corrélatives (voir note 71). Ils figurent à l’initiale des deux séquences qu’ils relient ; ils sont ligateurs. Ils occupent une fonction dans la phrase dans laquelle ils se trouvent ; ils sont foncteurs. Lorsque les deux séquences sont vues comme coordonnées, le connecteur ne sera évidemment pas subordinateur ; il ne sera pas non plus enchâsseur (c’est notamment le cas pour les corrélatives en ni…ni, soit…soit, tantôt… tantôt). L’enchâssement procède alors en fait par juxtaposition. Lorsque la première séquence est vue comme une sous-phrase subordonnée, le connecteur ne sera néanmoins considéré ni comme subordinateur ni comme enchâsseur (c’est notamment le cas pour les corrélatives en plus…plus, moins…moins, autant…autant). La subordination et l’enchâssement procèdent alors en fait par juxtaposition. Ex. : Tantôt il parle, tantôt il se tait. L’adverbe tantôt relie deux séquences coordonnées à l’initiale desquelles il se trouve (ligateur). Il joue le rôle de déterminant de la relation prédicative dans les deux phrases (foncteur). La seconde occurrence de tantôt pourrait être représentant et reprendre l’idée de mouvement de balancier contenue dans la première, le parallélisme des structures induisant une interprétation ici alternative (avec tantôt … tantôt). Ex. : Plus il travaille, plus il réussit. L’adverbe plus relie deux séquences à l’initiale desquelles il se trouve (ligateur). Il joue le rôle de déterminant de la relation prédicative dans les deux phrases (foncteur). La première occurrence de plus, à l’initiale de la sous-phrase subordonnée et enchâssée par juxtaposition, ne serait ni subordinateur ni enchâsseur. La seconde pourrait être représentant et reprendre l’idée de mouvement contenue dans la première, le parallélisme des structures induisant une interprétation (directement ou inversement) relativement proportionnelle, avec appréhension cadrative de la première séquence (avec plus/moins … plus/moins).

100


Module 1 : les classes de mots

Liste des connecteurs adverbiaux : Cependant, ensuite, puis, brusquement, soudain, en outre, néanmoins, nonobstant, c’est pourquoi, donc, en effet, d’ailleurs, primo/secundo, … Combien, comment, pourquoi, où, … Plus … plus, moins … moins, autant … autant, … Ni…ni, soit…soit, tantôt… tantôt

SP

ÉC

IM EN

La langue évolue, et les connecteurs également. Certains d’entre eux se spécialisent dans des emplois différents ou voient la combinaison de leurs modes de fonctionnement changer ou se diversifier : ils se grammaticalisent. La manière dont nous les inscrivons ici permet plus aisément de rendre compte de ces évolutions, dans la mesure où il ne s’agit jamais d’enfermer les différents types de connecteurs une fois pour toute dans des classes naturelles différentes, mais de prendre en considération, à l’intérieur d’une classe, les variations des modes de fonctionnement qui dessinent l’identité de chacun d’eux. Si l’on compare Ainsi que Pierre l’a fait avant elle, Sarah a achevé ses études avec brio à Pierre ainsi que Sarah ont achevé leurs études avec brio, on observe un changement dans le fonctionnement de ainsi que. Dans la deuxième phrase, ainsi que s’est grammaticalisé dans un fonctionnement de quasi-coordonnant : il exprime l’addition et non plus l’identité de manière ; on remarque un accord du verbe au pluriel, comme si ainsi que remplaçait un et. Le connecteur est ici devenu uniquement ligateur ; il n’est plus vu comme subordinateur, ni enchâsseur, comme il l’est dans la première phrase. Le connecteur de même que suit le même chemin, qui va du connecteur enchâssant (avec subordination) vers le connecteur coordonnant. Le connecteur secondaire puis, souvent décrit comme adverbe de liaison, voit également son fonctionnement évoluer vers des emplois plutôt coordonnants (simple ligateur), à la différence de son quasi-synonyme ensuite, qui demeure connecteur secondaire (et donc foncteur). En effet, puis est figé à la jointure des deux séquences liées et peut plus aisément lier deux séquences non phrastiques : Pierre a mangé, puis / ensuite il est parti ; Pierre a mangé, il est parti ensuite / *puis ; Il a fait ça puis / ? ensuite ça (avec segments liés en une seule phrase) ; Marc puis / ?? ensuite Sarah sont partis.

101


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

En résumé, pour les connecteurs secondaires :

Séquences connectées

lig.

sub. ench. repr. fonct.

X

X

IM EN

Il a mangé à midi. Ensuite, il a fait une sieste. Je me demande qui viendra / quelle personne viendra / comment il faut faire Connecteur de Plus1 il travaille, structures corrélatives plus2 il réussit ; sub. (adv. ou adj.) Tel1 père, tel2 fils. Connecteur de Ni1 Pierre ni2 Sarah structures corrélatives ne peuvent venir ; coord. (adv.) Tantôt1 il parle, tantôt2 il se tait. Connecteur La fille qui part, de sous-phrase relative laquelle fille ne (pron. ou adj.) reviendra pas.

SP

ÉC

Connecteur de séquences successives (adv.) Connecteur d’interrogation indirecte (pron., adj. ou adv.)

Exemples

102

X

X

X

(X)2

X

X

(X)2

X

X

X

X

X

X


Module 1 : les classes de mots

Synthèse des connecteurs

Coordonnant

J’adore [mon frère et ma sœur]. [Nous étudions car nous voulons réussir]. Veuillez poser le document [ici ou dans le tiroir]. relie un GD ou un GP272 à un terme ou à une relation pour lui permettre de fonctionner comme apport-déterminant ou prédicat second à [Terme / Relation + (connecteur + GD ou GP2) (de fonction dét. ou préd. 2)]73 Avoir [des ennuis (de santé)]. Je [m’attends (à devoir rendre des comptes)]. Elle [est passée (par la petite porte)]. [(Selon toute vraisemblance), il arrivera en retard]. [(Par chance), elle s’en est tirée] enchâsse hiérarchiquement une sous-phrase dans une phrase matrice à [Phrase matrice + (connecteur + Sousphrase) (de fonction noyau, dét. ou préd. 2)]74

ÉC

CONNECTEURS

Subordonnant

relie deux structures pour leur permettre d’occuper la même fonction sans les hiérarchiser à Fonction prise en charge par [Structure X + connecteur + Structure X ou Y]

IM EN

1.6.6.3

SP

Enchâssant

72

73 74

[(S’il pleut), je prendrai mon parapluie]. [(Que tu reviennes au pays) m’enchante]. [J’obéis (parce que mon père a raison)]. [C’est triste (qu’il parte)].

S’il devait relier un GP1, le connecteur subordonnant deviendrait automatiquement enchâssant. Les connecteurs enchâssants sont souvent, mais pas toujours, subordonnants. La structure [connecteur + GD ou GP2] peut précéder le terme ou la relation support. La structure [connecteur + Sous-phrase] peut être à l’initiale de phrase.

103


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’interjection 1.6.7.1

Identité

1.6.7.2

doublement indirect notionnelle prédication impliquée75 /

IM EN

mode d’accès à l’extension : mode de définition : mode de fonctionnement : mode de flexion :

Les types d’interjections

Les interjections, si elles semblent analysables selon les critères proposés, n’en constituent pas moins une classe un peu particulière. En effet, ce sont des mots purement expressifs qui relèvent davantage du domaine du discours et de l’énonciation (l’interjection serait l’expression d’une modalité énonciative) que du domaine de la langue. À l’écrit, on rencontre en effet l’interjection de manière plus fréquente dans des séquences de discours re-produit : Il m’a dit : « Hélas ! ». Ce fait renforce l’idée que le discours re-produit serait une transcription plus fidèle du discours effectivement prononcé.

ÉC

Cette modalité peut être prise en charge par deux types d’interjections : celles qui le seraient (ou le seraient devenues) « par nature » (Aïe !, Hé !, Hein !, Hélas !, …)76,

§

celles qui appartiennent à une autre classe, mais qui, en emploi, fonctionnent comme des interjections (nom : Chapeau ! ; verbe : Allons ! ; adverbe : Jamais !, …).

SP

§

75 76

Voir 1.3.3 Les mécanismes d’apport d’information : la détermination et la prédication. On insistera également sur le rôle de la ponctuation. Le point d’exclamation semble être, en effet, un accompagnateur récurrent de l’interjection.

104


IM EN MODULE 2

2

L’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.1 LA PHRASE COMME UNITÉ DE COMMUNICATION

2.1.1 Du texte à la phrase 2.1.2 La phrase et l’énoncé 2.1.3 L’énonciation 2.1.4 La délimitation et la segmentation de la phrase et de l’énoncé : le système de la ponctuation

2.2 LA PHRASE COMME COMPTE RENDU DE PROCÈS

ÉC

2.2.1 La structure logique du procès : thème et rhème 2.2.2 La voix 2.2.3 L’ordre des mots

2.3 LA

PHRASE COMME RÉSEAU DE RELATIONS D’APPORT À SUPPORT DE

SIGNIFICATION

: SYNTAXE DE DÉPENDANCE

2.3.1 La syntaxe : réseau structuré de liaisons et de relations 2.3.2 Les relations apport-support 2.3.3 Le mécanisme mis en œuvre par la relation 2.3.4 Synthèse des concepts 2.3.5 Les fonctions

2.4 LA

PHRASE

SP

INTÉGRATIVES

COMME MÉCANIQUE D’INTÉGRATION ET : SYNTAXE DE CONSTITUANCE

SES

STRUCTURES

2.4.1 La phrase 2.4.2 La phrase simple (GP1) 2.4.3 L’énoncé à phrase multiple : la parataxe (coordination et juxtaposition coordonnante) 2.4.4 L’énoncé à phrase complexe : l’hypotaxe (enchâssement et juxtaposition enchâssante) 2.4.5 L’énoncé à énonciation complexe 2.4.6 Synthèse

2.5 L’ANALYSE DE PHRASE : REPRÉSENTATION 2.5.1 Principes 2.5.2 Représentation des structures intégratives


IM EN

ÉC

SP


2.1

La phrase comme unité de communication Du texte à la phrase

SP

ÉC

IM EN

La mise en relation entre un apport et un support de signification est, selon nous, fondamentale à tous les niveaux d’encodage/décodage de la langue. D’abord, la structure discursive procède par la mise en relation d’un propos77 (de quoi est-il question ?) et d’un commentaire (qu’en diton ?), en s’appuyant sur la structure communicative tributaire, elle, de l’intention de communication du locuteur/scripteur, du genre de texte sélectionné et des modalités énonciatives jugées pertinentes : sa volonté d’informer ou de persuader, par exemple, le choix d’un texte descriptif ou argumentatif pour ce faire, ainsi que celui des modalités assertives, interrogatives ou injonctives, qui auront également une répercussion sur la sélection de l’élément placé en position de support ou d’apport ainsi que sur la progression thématique qui découle de l’ensemble des choix opérés. Au niveau de la phrase comme unité de communication, la structure logique, qui renvoie à la manière d’envisager le procès78 dont il est rendu compte tout au long du commentaire, sera la première à affecter directement la structure phrastique. Toujours à ce niveau phrastique, la structure logique se double d’une structure informative organisée en deux zones (zone thématique, initiale, de l’information connue et zone rhématique, seconde, de l’information nouvelle). Dans ce cadre, le locuteur/scripteur peut procéder à une (ré)organisation de l’information en plaçant ou déplaçant des éléments thématiques et rhématiques (par focalisation ou inversion, par exemple), ce qui, ramené au niveau de la structure syntaxique, n’est jamais qu’un jeu sur les positions noyau – déterminant/prédicat (dans chaque structure intégrative). Cette mise en relation d’apport à support de sens (structure sémantique), permet la répartition des mots en classes et la description de leur fonction (structure morphosyntaxique). De la même manière, elle permet de régler les questions relatives à l’accord, vu comme un mécanisme 77

78

Le terme propos est ambigu. En langage courant, il dit soit ce dont on parle (à quel propos ?), soit ce qu’on en dit (le propos tenu). Certaines théories utilisent le terme propos dans la deuxième acception comme apport d’information à un thème. Dans la mesure où nous différencierons les niveaux de structure discursive et logique, nous devrons réorganiser les termes en paires d’opposition suivantes : propos/commentaire (structure discursive, où propos est utilisé dans la première acception ; le commentaire est ce qu’on dit du propos ; le commentaire pourra être plus ou moins long (de la phrase au livre, voire à la collection, en passant par le paragraphe et le chapitre)) ; thème/rhème (structure logique, où le thème est ce dont on parle dans le cadre du procès envisagé et décrit ; le rhème est ce qu’on dit du thème, toujours dans le cadre de ce procès). Évènement, fait, ou situation du monde dont l’énonciateur rend compte à partir d’un verbe par la mise en relation logique d’un thème et d’un rhème (ce dont on parle, dont on affirme ou nie quelque chose et ce qu’on en dit), prélude au formatage en phrase.

107


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

assurant la cohésion (structure cohésive) entre un apport de signification (receveur d’accord) et son support (donneur d’accord). Ci-dessous un tableau illustrant que la relation apport-support (la structure ternaire apport-support-relation) est à la base et/ou tributaire de chacune des structures exploitées par la langue.

Communicative § Intentionnelle § Textuelle § Énonciative Discursive

Implication du support et de l’apport

IM EN

Structure

Thème – rhème Information connue – information nouvelle Zone thématique – zone rhématique Support – apport Noyau – déterminant/prédicat Groupe prédicatif premier (Noyau – prédicat 1er)

ÉC

Logique Informative § Linéarisation de phrase Sémantique Syntaxique Structure intégrative § Phrastique

De quoi parle-t-on ? Qu’en dit-on ? Quelle intention ? Quel genre ? Quelle progression ? De quelle manière, eu égard à la situation de communication ? Propos – commentaire

§ Autres

SP

Morphosyntaxique § Fonction § Classe

Cohésive (accord)

Groupe déterminatif (Noyau – déterminant) / Groupe prédicatif 2nd (Noyau – prédicat 2nd) Noyau, déterminant, prédicat, ligature Mots à fonctionnement prototypique de noyau (noms, pronoms), déterminant (adjectifs, adverbes), prédicat (verbes), ligature (connecteurs) Support/donneur d’accord – apport/receveur d’accord

108


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

ÉC

IM EN

Le texte, qu’il soit oral ou écrit, vise notamment à communiquer l’intention qui le guide et se compose d’un ou plusieurs acte(s) de langage. Ces intentions de communication, traduites en modalités (asserter, enjoindre, interroger) et stratégies énonciatives, peuvent être de différents types, notamment, du point de vue de l’énonciateur : informer, persuader, faire obéir, faire ressentir. Bien entendu, l’acte et l’intention ne sont pas le tout de la communication puisque celle-ci est tributaire de la situation de communication ou du genre de texte. La situation de communication fait référence au ‘qui parle à qui, et dans quelles circonstances, à quel propos, dans quel but...’ Elle convoque donc des notions de variation (registre, lexique,…) et peut laisser des traces dans la composante énonciation de l’énoncé (voir 2.1.3 L’énonciation). Un des préalables à l’analyse du discours est l’élaboration de classifications, notamment en genre de texte. La fonction du texte peut servir de critère : texte juridique, politique… Sa structure, également : texte narratif, descriptif, explicatif, didactique, dialogal, argumentatif, polémique… Ensuite, pour construire l’objet d’étude, il s’agit de croiser ces classifications, de les situer dans l’espace et le temps et de les associer à des conditions de production particulières : on peut dès lors étudier le discours politique polémique à telle époque, à tel endroit. Le genre de texte orientera la formalisation et la stratégie de communication notamment par sa manière de présenter l’information et d’en assurer la progression. Il y aurait un genre de texte prototypique/privilégié pour répondre à chacune des intentions communicatives. Par exemple, mais non exclusivement, les combinaisons fréquentes suivantes : Intention de communication

Modalité énonciative

Explicatif, narratif, descriptif

Asserter

Persuader

Argumentatif

Asserter

Faire obéir

Dialogal

Enjoindre

Faire ressentir

Narratif, descriptif

Asserter, interroger

SP

Informer

structure de texte

2.1.1.1

Genre de texte et type de progression thématique

Quand, dans un texte, on enchaine des phrases, dont chacune est pourvue d’un thème principal, il faut s’assurer que le récepteur puisse bien suivre le fil rouge que l’énonciateur a l’intention de tisser. Pour ce 109


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

faire, l’énonciateur est censé construire une progression qui articule les thèmes successifs entre eux et permette ainsi au récepteur de ne pas se perdre. On parle de progression thématique. La tradition envisage trois types de progression thématique. Il est question d’une progression :

IM EN

a) à thème constant dès lors que le thème (Th) reste stable et que la progression est assurée par la seule multiplication des rhèmes (Rh) qui lui apportent de l’information :

Th 1 Rh 1 ; Th 1 Rh 2 ; Th 1 Rh 3 ; … Avant de partir en voyage, Pierre a préparé sa valise. Il a commencé à disposer ses vêtements sur son lit avant de s’apercevoir qu’il n’en aurait certainement pas assez. En quatrième vitesse, il est donc parti acheter quelques t-shirts et deux paires de chaussettes.

b) thématique linéaire si le rhème devient le thème suivant :

Th 1 Rh 1 ; Th 2(< Rh 1) Rh 2 ; Th 3(< Rh 2) Rh 3 ; …

ÉC

Pierre a enfin réussi à réunir suffisamment de vêtements. Mais les vêtements ne sont pas le tout d’une valise. Encore faut-il qu’elle soit suffisamment grande pour les affaires de toilettes, lesquelles sont aussi essentielles, mêmes si moins encombrantes.

c) éclatée, ou à thèmes dérivés, qui peut être illustrée comme suit : Th 1 Rh 1 ; Th 2 Rh 2 ; Th 3 Rh 3 ; …

SP

De l’autre côté du périphérique, une petite colline au sommet de laquelle, quelques promeneurs, enfin. On comprend le petit attroupement. Ce relief offre une vue imprenable sur le fameux axe nord-sud de Pékin et ce lac en forme de dragon qui vient lécher les piliers du nid d’oiseau olympique. La brume a noyé la perspective. (LeMonde.fr, 14/10/2009, « la Forêt ») Le texte narratif privilégiera plutôt une progression à thème constant. Le texte argumentatif, lui, se construira le plus souvent sur une progression thématique linéaire, sur la reprise et l’étayage des arguments. Les textes descriptif et explicatif useront, pour leur part, préférentiellement d’une progression éclatée de l’information, ciblant successivement plusieurs points de détails. Il existe aussi le texte dialogal, dont la progression thématique est variable, vu qu’elle dépend 110


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.1.1.2

IM EN

des interventions des participants. Une telle régularité n’est évidemment que théorique. En effet, il n’est pas rare de rencontrer des ruptures de progression plus ou moins longues ou, plutôt, des combinaisons et des interférences de différents types de progression, lesquelles sont éventuellement accompagnées d’apparitions d’autres (sous-) thèmes : on parle, dans ce cas, de progression complexe. Mais le texte est également un ensemble de phrases dont la production doit répondre avec cohérence à une intention et à un propos fixé. Et c’est au niveau (inter-)phrastique que se joue la cohésion, le lien entre les phrases (avec les liaisons et connexions : voir 2.3.1 La syntaxe), la bonne référentiation, etc., lesquels s’opèrent par un bon usage et une combinaison correcte des unités grammaticales. Pour cette raison, la phrase sera considérée comme une unité de la communication.

Anaphore et déixis

SP

ÉC

Dans le cadre de la progression thématique, il importe de bien analyser les phénomènes de reprise ou d’indexation à l’environnement contextuel (non verbal) ou cotextuel (verbal). Parmi ceux-ci, figurent l’anaphore et la déixis. Dans une pâtisserie, lorsque l’on dit à la personne qui sert : « Je voudrais ce gâteau », celle-ci devra déterminer si l’on parle de ce gâteau délicieux qu’elle vient de vanter ou si l’on se tourne soudainement vers un nouvel objet qui se trouve devant dans la vitrine. Autrement dit, elle devra choisir entre une interprétation anaphorique et une interprétation déictique du démonstratif ce. De plus, si l’on se contente de cette phrase, elle se heurtera au caractère faiblement déictique de cet outil du français, lequel ne permet pas toujours d’identifier clairement la référence. Si l’on précise : « ce gâteau-là », on complète opportunément le fonctionnement déictique. En français, c’est à partir de l’étude des démonstratifs que les notions d’anaphore et de déixis ont été mises en place. En effet, les démonstratifs bénéficient des deux fonctionnements. D’origine grecque, la terminologie de déixis s’est substituée à la terminologie d’origine latine de démonstratif, qui s’appuyait sur l’idée de « monstration ». Cette idée était ambigüe, car que « montre »-t-on, au moyen des mots ? Ce qui est là devant nous ou ce qui est déjà dans une section de langage, et que chacun a en mémoire ? Quant au terme d’anaphore, également d’origine grecque, il implique qu’un segment de discours (phora) soit repris (ana) par un mot. La notion linguistique d’anaphore est à distinguer de l’emploi stylistique du vocable, qui signifie « répétition d’un élément ». Au sens strict, on distingue parfois l’anaphore (reprise d’un élément antérieur) de

111


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

la cataphore (annonce d’un élément à venir, comme dans cet idiot de voisin, où le démonstratif annonce voisin). Néanmoins, le terme d’anaphore s’emploie souvent de façon générique, pour désigner les deux fonctionnements. Déixis et anaphore renvoient aux deux fonctionnements du langage : l’un que l’on peut qualifier d’extra-langagier, se référant au monde extérieur, l’autre, d’intra-langagier, équivalant à l’emploi générique d’anaphore. Ces deux fonctionnements mobilisent des capacités cognitives différentes : de repérage pour la déixis, de mémoire ou d’anticipation pour l’anaphore. Les expressions déictiques ont un sens qui implique obligatoirement un renvoi à la situation d’énonciation. Selon ce principe, on remarque que les deux premières personnes (je, tu) sont déictiques (à la différence de la troisième, qui est le plus souvent anaphorique). Les adverbes de temps et de lieu sont également déictiques. Hier n’a de signification que si l’on est aujourd’hui… Les particules -ci et -là sont des outils déictiques très utilisés. Enfin, les démonstratifs peuvent souvent être déictiques. La plupart des pronoms, par exemple les personnels (de la troisième personne : il, elle...), les communs (d’emploi relatif : qui, que… ; de sens locatif : en et y, comme dans je m’en souviens, j’y reviendrai), les déictiques (ce, celle(-là)…), sont le plus souvent anaphoriques. Mais certains (rien, personne), peuvent être déictiques. Les noms peuvent être utilisés de manière anaphorique (comme quand on dit Il a quitté la ville après avoir mentionné de quelle ville il s’agissait). Tous les outils anaphoriques ont pour objet d’abréger le discours ou d’éviter certaines répétitions à l’identique qui pourraient alourdir le discours (tout en permettant, par exemple, une progression thématique compréhensible). La distinction entre outils déictiques et anaphoriques révèle sa pleine opérativité en discours. C’est en discours que l’on discerne les mots ou les séquences qui ont besoin, pour prendre tout leur sens, d’une réalité extérieure de ceux qui fonctionnent de manière interne. On s’aperçoit alors de la complexité du fonctionnement de l’anaphore dès qu’on a affaire à une unité un peu longue de langage, un texte, par exemple. Il existe des anaphores fidèles, qui reprennent l’élément dans la totalité et l’exclusivité de son contenu, comme les pronoms relatifs (l’homme qui marche), mais il existe aussi des anaphores infidèles, qui s’obtiennent par déduction, ou par association, comme le laisse entrevoir le fonctionnement des possessifs dans Tes enfants jouent, les miens travaillent. Les anaphores produites par les noms sont souvent associatives : comment parler du tronc si on n’a pas déjà parlé d’arbre ? En discours, fonctionnements déictique et anaphorique peuvent se combiner, comme dans les démonstratifs ou les pronoms personnels de troisième personne (ce, lui). Le langage a pour but d’établir entre les 112


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

interlocuteurs un positionnement commun face à la réalité, mais aussi de construire une mémoire temporaire partagée. Impossible de parler d’anaphore et de déixis sans aborder la question de la référence ou du référent. On lui donne deux sens : l’un contextuel, qui renvoie à un objet du monde que l’interlocuteur doit pouvoir identifier, l’autre cotextuel (cela est particulièrement vrai pour le terme référent, souvent utilisé en grammaire pour décrire ce à quoi renvoient les outils anaphoriques). Ainsi, on pourra dire que, dans l’anaphore au sens strict, le référent est placé avant (on parle également d’« antécédent »), alors que, dans la cataphore, il est placé après. Les fonctionnements déictique et anaphorique sont loin d’être toujours limpides, dans la réalité de la communication. Leur maitrise est l’un des principaux enjeux du maniement d’une langue. La réussite d’un acte de communication dépend parfois de la bonne identification de ce à quoi un pronom renvoie exactement.

SP

ÉC

En résumé, l’énonciateur souhaite communiquer quelque chose au sujet de quelque chose. D’un point de vue discursif, il développera au sujet d’un propos un commentaire plus ou moins long (texte), qui reposera sur l’articulation de la description de différents procès du monde pensable (réel ou imaginé). Ces procès sont pensés comme une structure ternaire (thème-rhème-relation), qui trouve une traduction dans le formatage syntaxique (phrase) choisi par l’énonciateur pour en rendre compte (noyau-prédicat-relation), formatage subdivisé en zone thématique (pour l’information connue) et zone rhématique (information nouvelle). En schéma :

113


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

La phrase et l’énoncé

Prédicat

ÉNONCÉ

Noyau

IM EN

La phrase est une unité de communication constituée d’une séquence structurée et ordonnée de mot(s), dont la mise en énonciation produit un énoncé, et que l’énonciateur décide de faire phrase. Énonciation Phrase

Au niveau syntaxique, c’est le lieu de la prédication première (mise en relation d’un prédicat à un noyau de GP1).

ÉC

La phrase est généralement prise en charge par un groupe prédicatif premier (GP1).

SP

Le noyau de la phrase, en tant qu’expression du thème (ce dont on parle, ce dont on affirme ou nie quelque chose), est le support premier de la phrase auquel tout est rapporté. À ce titre, il réclame des apports, dont le plus essentiel est le prédicat premier, endossé généralement par un groupe déterminatif verbal (composé d’un verbe et de ses déterminants). La phrase est dès lors l’ensemble constitué du noyau, du prédicat et de la relation prédicative79 qui unit le prédicat au noyau de la phrase. Le contenu de la phrase, la composante phrastique de l’énoncé, correspond à l’ensemble des informations sur le monde transmises à l’interlocuteur, hors les commentaires faits par l’énonciateur sur cette composante phrastique et sur sa production (son énonciation : voir ci-dessous). 79

Y compris, pour chacun d’eux (le noyau, le prédicat et la relation prédicative), tous les déterminants et prédicats seconds s’y rapportant, à l’exception des prédicats seconds portant sur la relation prédicative, qui ne font pas partie de la phrase, mais apportent un commentaire sur la composante phrastique de l’énoncé.

114


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

L’énonciation

IM EN

Phrase = énoncé moins énonciation L’énoncé, quant à lui, correspond donc à la phrase à laquelle sont rajoutés les commentaires de l’énonciateur et les indices énonciatifs ou déterminants de l’énonciation. Énoncé = phrase plus (= ‘baignée dans son’) énonciation Ex. : énoncé[commentaire sur l’énonciation[Franchement,] phrase[Pierre exagère]] ; énoncé[commentaire sur la composante phrastique[Heureusement,] phrase[Sarah est arrivée]]

ÉC

L’énoncé voit sa composante phrastique baigner dans un ensemble de facteurs situationnels et communicationnels qui entourent et conditionnent sa production (locuteur, interlocuteur, propos, …). L’ensemble de ces facteurs ainsi que cette production correspondent à ce que l’on appelle l’énonciation. On distingue ainsi le dire (l’énonciation et sa forme, composante productive de l’énoncé) du dit (la phrase et son contenu, composante phrastique de l’énoncé). Dans une acception large, l’énonciation correspond aux rapports entretenus entre la phrase et la situation de communication. Ces rapports peuvent transparaitre si l’énonciateur en laisse des traces dans son énoncé. L’énonciation, dans un sens plus étroit, correspondra donc à l’ensemble des traces de l’énonciateur et de la situation de communication dans l’énoncé. On y trouve notamment : § les modalités énonciatives principales de la phrase, qui indiquent si l’énonciateur o

SP

o

80

o

assume les conditions de vérité de son énoncé (assertion : Pierre vient) ; s’en remet à son interlocuteur pour assumer les conditions de vérité de son énoncé (interrogation : Pierre vient-il ?) ; demande à son interlocuteur de faire en sorte que les conditions de vérité de son énoncé soient rencontrées (injonction : Sors !).80

Lorsqu’on énonce une phrase, on lie des sons, des mots, on utilise une syntaxe…, autrement dit, on produit et on articule des signes linguistiques selon le code interne d’une langue. On accomplit ce que l’on nomme un acte locutoire. Mais l’énonciation de la phrase n’est cependant pas totalement gratuite. On entend qu’une certaine valeur d’action lui soit attribuée par l’interlocuteur. On dit alors que l’on accomplit un acte illocutoire. On demande que la fenêtre soit fermée, par exemple. Enfin, il se peut que les paroles provoquent chez l’interlocuteur un effet plus ou moins prévisible (comme le rire, la peur, la protestation, etc.). On parle alors d’acte perlocutoire. Toute énonciation

115


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ les modalités énonciatives expressives de la phrase, qui indiquent l’état d’esprit de l’énonciateur par rapport à la situation d’énonciation et au contenu de la phrase. Les interjections, de même que certains signes de ponctuation ( !, ?) participent de cette modalité expressive : Aïe !, M****, Zut !, …

IM EN

§ le moment de l’énonciation (Quand l’énonciateur situe-t-il sa prise de parole ?)

Le point de repère temporel à partir duquel l’énonciateur organise son présent, son passé et son futur peut laisser des traces dans l’énoncé, notamment dans l’opposition entre certains adverbes : maintenant >< alors, à ce moment-là ; aujourd’hui >< ce jour-là ; hier >< la veille ; demain >< le lendemain, … § le lieu de l’énonciation (Où l’énonciateur situe-t-il sa prise de parole ?)

ÉC

Le point de repère locatif à partir duquel l’énonciateur organise sa perception de l’espace peut laisser des traces dans l’énoncé, notamment dans l’opposition entre certains mots : ici >< là ; ceci >< cela ; ce …-ci >< ce …-là ; devant >< derrière ; dessus >< dessous, …

§ les connecteurs phatiques (Qui (r)établissent le contact entre les interlocuteurs) Salut ! / Écoute, c’est pas facile, tu sais… / Allô ? Eh oh ? / Ça va hein.

SP

Certaines traces de la situation de communication dans l’énoncé auront pour fonction d’être des déterminants de l’énonciation, dans la mesure où ils caractérisent (au sens de « réduisent l’extension de ») l’énonciation comprise comme production de l’énoncé. Ce sont notamment : se caractériserait à des degrés divers par la mise en œuvre de ces trois types d’actes. Même dans la plus simple des affirmations, la plus plate, la plus apparemment descriptive, il peut y avoir un élément illocutoire et un élément perlocutoire. Cela rend bien compte du fait que, par le langage, on ne fait pas que représenter le monde, mais on vise parfois à agir sur lui. On parle alors d’actes de langage. On prendra dès lors soin de ne pas forcer le parallélisme entre modalité énonciative et forme de la phrase. Une interrogation peut se faire sans inversion (Tu arrives ?) et une injonction peut utiliser d’autres formes que celles du traditionnel « impératif » (Vous ferez ce travail pour 17 heures ; Ne pas se pencher au dehors…).

116


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

§ les traces du propos (À propos de quoi parle-t-on ?) La pomme, j’aime / Cet auteur, tu en penses quoi ? / Moi, mon père, son vélo, son guidon, la poignée, elle est toute pourrie (exemple oral). / Eux, ils partiront plus tard. § les traces des participants à l’énonciation

o

o

la trace de l’énonciateur (Qui parle ?)81 Nous (notre famille), on n’est jamais allés en vacances / Moi, j’aime pas ça / Tu viens, demanda-til ? la trace de l’interlocuteur (À qui on parle ?) Toi, ça va ? / Qui êtes-vous, vous ? / Pierre, tu viens ? (l’ancienne apostrophe) la prise à témoin des interlocuteurs Il nous a fait un de ces scores ! / Je te lui ai mis une de ces baffes.

IM EN

o

§ les traces de ce que l’énonciateur dit de la forme de son énoncé, de son état d’esprit, …

ÉC

Bref, tout déraille ! / En un mot comme en cent, ça ne va pas ! / Sans vouloir insister, il faut que tu t’y mettes vraiment. / Honnêtement, je n’ai pas à me plaindre. / Franchement, tu exagères, …

§ les justificateurs d’énonciation82

SP

Si tu as soif, il y a du jus de fruit dans le frigo. / Puisque vous nous le demandez si gentiment, nous répondrons à vos attentes.

81

82

La question « Qui parle ? » renvoie également à la problématique du discours rapporté. On prendra bien soin d’éviter de tout amalgamer. Dans une phrase comme Selon Sarah, tu as tort, ‘Selon Sarah’ n’est pas un déterminant de l’énonciation qui dirait qui parle (en effet, c’est moi qui parle) ; il constitue le cadre dans lequel j’assume mon énoncé comme vrai. Il s’agit d’un déterminant de la composante phrastique de la relation prédicative. ‘Que tu aies soif ou non, il y a du jus de fruit dans le frigo’. L’énonciateur justifie le fait de dire qu’il y a du jus de fruit dans le frigo dans la mesure où cette information n’est pertinente que si son interlocuteur a soif. Dans le cas de puisque, la justification introduite apparait comme une cause agissant au niveau de l’énonciation, cause partagée (connue) par les interlocuteurs. Cela différencie puisque de parce que, qui introduit plutôt une cause au niveau de la composante phrastique, du contenu de l’énoncé.

117


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ les organisateurs de l’énonciation (par exemple, les organisateurs d’argument, généralement pris en charge par des connecteurs secondaires adverbiaux)

IM EN

Je fais ce que je veux, d’abord ! / Tu aimes la peinture, toi, maintenant ? / Primo, je n’ai rien à me reprocher ; secundo, tu réagis comme un enfant.

SP

ÉC

La définition de la phrase ou de l’énoncé se heurte tôt ou tard à la question de leur délimitation. Les définitions traditionnelles parlent de « verbe obligatoire » ou de « sens complet », tous critères qui se voient contredits par les faits : la séquence Oui peut être une phrase, par exemple, sans que l’on puisse y trouver ni verbe ni véritablement un sens complet. Les grammaires se réfugient dès lors dans des procédures de reconnaissance : la phrase commencerait par une majuscule pour se terminer par un point. Si cela permet de déterminer ce que l’énonciateur a séquencé comme phrase, du moins à l’écrit seul, cela ne permet en rien une production de phrase. En fait, ce que l’on oublie souvent, c’est que c’est l’énonciateur qui décide ce qu’il considère comme phrase ou énoncé. Il peut considérer que son énoncé s’arrêtera là où il le décide : avec ou sans verbe, en un ou plusieurs mot(s), en une ou plusieurs séquence(s). Il donne néanmoins des indications de délimitation à son interlocuteur : à l’oral, il utilise un schéma intonatif et prosodique particulier et révélateur ; à l’écrit, il segmente sa production à l’aide des marques et des signes de ponctuation adéquats (majuscule à l’initiale de phrase ; signes de ponctuation dits « forts » pour clôturer et faire phrase : . / ! / ? /…). Au niveau de l’interprétation, pendant de la production, sera phrase ou énoncé ce que le récepteur aura interprété comme tels à partir de la reconnaissance des indices formels laissés par l’énonciateur. Dès lors, toute définition de la phrase devrait inclure la dimension de l’intention de dire de l’énonciateur. En effet, tout peut faire phrase ou énoncé, pour autant qu’il en soit décidé ainsi. Si l’on veut définir la phrase ou l’énoncé, et y inclure tout ce qui peut l’être, il faut prendre en compte la liberté de l’énonciateur. Les définitions traditionnelles veulent en fait imposer un schéma canonique, correspondant à une phrase graphique en sujet – verbe – complément. Cependant, même si cette phrase graphique peut servir de guide, la langue et les énonciateurs ne se laissent pas corseter de la sorte. La délimitation de la séquence phrastique dépendra dès lors de celui qui décide que sa séquence fait phrase et, du fait de son instanciation, énoncé.

118


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

La délimitation et la segmentation de la phrase et de l’énoncé : le système de la ponctuation

ÉC

IM EN

À côté des organisateurs textuels non verbaux que sont les paragraphes, les alinéas, les chiffres, les lettres, les puces, les blancs, etc., la ponctuation est un système de signes qui permet d’organiser le texte ou la phrase afin d’en faciliter la compréhension. Les signes n’ont pas seulement une valeur en tant que tels ; ils tirent également leur valeur par opposition à celle des autres signes du système (la valeur du point-virgule se mesure par rapport à celle du point et de la virgule, par exemple). Il existe un ensemble de règles qui décrivent l’utilisation de ces signes mais toutes ne sont pas contraignantes et laissent une part de liberté, notamment stylistique, assez grande au scripteur, tout en orientant le travail d’interprétation de son lecteur. Par ailleurs, certains signes de ponctuation ont des fonctions multiples, ce qui rend plus difficile parfois leur interprétation. Enfin, certaines pratiques littéraires ont pris pour règle de déjouer les codes de la ponctuation, obligeant le lecteur à une reconstruction interprétative plus hypothétique encore. La ponctuation joue essentiellement un rôle sur 1° le rythme de la phrase (on dit qu’elle retranscrit le temps de lecture de la phrase, sa respiration) ou sa prosodie (notamment ascendante ou descendante), 2° la linéarisation, la segmentation, l’ordonnancement et la hiérarchisation de l’information (organisation de l’énoncé) et 3° la structuration des niveaux d’intervention (organisation de l’énonciation, commentaire, …). Le point note régulièrement la fin de la phrase, laquelle commence par une majuscule. En cela, il organise le texte, le fractionne en unités de communication de rang inférieur. Le temps de pause induit par l’utilisation du point est, relativement aux autres, plus long. C’est le scripteur qui fixe les limites de la phrase. Le lecteur, partant d’un à priori du respect du code par le scripteur, devra interpréter la séquence à partir des marques laissées par celui-ci. Un point devra donc avant tout signifier la fin de la phrase telle que l’a conçue le scripteur. L’enclos de la phrase graphique est dès lors l’espace compris entre la majuscule et le point donnés par le scripteur, quelle que soit la dimension de la séquence incluse, ou sa prétendue autonomie : c’est l’énonciateur-scripteur qui décide de faire phrase.

SP

§

§

Le point virgule partage avec le point la fonction de délimitation de fragments de type phrastique mais sans séparation aussi forte. La pause est moindre et un lien implicite fort unit les portions entre lesquelles il se place, ce

119


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

qui conduit à considérer que les deux entités ainsi jointes forment une phrase multiple. Il sert également, pour éviter un cumul de virgules et marquer une coupure de rang supérieur, à séparer des énumérations à virgule. De la sorte, il permet également une hiérarchisation dans les groupes d’éléments liés. La virgule est sans conteste le signe de ponctuation le plus polyvalent et donc le plus ambigu. o

o

Elle permet de rythmer la phrase en séparant des groupes intonatifs, ce qui permet de créer des sousunités de sens et de fonction dans la phrase. Elle en facilite en conséquence la lecture, en rendant visibles les regroupements, et permet dès lors d’organiser le rythme de celle-ci. Elle permet d’organiser par juxtaposition, la succession, dans une énumération, d’éléments de même fonction. Hommes, femmes et enfants descendirent dans la rue. Adieu veau, vache, cochon, couvée. L’utilisation de la virgule est impérative dans l’énumération asyndétique (= sans connecteur), pour marquer cette juxtaposition. Elle permet également de travailler sur la linéarisation de la phrase en encadrant un terme ou une structure qui ne serait pas dans sa position canonique. Ainsi la mise d’un cadre (temporel, causal, …) à l’initiale de phrase ou en incise romptelle avec l’ordre canonique traditionnel sujet-verbecomplément : Sarah part à Berlin pendant ses vacances ; Pendant ses vacances, Sarah part à Berlin ; Sarah, pendant ses vacances, part à Berlin. De ce fait, elle permet l’organisation ou la réorganisation de l’information (information connue vs information nouvelle) par le détachement ou le déplacement d’un terme ou d’une structure dans la zone thématique ou la zone rhématique, toujours en comparaison avec l’ordre attendu. Elle est, dans ce cas, indispensable. Elle est ainsi requise la plupart du temps dès lors qu’un apport à la relation prédicative est placé en tête de phrase. Par ailleurs, dans le cas de Sarah part à Berlin, pendant ses vacances, la virgule signifie que la portée de pendant ses vacances est plus large que celle du même segment sans virgule :

SP

ÉC

o

IM EN

§

120


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

o

cette portée n’est pas sur le seul groupe part à Berlin, mais sur la relation prédicative. L’utilisation de la virgule, en figurant le détachement, force ou indique une rupture de construction ou un changement de portée. Elle permet de hiérarchiser les niveaux d’interventions, par exemple, en encadrant les incises de discours rapporté, les commentaires de l’énonciateur, ou en mettant en évidence certains apports à l’énonciation : Pierre viendra, dit-elle, et rapidement ; Sarah partira, et c’est heureux, pour de nouvelles aventures ; Pierre, tu descends ? (apport qui dit l’interlocuteur) ; Moi, mon père, son vélo, le guidon, la poignée, elle est toute pourrie (apport qui dit le propos).

Le point d’interrogation indique le questionnement, le point d’exclamation l’étonnement, la surprise, l’ordre. L’utilisation de ces signes de ponctuation influe sur la prosodie de la phrase. Il est possible que le scripteur les considère comme équivalant à un point, mais également à une virgule. Selon le choix du scripteur, ces signes se feront suivre respectivement d’une majuscule ou d’une minuscule.

§

Les deux points interviennent dans deux circonstances relevant d’un même principe, celui de permettre une insertion d’éléments en lien avec la première partie de la phrase. Cette insertion sera soit celle d’une énumération d’éléments juxtaposés ou en liste ; soit une explication ou une autre relation d’implication logique (la conséquence, par exemple). L’usage de la majuscule après les deux points est laissé à l’appréciation du scripteur. Couramment, si l’explication est sous la forme d’une liste d’éléments de type phrastique ou d’un paragraphe, le saut de ligne appelle la majuscule. S’il s’agit d’une énumération d’éléments sans passage à la ligne, la minuscule est la règle.

SP

ÉC

§

§

Les points de suspension permettent de clore une énumération non finie, de laisser en suspens la chaine du discours afin de ne pas avoir à dire, afin de laisser une part d’implicite ou de ménager le … suspens. Mis entre parenthèses ou entre crochets droits, ils marquent l’omission d’une partie de citation.

§

Les parenthèses sont le moyen d’insérer un commentaire, celui-ci pouvant relever tant de la composante énonciation de 121


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

l’énoncé (pour inscrire un commentaire, par exemple) que de sa composante phrastique (pour inscrire un supplément d’information, par exemple). Elles servent également à noter le caractère facultatif ou éventuel du terme ou de la structure qu’elles encadrent (par exemple : chère(s) amie(s)) et l’insertion même d’un exemple. Les crochets droits sont parfois utilisés en cas d’occurrences multiples de parenthèses afin de les hiérarchiser. Ils peuvent également indiquer, dans le cadre d’une citation, qu’un segment de celle-ci a été légèrement adapté par celui qui cite.

§

Les tirets encadrants jouent un rôle proche de celui des parenthèses à ceci près que le commentaire qu’il permet d’intercaler relève plutôt de l’énonciation.

§

Les guillemets sont nécessaires pour marquer la prise de distance par rapport au propos ou au terme encadrés : le détachement énonciatif (mise à distance, parfois ironique), le discours rapporté et la citation (emprunts aux dires d’autrui), ou la mention (d’une notion, par exemple, ou dans le cas d’une utilisation métalinguistique, quand on utilise le langage pour parler du langage : le mot « table » compte cinq lettres).

§

Le tiret et les guillemets entrent en combinaison pour noter les prises de parole du dialogue, le tiret indiquant le passage d’un locuteur à l’autre et les guillemets les paroles de celui-ci.

ÉC

IM EN

§

SP

De plus en plus régulièrement, d’autres signes apparaissent dans l’écriture, qui sont à considérer comme plus ou moins pertinents et opportuns selon la situation de communication. C’est notamment le cas de la combinaison des points d’interrogation et d’exclamation pour marquer le doute (?!) et desdits smileys, ou émoticônes, qui figurent, par la combinaison de signes, l’attitude, l’humeur ou l’intention qui ont accompagné la production, ou celles que l’on attend du décodeur. Les smileys les plus fréquents mobilisent les deux points ou la lettre X pour les yeux, l’apostrophe pour la larme, le point virgule pour le clin d’œil, le tiret ou le signe d’égalité pour le nez, la parenthèse, la barre oblique, ou certaines lettres pour figurer la bouche. Dans le style occidental, ils sont à lire comme renversés de 90° vers la gauche. Par exemple : §

:-) ou :) souriant

§

:-D ou :-P très souriant ou tirant la langue

§

:-( ou :( triste ou fâché

122


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.2

La phrase comme compte rendu de procès La structure logique du procès : thème et rhème

Un procès qui se déroule dans le monde et dont on cherche à rendre compte se trouve d’abord représenté dans notre esprit en une structure logique ternaire, composée de « ce dont on parle, ce dont on affirme ou nie quelque chose » (le thème) ;

2.

de « ce que l’on dit de ce dont on parle, ce qu’on affirme ou nie du thème » (le rhème) ;

3.

de la mise en relation des deux.

IM EN

1.

SP

ÉC

La phrase pourra être vue comme la transposition syntaxique d’une structure logique dont le thème est le point de départ et la première partie, et le rhème, la deuxième partie. Le thème assure la liaison avec l’objet dans la pensée, part de lui et se réalise généralement dans la structure phrastique en occupant une place correspondante : la première position de la phrase, celle généralement dévolue au noyau de phrase. À la structure logique thème-rhème correspond donc un formatage, une transposition syntaxique en phrase. Une approche plus syntaxique établit un lien clair et explicite entre le thème et le noyau du GP1. Le noyau de la phrase apparait en général comme le correspondant grammatical du thème, et le prédicat comme le correspondant grammatical du rhème. Le correspondant grammatical de la mise en relation entre le rhème et le thème est la relation prédicative qui relie le prédicat au noyau de la phrase. Dans cette conception, la position initiale de la phrase apparait donc comme le lieu d’incarnation syntaxique du thème. On peut par ailleurs placer certains autres éléments de la phrase dans cette position ; on parlera alors, sur le plan informatif, de thématisation. Ainsi, le cadre d’un procès peut être thématisé : Dans le jardin, le chat mange la souris. Le cadre dans le jardin en position initiale de phrase fait partie des éléments thématisés, de ce que l’on pourrait appeler une « zone thématique », plus large que le thème, laquelle renfermera donc l’ensemble des éléments supposés connus dont on parle. Dans la phrase ci-dessus, on parle de ce que fait « le chat dans le jardin ». En fait, la zone thématique peut être identifiée syntaxiquement comme l’espace qui inclut le noyau de phrase ainsi que ses apports, à l’exclusion du prédicat, qui constitue, quant à lui, la « zone rhématique », espace réservé à l’information nouvelle. La relation prédicative est un espace de médiation entre ces deux zones. Ses apports (déterminants, prédicats 123


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

seconds et déterminants de l’énonciation ; voir plus loin) sont reversés à l’une ou l’autre zone selon la place que l’énonciateur leur assigne dans la linéarité de son énoncé. Les apports à une relation se situent dans la chaine du discours – avec parfois quelques restrictions – soit à gauche du premier élément impliqué dans la relation, soit à droite du deuxième, soit encore au milieu de ces éléments. Dans le cas des apports à la relation prédicative, cela revient à dire qu’un apport peut être placé soit à l’initiale de l’énoncé, soit en finale, soit encore être intercalé au sein de l’énoncé. Si l’énonciateur place l’apport à l’initiale, il le présente comme un cadre fixé dès l’abord, à l’intérieur duquel il assume son énoncé (D’un point de vue légal, Pierre conduit une voiture volée) : l’apport est reversé à la zone thématique des éléments supposés connus, et il y a bien thématisation du cadre ; s’il l’intercale au sein de l’énoncé, il le présente comme un cadre, mais sous la forme d’un commentaire ajouté (Pierre, d’un point de vue légal, conduit une voiture volée) ; s’il le place en finale, c’est-à-dire à la droite du prédicat, il le présente comme la réparation d’un oubli de fixation du cadre ou comme s’il mettait fin à un suspens (Pierre conduit une voiture volée, d’un point de vue légal) : l’apport, envisagé comme un rattrapage informatif, est alors reversé à la zone rhématique des éléments nouveaux, non partagés à la base. On notera enfin qu’un cadre thématisé, s’il est bien inscrit syntaxiquement dans l’énoncé à l’initiale duquel il se trouve (il sera apport à la relation prédicative), peut voir la portée de ses effets sémantiques transcender la frontière de la phrase. En l’absence d’indication contraire en effet, le cadrage vaudra également pour la suite du discours, jusqu’à ce qu’un autre cadrage prenne la relève. On prendra soin de ne pas confondre, d’une part, la structure logique thème-rhème d’un procès, avec ses zones thématique et rhématique transposées dans la phrase et l’énoncé, et, d’autre part, une autre structure, la structure discursive propos-commentaire. Le propos est l’objet du discours, le « à propos de quoi on parle » ; le commentaire est ce qui en est dit. La différence avec la structure logique est une différence de niveau d’envisagement : l’envisagement discursif pour proposcommentaire ; l’envisagement logique du procès pour thème-rhème. L’exemple suivant permet de bien distinguer ces niveaux. Soit la séquence Sarah, je ne l’ai pas vue depuis longtemps. Dans la structure discursive, je parle de /Sarah/ et j’en dis que /je ne l’ai pas vue depuis longtemps/. /Sarah/ est bien le propos, l’objet de mon discours, et ce que j’en dis consiste en mon commentaire sur cet objet de discours. À un autre niveau d’envisagement, le niveau de la structure logique, le procès dont je rends compte est celui de voir. Je choisis pour thème l’origine du procès (celui qui voit, à savoir moi) ; par rapport à ce procès, 124


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

SP

ÉC

IM EN

je parle donc de moi (thème du procès) et j’en affirme que ce moi n’a pas vu Sarah depuis longtemps (rhème). Formaté en structure syntaxique, cela donne bien Sarah, je ne l’ai pas vue depuis longtemps, où le thème du procès (moi) est transposé en noyau de phrase (je) et où Sarah est un cadre thématisé, qui détermine l’énonciation, en tant que trace du propos, avec échéance sur la relation prédicative entre le prédicat ne l’ai pas vue depuis longtemps et le noyau de phrase je. Fonctionnent de la même manière certains titres de journaux : Affaire X : l’inculpé nie toute implication. La première partie correspond au propos, à l’objet du discours (on parle de l’/Affaire X/), et on en dit pour commentaire que /l’inculpé nie toute implication/. Au niveau de la structure logique, l’inculpé est choisi comme thème du procès nier. Syntaxiquement, dans un énoncé unique, l’inculpé devient noyau de phrase et Affaire X un cadre thématisé, qui, en tant que trace du propos, détermine l’énonciation avec échéance sur la relation prédicative. On notera que les mêmes mots d’un énoncé, pris dans un ordre différent alors que leur rôle semble ne pas changer, peuvent donner des configurations différentes en matière de répartition thème-rhème, voire proposcommentaire. Ainsi la structure de la phrase Pierre adore le cinéma, en l’absence de contexte signifiant le contraire, pourra être considérée, discursivement, comme la mise en relation d’un propos (/Pierre/) et d’un commentaire (/Il adore le cinéma/), et, logiquement, comme la mise en relation d’un thème (Pierre) et d’un rhème (adore le cinéma), rendus, syntaxiquement, respectivement par le noyau de la phrase (Pierre) et son prédicat (adore le cinéma). Si la phrase se transforme en Le cinéma, Pierre adore, les structures sont modifiées, même si la grammaire traditionnelle croit reconnaitre là un des rares cas d’antéposition de son « COD ». En fait, la structure discursive se décompose alors en propos (/Le cinéma/) et commentaire (/Pierre adore/) ; la structure logique en thème (Pierre) et rhème (adore) ; la structure syntaxique en noyau de phrase (Pierre) et prédicat (adore), avec un cadre thématisé (Le cinéma), qui détermine l’énonciation, en tant que trace du propos, avec échéance sur la relation prédicative. Dans cette construction, le prédicat se compose d’un verbe sans déterminant (Le cinéma n’est pas déterminant du verbe), en emploi absolu, ce qui engendre une signification particulière, différente de la phrase précédente. Enfin, deux phrases ou deux énoncés apparemment identiques, avec structure thème-rhème constante, peuvent correspondre à des structures propos-commentaires différentes. Ainsi une phrase comme Pierre mange tous les gâteaux, avec Pierre comme thème du procès et mange tous les gâteaux comme rhème, peut-elle répondre de la même manière comme enchainement à des énoncés différents. Entre autres :

125


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ §

Que fait Pierre ? On pose Pierre et on se demande ce qu’il fait. Le propos devient /Pierre fait quelque chose, mais quoi ?/ ; le commentaire /Il mange tous les gâteaux/ ; Que se passe-t-il ? On pose l’existence d’un évènement, mais on ne sait pas lequel. Pierre n’est même pas présupposé. Le propos est /Il se passe quelque chose, mais quoi ?/ ; le commentaire /Il y a que Pierre mange tous les gâteaux/.

La voix

IM EN

Le modèle que nous proposons, pour centré sur la phrase et l’énoncé qu’il est, permet bien, on le voit, d’articuler les différents niveaux d’envisagements possibles (discursif, logique et syntaxique) de la relation d’apport à support d’information à partir de l’observation du procès physique. La grammaire de texte, avec notamment ses questions de progression thématique, est, on l’a vu, bel et bien en perspective.

Le commentaire de l’énonciateur peut être plus ou moins long. Il pourra être découpé en plusieurs séquences correspondant à autant d’actes de langage, qui reposent sur des procès. Chaque procès renvoie à une réalité perçue et conçue, à un évènement, un fait ou une situation du monde dont on cherche à rendre compte.

SP

ÉC

La voix est souvent considérée comme une catégorie grammaticale du verbe, dans la mesure où elle en fait parfois varier la forme. Cependant, il s’agit plutôt d’un phénomène beaucoup plus large qui intervient sur tout le procès dont la phrase entière, et donc son formatage, rend compte, soulignant le rapport entre le procès, la structure logique que l’énonciateur conçoit pour en rendre compte (le thème, le rhème et leur mise en relation) et la structure syntaxique qui la met en forme (la phrase avec son noyau, son prédicat et la relation prédicative). Le rapport entre le thème (structure logique) et le noyau de la phrase (structure syntaxique) sera d’ailleurs constant à l’exception notoire de la tournure unipersonnelle. En fait, les voix se différencient en fonction du point de vue adopté par l’énonciateur sur le procès dont il rend compte, et du choix qu’il fait du thème. Les voix sont dès lors l’expression de ce point de vue.

126


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Origine α

IM EN

Soit le procès :

Aboutissement ω

manger

chat

souris

ÉC

On peut décider de prendre comme thème différents éléments du procès. Le choix de l’élément en question détermine le type de voix mis en œuvre. Chaque voix dispose d’une structuration fonctionnelle qui lui est propre.

2.2.2.1

La voix 1 (anciennement active)

SP

On prend comme thème le point d’origine (α = le chat) du procès manger. C’est la tournure la plus utilisée. Contrairement à ce que l’on croit, dans cette voix, le thème choisi, et son pendant syntaxique le noyau du GP1, n’est pas toujours agent du procès (Pierre est malade ; Pierre reçoit un coup ; Pierre meurt accidentellement ; la tour penche, …)83. Par contre, il peut toujours être considéré comme le point d’origine du procès (C’est Pierre qui est / reçoit / meurt ; c’est la tour qui penche). Ex. : Pierre joue une joyeuse gigue / Sarah chante, …

83

Il y a quelque chose d’incongru à vouloir à toute force réduire à des voix dites « active » ou « passive » des verbes qui ne sont pas dits « d’action », comme les verbes copules et les verbes d’état. Nous abandonnons donc cette terminologie pour nommer les voix, même si nous conservons, lorsque nécessaire, les termes « actif », « passif », « agent » et « patient » dans leur dimension sémantique (et non plus syntaxique).

127


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

2.2.2.2

La voix 2 (anciennement passive)

La voix moyenne

ÉC

2.2.2.3

IM EN

On prend comme thème le point d’aboutissement (ω = la souris) du procès manger. Le passif n’est plus une catégorie du verbe, comme il l’était en latin, mais une structure périphrastique composée de être + participe 2 (anciennement participe passé ; voir 3 La conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux). Cette voix est utilisée avec ou sans l’expression de l’agent (La soupe a été préparée par Dan / La soupe est préparée avec soin). En outre, il n’y a que les verbes non supports en emploi transitif et personnel qui soient passivables. Contrairement à ce que l’on croit, le thème choisi, et son pendant syntaxique le noyau de la phrase, n’est pas toujours le patient (celui qui subit) du procès (La gifle a été reçue par Pierre). Par contre, le noyau du GP1 (la gifle) peut toujours être considéré comme le point d’aboutissement du procès (recevoir). Ex. : L’histoire est racontée par Sarah / Les dés sont jetés, … Dans la voix 2, le participe 2 ne fait même pas vraiment partie de la forme verbale. Il est plutôt déterminant du verbe en emploi copule (anciennement attribut du sujet). La preuve en est sa possible pronominalisation à l’aide d’un pronom neutre (L’histoire l’est par Sarah). Ex. : L’histoire a été racontée par Sarah à L’histoire l’a été par Sarah, comme dans Elle est malade à Elle l’est.

SP

Dans la voix moyenne (également appelée voix pronominale), on prend comme thème un élément qui est à la fois à l’origine et à l’aboutissement du procès. Dans cette voix, le thème se retrouve syntaxiquement en position de noyau de phrase alors que dans le rhème, le même élément se retrouve en position, par exemple, de déterminant du verbe84. Dans Pierre se lave, Pierre, repris également par le pronom se en position déterminant du verbe, est à la fois à l’origine du procès laver (il lave) et à son aboutissement (il est lavé). Ex. : Pierre et Sarah se sont rencontrés dans un référentiel de grammaire. Avec certains des verbes pronominaux dont le pronom n’est pas analysable85 (Les médicaments se sont vendus très cher), on note dans 84

85

Le se de la voix moyenne peut en fait occuper différentes fonctions : déterminant du verbe dans Pierre se lave ; déterminant de la relation [Dét. noyau verbal – noyau verbal] dans Ils se sont dit des choses affreuses ; et le pronom n’occupe aucune fonction lorsqu’il est partie intégrante de la locution verbale lexicalisée (verbe essentiellement pronominal) dans Pierre s’évanouit dans la nature. Il s’agit des anciens pronominaux à sens passif.

128


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

l’interprétation un déséquilibre au bénéfice de la lecture en voix 2 (Les médicaments ont été vendus). Cette tournure permet d’exprimer la même information que dans la voix 2, avec l’avantage d’être la plupart du temps dispensée de noter l’agent (?? Les médicaments se sont vendus par le pharmacien). Ex. : Le gaspacho se mange froid / Le rôti se cuit au four, …

La voix86 factitive

IM EN

2.2.2.4

ÉC

Dans la voix factitive, on choisit comme thème/noyau du GP1 un élément extérieur au procès, mais qui va faire en sorte que le procès se déroule. Il n’est pas à proprement parler à l’origine du procès, mais à l’origine de l’origine du procès ; il est déclencheur. Ex. : Elle fait calculer ses frais par son comptable / Le bourgmestre a fait arrêter les manifestants. Dans ce dernier cas, le bourgmestre est certes à l’impulsion du procès d’arrêter, mais n’en est pas partie prenante. Si l’on dessine le procès de l’arrestation, le bourgmestre n’apparaitra pas en position α (ce sont les policiers qui y seraient) ; il va néanmoins faire en sorte que l’arrestation ait lieu. Fonctionnent sensiblement de même les tournures dites « missive » (Pierre envoie chanter Marie) et « permissive » (Pierre laisse chanter Marie). Leur grammaticalisation est néanmoins moins avancée que celle de la voix ou tournure factitive.

2.2.2.5

La voix unipersonnelle

SP

La voix unipersonnelle est la seule tournure pour laquelle le thème que l’on choisit ne figure pas en position de noyau du GP1. Le thème est dans ce cas relégué dans la zone rhématique, en position fonctionnelle de déterminant du verbe. Ex. : Il en découle plusieurs conséquences / Il tombe des cordes / Il pleut Ø. Dans le premier exemple, le thème est en fait plusieurs conséquences (c’est de ces conséquences que l’on dit qu’elles découlent). La voix unipersonnelle permet d’évacuer la question de l’origine ou de l’aboutissement du procès, dans la mesure où on choisit comme noyau du GP1 une 86

La voix factitive est également appelée tournure. Voix et tournure, même si elles procèdent du même phénomène, peuvent être conçues différemment. En effet, les tournures factitive et unipersonnelle sont moins grammaticalisées que les trois voix ; par ailleurs, comme nous le verrons, elles sont combinables avec les différentes voix, alors que les trois voix ne sont pas combinables entre elles.

129


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

coquille vide, appelée par ailleurs « personne d’univers » qui a pour seule fonction l’expression de la fonction de noyau du GP1, via l’expression de la troisième personne. On remarque également que l’utilisation de la voix unipersonnelle permet, par le rejet dans la zone rhématique de ce qui aurait été le thème, de faire comme si ce thème faisait partie de l’information nouvelle.

IM EN

Nous pourrions ranger sous cette rubrique les tournures avec ce que l’on appelle communément des « présentatifs » (voici, voilà). En effet, cette coalition d’une forme de voir en modalité injonctive (vois) et d’une particule adverbiale (ci, là) donne lieu à une nouvelle unité lexicale87, miverbe, mi-adverbe, qui pourrait être considérée fonctionnellement comme le noyau d’un prédicat (GDV un peu particulier). Dès lors le noyau de phrase serait absent (Voici des fleurs), et ce qui serait logiquement le thème (ce dont l’énonciateur décide de parler) est, comme dans les exemples précédents, reversé en zone rhématique, dans la position fonctionnelle de déterminant du « verbe ».

ÉC

On notera qu’il est possible de combiner la voix factitive et la voix unipersonnelle avec d’autres voix. Ex. : Elle s’est fait couper les cheveux (moyen factitif) ; Il a été dit/se dit que… (2 unipersonnel / moyen unipersonnel) ; Il s’est fait arrêter beaucoup de criminels dans ce district (moyen factitif unipersonnel).

SP

À côté de ces voix plus ou moins reconnues, sont apparues des structures qui, si elles ne sont pas encore considérées comme telles dans les grammaires, disposent d’au moins deux traits caractéristiques des voix : une appréhension comme thème d’un des éléments du procès et une structuration fonctionnelle propre. Nous en décrirons deux : la voix oblique et la voix personnelle. Leur prise en compte élargit dès lors la perspective : il ne s’agit plus de choisir un thème parmi les seuls points d’origine ou d’aboutissement du procès, mais de choisir comme thème l’un quelconque des éléments du procès à partir duquel on souhaitera décrire celui-ci.

87

On parle de lexicalisation lorsque, à partir d’unités simples, on crée de nouvelles unités lexicales complexes (Voici). On parle de grammaticalisation lorsque des unités sont amenées à changer de fonctionnement et à se spécialiser dans un emploi particulier (par exemple de présentatif).

130


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.2.2.6

La voix oblique (périphérique)

2.2.2.7

IM EN

Dans la voix oblique, on prend comme thème un autre élément périphérique qui ne serait ni point d’origine, ni point d’aboutissement. Il peut s’agir d’un élément qui, en voix 1, aurait pu occuper la fonction de déterminant de relation ou d’un déterminant du nom, par exemple. Cette voix est construite à l’aide du coverbe voir (qui perd son sens visuel) suivi d’un infinitif. Ex. : La France voit sa population croitre (En France, la population croît ; La population de la France croît) ; Paris voit les manifestations se multiplier (À Paris, les manifestations se multiplient). Cette voix peut par ailleurs se combiner avec la voix moyenne. Dans ce cas, le coverbe est se voir. On prend alors comme thème l’élément envisagé comme destinataire ou bénéficiaire du procès, qui aurait été déterminant du verbe ou de la relation [Verbe-Dét V] à la voix 1. Ex. : La France se voit attribuer les prochains Jeux olympiques (On attribue les prochains Jeux Olympiques à la France) ; Cette nouvelle institution se voit doter d’un budget faramineux (On dote cette nouvelle institution d’un budget faramineux)…

La voix personnelle

SP

ÉC

Dans la voix personnelle, on prend comme thème la personne ou l’objet avec laquelle/lequel le thème du procès rendu par un groupe prédicatif (groupe prédicatif second, voir infra 2.4.2.2) est mis en relation. La voix se construit à l’aide du verbe avoir suivi du groupe prédicatif second qui reprend le procès décrit. Ex. : Pierre a les yeux bleus (Les yeux de Pierre sont bleus); Tu as la porte de ta voiture qui est ouverte (La porte de ta voiture est ouverte) ; J’ai mon frère qui revient de vacances (Mon frère revient de vacances) ; Vous avez vos phares allumés ; Votre voiture a les/ses phares allumés… Cette voix peut par ailleurs se combiner avec la voix unipersonnelle. Le procès décrit (Ta porte est ouverte ; Il ne faut pas oublier le livre) est alors mis en relation avec le il dit ‘unipersonnel’, soit la personne d’univers. L’effet produit revient à faire considérer dans son ensemble le procès rendu par le GP2 (ta porte qui est ouverte ; le livre qu’il ne faut pas oublier) comme l’information nouvelle, vu son positionnement dans la zone rhématique.88 Cette combinaison de voix agit comme un présentatif de procès. 88

Cette conception comme voix permet de rendre une cohérence de description à l’ensemble des structures visées sous ce point. Les linguistes ont pris l’habitude de traiter ces cas soit comme de la prédication seconde (Pierre a les yeux bleus), soit

131


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

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Ex. : Il y a ta porte qui est ouverte ; Il y a le livre qu’il ne faut pas oublier. La voix personnelle, combinée le cas échéant à la voix unipersonnelle, peut également permettre de présenter l’ensemble d’une structure phrastique qui rend compte d’un procès comme une information nouvelle, en l’installant en position rhématique et en transformant la phrase en une sous-phrase (introduite par le connecteur enchâssant que) déterminant le verbe avoir : J’ai /que mon frère n’arrive pas/ ; Il y a /que Pierre a mangé tous les gâteaux/ L’énonciateur indique par là que la phrase entière (Mon frère n’arrive pas ; Pierre a mangé tous les gâteaux) est bien une information nouvelle. De la sorte, la phrase dans son ensemble est mise en évidence. Le propos discursif est bien /Qu’est-ce que tu as ?/ ; le commentaire est balisé par la structuration de la voix personnelle : J’ai /que mon frère n’arrive pas/. En combinaison avec la voix unipersonnelle, le propos discursif est bien /Il se passe quelque chose, mais quoi ?/ ; le commentaire est balisé par la structuration de la voix personnelle combinée avec l’unipersonnelle : Il y a /que Pierre a mangé tous les gâteaux/.

comme des pseudos-relatives (J’ai mon frère qui revient de vacances ; Il y a ta porte qui est ouverte), c’est-à-dire soit comme une fonction mettant en œuvre un mécanisme de prédication, soit comme une structure morphosyntaxique. L’appréhension en voix permet de décrire de manière homogène le caractère particulier de la disposition à l’œuvre dans ce formatage choisi par l’énonciateur.

132


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.2.2.8

Récapitulatif

Si l’on organise le système afin d’en révéler la cohérence et l’organisation, on obtient le tableau suivant :

SP

ÉC

IM EN

Thème / noyau du GP1 Exemple Voix choisie (noyau de phrase) Le thème/Noyau du GP1 Le chat mange la souris. voix 1 est α Le thème/Noyau du GP1 La souris est mangée par voix 2 est ω le chat. Le thème / Noyau du Le chat se lave. voix moyenne GP1 est à la fois α et ω Le thème/Noyau du GP1 La France voit sa voix oblique n’est ni α ni ω, mais un population augmenter. déterminant de nom ou de relation Le thème/Noyau du GP1 Sarah fait manger la voix factitive est un élément souris par le chat. déclencheur extérieur au procès Le thème/Noyau du GP1 J’ai mon frère qui voix personnelle est la personne ou l’objet revient de vacances. avec laquelle/lequel le procès décrit est mis en relation Le thème≠Noyau du Il pleut (des cordes). voix unipersonnelle GP1 est rejeté dans le rhème, voire absent

On remarque aisément, à la lecture de ce tableau, que l’ensemble des éléments impliqués dans le procès peuvent être mis à contribution pour fournir matière au thème. Le système des voix ainsi esquissé permet d’en rendre compte en proposant une disposition syntaxique fonctionnelle spécifique pour chacune d’entre elles.

133


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’ordre des mots

2.2.3.1

L’inversion

IM EN

L’ordre des mots n’est pas totalement libre en français. Nous envisagerons sous ce point essentiellement les variations d’ordre qui concernent globalement la phrase en tant que procès (voir déjà ci-dessus 2.2.1 La structure logique du procès : thème et rhème, pour les déterminants de la relation prédicative), et surtout l’ordre Noyau de phrase-Verbe et la focalisation.

SP

ÉC

La structuration de la phrase en fonction de la voix sélectionnée (à partir de la structuration logique thème-rhème) traduit une structuration hiérarchisée de l’information en fonction du formatage correspondant. Un autre procédé agit également sur cette structuration hiérarchique de l’information. Il s’agit de l’inversion, qui concurrence l’ordre canonique du français, décrit généralement comme une langue de type S-V-O, c’està-dire Sujet-Verbe-Objet (Complément). Parallèlement au système des voix, à l’intérieur duquel chacune d’entre elles possède donc une répartition thème-rhème et une structuration fonctionnelle spécifiques, se maintient en effet une manière ancienne de linéarisation de la phrase, préalable à l’établissement de l’ordre canonique des mots : il s’agit de l’inversion (non interrogative), reliquat du système antérieur où l’on inscrivait à l’initiale de la phrase l’élément jugé important, qui n’était donc pas toujours le sujet ou noyau de phrase. Actuellement, notamment lorsque l’on inscrit un cadre (temporel, causal,…) à l’initiale de la phrase, il est possible d’opérer une inversion verbe-noyau de phrase (la plupart du temps en l’absence de déterminant du verbe89), comme auparavant : Ensuite, arrivèrent encore dix étudiants ; Sous le Pont Mirabeau coule la Seine (Apollinaire) ; Aussi avons-nous accepté son invitation. L’inversion est combinable avec le système des voix90. Cependant, si la structuration fonctionnelle est la même, dans les cas ci-dessus, que celle de la voix 1, la répartition de l’information en zones thématique et rhématique est bien différente. En effet, avec l’inversion, point de 89

90

On trouve quelques exemples comme Alors rendaient la justice deux magistrats expérimentés ; Alors prirent la fuite deux prisonniers considérés comme dangereux ; Ensuite se firent couper les cheveux les dix personnes suivantes …, dans lesquels le verbe et son déterminant apparaissent comme une construction figée, à l’origine d’un nouveau lexème, ou fortement sélectionnée. Par la suite, ont été observés des comportements bizarres (voix 2) ; Pour ce vote se sont abstenus quinze députés (voix moyenne) ; Aussi fallut-il improviser (voix unipersonnelle) ; Ensuite se firent raser les dix personnes suivantes (voix médiofactitive).

134


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

SP

ÉC

IM EN

changement de structuration fonctionnelle, et donc point de changement de voix : le noyau de phrase reste noyau de phrase et dans ce cas-ci thème ; le thème reste ici thème et noyau de phrase. Mais ce thème-noyau de phrase se trouve déplacé en zone rhématique, ce qui donne l’impression de construire une information nouvelle. L’effet apparait identique à celui de la structure unipersonnelle, qui, elle, dispose d’une structuration fonctionnelle propre, dans laquelle, le thème, rejeté en zone rhématique, se retrouve dans la position fonctionnelle de déterminant du verbe, et le noyau de phrase est pris en charge par le pronom unipersonnel il, dit « personne d’univers ». La tradition oppose d’ordinaire deux types d’inversion : l’inversion nominale (exemples ci-dessus) et l’inversion pronominale ou complexe ((Pierre) vient-il ?). Pour notre part, nous préférons opposer deux types d’inversions, non pas sur la base de la classe de mot qui prend en charge la fonction de noyau de (sous-)phrase, mais sur celle de l’effet produit. Nous distinguons dès lors une inversion thétique et une inversion hypothétique. L’inversion thétique (Ensuite arrivèrent les invités), (pro)nominale, concerne la linéarisation du discours et sa structure informative. Il s’agit, comme dit ci-dessus, d’une structure qui subsiste en parallèle au système des voix, reliquat de l’organisation de l’ordre des mots dans l’ancienne langue française, où le sujet-noyau de phrase n’occupait pas nécessairement la première place de la phrase. On déplace le thème en position rhématique, ce qui le colore du statut d’information nouvelle, donne l’impression de construire ce thème-noyau de phrase au fil de l’énoncé et induit une lecture que l’on appelle « thétique » de cet énoncé. L’inversion thétique peut être nominale (Sous le Pont Mirabeau coule la Seine) ou pronominale et complexe (Aussi avons-nous accepté son invitation ; Aussi Pierre a-t-il accepté son invitation). À côté de l’inversion thétique, nous poserons donc l’existence d’une inversion hypothétique. L’inversion hypothétique est toujours pronominale (ou complexe) ; elle intervient au niveau de l’ancrage du procès verbal, comme le fait d’ailleurs l’inversion interrogative qui en est un sous-type (Dois-tu partir ? Pierre vient-il ?). Nous avons proposé (voir 1.6.6.2.3 Le connecteur enchâssant (anciennement conjonction de subordination)) de considérer qu’il n’y a que deux connecteurs enchâssants basiques : que et si (par exemple, dans son emploi d’introducteur d’interrogation indirecte). Le que pose et le si suppose : dans S’il devait partir et qu’il faille le remplacer,…, le si (qui suppose) introduit un procès à l’indicatif (qui pose), par rapport à son coordonné que (qui pose) qui introduit un procès au subjonctif (qui suppose). L’inversion hypothétique serait en fait une variante du si, qui discute l’ancrage effectif du procès, tant dans son emploi d’interrogation 135


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

2.2.3.2

IM EN

indirecte que dans celui du cadrage conditionnel. Cette inversion hypothétique se retrouve en effet dans les emplois d’interrogation directe ((Pierre) vient-il ?) ou de conditionnelle sans connecteur (Ferait-il un don, il y gagnerait). À cet égard, l’inversion hypothétique s’apparenterait donc, hors cas d’interrogation directe, à un indice d’enchâssement d’une prédication dans une autre (voir ci-dessous 2.3.1.2.2 L’hypotaxe paradigmatique), dont la première serait cadrative. Ce type d’inversion serait donc lié à la question de la constituance de la prédication, c’est-àdire à son degré de (dé)propositionnalisation.91 Ainsi, si l’inversion thétique (nominale et pronominale) regarde en priorité la question de la linéarisation du discours, c’est-à-dire finalement la transposition langagière du point de vue adopté par le locuteur sur le procès décrit, l’inversion hypothétique (pronominale ou complexe) serait quant à elle plutôt liée à un moindre ancrage du procès, et, hors cas d’interrogation directe, à la question de l’enchâssement syntaxique, c’està-dire du degré de (dé)propositionnalisation de la prédication. Si la première forme d’inversion se particularise dans le rendu informationnel, la seconde regarde davantage la constituance de la prédication.

La focalisation

L’inversion hypothétique est apparemment moins répandue que l’inversion thétique. On la trouve néanmoins également, en variante d’une sous-phrase en que cette fois, dans les incises de discours rapporté (Je viendrai, qu’il dit/dit-il). L’inversion emporte ici avec elle l’idée d’un moindre ancrage du procès, certes, mais seulement comme signe d’enchâssement : en effet, la sous-phrase est au second plan énonciatif. Dans ce cas, l’inversion hypothétique donne en outre lieu à une lecture thétique : l’inversion serait donc également thétique. Il ne s’agit pas de questionner l’ancrage comme dans une interrogation (la parole est effective ; le verbe est à l’indicatif puisque le procès du dire nécessite d’être ancré), mais bien d’informer sur qui parle. Le thème-noyau de phrase, en position rhématique en raison de l’inversion, est présenté comme une information nouvelle, ce qui correspond bien à l’information véhiculée par l’incise de discours rapporté. Le caractère hybride de l’inversion, dans ce cas, explique peut-être pourquoi, à l’inverse des autres types d’inversion hypothétique, il n’est pas possible d’y trouver une inversion complexe, exclue des inversions thétiques (*Je viendrai, Pierre dit-il.). Dans le cadre de l’inversion hypothétique, le sens de « hypothétique » se révèle donc double : ‘posé sous’ et ‘supposé’. L’inversion signifie alors soit le simple fait d’intégrer par enchâssement une sous-phrase dans une position fonctionnelle de la phrase matrice, c’est-à-dire de la mettre dans une position hiérarchiquement inférieure (‘poser sous’) par rapport à cette matrice (dit-il) ; soit le fait d’un ancrage moindre du procès parce que (re)mis en question (‘supposé’) ((Pierre) vient-il ?) ; soit la combinaison des deux (Ferait-il un don…).

SP

91

ÉC

Une fois établie la structuration logique thème-rhème et au moment de la retranscription syntaxique du point de vue choisi sur le procès, l’énonciateur peut encore choisir de mettre en évidence telle ou telle

136


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

partie de la composante phrastique de l’énoncé. Il utilise généralement pour ce faire la structure en C’est … que/qui/dont/… : C’est le chat qui mange la souris… Par le biais de la focalisation, l’énonciateur installe l’élément mis en évidence en position de rhème-prédicat de C’, dans la zone rhématique dévolue aux informations nouvelles. L’énonciateur annonce dès lors que l’élément focalisé fait bel et bien partie des informations nouvelles, et qu’il sera l’élément important du commentaire, dans la structure discursive propos-commentaire. L’élément focalisé apparait en fait comme la réponse (le commentaire) attendue à la question de discours que constitue le propos. La focalisation apparait donc comme un mécanisme qui permet à l’énonciateur de fournir des indications claires sur la structure discursive propos-commentaire qu’il désire donner à son énoncé. Soit l’énoncé en voix 1 « Le chat mange la souris ». L’énonciateur peut décider de mettre en évidence, au titre d’information nouvelle et importante, un des éléments de la composante phrastique de cet énoncé :

ÉC

§ C’est le chat qui mange la souris. Répondant à la question « Qui mange la souris ? », la structure focalisée installe le noyau du GP1 le chat en position de rhème-prédicat de C’. L’énonciateur indique donc par là que le noyau du GP1 le chat est bien une information nouvelle. De la sorte, le noyau du GP1 est mis en évidence. Le propos discursif est bien /Il y a quelqu’un qui mange la souris, mais qui ?/ ; le commentaire est balisé par la focalisation : c’est /le chat/ qui mange la souris.

SP

§ C’est la souris que mange le chat. Répondant à la question « Que mange le chat ? », la structure focalisée installe le déterminant du noyau du GDV la souris en position de rhèmeprédicat de C’. L’énonciateur indique donc par là que le déterminant du noyau du GDV la souris est bien une information nouvelle. De la sorte, le déterminant du noyau du GDV est mis en évidence. Le propos discursif est bien /Le chat mange quelque chose, mais quoi ?/ ; le commentaire est balisé par la focalisation : c’est /la souris/ que mange le chat. § C’est manger la souris que fait le chat. Répondant à la question « Que fait le chat ? », la structure focalisée installe le prédicat complet mange la souris en position de rhème-prédicat de C’. L’énonciateur indique donc par là que le prédicat mange la souris est bien une information nouvelle. De la sorte, le prédicat est mis en évidence. Le propos discursif est bien /Le chat fait quelque chose, mais quoi ?/ ; le commentaire est balisé par la focalisation : c’est /manger la souris/ que fait le chat.

137


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

D’autres termes de la composante phrastique de l’énoncé peuvent être également focalisés : C’est hier/dans le jardin/voracement que le chat a mangé la souris. Par ailleurs, on rencontre d’autres outils de focalisation, qui permettent de mettre un segment en évidence. Voilà/Ø/Il y a … que, Cela fait … que, permettent de mettre en évidence des déterminants de relation qui expriment la durée : (Voilà/Il y a) deux ans que nous sommes arrivés/vivons en Belgique92 ; Cela fait (maintenant) deux ans qu’il est parti…, que l’on pourra gloser par depuis deux ans.

SP

ÉC

Lorsque l’on étudiera les relations et les fonctions à l’œuvre dans la phrase, pour faciliter l’analyse, on rétablira la structure phrastique hors focalisation. L’indication de l’existence d’un terme focalisé suffira à la reconstruction de l’énoncé de base. Lorsque l’on étudiera C’est le chat qui mange la souris, on analysera donc la structure rétablie Le chat mange la souris, tout en signalant que l’énonciateur a focalisé le noyau du GP1 le chat, ce qui permettra, en remontant le chemin de l’analyse, de reconstruire la structure produite au départ.

92

Que l’on ne confondra pas avec Il y a deux ans, nous sommes arrivés en Belgique, où ce n’est pas la durée de deux ans qui est visée, mais le point de départ temporel du processus décrit. On ne dira d’ailleurs normalement pas *Il y a deux ans, nous vivons en Belgique.

138


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.3

La phrase comme réseau de relations d’apport à support de signification : syntaxe de dépendance

À la structure logique ternaire du procès (thème-relation-rhème) répond un formatage syntaxique ternaire (noyau-relation-prédicat93). Le prédicat est ce qu’on affirme ou nie à propos du noyau de la phrase.

La syntaxe : réseau structuré de liaisons et de relations

2.3.1.1

IM EN

La syntaxe est vue comme un réseau structuré de liaisons et relations d’éléments ou segments entre eux à l’œuvre dans la construction du sens, dans l’élaboration du discours, qui se présentera linéarisé. Elle est également vue comme l’étude de ce réseau. Nous envisagerons ici les différents types de liaisons entre éléments ou segments. Dans le cadre de l’unité choisie qu’est la phrase, les modes de liaisons syntaxiques d’éléments peuvent être de deux types : parataxiques ou hypotaxiques.

Les modes de liaison sans hiérarchisation : la parataxe

SP

ÉC

La parataxe (de para- : à côté) est un mode de liaison de segments, par exemple deux ou plusieurs termes, groupes ou phrases, sans hiérarchisation ni dépendance, sur l’axe syntagmatique du discours. La mise en œuvre de ce mode de liaison peut se concrétiser avec ou sans outil de ligature (connecteur) : dans le premier cas, nous parlons de coordination (Pierre et Sarah partent demain ; J’arrive demain ou le jour suivant ; Tu pars et elle arrive) ; dans le second, nous parlons de juxtaposition coordonnante (ou de coordination implicite, avec coordonnant Ø : Pierre, Paul et Marie arrivent ; Je pars demain, Sarah revient jeudi). La coordination et la juxtaposition coordonnante de deux phrases forment des phrases dites multiples. La coordination est le mécanisme qui relie des éléments ou segments, placés sur le même plan syntaxique, sans hiérarchisation, pour leur permettre d’occuper la même fonction. Ce mécanisme de coordination met en œuvre un mode de liaison parataxique. Dans le cas de la phrase multiple, la coordination concerne des structures phrastiques. Dans une phrase multiple, la coordination relie ces 93

Le noyau du GP1 et le prédicat sont considérés comme ordinairement présents dans une phrase. Cependant, il se peut que la phrase soit constituée d’un ou de plusieurs élément(s) duquel/desquels on ne peut préciser s’il(s) est/sont noyau ou prédicat. Ex. : Une table, pas de chaises (dans les indications scéniques des pièces de théâtre, par exemple). Il peut également y avoir des phrases incomplètes (un noyau support sans prédicat : Pierre ! ; ou un prédicat sans noyau support : Viens ! ou À la mer, en réponse à la question « Où vas-tu en vacances ? »).

139


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

2.3.1.2

IM EN

structures phrastiques en maintenant leur autonomie syntaxique l’une par rapport à l’autre (Je pars demain et Sarah revient samedi ; aucune ne dépend syntaxiquement de l’autre, même si leur réunion occupe la même position fonctionnelle de phrase multiple). La juxtaposition coordonnante agit de même, mais sans le recours à un connecteur ligateur (Je pars demain, Sarah revient samedi). Il n’est pas surprenant de constater que ces deux phrases multiples peuvent paraitre sémantiquement assez semblables. En effet, la ponctuation utilisée pour la juxtaposition peut être interprétée de la même manière que s’il y avait un connecteur coordonnant. Coordination et juxtaposition coordonnante relèvent donc ici d’un même mode de mise en relation de segments, avec des outils variés que sont les connecteurs coordonnants et les signes de ponctuation. Ces derniers n’ont dès lors plus seulement pour fonction de marquer une pause dans le discours, mais également, le plus souvent, de signifier un lien sémantique (l’addition, la consécution, l’opposition, …) entre les deux éléments qu’ils séparent, dans le cadre d’une organisation syntaxique hiérarchiquement égalitaire.

Les modes de liaison avec hiérarchisation : l’hypotaxe

ÉC

L’hypotaxe (de hypo- : en dessous) est un mode de liaison de segments, par exemple deux ou plusieurs termes, groupes ou phrases, avec hiérarchisation. On peut concevoir deux types d’hypotaxe, selon que l’on considère la hiérarchisation sur l’axe syntagmatique du discours (les liens de dépendance dans la chaine linéaire) ou sur l’axe paradigmatique (les constituants ou structures intégratives possibles pour occuper une même position).

SP

2.3.1.2.1 L’hypotaxe syntagmatique L’hypotaxe syntagmatique est le pendant de la parataxe, qui, toujours syntagmatique, est, on l’a vu, prise en charge par la coordination ou la juxtaposition coordonnante. Alors que dans la parataxe, la liaison de segments s’opère sans instaurer de relation de hiérarchie ou de dépendance, l’hypotaxe syntagmatique procède par subordination, par mise en rapport de dépendance et de hiérarchie entre segments. La subordination renvoie ici au mécanisme de mise en œuvre d’un lien de dépendance et de hiérarchie entre deux éléments ou segments dans la linéarité du discours, quelle que soit par ailleurs la constitution de l’élément ou du segment dépendant (mot, groupe déterminatif ou

140


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

prédicatif). Ce mécanisme de subordination met donc en œuvre, sur l’axe syntagmatique, un mode de liaison hypotaxique. L’apport apparait comme dépendant du support, et lui est donc subordonné. De la sorte, la subordination est réservée aux relations hiérarchiques de dépendance à l’œuvre dans la linéarité du discours. Tout élément ou segment dépendant sera dès lors dit « subordonné » (les déterminants, les prédicats (premiers ou seconds)). C’est donc sur la base de ce type de relation hiérarchique de dépendance entre un apport et un support de signification que seront décrites, ci-après, les fonctions à l’œuvre dans la phrase. Ce mécanisme peut se concrétiser avec ou sans outil de ligature (connecteur) : dans le premier cas, il s’agit d’une subordination (le château de Sarah ; Sarah dort pendant la nuit ; je pense que Sarah viendra demain) ; dans le second, d’une juxtaposition subordonnante (ou de subordination implicite, avec subordonnant Ø) (une Sarah affable ; Sarah rayonne ; Sarah croque la pomme ; Sarah dort la nuit ; Tu fais un pas, t’es un homme mort). Le critère de la dépendance se révèle suffisamment puissant pour opposer les mécanismes de la subordination (ou de la juxtaposition subordonnante) et de la coordination (ou de la juxtaposition coordonnante).

ÉC

2.3.1.2.2 L’hypotaxe paradigmatique

SP

L’hypotaxe paradigmatique est un mode de liaison, avec hiérarchisation, qui procède par l’enchâssement d’une sous-phrase dans une phrase matrice, c’est-à-dire par l’intégration d’une structure phrastique (avec verbe conjugué à un mode personnel) dans une position fonctionnelle d’une autre structure phrastique. Ce mécanisme de mise en œuvre peut se concrétiser avec ou sans outil d’enchâssement (connecteur) : dans le premier cas, on parle d’enchâssement (Comme il a plu, Sarah a pris son parapluie) ; dans le second, on parle de juxtaposition enchâssante (ou d’enchâssement implicite, avec enchâsseur Ø). En l’absence d’outil explicite, l’esprit doit reconstituer de quel type est le lien entre les segments de phrase :

94

§

Temporel : « Sarah était à peine sortie, Pierre rentrait. »

§

hypothétique : « Tu fais ça, Sarah te casse la figure. »94

Dans ce cas, il est possible de remplacer la virgule par un « et ». Mais ce et serait non coordonnant. Il aurait plutôt une valeur énonciative d’organisateur logique, comme un adverbe : la séquence ne signifierait pas « X + Y », mais plutôt « si X alors Y ». Ce et

141


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§

causatif : « Ce resto était fermé, Sarah et Lionel sont allés dans un autre. »

§

adversatif : « Il a fait des pieds et des mains, Sarah n’a pas cédé.»95

IM EN

L’enchâssement (de même que la juxtaposition enchâssante) intègre donc une sous-phrase dans une phrase matrice ; il permet de donner un statut fonctionnel96 à cette sous-phrase. Il se caractérise également par l’existence d’une asymétrie avec hiérarchisation entre phrase matrice et sous-phrase. Ce mécanisme d’enchâssement met donc en œuvre, sur l’axe paradigmatique, un mode de liaison hypotaxique. Dans les cas d’hypotaxe paradigmatique, on parle d’énoncé à phrase complexe, la composante phrastique de l’énoncé est complexe dans la mesure où elle intègre une sous-phrase97.

ÉC

SP

95

aurait la même valeur dans une séquence corrélative du type Plus il mange et plus il grossit. En cas de juxtaposition, l’enchâsseur est absent (on peut parler d’enchâsseur Ø). Ex. Sarah aurait su, elle ne serait pas partie. Remarquons que la juxtaposition enchâssante n’implique pas toujours la juxtaposition subordonnante : on trouve des sous-phrases enchâssée sans connecteur enchâsseur ni subordonnant en position de noyau de phrase (Combien ça coute ne me regarde pas) tout comme on trouve des sous-phrases enchâssées avec connecteur dans cette position (Que tu partes m’attriste). Remarquons également que, sur les deux derniers exemples (causatif et adversatif), une interprétation coordonnante est possible. Le cas de ce que l’on appelle parfois la subordination inverse (notamment dans l’interprétation temporelle ci-dessus, avec un que en remplacement de la virgule) est plus complexe. Dans une phrase comme Sarah n’était pas partie depuis dix minutes que tu es arrivé, la première séquence (Sarah … minutes) pourrait être considérée comme une sous-phrase juxtaposée (juxtaposition enchâssante et subordonnante) exprimant le cadre temporel (déterminant de la relation prédicative, à portée large (la juxtaposition est donc subordonnante également), et la seconde (que tu es arrivé) comme une sous-phrase en position de phrase (prédication impliquée), ou de prédicat relié par la relation prédicative (support de l’apport Sarah … minutes) à un noyau non saturé (prédication incomplète). La valeur de que est alors interrogée : enchâsseur, simple ponctuant, séparateur de clauses, ou relatif de liaison (comme en latin), qui serait également résomptif de la sous-phrase qui précède, dans une sorte d’anaphore corrélative ? C’est-à-dire capable d’endosser une fonction. Pour une nuance, voir infra 2.4.4.3 Les limites de la complexité de la composante phrastique.

96 97

142


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.3.1.3

Bilan

ÉC

IM EN

L’ensemble des modes de liaisons décrits ci-dessus intègre un système que l’on peut représenter comme suit :

SP

Ce point de vue permet d’éviter la confusion trop fréquente entre subordination (et syntaxe de dépendance, décrite ci-après en 2.3) et enchâssement (et syntaxe de constituance, décrite ci-après en 2.4). Il existe en effet des sous-phrases enchâssées qui ne dépendent de rien, comme les sous-phrases noyau de phrase : Que Sarah parte implique une réorganisation de l’équipe ; Combien ça coute, ne m’intéresse pas. La subordination est essentiellement tributaire d’une relation de dépendance apport-support, l’apport dépendant syntaxiquement du support. L’enchâssement est essentiellement tributaire de l’intégration d’une sousphrase contenant un verbe conjugué à un mode personnel. Par ailleurs, traiter des exemples tels que Sarah est une femme intelligente et qui ira loin devient plus aisément explicable. Dans le groupe déterminatif nominal « une femme intelligente et qui ira loin », intelligente et qui ira loin sont reliés parataxiquement par coordination, et donc sans hiérarchisation, pour occuper conjointement la fonction de déterminant du noyau nominal femme. Ils en constituent globalement un apport et lui sont subordonnés. Qui ira loin, qui n’est donc pas 143


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

subordonné à intelligente mais bien coordonné, est par ailleurs bien enchâssé dans la phrase matrice en position fonctionnelle de déterminant du noyau nominal femme, fonction qu’il occupe conjointement avec intelligente. Le redéploiement des concepts permet, on le voit, une prise en compte systémique plus fine des phénomènes. En schéma : ENCH

IM EN

SUB Sarah et Lionel dinent ensemble

Sarah mange ; une Sarah italienne ; Sarah sort (pendant) la nuit

X

Que Sarah vienne me réjouit ; Combien ça coute ne m’intéresse pas Comme il pleut, Sarah rentre ; Tu fais un pas, Sarah t’étripe

X

X

X

Les relations apport-support

Noyau

Énonciation

Phrase

Prédicat

144

ÉNONCÉ

SP

ÉC

Nous venons de le voir, la subordination, ou la juxtaposition subordonnante, met en œuvre, sur l’axe syntagmatique, un mode de liaison hypotaxique. Ce mode de liaison, avec hiérarchisation, repose sur la relation de dépendance entre termes. Au niveau de la phrase, étudier les fonctions des termes ou groupes qui constituent celle-ci, les relations de dépendance existant entre eux, revient, pour beaucoup, à démêler l’écheveau du réseau de relations d’apport à support de signification, vu que l’apport est dit dépendant du, et donc subordonné au, support. Il convient à présent d’étudier les différents types de relations apportsupport. La syntaxe de dépendance consiste donc en un réseau de mises en relation d’apports et de supports de sens. L’étude de la phrase et des fonctions des éléments qui la composent consiste en l’examen de ces relations d’apports à supports (mécanismes mis en œuvre, portée, …).


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Ex. : Léo joue. En l’occurrence, on parle de Léo, et on dit de lui qu’il joue.98

Noyau (GDN) Léo

IM EN

Phrase

Prédicat (GDV) joue

Identifier la fonction endossée par un groupe déterminatif, c’est identifier le rôle de ce groupe déterminatif comme élément occupant une position fonctionnelle dans le procès présenté ci-dessus.

ÉC

La fonction d’un mot ou d’un groupe déterminatif se considère en observant : 1. le type de fonctionnement (support-noyau, apport à un terme ou à une relation, ligateur) ; 2. le mécanisme mis en œuvre (détermination, prédication ou ligature).

SP

3. En cas de noyau, le groupe à l’intérieur duquel il est support ; en cas d’apport (déterminant ou prédicat), la portée ou le support de cet élément.

98

Dans le cours de ce module, nous ne déploierons pas systématiquement toutes les composantes du schéma. Pour la lisibilité du propos, nous laisserons parfois les groupes inanalysés. Pour une vision plus détaillée, se référer au point 2.6 L’analyse de phrase : représentation.

145


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

2.3.2.1

Termes supports et termes apports

Entre le noyau du GP1 et le prédicat s’établit nécessairement une relation qui sera mise en œuvre par un mécanisme (de prédication première en l’occurrence). Chacun des termes en présence dans la phrase porte soit sur un terme, soit sur une relation à définir.

Noyau (GDN) Léo

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV) joue

§ le GDN qui endosse la fonction de noyau de phrase, est le seul terme de la phrase qui soit le support premier auquel tout est rapporté, et qui ne soit jamais apport ;

ÉC

§ le GDV qui endosse la fonction de prédicat porte sur un terme extérieur : il est un apport au GDN noyau du GP1. Tous les termes portant sur un terme (ou une relation) vont fonctionner selon l’un ou l’autre mécanisme (détermination ou prédication). Le nom de la fonction prédicat vient du mécanisme mis en œuvre, la prédication.

SP

Si l’on descend au niveau des constituants phrastiques et que l’on se penche sur l’intérieur d’un groupe déterminatif, les mêmes types de relations peuvent être observés. (GDN)

Noyau (nom)

Dét. Q. (adjectif)

maison

la 146


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

§ Le nom maison endosse la fonction de noyau du groupe (GDN), auquel sont rapportés les déterminants éventuels.

2.3.2.2

IM EN

§ L’adjectif la endosse la fonction de déterminant quantifiant du noyau du GDN (le nom maison). Le nom de la fonction déterminant vient du mécanisme mis en œuvre, la détermination.

Apport à un terme et apport à une relation

SP

ÉC

Dans une phrase, le prédicat fonctionne donc comme apport prédicatif à un terme (groupe déterminatif, groupe prédicatif second ou sous-phrase), en l’occurrence au GDN noyau de la phrase : dans la phrase ci-dessus, joue est prédicat du GDN noyau de phrase Léo. De même, au sein d’un groupe déterminatif, les apports (compléments de sens) à un terme fonctionneront comme déterminants de terme. Ils seront dès lors appelés déterminants (Dét.). D’autres apports (suppléments de sens) peuvent intervenir après la clôture d’un groupe déterminatif, une fois opérée la détermination de son noyau. Ces apports fonctionnant par prédication seront dits prédicats seconds (P2). Dans l’exemple Laurence appelle sa fille Victoire, l’apport Victoire échoit au GDN déterminant du verbe sa fille, après que celui-ci ait été constitué, et ce, par l’intermédiaire du verbe appeler. En schéma :

147


Laurence

Noyau (verbe)

148

appelle

fille

Noyau (nom)

Prédicat (GDV)

Dét. (GDN)

C É

P S

Noyau (GDN)

Phrase (GP1)

Ex. : Laurence appelle sa fille Victoire.

sa

Dét. Q.-Ca. (adjectif)

P2 (GDN) Victoire

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

Il existe également des apports qui portent non pas sur un terme, mais sur une relation entre deux termes. On parle alors d’apport à une relation, caractéristique de la fonction de déterminant de relation ou de celle de prédicat second de relation. C’est la fonction qu’endossent principalement les adverbes (ou GDAdv.). On trouve également d’autres structures intégratives99 comme des groupes déterminatifs nominaux (La nuit, tous les chats sont gris), des groupes déterminatifs connectifs (Dans les prochaines semaines, Yves démissionnera), des groupes prédicatifs seconds (Le chat parti, les souris dansent) des sous-phrases (Quand il me prend dans ses bras, je vois la vie en rose)… Phrase (GP1)

Noyau (GDN)

démissionnera

ÉC

Yves

Prédicat (GDV)

Dét. (GDC)

Dans les prochaines semaines

SP

Dans la phrase Dans les prochaines semaines, Yves démissionnera, le groupe déterminatif connectif dans les prochaines semaines porte sur la relation qui existe entre deux termes, le noyau du GP1 (Yves) et le prédicat (démissionnera). En effet, c’est le procès de la démission par Yves qui aura lieu dans les prochaines semaines. L’énonciateur fixe le cadre dans lequel il assume les conditions de vérité de son énoncé : il

99

Par structure intégrative, nous entendons les structures dont les éléments constitutifs et les relations qu’ils entretiennent sont singuliers et spécifiques. Nous distinguons cinq structures intégratives principales : la phrase (GP1), la sous-phrase (GP1’), le groupe déterminatif (GD), le groupe prédicatif second (GP2), auxquels on rajoutera le discours re-produit (Θ), qui intègre une énonciation dans une autre. (Voir 2.4 La phrase comme mécanique d’intégration et ses structures intégratives : syntaxe de constituance).

149


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Phrase (GP1)

Noyau (GDN)

IM EN

n’assume la vérité de la mise en relation du prédicat au noyau du GP1 que pour autant que ce procès se déroule dans les prochaines semaines. De même, dans la phrase Philippe range ses peluches par ordre de grandeur, c’est le fait de ranger les peluches qui se fait par ordre de grandeur. On a donc un apport déterminant la relation [Dét. – Noyau GDV].

Prédicat (GDV)

Philippe

Dét. (GDN)

ÉC

Noyau (verbe) range

ses peluches

Dét. (GDC)

SP

par ordre de grandeur

150


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.3.2.3

Le parallélisme des systèmes classes de mots / fonctions dans la phrase

IM EN

On remarquera un isomorphisme de structure entre le système des classes de mots (leurs propriétés en langue) et celui des fonctions dans la phrase (leurs propriétés en discours) décrits jusqu’à présent. Les êtres, objets, faits et situations du monde pensable peuvent être exprimés à l’aide de mots, assignés à des classes, qui signifient que leur extension est perçue de manière directe (à l’aide de noms ou de pronoms), indirecte (à l’aide d’adjectifs ou de verbes) ou doublement indirecte (à l’aide d’adverbes ou de connecteurs, voire d’interjections). Ainsi, la notion de « lumière » peut-elle être rendue § à l’aide du nom lumière, si l’on veut exprimer que l’extension considérée est perçue de manière directe (l’extension recouvrira des objets lumière) ;

§ à l’aide de l’adjectif lumineux ou du verbe allumer, si l’on veut exprimer que l’extension considérée est perçue de manière indirecte (l’extension recouvrira des êtres ou objets dont on dit qu’ils sont lumineux ou qu’ils allument) ;

ÉC

§ à l’aide de l’adverbe lumineusement ou du connecteur à la lumière de, si l’on veut exprimer que l’extension considérée est perçue de manière doublement indirecte (l’extension recouvrira, dans le cas de l’adverbe, des procès, des faits ou des situations, c’est-à-dire des relations entre êtres ou objets100, relations que l’on caractérise ou prédique de lumineuses ; et, dans le cas du connecteur, des faits ou situations à l’intérieur desquels des relations de mise en lumière (à la lumière de) entre deux ou plusieurs éléments sont identifiables).

SP

Lors de leur passage en discours, ces mots semblent, au moins à l’intérieur du groupe déterminatif nominal, s’insérer conformément à leur propriété de langue. Ils mettent théoriquement en œuvre un type de mécanisme correspondant à leur mode d’accès à l’extension en langue : § support pour accès direct à l’extension ; Ex. : Une fille § apport à un terme pour accès indirect à l’extension ; Ex. : Une petite fille / Une petite fille

100

La mise en relation d’êtres ou d’objets correspond à un processus générateur de procès, de faits ou de situations.

151


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ apport à une relation pour accès doublement indirect à l’extension. Ex. : Une très petite fille.

IM EN

Il y aurait donc un isomorphisme de structure entre la langue (les classes de mots et leur mode d’accès à l’extension) et le discours (les fonctions et leur type de mécanisme). Au niveau des autres groupes déterminatifs, c’est le noyau de chaque groupe qui définit le type du groupe : le nom sera noyau du groupe déterminatif nominal, le pronom sera noyau du groupe déterminatif pronominal, l’adjectif du groupe déterminatif adjectival, le verbe du groupe déterminatif verbal, l’adverbe du groupe déterminatif adverbial, etc. La fonction de ces groupes, quant à elle, est généralement tributaire des propriétés de mode d’accès à l’extension de leur noyau : apport à un terme pour le groupe adjectival ou le groupe verbal (mode d’accès indirect à l’extension), apport à une relation pour le groupe adverbial (mode d’accès doublement indirect à l’extension). Si, lors du passage en discours, les mots ont, en principe, et au moins à l’intérieur du groupe déterminatif nominal, un emploi conforme au mode d’accès à l’extension de départ du mot ou du noyau du groupe en langue, il existe plusieurs types de distorsions :

ÉC

2.3.2.3.1 Les cas de transposition à l’intérieur d’un groupe déterminatif (nominal)

§ un nom (d’accès direct à l’extension) peut par exemple être transposé en fonction de déterminant caractérisant d’un noyau nominal (apport à un terme ; Ex. : Une cité dortoir ; une robe saumon) ;

SP

§ un adverbe (d’accès doublement indirect à l’extension) peut par exemple être transposé en fonction

o de déterminant caractérisant d’un noyau nominal (apport à un terme ; Ex. : Les dames du temps jadis ; une fille bien) ; o de noyau de groupe déterminatif nominal (support ; Ex. : Demain est un autre jour). Ces phénomènes seront désignés sous le nom de transposition. Les cas d’adverbes transposés rendent impossible l’affirmation selon laquelle serait adverbe ce qui ne pourrait avoir qu’une fonction de déterminant de relation. Jadis est adverbe de langue avec une possibilité d’emploi « adjectival » (déterminant de terme) en discours ; demain est adverbe de langue avec une possibilité d’emploi « nominal » (noyau de GDN) en 152


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

discours. Ils justifient enfin la nécessité de considérer de manière distincte les deux niveaux que sont la langue et le discours, et rendent bien compte de la différence, par exemple, entre la classe adverbiale, composée exclusivement d’adverbes, et la fonction de déterminant de relation, rendue notamment par des mots de la classe adverbiale (mais également par des groupes déterminatifs nominaux : La nuit, tous les chats sont gris ; des groupes déterminatifs connectifs : J’ai découvert ma vocation à l’université ; des groupes prédicatifs seconds : Le chat parti, les souris dansent ; des sous-phrases : Puisque tu insistes, je veux bien aller au cinéma…).

2.3.2.3.2 Différence de traitement entre niveaux : 1° entre groupes, 2° à l’intérieur du groupe déterminatif

ÉC

Au niveau des relations entre groupes déterminatifs, un groupe déterminatif (pro)nominal (dont le noyau (pro)nominal est d’accès direct à l’extension), ne se trouve dans une fonction de support que lorsqu’il est noyau du GP1 (dans Pierre mange ; Il mange). Cependant, il sera apport à un terme quand il est déterminant du verbe (Ex. : Pierre mange une pomme ; Pierre la mange) ou apport à une relation quand il est déterminant de relation (Ex. : La nuit, tous les chats sont gris ; Tous les chats y sont bien accueillis). Le parallélisme décrit ci-dessus entre classes de mots et fonctions dans la phrase ne se vérifie donc pas de la même manière partout, ce qui impose que l’on distingue clairement différents niveaux d’analyse : les relations entre les mots à l’intérieur du GD et les relations des GD entre eux.

2.3.2.3.3 Différence de traitement selon le type de groupe déterminatif

SP

Les noyaux de GD autres que (pro)nominaux (adjectival, verbal, adverbial, connectif, …) sont également tous supports à l’intérieur de leur groupe déterminatif respectif. Cependant, les groupes déterminatifs euxmêmes, dans le cadre de relations entre groupes déterminatifs, pourront jouer le rôle d’apports : conformément à l’appartenance des noyaux de ces groupes déterminatifs à leur classe respective (qui ne donne accès à leur extension que de manière (doublement) indirecte), ils sont employés dans des structures intégratives dont la fonction est d’être apport à un terme ou à une relation. Dans l’exemple Pleine d’espoir, Sarah a entrepris des études supérieures, l’adjectif pleine, dont l’accès à l’extension est indirect, est le support noyau du groupe déterminatif adjectival pleine d’espoir ; ce groupe déterminatif, quant à lui, est prédicat second (apport) d’un terme de la phrase, le noyau du GP1 Sarah. 153


154

101

P S

à une relation à déterminant ou prédicat second de relation

déterminant ou prédicat 1er ou 2nd de terme

noyau de (sous-)phrase, de groupe déterminatif ou de groupe prédicatif (voir structures intégratives).

C É

à

à

Par convention graphique, les relations de détermination de l’énoncé seront rendues par une flèche simple ; les relations prédicatives par une double flèche. Quant aux relations de détermination de l’énonciation, elles seront notées par une triple flèche. Les flèches en pointillés dans le schéma ci-dessous signalent une relation générique (soit déterminative, soit prédicative).

La structure canonique des relations à l’œuvre dans une phrase peut être représentée sous la forme d’un sapin de Noël101.

Apport de sens

à un terme

Synthèse sur les types de relations d’apport d’information dans les structures intégratives

Support de sens

2.3.2.4

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

SCHÈME CANONIQUE Toute structure syntaxique se laisse décrire à l’aide d’un schème de ce type, ou de la récursivité de ce type de schème :

Support/Noyau

IM EN

Fonction (Structure intégrative)

Apport / Déterminant ou Prédicat

Apport / Déterminant ou Prédicat

ÉC

Parfois, la position de support ou d’apport à un terme support n’est pas saturée dans un groupe. On la marquera néanmoins par le signe Ø (= zéro).

SP

Cela permet, entre autres, de garder une relation apport – support (par exemple, [Dét. – Noyau GDX]), qui, dès lors, peut, le cas échéant, servir de support à un déterminant de relation. Dans la phrase Pierre dort longtemps, le prédicat sera dort longtemps. Longtemps sera déterminant de la relation [Dét. (Ø) – Noyau GDV]. Les groupes déterminatifs pronominaux, adjectivaux et adverbiaux, sont souvent dépourvus de déterminant. Il nous semble néanmoins important de marquer la possibilité qu’ils en aient en développant systématiquement le schème canonique et en indiquant un déterminant Ø102. Libre aux enseignants de limiter ces développements de groupe aux cas où un déterminant du groupe et/ou un déterminant de relation est/sont présent(s).

102

Dans le cas d’un groupe déterminatif nominal, nous ne développerons néanmoins les apports adjectivaux en groupe déterminatif adjectival (noyau adjectival + déterminant) que si les adjectifs ont effectivement eux-mêmes des déterminants.

155


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Le mécanisme mis en œuvre par la relation La notion de mécanisme rend bien compte d’une vision fonctionnelle des rapports qu’entretiennent les termes dans une phrase. Couplée à la notion de support et d’apport de sens, elle permet d’établir un tableau synoptique de l’ensemble des fonctions à l’œuvre dans une phrase.

IM EN

Tout support est susceptible de recevoir un apport sémantique. Cet apport peut se rapporter au support de deux manières distinctes, c’est-à-dire selon deux mécanismes fonctionnels : 1. La détermination : mécanisme de « complémentation de sens », intervenant à l’intérieur du groupe déterminatif et agissant sur l’extension du support, soit en la réduisant, soit en donnant une indication de la quantité des éléments considérés. sympathiques

ÉC

« Les contrôleurs voyageurs. »

sont

appréciés

des

Parmi les contrôleurs, il n’y a que ceux qui sont sympathiques qui sont appréciés des voyageurs

contrôleurs

SP

contrôleurs sympathiques

156


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2. La prédication : mécanisme de « supplémentation de sens », intervenant après la clôture du groupe déterminatif et n’agissant pas sur l’extension du support. les

contrôleurs

sont

appréciés

des

IM EN

« Sympathiques, voyageurs. »

sympathiques

contrôleurs

2.3.3.1

Les contrôleurs en question sont tous des gens sympathiques et sont appréciés des voyageurs.

La détermination

ÉC

Mécanisme d’apport de signification qui agit sur l’extension du support

§ soit par réduction de son extension (ensemble des objets du monde auxquels le mot est applicable). C’est la caractérisation.

SP

§ soit par indication de la quantité des objets du monde auxquels le mot est effectivement appliqué. C’est la quantification.

157


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ex. 1 : l’ancienne épithète § chapeaux verts

Noyau (nom) chapeaux

IM EN

(GDN)

Dét. Ca. (Adj.) verts

Extension de « chapeaux »

ÉC

Extension de « chapeaux verts »

SP

Les chapeaux verts sont un sous-ensemble de l’ensemble des chapeaux. Le fait de caractériser les chapeaux revient à réduire l’ensemble des chapeaux au sous-ensemble de chapeaux auxquels chapeaux verts est applicable. Il y a en effet moins de chapeaux verts que de chapeaux (caractérisation).

158


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Ex. 2 : l’ancien complément (d’objet) direct du verbe § Romain mange une tartine.

Noyau (verbe) mange

IM EN

(GDV)

Dét. (GDN) une tartine

Extension de « manger »

ÉC

Extension de « manger une tartine »

SP

L’ensemble des occurrences possibles de manger une tartine est un sous-ensemble de l’ensemble des occurrences de manger. Le fait de déterminer le verbe manger revient à réduire l’extension des procès de manger au sous-ensemble des procès auxquels manger une tartine est applicable. Il y a en effet moins de procès manger une tartine que de procès manger (caractérisation).

159


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ex. 3 : l’ancien déterminant § Sofia emprunte trois romans à la bibliothèque.

Noyau (nom) romans

IM EN

(GDN)

Dét. (Adj.) trois

ÉC

Extension de « roman » Quantité précisée : « trois romans »

SP

Dans ce cas, trois romans n’est pas un sous-ensemble de l’ensemble des romans, car le quantifiant trois ne réduit pas l’extension du nom roman. Il ne caractérise pas le roman (épais, dramatique, …), et ne sélectionne pas une sorte, une couleur, un type de roman. Il procède simplement par indication du nombre d’éléments sélectionnés auxquels le nom roman sera effectivement appliqué (quantification).

160


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Ex. 4 : les anciens compléments circonstanciels § Pierre range alphabétiquement ses fiches.

IM EN

(GDV)

Noyau (verbe)

Dét. (GDN)

range

ses fiches

Dét. (adverbe)

ÉC

alphabétiquement

SP

L’ensemble des occurrences possibles de ranger ses fiches alphabétiquement est un sous-ensemble de l’ensemble des occurrences du procès ranger ses fiches. Le fait de caractériser le procès ranger ses fiches, de déterminer la relation [Dét.– Noyau GDV], revient à réduire l’extension du procès ranger ses fiches au sous-ensemble des procès auxquels ranger ses fiches alphabétiquement est applicable. Il y a en effet moins de procès ranger ses fiches alphabétiquement que de procès ranger ses fiches (caractérisation). Les anciens compléments d’objet indirect ou compléments indirects du verbe seront traités de même.

161


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ Pierre mange souvent des pommes.

IM EN

(GDV)

Noyau (verbe)

Dét. (GDN)

mange

des pommes

Dét. (adverbe)

ÉC

souvent

SP

Dans ce cas, manger souvent des pommes apparait moins comme un sous-ensemble de l’ensemble des occurrences du procès manger des pommes. Il semble plutôt procéder par indication du nombre (en fonction de leur fréquence) des procès auxquels le groupe déterminatif verbal (GDV) manger des pommes sera effectivement appliqué (quantification).

162


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.3.3.2

La prédication

Mécanisme d’apport de signification qui n’agit pas sur l’extension du support.

IM EN

La prédication intervient après la clôture des groupes déterminatifs ou relations supports. Il n’y a dès lors aucune réduction d’extension du support, aucune création de sousensembles. Par opposition au mécanisme de détermination qui met en jeu des compléments de sens, on pourrait présenter la prédication comme mettant en jeu des suppléments de sens. On donne une information qui n’agit pas sur l’extension du terme de départ, mais explicite ce terme. Dans une phrase, on peut trouver

§ de la prédication première (Prédicat premier sur le noyau du GP1, en phrase matrice ou en sous-phrase),

SP

ÉC

§ de la prédication seconde (Prédicat (sur un terme ou une relation prédicative103 de la phrase), dont le noyau du groupe qui le prend en charge n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel).

103

Pour qu’un prédicat second porte sur une relation, il faut que cette relation soit ellemême prédicative.

163


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ex. de prédication première Les chapeaux sont verts.

Noyau (GDN) Les chapeaux

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV)

sont verts

sont verts

SP

ÉC

Les chapeaux

L’ensemble Les chapeaux n’est pas réduit par l’apport du prédicat sont verts. L’extension du GDN reste intacte après l’apport du supplément d’information qu’est le prédicat.

164


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Ex. de prédication seconde 1. Pressée/Femme d’affaires, Anne court du matin au soir.

IM EN

Phrase (GP1)

Noyau (GDN)

Prédicat (GDV)

P2 Anne (GDAdj. / GDN)

court du matin au soir

Pressée / Femme d’affaires

L’ensemble singleton Anne n’est pas réduit par l’apport du prédicat second (Pressée/Femme d’affaires). L’extension du GDN Anne reste donc intacte après l’apport du supplément d’information qu’est le prédicat second.

SP

ÉC

2. Heureusement, Pierre est arrivé.

Phrase (GP1)

Noyau (GDN) Pierre

Prédicat (GDV)

P2 (GDAdv.) Heureusement

est arrivé

L’énonciateur émet un jugement sur son énoncé et, plus particulièrement, sur la liaison entre le prédicat et le noyau de phrase. Le prédicat second Heureusement échoit donc à la relation prédicative.

165


C É

166

apport de sens

support de sens

T1

T2

à déterminant ou prédicat premier ou second de terme

à noyau de (sous-)phrase, de groupe déterminatif ou de groupe prédicatif.

T1

T3

T2

à une relation à déterminant ou prédicat second de relation

à un terme

P S

LE TYPE DE FONCTIONNEMENT

§ Pour le noyau, le groupe à l’intérieur duquel il est support ; pour l’apport, sa portée ou son support.

§ le mécanisme à l’œuvre (détermination ou prédication) ;

§ le type de fonctionnement (support, apport à un terme et à une relation) ;

Dans une relation apport-support, la fonction syntaxique d’un mot ou d’une structure intégrative se considère en observant

Synthèse des concepts

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


167

=

prédication seconde

P S

=

prédication première

la prédication

indication de quantité

= caractérisation

réduction de l’extension

prédication sur un terme ou une relation prédicative de la phrase ; le noyau du groupe qui prend en charge le prédicat second ne peut pas être un verbe conjugué à un mode personnel)

apport du prédicat premier sur le noyau du GP1 (de phrase)

supplément de sens

(Ex. : les / trois chapeaux)

= quantification

(Ex. : chapeaux verts / en feutre)

complément de sens apporté à un terme ou à une relation de la phrase

la détermination

C É

LE MÉCANISME À L’ŒUVRE DANS LA RELATION APPORT-SUPPORT

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


apport

support

C É

prédicat

déterminant

168

une relation

second portant sur une relation prédicative de la phrase

premier ou second portant sur un terme de la phrase

portant sur

un terme

du groupe déterminatif, du groupe prédicatif

de la (sous-)phrase

P S

noyau

Pour rendre compte des relations apport-support, on dispose de 3 types de fonctions syntaxiques :

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Les fonctions

ÉC

IM EN

Les fonctions correspondent aux rôles que jouent les uns par rapport aux autres les termes ou groupes mis en relation dans la phrase. Dans le cadre des relations apport-support de signification, nous distinguerons les noyaux (2.3.5.1), d’une part, les déterminants et prédicats (le cas échéant seconds) (2.3.5.2), d’autre part. À ces fonctions, s’ajoutent les différents fonctionnements de liaison de séquences (ligateur, subordinateur, enchâsseur ; 2.3.5.3). Chaque fonction correspondra à une position fonctionnelle dans la phrase, position traduite dans les schémas (voir infra 2.5). Dans le modèle proposé, chaque position fonctionnelle ne pourra être occupée (« saturée », dirons-nous parfois) que par un terme ou groupe. Il ne pourra y avoir, comme dans la grammaire traditionnelle, trois éléments, par exemple, dans la position unique de complément du verbe : Pierre envoie des fleurs à Sarah à Rome accumule respectivement un complément d’objet direct (ou complément direct du verbe), un complément d’objet indirect (ou complément indirect du verbe) et un complément circonstanciel, tous trois considérés comme des compléments du verbe. Dans notre système, chacun occupera une position propre. Dans cette configuration, deux ou plusieurs termes ou groupes ne pourront occuper une même position fonctionnelle que s’ils sont coordonnés (ou juxtaposés de manière coordonnante) pour occuper la même fonction. La position fonctionnelle sera alors dite saturée par une coordination (ou une juxtaposition coordonnante) de deux ou plusieurs termes ou groupes.

2.3.5.1

Les supports : noyaux

SP

Dans chaque groupe (déterminatif ou prédicatif), il y a un mot support d’information ; il est l’élément de base qui organise autour de lui les informations véhiculées par les autres mots (les apports) qui s’y rapportent. Au niveau syntaxique, ce support endosse la fonction de noyau du groupe. Cette fonction nucléaire peut être prise en charge par des termes de classes différentes ou par différentes structures intégratives. Dans une phrase, constituée d’un groupe prédicatif premier (GP1), lieu de la prédication première, le noyau est prototypiquement endossé par des groupes déterminatifs nominaux ou pronominaux (GDN ou GDPron.), dont le noyau lui-même est le plus souvent respectivement un nom ou un pronom, c’est-à-dire des mots dont le mode d’accès à l’extension est direct. Cependant, on trouve également, en emploi nominal(isé) de noyau de GP1, des verbes (Le boire vint à manquer), des adverbes (Demain est un autre jour), des adjectifs (Le beau est subjectif), des groupes prédicatifs seconds (Le lundi au soleil est une chose qu’on n’aura jamais), des groupes prédicatifs seconds à noyau Ø (Se nourrir est 169


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

vital), des sous-phrases (endossées par un GP1’ ; Que je parte implique que tu restes)… On trouve encore des noyaux appartenant à différentes classes pour les différents types de groupes déterminatifs : l’adjectif dans le GDAdj. (La bouteille est pleine d’encre), le verbe dans le GDV (Pierre mange une pomme), l’adverbe dans le GDAdv. (Pierre habite loin d’ici), le connecteur subordonnant dans le GDC (Le bonheur est dans le pré), etc. Dans ces derniers cas, les groupes déterminatifs sont généralement rapportés, comme apports d’information, et conformément à la nature de leur noyau, à un autre support. Dans ces cas également, des phénomènes de transposition ne sont pas à exclure (voir 2.3.2.3.1) : on peut trouver par exemple des adverbes en emploi adjectival de noyau de GDAdj. (Sarah est debout). Le noyau renferme-t-il la partie la plus importante de l’information contenue dans le groupe ? On pourrait être tenté de le penser : un nom pourrait par exemple apparaitre comme l’élément important chargé du sens principal du GDN dont il est le noyau. Cependant, il faut plutôt considérer le noyau comme l’élément autour duquel s’organise le groupe, sans préjuger de la masse sémantique qu’il emporte avec lui. Ainsi, dans un GDV dont le noyau est un verbe copule, nous verrons que le verbe n’emporte qu’une petite partie de l’information (prédicat d’existence, indications de temps, de mode et d’aspect, quelques nuances sémantiques), alors que son déterminant apporte l’information principale. Il en va de même pour le GDC. En effet, le connecteur subordonnant permet à son déterminant d’être rattaché à un support par son intermédiaire : ma mère (GDN) pourra être rattaché au noyau nominal château (GDN), pour autant que l’on passe par la constitution préalable d’un GDC dont le noyau serait le connecteur de. Sans ce de, point de rattachement possible ; on ne dit pas Le château ma mère. Dès lors, le rôle du noyau du GDC ainsi constitué est de permettre d’articuler deux segments inarticulables sans lui. Il joue donc un rôle organisateur primordial, ce que reflète son statut de noyau. Du point de vue sémantique, comme le verbe copule, son poids peut paraitre minime104 par rapport à celui de son déterminant : il dit essentiellement le type et le sens de la relation à l’œuvre entre le segment d’après et celui d’avant. Si l’on s’attarde sur la constitution du groupe, on remarque que dans le cas du GDN ma mère, le noyau sera le nom mère lui-même, ce qui lui confère un statut non négligeable. Ce GDN, pour être rattaché à son 104

Cela est dû historiquement au passage de ce terme du statut d’adverbe caractérisant la relation (entre le segment d’avant et le segment d’après) à celui de simple ligateur (des deux segments) pour aboutir à celui de noyau du GDC (suite à la fusion avec le segment d’après).

170


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.3.5.2

IM EN

support-noyau château, dont il devrait être déterminant, a besoin d’un élément articulateur : le connecteur subordonnant. L’alliance avec ce connecteur est constitutive d’un GDC, dont le connecteur est le noyau, et ma mère le déterminant. Le rattachement est dès lors rendu possible du déterminant ainsi constitué de ma mère au support château. Le tout pourra être ensuite déterminé (quantifié) à l’aide d’un adjectif le : le château de ma mère.

Les apports : déterminants ou prédicats

2.3.5.2.1 Les déterminants

Un déterminant est un apport de sens agissant, à l’intérieur du groupe déterminatif, par réduction de l’extension du support ou par indication de la quantité d’êtres, objets, faits ou situations considérés. Dans un énoncé, tant la composante phrase que la composante énonciation peuvent faire l’objet de détermination.

2.3.5.2.1.1 Les déterminants de l’énoncé

la

composante

phrastique

Les déterminants de terme

ÉC

2.3.5.2.1.1.1

de

2.3.5.2.1.1.1.1

Quantifiants endossables par

SP

§

105

106

Déterminants105 du nom / du noyau du groupe déterminatif nominal

o des adjectifs • articulaires : la table, un enfant, des arbres, … • stricts : aucun problème, quelques mots, beaucoup de difficultés106, … • numéraux : trois livres, zéro faute, …

Pour rappel, la fonction de déterminant se subdivise en deux sous-fonctionnements : quantifiant et caractérisant. Il est possible de trouver également des éléments qui combinent les deux sous-fonctionnements : quantifiants-caractérisants. Pour cet exemple, deux analyses sont possibles : une analyse en un bloc comme adjectif strict composé ; une autre où l’adjectif articulaire de serait quantifiant de difficultés et l’adverbe beaucoup déterminant quantifiant de la relation entre le déterminant de et le noyau difficultés.

171


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§

Caractérisants endossables par

ÉC

IM EN

o des adjectifs • stricts : une pomme verte, le grand Meaulnes107, … • ordinaux : le troisième enfant, Louis XIV108, … • personnels (toniques) : une mienne cousine, … o des participes (verbes) en emploi adjectival (strict) : un thé dansant, un café glacé, … o des adverbes en emploi adjectival : une fille bien, la position debout, la quasi-totalité, un non-sens, … o des noms ou des groupes déterminatifs nominaux : une cité dortoir, une femme femme, un fauteuil LouisPhilippe/Napoléon III, Charles le Chauve, Alexandre le Grand109, … o des groupes déterminatifs connectifs : une brosse à dents, la ville de Paris110, le château de ma mère, un meuble en chêne, … o des groupes prédicatifs seconds : un homme torse nu, … o des sous-phrases : la femme que j’aime … ; l’école dont je t’ai parlé … ; l’idée que tu viennes me réjouit ; Jean qui rit, Jean qui pleure.

Quantifiants-caractérisants endossables par

SP

§

107

108 109 110

o des adjectifs • stricts : l’un ou l’autre jour, une espèce de jupe, … • personnels (atones) : ma voiture, leurs biens, … • déictiques : cette histoire, ladite réunion, …

Ce qui différencie, entre autres, les noms propres de personne des noms communs, est le fait que les premiers ne sont normalement pas quantifiés. Cette quantification apparait néanmoins lorsque le nom propre de personne est caractérisé (le grand Meaulnes) ou dans des emplois dits « populaires » (la Marie). L’adjectif numéral cardinal postposé à son noyau-support adopte un sens d’ordinal. Équivalent d’un groupe déterminatif nominal résultat d’un mécanisme de pronominalisation (voir 1.6.2.3). Le déterminant de Paris est souvent faussement considéré comme une apposition à ville. Il en est, en fait, caractérisant, réduisant l’ensemble des villes au sous-ensemble singleton ville de Paris.

172


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Déterminants du pronom / noyau du groupe déterminatif pronominal Nous proposons de tenir compte de l’existence d’un groupe déterminatif pronominal (GDPron.), dont le noyau sera un pronom et qui sera accompagné de ses déterminants111. À la différence du nom, le pronom n’est pas souvent déterminé et quasiment jamais quantifié (Les deux sont venus112), ce qui est normal, vu que les pronoms, comme les quantifiants, ont une définition de type au moins catégoriel, nécessaire à la pronominalisation. Le pronom n’a dès lors pas besoin de quantifiant. En revanche, il peut être caractérisé :

IM EN

2.3.5.2.1.1.1.2

• Caractérisants113 endossables par

o des particules adverbiales : ceux-ci, celle-là, … o des groupes déterminatifs pronominaux : Des fleurs, j’en ai cueilli deux114, … o des groupes déterminatifs connectifs : quelqu’un de bien, … o des sous-phrases : ce que tu veux115, celui qui travaille, quelqu’un que j’aime, …

Déterminants du verbe / du noyau du groupe déterminatif verbal Dans une phrase, le verbe est le noyau du groupe déterminatif verbal qui endosse généralement la fonction de prédicat. En tant que noyau, il est susceptible d’être construit avec des déterminants s’y rapportant : on parlera de déterminants du verbe ou, si besoin en est, de déterminants du verbe en emploi transitif / support / copule116 / unipersonnel.

ÉC

2.3.5.2.1.1.1.3

Nous ne prenons pas en considération ici la question de l’analyse que l’on fait du groupe de mots résultant du mécanisme de pronominalisation. Voir le paragraphe 1.3.4.2 La pronominalisation dans le module 1 Les classes de mots. Ce cas renvoie à la pronominalisation d’un GDN avec combinaison de quantifications, d’abord partitive, ensuite exhaustive. Voir note 53. Dans moi seul, nous autres ou encore lui-même et nous-mêmes, les adjectifs ne caractérisent pas le pronom. Ils en sont prédicats seconds dans le cadre d’un groupe prédicatif second (voir 2.4.2.2). Nous considérons que ce sur quoi porte l’action de cueillir est deux (éléments) pris dans l’ensemble des fleurs (ensemble représenté par en, qui dès lors devient déterminant caractérisant de deux). Voir infra, note 119. La question de savoir si l’attribut traditionnel est un prédicat sur le noyau GP1 ou est un déterminant du verbe divise les linguistes. Nous optons pour la deuxième solution par souci de cohérence avec notre système. L’attribut se pronominalise au neutre, avec une forme proche de celle du pronom déterminant du verbe. Ce qui gêne la tradition

SP

111

112 113

114

115 116

173


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Pierre a peur

+

L’arrivée de Sarah est annoncée

+

ÉC

Verbe support non copule Verbe support à la voix 2

IM EN

La différence entre les divers déterminants du verbe tient surtout dans le rapport de complétude / incomplétude qui existe entre le type de verbe et le déterminant correspondant, rapport que l’on pourrait évaluer, globalement, en fonction de la répartition de la charge sémantique, entre le verbe (V) et son déterminant (Dét.V). Types de Charge Charge Exemple structures du V du Dét. V Verbe en emploi Il sort ++ –– intransitif Pierre mise gros Verbe à déterminant Marie mange italien + – adjectival Pierre bronze idiot Verbe en emploi Sarah mange une pomme = = transitif Elle profite de la vie Verbe en emploi Il pleut des cordes = = unipersonnel Verbe support Pierre est sot – + en emploi copule

SP

grammaticale, c’est de dire que l’adjectif puisse être déterminant du verbe, alors que ce rôle était jusqu’ici dévolu à l’adverbe. La perspective traditionnelle a pour conséquence de devoir considérer froid dans Il fait froid (locution verbale) comme un attribut, car les options sujet réel ou objet (fonctions nominales) seraient impossibles avec un adjectif. Ajoutons à cela que la considération de l’attribut comme déterminant du verbe permet une appréhension moins problématique de certains cas limites : Votre mission consiste à nettoyer l’escalier ; Deux plus deux égalent quatre ; Il passe pour fou ; Quatre chapitres constituent son roman. S’agit-il de constructions « verbe copule + attribut » ou « verbe + déterminant du verbe » ? Si l’on considère l’attribut comme un déterminant du verbe, cette question devient secondaire, vu qu’elle se résume à la question du type de verbe et non plus du type de fonction. Si l’on considère l’attribut comme un prédicat du noyau GP1, il faut tracer une frontière nette entre les deux fonctions attribut et déterminant du verbe, ce que rendent malaisé les exemples cidessus. Nous considèrerons dès lors l’attribut comme un déterminant du verbe en emploi copule. Sa base normale est adjectivale, mais il peut être pris en charge par, notamment, un nom (ou GDN). Dans ce cas, souvent, on a un adjectif articulaire zéro (Pierre est médecin), signe que le nom se rapproche, par cet emploi, de l’adjectif, qui serait plus prototypique. Dans la mesure où, dans notre système, l’adjectif est le prototype du déterminant de terme (par opposition à l’adverbe qui se rapporterait à une relation), l’option privilégiée ici est somme toute des plus cohérente.

174


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

§ Le verbe en emploi intransitif apparait complet. § Dans le cas du verbe à déterminant adjectival, souvent considéré comme un « adjectif adverbialisé117 », le verbe emporte avec lui son sens et celui d’un déterminant non saturé que viendrait caractériser l’adjectif en position de déterminant du verbe. La construction s’étend à des verbes à priori intransitifs (bronzer idiot, rouler japonais).

IM EN

§ La complétude du verbe en emploi transitif direct ou indirect se fait selon son sens (nécessité et compatibilité). Il en va de même pour le verbe en emploi unipersonnel. § Dans le cas du verbe support en emploi copule, l’adjectif ou le nom déterminant emporte avec lui la part la plus importante de signification par rapport au verbe qui, s’il fournit les indications d’existence, de mode, de temps et d’aspect, ne fournit presque que cela. Le verbe support non copule et le verbe support à la voix 2 fonctionnent de même.

Pour ce qui est de la frontière entre le déterminant de verbe et le déterminant de la relation, voir ci-après Les déterminants de relation. Les déterminants de verbe sont de type caractérisant et endossables par

ÉC

§ des groupes déterminatifs adjectivaux : être heureux, bronzer idiot, parler net, il en mange deux, …

§ des groupes déterminatifs nominaux : avoir mal, manger des fraises, appeler Pierre, … § des groupes déterminatifs pronominaux : Je le mange, il mange tout, il (en) mange beaucoup118, …

SP

§ des groupes déterminatifs connectifs : donner à voir, rester de marbre, aller à la mer, … § des groupes prédicatifs seconds : Pierre est torse nu ; J’entends les enfants chanter ; On dit Pierre pressé, … § des sous-phrases : Je veux que tu viennes ; Je me demande combien ça coute, …

117

118

Les réels adjectifs adverbialisés, c’est-à-dire des adjectifs en emploi de déterminants d’une relation, par exemple [Dét. – Noyau], sont rares. Un test pour les identifier est la possibilité de les trouver entre l’auxiliaire et l’auxilié. On trouve ainsi les intensifs juste ainsi que grave, récemment introduit : Pierre l’a juste regardé ; Il l’a grave kiffé. Après pronominalisation de l’adverbe.

175


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ des discours re-produits : Marie me dit « Zut », … 2.3.5.2.1.1.1.4

Déterminants de l’adjectif déterminatif adjectival

/

noyau

du

groupe

§ Caractérisants endossables par

2.3.5.2.1.1.1.5

IM EN

o des adjectifs : bleu céruléen, beige clair, … o des noms : rose bonbon, bleu lagon, … o des groupes déterminatifs connectifs : bête à manger du foin, plein de bon sens, … o des sous-phrases : Tout puissant qu’il prétende être, … Déterminants de l’adverbe déterminatif adverbial

/

noyau

du

groupe

§ Caractérisants endossables par

o des groupes déterminatifs connectifs : conformément à la loi, près de la maison, loin de chez lui, … o des sous-phrases : Il est si grand qu’il ne passe pas la porte, Pierre perd plus que Sarah ne gagne, … Déterminants du connecteur subordonnant / noyau du groupe déterminatif connectif

ÉC

2.3.5.2.1.1.1.6

SP

§ Caractérisants endossables par

119

o des groupes déterminatifs nominaux : croire à quelque chose, être dans une pièce, s’attendre à sa venue, … o des groupes déterminatifs adjectivaux : passer pour fou, … o des groupes déterminatifs pronominaux : Je le fais pour elle ; s’attendre à ce que quelque chose arrive119, … o des groupes déterminatifs adverbiaux : Il me le faut pour demain ; L’ennemi est arrivé par derrière, …

On peut analyser de deux manières : soit on considère le ce comme noyau de groupe déterminatif pronominal, avec une sous-phrase déterminante ; soit on considère ce que comme un connecteur enchâssant une sous-phrase, qui transpose la sous-phrase en emploi nominal.

176


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

o des groupes déterminatifs connectifs : Il me le faut pour avant les vacances, … o des groupes prédicatifs seconds : Avec Marc pour guide, on ne se perdra jamais. À la nuit tombée, tous les chats se faufilent dans les rues, … o des groupes prédicatifs seconds à noyau zéro : Pour partir en vacances, il faut être bien assuré ; En partant maintenant, nous arriverons à l’heure, … o des sous-phrases : Il me le faut avant que tu ne partes, …

2.3.5.2.1.1.2 Les déterminants de relation La phrase est donc syntaxiquement vue comme un réseau de relations de terme à terme. Cela étant, ces relations, en tant que processus mis en œuvre entre deux termes, sont également susceptibles d’être déterminées, voire prédiquées. Voici les différentes relations et les types de détermination et de prédication qui peuvent s’y rapporter.

ÉC

Soit la phrase Pierre conduit une voiture volée, à l’intérieur de laquelle on introduit l’adverbe légalement, qui endosse la fonction de déterminant de relation. Cas 1 : Légalement, Pierre conduit une voiture volée. Cas 2 : Pierre conduit légalement une voiture volée. Cas 3 : Pierre conduit une voiture légalement volée. Cas 4 : Pierre conduit une voiture volée légalement.

SP

Ces quatre cas de figure ont chacun une signification différente, corrélée à une structure syntaxique et un ancrage du déterminant de relation propres.

177


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Cas 1 : Légalement, Pierre conduit une voiture volée.

IM EN

Déterminant de la relation [Prédicat – Noyau GP1] (il est hors de portée de la négation, voir plus loin). Cet adverbe fixe le cadre dans lequel l’énonciateur assume comme vrai l’énoncé qui suit. La phrase signifie ‘D’un point de vue légal, Pierre conduit une voiture volée’.

Phrase (GP1)

Noyau (GDN)

conduit une voiture volée

ÉC

Pierre

Prédicat (GDV)

Dét. (GDAdv.)

SP

Légalement

178


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Cas 2 : Pierre conduit légalement une voiture volée. Déterminant de la relation [Déterminant – Noyau GDV] (il est sous la portée de la négation). La phrase signifie ‘Pierre conduit en toute légalité une voiture volée’.

Noyau (GDN) Pierre

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV)

Dét. (GDN)

ÉC

Noyau (V)

conduit

une voiture volée

SP

Dét. (GDAdv.)

légalement

179


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Cas 3 : Pierre conduit une voiture légalement volée. Déterminant de la relation [Déterminant – Noyau GDN]. La phrase signifie ‘Pierre conduit une voiture volée en toute légalité’. Phrase

IM EN

(GP1)

Prédicat (GDV)

Noyau (GDN) Pierre

Dét. (GDN)

Noyau

(V) conduit

ÉC

Noyau 120 (GDN’)

Dét. Ca. (V/Adj.)121

Noyau (nom)

SP

voiture

120

121

Dét. Q. (Adj.) une

Dét. (GDAdv.) légalement

volée

Le GDN’ correspond à un groupe constitué du noyau nominal et de son/ses caractérisant(s). Il s’intègre dans le GDN, définitivement constitué une fois la quantification opérée. En cas de caractérisation multiple, on peut envisager des GDN’’, GDN’’’, … Il s’agit, dans ce cas, d’une forme verbale (participe 2) en emploi adjectival de déterminant.

180


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Cas 4 : Pierre conduit une voiture volée légalement.

SP

ÉC

IM EN

Dans la chaine linéaire du discours122, le déterminant de relation peut se placer à gauche, au milieu ou à droite de la relation sur laquelle il porte. La position finale est la plus ambigüe, car elle permet ici une lecture où le déterminant peut porter soit sur la relation [Prédicat – Noyau GP1] (portée large, hors de portée de la négation, cas 1), soit sur la relation [Déterminant – Noyau GDV] (portée étroite, sous la portée de la négation, cas 2), soit sur la relation [Déterminant – Noyau GDN] (cas 3). Dans ce cas de figure 4, le terme est donc potentiellement déterminant de toutes les relations précitées. Le sens recherché devrait dépendre de l’intention de l’énonciateur, mais comme la phrase est ambigüe, il est possible que l’interprétation finale qui en est faite par le destinataire ne corresponde pas à cette intention de départ. L’intonation pourra, le cas échéant, permettre de lever une part d’ambigüité, le contexte devant se charger du reste. Nous avons donc observé plusieurs types de relations : [Prédicat – Noyau GP1], [Déterminant – Noyau GDV], [Déterminant – Noyau GDN]. On peut encore imaginer d’autres relations susceptibles d’être déterminées : juste devant la porte ([Déterminant (= le GDC) – relation support]), très loin de chez lui ([Déterminant ( = le GDAdv.) – relation support]), bleu très clair ([Déterminant – Noyau GDAdj.]), Plus bruyant que convivial, ce quartier ne me convient pas ([P2 – GDN]), … Par ailleurs, il est possible de rencontrer une succession de déterminants de relation. Dans la phrase En France, en 1981, on a aboli la peine de mort, on observe deux candidats déterminants de la relation [Prédicat – Noyau GP1] : en France et en 1981. Si l’on considérait ces deux déterminants sur le même plan, il ne devrait y avoir aucune différence avec la phrase En 1981, en France, on a aboli la peine de mort. Or, on remarque une légère différence de sens, de cadrage dans la transmission et la hiérarchisation de l’information. Nous proposons donc d’en tenir compte et de proposer une description hiérarchisée par emboitement. 122

La syntaxe proposée ici se déploie sur deux dimensions, avec des prédicats ou déterminants de termes (prédicat premier ou second, déterminant de noyau (verbal, nominal…)) et des prédicats ou déterminants de relations entre deux termes. Or, à l’oral comme à l’écrit, ces deux dimensions sont écrasées en une seule : celle des chaines parlées ou écrites, qui se déroulent dans le temps. C’est la raison pour laquelle certaines positions sont occupées de la même manière en surface par des apports à des relations dont les portées diffèrent néanmoins du point de vue de l’analyse de la structure syntaxique. Les apports (prédicats seconds et déterminants) à une relation se situeront en syntaxe de résultat (de surface) – avec parfois quelques restrictions – soit à gauche du premier élément impliqué dans la relation, soit à droite du deuxième, soit encore au milieu de ces éléments, ce qui n’est pas sans engendrer parfois quelque ambigüité.

181


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Soit la phrase : En France, en 1981, on a aboli la peine de mort.

Noyau (GDN)

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV)

On

a aboli la peine de mort Dét. (GDC)

Dét. (GDC)

en 1981

En France

ÉC

Le cadrage est opéré par un premier zoom sur la France et ensuite sur l’année 1981. Soit la phrase : En 1981, en France, on a aboli la peine de mort.

SP

Phrase (GP1)

Noyau (GDN)

Prédicat (GDV)

On

a aboli la peine de mort Dét. (GDC) Dét. (GDC)

en France

En 1981 182


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Le cadrage opère ici légèrement différemment. On zoome d’abord sur l’année 1981, dans la ligne du temps, et ensuite sur la France123.

2.3.5.2.1.1.2.1.1

la

relation

prédicative

Caractérisants endossables par

IM EN

§

Déterminants de [Préd. – Noyau GP1]

o des groupes déterminatifs adverbiaux : Doucement, il s’est approché, … o des groupes déterminatifs nominaux : La nuit, tous les chats sont gris, … o des groupes déterminatifs connectifs : À cette heure-ci, tout le monde dort, … o des groupes prédicatifs seconds : Le chat parti, les souris dansent, … o des sous-phrases : S’il pleut, je ne sors pas, … §

Quantifiants endossables par

ÉC

o des groupes déterminatifs adverbiaux : Souvent, je me lève trop tôt ; Je n’aime pas cette blague, … o des groupes déterminatifs nominaux : Plusieurs fois, je suis parti de chez elle, … o des groupes prédicatifs seconds : Deux fois par semaine, je fais du sport, … o des sous-phrases : Chaque fois que je peux, je fais du sport, …

SP

2.3.5.2.1.1.2.2 Déterminants de la relation [Dét. – Noyau GDV] § Caractérisants endossables par o des groupes déterminatifs adverbiaux : Pierre range alphabétiquement ses fiches, … o des groupes déterminatifs nominaux : Il promène le chien la nuit, …

123

Cela étant, dans certains cas, il peut également y avoir des lectures par coordination ou juxtaposition coordonnante : Avec les doigts, sans se soucier des bonnes manières, il a désossé son poulet. Les deux lectures, avec ou sans hiérarchisation des déterminants de cadre, sont possibles.

183


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§

IM EN

o des groupes déterminatifs pronominaux : Je lui ai offert une montre, … o des groupes déterminatifs connectifs : J’ai donné cours à cet enfant ; Il dort dans sa chambre ; Le voyou est emmené par la police, … o des groupes prédicatifs seconds : Il réussit les examens les doigts dans le nez, … o des sous-phrases : Il fera cela quand il en aura envie ; Il ment comme il respire, … Quantifiants endossables par

o des groupes déterminatifs adjectivaux : Pierre l’a juste regardé ; Il l’a grave kiffé, … o des groupes déterminatifs adverbiaux : J’aime beaucoup la mode ; Pierre est souvent sage ; Pierre est plus intelligent que discipliné, … 2.3.5.2.1.1.2.3 §

Déterminants de la relation [Dét. – Noyau GDN]

Caractérisants endossables par

ÉC

o des groupes déterminatifs nominaux : La mort, la veille, de son père l’a beaucoup affecté, … o des groupes déterminatifs adverbiaux : une déjà/presque/quasi-tradition, … o des groupes déterminatifs connectifs124 : La prise de Constantinople en 1453 par les Ottomans marque généralement la fin du Moyen Âge, …

Quantifiants endossables par

SP

§

124

o des groupes déterminatifs adverbiaux : un très petit endroit, une assez jolie propriété, beaucoup/trop de bruit (voir note 106), tous les chiens, les presque/quasi deux cents euros qu’il possède, …

La grammaire traditionnelle ne prend en considération que les « compléments circonstanciels » du verbe, de la phrase ou de l’ensemble Groupe Nominal Sujet – Groupe Verbal, mais n’envisage nulle part les ‘compléments circonstanciels’ du groupe déterminatif nominal, autrement dit les déterminants de la relation [Dét. – Noyau GDN]. Notre méthode d’analyse propose de réintégrer ces cas. Dans le GDN La prise de Constantinople en 1453 par les Ottomans, il y a deux déterminants de relation hiérarchisés : en 1453 et par les Ottomans.

184


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.3.5.2.1.1.2.4 §

Déterminants de la relation [P2 – GDN]

Caractérisants endossables par o des groupes déterminatifs adverbiaux : Légalement volée, cette voiture est à la fourrière, …

§

Quantifiants endossables par

IM EN

o des groupes déterminatifs adverbiaux : Plus bruyant que convivial, ce quartier ne me convient pas, … On peut encore ajouter les relations vues plus haut, qui acceptent comme déterminants quantifiants des groupes déterminatifs adverbiaux : bleu très clair ([Déterminant – Noyau GDAdj.]), très loin de chez lui ([Déterminant ( = le GDAdv.) – relation support]), et juste125 devant la porte ([Déterminant (= le GDC) – relation support]).

2.3.5.2.1.2 Les déterminants de la composante énonciation de l’énoncé ou déterminants de l’énonciation

SP

ÉC

L’énonciateur peut choisir de donner un certain nombre d’informations concernant l’énonciation. Il peut décider de déterminer, de caractériser tant sa modalité (son intention) que la situation dans laquelle elle intervient (son propos, les interlocuteurs, …) ou encore la forme qu’elle prend (sa longueur, son organisation argumentative, …). L’énonciation à proprement parler n’a pas de position syntaxique définie. Néanmoins, il faut trouver un support syntaxique à un déterminant de l’énonciation, et c’est la plupart du temps la relation prédicative [Prédicat – Noyau GP1] qui joue ce rôle126. Par convention, nous noterons sur les schémas les déterminants de l’énonciation à l’aide d’une triple flèche. Dans le cas d’une détermination de l’énonciation, le déterminant se rapportera donc syntaxiquement à la relation prédicative [Prédicat – Noyau GP1] ; l’apport sémantique du déterminant sera, quant à lui, reversé à la composante énonciation de l’énoncé.

125 126

Adjectif en emploi adverbial. En fait, l’analyse révèle qu’un déterminant de l’énonciation doit trouver comme support une relation de type prédicatif, à moins que son support ne soit une autre relation impliquant déjà un autre déterminant de l’énonciation (dans Moi, mon père, son vélo, il est tout pourri, les trois premiers segments déterminent l’énonciation en s’emboitant). Le déterminant de l’énonciation n’est donc pas toujours, comme on le dit souvent, un complément de phrase.

185


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ Caractérisants endossables par

ÉC

IM EN

o des groupes déterminatifs nominaux : Où es-tu, Pierre ? ; La mère de Jules, elle est avocate, … o des groupes déterminatifs pronominaux : Moi, elle, je la trouve très sympa, … o des groupes déterminatifs adjectivaux : Futé, il l’est ! Bref, c’est la catastrophe, … o des groupes déterminatifs adverbiaux : Franchement, j’en ai assez ; Honnêtement, c’est pas mal ; Primo … secundo, … o des groupes déterminatifs connectifs : En bref, tout va pour le mieux ; En deux mots, c’est foutu ! ; En toute franchise, tu exagères ; À la mer, elle y va chaque année, … o des groupes prédicatifs seconds : Toute flagornerie mise à part, vous êtes formidable, … o des groupes prédicatifs seconds à noyau Ø : En y repensant, c’est quand même ridicule, … o des sous-phrases : Si tu as soif, il y a de l’eau dans le frigo ; Tu as soif ? y a de l’eau dans le frigo, …

2.3.5.2.1.3 Comment savoir si un terme est déterminant du verbe ou déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV]127 ?

SP

Soit les phrases : a) Pierre mange [une pomme] b) Pierre donne [une pomme] [à Sarah] c) Pierre mange [dans la cuisine] / [toute la journée] d) Pierre tient [ça] [de son père] e) Pierre va [à Paris]

127

La grammaire traditionnelle distingue trois types de compléments rattachés au verbe : le complément d’objet direct, le complément d’objet indirect et le complément circonstanciel. Cette situation conduisait à des questionnements restés sans réponse sur la répartition des items et les frontières entre, par exemple, complément d’objet indirect et complément circonstanciel. Or, en principe, il ne devrait y avoir qu’un seul type de ‘complément’/apport par position syntaxique disponible (hors coordination ou juxtaposition). La présentation traditionnelle ne convient donc pas. La proposition que nous faisons ici consistera à répartir l’ensemble de ces trois types de compléments sur les deux positions syntaxiques dégagées par notre modèle : déterminant du verbe et déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV].

186


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

a) Dans Pierre mange une pomme, le groupe déterminatif nominal une pomme endosse la fonction de déterminant du verbe.

IM EN

Prédicat (GDV)

Noyau (V)

Dét. (GDN)

mange

une pomme

b) Dans Pierre donne une pomme à Sarah, le groupe déterminatif nominal une pomme endosse toujours la fonction de déterminant du verbe. Le groupe déterminatif connectif à Sarah endosse la fonction de déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV]. En effet, à Sarah vient en quelque sorte déterminer le procès du don de la pomme.

SP

ÉC

Prédicat (GDV)

Noyau (V)

Dét. (GDN)

donne

une pomme

Dét. (GDC) à Sarah

Ces cas sont dès lors traités comme Pierre envoie des fleurs à Rome ou bien Le lapin est abattu par le chasseur (où abattu est déterminant du verbe. Cf. voix 2).

187


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

c) Dans Pierre mange dans la cuisine ou dans Pierre mange toute la journée, le groupe déterminatif connectif dans la cuisine ou le groupe déterminatif nominal toute la journée ne sont pas nécessaires au sens du verbe ou à la construction de la phrase et sont donc de simples déterminants de la relation [Dét. – Noyau GDV] (même si la position de déterminant du verbe n’est pas saturée, notée par Ø).

Noyau (V)

Prédicat (GDV)

IM EN

Prédicat (GDV)

Dét. Noyau Ø (V)

mange

Dét. Ø

mange

Dét. (GDC)

Dét. (GDN)

dans la cuisine

toute la journée

SP

ÉC

d) Dans Pierre tient ça de son père, le groupe déterminatif pronominal ça endosse la fonction de déterminant du verbe. Le groupe déterminatif connectif de son père, qui marque l’origine de l’héritage, endosse la fonction de déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV]. Les deux apports sont nécessaires au sens du verbe : l’acception ‘détenir comme en héritage’ de tenir en dépend. Prédicat (GDV)

Dét. (GDPron.) ça

Noyau (V) tient Dét. (GDC) de son père 188


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

e) Dans Pierre va à Paris, le groupe déterminatif connectif à Paris, à l’origine déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV], apparait comme nécessaire au verbe, dont il est objectivement un complément de sens (aller : verbe de direction ; à Paris : complément de direction) et a donc glissé vers la place non encore occupée du déterminant du verbe.

Noyau (V) va

IM EN

Prédicat (GDV)

Dét. (GDC)

à Paris

Il en va de même pour des exemples tels que Pierre profite de la situation, Pierre se sert du marteau.

ÉC

2.3.5.2.2 Les prédicats

Un prédicat est un apport, un supplément de sens, qui, intervenant après la clôture du groupe déterminatif support, n’en réduit pas l’extension.

2.3.5.2.2.1 Les prédicats de terme

SP

§ Prédicat premier du noyau de GP1 endossable par o des groupes déterminatifs verbaux : Pierre rit de sa sœur ; Il aime énormément les animaux ; Je suis certaine que tu vas guérir ; Elle est partie parce qu’elle souffrait de maux de tête.

En dehors des cas prototypiques où le prédicat est pris en charge par un GDV, il existe des phrases où le prédicat est pris en charge par une autre structure morphologique. Dans ces cas, la prédication est souvent

189


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

dite incomplète, même si la phrase elle-même semble parfaitement construite. Ex. : Toi, dehors128 ! § Prédicat second (dont le noyau du groupe qui le prend en charge n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel) d’un terme de la prédication première, endossable par

ÉC

IM EN

o des groupes déterminatifs nominaux : Étudiant, Arnaud travaille beaucoup ; Le 21 juillet, jour de fête nationale belge, restera-t-il encore longtemps férié ? ; Il a été nommé général. o des groupes déterminatifs adjectivaux : Farouche, le lièvre a détalé immédiatement ; Pierre mourra vieux129 ; Pierre m’a rendu ma voiture cabossée ; Pierre a rendu sa femme malheureuse130. o des groupes déterminatifs connectifs : Avec Sarah pour guide, on ne risque pas de se perdre (intérieur de groupe prédicatif) ; Une de perdue, dix de retrouvées (intérieur de groupe prédicatif) ; Il me traite d’imbécile.131 o des groupes prédicatifs (GP2) : Pierre et Sarah sont partis à la plage, lui en maillot, elle en bikini. o des verbes conjugués à un mode non personnel à l’intérieur d’un GP2 (cas des anciennes propositions participes et infinitives) : Le chat parti, les souris dansent ; J’entends les enfants pleurer ; On dit Pierre pressé (voir plus loin, 2.4.2.2 Le groupe prédicatif second (GP2)).

128

SP

129

Toi apparait comme un déterminant de l’énonciation caractérisant l’interlocuteur ; Dehors comme le prédicat d’un noyau GP1 non saturé (un tu non répété). Dans ce cas, vieux est un prédicat second sur le noyau GP1, mais à la différence de farouche, il est intégré dans le prédicat. En effet, il serait sous la portée de la négation dans Pierre ne mourra pas vieux. Une différenciation supplémentaire, si elle est tout à fait possible, nous conduirait à des niveaux de complexité hors de propos dans le cadre de l’enseignement. On pourrait néanmoins parler ici de P2 détaché du noyau GP1. Dans ces deux derniers cas, nous avons affaire à des prédicats seconds du déterminant du verbe. Si leur fonctionnement est proche, ils se différencient néanmoins par la plus grande nécessité du prédicat second dans le deuxième exemple (son absence changerait le sens du verbe). Par souci pédagogique, nous nous arrêterons cependant à ce stade de complexité. Pour certains exemples (Il me considère comme un frère), on pourrait hésiter entre deux analyses : soit déterminant de la relation [Dét.–Noyau GDV] entre le déterminant me et le noyau verbal considère (‘Il me considère comme il considèrerait un frère’) ; soit prédicat second du déterminant du verbe me, par l’intermédiaire du verbe considère (‘il considère moi = un frère’).

130

131

190


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

o des sous-phrases132 : Élise, qui est ma cousine germaine, me connait par cœur ; Insensés que nous sommes ; 11 heures, et ma tante qui n’arrive pas ; Voilà Pierre qui arrive (Prédicat second dans un GP2, pour les trois derniers exemples).

IM EN

2.3.5.2.2.2 Les prédicats de relation L’énonciateur peut choisir de faire un commentaire sur la composante phrastique de l’énoncé. Ce commentaire peut consister en une évaluation du contenu phrastique (et donc de la liaison du prédicat premier à son noyau) ou en une évaluation de la probabilité de sa réalisation. De même que le déterminant de l’énonciation doit systématiquement porter sur une relation de type prédicatif, de même un prédicat second sur une relation impose à celle-ci d’être elle-même prédicative. § Prédicat second de la relation prédicative [Préd. – Noyau GP1] endossable par

ÉC

o des groupes déterminatifs adverbiaux : Heureusement, Julie avait bien étudié ; Probablement, elle sera de la partie… o des groupes déterminatifs connectifs : Par bonheur, c’est fini. o des groupes déterminatifs nominaux ou des groupes prédicatifs seconds (selon l’analyse) : Chose curieuse, Pierre appréciait Paul. o des sous-phrases : Pierre (la chose pourrait paraître curieuse) appréciait Paul.

SP

2.3.5.2.3 Les apports à une relation : comment préciser leur portée et leur fonctionnement ? Un des questionnements concernant les apports de relation est relatif à leur portée. Afin de préciser la relation sur laquelle porte un terme, il faut

132

Un prédicat second ne peut être pris en charge par un groupe dont le noyau est un verbe conjugué à un mode personnel. Dans le cas de la sous-phrase, le verbe conjugué au mode personnel est en fait, au niveau hiérarchiquement inférieur de l’analyse de la sous-phrase, prédicat premier du noyau GP1’. Au niveau supérieur, la sous-phrase n’a pas pour noyau un verbe conjugué à un mode personnel.

191


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

lui faire passer différents tests133 choisis pour révéler les propriétés particulières de cet apport.

IM EN

Test 1 : Le terme ou groupe est-il sous la portée de la négation ? Ce test est pertinent pour révéler la portée large (la relation [Prédicat – Noyau GP1]) ou étroite (par exemple la relation [Déterminant – Noyau GDV]) de l’apport. En effet, dans un énoncé négatif, la négation clôt le prédicat et le nie (Pierre [n’aime pas la soupe] : ‘J’affirme qu’il est vrai que Pierre – non [aime la soupe]’) ; dès lors, si le test révèle que l’apport est sous la portée de la négation, cela signifie que l’apport est à l’intérieur du prédicat. Dans le cas contraire, il ne lui reste que la relation prédicative comme potentiel support.134 Soit les énoncés « Pierre conduit légalement une voiture volée » >< « Légalement, Pierre conduit une voiture volée ». § Si l’apport est sous la portée de la négation, c’est qu’il est inclus dans le prédicat, et qu’il détermine la relation interne au Préd., c’est-à-dire la relation [Déterminant – Noyau GDV]. On dit qu’il a une portée étroite. Ex. : Pierre [ne conduit pas légalement une voiture volée].

Ces tests ont en fait une valeur heuristique : ils révèlent la présence d’une propriété, mais ne constituent pas la propriété ; il ne sont donc pas définitoires. De plus, ils ne sont pas transparents ; ils engagent du sens (par exemple, le test de la négation cidessous). Ils peuvent dès lors se révéler incompatibles avec la séquence testée. On ne peut dire, par exemple, sauf contexte extrêmement contraint, ??Toujours, il ne vient pas : la fréquence maximale (toujours) ne s’accommode pas d’une fréquence zéro, marquée par la négation ; cela apparait incompatible. Pour autant, Toujours est bien hors du prédicat et possède bien la propriété d’avoir une portée large dans la phrase Toujours, il vient. En définitive, si le fait de passer le test révèle bien la présence de la propriété, le fait de ne pas le passer ne révèle pas forcément l’absence de cette propriété : avant de se prononcer, il faut vérifier les questions de compatibilité ou de propriétés particulières (un rôle secondaire de connecteur, par exemple) qui pourraient avoir empêché le passage du test. Il faut par ailleurs éviter la multiplication des tests qui atomisent les classes (‘de temps’, ‘de lieu’, ‘de personne’, ‘d’attribution’, …). Le noyau de phrase est dès lors également hors de portée de la négation de phrase. La seule manière de nier ce noyau est de le focaliser à l’aide de c’est … qui (Ce n’est pas Pierre qui mange), ce qui rejette Pierre dans la zone rhématique (il devient déterminant de est). Une autre manière de nier le noyau de phrase consiste à utiliser une négation polémique, avec insistance intonative sur lui (PIERRE n’est pas venu). On peut enfin utiliser un quantifiant négatif (Aucune personne n’est venue, qui implique la présence de la négation de phrase n’ ; Pas d’économie, implique pas de dépense, qui reste une phrase positive, la négation n’étant qu’une négation de constituant et pas de phrase). Pour une précision sur la place de la négation dans un schéma de phrase, voir la représentation au point 2.5.2.1 La phrase unique simple.

SP

ÉC

133

134

192


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

§ Si l’apport reste hors de la portée de la négation, c’est qu’il n’est pas inclus dans le prédicat, et qu’il porte sur la relation de prédication première [Prédicat – Noyau GP1], voire sur l’énonciation. On dit qu’il a une portée large. (Pour préciser, passer aux Tests 2 et 3) Ex. : Légalement, Pierre [ne conduit pas une voiture volée].135 Test 2 : Le terme ou groupe est-il focalisable à l’aide de « C’est … qui/que » ? Ce test est pertinent pour savoir si l’apport de portée large (hors de portée de la négation) est un élément du contenu phrastique de l’énoncé. En effet, on ne peut focaliser que des éléments de la composante phrastique de l’énoncé ; on ne peut pas focaliser des commentaires sur la phrase énoncée (qui seront prédicats seconds) ni des caractérisations de l’énonciation (qui seront déterminants de l’énonciation). Dès lors, ne sont focalisables que les apports qui déterminent la relation prédicative.

SP

ÉC

Soit les énoncés « Demain, je m’en vais » >< « Heureusement, je m’en vais ». § Si l’apport est focalisable à l’aide de « C’est … qui/que », il fait partie de la composante phrastique et est déterminant de la relation [Prédicat – Noyau GP1]. Ex. : C’est demain que je m’en vais. En tant que déterminant de la relation prédicative, l’apport fixe le cadre dans lequel l’énonciateur assume les conditions de vérité de son énoncé (en cas d’assertion), la portée de son interrogation ou de son injonction. § Si l’apport n’est pas focalisable de cette manière, il ne fait pas partie de la composante phrastique et n’est pas déterminant de la relation [Prédicat – Noyau GP1]. Il est soit prédicat second 135

Cette différenciation vaut également pour des cas où la différence de sens n’apparait pas de prime abord : Ils jouent dans la cour >< Dans la cour, ils jouent. Selon le test, dans le deuxième cas seulement, le déterminant porte sur la relation prédicative (Dans la cour, ils ne jouent pas). La différence tient au fait que, dans ce cas, ce qui est un déterminant de la relation prédicative fixe le cadre pour lequel l’énonciateur assume les conditions de vérité de son énoncé. Ce cadre fait figure d’élément thématique. Cette phrase pourrait répondre à une question du type : « Dans la cour, que font-ils ? », alors que la première phrase pourrait répondre à la question : « Où jouent-ils ? ». Dans la mesure où elles ne répondent pas à la même question initiale, cela signifie qu’elles ne s’intègreront pas de la même manière dans une suite d’énoncés ; il faut dès lors les traiter différemment.

193


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

de cette relation, soit déterminant de l’énonciation. (Pour préciser, passer au Test 3) Ex. : *C’est heureusement que je m’en vais. *C’est en deux mots qu’il m’énerve. *C’est franchement que j’en ai assez.

IM EN

Test 3 : Le terme ou groupe est-il acceptable à l’initiale d’une phrase interrogative ou injonctive ? Ce test est pertinent pour déterminer si le terme qui ne fait pas partie de la composante phrastique de l’énoncé prédique la relation [Prédicat – Noyau GP1] ou s’il détermine l’énonciation. En effet, on ne peut prédiquer une phrase énoncée, faire un commentaire sur celle-ci, que si elle est assertée (Je pense et je dis qu’il est vrai que… « Tu te soignes bien ») ; tandis que l’on peut déterminer l’énonciation, indépendamment de la modalité énonciative de l’énoncé (assertion, interrogation ou injonction).

ÉC

§ Si l’apport qui ne fait pas partie de la composante phrastique est acceptable à l’initiale d’une phrase interrogative ou injonctive, c’est qu’il ne prédique pas la relation [Prédicat – Noyau GP1]. Dans ce cas, il est déterminant de l’énonciation136. On peut, entre autres, déterminer la forme ou la formulation de l’énonciation, le propos ou encore les participants à la situation de communication. Ex. : En deux mots, tu te soignes bien. En deux mots, te soignes-tu bien ? En deux mots, soigne-toi bien !

SP

§ Si l’apport qui ne fait pas partie de la composante phrastique n’est pas acceptable à l’initiale d’une phrase interrogative ou injonctive, s’il a besoin d’un fait asserté, c’est qu’il est prédicat second (P2) de la relation [Prédicat – Noyau GP1]137.

136

137

Ex. : Heureusement, tu te soignes bien *Heureusement, te soignes-tu bien ? *Heureusement, soigne-toi bien !

Pour rappel, l’énonciation à proprement parler, n’a pas de position syntaxique définie. Néanmoins, il faut trouver un support syntaxique à un déterminant de l’énonciation, et c’est la plupart du temps la relation prédicative [Prédicat – Noyau GP1] qui joue ce rôle. L’apport sémantique est quant à lui reversé à la composante énonciation. On remarquera que pour qu’un prédicat second ou un déterminant de l’énonciation puisse avoir comme support une relation, il est nécessaire que celle-ci mette en œuvre le mécanisme de prédication.

194


Apport à [Préd. - Noyau GP1] (portée large)

195

Pas partie de la composante phrastique de l’énoncé

NON

OUI

Partie de la composante phrastique de l’énoncé Méc. de détermination Déterminant de [Préd. - Noyau GP1]

OUI

Déterminant par ex. de [Dét. - Noyau GDV] (portée étroite)

APPORTS À UNE RELATION

C É

NON

P S

Focalisable (C’est… qui/que) ?

Sous la portée de la négation ?

Tests

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


C É

Méc. de prédication P2 de [Préd. - Noyau GP1]

NON

P S

Acceptable à l’initiale de phrase interrogative ou injonctive ?

Méc. de détermination Déterminant de l’énonciation

OUI

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

196


Noyaux de groupes

C É

P S

Sujet de la phrase

ANCIENNE TERMINOLOGIE

197

Noyau du groupe déterminatif pronominal

Noyau du GDPron.

Noyau / Centre du groupe nominal

Noyau du groupe déterminatif nominal Noyau / Centre du groupe nominal

Noyau du GDN

Noyau du groupe prédicatif 1(’)

Noyau du GP1 (de la (sous-)phrase)

(’)

NOUVELLE TERMINOLOGIE

2.3.5.2.4.1.1

2.3.5.2.4.1 Les supports

2.3.5.2.4 Mise en parallèle avec l’ancienne terminologie

Leurs

Eux/Ils s’amusent beaucoup. Quelqu’un de bien. Celui qui peut doit contribuer. Elle en déguste deux.

Quatre merveilleux enfants. camarades s’amusent beaucoup.

Cette photo est superbe. Si tu avais su, tu aurais fait davantage d’efforts.

EXEMPLES

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


198

Noyau du groupe prédicatif second

Noyau du GP2

C É

La jeune fille était tout émue à l’annonce de sa victoire.

Chacun pense à son avenir.

Sujet de la proposition participe ou infinitive…

Noyau / Centre du groupe prépositionnel / Introducteur d’un groupe prépositionnel

Le chat parti, les souris dansent. Elle en vacances, lui s’éclate ! Nous voyons les comédiens jouer. Il marche la tête haute.

Chaque été, Xavier et moi partons à Montepulciano.

Noyau / Centre du groupe adverbial Le trésor se trouvait très exactement à l’endroit mentionné sur la carte. Il agit conformément à la loi.

Noyau / Centre du groupe adjectival

Noyau / Centre du groupe verbal / Base de la phrase

P S

Noyau du groupe déterminatif connectif

Noyau du GDC

Noyau du groupe déterminatif adverbial

Noyau du GDAdv.

Noyau du groupe déterminatif adjectival

Noyau du GDAdj.

Noyau du groupe déterminatif verbal

Noyau du GDV

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Déterminants de terme

Les déterminants

P S

C É

ANCIENNE TERMINOLOGIE

199

138

Un enfant sage ; les méchants chiens ; un thé dansant ; une mienne cousine.

Le premier étage ; un quatrième enfant.

Le, la, les, l’, un, une, des, de, chaque, tout, un, deux, trois, quelques, plusieurs, nul, Ø, beaucoup de, tous les138, …

EXEMPLES

Pour ces deux derniers, une autre analyse, plus poussée, fera de beaucoup et de tous des adverbes quantifiant la relation [Dét. Q. – Noyau GDN].

Épithète

Déterminant du noyau du GD nominal Déterminant (caractérisant) (numéral ordinal)

Déterminant du noyau du GD nominal Déterminant (quantifiant) (Article défini – article indéfini – numéral cardinal – partitif – indéfini)

Déterminant du nom

NOUVELLE TERMINOLOGIE

2.3.5.2.4.2.1.1

2.3.5.2.4.2.1

2.3.5.2.4.2 Les apports

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


J’ai vu un homme torse nu.

/

200

Déterminant du noyau du GD verbal

Déterminant du verbe

Déterminant du noyau du GD pronominal

Déterminant du pronom

Complément (d’objet) direct / COD

/

Déterminant du noyau du GD nominal Déterminant (quantifiant-caractérisant) (Possessif – Démonstratif – Certains indéfinis)

P S

L’idée que tu restes me réjouit.

Proposition subordonnée complétive

Lora chante un opéra de Verdi ; Elle en déguste deux ; Pierre a peur.

Quelqu’un de bien ; celui qui peut doit contribuer ; Elle en déguste deux.

Mon, sa, leur, votre, nos, cet, ces, cette, divers, certains, …

Ceux qui partent pour Paris doivent se rendre sur le quai.

Le château de ma mère ; la ville de Paris ; le roi Philippe ; le cours de français. Guillaume le Conquérant.

Proposition relative déterminative

C É

Déterminant du noyau du GD nominal Complément du nom (caractérisant)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


C É

201

Déterminant du noyau du GD connectif

Déterminant du connecteur subordonnant

Déterminant du noyau du GD adverbial

Déterminant de l’adverbe

Déterminant du noyau du GD adjectival

Déterminant de l’adjectif

L’arrivée de Sarah est annoncée.

Lili a toujours été malicieuse. Pierre bronze idiot / mange japonais / parle net.

?

Complément de l’adverbe ?

Complément de l’adjectif

Je crois à cette histoire ; Je préfère rester dans ma chambre ; Je m’attends à ce qu’elle arrive.

Conformément à ce qu’on avait prévu ; loin de sa maison.

Une belle robe rouge foncé ; une bouteille pleine de vin, …

Sujet réel, complément du verbe Il pleut des cordes. im/unipersonnel.

/ (Voix passive)

Attribut du sujet Adjectif adverbialisé

Complément (d’objet) indirect / Mathieu rit de sa soeur. COI / objet second ou Complément Pierre profite de la situation ; Pierre va circonstanciel (obligatoire) à la mer.

P S

Déterminant du noyau du GD verbal

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


Déterminants de relation139

202

141

140

139

Je ne veux pas ce poste141 ; Souvent, je pense à vous.

Ce soir, on fera la fête ; Dans la cour, Lili et Tom jouent ; Légalement, personne ne peut conduire sans permis.

EXEMPLES

Le terme technique déterminant de relation devrait suffire en classe, pour autant que l’on précise, fût-ce moins techniquement, les pôles de la relation. Nous avons ici essayé d’être le plus précis possible, mais cette précision pourrait s’avérer contre-productive en classe. Par ailleurs, il est impossible d’envisager toutes les relations possibles. Dès lors, nous signalons les plus représentatives à nos yeux. S’il peut paraitre facile de distinguer un fonctionnement quantifiant ou caractérisant lorsque l’on détermine un terme de phrase (nom, verbe…), il est déjà plus difficile d’opérer la distinction lorsque la détermination porte sur une relation et donc un processus. Lorsqu’un verbe est impliqué dans la relation, les deux sont parfois possibles ; lorsque le noyau impliqué est adjectival ou adverbial, c’est généralement de quantification, même au sens figuré, qu’il s’agit. Voir schéma page 251 : Même Pierre n’est pas venu.

P S

?

Déterminant [Préd. - Noyau GP1] (quantifiant)

C É

Complément circonstanciel / Complément de phrase / Complément adverbial, …

ANCIENNE TERMINOLOGIE

Déterminant [Préd. - Noyau GP1] (caractérisant140)

Déterminant [Préd. - Noyau GP1]

NOUVELLE TERMINOLOGIE

2.3.5.2.4.2.1.2

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


203

142

Il mange souvent gras. Elle est toujours gentille Pierre boit plus du vin blanc que du vin rouge. Elle aime beaucoup la rigueur. Il mange trop/très gras. Elle est très gentille. Pierre l’a juste regardé ; Il l’a grave kiffé

Complément circ. de fréquence

Complément circ. de comparaison

Complément circ. d’intensité

Ces compléments ont été oubliés par le Code de terminologie de 1989.

Déterminant [Dét. – Noyau GDV] (quantifiant)

Pierre envoie du chocolat à Marseille ; Elsa range ses peluches par ordre croissant de taille. Il tient ça de son père. La souris est mangée par le chat.

Complément circonstanciel / Complément adverbial du verbe142 (obligatoire ou non)

Complément d’agent

Manu offre du chocolat à sa tante.

Complément (d’objet) indirect Complément d’attribution (obligatoire ou non)

C É

P S

Déterminant [Dét. – Noyau GDV] (caractérisant)

Déterminant [Dét. – Noyau GDV]

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


204

Complément de l’adjectif

143

Ces compléments ont été oubliés par le Code de terminologie de 1986-1989.

Dorothée a parlé très gentiment.

Une si/très/toute petite fille ; Tous les /beaucoup d’hommes.

Elle rit beaucoup/trop.

Complément circonstanciel d’intensité

Déterminant [Dét. (= GDAdv.) – relation Complément de l’adverbe support [Dét. Ø – Noyau GDV]] (quantifiant)

Déterminant [Dét. - [Dét. Ø – Noyau GDV]]

Déterminant [Dét. – Noyau GDN]

Déterminant [Dét. – Noyau GDN]

Il mange souvent/trop.

Pierre tient de son père ; Sarah traduit en latin ; Pierre ronfle bruyamment.

Complément circonstanciel ou Complément adverbial du verbe143 (obligatoire ou non)

Complément circonstanciel de fréquence

Manu offrira à sa tante, Sarah à son père.

Complément (d’objet) indirect

C É

P S

Déterminant [Dét. Ø – Noyau GDV] (quantifiant)

Déterminant [Dét. Ø – Noyau GDV] (caractérisant)

Déterminant [Dét. Ø – Noyau GDV]

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


C É

205

Déterminant de l’énonciation

Déterminant de l’énonciation Complément de phrase

/ (degré de comparaison)

Déterminant [P2 – Support P2] (quantifiant)

P S

Complément de l’adjectif

Déterminant [P2 – Support P2] (caractérisant)

Déterminant [P2 – Support P2]

Déterminant [Déterminant (= le GDC) – / relation support] (quantifiant)

Déterminant [Dét. – Noyau GDC]

Franchement, tu m’énerves ; En bref, je suis géniale ; Julien, tu viens ? ; Moi, ma maman, elle fait les crêpes comme personne. Sarah a ouvert la lettre avec, si j’ose dire, un empressement douteux.

Plus bruyant que convivial, ce quartier ne me convient pas. Très honnêtement, je pense qu’il faut continuer.

Légalement volée, cette voiture est à la fourrière.

On s’est donné rendez-vous juste devant la porte de la bibliothèque.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


Prédicats de terme

Les prédicats

Prédicat second du terme X

Prédicat second d’un terme X

206

Toute gentille, Françoise avait préparé le piquenique. Sarah, que je connais depuis longtemps, serait incapable d’une telle méchanceté ; Sarah aime Lionel, qui le lui rend bien.

Relative appositive

Nous sommes le 1er mai, jour de la fête du travail.

Richard aime les oiseaux ; La ville est calme ; Je pense que la fête est finie ; Sandy, qui joue du violon, est aussi une brillante gymnaste.

EXEMPLES

Épithète détachée

Apposition

ANCIENNE TERMINOLOGIE

C É

P S

Prédicat premier du noyau du GP1(’) / (de la (sous-)phrase)

Prédicat du Noyau GP1(’)

NOUVELLE TERMINOLOGIE

2.3.5.2.4.2.2.1

2.3.5.2.4.2.2

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


207

Prédicat second [P2 – Support P2]

Prédicat [P2 – Support P2]

Prédicat second [Prédicat-Noyau GP1]

Prédicat [P. – Noyau GP1]

2.3.5.2.4.2.3 Prédicats de relation

P S

Prédicat second du Noyau à l’intérieur / d’un groupe prédicatif second (GP2)

/

Complément de phrase

C É

ANCIENNE TERMINOLOGIE

Attribut du complément d’objet

Prédicat second détaché du noyau du ? GP1

Prédicat second du terme X

NOUVELLE TERMINOLOGIE

Fort heureusement avancée, la réunion a pu accueillir un maximum de participants.

Heureusement, Robert s’était bien préparé à cette épreuve ; Geoffrey et Gilles y viendront probablement.

[Une de perdue], [dix de retrouvées] ; J’entends [les enfants chanter] ; [Le chat parti], les souris dansent ; On dit [Pierre pressé] ; Il marche [la tête haute] ; [Toi seul], [nous-mêmes].

Marie est tombée enceinte ; Lionel et Sarah vivent heureux.

Il m’a rendu ma voiture cabossée ; Il a rendu sa femme malheureuse. On l’a nommée déléguée de classe.

EXEMPLES

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


Récapitulatif :

indication de quantité

les deux

§

§

détermination

détermination

208

Détermination (compléments de sens)

§

si porte sur un nom

si porte sur un verbe

si porte sur X

o

o

Le support est un terme

Préciser le support :

2.

o

quantification et caractérisation

quantification

caractérisation

déterminant (quantifiant et/ou caractérisant) du nom déterminant du verbe déterminant du X

à à à

prédication (à préciser selon le support)

ni l’un ni l’autre

§

à

à

à

à

C É

détermination

Hors du groupe déterminatif GDX

à

à

à

P S

réduction d’extension

Dans le groupe déterminatif GDX

Identifier le mécanisme général mis en œuvre :

§

1.

2.3.5.3.1 Comment déterminer la fonction ?

2.3.5.3

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


144

209

à

§

si porte sur une relation prédicative

Le support est une relation à

prédicat second de cette relation

prédicat second de ce terme

si se rapporte à un terme de la phrase (Noyau GP1, Dét. du Noyau GDV, …) et que le noyau du groupe qui le prend en charge n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel

o à

si porte sur le noyau de la (sous-)phrase et constitue la (sous-)phrase avec lui à prédicat premier

déterminant de l’énonciation

à

o

P S

Le support est un terme

déterminant de cette relation

déterminant de cette relation

à

C É

si porte sur l’énonciation

o

Prédication (suppléments de sens)

si porte sur une relation prédicative

144

La relation prédicative est soit du type [Prédicat – Noyau GP1(’)], soit du type [P2 – Support P2].

§

si porte sur la rel. [Déterminant – Noyau GDX]

o

o

Le support est une relation

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


DÉTERMINATION

MÉCANISME

Déterminant (quantifiant) du nom

Déterminant (caractérisant) du nom, pronom, adjectif, verbe, adverbe, connecteur subordonnant Déterminant (quantifiant – caractérisant) du nom

Déterminant (caractérisant) de relation (type ‘légalement’, ‘avec fougue’, …).

Déterminant de l’énonciation (type ‘franchement’, ‘en bref’, …).

Apport à une relation

Déterminant (quantifiant) de relation (type de négation, fréquence, intensité, …).

TYPES DE RELATIONS APPORT Apport à un terme

C É

Noyau de groupe déterminatif ou de groupe prédicatif (GP1, GP1’ ou GP2)

SUPPORT

P S

de l’énonciation

2.3.5.3.2 Tableau synthétique des fonctions

(complément de sens)

Ø

Caractérisation

Quant.

210

de l’énoncé

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Première

Seconde

SUPPORT

Prédicat second

Prédicat premier (du Noyau, dans la phrase matrice ou la sous-phrase)

C É

P S

de l’énoncé

(supplément de sens)

PRÉDICATION

MÉCANISME

TYPES DE RELATIONS APPORT Apport à un terme

Prédicat second de la relation [Préd.-Noyau GP1] ou [P2- Support P2] (type ‘heureusement’, ‘probablement’, …).

Apport à une relation

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

211


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

2.3.5.4

Les ligateurs

IM EN

C’est par les combinaisons potentielles des trois modes de ligature, de subordination et d’enchâssement que se distinguent les connecteurs traditionnellement classés (voir 1.6.6.2 Les types de connecteurs). La fonction des connecteurs sera donc d’être ligateur et/ou subordinateur et/ou enchâsseur. Exemple ligateur subordinateur enchâsseur Connecteur Partir et revenir X coordonnant Je pars à la mer Connecteur X X subordonnant Qu’il vienne me fait plaisir ; Je pars Connecteur parce que je X (X) X enchâssant m’ennuie ; Je me demande s’il pleut. Quant aux connecteurs secondaires (pronominaux, adjectivaux et adverbiaux), leur fonction, en plus des fonctionnements décrits ci-dessus, sera complétée des traits représentant et/ou foncteur : Exemples

ÉC

Séquences connectées

Il a mangé à midi. Ensuite, il a fait une sieste. Je me demande qui viendra / quelle personne viendra / comment il faut faire Connecteur de Plus1 il travaille, structures corrélatives plus2 il réussit ; sub. (adv. ou adj.) Tel1 père, tel2 fils. Connecteur de Ni1 Pierre ni2 Sarah structures corrélatives ne peuvent venir ; coord. (adv.) Tantôt1 il parle, tantôt2 il se tait. Connecteur La fille qui part, de sous-phrase relative laquelle fille ne (pron. ou adj.) reviendra pas.

SP

Connecteur de séquences successives (adv.) Connecteur d’interrogation indirecte (pron., adj. ou adv.)

212

lig.

sub. ench. repr. fonct.

X

X

X

X

X

(X)2

X

X

(X)2

X

X

X

X

X

X


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.4

La phrase comme mécanique d’intégration et ses structures intégratives : syntaxe de constituance La phrase

ÉC

IM EN

La phrase n’est pas qu’une suite linéaire de mot(s), elle n’est pas le résultat de la juxtaposition linéaire de mots pris chaque fois isolément. Elle est le produit d’une mécanique d’intégration qui met en relation des structures intégratives intermédiaires de différents types, pourvus chacun d’une organisation interne spécifique. Ces structures intégratives sont porteuses de fonction et constituent la phrase en se combinant selon les mécanismes décrits au point 2.4. Ainsi, les fonctions traditionnelles de noyau de phrase (ancien sujet) ou de déterminant de verbe (ancien COD, par exemple) ne sont pas prises en charge par des mots, mais par des groupes de mots organisés. Dans la phrase Le professeur enseigne la grammaire, ce ne sont pas les noms professeur et grammaire qui endossent les fonctions respectivement de noyau de phrase et de déterminant du verbe ; professeur constitue d’abord avec son déterminant le un groupe déterminatif nominal le professeur dont il est le noyau, et c’est ce groupe qui exercera la fonction de noyau de phrase ; grammaire constitue de même avec son déterminant la un groupe déterminatif nominal la grammaire dont il est le noyau, et c’est ce groupe qui exercera la fonction de déterminant du verbe enseigne. La phrase est donc également conçue comme une mécanique d’intégration, c’est-à-dire comme une imbrication de structures intégratives de rang hiérarchiquement inférieur, notamment les groupes déterminatifs, les groupes prédicatifs et les sous-phrases. La combinaison de ces structures peut donner lieu à des formes de phrases différentes. Ainsi un énoncé peut être constitué d’une phrase : § soit unique, qui est composée d’une seule phrase ou structure phrastique,

SP

§ soit multiple, qui est composée de deux ou plusieurs phrases ou structures phrastiques (Phrase 1 + Phrase 2…) jointes par « parataxe » (coordination et/ou juxtaposition coordonnante).

Chaque phrase unique ou chaque phrase en tant que partie de phrase multiple pourra être : § soit une phrase simple, qui ne contient aucune sous-phrase, § soit une phrase complexe, qui contient o

au moins une sous-phrase enchâssée (enchâssement et/ou juxtaposition enchâssante : hypotaxe paradigmatisante) dans une phrase matrice. On 213


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

o

parlera d’énoncé à phrase complexe, ou plus simplement de phrase complexe. et/ou au moins une séquence de discours direct intégrée dans la position fonctionnelle d’un terme normal de phrase (intégration d’une énonciation supplémentaire dans l’énonciation de la matrice) ou une sous-phrase d’interrogation indirecte (intégration d’une modalité énonciative supplémentaire dans celle de la matrice). On parlera d’énoncé à énonciation complexe, ou plus simplement d’énonciation complexe.

La phrase simple (GP1)

ÉC

La phrase simple peut voir ses composantes (Noyau de phrase, Prédicat et relation prédicative) développées ou non. Dans le premier cas, on dira que la prédication première, constitutive de la phrase, est expliquée, dans la mesure où elle déploie à la vue ses constituants ; dans le second, on parlera de prédication première impliquée : les éléments en présence ne se laissent pas analyser en noyau et prédicat explicites ; la relation entre les deux apparait comme intérieure au segment. Dans le cas de l’interjection Aïe, par exemple, on pourrait imaginer trouver implicitement une séquence comme « J’ai mal », qui n’est pourtant pas produite. Dès lors on comprendra que cette relation prédicative est impliquée par le seul terme Aïe. Fonctionnent de même les segments (Jamais !), sous-phrases (Qu’il vienne !), groupes prédicatifs seconds (Haut les mains) et autres discours re-produits (« Je viens demain », ditil) employés en fonction de phrase.145 La prédication impliquée se schématisera comme suit : Phrase

SP

(Θ)

145

Dans le cas de la sous-phrase, du GP2 et autres discours directs, le cas échéant reproduit Θ (voir ci-après), à prédication impliquée, ces séquences apparaissent comme des structures interjetées. On analysera dès lors d’abord la séquence comme une prédication impliquée ; dans un second temps, on analysera l’intérieur de la séquence en fonction de ses composantes effectives.

214


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Si la prédication première est expliquée, elle peut encore être complète (tous les éléments sont présents) ou incomplète (l’un ou l’autre des éléments est absent : un noyau support sans prédicat (Pierre !) ; ou un prédicat sans noyau support (Viens ! ou À la mer, en réponse à la question « Où vas-tu en vacances ? »)). Dans la phrase simple, les structures intégratives sont de deux types :

Le groupe déterminatif (GD)

IM EN

2.4.2.1

ÉC

Le groupe de mot(s) organisé et hiérarchisé qui réunit autour d’un support-noyau ses apports par le biais de relations de type déterminatif sera appelé groupe déterminatif146. Le groupe déterminatif est spécifié en fonction de la classe de son noyau : on parle de groupe déterminatif nominal, pronominal, verbal, adjectival, adverbial et connectif. Il est composé d’un noyau et de ses déterminants, ainsi que des déterminants de la relation [Dét. – Noyau]. Le groupe déterminatif est une structure intégrative porteuse d’une fonction syntaxique dans la phrase (ou la sous-phrase). Ex. de groupe déterminatif : nominal, Les fleurs bleues ; verbal, prennent beaucoup de place dans le jardin, plein à craquer ; adjectival, plein à craquer ; connectif, dans le jardin ; adverbial, loin de la ville ; pronominal, celui qui part.

Le groupe déterminatif est le lieu de la détermination : [Noyau + Dét. Noyau + Dét [Dét. – Noyau]]

SP

Dans un GDN, l’ordre des mots est parfois contraint, parfois libre. S’antéposent au noyau les déterminants quantifiants et quantifiantscaractérisants, pris en charge par des adjectifs articulaires (le, une, du…), numéraux cardinaux (deux, trois… ; postposés, ils prendraient un sens ordinal : chapitre 2, Louis XIII), personnels atones (mon, ta, leurs…), déictiques (ce, cette, ces…) et certains adjectifs communs (quelques, plusieurs, assez de, tous les, certains, différents…). Se postposent au noyau les déterminants caractérisants analytiques pris en charge par des GDC (Le château de ma mère), des sous-phrases pronominales (le château qui lui appartient) ou connectives (l’idée que tu partes)). 146

Nous avons recours au terme de groupe déterminatif, plutôt qu’à celui de syntagme, pour permettre l’opposition au terme groupe prédicatif (voir infra).

215


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

Pour ce qui est des caractérisants, certains s’antéposent, d’autres se postposent, d’autres enfin se trouvent dans les deux positions, calquant leur position, en fonction du sens qu’ils dégagent, sur celle des déterminants qui s’antéposent ou se postposent obligatoirement. La postposition est naturelle pour les caractérisants dérivés de noms (rapprochement du GDC) ou de verbes (rapprochement des sousphrases) : une carte routière, le château maternel ; une hypothèse envisageable, une étoile accessible. L’antéposition est rendue possible dès qu’il y a une idée de quantification : de nouvelles voitures (nouvelles antéposé crée une partition dans l’ensemble des voitures ; l’adjectif les (normalement fusionné avec de pour donner des), considéré comme redondant, disparait) ; une inaccessible étoile (les adjectifs dérivés de verbes se postposent (une étoile accessible), mais leur version négative en in-, qui quantifie négativement, peut plus facilement s’antéposer). L’antéposition est possible également dès qu’il y a inscription dans une série ou un paradigme d’éléments, ou mise en relation avec un élément : la première fois (adjectifs numéraux ordinaux ; par rapport à la série des deuxième, troisième…), la seule possibilité (par rapport aux autres qui auraient pu exister), une fausse note (fausse par rapport à l’harmonie des autres notes ; une note fausse serait une note désaccordée), une ancienne ferme (par rapport aux autres états successifs du bâtiment, ce n’est plus une ferme ; une ferme ancienne serait une ferme d’un âge certain), une mienne cousine (par rapport à moi ; le caractérisant personnel rejoint le quantifiant-caractérisant personnel mon)… Enfin, une lecture quasi thétique qui permettrait de construire l’objet repris par le nom à partir du caractérisant rend également possible l’antéposition de celui-ci : une verte prairie (on appréhende la prairie à partir de la caractéristique que toutes les prairies ont en commun), un grand homme (on appréhende l’homme à partir de la grandeur de sa qualité d’homme). L’ordre noyau nominal – caractérisant poserait au contraire l’objet auquel renvoie le nom comme premier. La caractérisation apparaitrait alors comme seconde, adjointe (une prairie verte, un homme grand). Dans un GDV, le verbe occupe généralement la première position, sauf en cas de négation (la première partie de la négation précède le verbe ; la seconde le suit, quand le verbe est à une forme simple : Je ne sais pas/jamais).

216


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

ÉC

IM EN

Le déterminant du verbe le suit généralement (à de rares exceptions près : Autant de livres il a lu, autant d’histoires il a aimé, antéposition du déterminant due à la structure corrélative ; On expliquera l’écart, si écart il devait y avoir / quand écart il y aura, antéposition dans une sous-phrase à la voix unipersonnelle…), sauf s’il a la forme d’un pronom personnel atone (me, te, lui…) ou s’il s’agit des pronoms en ou y (Elle le mange ; Elle y va). Le déterminant de relation se place soit entre le noyau verbal et son déterminant, soit après ce déterminant (Il mange souvent son repas dans le jardin). Lorsque le verbe est conjugué à une forme composée, on peut intercaler certains éléments entre l’auxiliaire et le participe 2 : certains pronoms (tout, rien : Il a tout fini ; Il n’a rien mangé) ; le deuxième terme de la négation (Il n’a pas/jamais gagné) ; la plupart des adverbes (à l’exception de si et très : Il a presque terminé, souvent essayé, fort changé, admirablement réussi…). Il est à signaler que l’ordre des déterminants n’est pas indifférent du point de vue du sens. Le dernier élément du GDV semble emporter avec lui le focus de l’information nouvelle. Pierre donne son livre à Marie insiste sur la destinataire ; Pierre donne à Marie son livre insiste sur l’objet. La négation de la phrase, qui porte davantage sur le dernier élément, montre bien la différence. Dans Pierre ne donne pas son livre à Marie, on pourrait attendre une suite comme Mais à qui d’autre ? Dans Pierre ne donne pas à Marie son livre, la suite pourrait être Mais quoi d’autre ?, preuve que c’est bien le dernier élément qui reçoit le plus de poids informationnel.

SP

Dans un GD pronominal, adjectival, adverbial ou connectif, le déterminant, s’il existe, suit le noyau (celui qui part ; fier de lui ; loin d’elle ; avec audace). S’il existe un déterminant de la relation entre le GD et son support, ce déterminant de la relation précède le GD. Ces déterminants sont le plus souvent constitués d’un GDAdv marquant la quantification, l’intensité, la fréquence ou la comparaison, la quantification d’argument : juste devant la porte, juste moi, peu avant mon départ, très/si/fort habile, plus rapidement (que d’habitude), surtout dans son intérêt, surtout lui.

2.4.2.2

Le groupe prédicatif second (GP2)

Le groupe prédicatif second est une structure intégrative porteuse d’une fonction syntaxique dans la phrase (ou la sous-phrase). Il est composé d’un noyau (un groupe déterminatif ou prédicatif) et d’un prédicat second. Cette structure en tandem recouvre des constructions

217


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

diverses et diversement analysées. La grammaire traditionnelle a échoué jusqu’à présent à en rendre compte de manière unifiante. Soit les quatre phrases suivantes : a) Le chat parti, les souris dansent. prototype de la b) Il marche les yeux baissés. = « proposition participe » c) On dit Pierre pressé. prototype de la d) J’entends les enfants chanter. = « proposition infinitive » Prototype de la proposition participe traditionnelle à fonction de complément circonstanciel, le segment « le chat parti » ressemble-t-il plus à un groupe déterminatif nominal (GDN) ou à une sous-phrase ? § Dans le cas où il ressemblerait à un GDN, il faudrait pouvoir l’analyser en un groupe composé d’un nom accompagné de ses déterminants (réducteurs d’extension ou indicateurs de quantité). Or, parti ne réduit pas l’extension de chat ; il n’est pas déterminant. Il est prédicat, puisqu’il ne fonctionne pas par détermination. De plus, son support (noyau du GP2) est un groupe déterminatif, lui-même décomposable en Noyau (chat) + Déterminant (le).

ÉC

Le groupe prédicatif second n’est donc pas un groupe déterminatif nominal.

§ Dans le cas où ce serait une sous-phrase, il faudrait que le noyau du groupe qui prend en charge le prédicat second contienne un verbe conjugué à un mode personnel. Or, il n’y en a pas. Le groupe prédicatif second n’est donc pas une sous-phrase.

SP

Si on fait un parallèle avec les phrases a), b) et c), on observe qu’on ne peut pas accepter les énoncés « Le chat, les souris dansent », « Il marche les yeux » et « On dit Pierre ». On a besoin de l’élément qui suit147. Il est nécessaire de disposer d’un outil grammatical unifiant pour décrire l’ensemble de ces structures. Nous proposons donc cette nouvelle structure, le « groupe prédicatif second » (GP2). 147

Pour la phrase d), en revanche, on peut dire J’entends les enfants : il s’agit dans ce cas d’une simple construction avec groupe déterminatif nominal déterminant du verbe. La construction avec l’infinitif chanter est cependant différente dans la mesure où ce ne sont pas les enfants que l’on entend, mais bien leur chant. En fait, le verbe entendre peut sélectionner les deux types de constructions.

218


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Le GP2 peut occuper les différentes fonctions de la phrase :

Dét. du noyau du GDN Dét. du verbe (en emploi copule)

ÉC

Dét. de relation

IM EN

Noyau du GP1

Pierre marquant un but m’étonnerait. Le lundi au soleil est une chose qu’on n’aura jamais. Pierre seul/Seul Pierre/Lui-même peut le faire. Elles deux/Toutes deux y arriveront. J’ai vu un garçon torse nu. Il boit le verre de trop. On dit Pierre pressé. J’entends les enfants chanter. Pierre est torse nu. Moi Président de la République, je ne favoriserai personne. On le fera chacun notre tour / tour à tour / un à un / l’un après l’autre/nous-mêmes. Ils sont partis à la piscine, lui torse nu, elle en bikini. Il marche la tête haute. Il dort la fenêtre ouverte. Le chat parti, les souris dansent. Une de perdue, dix de retrouvées. Tous ensemble, nous y arriverons. Toute flagornerie mise à part, vous êtes formidable. Moi-même, je peux le faire Cela étant, je ne changerai pas d’avis. Cela dit, c’est Sarah qui a toujours raison.

Dét. de l’énonciation Ligateur (connecteur secondaire)

On l’a vu torse nu. (P2 du déterminant du verbe l’)

P2 dans un groupe prédicatif

Ils sont partis à la piscine, lui torse nu, elle en bikini. Une de perdue, dix de retrouvées. Haut les mains ! Insensés que nous sommes ! Pauvres de nous ! Ainsi dit le Renard et flatteurs d’applaudir.

SP

P2 d’un terme de la phrase

Fonction phrastique …

219


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Dans un GP2, l’ordre normal des constituants est Noyau-P2. Cependant, comme pour le GP1, une inversion thétique est possible (voir 2.2.3.1). Dans ce cas, le noyau, postposé dans la position traditionnelle de l’apport, est présenté comme une information nouvelle : Pierre seul peut le faire (‘Pierre est le seul qui peut/puisse le faire’) ; Seul Pierre peut le faire (‘La seule personne qui peut/puisse le faire est Pierre’).

ÉC

IM EN

À tout bien considéré, la phrase, comme la sous-phrase, est également une structure intégrative, un groupe de mots dont le noyau voit ses apports rapportés par le biais d’une relation prédicative. La phrase et la sous-phrase sont organisées autour de la relation de prédication première [Noyau – Préd.1]. Nous parlerons donc de groupe prédicatif premier (GP1 ou GP1’). Tout groupe de mot(s) organisé et hiérarchisé qui réunit autour d’un support-noyau ses apports par le biais de relations de type prédicatif sera dès lors appelé groupe prédicatif (GP1 pour la phrase ; GP1’ pour la sous-phrase ; GP2 pour le groupe prédicatif dont le noyau a comme apport un prédicat second (P2)). Le GP2 apparait dès lors dans ce système comme une structure intégrative intermédiaire entre le groupe déterminatif (GDX, où l’on a une relation de détermination) et la sousphrase (GP1’, où l’on a une relation de prédication première, mais hiérarchiquement secondaire car intégrée par enchâssement ; voir ciaprès, 2.4.4.1 La complexité expliquée : la sous-phrase).

Le groupe prédicatif est le lieu de la prédication : GP1 = [Noyau + Préd.1 + apports (Dét./Préd.2) [Préd.1 – Noyau]]

SP

GP2 = [Noyau + Préd.2 + apports (Dét./Préd.2) [Préd.2 – Noyau]]

Dans le chemin qui conduit le GP2 vers le GDN, voire le GDAdj., par exemple, une étape intermédiaire peut être observée : le GP2 à noyau non saturé. On en rencontre en fait assez souvent, notamment avec des infinitifs, considérés comme la forme nominale du verbe. Quelques exemples suffisent pour se convaincre de la nécessité de prendre cette étape en considération. Dans la phrase Enfant, mes parents n’aimaient pas ma musique, Enfant ne peut être un P2 car il n’y a aucun support possible dans la phrase pour ce terme (les adjectifs mes et ma, qui renvoient à la même

220


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

SP

ÉC

IM EN

1re personne, ne peuvent jouer ce rôle). Dès lors, il faut analyser Enfant comme le P2 d’un noyau non saturé de GP2 (du type Moi enfant, mes parents…)148. On pourrait en fait également considérer que les réels prédicats seconds sur le noyau de la phrase, par exemple, qui ont d’ailleurs souvent un sens de cadratif, ont d’abord été des GP2 à noyau non saturé (parce qu’identique au noyau de phrase) en fonction de déterminant de la relation prédicative (qui confère lui-même le sens de cadratif) ; ils auraient ensuite glissé vers la position fonctionnelle de P2 du noyau de la phrase. On traitera ainsi les exemples comme Énervée, Sarah a quitté la pièce en claquant la porte. On aurait eu un GP2 [Ø - Énervée] dont le noyau n’est pas saturé parce qu’il est identique à celui de la phrase, en fonction de déterminant de la relation prédicative ; le P2 Énervée aurait ensuite glissé en position de P2 du noyau de phrase Sarah. Cela illustre pleinement la dynamique de la mécanique intégrative de la phrase et des mouvements fonctionnels qui en découlent. La même analyse en GP2 à noyau non saturé vaut pour des constructions avec infinitif comme Pierre a fait ça pour pouvoir partir tranquille. Pour pouvoir partir tranquille s’analyse en un groupe déterminatif connectif dont le noyau est un connecteur subordonnant (pour) et le déterminant un groupe prédicatif second (pouvoir partir tranquille, avec un noyau non saturé Ø et un prédicat second pris en charge par un GDV dont le noyau est un infinitif). Le noyau n’est pas saturé parce qu’il est contextuellement aisément restituable : il a le même référent que le noyau de la phrase, raison pour laquelle on emploie un infinitif (mode non personnel) ; si les référents des noyaux avaient été différents, on aurait utilisé un autre mode, personnel cette fois, pour marquer la différence : Pierre a fait ça pour que je puisse partir tranquille. De la même manière, la structure du gérondif dans En partant maintenant, nous arriverons à l’heure s’analyse en un groupe déterminatif connectif dont le noyau est un connecteur subordonnant (en) et le déterminant un groupe prédicatif second (partant maintenant, avec un noyau non saturé Ø et un prédicat second pris en charge par un GDV dont le noyau est un participe 1). Le noyau n’est pas saturé parce qu’il est contextuellement aisément restituable : il a le même référent que le noyau de la phrase, condition normative sine qua non d’ailleurs de l’utilisation d’un gérondif. Pour pouvoir être omis, le noyau du GP2 devrait pouvoir être récupérable, soit cotextuellement (identité référentielle du noyau du GP2 et de celui de la phrase ou du déterminant du verbe), soit 148

Une analyse du même type devrait être produite pour Un alcool se boit seul, dans une lecture où l’alcool devrait se boire ‘le buveur étant non accompagné’.

221


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

contextuellement (récupération par identification à l’un des interlocuteurs ou à un élément évoqué ; récupération mémorielle ou par généralisation ; le noyau correspond dans ce dernier cas à quiconque). Au final, pourraient être analysés de la même manière, à l’aide d’une structure de GP2 à noyau non saturé, les exemples suivants : En partant/Pour fermer, Pierre a claqué la porte (déterminant de la relation prédicative) ; Enfant, mes parents aimaient ma musique (déterminant de la relation prédicative) ; Partant, il a démissionné (ligateur foncteur, connecteur secondaire) ; Boire un coup revigore (noyau de phrase) ; Pierre pense venir (déterminant du verbe) ; Pierre a ouvert la porte pour sortir / en partant (déterminant de la relation Dét.-Noyau GDV) ; Pierre mange son steak saignant (déterminant de la relation Dét.-Noyau GDV) ; Pierre cherche quelqu’un à qui parler / Pierre se demande à qui parler / Voilà de quoi casser un mythe / Que faire ? À qui parler ? (en position de (sous-)phrase).

L’énoncé à phrase multiple : la parataxe (coordination et juxtaposition coordonnante)

SP

ÉC

La phrase multiple est composée de deux ou plusieurs phrases jointes par « parataxe » (voir 2.3.1.1 Les modes de liaison sans hiérarchisation : la parataxe). La mise en œuvre de ce lien parataxique se fait par coordination ou par juxtaposition coordonnante, ici entre deux ou plusieurs phrases, dans le premier cas, coordonnées, dans le second cas, juxtaposées. La coordination relie des éléments placés sur le même plan syntaxique pour leur permettre d’exercer la même fonction. Dans le cas de la phrase multiple, la coordination concerne des structures phrastiques. Dans une phrase multiple, la coordination relie ces structures phrastiques en maintenant leur autonomie. Ex. : coordination : Je pars demain et je reviens samedi. Phrase 1 + Phrase 2 = phrase multiple La juxtaposition coordonnante agit de même, mais sans le recours à un connecteur ligateur (ou avec un ligateur Ø). Ex. : juxtaposition coordonnante : Je pars demain, je reviens samedi. Phrase 1 + Phrase 2 = phrase multiple 222


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Il n’est pas surprenant de constater que ces deux phrases multiples paraissent sémantiquement semblables. En effet, la ponctuation utilisée pour la juxtaposition peut être interprétée de la même manière que s’il y avait un connecteur coordonnant.

IM EN

Coordination et juxtaposition coordonnante sont donc ici des mises en œuvre qui relèvent d’un même mode de liaison de phrases (la parataxe), avec des outils variés que sont les connecteurs coordonnants et les signes de ponctuation. Ces derniers n’ont dès lors plus seulement pour fonction de marquer une pause dans le discours, mais également de signifier un lien sémantique (l’addition, la consécution, l’opposition, …) entre les deux éléments qu’ils séparent, dans le cadre d’une organisation syntaxique hiérarchiquement égalitaire. On peut parler de coordination avec ou sans outils149.

L’énoncé à phrase complexe : l’hypotaxe (enchâssement et juxtaposition enchâssante)

ÉC

Comme souvent, la complexité n’est pas synonyme de complication mais correspond à la répétition dans un segment d’un mécanisme simple (on parle de récursivité). Ainsi, une phrase complexe contiendra-t-elle plusieurs unités de même rang (phrastique) mais avec hiérarchisation (phrase matrice et sous-phrase(s)). Dans le cas de l’énoncé à phrase complexe, une nouvelle structure intégrative apparait donc : la sousphrase, prise en charge par un GP1’ (groupe prédicatif premier constitutif de la sous-phrase) ; on parlera de complexité expliquée parce que le GP1’ y déploie ses composantes, dont un verbe conjugué à un mode personnel.

2.4.4.1

La complexité expliquée : la sous-phrase

SP

La sous-phrase (structure notée ∆ dans les schémas) est une structure intégrative enchâssée dans une phrase matrice, dans une de ses positions fonctionnelles. L’enchâssement met en œuvre un mode de liaison hypotaxique, avec hiérarchisation (l’hypotaxe paradigmatique ; voir 149

Attention ! Toute présence de signe de ponctuation ne signifie pas une juxtaposition coordonnante. La ponctuation peut aussi être le signe d’une simple pause dans le discours, du flux et du rythme de ce discours. Elle peut également être l’indice d’une organisation particulière : d’une mise en évidence (Antoine, viens ici ! ; À Paris, je revis), d’une reformulation (Dans mon livre, je parle de Paris, je chante Paris), … ; voire d’une hiérarchisation syntaxique, ce qui ne correspond pas à une coordination (Tu fais ça, tu es un homme mort ; voir ci-après), ou encore d’une hiérarchisation énonciative, lorsqu’il s’agit d’intégrer un commentaire (…, il faut le souligner, …). Voir 2.1.4 La délimitation et la segmentation de la phrase et de l’énoncé : le système de la ponctuation.

223


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

2.3.1.2.2). La sous-phrase (GP1’), comme la phrase (GP1), repose sur une relation de prédication première entre le prédicat et le noyau de phrase. Cependant, cette relation est hiérarchiquement secondaire car intégrée par enchâssement. Pour rappel (2.3.1.2.2), tout comme l’enchâssement, il se peut que la juxtaposition hiérarchise, qu’elle marque une hiérarchie entre des structures phrastiques. Nous parlons de juxtaposition enchâssante. En l’absence d’outil explicite, l’esprit doit reconstituer de quel type est le lien entre les segments de phrase : par exemple, vu la fonction de déterminant de la relation prédicative et le fonctionnement comme cadre de la séquence (sous-phrase) de gauche, temps, cause, hypothèse ou concession). Ex. : enchâssement : Comme il a plu, elle a pris son parapluie. Sous-Phrase + Phrase matrice = phrase complexe Ex. : juxtaposition enchâssante : Il a plu, elle a pris son parapluie. Sous-Phrase + Phrase matrice = phrase complexe L’enchâssement (de même que la juxtaposition enchâssante) intègre une sous-phrase dans une phrase matrice ; il permet de donner un statut fonctionnel150 à une séquence verbale ou une sous-phrase. Il se caractérise également par l’existence d’une asymétrie avec hiérarchisation entre phrase matrice et sous-phrase. Le fonctionnement de l’enchâssement est complexe, entremêlant ligature, enchâssement et souvent subordination. On prendra soin de ne pas confondre, comme on le fait trop souvent, enchâssement et subordination (dépendance). Il existe en effet des sousphrases qui ne dépendent de rien : les sous-phrases noyau de phrase comme dans Que tu partes implique une réorganisation de l’équipe. La dépendance est essentiellement tributaire d’une relation apport-support, l’apport dépendant syntaxiquement du support ; elle caractérise la subordination. L’enchâssement est essentiellement tributaire de l’intégration dans une phrase matrice d’une sous-phrase contenant un verbe conjugué à un mode personnel (sauf cas limites où des questions pourraient se poser. Voir ci-après, note 152).

150

C’est-à-dire capable d’endosser une fonction.

224


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

On peut effectuer un premier classement « explicites » en fonction de l’outil d’enchâssement :

des

sous-phrases

Sous-phrase §

connective : enchâssée par un connecteur enchâssant (que, si, comme, …) ;

§

IM EN

Ex. : Je suis certaine [que tu vas t’en sortir]. Ex. : L’idée [que tu partes] m’est insupportable. Ex. : Je me demande [s’il pleut]151.

pronominale : enchâssée par un pronom commun d’emploi relatif (qui, que, dont, où, …) ; Ex. : C’est la femme [qui a sauvé mon fils].

§

adjectivale : enchâssée par un adjectif commun d’emploi relatif (lequel, duquel, auquel, …) ; Ex. : Pierre a consulté un médecin, [lequel médecin avait déjà soigné ses parents].

ÉC

La sous-phrase est le lieu de la prédication première : ∆ = Connecteur + GP1’ [Noyau de phrase’ + Prédicat’]

SP

Il s’agit d’une structure semblable à une phrase, si ce n’est qu’elle est généralement intégrée par enchâssement (à l’aide d’un connecteur enchâssant) ou juxtaposition enchâssante, qu’elle se trouve en lieu et place d’un simple groupe déterminatif ou prédicatif, et qu’à ce titre, elle est susceptible d’endosser une fonction dans la phrase matrice dans laquelle elle est enchâssée.

2.4.4.2

La complexité impliquée

L’intrusion du groupe prédicatif second (GP2) dans la boite à outils d’analyse bouscule la traditionnelle opposition binaire entre phrase simple (composée d’un GP1 intégrant des GD) et phrase complexe 151

Pour ce qui est de l’interrogation indirecte, la complexité de la composante phrastique se double de la complexité de la composante énonciation (voir ci-après 2.4.5).

225


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

On le trouve derrière des connecteurs prépositionnels (Avec Marc pour guide, on ne se perd jamais ; Dès le matin venu, Olga partit) et non derrière des enchâsseurs (à quelques rares exceptions près, traitables spécifiquement en GP2 en position de phrase : Je cherche quelqu’un à qui parler152).

ÉC

§

IM EN

(intégrant un ou plusieurs GP1’ dans le GP1). L’introduction de ce tiers terme oblige à trancher et à fixer les limites de la complexité. L’intégration d’un GP2 dans une phrase signifie-t-elle la complexité d’une phrase ? Nous limiterons, pour les besoins de la description du système, la prise en compte de la complexité phrastique à l’hypotaxe paradigmatique par enchâssement (ou juxtaposition enchâssante) d’une sous-phrase, pourvue d’un verbe conjugué à un mode personnel. Nous n’intègrerons donc pas, dans l’ensemble des phrases complexes, les phrases intégrant des structures à prédications secondes dont le noyau du groupe prenant en charge le P2 n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel (nos GP2, les « propositions infinitives » ou « participes » ou encore les « gérondifs »). En effet, le GP2 apparait certes comme une structure intégrative intermédiaire, mais, plus intégré que la sous-phrase, il possède des caractéristiques qui le rapprochent du GD et l’éloignent de la complexité explicite :

Dans les sous-phrases pronominales, la sous-phrase elle-même peut parfois prendre la forme d’un GP2 à noyau non saturé, pour autant que le référent de ce noyau soit le même que celui du noyau de la phrase ou qu’il soit aisément identifiable dans le contexte : Je cherche quelqu’un [à qui parler] ; Je te demande [à qui envoyer la lettre] ; Il nous informe de la façon [dont profiter pleinement de ces avantages] ; 10 trucs sur la façon [dont prendre des photos]. On se trouve là dans une zone intermédiaire, et en tout cas limite, entre, d’une part, la sous-phrase normalement enchâssée (GP1’), parce qu’intégrant un verbe conjugué à un mode personnel comme noyau du groupe verbal prenant en charge le prédicat, et, d’autre part, une sous-phrase particulièrement réduite, composée d’un enchâsseur qui enchâsse de moins en moins et d’un GP2 (non phrastique, donc) sans noyau : on se rapproche dès lors encore plus d’un emploi nominal ou adjectival (le verbe conjugué à un mode personnel ayant cédé la place à un verbe conjugué à un mode non personnel, voire à une absence de verbe) : on quitte insensiblement l’enchâssement pour intégrer la matrice. On constate presque le même phénomène avec des connectives : la sous-phrase perd également certaines de ses caractéristiques phrastiques dans [Bien que déprimée], Sarah fait bonne figure, Ce pays est prospère [parce que riche en matières premières] ou encore Plus bruyant [que convivial], ce quartier a été rapidement déserté. Cependant, plutôt qu’une analyse en GP2, nous proposons pour ces derniers cas une analyse en GP1 incomplet. Bien que limites, ces segments seront traités et représentés dans nos schémas comme les autres ∆ sous-phrastiques. On voit, ici également, réellement à l’œuvre, dans et par ces exemples, toute la dynamique de la mécanique d’intégration phrastique, avec ce

SP

152

226


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Le noyau du GP2 n’est quasiment jamais153 pris en charge par un pronom « sujet » (noyau de phrase) atone (ce qui devrait être le cas si la prédication était une structure sous-phrastique). Cela renvoie aux prétendues propositions infinitives ou aux ablatifs absolus latins, où le noyau était décliné au cas correspondant à la fonction occupée par la prédication dans sa globalité (accusatif pour le sujet de l’infinitive objet, ablatif pour le sujet de la participiale circonstant). Dans un GP2, le noyau pronominal est généralement soit tonique (Moi Président de la République,…), soit atone de forme « objet » (déterminant du verbe) placé devant le verbe (dans le cas des « infinitives » déterminant du verbe : Xavier l’a vu partir).

IM EN

§

ÉC

Pour autant, l’intégration d’une prédication via un GP2, ou via l’inscription à l’intérieur d’un groupe déterminatif d’une prédication exclusivement sémantique et non plus syntaxique154, contribue quand même à une certaine complexité de la phrase. Cependant, cette complexité n’est pas explicitement montrée, déployée. Elle est implicite, comme absorbée, ce qui rend ces structures assez difficilement appréhendables pour un apprenant allophone. C’est la raison pour laquelle nous distinguons complexité expliquée (explicite, déployée) et complexité impliquée (implicite, absorbée).

2.4.4.3

Les limites de la complexité de la composante phrastique

SP

La complexité se marque donc, au niveau phrastique, par l’intégration d’une prédication dans une autre. Elle sera expliquée lorsqu’on intègre dans une phrase matrice une prédication expliquée complète, à savoir une sous-phrase incluant un noyau et verbe conjugué à un mode personnel (on intègre donc dans la matrice une prédication première par enchâssement). La complexité expliquée peut alors être marquée soit par la présence d’un connecteur enchâssant (Qu’il le veuille ou non, il a tort), soit par une inversion hypothétique sujet-verbe (Aurait-il raison, cela ne changerait

153

154

que cela peut parfois engendrer comme difficulté pour rendre compte des états intermédiaires. Nous n’avons rencontré que le figé Je soussigné..., mais le pronom sujet atone s’explique par le fait que le GP2 est lui-même globalement en fonction noyau de phrase et qu’il n’y a pas d’autre reprise du noyau par un autre noyau de phrase dans ce qui suit la formule figée : Je soussigné Xavier D. certifie que… Dans La découverte de la vérité par Pierre, on se trouve devant un groupe déterminatif nominal sans aucune prédication syntaxique interne. Toutes les relations d’apportsupport y sont de détermination. Du point de vue sémantique, on y observe néanmoins le compte rendu d’un procès par lequel Pierre a découvert la vérité.

227


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

ÉC

IM EN

rien), qui équivaut à un enchâssement parfois souligné par le mode subjonctif ; elle peut également être mise en œuvre par juxtaposition enchâssante avec simples ligateurs non enchâssants (des connecteurs secondaires pronominaux, adjectivaux ou adverbiaux : Je me demande qui vient ; Je me demande quelle heure il est ; Je veux te dire combien je suis heureux ; Plus il mange, plus il grossit) ou sans aucun ligateur (Tu fais un pas, t’es un homme mort ; Sarah était à peine sortie, Pierre rentrait ; Ce resto était fermé, Sarah et Lionel sont allés dans un autre ; Il a fait des pieds et des mains, Sarah n’a pas cédé). La complexité sera impliquée, par contre, lorsque 1) la prédication première intégrée dans la prédication matrice est expliquée mais incomplète, par exemple dépourvue de son verbe conjugué à un mode personnel (Bien que débarrassées du chat, les souris ne dansent pas); 2) syntaxiquement, la prédication est seconde, soit que l’on soit en présence d’un GP2 (avec noyau saturé ou avec noyau Ø : Le chat parti, les souris dansent ; En partant, le chat permet aux souris de danser), soit que cette prédication rapporte à un terme de la phrase un prédicat second dont le noyau du groupe qui le prend en charge n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel (Débarrassées du chat, les souris ne dansent pas pour autant) ; 3) lorsqu’il n’y a plus de trace syntaxique de la prédication, laquelle ne se laisse plus percevoir qu’au niveau sémantique (par exemple, dans un GDN déverbal : La prise de Constantinople en 1453 par les Ottomans sonne la fin du Moyen Age).

Nous limiterons l’usage de l’étiquette de « phrase complexe » aux cas de complexité expliquée (intégration par enchâssement d’au moins un GP1), en y incluant néanmoins le premier stade de complexité impliquée (intégration par enchâssement d’un GP1 incomplet) et parlerons pour ces cas de phrase complexe.

SP

Pour autant, certains exemples pourraient encore être intégrés dans l’ensemble de phrases complexes, alors qu’ils n’intègrent pas forcément de GP1 : Haut les mains ou je tire (GP2) ; Une minute de plus, et je partais (GP2 ou GP1 incomplet) ; Une petite soif ? / Soif ?, il y a de la bière dans le frigo (GDN ou GP1 incomplet) ; Pas de bras, pas de chocolat (GDN ou GP1 incomplet) ; Tel père, tel fils ((GP2 ou GDN). Sans rentrer dans trop de détails, on pourrait expliquer que, pour les trois premiers exemples, on intègrerait dans une matrice une séquence qui faisait déjà phrase (même si elle n’en a pas la structuration), ce qui est assez clair pour Haut les mains. Les ou et et apparaitrait dès lors plutôt comme des adverbes ( de type sinon et alors) que comme des connecteurs coordonnants (voir note 94). Les deux derniers exemples relèvent, quant à eux, de structures corrélatives cadratives, dans lesquelles la première séquence est subordonnée et enchâssée par juxtaposition dans la seconde (voir 1.6.6.2.4.3 Le connecteur adverbial). Dans ces cas, la « sous228


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

phrase » copie la structure de la matrice, ce qui fait de l’ensemble une phrase complexe d’un genre particulier.

IM EN

Une phrase sera dès lors dite complexe lorsqu’elle intègre en son sein, dans la position fonctionnelle d’un constituant de phrase, au moins une structure de type GP1 complet ou incomplet (qui deviendra GP1’ du fait de son intégration) ou une structure de tout autre type (GP1’ (in)complet, GP2 ou GP2 à noyau Ø, GDN) pour autant que cette dernière ait été préalablement en position de phrase. Sera également considérée comme complexe la phrase de structure corrélative isomorphe cadrative.

L’énoncé à énonciation complexe

ÉC

On parle souvent de phrase complexe lorsqu’on intègre dans une phrase matrice une sous-phrase. Il s’agit de complexité de phrase ou plus précisément de complexité de la composante phrastique de l’énoncé. On oublie que cette complexité peut également se trouver au niveau de la composante énonciation de l’énoncé. Ainsi, un énoncé qui intègrerait en apparence deux modalités énonciatives différentes ou deux énonciateurs différents, pourrait être considéré comme complexe au niveau de son énonciation. Voyons ci-après des exemples de ces deux cas : l’interrogation indirecte et le discours re-produit.

2.4.5.1

L’interrogation indirecte

SP

Dans une phrase intégrant une interrogation dite indirecte (Je me demande s’il pleuvra demain), on peut déjà conclure à la complexité au niveau de la phrase, par enchâssement (ou juxtaposition enchâssante). Au-delà de cette complexité de phrase, on soulignera le fait que cet énoncé combine une modalité assertive (Je me demande = J’asserte mon questionnement) et une modalité interrogative (s’il pleuvra demain = ‘Pleuvra-t-il demain ?’). En présence de deux modalités énonciatives différentes, on devrait conclure à l’existence de deux énoncés. Cependant, l’intégration par l’énonciateur de son questionnement dans une présentation assertive produit un énoncé à énonciation complexe du point de vue de ses modalités énonciatives : la modalité principale de l’ensemble de la phrase est une assertion ; à un niveau syntaxique hiérarchiquement inférieur, la modalité énonciative de la sous-phrase est 229


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

une interrogation. En effet, la partie interrogative réside dans une structure sous-phrastique ∆, elle-même intégrée dans la matrice.

2.4.5.2

Le discours re-produit (structure notée Θ dans les schémas)

IM EN

Grammaticalement, l’analyse de l’ensemble des tournures qui traduisent la présence d’autres voix (le discours rapporté) dans son discours ne s’est traditionnellement pas faite de manière globale. Nous proposerons ici quelques formes d’intégration de cette parole d’autrui. Cependant, une seule de ces formes est endossée par une structure intégrative syntaxique spécifique : le discours re-produit, formalisé par la structure Θ (voir 2.4.5.2.1.3).155

2.4.5.2.1 Quelques formes de discours rapporté

Tout discours rapporté est normalement constitué d’un discours citant et d’un discours cité. Nous envisagerons ci-dessous divers types de discours rapporté, en essayant, chaque fois, de décrire les rapports entre l’un et l’autre.

2.4.5.2.1.1 Selon elle, Pierre est motivé

SP

ÉC

Dans cette tournure, l’énonciateur assume son énoncé dans le cadre défini par le déterminant de la relation prédicative (Selon elle). Il prend donc en charge l’élément cité Pierre est motivé pour autant qu’il soit ramené à la personne que l’on « cite » via l’élément citant déterminant de relation. Ce déterminant de relation ne pose pas la question du Qui parle ? (c’est bien l’énonciateur qui parle), mais celle du point de vue qu’adopte l’énonciateur pour assumer son énoncé. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, malgré ce qui semble bien être une attribution du dire, il ne s’agit pas de déterminant de l’énonciation, mais de déterminant de l’énoncé. En effet, c’est bien l’énonciateur qui assume son énoncé, même s’il réduit la portée de sa vérité au point de vue évoqué.

2.4.5.2.1.2 Elle me dit que Pierre est motivé. Figure prototypique du discours indirect, cette tournure sépare nettement le discours cité Pierre est motivé du discours citant Elle dit. En effet, ce discours cité est en construction sous-phrastique, dépendant du verbe de dire, en fonction de déterminant du verbe. La phrase matrice se 155

L’interjection, en tant qu’elle est une irruption expressive de discours, sera traitée également à l’écrit comme un discours re-produit.

230


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

ÉC

IM EN

réduit à Elle me dit ∆, où ∆ symbolise la sous-phrase dans la position fonctionnelle du groupe déterminatif nominal correspondant. Du point de vue de l’intégration syntaxique, l’enchâssement sous-phrastique à l’aide de que (enchâsseur, subordinateur et transposeur) fait donc fonctionner le ∆ comme un simple groupe déterminatif nominal déterminant du verbe. Dans cette phrase, l’énonciateur assume comme vrai le fait que Elle dise que Pierre est motivé, et non sa motivation. La motivation de Pierre est assumée comme vraie par la seule Elle. En d’autres termes, l’énonciateur n’est pas le locuteur de la sous-phrase. En discours indirect, on observe des aménagements formels nécessaires de personne (je deviendrait elle, dans ce cas-là), de temps et d’indices situationnels (ce soir deviendrait ce soir-là)… Dans les cas de discours indirect libre, l’analyse est équivalente, mais marquée par l’absence de discours citant. Soit un autre énoncé Elle consulta Pierre et revint en courant. Elle viendrait bien ce soir-là. Une analyse en phrase unique et simple de Elle viendrait bien ce soir-là ferait perdre toute sa spécificité à cette tournure. Par contre, considérer que l’on a affaire à un Δ en position phrastique (avec quasiment une prédication incomplète), permettrait de rendre compte des particularités formelles de personne (elle), de temps (futur du passé) et de déixis (ce soir-là). L’absence d’enchâsseur est probablement due à la disparition du discours citant qui constituait la matrice.

2.4.5.2.1.3 Elle me dit : « Pierre est motivé. »

SP

Dans cette tournure de discours rapporté, le discours direct, la coupure est plus nette encore entre discours citant et discours cité. Il y a clairement eu au départ deux énonciateurs, qui se maintiennent en apparence. Nous avons proposé, pour en rendre compte, de prendre en considération des structures Θ. Du point de vue de l’énonciation, cette séquence matrice a un seul énonciateur (le narrateur), quand bien même celui-ci aurait pris sous son aile énonciatrice un discours d’autrui « thêtanisé ». Le déterminant du verbe dit est un Θ, qui devra être analysé par la suite. À un niveau d’analyse syntaxique hiérarchiquement inférieur, l’énonciateur de la séquence reprise sous ce Θ est Elle. (voir plus loin 2.4.5.2.2 Caractéristiques du discours re-produit (Θ)) Dans les cas de discours direct libre, l’analyse est équivalente, mais marquée par l’absence de discours citant. Soit l’énoncé Elle consulta Pierre et revint en courant. Je viendrai bien ce soir, que l’on peut comparer avec la structure du discours indirect libre vue plus haut Elle viendrait bien ce soir-là. Une analyse en phrase unique et simple de Je viendrai bien ce soir ferait ici aussi perdre toute sa spécificité à cette tournure. On 231


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

considérera donc également que l’on a affaire à un Θ en position phrastique (avec prédication impliquée), ce qui permet de rendre compte des particularités formelles de personne (je), de temps (futur) et de déixis (ce soir). L’absence des deux points et des guillemets est probablement imputable à la disparition du discours citant qui constituait la matrice. Signalons toutefois que les marques formelles font parfois défaut pour trancher entre discours direct libre et discours indirect libre. Dans les exemples vus, Elle viendrait bien ce soir-là vs Je viendrai bien ce soir, la distinction semble assez nette, et justifie le choix des analyses spécifiques. Mais dans un exemple comme Elle consulte Pierre et revient en courant. Il arrive à cinq heures, rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’on a affaire à l’un ou à l’autre de ces deux types de discours rapporté pour la séquence Il arrive à cinq heures. Cela ne signifie en rien que l’outil d’analyse est défectueux. Cela signifie que la langue ne nous donne pas les éléments formels suffisants pour tout distinguer. Tout au plus pouvons-nous espérer, sans aucune garantie, que l’énonciateur sait ce qu’il veut dire et formate ce discours en fonction de cette intention. Au niveau de la réception, les indices formels de reconnaissance déficients nous laissent devant une structure ambigüe, que seul le contexte, et là encore sans garantie, pourrait nous permettre de désambigüiser.

2.4.5.2.1.4 « Pierre est motivé », me dit-elle / qu’elle me dit.

SP

ÉC

Dans cette structure, se croisent en apparence deux énonciateurs : l’un dans le discours cité de la matrice, qui dirait le je du discours direct ; l’autre dans le discours citant de l’incise insérée (Δ), qui dit le moi du narrateur. Dans ce cas-ci, ce déterminant répond bien à la question du Qui parle ? Il s’agit bien d’un déterminant de l’énonciation (il en a toutes les caractéristiques, comme franchement : hors de la portée de la négation ; non-focalisabilité à l’aide de c’est … que), et non d’un déterminant de l’énoncé. Il porte sur une relation prédicative qui ici se dérobe : Pierre est déterminé constitue en fait un Θ, en position phrastique avec prédication impliquée.

2.4.5.2.1.5 Elle me dit Pierre motivé. Dans ce cas, le déterminant du verbe est un groupe prédicatif second (GP2), dans lequel le noyau (un groupe déterminatif nominal) Pierre se voit attribuer un prédicat second motivé (il est par ailleurs impossible de se passer du prédicat second sans rendre la séquence caduque). Cette prédication seconde pourrait être le reliquat, après intégration phrastique, de la prédication d’origine Pierre est motivé.

232


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.4.5.2.1.6 Elle me dit la motivation de Pierre.

IM EN

On se trouve ici devant un discours de type narrativisé. Il n’y a pas retranscription d’un discours complet, mais formulation synthétisée de sa teneur. Le groupe déterminatif nominal la motivation de Pierre est déterminant du verbe dit ; il est totalement et normalement intégré à la syntaxe de la phrase.

2.4.5.2.1.7 Que Pierre est motivé, elle me le dit.

Dans cet exemple, le discours cité est pris en charge par la sous-phrase Δ Que … motivé qui apparait ici comme un déterminant de l’énonciation, qui échoit syntaxiquement à la relation prédicative. Cette sous-phrase cadre le propos de l’énoncé. Elle est reprise par le pronom neutre le en position déterminant du verbe ; l’absence de ce pronom rendrait la phrase caduque.

2.4.5.2.1.8 « Pierre est motivé », elle me le dit.

ÉC

Une autre lecture-analyse que celle de l’exemple 2.5.5.2.1.4 est possible pour cet exemple, et même rendue plus plausible du fait de la reprise du discours cité par le pronom le. Il s’agirait de rapprocher cet exemple du précédent, et de considérer que « Pierre est motivé » est un Θ qui occuperait la fonction décrite ci-dessus de déterminant de l’énonciation cadrant le propos.156

2.4.5.2.2 Caractéristiques du discours re-produit (Θ)

SP

Le discours re-produit Θ est une structure intégrative syntaxique différente d’un GDX ou d’un ∆ Dét. du noyau GDV, qui marque la complexité de l’énonciation. Reprenons, pour illustrer, l’opposition entre discours narrativisé, discours indirect et discours re-produit.

156

Malgré une liste déjà longue de formes, on rencontre encore certaines formes dites « mixtes », qui, dès lors, doivent pouvoir être prises en compte : Il m’a dit que : « Viens un peu ici pour voir ! », forme mixte entre discours indirect et direct, par exemple.

233


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Narrativisé Indirect Re-produit

Structure syntaxique intégrative Groupe déterminatif Dét. Noyau GDV Sous-phrase Dét. Noyau GDV

Exemple

Sarah me dit Sarah me dit sa motivation GDX Sarah me dit Sarah me dit qu’elle est motivée ∆

IM EN

Type de discours

Thêta Dét. Noyau GDV

Sarah me dit Sarah me dit : « Je suis motivée » Θ

§ Relation discours citant et discours cité Discours citant

Discours cité

Discours indirect Sarah me dit qu’elle est motivée

ÉC

Discours narrativisé Sarah me dit sa motivation

+

Discours re-produit Sarah me dit : « Je suis motivée »

§ L’importance de l’énonciateur : unique ou double

SP

Discours narrativisé Sarah me dit sa motivation Discours citant Sarah me dit

Énonciateur

Référent de m’

Discours cité sa motivation (= Je suis motivée) Référent de m’ unique

Sarah me dit sa motivation : énonciateur unique ; l’énonciateur principal a intégré la voix d’un locuteur antérieur (ici Sarah, qui reste une personne troisième), qui ne laisse aucune trace dans ce discours narrativisé. 234


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Discours indirect Sarah me dit qu’elle est motivée Discours citant Sarah me dit Énonciateur

Discours cité qu’elle est motivée (= Je suis motivée) Référent de m’

Référent de m’

IM EN

unique

Sarah me dit qu’elle est motivée : l’énonciateur est unique ; il a adapté tous les indices personnels (je devient elle, par exemple), temporels et déictiques à sa propre personne, même si l’intégration n’est pas aussi complète que dans le discours narrativisé.

ÉC

Discours re-produit Sarah me dit : « Je suis motivée » Discours citant Sarah me dit Énonciateur global Référent de m’ Énonciateur sousRéférent de m’ jacent157

Discours cité Je suis motivée Référent de m’ Référent de J’ (= Sarah)

double

SP

Sarah me dit : « Je suis motivée » : en discours direct, la coupure est donc très nette entre discours citant et discours cité. Il y a clairement eu au départ deux énonciateurs, qui ne se maintiennent qu’en apparence. Le premier, qui dit la première personne de me et pour qui Sarah est une personne troisième, et le second, qui est Sarah (personne première). Du point de vue de l’énonciation, la séquence globale a un seul énonciateur (le narrateur), quand bien même celui-ci aurait phagocyté le discours d’autrui. Ce n’est qu’à un niveau d’analyse syntaxique hiérarchiquement inférieur que l’énonciateur de la séquence Je suis motivée est Sarah. Les indices sont néanmoins encore visibles de la présence de l’autre énonciateur : on n’en est qu’au premier stade d’intégration de la parole d’autrui dans son propre discours. Nous pouvons bel et bien parler d’énonciation complexe.

157

Retrouvé à un niveau d’analyse syntaxique hiérarchiquement inférieur.

235


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Discours re-produit (structure Thêta Θ)

IM EN

Le discours re-produit est une structure intégrative constituée d’une séquence de discours direct intégrée syntaxiquement, telle que supposément ou prétendument prononcée, c’est-àdire sans réajustements formels, dans la position fonctionnelle d’un terme normal de phrase. Cette structure de discours cité est considérée comme possédant au départ un énonciateur propre, différent de l’énonciateur du propos qui l’inclut. Cependant, l’intégration par l’énonciateur principal de ce discours re-produit dans son propre énoncé change la donne. L’énonciateur principal phagocyte le discours d’autrui et endosse seul dès lors la responsabilité de l’énonciation globale.

Peuvent constituer des discours re-produits des segments de longueurs variables, d’une lettre à une suite de phrases, absorbés dans l’énonciation principale : § Je vous dis m**** ;

ÉC

§ De Gaulle parlait de ce « grand machin » qu’est l’ONU ;

§ Dans la classe de Madame Simone, il fallait tout respecter à la lettre, car « le respect des consignes est fondamental, vous le saurez mes enfants ».

SP

§ Elle m’appela et me dit : « Alors, voilà. J’étais partie tôt ce matin et puis il y a eu un accident. Du coup, je suis arrivée en retard chez le médecin, qui n’a pas pu me prendre. J’ai dû lui demander un nouveau rendez-vous et je ne sais vraiment pas si je tiendrai jusque-là… »

Synthèse

La phrase (GP1) est vue dans ce modèle comme un réseau récursif de structures intégratives, allant du groupe déterminatif (GDX (nominal, verbal, …)) à la sous-phrase Δ (GP1’), en passant par le groupe prédicatif second (GP2 à noyau Ø ou à noyau saturé), qui se différencie des GP1 par le fait que la relation de prédication qui l’institue est une relation de prédication seconde et non première : le noyau du groupe qui prend en

236


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

charge le prédicat second n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel. En tableau : Le groupe Le groupe prédicatif La sous-phrase ∆ déterminatif (GDX) second (GP2) (GP1’)

Noyau

GP2

Dét.

Noyau

P2

- Moi Président de la République, … - Le chat parti, les souris dansent - Avec Marc pour guide, … - Cantona marquant un but m’étonnerait beaucoup - Seul Pierre est torse nu - Marie a les yeux bleus - J’entends les enfants chanter - On dit Pierre pressé - Il marche la tête haute - Ainsi dit le renard, et flatteurs d’applaudir - Il y a une pie qui chante - 11 heures et ma tante qui n’arrive pas - C’est Pierre qui a raison - Toute flagornerie mise à part, … - Cela étant/Cela dit, … - Haut les mains

Noyau

P

- Je pense qu’il partira. - Je regrette qu’il soit parti. - On part quand tu veux. - Je me demande s’il pleuvra demain.

SP

ÉC

- Le château de ma mère - Celui qui part - Plein de ferveur - Pierre mange son repas - Après la pluie - Loin de chez lui

GP1’

IM EN

GDX

Si l’on prend le chemin inverse, on se rend vraiment compte de la mécanique intégrative qu’est la phrase. Dans la phrase complexe, la matrice intègre une sous-phrase GP1’ en lui faisant perdre progressivement ses propriétés phrastiques : d’abord sa prosodie et ses modalités énonciatives propres ; ensuite l’ancrage en temps-époque (passage de l’indicatif au subjonctif, toujours en sous-phrase) ; ensuite perte de la variabilité en personne (le GP1’ devient GP2, sans verbe conjugué à un mode personnel) ; on arrive enfin, avec la perte de la relation prédicative 237


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

instituant le GP, au bout du chemin intégratif, au groupe déterminatif (Voir 3.6.5 Intégration phrastique et modes).

IM EN

Enfin, la complexité, observée pour la composante phrastique (sousphrase Δ), peut également toucher la composante énonciation par le biais de la structure Θ (ou discours re-produit), ou par celui de la sous-phrase Δ d’interrogation indirecte, ce dernier cas combinant dès lors une double complexité, celle de la composante phrastique et celle de la composante énonciation.

SP

ÉC

Les différents termes, groupes (déterminatifs ou prédicatifs) ou autres structures intégratives peuvent souvent, on l’a vu, occuper les mêmes fonctions, saturer les mêmes positions fonctionnelles : ils commutent alors les uns avec les autres. Le mécanisme de commutation, qui consiste à remplacer un terme, un groupe ou une structure par un ou une autre, permet de constituer des classes d’éléments (termes, groupes ou structures) de fonctionnements équivalents.

238


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.5

L’analyse de phrase : représentation Principes

IM EN

La rénovation de la théorie telle que proposée dans ce référentiel réclame une rénovation du schéma d’analyse, où chaque élément trouve sa place dans la hiérarchie de la phrase. Mettre en exergue cette hiérarchie (par exemple, déterminants de terme >< déterminants de relation) exige un schéma en deux dimensions, qui permette de rendre compte, de bas en haut, des mécanismes mis en œuvre pour assurer la construction du sens de la phrase. Par ailleurs, considérant la phrase comme un réseau de relations fonctionnelles, la primauté est apportée à la fonction des éléments les uns par rapport aux autres, c’est-à-dire aux relations qu’ils entretiennent. Ainsi, la phrase est constituée de deux éléments fonctionnels fondamentaux, le noyau du GP1 et le prédicat, auxquels il faudrait ajouter un troisième, la relation prédicative, qui relie le second au premier, et est également susceptible de recevoir des déterminants ou des prédicats seconds : Prédicat158

Phrase = Noyau

SP

ÉC

Ce n’est que dans un deuxième temps que l’on doit indiquer le type de structure intégrative qui exerce la fonction. L’arbre doit donc voir alterner le niveau fonctionnel et le niveau morphosyntaxique, et ce jusqu’au niveau lexical du bas de l’arbre.

158

Il est à souligner que dans les retranscriptions traditionnelles en arbre, la confusion nature/fonction engendrait des schémas du type : Phrase à SN + SV. La phrase, unité fonctionnelle, se décomposait dès lors en groupes morphosyntaxiques, ce qui apparait comme contre nature. La décomposition en noyau GP1 et prédicat, éléments fonctionnels, nous semble rendre mieux compte de ce qu’est la phrase. De plus, le noyau GP1 et le prédicat ne doivent pas nécessairement prendre la forme respectivement d’un SN et d’un SV (ex. : Demain est un autre jour ; Toi, dehors !). Il faut également prendre en compte l’absence possible, au niveau lexical, d’un des deux éléments (prédicat sans noyau, restituable contextuellement : Sortez ! ; prédicat sans noyau, ou noyau sans prédicat : Une table, pas de chaise). Les positions syntaxiques, lorsqu’elles ne seront pas saturées, seront notées par Ø.

239


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Dans notre système, le prédicat est syntaxiquement relié au noyau du GP1 par une relation d’apport à un terme de type prédicatif (double flèche). En schéma :

Noyau (GDN) Pierre

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV)

mange une pomme

Dans une phrase basique comme Pierre mange une pomme, le noyau du GP1 est pris en charge par un GDN (Pierre) et le prédicat par un GDV (mange une pomme).

le noyau de phrase se décompose en noyau du GDN (pris en charge par un nom) + Dét. du noyau GDN (non saturé (Ø))159 ;

§

le prédicat se décompose en noyau du GDV + Dét. du noyau GDV (pris en charge par un GDN, syntaxiquement relié au noyau du GDV par une relation d’apport à un terme de type déterminatif (simple flèche)).

SP

ÉC

§

159

Pierre est un nom propre ; généralement, les noms propres se construisent sans déterminant.

240


241

Pierre

Noyau (nom)

Dét. (Ø)

C É

P S

Noyau (GDN)

Phrase (GP1)

mange

Noyau (verbe)

Prédicat (GDV)

une pomme

Dét. (GDN)

La fonction de noyau du GDV est prise en charge par un verbe. Le Dét. du noyau GDV, pris en charge, lui, par un GDN, se décompose en Dét. Q. (déterminant quantifiant, pris en charge par un adjectif) + noyau du GDN (pris en charge par un nom), le déterminant étant un apport au nom.

En figure :

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


242

Pierre

Noyau (nom)

En figure :

Dét. (Ø) mange

Noyau (verbe)

Dét. Q. (Adj.) une

pomme

Dét. (GDN)

Noyau (nom)

Prédicat (GDV)

C É

P S

Noyau (GDN)

Phrase (GP1)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

EN

Il se peut qu’un terme appartenant à une classe occupe une fonction dévolue plutôt à un terme appartenant à une autre classe. Par exemple, un verbe en emploi adjectival (une porte fermée), un adjectif en emploi adverbial (Haut les mains ; Bas les pattes). Il peut en être de même pour les structures intégratives : un GP2 peut se retrouver en emploi phrastique (Haut les mains ; Bas les pattes), … Dans ces cas, la retranscription de la classe d’appartenance du terme – ou de la structure intégrative – occupant la fonction sera inscrite comme suit : (verbe/Adj.), (Adj./Adv.), (GP2/GP1), … L’originalité de la procédure proposée ici vient donc :

1. de ce que les éléments de l’arbre sont d’abord considérés comme des éléments fonctionnels (qui peuvent être pris en charge par des structures intégratives de types différents),

ÉC IM

2. de ce que ces éléments fonctionnels entretiennent des relations d’apport à support, relations portées horizontalement sur le schéma.

SP

Cette manière de décrire l’arbre nous permet dès lors d’insérer les déterminants ou prédicats de relation à leur point exact d’impact, et non plus de les rattacher systématiquement, comme c’était le cas jusqu’à présent, au nœud supérieur, ce qui rendait inaccessible la perception de la hiérarchie des éléments de la phrase. Par exemple, dans Aujourd’hui, Pierre mange une pomme, le GDAdv. aujourd’hui exerce une fonction de déterminant de relation (ici, de la relation prédicative). Son noyau est pris en charge par l’adverbe et son déterminant n’est pas saturé (Ø).

243


244

Pierre

Noyau (nom)

Noyau (GDN)

Dét. (Ø)

Aujourd’hui

Noyau (Adv.)

Dét. (Ø)

mange

Noyau (verbe)

Dét. (GDAdv.)

Phrase (GP1)

C É

P S

En figure, l’arbre devient :

Dét. Q. (Adj.) une

pomme

Dét. (GDN)

Noyau (nom)

Prédicat (GDV)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Pour rappel, en cas de succession hiérarchisée de déterminants de relation, nous avons proposé une description en emboitement. Nous proposons une visualisation simplifiée du schéma. Soit la phrase : En France, en 1981, on a aboli la peine de mort.

Noyau (GDPron.)

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV)

a aboli la peine de mort

Noyau (pronom)

Dét. (GDC)

En France

SP

ÉC

On

Dét. (Ø)

245

Dét. (GDC)

en 1981


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Soit la phrase : En 1981, en France, on a aboli la peine de mort.

Noyau (GDPron.)

IM EN

Phrase (GP1)

Prédicat (GDV)

a aboli la peine de mort Dét. (GDC)

Noyau (pronom) On

Dét. (Ø)

Dét. (GDC)

en France

En 1981

SP

ÉC

Tant structurellement, par le côté systématique et cohérent du modèle fonctionnel proposé, que graphiquement, par la visualisation de la construction phrastique, cette formalisation nous permet d’envisager la genèse de la phrase, via la prise en compte, de bas en haut, de la construction, structure par structure, de son architecture globale.

246


247

Mot (ex. : Ø)

Fonction (Classe du terme)

Mot (ex. : pomme)

Mot (ex. : une)

Par convention, nous noterons § en gras la fonction ; § en caractère normal et entre parenthèses la (structure intégrative ou classe de terme qui endosse la fonction) ; § en italique le mot effectivement produit.

Mot (ex. : goulument)

Fonction (Classe du terme)

type de mécanisme

Fonction (Structure intégrative)

Fonction (Structure intégrative)

type de mécanisme Fonction Fonction (Classe du terme) (Classe du terme)

C É

type de mécanisme

Fonction (Structure intégrative)

type de mécanisme

P S

Mot (ex. : mange)

Fonction (Classe du terme)

EXEMPLE DE FORMALISATION DE LA REPRÉSENTATION BIDIMENSIONNELLE

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


La phrase unique simple

C É

248

Pierre

Noyau (nom)

Dét. (Ø)

Noyau (verbe)

Noyau (Adv.) Heureusement

Dét. (Ø)

est parti P2 (GDAdv.)

P S

Noyau (GDN)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

Pour un schéma de phrase unique simple, voir ci-dessus la phrase Aujourd’hui, Pierre mange une pomme. Dans le cas d’un prédicat second sur la relation prédicative, par exemple dans Heureusement, Pierre est parti, on aura le schéma suivant : Phrase (GP1)

2.5.2.1

Représentation des structures intégratives

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


249

Tu

Noyau (pronom)

Dét. (Ø)

Noyau (Adv.) Franchement

Dét. (GDAdv.) Dét. (Ø)

exagères

Noyau (verbe)

Prédicat (GDV)

C É

Phrase (GP1)

P S

Noyau (GDPron.)

Dét. (Ø)

Dans le cas d’un déterminant de l’énonciation (sur la relation prédicative), par exemple dans Franchement, tu exagères, on aura le schéma suivant :

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


250

160

Dét. (Ø)

Pierre P2 (GDAdj.)

Noyau (nom) s’est évanoui

Noyau (verbe)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

On pourrait considérer que les P2 (ici, Malade) sur le noyau de la phrase ont d’abord été des GP2 à noyau non saturé (parce qu’identique au noyau de phrase) en fonction de déterminants de la relation prédicative ; ils auraient ensuite glissé vers la position fonctionnelle de P2 du noyau de la phrase (voir page 258). Cela explique le sens de cadre (temps, cause, hypothèse, concession, …), hérité de leur fonctionnement antérieur de déterminant de la relation prédicative et illustre pleinement la dynamique de la mécanique intégrative de la phrase et des mouvements fonctionnels qui en découlent.

Noyau (Adj.) Malade

Dét. (Ø)

C É

P S

Noyau (GDN)

Dans le cas d’un prédicat second160 sur un terme de la phrase, par exemple dans Malade, Pierre s’est évanoui, on aura le schéma suivant : Phrase (GP1)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


251

Pierre

Noyau (nom)

Même

Noyau (Adv.)

Dét. (Ø)

Dét. (GDAdv.)

Dét. (Ø)

Dét.

(GDAdv.)

Noyau (Adv.) ne…pas

(Noyau)

C É

(Préd.)

P S

Noyau (GDN)

Phrase (GP1)

Dét. (Ø)

Noyau (verbe) est venu

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

Dans le cas d’une phrase négative, par exemple dans Même Pierre n’est pas venu, on aura le schéma suivant :

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

Notre modèle s’inscrit dans le cadre d’une syntaxe de type génétique, qui décrit la phrase ou l’énoncé en tant qu’ils se construisent. C’est ainsi que nous avons posé, durant nos recherches, l’existence de deux types de relation : une relation effective (en trait continu dans les schémas), qui relie effectivement l’apport de signification à son support, et une relation d’attente (en traits discontinus dans les schémas), qui préfigure et donc précède l’incidence effective, avant sa réalisation, dans la genèse de la phrase. Chaque terme ou chaque groupe constitué, avant même d’être effectivement mis en relation avec d’autres éléments, peut être déclaré en attente soit de support, soit d’apport (de détermination ou de prédication). Ainsi, le prédicat, une fois constitué, et avant même sa mise en relation effective avec son support-noyau, pourra être légitimement dit « en attente de son support-noyau », vu qu’il ne peut, la plupart du temps, exister sans lui. Cette construction hypothétique n’est pas une construction ad hoc ; elle permet de trouver des supports à certains apports, qui, sans relation d’attente, n’auraient aucun point d’ancrage syntaxique : par ex., la négation, certains adverbes dits « paradigmatisants » (même, surtout, les restrictifs seulement et ne … que), qui ne peuvent porter que sur une relation d’attente de groupe constitué. À des fins pédagogiques, nous avons évité de complexifier la description du système en n’ayant pas recours, dans la mesure du possible, à cette relation d’attente. Lorsque cela était possible, nous avons considéré que l’échéance d’un apport à une relation d’attente pouvait être ramenée à la relation effective que cette relation d’attente préfigurait. Cependant pour placer la négation descriptive de phrase, importante pour révéler la portée de certains apports à des relations, nous ne pouvons faire autrement que de l’évoquer. Nous ne pouvons en effet placer la négation sur la relation prédicative161. Comme nous l’avons déjà dit, nous considérons que la négation clôt le prédicat et le nie (Pierre [n’est pas venu] : ‘J’affirme qu’il est vrai que Pierre – non [est venu]’). Or elle ne peut se trouver sur la relation qui relie le prédicat au noyau de phrase : si c’était le cas, on aurait affaire à une négation polémique (on nierait une relation établie). De plus, la relation prédicative sert de support à d’autres apports qui sont hors de portée de cette négation. Aussi la faisons-nous porter sur la relation du prédicat en attente de son noyau, en pointillé sur le schéma ci-dessus.

161

Pour la facilité pédagogique, nous avons néanmoins indiqué, dans le tableau récapitulatif des correspondances de fonction (voir 2.3.5.2.4.2.1.2 Déterminants de relation), que la négation était un déterminant de la relation prédicative entre le prédicat et le noyau de la phrase. Une fois effective la relation prédicative, les apports à la relation d’attente qui la préfigure y sont reversés.

252


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

IM EN

Les adverbes paradigmatisants portent en fait de la même manière sur la relation d’attente du groupe qu’ils clôturent, alors que ce groupe se trouve en attente de son support ou de son apport. Dans Même Pierre est venu, Même porte sur la relation d’attente du noyau de phrase en attente de prédicat. Dans Pierre ne boit que de l’eau, le restrictif ne … que porterait sur la relation d’attente du déterminant du verbe de l’eau en attente de son noyau verbal boit.

2.5.2.1.1 Le groupe déterminatif

Pour un schéma de groupe déterminatif simple, voir ci-dessus une pomme dans la phrase Aujourd’hui, Pierre mange une pomme.

§ Soit le groupe déterminatif nominal quantifié et doublement caractérisé : la gloire passée de mon père

SP

ÉC

Considérant que la construction s’effectue de bas en haut, nous mettons au niveau le plus bas ce que nous voyons comme la première opération effectuée. D’une manière générale, la caractérisation précède la quantification. Dans ce cas-ci, nous considérons que le premier caractérisant à opérer est celui qui se situe directement à droite du nom dans la chaine linéaire de la phrase (passée). Ensuite opère celui qui le suit. Ce dernier (de mon père) est un groupe déterminatif connectif, que l’on représentera comme ci-après.

253


162

254

P S

Dét. Ca. (adjectif) passée

Noyau (C.Sub.) de

Dét. Q.-Ca. (adjectif) mon

père

Dét. Ca. (GDN)

Noyau (nom)

Dét. Ca. (GDC)

C É la

Dét. Q. (adjectif)

Pour rappel, le GDN’ correspond à un groupe constitué du noyau nominal et de son/ses caractérisant(s). Il s’intègre dans le GDN, définitivement constitué une fois la quantification opérée. En cas de caractérisation multiple, on peut envisager des GDN’’, GDN’’’, …

Noyau (nom) gloire

Noyau (GDN’’)

Noyau 162 (GDN’)

Fonction (GDN)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

§ Soit le groupe déterminatif nominal : Louis et Lisa Dans le cas de deux groupes déterminatifs nominaux coordonnés (GDN1 et GDN2)163, nous proposons la représentation suivante :

(GDN1)

IM EN

Fonction (COORD.)

Lig. (C.Coord.)

(GDN2)

et

Noyau (nom)

Noyau (nom)

Dét. (Ø)

Lisa

ÉC

Louis

Dét. (Ø) 164

SP

La fonction est ici prise en charge par la coordination (COORD.) de deux groupes déterminatifs nominaux. Une coordination ne relie pas nécessairement deux groupes de même classe ou de même structure (dans une femme intelligente et que rien n’arrête, la coordination unit un adjectif (ou GDAdj.) et une sous-phrase). C’est la raison pour laquelle, dans les cas de coordination ou de juxtaposition coordonnante, nous inscrirons COORD. ou JUXTA.C. pour indiquer la structure prenant en charge la fonction.

163 164

(que l’on pourrait presque appeler groupe déterminatif multiple). Les déterminants de noyau, quels qu’ils soient, peuvent être indiqués même s’ils ne sont pas saturés. Cela permet notamment de préserver la systématisation des fonctionnements et d’indiquer des déterminants qui portent sur la relation [Dét – Noyau].

255


C É

256

Noyau (Adj.) Fier

Dét. (Ø)

(GDAdj.)

P S

Dét. (Ø)

(GDAdj.)

Noyau (Adj.) content

Lig. (C.Coord.) et

(COORD.)

P2

Noyau (Adv.) plutôt Dét. (Ø) Noyau (nom) tête

Dét. Q. (Adj.) la

marche

Noyau (verbe)

Noyau (GDN)

(Ø)

Dét.

Dét. (Ø)

P2 (GDAdj.)

(Ø)

Dét.

Noyau (Adj.) haute

(GP2)

Dét.

(GDV)

(GDPron.)

Dét. (GDAdv.)

il

Noyau (pronom)

Prédicat

Noyau

§ Soit le groupe prédicatif second la tête haute dans Fier et plutôt content, il marche la tête haute Phrase (GP1)

Le groupe prédicatif second (GP2) peut occuper les mêmes fonctions qu’un groupe déterminatif. Nous proposons ici la représentation d’un groupe prédicatif déterminant de relation.

2.5.2.1.2 Le groupe prédicatif second

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


§

parents

257

(Ø)

Noyau

mes

Enfant

Noyau (nom)

(GP2)

Dét.

(GDN)

P2

(Ø)

Dét.

musique

aimaient Noyau (nom)

Dét. Q.-Ca. Noyau (Adj.) (verbe)

(GDV)

(GDN)

P S

Noyau (nom)

Prédicat

Noyau

(GP1)

Phrase

C É Dét. (GDN)

ma

Dét. Q.-Ca. (Adj.)

Soit le groupe prédicatif second à noyau non saturé Enfant dans Enfant, mes parents aimaient ma musique.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


§

P2

258

(Ø)

Noyau

P S

Pierre

Noyau (nom)

Malade

Noyau (Adj.)

(GP2)

Dét.

(GDAdj.)

P2

s’est évanoui

(Ø)

Dét.

(GDV)

(GDN) Noyau (verbe)

Prédicat

Dét. (Ø)

C É

Noyau

(GP1)

Phrase

Dét. (Ø)

Soit le groupe prédicatif second à noyau non saturé Malade dans Malade, Pierre s’est évanoui, avec glissement du GP2 de la position de déterminant de la relation prédicative à celle du prédicat second de noyau de phrase (voir page 250 et note 160).

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


J’

Noyau (pronom)

259

En

Noyau (Ø)

partant

Noyau (verbe)

Dét. (GP2)

P S

Noyau (C.Sub.)

Dét. (GDC)

P2 (GDV) Dét. (Ø) à

Noyau (Ø)

Dét. (GDC)

Dét. (GDN)

Noyau (C.Sub.)

Sarah

Noyau (nom)

C É

Prédicat (GDV)

ai invité

Dét. Noyau (Ø) (verbe)

Noyau (GDPron.)

Phrase (GP1)

diner

Noyau (verbe)

Dét. (GP2)

(Ø)

Dét.

P2 (GDV) (Ø)

Dét.

§ Soit les groupes prédicatifs seconds à noyaux non saturés partant et diner dans En partant, j’ai invité Sarah à diner.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


La phrase multiple

260

Dét. (Ø)

Dét. (Ø)

Noyau (GDPron.)

Noyau (pronom) elle Dét. (Ø)

P S

Prédicat (GDV)

Phrase 2 (GP1)

C É

Lig. (C.Coord.) mais

Prédicat (GDV)

Noyau Dét. Noyau (verbe) (Ø) (verbe) reviendra part La phrase multiple est prise en charge par une coordination (COORD.) de deux phrases (Phrase 1 et Phrase 2).

Noyau (pronom) Elle

Noyau (GDPron.)

Phrase 1 (GP1)

§ Soit la phrase multiple : Elle part mais elle reviendra. Phrase (COORD.)

2.5.2.2.1 La coordination

2.5.2.2

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


261

Dét. (Ø)

part

Noyau (verbe)

Noyau (GDPron.)

Noyau (pronom) elle Dét. (Ø)

P S

Prédicat (GDV)

Noyau (verbe) reviendra

Dét. (Ø)

Phrase 2 (GP1)

C É

Lig. (Ø) ,

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

La phrase multiple est prise en charge par une juxtaposition coordonnante (JUXTA.C.) de deux phrases (Phrase 1 et Phrase 2).

Elle

Noyau (pronom)

Noyau (GDPron.)

Phrase 1 (GP1)

§ Soit la phrase multiple : Elle part, elle reviendra. Phrase (JUXTA.C.)

2.5.2.2.2 La juxtaposition coordonnante

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


C É

262

Noyau (pronom) Elle

Dét. (Ø)

(C.Adv.)

(Ø) ,

Noyau (verbe) part

Dét. (Ø)

Prédicat (GDV)

Noyau (adverbe) ensuite/puis

Prédicat (GDV)

Dét. (GDAdv.) Dét. (Ø)

Noyau (verbe) reviendra

Phrase 2 (GP1)

Dét. Noyau (pronom) (Ø) elle

Noyau (GDPron.)

Lig.

Lig.

P S

Phrase 1 (GP1)

Soit la phrase multiple : Elle part, ensuite/puis elle reviendra. Phrase (JUXTA.C.)

Noyau (GDPron.)

§

2.5.2.2.3 La connexion adverbiale

Dét. (Ø)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

2.5.2.3

IM EN

Dans cette structure, le connecteur est d’abord un GDAdv. déterminant de la relation prédicative de la deuxième phrase. Cet adverbe se grammaticalise dans une fonction de connecteur. Il est dès lors à la fois foncteur (déterminant) et ligateur. Cela semble encore plus vrai pour puis, qui ne peut déjà plus quitter sa position à la jointure des phrases. Dans cette phrase multiple, la liaison des Phrases 1 et 2 est d’abord assurée par une juxtaposition coordonnante, qui est ensuite renforcée par le connecteur secondaire adverbial après glissement de celui-ci depuis sa position de déterminant de la relation prédicative de la Phrase 2.

L’énoncé à phrase complexe

2.5.2.3.1 L’enchâssement

Dans le cas d’une complexité de la phrase, il s’agit premièrement d’analyser la structure matrice, puis dans un second temps, d’analyser la structure intégrée. Lorsque l’on rencontre une phrase complexe (contenant au moins une sous-phrase Δ), pour montrer le niveau hiérarchiquement inférieur de la sous-phrase, on indiquera donc, sous le terme de la fonction endossée par celle-ci dans la phrase matrice, le signe de la structure intégrative Δ. L’analyse interne de la sous-phrase proprement dite sera effectuée une fois mis au jour le réseau fonctionnel de la phrase matrice.

SP

ÉC

§ Soit le groupe déterminatif nominal avec sous-phrase pronominale165 : la fille que tu fréquentes… Fonction (GDN)

165

Noyau (GDN’)

Dét. Q. (adjectif) la

Noyau (nom) fille

Dét. (∆)

Les sous-phrases adjectivales relatives se laissent décrire de la même manière, si ce n’est que le connecteur sera déterminant de son noyau lorsqu’il s’agira d’analyser le ∆ (Est arrivée une femme, laquelle femme est repartie…).

263


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-subordinateur-enchâsseur-foncteur-représentant (connecteur pronominal que) + sous-phrase que166 tu fréquentes, prise en charge par un GP1’.

Noyau (GDPron.)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

ÉC

Noyau (pronom) tu

IM EN

Sous-phrase (GP1’)

Dét. (GDPron.)

Noyau (verbe)

fréquentes

Noyau (pronom)

Dét. (Ø)

SP

que

166

Le que, connecteur pronominal, partage son fonctionnement en représentant-foncteur (pronom) pour le rôle qu’il joue à l’intérieur de la sous-phrase et en ligateursubordinateur-enchâsseur (connecteur secondaire) pour la connexion qu’il exerce.

264


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

§ Soit le groupe déterminatif nominal avec sous-phrase connective (GP1’) : l’idée que tu partes…

IM EN

Fonction (GDN)

Noyau (GDN’)

Dét. Q. (adjectif) l’

Noyau (nom)

Dét. (∆)

idée

ÉC

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-enchâsseur (connecteur enchâssant que) + sous-phrase (GP1’) tu partes…

SP

Sous-phrase (GP1’)

Noyau (GDPron.)

Noyau (pronom) tu

Prédicat (GDV) Dét. (Ø) Noyau (verbe)

Dét. (Ø)

partes 265


266

J’

Noyau (pronom)

Dét. (Ø)

Phrase (GP1)

aime

Noyau (verbe)

C É

P S

Noyau (GDPron.)

Prédicat (GDV)

Dét. (∆)

§ Soit la phrase intégrant une sous-phrase connective : J’aime que tu obéisses.

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


267

tu

Noyau (pronom)

Dét. (Ø)

C É

obéisses

Noyau (verbe)

Sous-phrase (GP1’)

P S

Noyau (GDPron.)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-enchâsseur (connecteur enchâssant que) + sous-phrase (GP1’) tu obéisses.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


268

je

Noyau (pronom)

Dét. (Ø) Dét. (∆)

sors

Noyau (verbe)

parapluie

Noyau (nom)

Prédicat (GDV)

C É

Phrase (GP1)

P S

Noyau (GDPron.)

Dét. (GDN)

mon

Dét. Q.-Ca. (adjectif)

§ Soit la phrase intégrant une sous-phrase connective : Quand il pleut, je sors mon parapluie.

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


269

il

Noyau (pronom)

Dét. (Ø) pleut

Noyau (verbe)

Sous-phrase (GP1’)

C É

P S

Noyau (GDPron.)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-subordinateur-enchâsseur (connecteur enchâssant Quand) + sous-phrase (GP1’) il pleut.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


270

Sarah

Dét. (Ø) est

Noyau (adverbe) si

Noyau (verbe)

Dét. (GDAdv.)

Prédicat (GDV)

C É

Phrase (GP1)

P S

Noyau (GDN)

Noyau (adjectif) intelligente Dét. (∆)

Dét. (GDAdj.)

Soit la phrase intégrant une sous-phrase connective : Sarah est si intelligente qu’elle réussit tout.

Noyau (nom)

§

Dét. (Ø)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


271

elle

Noyau (pronom)

Dét. (Ø) réussit

Noyau (verbe)

tout

Noyau (pronom)

Prédicat (GDV)

C É

Sous-phrase (GP1’)

P S

Noyau (GDPron.)

Dét. (GDPron.)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-enchâsseur (connecteur enchâssant que) + sous-phrase (GP1’) elle réussit tout.

Dét. (Ø)

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


272

Pierre

Noyau (nom)

§

Dét. (Ø) aime

Noyau (verbe)

Noyau (adverbe) plus Dét. (∆)

Dét. Q. (adjectif) la

musique

Dét. (GDN)

Noyau (nom)

Dét. (Ø)

Dét. (GDAdv.) Dét. Noyau (GDAdv.) (adverbe) bien

Prédicat (GDV)

C É

Phrase (GP1)

P S

Noyau (GDN)

Soit la phrase intégrant une sous-phrase connective : Pierre aime bien plus la musique que Sarah le cinéma.

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


273

Sarah

Noyau (nom)

Dét. (Ø)

Noyau (Ø)

Sous-phrase (GP1’)

le

cinéma

Dét. (GDN)

Dét. Q. (adjectif)

Prédicat (GDV)

Noyau (nom)

C É

P S

Noyau (GDN)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-enchâsseur (connecteur enchâssant que) + sous-phrase (GP1’) Sarah le cinéma.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


167

274

Noyau (pronom) Il

Dét. (Ø)

Noyau (Adv.) plus Dét. (Ø)

Dét. (GDAdv.)

Noyau (verbe) grossit

C É

P S

Noyau (GDPron.)

Dét. (∆)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

Soit la phrase intégrant une sous-phrase adverbiale corrélative167 : Plus il mange, plus il grossit. Phrase (GP1)

Les sous-phrases adjectivales se laissent décrire de la même manière, si ce n’est que le connecteur adjectival sera déterminant de son noyau (Tel père, tel fils).

§

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


275

Il

Noyau (pronom)

Dét. (Ø)

Noyau (adverbe) plus

Dét. (Ø)

Dét. (GDAdv.)

mange

Noyau (verbe)

Sous-Phrase (GP1’)

C É

P S

Noyau (GDPron.)

Prédicat (GDV)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-foncteur (connecteur adverbial plus) + sous-phrase (GP1’) Plus il mange.

Dét. (Ø)

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Cas limites entre enchâssement et intégration non enchâssée dans la phrase matrice : § Soit une sous-phrase connective comparative (déterminant du noyau adverbial) sans verbe conjugué à un mode personnel (GP2) : Plus bruyant168 que convivial, ce quartier…

P2 (GDAdj.)

IM EN

Fonction (GDN)

Noyau (nom)

Dét. Q.-Ca. (adjectif)

quartier

ce

Dét. (Ø)

Noyau (adjectif)

ÉC

bruyant

SP

Dét. (GDAdv.)

Noyau (Adv.)

Dét. (∆)

plus

168

On pourrait considérer que les P2 (ici, bruyant) sur le noyau de la phrase ont d’abord été des GP2 à noyau non saturé (parce qu’identique au noyau de phrase) en fonction de déterminants de la relation prédicative ; ils auraient ensuite glissé vers la position fonctionnelle de P2 du noyau de la phrase.

276


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-enchâsseur (connecteur enchâssant que) + sous-phrase connective avec GP2 à noyau non saturé et sans verbe conjugué à un mode personnel bruyant.

Noyau (Ø)

IM EN

Sous-phrase (GP2)

P2 (GDAdj.)

Noyau

Dét.

(Adj.)

(Ø)

ÉC

convivial

SP

Le cas limite provient ici, comme dans les cas suivants, de ce que l’on aurait affaire à un enchâsseur qui introduirait un GP2, soit une séquence dans laquelle le noyau du groupe prenant en charge le P2 n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel. Dès lors, la question de l’enchâssement effectif se pose, même si le connecteur utilisé correspond bien à un terme habituellement d’emploi enchâsseur.

277


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ Soit une sous-phrase connective sans verbe conjugué à un mode personnel (GP2) : Bien qu’énervée, Sarah reste. Phrase (GP1)

Noyau (nom) Sarah

Prédicat (GDV)

IM EN

Noyau (GDN)

Dét. (Ø)

Noyau (verbe)

Dét. (Ø)

reste

Dét. (∆)

SP

ÉC

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-subordinateur-enchâsseur (connecteur enchâssant bien que) + sous-phrase avec GP2 à noyau non saturé et dans lequel le noyau du groupe prenant en charge le P2 n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel (le participe énervée). Sous-phrase (GP2)

Noyau (Ø)

P2 (GDAdj.)

Noyau (verbe/Adj.) énervée

278

Dét. (Ø)


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

§

Soit une sous-phrase pronominale constituée d’un GP2 dans lequel le noyau du groupe prenant en charge le P2 n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel : … des avantages dont profiter … Fonction

IM EN

(GDN)

Noyau (GDN’)

Dét. Q. (adjectif) des

Noyau (nom) avantages

Dét. (∆)

ÉC

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆= ligateur-subordinateur-enchâsseur-foncteur-représentant (connecteur pronominal dont) + sous-phrase avec GP2 dans lequel le noyau du groupe prenant en charge le P2 n’est pas un verbe conjugué à un mode personnel (l’infinitif profiter).

SP

Sous-phrase (GP2)

Noyau (Ø)

P2 (GDV)

Noyau (verbe)

Dét. (GDPron.)

profiter

Noyau (pronom) dont 279

Dét. (Ø)


280

169

C É

es

Noyau (verbe)

Dét. (∆)

P S

Dét. (Ø)

Noyau (nom) homme

Dét. Q. (adjectif) .ant un Dét. Ca. (adjectif) .ant mort

Noyau

Dét. (GDN)

(GDN’)

Prédicat (GDV)

Une autre lecture pourrait en faire une juxtaposition coordonnante. On peut imaginer que l’intonation et la mélodie de la phrase à l’oral permettraient de désambigüiser la séquence.

Tu

Noyau (pronom)

Noyau (GDPron.)

(GP1)

§ Soit la phrase complexe : Tu fais un pas, tu es un homme mort.169 Phrase

2.5.2.3.2 La juxtaposition enchâssante

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Noyau (pronom) tu

Dét. (Ø)

281

fais

Noyau (verbe)

Dét. Q. (adjectif) un

pas

Dét. (GDN)

Noyau (nom)

Prédicat (GDV)

C É

Sous-Phrase (GP1’)

P S

Noyau (GDPron.)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-subordinateur-enchâsseur Ø + sous-phrase (GP1’) : tu fais un pas

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


L’énoncé à énonciation complexe : l’interrogation indirecte et le discours re-produit

282

170

Dét. (Ø) demande

Noyau (verbe)

Prédicat (GDV)

Dét. (∆)

Les sous-phrases adjectivales et pronominales se laissent décrire de la même manière, si ce n’est que le connecteur adjectival sera déterminant de son noyau (Je me demande quelle heure il est) et que le connecteur pronominal exercera une autre fonction dans la sous-phrase (Je me demande qui vient).

Je

Noyau (pronom)

P S

Noyau (GDPron.)

Phrase (GP1)

§ Soit la phrase intégrant une sous-phrase adverbiale170 d’interrogation indirecte : Je demande combien tu mesures.

C É

Dans le cas d’une complexité de l’énonciation, il s’agit, comme dans le cas de la complexité d’énoncé, d’analyser premièrement la structure matrice, puis dans un second temps, d’analyser la structure intégrée.

2.5.2.4

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


283

tu

Noyau (pronom)

Dét. (Ø) mesures

Noyau (verbe)

Noyau (adverbe) combien

Dét. (GDAdv.)

Prédicat (GDV)

C É

Sous-phrase (GP1’)

P S

Noyau (GDPron.)

Dét. (Ø)

Dét. (Ø)

Dans un deuxième temps, l’analyse du ∆ donne : ∆ = ligateur-foncteur (connecteur adverbial combien) + sous-phrase (GP1’) tu mesures.

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


§

284

Il

Noyau (pronom)

Dét. (Ø)

Phrase (GP1)

dit

Noyau (verbe)

C É

P S

Noyau (GDPron.)

Prédicat (GDV)

Dét. (Θ)

Soit la phrase intégrant un discours re-produit : Il dit : « Je pars. Je rentre demain. »

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

Dans un deuxième temps, l’analyse du Θ donne : Θ = [« Phrase 1. Phrase 2 »]

Noyau (GDPron.)

Noyau (pronom) Je

IM EN

Phrase 1 (GP1)

Prédicat (GDV)

Dét. (Ø)

Noyau (verbe)

Dét. (Ø)

pars

ÉC

Phrase 2 (GP1)

SP

Noyau (GDPron.)

Noyau (pronom) Je

Dét. (Ø)

Prédicat (GDV)

Noyau (verbe) rentre

Dét. (Ø) Dét. (GDAdv.)

Noyau (adverbe) demain 285

Dét. (Ø)


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ Soit les phrases de discours direct à prédication impliquée, qui, à l’écrit, correspondent à des discours re-produits : 1. « Aïe » 2. « Qu’il vienne » 3. « Haut les mains »

IM EN

Phrase (Θ)

Dans un deuxième temps, l’analyse du Θ montre des structures intégratives différentes en position de phrase. Il faut ensuite analyser ces structures. 1. « Aïe » : Θ = GP1 à prédication impliquée (interjection en position de phrase)

SP

ÉC

Phrase (Interjection/GP1) Aïe

286


287

il

Noyau (pronom)

P S

Noyau (GDPron.)

Dét. (Ø) vienne

Noyau (verbe)

Phrase (GP1’/GP1)

C É

Prédicat (GDV)

∆ = ligateur-enchâsseur (connecteur enchâssant que) + sous-phrase (GP1’) il vienne.

2. « Qu’il vienne » : Θ = ∆, sous-phrase connective en position de phrase.

Dét. (Ø)

N E M I Module 2 : l’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé


Dét. Q. (adjectif)

les

Noyau (nom)

mains

288

Haut

Noyau (Adj./Adv.)

Phrase (GP2/GP1)

C É

P S

Noyau (GDN)

3. « Haut les mains » : Θ = GP2 en position de phrase

P2 (GDAdv.)

Dét. (Ø)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


IM EN MODULE 3

3

La conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux171

3.1 DÉFINITION DU VERBE

3.2 LES CATÉGORIES FLEXIONNELLES DU VERBE 3.3 ORGANISATION ET TERMINOLOGIE

3.4 LES DÉSINENCES OU TERMINAISONS 3.5 LE MODE ET LA MODALITÉ

ÉC

3.5.1 La modalité 3.5.2 Le mode

3.6 ORGANISATION DES MODES : L’ANCRAGE OU LE NON-ANCRAGE EN PERSONNE ET EN TEMPS

SP

3.6.1 La personne 3.6.2 Le temps-époque 3.6.3 Le mode non personnel 3.6.4 Modes personnels 3.6.5 Intégration phrastique et modes 3.6.6 Synthèse

3.7 L’ASPECT COMME COMPOSANTE DE LA CARTE D’IDENTITÉ DES FORMES VERBALES 3.7.1 L’aspect suffixal 3.7.2 L’aspect coverbal

3.8 LA CARTE D’IDENTITÉ DES FORMES VERBALES 3.8.1 La carte d’identité des formes verbales traditionnelles 3.8.2 La carte d’identité des formes verbales moins conventionnelles

171

Le terme temps étant ambigu et polyvalent, nous utilisons plutôt le terme tiroir, bien connu des linguistes, pour désigner les formes verbales : le mode serait dès lors comme une commode à tiroirs. Le nom d’une forme verbale se composera de l’indication du mode + l’indication du tiroir.


3.9 SYNTHÈSE DE LA CONJUGAISON 3.10 LIGNE DU TEMPS : MISE EN PARALLÈLE L’INDICATIF (FORMES SIMPLES)

DES SOUS-SYSTÈMES

1

ET

2

DE

3.11 QUELQUES VALEURS D’EMPLOI DES TIROIRS DE L’INDICATIF

SP

ÉC

3.12 CAS D’ÉVOLUTION

IM EN

3.11.1 Les formes verbales simples de l’indicatif 3.11.2 Les formes verbales composées de l’indicatif 3.11.3 La concurrence des tiroirs du passé


3.1

Définition du verbe

La conjugaison est le mode de flexion propre au verbe ; il convient de rappeler la définition de celui-ci.

IM EN

Le verbe est un mot dont le mode d’accès à l’extension est indirect, dont la définition est de type notionnel, de fonctionnement prototypiquement prédicatif, pourvu des marques de la conjugaison.

§ Accès indirect à l’extension Le verbe est un mot qui renvoie de manière indirecte à son extension, puisqu’il ne peut y accéder que par l’intermédiaire d’un support noyau de phrase. Ex. : * Se lave / Aline se lave.

ÉC

§ Définition de type notionnel La définition d’un verbe est généralement composée des éléments de sens qui le constituent. Ex. : Se laver : Se débarrasser de la saleté qu’on a sur soi au moyen d’un liquide (et d’un produit nettoyant) (TLFi).

SP

§ Fonctionnement prototypiquement prédicatif172 Dans une phrase, le verbe est en général le noyau du prédicat, c’est-àdire l’élément central de l’information qu’on donne (ce qu’on affirme ou nie) à propos du noyau de phrase. Ex. : Aline se lave à On parle d’Aline et on dit d’elle qu’elle se lave. § Pourvu des marques de la conjugaison Comme chaque mot (à l’exception de l’adverbe, du connecteur et de l’interjection), le verbe est pourvu de marques spécifiques dépendant des catégories flexionnelles qui lui sont propres. En l’occurrence, le verbe varie en mode, en temps, en aspect, en personne, en nombre et parfois en genre. Cependant, à chacune de ces catégories ne correspond pas 172

Hormis dans certains emplois adjectivaux (du participe) et nominaux (de l’infinitif), les emplois du verbe sont caractérisés par un mécanisme de type prédicatif.

291


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

nécessairement de façon univoque une marque spécifique, et vice versa. C’est-à-dire qu’il arrive souvent qu’une désinence ne soit pas sécable en éléments correspondant chacun et de façon systématique à une catégorie. Ex. : Aline se lave (-e = indic. présent intérieur 3e pers. singulier). Aline se laverait (-r = indic. futur extérieur + -ait = passé 2, 3e pers. sing. → indicatif futur 2, 3e pers. sing.)

Les catégories flexionnelles du verbe

IM EN

3.2

SP

ÉC

Chaque classe de mots est susceptible ou non de flexion (de variation morphologique liée au genre, au nombre, à la personne, au temps, …). Les catégories flexionnelles jointes du genre et du nombre, par exemple, touchent le nom, l’adjectif et le pronom. Pour le verbe, les catégories sont nombreuses (mode, temps, aspect, personne, nombre, auxquels s’ajoute le genre pour le participe 2173), mais seulement trois sont spécifiques, inhérentes, au verbe : le mode, le temps et l’aspect. Ces traits morphologiques constituent les marques propres à la conjugaison. Quant aux autres catégories (personne, nombre et genre), elles ne sont pas propres au verbe, mais sont néanmoins prévues dans les tableaux de conjugaison. En effet, un verbe conjugué ne s’emploie jamais seul ; en tant que noyau du GDV de fonction prédicat, il doit être rapporté à un support : le noyau de phrase. Celui-ci est prototypiquement exprimé par un groupe déterminatif nominal, dont le noyau est pourvu des catégories flexionnelles de genre et de nombre. De plus, ce GDN est pourvu de la catégorie de la personne, qu’il retire de son noyau. Par défaut, tous les noms, hors situation directe d’interlocution, sont de la troisième personne. Ainsi, le verbe récupère-t-il la personne grammaticale et le nombre du noyau du groupe déterminatif nominal. En français, l’accord du verbe avec le noyau de phrase (noyau de GP1) ne retient pas la catégorie du genre, sauf pour l’accord du participe 2. Le phénomène est donc double : § flexion inhérente (par contextualisation ou expression du point de vue de l’énonciateur) en mode, temps et aspect, d’une part, § flexion adhérente (accord par cohésion avec le noyau de phrase) en personne, en nombre (et, pour le participe, accord en genre et en nombre avec son support, qui n’est pas forcément le noyau de la phrase), d’autre part.

173

Le participe 2 (ancien « participe passé »), tout comme le participe 1 (ancien « participe présent ») en emploi adjectival, sont des formes dites « adjectivales » du verbe. Ils s’accordent tel un adjectif avec le mot auquel ils se rapportent, en fonction des catégories flexionnelles qu’ils partagent (genre et nombre).

292


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

Ex. : Demain, les hommes exploreront les autres galaxies.

3.3

IM EN

Demain → l’énonciateur ancre le procès dans le futur, ce qui demande le mode indicatif, le temps futur et un aspect extérieur les hommes → 3e personne, pluriel (le genre masculin n’intervient pas ici)

Organisation et terminologie

ÉC

Le paradigme verbal traditionnel est organisé § Verticalement : la répartition des formes se fait par blocs (les modes) et sous-blocs (les tiroirs). § Horizontalement : l’organisation horizontale correspond aux structures composées, c’est-à-dire les formes constituées d’un auxiliaire et d’un participe. Ces formes signifient l’antériorité par rapport à la forme simple correspondante. Par la production d’un énoncé comprenant un verbe à une forme composée, on indique que l’on se trouve dans la phase (juste) postérieure au procès, si celui-ci avait été conjugué au temps simple correspondant. Pour marquer une antériorité par rapport à un tiroir composé, le français dispose également de formes surcomposées, souvent oubliées, mais qui existent néanmoins bel et bien dans le système (Quand il a eu fini de manger, il est parti). Il importe donc d’en rendre compte, d’autant que l’organisation systématique de la conjugaison en sort renforcée.

SP

Alors que le vocabulaire français limite à présent, passé et futur les vocables disponibles pour désigner le temps absolu174, les étiquettes des tiroirs verbaux mélangent des termes de temps avec des termes d’aspect (imparfait, plus-que-parfait), de modalité (conditionnel encore souvent préféré à futur du passé), d’inspiration chronologique (le temps relatif d’antérieur), ou morphologique (simple, composé). Par ailleurs, pour les tiroirs composés, il y a plusieurs termes en concurrence pour dire les mêmes choses : passé, plus-que, composé et antérieur disent tous l’antériorité par rapport à la forme simple correspondante et sont marqués

174

Le temps absolu est, en réalité, situé par rapport au repère d’actualité (Moi-IciMaintenant). Nous parlerons de temps relatif lorsque l’on considèrera les rapports d’antériorité, de simultanéité ou de postériorité par rapport à d’autres procès envisagés.

293


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

MODE

TIROIR

Infinitif177

IM EN

par une composition de forme (auxiliaire au tiroir simple correspondant + participe passé).175 On notera également que, si l’indicatif est le seul mode à ancrer les procès par rapport à un repère temporel, et donc à exprimer le temps d’époque (voir ci-après), il est dès lors bizarre de continuer à étiqueter les tiroirs de l’infinitif, du participe et du subjonctif à l’aide de vocables qui disent le temps. Conscients de ces problèmes, certains grammairiens ont proposé une terminologie différente176. Toutes les formes seront identifiées par leurs caractéristiques de temps ainsi que par leur composition morphologique (simple (non précisé par défaut), composée ou surcomposée). 10 FORMES

10 FORMES COMPOSÉES

SIMPLES

9 FORMES SURCOMPOSÉES

marcher

avoir marché

avoir eu marché

1

marchant

ayant marché

ayant eu marché

2

marché

eu marché

1

marche

aie marché

aie eu marché

2

marchasse

eusse marché

eusse eu marché

présent marche

ai marché

ai eu marché

passé 1 marchai

eus marché

eus eu marché

Indicatif passé 2 marchais

avais marché

avais eu marché

futur 1

marcherai

aurai marché

aurai eu marché

futur 2

marcherais

aurais marché

aurais eu marché

Participe

SP

ÉC

Subjonctif

175

176 177

/

Outre cet aspect multiréférentiel, un autre cas posait problème : ledit ‘passé composé’ est en fait, morphologiquement parlant, un présent composé. En effet, il est construit avec l’auxiliaire conjugué à l’indicatif présent. Le problème, c’est qu’il a un sens de passé. La tradition avait choisi le facteur sémantique plutôt que le facteur morphologique pour cette forme. Nous reprenons ici la terminologie proposée par Marc Wilmet (2010). Le mode infinitif ne disposant que d’un seul tiroir simple, le nom du mode et de son tiroir se confondent ici.

294


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.4

Les désinences ou terminaisons

SP

ÉC

IM EN

Les formes verbales sont composées d’un radical et d’une désinence (morphème grammatical de conjugaison). Cette désinence inclut la marque caractéristique du tiroir verbal, s’il en existe (par exemple, pour le français, la caractéristique -r- du futur), ainsi que la terminaison (la marque morphologique de l’ensemble des catégories flexionnelles d’une forme verbale). Les désinences conduisent à la discrimination en mode, tiroirs-temps et aspect, personne et nombre (en genre pour le seul participe). Ex. : la caractéristique -r- du futur, la désinence ai(s/t/ent) du passé 2 intérieur (ancien imparfait), la terminaison -s de la 2e personne, … Si l’on en juge par la régularité des désinences du présent, en français, le nombre des conjugaisons pourrait être ramené à deux groupes : celui des verbes en -er, et celui des verbes en -ir et -oir/-re, répartis selon les désinences des trois personnes du singulier du présent de l’indicatif : -e, -es, -e vs -s, -s, -t : chante, chantes, chante, vs finis, finis, finit / sors, sors, sort / crois, crois, croit. Les nouveaux verbes du français (zapper, downloader, liker, …) sont aujourd’hui pour la plupart créés dans le premier groupe, de loin le plus nombreux (90 %) et le plus régulier. Les difficultés tiennent essentiellement à la connaissance du radical du verbe. En effet, si quasiment tous les verbes en -er et la majorité des verbes en -oir/-re n’ont qu’un radical auquel se joint la désinence, d’autres verbes ont un radical à deux, voire trois bases (finis, finissons ; dors, dormons, dormirai). Peu nombreux sont, en fait, ceux qui, comme aller et être, multiplient les radicaux. Une fois maitrisés les radicaux, les désinences et le paradigme des auxiliaires, la conjugaison s’avère moins compliquée qu’il n’y parait178. On forme un tiroir simple en prenant le radical179 auquel on joint la désinence appropriée de mode, de temps, de personne et de nombre. Ex. : chanter au présent 1re pers. singulier à chant- + e à je chante chanter au futur 1 1re pers. singulier à chant- + -e- r + ai à je chanterai

178

179

On a beaucoup (mé)dit sur la difficulté légendaire de la conjugaison française, tableau ordonné de toutes les formes du verbe français. Les fréquents exercices scolaires de conjugaison et les punitions consistant à recopier des paradigmes entiers ne sont pas étrangers à cette réputation peu flatteuse. Or, si l’on compare le système français au système latin, on est cependant frappé par la régularité de l’ensemble. Le mode de détermination du radical peut varier selon les auteurs : « infinitif sans -er, -ir, -oir ou -re » ; « indicatif présent, 1re personne du pluriel sans -ons ». Cette difficulté augmente du fait de l’existence, pour certains verbes, de plusieurs radicaux (voir ci-dessus).

295


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Tableau de formation régulière des formes verbales simples Singulier Infinitif

Pluriel

1re pers. 2e pers. 3e pers. 1re pers. 2e pers. 3e pers.

Présent

180

Passé 1

-er

e

autres

s

-er

ai is

autres us

IM EN

Indicatif

Passé 2

tous

ais

Futur 1

tous

r-ai

Futur 2

tous

r-ais

ons

ez

ent

s

t (ou d)

ons

ez

ent

as

a

âmes

âtes

èrent

is

it

îmes

îtes

irent

us

ut

ûmes

ûtes

urent

ais

ait

ions

iez

aient

r-as

r-a

r-ons

r-ez

r-ont

r-ais

r-ait

r-ions

r-iez

r-aient

SP

ÉC

182

181

e

e(s)

180

181

182

Seuls dérogent en fait à ces paradigmes de désinences les verbes avoir (ai, as, a, ont), être (sommes, êtes, sont) aller (vais, vas, va, vont), pouvoir, valoir et vouloir (peux, vaux, veux) et (con)vaincre (il (con)vainc). Au présent de l’indicatif de modalité injonctive (ancien impératif), la deuxième personne du singulier se déleste du -s final. Cependant, le Conseil de la langue française et de la politique linguistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles envisage actuellement de proposer une uniformisation de ces formes. La tendance irait à la réintégration du -s, omis à la suite d’un accident historique d’harmonisation du paradigme de la deuxième personne. Aux futurs 1 et 2, il peut y avoir besoin d’une voyelle d’appui (e ou i) entre le radical et la caractéristique du temps (-r-).

296


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

Singulier Infinitif

1re pers.

2e pers.

Pluriel 3e pers.

1re pers.

2e pers.

3e pers.

Subjonctif 1 tous -er Subjonctif 2

autres

Participe Participe 1

e

es

e

ions

iez

ent

asse

asses

ât

assions

assiez

assent

isse

isses

ît

issions

issiez

issent

usse

usses

ût

ussions

ussiez

ussent

tous

ant

-er

é - (e)(s)

autres

i, u, s, t - (e)(s)

SP

ÉC

Participe 2

IM EN

Subjonctif

297


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

3.5

Le mode et la modalité

Il ne faut pas confondre le mode et la modalité.

La modalité

SP

ÉC

IM EN

La modalité trouve son origine dans la logique modale d’Aristote, où elle concerne les valeurs de vérité de la proposition. En grammaire, un glissement de point de vue s’est opéré de la proposition vers l’énonciateur. La modalité y témoigne de la manière dont l’énonciateur envisage son énoncé du point de vue des conditions de vérité de celui-ci. Elle trouve à s’exprimer par une série de moyens variés qui n’ont pas tous un rapport avec le verbe : § Les modalités énonciatives, qui indiquent si l’énonciateur o assume les conditions de vérité de son énoncé (assertion : Pierre vient) ; o s’en remet à son interlocuteur pour qu’il l’assiste (interrogation : Pierre vient-il ?) ; o demande à son interlocuteur de faire en sorte que ces conditions de vérité soient rencontrées (injonction : Sors !). § Les modalités expressives, qui indiquent la disposition de l’énonciateur à l’égard de son énoncé (doute, regret, certitude, hypothèse, …). § Les adverbes modaux, qui signifient le degré de probabilité envisagé (probablement, sans doute, …) ; ou encore des incises du type n’est-ce pas ?, pas vrai ? § Au niveau verbal, les coverbes peuvent donner une indication semblable à celle prêtée habituellement à la notion de mode. Ainsi, devoir, pouvoir, vouloir, falloir indiquent des degrés de plus ou moins grande nécessité de la proposition ; on les appelle parfois auxiliaires de mode. Cependant, ils ne sont pas indispensables et donc ne peuvent aider à définir le mode ; ils relèvent de la modalité. Restent en fait, pour l’expression de la modalité par le verbe, les deux valeurs que sont la personne et le temps. § La personne grammaticale, située par rapport à l’énonciateur, peut, en effet, influer sur les conditions de vérité de l’énoncé : Je pense apparait plus certain que Tu penses, et ces deux personnes (présentes en interlocution) confèrent plus de certitude que le il (absent) de Il pense.

298


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

§ Le temps exprimé par le verbe, et l’époque à laquelle il renvoie, donne également des indications : on a plus de certitude du présent (que l’on expérimente en direct) et du passé (déjà consigné) que du futur (par définition incertain).

Le mode

Indicatif Subjonctif Participe Infinitif

= = = =

Impératif = Conditionnel =

IM EN

Traditionnellement, les guides de conjugaison considéraient six modes, à chacun desquels ils attribuaient une modalité expressive ou énonciative, qui en serait définitoire. Mode du réel Mode du doute Mode de ? Mode de ?

Mode de l’injonction Mode de la condition

SP

ÉC

Le système apparait déjà bancal : deux modes ne sont pas définis par des modalités énonciatives ou expressives. Si, méthodologiquement, on aurait pu accepter qu’un mode soit dépourvu de modalité (ce qui reviendrait à une modalité Ø, par rapport aux autres modes pourvus), le fait que deux modes en soient dépourvus ruine le système de différenciation des modes par ce type de modalités. De plus, au niveau des modalités énonciatives et expressives, § l’indicatif n’exprime pas toujours le réel (Ex. : le futur n’a rien de réel et de certain « Peut-être que j’irai à l’école demain »). § le subjonctif peut poser un fait réel (Ex. : « Je regrette que tu sois venu », « Bien que tu sois beau, tu n’es pas agréable »). § l’impératif exprime effectivement un ordre, mais il n’est pas le seul (Ex. : « Tu fermeras la porte ! », « Ne pas fumer », …). § le conditionnel n’exprime pas toujours la condition (Ex. : formes atténuées, dites de politesse : « Je voudrais que… », « Pourriez-vous… » ; le futur du passé : « Il a dit qu’il viendrait »). De plus, d’autres tournures peuvent exprimer la condition (Ex. : « Si tu viens, je partirai », « Tu fais un pas, et tu es un homme mort »). Mais surtout, la condition n’est elle-

299


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

même pas au conditionnel, elle est à l’imparfait183 ; c’est la conséquence qui est au conditionnel (« S’il pleuvait, je ne sortirais pas »).

IM EN

La modalité principale d’expression n’est dès lors pas un critère de définition valide ou pertinent, mais un des effets de sens possibles du mode. Pour qu’il y ait mode, il faut également (et surtout) qu’il y ait un paradigme cohérent de formes. Cette définition aboutit à la suppression de l’impératif et du conditionnel comme modes à part entière. En effet, au niveau du paradigme des formes, § Celui de l’impératif184 emprunte ses formes soit à l’indicatif (pour la majorité des verbes : Allons ! Pars !, …), soit au subjonctif 1 pour certains d’entre eux, considérés au départ comme peu susceptibles d’emplois en injonction (être, avoir185 : sois, soyons, soyez, …), soit aux deux (par exemple, savoir ou vouloir : sache, sachons, sachez ; veuille, veuillons, veuillez186 ;

Ou parfois, selon l’usage ancien, et donc teinté d’archaïsme, au subjonctif 2 composé (anciennement plus-que-parfait), appelé erronément « conditionnel passé 2e forme ». Par exemple : S’il eût su, il n’eût point agi de la sorte. L’impératif traditionnel contient tout au plus une seule forme propre sur les trois qui le constituent : l’impératif étant défectif, il ne se conjugue qu’aux première et deuxième personnes du pluriel et à la deuxième personne du singulier. C’est cette dernière personne qui retient l’attention, pour ce qui est des verbes du premier groupe en -er et de certains autres comme offrir, cueillir. Ces verbes ne prennent pas la désinence requise (-s) : l’impératif de marche, offre, cueille s’oppose à l’indicatif de marches, offres, cueilles (où ce -s ne se prononce pourtant guère en liaison). Le rejet du mode impératif a déjà été prôné au XVIIIe siècle par les grammairiens Girard et Beauzée. Plus tard, Gustave Guillaume y verra moins un mode du système de la langue qu’un mode de discours, une exploitation discursive du système de la langue. Enfin, l’absence du -s n’est vraiment une règle qu’à partir du XVIIe siècle, notamment avec Vaugelas (1647). On trouve au XVIe aimes et tiens ; et, au XVIIe, dans Phèdre, Racine fait encore rimer revien avec entretien. L’usage est longtemps mal établi, et l’opposition sentie comme artificielle. Par ailleurs, le -s se retrouve prononcé à l’impératif dans des formes comme vas-y et donnes-en. Pour le verbe pouvoir, point d’impératif. On trouve, tout au plus, des formules au subjonctif à valeur optative avec un noyau de phrase exprimé et inversé : Puisse le ciel exaucer tes vœux ; Puisses-tu réussir. Le verbe vouloir est particulier. On ne trouve les formes veux, voulons, voulez que dans le cadre de l’expression en vouloir à quelqu’un (Ne m’en veux pas, Ne nous en voulons pas, Ne nous en voulez pas). Sinon, les formes requises combinent effectivement un radical du subjonctif veuill- (même pour les deux premières personnes du pluriel pour lesquelles ce radical est attesté et apprécié par les écrivains aux XIXe et XXe siècles) à des désinences de l’indicatif.

ÉC

183

SP

184

185

186

300


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

radical du subjonctif et désinence de l’indicatif). On dira de ces formes verbales, sans support-noyau de phrase exprimé, qu’elles sont à l’indicatif ou au subjonctif en modalité injonctive187.

IM EN

§ Celui du conditionnel est exclusivement composé sur la base de désinences (caractéristiques et terminaisons) de l’indicatif. Ex. : Chant-e-r-ais avec -r comme caractéristique du futur (cf. futur 1) et -ais comme terminaison du passé 2 Dans ce cas de figure, les formes dites du conditionnel sont en fait de l’indicatif futur du passé.

ÉC

Par ailleurs l’inscription du nouveau futur du passé dans l’indicatif montre l’économie de ce mode : deux sous-systèmes, avec un présent autour duquel gravitent un passé 1 et un futur 1 ; et un passé 2 autour duquel gravite un futur 2 (du passé). Avec la réintégration du conditionnel/futur 2 dans l’indicatif, la définition de ce dernier selon la modalité énonciative du réel est encore plus difficile à soutenir. La définition du mode par la modalité énonciative ou expressive ne convainc donc pas. Pour définir les modes, nous ne retiendrons que les deux types de modalités qui concernent le verbe, à savoir la personne et le temps.

SP

Le mode est un principe organisateur des formes verbales, autour des modalités particulières de la personne et du temps. Il permet donc d’indiquer le point de vue que l’énonciateur pose sur l’ancrage en personne et en temps du procès que celui-ci décrit. Le mode a une cohérence s’il possède un paradigme de formes propres.

Par ancrage du procès en personne et en temps, nous entendons la situation du procès, telle que présentée par l’énonciateur, par rapport au repère de personne et de temps-époque (ce dernier étant cumulatif et intégrant le moi (personne), ici (lieu) et maintenant (temps-époque) de l’énonciateur). 187

L’absence de noyau de phrase s’explique par la présence nécessaire des personnes interlocutrices (le je, le tu, le nous ou le vous) dans le contexte. On remarquera que pour une modalité injonctive à la troisième personne, dite « personne absente », on restitue la personne au mode subjonctif (« Qu’il sorte ! »).

301


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

3.6

Organisation des modes : l’ancrage ou le non-ancrage en personne et en temps

La personne

IM EN

Le mode est dès lors caractérisé par § la personne : le procès exprimé à tel mode est-il ancré par rapport au repère personne ? § le temps : le procès exprimé à tel mode est-il ancré par rapport au repère temps-époque ?

À l’infinitif et au participe, les formes verbales ne varient pas en fonction de la personne grammaticale parce qu’elles ne sont pas ancrées par rapport au repère Personne. On parle de modes non personnels. Mode non personnel

Ø marché

Ø marchant

Ø marcher

ÉC

Au subjonctif et à l’indicatif, vu leur ancrage par rapport au repère Personne, les formes verbales sont dotées d’une personne grammaticale empruntée au noyau de phrase, personne dont la marque est incluse dans la désinence verbale. On parle de modes personnels. Indicatif Je marche

SP

Subjonctif Elle souhaite que je marche

Le temps-époque

Le verbe est un mot qui exprime un procès. Il est possible d’ancrer (ou non) ce procès par rapport à un repère d’actualité A (« Moi-IciMaintenant, je pense et je dis qu’il est vrai que… »), fixé par l’énonciateur et qui découpe sur la ligne du temps les trois zones de présent, passé et futur. À l’infinitif, au participe et au subjonctif, les procès ne sont pas ancrés par rapport au repère d’actualité, qui discrimine les époques (passé-présent-futur). Ils expriment néanmoins un temps relatif, puisqu’ils

302


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

IM EN

marquent une relation de simultanéité, d’antériorité ou de postériorité par rapport à un autre procès existant, déjà ancré sur la ligne du temps. Ils se situent dès lors souvent en dépendance par rapport à un procès à l’indicatif. Les procès aux modes infinitif, participe et subjonctif n’expriment donc pas le temps-époque (passé, présent ou futur) par eux-mêmes et ne sont donc pas ancrés directement sur la ligne du temps par rapport au repère A. S’ils sont situables sur la ligne du temps, c’est par rapport à un autre procès, lui-même ancré par rapport à ce repère. Dans les exemples suivants, marcher n’exprime ni le présent ni le passé ni le futur, mais la simultanéité (ou la postériorité évidente) par rapport au verbe de la matrice. Il faut marcher / Il fallait marcher / Il faudra marcher.

De même, dans les exemples suivants, marche n’exprime ni le présent ni le passé ni le futur, mais la simultanéité (ou la postériorité évidente) par rapport au verbe de la matrice.

ÉC

Il faut qu’il marche / Il fallait qu’il marche / Il faudra qu’il marche. À l’indicatif, les procès sont situables immédiatement par rapport à ce repère Moi-Ici-Maintenant. Les procès à l’indicatif expriment donc le temps d’époque (temps absolu : passé, présent ou futur) et sont ainsi ancrés sur la ligne du temps.

SP

Dans les exemples suivants, marche, marchai et marcherai expriment respectivement le présent, le passé et le futur. Je marche / Je marchai / Je marcherai

Tableau de synthèse des modes

Infinitif / Participe Subjonctif Indicatif

Caractéristiques du mode Personne Temps Ø Ø 1 Ø 1 1 303


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Il y a 3 modes :

- 1 mode non personnel – non temporel

IM EN

à Infinitif & Participe - 1 mode personnel – non temporel à Subjonctif

- 1 mode personnel – temporel à Indicatif

L’infinitif/participe

ÉC

Ce mode reprend un paradigme de formes verbales qui n’expriment pas le temps-époque et ne varient pas en personne ; il n’y a donc aucune possibilité d’ancrage sur la ligne du temps par rapport au repère A188 (formes simples : Infinitif ; Participes 1 et 2). Le subjonctif

Ce mode reprend un paradigme de formes qui varient en personne mais qui n’expriment pas le temps-époque (formes simples : Subjonctifs 1 et 2).

SP

L’indicatif

Ce mode reprend un paradigme de formes qui varient en personne et qui expriment le temps-époque (formes simples : Présent, Passés 1 et 2, Futurs 1 et 2).

188

L’absence d’ancrage en personne et en temps-époque laisse un ancrage minimal du procès dans l’espace, ancrage que l’on envisage d’autant plus aisément que ces formes d’infinitif et de participe sont dites respectivement « formes nominales et adjectivales du verbe ». Or ces deux classes (nom et adjectif) sont elles-mêmes plutôt reversées à l’univers-espace qu’à l’univers-temps.

304


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

Le mode non personnel On considère généralement que l’infinitif et le participe peuvent se comporter à la manière d’un nom pour le premier, ou d’un adjectif pour le second. INFINITIF PARTICIPE (quasi) nominal du verbe

adjectival du verbe

IM EN

Emploi

Le coucher du soleil // La chaleur du soleil

Le soleil est couché // Le soleil est lumineux

Partir précipitamment ne t’empêchera pas d’arriver en retard // Un départ précipité ne t’empêchera pas d’arriver en retard L’enfant attend de se coucher // il attend la nuit189

Le soleil couchant

ÉC

// Le soleil lumineux

3.6.3.1

L’infinitif

3.6.3.1.1 L’emploi verbal

SP

L’infinitif ne marque donc pas le temps-époque. Ses emplois verbaux comme noyau de prédicat sont assez limités. On dénombre § le cas des infinitifs dits « de narration » (Ainsi dit le Renard, et [flatteurs d’applaudir]). § les injonctions (Ne pas fumer ; Ne pas oublier ses affaires), § les interrogations (Pourquoi partir ?), § les exclamations (Ah, partir !), En fait, dans ces différents cas, on a affaire à des groupes prédicatifs seconds en position/fonction de phrase. Dans le premier cas, le noyau du GP2 est exprimé (flatteurs) ; dans les autres cas, la position de noyau de GP2 n’est pas saturée (parce que le noyau est indéterminé ou général, ou

189

Dans ces deux derniers cas, nous avons en fait affaire à deux GP2 sans noyau exprimé.

305


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

encore restituable par le contexte) ; dans tous les cas, l’infinitif est susceptible d’avoir des déterminants du verbe.

3.6.3.1.2 L’emploi nominal

3.6.3.1.3 L’emploi (quasi) nominal

EN

L’infinitif passe pour être la forme nominale du verbe, avec des emplois d’ordinaire réservés au nom. Dans l’histoire du français, l’infinitif, comme le participe, était souvent substantivé : l’adjonction de l’« article » en faisait un nom à part entière (le veoir, parfois suivi d’un complément d’objet). Ce phénomène, aujourd’hui limité, a donné lieu à des formes nominales qui ont supplanté les anciens substantifs (on dit le rire, et non plus le ris).

ÉC IM

Les autres emplois, qu’on pourrait dire « quasi nominaux », de l’infinitif (sans déterminant quantifiant) n’altèrent en rien l’accès indirect à l’extension du verbe. On remarque que le support du verbe à l’infinitif n’est pas présent matériellement (parce qu’indéterminé, général ou restituable par le contexte), mais cette position non saturée sert néanmoins d’appui au verbe. On est en fait, dans ces cas, en présence d’un groupe prédicatif second (GP2), avec l’infinitif comme noyau du GDV, prédicat second d’un noyau non saturé. L’infinitif y fonctionne, en fait, comme un verbe, et c’est le GP2 dans son ensemble qui a un emploi nominal. Ex. : Se nourrir est vital.

SP

Dès lors qu’il est employé comme le serait un nom, le GP2 à noyau Ø peut occuper les mêmes fonctions que les groupes déterminatifs nominaux : noyau de phrase (Partir équivaudrait à renoncer), déterminant du verbe (direct : Pierre veut partir ; indirect190 : Pierre s’efforce de partir ; déterminant du verbe en emploi copule : Partir, c’est renoncer), déterminant du connecteur subordonnant au sein d’un GDC déterminant du nom (brosse à reluire, où à reluire équivaut à un adjectif), de l’adjectif (belle à mourir), de l’adverbe (loin de regretter), ou encore de relation (Pierre ferait tout pour plaire à Sarah).

190

Certains verbes construisent leur déterminant direct à l’infinitif à l’aide d’un connecteur subordonnant (J’apprécie de marcher dans les bois ; Je cherche à partir). Cela a fait douter du caractère direct du déterminant. Cependant, le connecteur subordonnant pourrait simplement être considéré comme l’indice d’une transposition, du passage de l’infinitif du statut de verbe à celui de nom (J’apprécie la marche en forêt ; Je cherche une échappatoire).

306


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

EN

Dans ces GP2, l’infinitif peut emporter ses apports, considérés généralement comme déterminants du verbe ou d’une relation impliquant le verbe : déterminant (direct ou indirect : Donner le permis à ce chauffard serait criminel ; Profiter de la vie fait du bien), déterminant de relation (Donner le permis à ce chauffard serait criminel)… D’autres GP2, avec position de noyau saturée, peuvent également être employés comme des GDN. C’est le cas des exemples suivants : les déterminants de présentatifs (Voici [venir Pierre]), les anciennes « propositions infinitives » déterminants du verbe (J’entends [les enfants chanter])191. On remarque de la sorte que le GP2 est bien une structure intégrative à prendre en compte entre le GDN et la (sous-)phrase (GP1(’)).

ÉC IM

3.6.3.1.4 Le gérondif

SP

Pour rendre compte de ces emplois nominaux du verbe, le latin disposait d’une forme particulière : le gérondif. Celui-ci se déclinait en cas selon la fonction occupée. Considéré comme une forme nominale du verbe, il avait sa place dans le paradigme de la conjugaison. Le français ne dispose pas d’un tel paradigme. Pour « décliner » l’infinitif, on utilise soit l’infinitif seul, soit un groupe déterminatif connectif, constitué d’un connecteur subordonnant et de son déterminant (un GP2 dont le noyau du GDV prédicat second est un infinitif) : Pierre ferait tout pour plaire à Marie ; l’art d’aimer. Cependant, on trouve également, avec le seul connecteur subordonnant en, une construction en en + participe 1 (en sortant), qui équivaudrait à l’ancien emploi du gérondif à l’ablatif (cas de la circonstance). On a donc appelé « gérondif » cette forme assez particulière. Certains vont même jusqu’à le considérer comme une forme verbale à part entière, voire un mode. En fait, le connecteur subordonnant en, qui introduit le déterminant de relation, est incompatible avec l’infinitif, car il requiert un aspect intérieur (voir ci-après) : il faut que le procès soit entamé. Cet aspect intérieur se retrouve, dans le cadre du mode non personnel-non temporel, dans le participe 1 (forme adjectivale du verbe à la base). Du coup, en fonctionne avec le participe 1 comme les autres prépositions fonctionnent 191

La reconnaissance au XIXe siècle de l’emploi de l’infinitif chanter comme prédicat d’enfants dans J’entends des enfants chanter a conduit à la prise en compte d’une proposition infinitive. Installée depuis 1920 dans l’enseignement grammatical, son existence n’a cessé d’être contestée par nombre de linguistes. Nous l’avons traitée comme un groupe prédicatif second (GP2, voir 2.4.2.2 Le groupe prédicatif second (GP2)), tout comme l’exemple précédent.

307


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

ÉC IM

EN

avec l’infinitif. On aura donc en sortant de là comme on pourrait avoir au sortir de là, mais pas *en sortir de là. On a donc mobilisé, en français, pour la seule expression « en + participe 1 », variante combinatoire de « connecteur subordonnant + infinitif », le terme gérondif utilisé d’ordinaire pour la déclinaison générale de l’infinitif en latin. En tant que déterminant de relation, le gérondif permet de désambigüiser la portée de certains participes : J’ai rencontré Pierre(,) partant à la mer (Pierre part, ou moi) ; J’ai rencontré Pierre(,) en partant à la mer (je pars). Selon la grammaire scolaire, il doit y avoir correspondance de « sujet » (= noyau) entre le gérondif et le verbe principal, mais il s’agit d’une règle récente. On trouve encore en français d’aujourd’hui des traces d’entorses à ce principe : L’appétit vient en mangeant. La structure du gérondif s’analyse donc en un groupe déterminatif connectif dont le noyau est un connecteur subordonnant (en) et le déterminant un groupe prédicatif second (avec un noyau non saturé Ø et un prédicat second pris en charge par un GDV dont le noyau est un participe 1).

3.6.3.2

Les participes 1 et 2192

SP

Le participe tire son nom du fait qu’il « participe » de deux natures (verbale et adjectivale) : il provient d’un verbe, mais peut se comporter comme un adjectif. Il se décline en deux formes rebaptisées ici « participe 1 » (anciennement ‘présent’) et « participe 2 » (anciennement ‘passé’). Pour tout dire, ces formes ont peu de choses en commun, même si elles peuvent toutes deux avoir des emplois adjectivaux : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on dit du participe qu’il est la forme adjectivale du verbe. Le participe 1 est la forme en -ant. C’est une forme verbale que la tradition a pris l’habitude de distinguer de l’adjectif verbal (qui est une forme adjectivale…). Il n’y a qu’un intérêt graphique à cette distinction : on accorde l’adjectif verbal et pas le participe présent. Le participe 2 est la forme en -é, -u, -i ou -s (mis), -t (fait, dit), … Ex. : Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu.

192

Il est assez curieux de voir que le participe intéresse peu les grammaires scolaires en tant que mode. En effet, il n’est pas possible de se répandre en considérations multiples sur telle ou telle modalité : on ne lui en décerne aucune. Aucune opposition construite, par ailleurs, entre participe et autres modes : seuls l’indicatif et le subjonctif semblent dignes d’opposition. C’est à se demander ce qu’on lui trouve pour lui avoir conféré ce statut. Le discours grammatical se limite à des considérations orthographiques d’accord du participe 2 ou de distinction entre adjectif verbal et participe 1.

308


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.6.3.2.1 L’emploi verbal

ÉC IM

EN

En emploi verbal, le participe 2 rentre dans la construction des formes composées (j’ai mangé) et surcomposées (j’ai eu mangé). Il permet en général à la forme composée de marquer une antériorité par rapport à la forme simple correspondante et indique que l’on se trouve dans la phase postérieure au procès : Tu as faim ? Non, j’ai mangé. Dans le cas de la voix 2, par contre, le participe 2 fonctionne plutôt comme un adjectif déterminant de verbe en emploi copule (anciennement « attribut ») que comme une partie de forme verbale composée : dans La souris a été mangée par le chat / Elle l’a été par le chat, le participe se pronominalise comme un déterminant de verbe en emploi copule. L’accord possible du participe 2 constitue un des chapitres de prédilection de la grammaire d’accord (voir 4. Grammaire d’accord). Le participe 1, quant à lui, ne s’inscrit pas dans des tiroirs composés. S’il a un fonctionnement verbal, c’est dans le cadre d’une variation combinatoire avec l’adjectif verbal, ou encore lorsque, précédé de en, il forme le gérondif. Dans [Le chat parti], les souris dansent ou [La chance aidant], nous y arriverons, les participes parti et aidant, d’emploi verbal, sont en position de prédicat (second) de le chat et la chance. C’est la raison pour laquelle la grammaire traditionnelle, considérant ces derniers groupes déterminatifs comme des « sujets », parle de « proposition participiale ». Il est curieux que, dans cette logique, on ne parle pas de « proposition adjectivale » pour [La tête haute], il est sorti du tribunal. Comme pour l’ancienne proposition infinitive, nous avons traité cette structure comme un groupe prédicatif second (GP2, voir 2.4 La phrase comme mécanique d’intégration et ses structures intégratives).

3.6.3.2.2 L’emploi adjectival

SP

Les participes 1 et 2 s’emploient enfin dans les mêmes fonctions que les adjectifs : comme déterminant (du nom : un enfant aimé ; une fille aimante ; du verbe copule : il est aimé ; elle est aimante) comme prédicat second (Énervée, elle est partie ; Cette pièce de théâtre, particulièrement délassante, m’a réjoui). La grammaire scolaire a fait ses choux gras de l’opposition entre participe 1 et adjectif verbal. En cause, une différence de prise en compte en matière d’accord. L’adjectif verbal, issu d’un verbe, s’accorde comme un adjectif, tandis que le participe 1, doté de toutes ses caractéristiques verbales (la possibilité d’avoir les déterminants d’un verbe, la négation en ne … pas), reste invariable : une semelle anti-dérapante (adjectif verbal) / 309


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

la voiture dérapant sur la chaussée (participe 1). L’opposition va jusqu’à se marquer dans le radical du verbe : le personnel non navigant (adjectif verbal) / le personnel ne naviguant pas ce jour-là (participe 1).193

Modes personnels 3.6.4.1

Le subjonctif

SP

ÉC IM

EN

Un premier critère de repérage du subjonctif a souvent été, outre son paradigme de formes, la présence du fameux ‘que’ béquille. Ce ‘que’, artifice de reconnaissance, ne fait en réalité pas partie de la forme du subjonctif, mais nous renseigne sur le fait que le subjonctif se trouve plutôt en sous-phrase qu’en phrase matrice. Même si, parfois, cette sous-phrase se retrouve en position de phrase (« Qu’elle vienne pour 14h »). En dehors de ces sous-phrases introduites par que, quelques emplois du subjonctif en phrase matrice se rencontrent, même s’ils ne sont pas très productifs. Ils expriment le souhait, l’ordre, le désir, le regret, l’hypothèse… qui ne sauraient être déjà ancrés par rapport au repère Moi-IciMaintenant : Honni soit qui mal y pense ; Puisses-tu réussir ; Vaille que vaille ; Advienne que pourra ; Dieu soit loué ; Soi(en)t (Soit ! ; Soient x et y, deux variables) ; Plaise au ciel ; Plût au ciel194, … À ces cas, s’ajoutent les quelques formes de subjonctif en modalité injonctive (pour les verbes être, avoir : Sois/Soyez, …).

193

194

Cette règle forgée à partir de Vaugelas (1647) fut difficilement adoptée jusqu’au XIXe siècle. En cause, une séparation plus qu’artificielle entre un participe verbe et un participe adjectif. Néanmoins, petit à petit, ce qui était historiquement flou se précise grammaticalement, jusque dans la fixation de la graphie : -ant (pour le participe verbe) ou -ent (pour le participe adjectif) pour certaines paires : adhérant/adhérent, négligeant/négligent, influant/influent. Cependant, la règle laisse des incohérences : toutes affaires cessantes, une soi-disant marquise, alors qu’on dit une prétendue marquise… Dans ces deux derniers cas, on a l’une des ultimes paires qui permettent de faire la différence entre subjonctif 1 et 2 : le premier met en perspective et marque le souhait ; le second, à visée rétrospective, exprime le regret.

310


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.6.4.1.1 Emplois du subjonctif195

SP

ÉC IM

EN

En sous-phrase, le subjonctif se rencontre : dans certaines sous-phrases pronominales ; lorsqu’il y a un superlatif absolu, comme dans C’est la plus belle femme qui soit, la présence d’un superlatif rend l’ancrage temporel superflu (*C’est la plus belle femme qui est), vu que, selon l’énonciateur, c’est la plus belle femme de tous les temps. Le procès transcende toutes les époques, ce qui le dispense d’ancrage temporel, et bloque l’apparition de l’indicatif. Il en va de même après des locutions du type où que, quoi que, aussi loin que, … où le subjonctif est aussi obligatoire (Je le suivrai où qu’il aille/*va ; quoi qu’il fasse/*fait ; Quoi qu’il en soit/*est, je reste) ; dans d’autres pronominales comme Je cherche une secrétaire qui sache le hongrois : on n’est pas certain qu’une telle personne existe ; on n’ancre donc pas le procès en temps ;196 dans des sous-phrases déterminants d’un verbe de volonté (Je veux qu’elle vienne : le procès n’a pas besoin d’être ancré, car il ne peut être réalisé que dans le futur ; il est donc prospectif) ou de sentiment (Je regrette que tu sois venu : c’est le regret, information la plus importante, qui est ancré) ; dans des sous-phrases déterminants de relation. Les connecteurs enchâssants demandant le subjonctif sont les connecteurs de but comme afin que, de crainte que, de façon que, de manière (à ce) que, de peur que, pour que, pourvu que, de sorte que, … ; les connecteurs de temps comme avant que, après que197, en attendant que, jusqu’à ce que, … ; les connecteurs de concession comme bien que, malgré que, non que, quoi que, … ; les connecteurs de restriction comme à condition que, à moins que, encore que, pour peu que, sans que ; et les connecteurs de supposition comme à supposer que. Ces connecteurs introduisent un procès qui n’est pas ancré temporellement, soit parce que l’ancrage apparait superflu (comme dans le cas des connecteurs de temps visés ici, qui

195

196

197

On n’échappe jamais au catalogue des emplois du subjonctif. Et pour cause : quand bien même la théorie serait exacte, qui sépare le subjonctif des autres modes, encore faudraitil savoir quand la communauté des locuteurs décide qu’il faut ou non ancrer un procès en temps. La théorie offre un cadre, mais elle ne permet pas seule l’apprentissage, notamment en français langue étrangère. Pour ce dernier cas, la concurrence du subjonctif et de l’indicatif est envisageable : Je cherche une secrétaire qui sait le hongrois. Avec l’indicatif, on suppose qu’une telle personne existe ; on peut donc ancrer le procès. Voir plus loin, 3.12 Cas d’évolution.

311


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

EN

apportent une information temporelle par rapport à un autre procès, déjà ancré), soit parce que le procès est prospectif (avec les connecteurs de but, de restriction et certains temporels (jusqu’à ce que, en attendant que)), soit, enfin, parce que le procès de la sous-phrase, bien que réel, est sans conséquence sur le procès de la phrase matrice (avec les connecteurs de concession). Cette absence de conséquence rend inutile l’ancrage temporel du verbe de la sous-phrase : Je sors bien qu’il pleuve198. Enfin, les connecteurs exprimant la supposition (tout comme le subjonctif après supposons que) dispensent le procès d’ancrage temporel : préciser la temporalité n’est pas nécessaire avec ce qui n’est, pour l’énonciateur, qu’une supposition.

ÉC IM

Dans tous ces cas, le non-ancrage du procès en temps-époque permet de fournir un cadre d’explication.

SP

Le français classique connaissait un système de concordance des temps entre sous-phrase au subjonctif et matrice, proche de celui du latin. Le déclin des subjonctifs 2 et 2 composé, réduisant le mode à un subjonctif 1 (simultané ou postérieur) et un subjonctif 1 composé (antérieur), a peu à peu ruiné ce système. On affirme d’ailleurs depuis longtemps, chez les linguistes, que la concordance n’existe pas en français. Certaines tendances peuvent néanmoins être notées. Nous avons déjà vu que le subjonctif 1199 marque une simultanéité ou une postériorité par rapport au verbe de la matrice (Il faut/fallait/faudra que tu partes). Il semble que ce soit toujours le cas. Cependant, le subjonctif 1 composé, s’il marque une antériorité, ne le fait pas toujours par rapport au verbe de la matrice. Dans la phrase Il faut que tu aies terminé demain, le subjonctif 1 composé marque certes une antériorité, mais par rapport au tiroir simple correspondant du coverbe aies, qui renvoie ici à demain. Il ne s’agit assurément pas d’une antériorité par rapport au temps présent de l’énonciateur qui dit Il faut, sauf à considérer que le repère d’actualité par rapport auquel le présent de Il faut est ancré est lui-même déplacé à demain : Il faut = Il faut demain = Il faudra demain.

198 199

On observe néanmoins une tendance à utiliser l’indicatif dans ces sous-phrases. Remarquons que le même phénomène est observable à l’infinitif : Il faut avoir terminé demain. Il concerne en fait essentiellement les modes non temporels. Il ne se produit jamais de la sorte à l’indicatif, où les rapports de temps sont plus régulièrement régis, entre formes composées et formes simples, les premières exprimant toujours une antériorité par rapport aux secondes correspondantes.

312


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.6.4.2

L’indicatif

Visualisation d’un procès à l’indicatif200 On identifie deux sous-systèmes :

EN

Les phrases matrices sont construites généralement avec un verbe à l’indicatif, parce que l’indicatif est le seul mode qui ancre les formes verbales représentant les procès sur une ligne du temps, par rapport au repère d’actualité A (Moi-Ici-Maintenant), qui découpe trois zones de passé, présent et futur.

Sous A, le repère d’actualité (le Moi-Ici-Maintenant de l’énonciateur), s’organise, à partir du présent, un premier soussystème qui inclut le passé 1 et le futur 1.

SP

ÉC IM

Sous A’ (Moi-Là-Alors), projection dans le passé de A, s’organise, à partir du passé 2, un deuxième sous-système qui inclut le futur 2 (potentiellement à n’importe quel endroit de la ligne du temps, à droite du passé 2). Ce deuxième sous-système s’est développé, plus tardivement mais sans discontinuer, dans l’histoire du français. Toutes ces formes sont susceptibles de composition (ai vu, avais vu) et de surcomposition (ai eu vu, avais eu vu). À l’indicatif, les formes composées expriment une antériorité par rapport à la forme simple correspondante.

200

Pour faciliter la visualisation, nous dédoublons la ligne du temps. La partie supérieure servira de support aux repères d’actualité ; la partie inférieure aux procès. Ce « subterfuge » nous permet de rendre visibles les rapports réciproques entre repères et procès.

313


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

A Moi-Ici-Maintenant

IM EN

A’ Moi-Là-Alors

marchai marchais

marche marcherais

marcherai marcherais

Passé 2

Futur 2

Futur 2

Dans cette optique, l’ancien « conditionnel » est « futur 2 » (futur du passé). On retrouve donc une cohérence systémique fondée sur la morphologie, dans laquelle ce tiroir est une forme de l’indicatif.

SP

ÉC

Dans les sous-phrases, on trouve généralement l’indicatif lorsque celles-ci sont déterminants du verbe (hors verbes de volonté (prospectifs) ou de sentiment) ou lorsqu’elles sont pronominales (hors cas de concurrence ci-dessous). Pour le reste, les connecteurs enchâssants obligatoirement suivis d’un indicatif sont : § les connecteurs ancrant le temps dans la simultanéité, comme alors que, aussitôt que, chaque fois que, comme, depuis que, dès que, lorsque, quand, au moment où, … ; § les connecteurs de cause (la cause doit forcément être ancrée temporellement vu qu’un effet s’ensuit) comme comme, d’autant que, parce que, pour ce que, puisque, surtout que, … ; § les connecteurs de manière et de comparaison (on met sur le même pied d’ancrage les deux éléments de la comparaison) comme ainsi que, à mesure que, au fur et à mesure que, comme, de même que, à proportion que, selon que, … ;

314


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

§ les connecteurs de conséquence (la conséquence est réalisée,

donc ancrée) comme de manière que, de sorte que201, à telle enseigne que, de façon que, en sorte que, tant … que, … Les verbes qui suivent ces connecteurs enchâssants renvoient à un procès ancré, d’où un effet de réel.

L’effet de réalité ou d’hypothèse de l’indicatif et du subjonctif

IM EN

3.6.4.3

SP

Effet de sens

ÉC

Il semble assez aisé de voir un lien entre l’ancrage temporel d’un procès par rapport à un repère d’actualité (et donc exprimé à l’indicatif) et un sentiment de réel : plus un procès est ancré, plus on donnera l’impression de sa réalité. Cependant, la modalité de réel ne devra être traitée que comme une conséquence de la valeur première du mode (personnel-temporel), et non comme une cause. Cela étant, l’indicatif, qui exprime l’ancrage par rapport au repère d’actualité A, a en fait des effets de sens différents, dont celui de réel, parmi d’autres. De même le subjonctif, vu le non-ancrage temporel du procès entraine un effet de sens de type « doute ». Cependant, ce n’est là également qu’un des effets de sens possibles, d’autres pouvant évoquer un degré de certitude et de réel plus marqué (par exemple, avec des verbes de sentiment).

201

Indicatif

Subjonctif

ANCRAGE

ANCRAGE

Certitude Réel

Hypothèse

Doute/Souhait/ Sentiments Volonté… Irréel

Irréel

Réel

On distinguera de sorte que + indicatif, qui marque la conséquence (le fait est ancré vu que la conséquence s’est réalisée), de de sorte que + subjonctif, qui marque le but (le fait, conséquence souhaitée, n’est encore que prospectif par rapport au verbe de la matrice).

315


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

Il reste dès lors à expliquer, dans le cadre de la théorie : 1. comment l’indicatif peut avoir l’irréel parmi ses effets de sens, c’est-à-dire comment l’irréel peut être ancré par rapport à un repère d’actualité. 2. comment le subjonctif peut avoir le réel parmi ses effets de sens, c’est-à-dire comment le réel peut ne pas être ancré.

3.6.4.3.1 L’irréel peut être ancré par rapport à un repère d’actualité

SP

ÉC

Au futur 2, le procès serait ancré à droite par rapport à A’ (projection de A dans un passé pas très précisément défini, qui permet d’organiser le sous-système articulé autour du passé 2). Et pour le futur 2202 plus spécifiquement hypothétique, la modalité de potentiel ou d’irréel est amplifiée par le fait que le repère A’ n’est pas clairement situé, il est flottant sur la ligne du temps, à gauche de A. De même, l’espace à droite de A’ couvre une surface de temps qui peut aller du passé lointain jusqu’au futur lointain. C’est un espace énorme de potentialités, qui donne l’impression d’un futur 2 omnitemporel, pouvant rendre compte d’un procès à n’importe quel endroit de la ligne du temps qui soit postérieur au repère A’ (c’est-à-dire potentiellement toute la ligne du temps). C’est dès lors bien le type d’ancrage imprécis mais à droite par rapport à un A’ déjà flottant qui confère à ce tiroir sa modalité de potentiel, d’hypothétique, voire d’irréel.

202

A-t-on suffisamment mesuré l’impact de la réintégration du conditionnel, ici futur 2, dans le mode indicatif ? Si sa morphologie imposait ce retour, tout comme sa place dans le sous-système du passé 2, en tant que futur du passé, la modalité qu’il exprime a de quoi inquiéter les tenants de l’indicatif-mode du réel. En effet, le conditionnel est réputé exprimer le potentiel, l’hypothétique, voire l’irréel, toutes modalités peu compatibles avec la modalité reconnue à l’indicatif. Il faut en fait assumer les conséquences de ce retour et ne plus définir l’indicatif seulement par sa modalité. En revanche, est-il possible d’expliquer le lien entre l’ancrage temporel et la modalité d’hypothétique ou d’irréel ? À y regarder de près, le futur n’est jamais certain. Pour autant, on n’a jamais questionné l’ancrage temporel d’un verbe au futur 1 (qui se retrouve aussi dans des systèmes conditionnels : S’il pleut, je ne sortirai pas). Il est ancré à droite par rapport au repère d’actualité A. La modalité d’incertitude est liée à l’incertitude du futur ; elle ne remet pas en cause l’ancrage.

316


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

A’

A’

A

IM EN

A’

3.6.4.3.2 Le réel peut ne pas être ancré

Dans la phrase « Je regrette que tu sois venu », pourquoi mettre un subjonctif alors que le fait est bien réel (la venue est effective) ? Parce que le locuteur francophone estime qu’il ne faut pas ancrer temporellement… Opposons, pour l’exemple, les verbes de sentiment à ceux d’opinion et de déclaration203.

SP

ÉC

§ Cas des verbes de sentiment Les verbes de sentiment demandent un subjonctif en sous-phrase (pas d’ancrage nécessaire de la sous-phrase), car c’est le sentiment (le regret, dans l’exemple ci-dessus) qui est le fait posé, important, et donc ancré (Je regrette). La sous-phrase au subjonctif (que tu sois venu) apparait donc comme un déterminant du verbe. Son intégration dans la phrase, quasi au niveau du groupe déterminatif, rend moins nécessaire la présence de toutes les caractéristiques verbales propres à une sous-phrase, dont fait partie l’ancrage du procès. Une des étapes dans la perte des caractéristiques sous-phrastiques est la perte de l’ancrage, qui conduit à l’usage du subjonctif. § Cas des verbes d’opinion ou de déclaration

Avec les verbes d’opinion ou de déclaration (Je pense/dis qu’il viendra), le verbe de la sous-phrase est à l’indicatif. La sous-phrase est donc ancrée. En effet, les verbes de déclaration sont moins informatifs que, par exemple, les verbes de sentiment. Tout se passe en effet comme si l’on disait toujours, chaque fois que l’on asserte quelque chose : « Moi, 203

On remarquera que les exemples Je regrette que tu sois venu et Je pense qu’il viendra entrent en contradiction avec la théorie de la définition des modes par le biais des modalités expressives : l’indicatif apparait ici plus douteux que le subjonctif.

317


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

ici, maintenant, je pense et je dis qu’il est vrai que… »204. L’énonciateur apparait au moins assumer l’ancrage du procès de la sous-phrase. L’information importante apparait donc être celle de la sous-phrase, que dès lors il importe d’ancrer à son tour.

3.6.4.3.3 Les cas d’opposition ou de concurrence des modes

IM EN

Certains cas d’opposition entre contextes exigeant l’un l’indicatif, l’autre le subjonctif, méritent d’être éclairés à partir du présent cadre théorique. De même, on observe des cas de concurrence, où le choix est possible entre indicatif et subjonctif ; il importe de voir ce qui peut motiver tel ou tel choix.

3.6.4.3.3.1 Cas d’opposition

§ Sembler versus paraitre

Il semble qu’ils sont/soient amoureux Il parait qu’elle est/*soit belle. Avec sembler, le subjonctif et l’indicatif sont tous deux possibles. Avec paraitre, l’indicatif s’impose. Paraitre fait référence au discours d’autrui : le discours de l’autre est ancré dans la temporalité.

ÉC

§ Espérer versus souhaiter

SP

Le verbe espérer peut concerner toutes les périodes, on peut espérer pour le passé (J’espère qu’il est venu), pour le présent (J’espère qu’il est là) et pour le futur (J’espère qu’il viendra). Le verbe souhaiter, par contre, est orienté vers le futur. On dira Je souhaite qu’il vienne, mais plus difficilement ?Je souhaite qu’il soit venu (sinon prospectivement, comme dans Il est deux heures, et je souhaite qu’il soit venu avant cinq heures). Le caractère prospectif de souhaiter rend l’ancrage non nécessaire, d’où la présence du subjonctif. Souhaiter rejoint de la sorte les verbes de volonté. J’espère qu’il vient semble plus acceptable que J’espère qu’il vienne. Par contre, si l’on ajoute des informations temporelles sur le procès du verbe principal, la tendance s’inverse : J’espère chaque jour/toujours qu’il vienne semble plus acceptable que J’espère chaque jour qu’il vient. Le verbe espérer suivi du subjonctif est en fait toujours prospectif, parce que l’on pourra dire de manière équivalente J’espère chaque jour qu’il 204

Ces verbes sont pourtant ancrés par rapport au repère d’actualité, pour la simple raison qu’ils se trouvent en phrase matrice, et que le verbe de la matrice est par défaut à l’indicatif : il faut ancrer la phrase.

318


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

vienne/J’espère chaque jour qu’il viendra, mais plus difficilement J’espère chaque jour qu’il vient.

3.6.4.3.3.2 Cas de concurrence entre modes subjonctif et indicatif

IM EN

§ Contexte interrogatif ou négatif Si une interrogation avec inversion ou une négation apparait dans la matrice, le subjonctif redevient possible, mais pas systématique : Crois-tu qu’il vient/vienne ? Je ne pense pas qu’il vient/vienne. Pierre n’est pas certain que Sarah vient/vienne. En fait, par l’interrogation, l’énonciateur met en question l’ancrage ; par la négation, il met à l’épreuve l’ancrage du procès positif correspondant. Cela peut conduire à utiliser le subjonctif. On trouvera cependant l’indicatif avec les interrogations sans inversion : Est-ce que tu crois qu’il vient/*vienne, et Tu crois qu’il vient/ *vienne ? On l’explique par le fait que l’interrogation avec inversion modifie la structure syntaxique de l’énoncé, quand les autres types d’interrogation consistent en l’introduction dans une phrase affirmative soit du morphème d’interrogation est-ce que (la sous-phrase est posée et donc ancrée avant d’être interrogée par est-ce que), soit seulement du point d’interrogation à l’écrit et l’intonation à l’oral.

SP

ÉC

§ En sous-phrases pronominales Dans les sous-phrases pronominales, le subjonctif et l’indicatif sont souvent possibles : Je cherche une secrétaire qui sait/sache le hongrois ; Pourriez-vous me procurer une secrétaire qui sait/sache le hongrois ? ; Je ne connais aucune voiture qui fait/fasse du 300 à l’heure. Le subjonctif et l’indicatif sont possibles dans le premier exemple si le procès de la sous-phrase est prospectif : Je cherche une secrétaire qui sait/sache le hongrois. Mais on dira plus difficilement : *J’ai trouvé une secrétaire qui sache le hongrois, car le caractère prospectif du subjonctif dans ce cas-là serait contradictoire avec le verbe de la matrice. Si le procès n’est pas prospectif, l’ancrage est nécessaire dans la sousphrase : J’aime les voitures qui font /*fassent du deux cents à l’heure. Il faut également tenir compte de la vision du monde de l’énonciateur : le non-ancrage du procès dans la temporalité donnerait ici un effet de doute quant à l’existence, qui contredirait l’énoncé : on ne peut aimer ces voitures que si elles existent. Dans Je ne connais aucune voiture qui fait/fasse du 300 à l’heure, le choix d’ancrer ou non le procès dans la temporalité est laissé à l’énonciateur, selon la vision du monde qu’il adopte.

319


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ Modification du sens de l’énoncé en fonction du mode

IM EN

Dans certains cas, la présence du subjonctif dans la sous-phrase modifie le sens du verbe : o Je dis qu’il vient (j’affirme) / Je dis qu’il vienne (j’ordonne). o J’écris/conclus/crie/entends/prétends qu’il vient (sens courant de ces verbes) / qu’il vienne (nuance d’ordre ou de volonté). o Je suppose qu’il vient (je crois) / Je suppose qu’il vienne (j’envisage l’hypothèse). o Je comprends/conçois qu’il vient (je comprends/conçois le fait) / Je comprends/conçois qu’il vienne (je comprends pourquoi il vient).

ÉC

Dans les cas où l’indicatif est employé dans la sous-phrase, les deux procès reçoivent la même valeur informative ; lorsque le subjonctif est présent, le premier procès se charge d’une modalité particulière, ce qui nuance le sens de l’énoncé. Dans Je dis/J’entends qu’il vienne, la valeur prospective du subjonctif de la sous-phrase rapproche les verbes dire/entendre des verbes de volonté : c’est la même explication que le subjonctif après souhaiter (voir plus haut). Pour les verbes comprendre et supposer, l’envisagement du fait pousse à ancrer ce fait, alors que la compréhension de la raison ou l’envisagement de l’hypothèse ne requiert aucun ancrage du fait, et donc du procès.

SP

§ Le pas suspendu de l’intégration phrastique Dans des exemples comme Il y a 100% de chances que Sarah vienne/vient, la nuance de sens pencherait vers un sentiment d’intégration plus forte dans le cas de l’emploi du subjonctif que dans celui de l’indicatif. Avec le subjonctif, c’est le pourcentage qui apparait important, la sous-phrase étant réduite au rang d’objet, plus que de procès. Avec l’indicatif, le procès de la sous-phrase, ancré, semble davantage déployé, prend plus de poids informatif. Il en va de même pour Le fait que Sarah vienne/vient…, où l’utilisation du subjonctif renforce le poids de l’objet décrit par « le fait », alors qu’un indicatif dans la sous-phrase déterminant réinstallerait un procès ancré.

320


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

SP

ÉC

IM EN

En fait, dans les phrases qui acceptent tant l’indicatif que le subjonctif pour le verbe de leurs sous-phrases, c’est le niveau d’intégration qui guide : o Plus la structure sous-phrastique est intégrée dans la phrase matrice, plus elle a valeur de déterminant, d’objet, proche du nom, plus elle perdra les caractéristiques de temps (avant, en cas d’intégration plus poussée, celles de personne), plus son verbe aura des chances d’être conjugué au subjonctif : Le fait que Sarah vienne me réjouit. o Moins la structure est intégrée dans la phrase matrice, plus elle a valeur de procès, de verbe, plus elle disposera des caractéristiques de temps (en plus de celles de personne), plus son verbe aura des chances d’être conjugué à l’indicatif : Le fait que Sarah vient me réjouit.

321


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Intégration phrastique et modes

SP

ÉC

IM EN

Comparé à l’indicatif, le procès au subjonctif correspond à une forme syntaxiquement plus intégrée à la phrase, le verbe ayant perdu une de ses caractéristiques, l’ancrage du temps-époque. En sous-phrase, le verbe au subjonctif, non ancré temporellement, inscrit la sous-phrase dans une dynamique qui la mène vers le groupe déterminatif nominal. Le seul verbe « complet » est celui de la matrice. Dans Je regrette que tu sois venu, c’est le regret205 qui est ancré, qui est l’information principale ; que tu sois venu n’est que déterminant, complément de sens, du ‘regret’, qui pourrait être remplacé par ta venue, si ce n’est que le verbe institue un rapport chronologique d’antériorité. On peut dès lors établir un continuum entre, d’une part, le pôle du nom, terme renvoyant généralement à des objets et donc à la notion d’espace, et, d’autre part, le pôle du verbe, terme renvoyant généralement à un procès, et donc à la notion de temps. § Du nom au verbe, on rencontre donc des formes de plus en plus verbales : les formes nominales et adjectivales du verbe (infinitif et participe), puis les formes personnelles non temporelles du verbe (subjonctif), et enfin les formes personnelles et temporelles du verbe (indicatif). § Inversement, du verbe au nom, on rencontre des formes qui perdent petit à petit leurs caractéristiques verbales (d’abord la variation en modalité énonciative, puis le temps, puis la personne), pour fonctionner quasiment comme un nom. De la sorte, dans la mesure où elles contiennent moins de caractéristiques verbales propres à une sous-phrase (on parle de dépropositionnalisation), les structures intégratives contenant un subjonctif ou encore un infinitif ou un participe, seront considérées comme plus intégrées que celles contenant un indicatif. Par exemple, lorsqu’une sous-phrase est antéposée, le subjonctif peut apparaitre : Il est certain qu’il l’a fait à Qu’il l’ait fait, c’est certain. Qu’elle revienne, j’y crois. La sous-phrase antéposée fait en effet l’objet d’une nominalisation. Dans Qu’elle revienne, j’y crois, le pronom y déterminant du verbe reprend la sous-phrase antéposée. Syntaxiquement, cette sous-phrase est déterminant de l’énonciation, cadrant le propos, l’objet de la prise de parole : il y a une thématisation du propos, qui renforce l’interprétation de 205

Il est intéressant de constater que la litanie des modalités supposées du subjonctif provient de la liste des verbes introducteurs des sous-phrases au subjonctif.

322


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

nominalisation. Son parcours intégratif est plus fort que lorsqu’il y a postposition, d’où la présence du subjonctif. Son retour, j’y crois, est le stade suivant de l’intégration syntaxique.

SP

ÉC

IM EN

Ce mouvement d’intégration syntaxique (du verbe au nom, en passant successivement par l’indicatif, le subjonctif et l’infinitif) apparait comme le double inversé du mouvement d’acquisition de la dimension de tempsépoque (de l’absence à la présence de la dimension temps-époque, en passant successivement par l’infinitif/participe, le subjonctif et l’indicatif). Il est en fait assez curieux que l’on n’ait que rarement placé le subjonctif comme intermédiaire dans le continuum entre infinitif et indicatif, ni comparé plus avant subjonctif et infinitif. Si l’on reprend l’exemple Je regrette que tu sois venu, et que l’on fasse se correspondre les noyaux de la matrice et de la sous-phrase, on obtiendra non pas *Je regrette que je sois venu, mais bien Je regrette d’être venu. Pourtant, personne n’a été prétendre que l’infinitif était le mode du doute… La différence tient bien ici à ce que l’infinitif ne connait pas la variation en personne, et que, en tant que forme quasi nominale du verbe, il marque une intégration syntaxique plus poussée du procès dans la phrase matrice : l’étape suivante serait Je regrette ta venue, le syntagme nominal, totalement intégré. Le tableau ci-après illustre ce mouvement d’intégration et de perte progressive de propriétés propositionnelles, avec un passage par l’infinitif, et non le participe.

323


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

VERBE

PHRASE GP1 La venue de Pierre est imminente. On me le dit.

Indicatif

« J’arrive immédiatement », me dit Pierre.

STRUCTURES INTÉGRATIVES (accompagnées d’une perte d’autonomie prosodique et énonciative)

IM EN

- discours re-produit GP1, qui possède des ancrages en temps et en personne du verbe déterminés à partir de l’énonciateur de départ.

Indicatif

On me dit : « La venue de Pierre est imminente ».

- sous-phrase GP1’ de discours indirect, qui possède les ancrages en temps et en personne du verbe, par rapport à moi, qui rapporte le propos. On me dit que ta venue est imminente.

Subjonctif

206

- sous-phrase GP1’ sans ancrage en temps, mais bien en personne. 207

On me dit que ta venue soit imminente.

ÉC

- GP2 avec infinitif, sans ancrage en temps ni en personne.

Infinitif (/Participe)

On me dit ta venue être imminente/ On me la dit être imminente. Pierre dit arriver rapidement.

SP

Ø

NOM

206 207

- GP2 sans verbe, sans ancrage en temps ni en personne. On me dit ta venue imminente/ On me la dit imminente.

Ø

- GD nominal. On me dit l’imminence de ta venue.

Où Pierre est devenu mon interlocuteur. Cas rare du verbe dire avec signification de verbe de volonté. Il s’agit ici d’un ordre.

324


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.7

Synthèse

SP

ÉC IM

EN

On peut synthétiser l’emploi des modes dans les structures intégratives déterminants de noyau du GDV comme suit : Infinitif Subjonctif Indicatif Pas d’ancrage en Ancrage en Ancrage en personne personne et en temps personne, mais pas et en temps quand… quand… en temps quand… Absence d’indication Indication du noyau dans la sous-phrase : du support du verbe déterminant (ici, prendre) : Il faut prendre ce Il faut que tu prennes livre. ce livre. Noyaux de la sousSupport/noyau de phrase identique pour phrase et de la matrice les deux verbes (avec différents208 : support de l’infinitif non mentionné) : Je veux prendre ce Je veux que tu prennes livre.209 ce livre. Information principale Information principale ancrée dans la matrice, ancrée dans la sousavec les verbes de phrase : sentiment et d’appréciation : Je regrette qu’il Je pense qu’il est vienne. venu/vient/viendra. Indication du support/ Verbes de doute210 et noyau de phrase211 et procès prospectif, avec du temps-époque en les verbes d’obligation matrice ou en souset de volonté : phrase : Je doute qu’il vienne. Il vient. Il est certain Il faut qu’il vienne, Je qu’il est venu/vient/ veux qu’il vienne. sera venu/viendra.

208 209 210 211

*Je veux que je prenne ce livre et *Je prie pour que je vienne sont donc incorrects. Avec l’expression de l’injonction, le verbe à l’infinitif peut avoir un support différent : Je leur demande de venir, Je les prie de partir. Il n’y a pas de tiroir du subjonctif pour marquer la postériorité ; c’est le subjonctif 1 qui est utilisé pour signifier une action postérieure (emploi prospectif). Les noyaux de la sous-phrase et de la matrice peuvent être identiques ou différents : Je pense que je prendrai/ tu prendras ce livre.

325


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC IM

EN

D’une manière générale, l’emploi de l’infinitif est conditionné par l’économie du support du verbe, rendue possible par sa récupérabilité dans le contexte ou le cotexte (le contexte textuel). L’emploi du subjonctif est conditionné quant à lui par la non-nécessité d’ancrer le procès en temps-époque. Et là, se pose la question suivante : quand faut-il ancrer ou non un procès en temps-époque ? En effet, quand bien même la théorie serait exacte, qui sépare le subjonctif des autres modes, encore faudrait-il savoir quand la communauté des locuteurs décide qu’il faut ou non ancrer un procès en temps-époque. En français, de ce qui précède, nous pouvons conclure aux motivations suivantes : soit la précision d’ancrage n’est pas requise (sens omnitemporel) ; soit elle est manifeste du fait du sens du verbe de la matrice ou de celui du connecteur introducteur (sens prospectif) ; soit l’emploi du subjonctif relève du degré d’intégration de la sous-phrase et du niveau de dépropositionnalisation qui l’accompagne. Plus l’intégration est poussée, plus la dépropositionnalisation est avancée, moins le procès est envisagé dans son déploiement : le verbe perd dès lors son ancrage en temps-époque. La communauté des francophones ancre les procès en temps-époque dans certains cas ; les communautés italophone ou hispanophone, par exemple, également. Mais ces cas peuvent se recouvrir ou être différents. Cela n’invalide pas la théorie, qui reste applicable pour les différentes langues, mais oblige à s’intéresser aux motivations et aux déclencheurs de l’ancrage, qui peuvent être différents selon les langues.

326


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.8

L’aspect comme composante de la carte d’identité des formes verbales

EN

L’aspect apparait dans les grammaires étrangères, slaves entre autres, mais n’apparait que rarement dans les grammaires françaises. Pourtant ce concept est bien utile pour comprendre le fonctionnement du verbe français. Il va donc dorénavant faire partie des composantes de la carte d’identité d’une forme verbale.

ÉC IM

L’aspect est une notion temporelle et sémantique incluse dans le verbe lui-même (dans sa forme, ses affixes, d’éventuels coverbes, …), qui dit quelque chose du procès envisagé dans son développement (sa durée, son commencement, …). L’aspect est donc une catégorie grammaticale qui indique la vision que l’énonciateur exprime à propos du déroulement du procès décrit.

Soit le procès P, qui se déroule sur la ligne du temps entre ses bornes 1 et 2 : 1

2

SP

L’aspect concerne tout l’espace compris entre ce qui précède 1 (le début du procès) et ce qui suit 2 (la fin du procès). Pour les formes simples, si le temps-époque est la situation du procès par rapport au repère d’actualité, l’aspect apparait inversement comme la situation du repère d’actualité par rapport au procès212.

212

Dans le cas des formes composées, le temps concerne le rapport de simultanéité, d’antériorité ou de postériorité de l’auxilié par rapport à l’auxiliaire ou au coverbe. L’aspect prend la relation d’un point de vue inverse, depuis l’auxiliaire ou le coverbe vers l’auxilié.

327


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Les deux aspects importants qui complètent de façon pertinente la carte d’identité de la forme verbale, sont l’aspect suffixal et l’aspect coverbal.213

EN

ASPECTS

Coverbal

Suffixal

ÉC IM

L’aspect suffixal

La terminaison de la forme verbale est porteuse d’une indication d’aspect. L’aspect qui s’en dégage est soit intérieur, soit extérieur, selon la situation du point de repère d’actualité A (Moi-Ici-Maintenant) par rapport au procès.

3.8.1.1

L’aspect intérieur

SP

Cet aspect donne à voir le procès de l’intérieur, en cours et en efface les bornes. On ne précise pas quand il a commencé ni quand il se terminera. Sur le schéma, le repère tombe, à la verticale, à l’intérieur du procès.

213

On peut trouver l’aspect à d’autres endroits, comme dans le sens du verbe (Je marche : l’action est enclenchée dès le début ; si j’ai commencé à marcher, j’ai déjà marché. Je sors : l’action n’est enclenchée qu’à la fin, il faut passer le seuil pour être sorti ; si j’ai commencé à sortir, je ne suis pas encore sorti), ou de l’adverbe (longtemps, fréquemment, …), du préfixe (repartir, …), …

328


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

Ex. : Pour l’indicatif, sous le repère A : le présent (Je marche) ; sous le repère A’ : le passé 2 (Je marchais).214

A

marchais

3.8.1.2

L’aspect extérieur

EN

A’

marche

ÉC IM

Cet aspect donne à voir le procès de l’extérieur et envisage celui-ci comme un tout, un bloc borné. Sur le schéma, le repère tombe, en diagonale, sur le procès, et le prend globalement. Ex. : Pour l’indicatif, en diagonale par rapport au repère A : le passé 1 (Je marchai), le futur 1 (Je marcherai) ; en diagonale par rapport au repère A’ : le futur 2 (Je marcherais).215

SP

A’

marchai

214 215

A

marcherais

marcherais marcherai

marcherais

On ne trouve d’aspect intérieur que dans une seule autre forme verbale simple : le Participe 1 (marchant). On trouve encore l’aspect extérieur aux formes verbales suivantes : Infinitif (marcher), Participe 2 (marché), Subjonctif 1 (je marche) et Subjonctif 2 (je marchasse).

329


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’aspect coverbal

ÉC

IM EN

Pour rendre compte de l’aspect, on peut utiliser une combinaison de mots. Il est ainsi possible d’utiliser des coverbes suivis du verbe que l’on souhaite conjuguer216. En fait, le coverbe permet à ce verbe d’être conjugué. On prendra soin de ne pas confondre les coverbes avec les périphrases verbales. § Périphrase verbale : structure figée [verbe + X déterminant] Ex. : avoir peur, être dans la lune, … Le déterminant peut lui-même être un verbe à l’infinitif. Ex. : attendre (de partir), … § Coverbe : la structure [coverbe + verbe] est un type particulier de périphrase verbale dans laquelle le coverbe permet de conjuguer d’autres verbes. Ces derniers, prenant la forme de l’infinitif ou du participe 2, n’y sont cependant pas déterminants du premier (ni direct, ni indirect), et donc pas considérés comme termes autonomes de la phrase. Ex. : Je viens de (manger) ; Je suis en train de (manger) ; Je vais (manger), … Parmi les coverbes, la tradition a pris l’habitude de mettre en évidence ce qu’elle a appelé auxiliaires : il s’agit des coverbes être et avoir qui permettent de construire les formes composées. La forme du verbe que l’on conjugue est alors celle du participe 2. Ex. : J’ai (mangé) ; Je suis (parti), …217

SP

L’énonciateur peut envisager le procès de trois manières différentes. Il peut, par le positionnement du coverbe sur la ligne du temps, signaler que : § le procès est à placer en perspective (aspect projeté) ; § le procès est en cours de réalisation (aspect en cours) ; § on se trouve dans la phase postérieure au procès (aspect dépassé).

216 217

Voir les verbes supports dans les classes de mots (Les types ou emplois des verbes). On y ajoute parfois les auxiliaires dits ‘de mode’ (devoir, pouvoir, vouloir…), mais il y a débat quant à savoir si linguistiquement l’infinitif n’est pas un terme plus autonome, déterminant du verbe (Je dois/peux/veux faire ça ; Je dois/peux/veux quoi ? ; Je le dois/peux/veux). On envisage également les semi-auxiliaires faire et laisser.

330


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.8.2.1

IM EN

Pour marquer ces différents points de vue sur le procès, l’énonciateur peut utiliser une forme analytique composée d’un coverbe et du verbe que l’énonciateur souhaite conjuguer, ce dernier prenant la forme du participe 2 (pour les formes traditionnelles) ou de l’infinitif (pour les formes moins conventionnelles). Le coverbe sera porteur des indications de mode, de temps, de personne et d’aspect suffixal. Il intègre par ailleurs d’autres indications concernant l’aspect, par exemple, la phase du procès dans laquelle on se trouve. Le participe 2 ou l’infinitif du verbe seront porteurs des caractéristiques de temps relatif (antérieur, simultané ou postérieur) et de l’aspect généré par la présence du coverbe. L’aspect coverbal est donc la partie de l’identité aspectuelle du verbe que l’on souhaite conjuguer, générée par la présence d’un coverbe dans la construction de la forme verbale.

L’aspect projeté (du procès)

ÉC

L’énonciateur considère le procès en perspective, avant le début 1 ; il s’agit d’une fixation sur un avenir à partir du repère que constitue le coverbe. Le positionnement du coverbe signale en effet que le procès exprimé par le verbe que l’on conjugue est projeté. Ex. : Je vais partir – Je suis sur le point de partir – Je m’apprête à partir, … Les coverbes vais, suis sur le point de et m’apprête à sont porteurs des indications de mode (indicatif), temps (présent), personne (1re) et d’aspect suffixal (intérieur). Le verbe conjugué (à l’infinitif) partir est porteur des indications de temps relatif (postérieur) et d’aspect coverbal (projeté), généré par la présence du coverbe.

3.8.2.2

L’aspect en cours (du procès)

SP

L’énonciateur considère le procès en cours de réalisation ; il s’agit d’une fixation sur un présent à partir du repère que constitue le coverbe. Le positionnement du coverbe signale en effet que le procès exprimé par le verbe que l’on conjugue est en cours. L’énonciateur indique en outre dans quelle phase du procès on se trouve : le début (commencer à), le milieu (continuer à, être en train de, être occupé à, …) ou la fin (finir de, terminer de, …) du procès. Ex. : Je suis en train de manger Le coverbe suis en train de est porteur des indications de mode (indicatif), temps (présent), personne (1re) et d’aspect suffixal (intérieur). Le verbe conjugué (à l’infinitif) manger est porteur des indications de

331


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

temps relatif (simultané) et d’aspect coverbal (en cours), généré par la présence du coverbe.

3.8.2.3

L’aspect dépassé (du procès)

IM EN

Dans les formes verbales composées traditionnellement reconnues, ainsi qu’avec certains coverbes, l’aspect coverbal qui entre en jeu est l’aspect dépassé. L’énonciateur considère le procès (juste) après le terme 2 ; il s’agit d’une fixation sur un passé à partir du repère que constitue le coverbe. Le positionnement du coverbe signale en effet que le procès exprimé par le verbe que l’on conjugue est dépassé. L’aspect dépassé se retrouve notamment dans toutes les formes composées (et donc surcomposées) du paradigme de conjugaison traditionnel.

SP

ÉC

Ex. : Je suis parti – J’ai mangé Ex. : Je viens de manger Les coverbes suis, ai et viens de sont porteurs des indications de mode (indicatif), temps (présent), personne (1re) et d’aspect suffixal (intérieur). Les verbes conjugués au participe parti et mangé et à l’infinitif manger sont tous trois porteurs des indications de temps relatif (antérieur) et d’aspect coverbal (dépassé), généré par la présence du coverbe.

332


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.9

La carte d’identité des formes verbales

Pour identifier une forme verbale, il faudra rendre compte tant de la composante temporelle que de la composante aspectuelle. Chaque forme aura donc désormais une identité bipartite.

IM EN

Si on a affaire à une forme simple, on a une seule forme conjuguée, donc une indication de temps et une indication d’aspect (l’aspect suffixal extérieur ou intérieur).

ÉC

Si on a affaire à une forme composée218, on a deux formes, donc deux indications de temps et deux indications d’aspect. Pour ce qui est du temps, le coverbe portera l’indication du temps soit passé, soit présent soit futur ; ce temps situe le procès coverbal par rapport au repère d’actualité. Le verbe au participe ou à l’infinitif, quant à lui, portera l’indication de temps relatif (antérieur, simultané ou postérieur) ; ce temps situe le procès du verbe par rapport au temps pris en charge par le coverbe. Pour ce qui est de l’aspect, le coverbe portera l’indication de l’aspect soit intérieur, soit extérieur ; cet aspect situe le repère d’actualité par rapport au procès coverbal. Le verbe au participe ou à l’infinitif, quant à lui, portera l’indication de l’aspect (dépassé, en cours ou projeté) ; cet aspect situe le coverbe par rapport au procès verbal, dans la phase (juste) postérieure (aspect dépassé du procès), concomitante (aspect en cours du procès) ou antérieure (aspect projeté du procès) à celui-ci.

La carte d’identité des formes verbales traditionnelles

SP

Pour ce qui est des formes verbales composées traditionnelles, le verbe, au participe, portera toujours l’indication de temps relatif antérieur et de l’aspect dépassé ; la carte d’identité suit dès lors les modèles suivants : Ex.1 : J’ai marché

Mode Temps Aspect

218

ai Indicatif Présent Intérieur

marché Antérieur Dépassé

Pour les formes surcomposées, trois indications de temps et trois indications d’aspect seront nécessaires.

333


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ex.2 : J’aurai marché aurai Indicatif Futur Extérieur

Antérieur Dépassé

IM EN

Mode Temps Aspect

marché

La carte d’identité des formes verbales moins conventionnelles

À côté des paradigmes de conjugaison communément admis, se développent de plus en plus, par un phénomène de grammaticalisation, des formes verbales composées219 1. d’un (voire plusieurs) coverbe(s), 2. et du verbe (que l’on souhaite en réalité conjuguer) à l’infinitif. Ex. : Je vais travailler

ÉC

La différence notable d’avec les formes composées traditionnellement reconnues tient à ce que, à côté de formes caractérisées par une dimension temporelle d’antériorité, on peut trouver des formes caractérisées par une dimension temporelle de simultanéité ou de postériorité. De même, au niveau aspectuel, à côté de formes caractérisées par une dimension aspectuelle dépassée, on peut trouver des formes caractérisées par une dimension aspectuelle en cours ou projetée.

SP

Ex.1 : Je vais marcher

Mode Temps Aspect

219

vais Indicatif Présent Intérieur

marcher Postérieur Projeté

Ces formes verbales ne sont qu’exceptionnellement prises en compte par les grammaires ; seul le futur dit proche semble trouver grâce aux yeux de certains manuels. Notre mode de description de la carte d’identité des formes verbales permet parfaitement d’en rendre compte, comme le montrent les exemples ci-dessous.

334


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

Ex.2 : Je suis sur le point de marcher marcher Postérieur Projeté220

IM EN

Mode Temps Aspect

suis sur le point de Indicatif Présent Intérieur

Ex.3 : Je viens de marcher

Mode Temps Aspect

viens de Indicatif Présent Intérieur

marcher

Antérieur Dépassé221

Ex.4 : Je suis sur le point de commencer à marcher commencer à

marcher

Postérieur Projeté

Simultané En cours222

ÉC

Mode Temps Aspect

suis sur le point de Indicatif Présent Intérieur

3.10 Synthèse de la conjugaison

SP

L’ensemble des formes verbales traditionnelles se laissent décrire comme dans le tableau ci-dessous.

220 221 222

La différence avec le cas précédent se marque essentiellement par le sens du coverbe qui renvoie à l’imminence du procès. La différence avec le présent composé se marque essentiellement par le sens du coverbe qui renvoie au caractère récent du procès. Il s’agit d’un aspect en cours qui marque, ici, le début du procès.

335


MODE

Mode non personnel-non temporel (temps relatif)

Infinitif Infinitif Composé Infinitif Surcomposé

336

Participe 2 Participe 2 Composé Participe 2 Surcomposé

Participe 1 Participe 1 Composé Participe 1 Surcomposé

COMPOSANTE TEMPORELLE (TEMPS RELATIF OU ABSOLU)

Antérieur Antérieur Antérieur Antérieur Bisantérieur

Simultané Simultané Antérieur Simultané Bisantérieur

Simultané ou postérieur Simultané ou postérieur Antérieur Simultané ou postérieur Bisantérieur

C É

(MODE + TIROIR)

VERBALE

NOM DE LA FORME

P S

Infinitif

Participe

Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé Intérieur Intérieur Dépassé Intérieur Doublement dépassé Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé

ASPECTUELLE

COMPOSANTE

Marché Eu marché /

Marchant Ayant marché Ayant eu marché

Marcher Avoir marché Avoir eu marché

FORME VERBALE

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Mode personnel-non temporel (temps relatif)

MODE

Subjonctif 1 Subjonctif 1 Composé Subjonctif 1 Surcomposé

Subjonctif 2 Subjonctif 2 Composé Subjonctif 2 Surcomposé

COMPOSANTE TEMPORELLE (TEMPS RELATIF OU ABSOLU)

Simultané ou postérieur Simultané ou postérieur Antérieur Simultané ou postérieur Bisantérieur

Simultané ou postérieur Simultané ou postérieur Antérieur Simultané ou postérieur Bisantérieur

C É

(MODE + TIROIR)

VERBALE

P S

Subjonctif

NOM DE LA FORME

Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé

ASPECTUELLE

COMPOSANTE

Je marchasse J’eusse marché J’eusse eu marché

Je marche J’aie marché J’aie eu marché

FORME VERBALE

N E M I Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

337


MODE

Repère A

Mode personnel-temporel (temps absolu et relatif) Indicatif

ÉC IM Présent Présent Antérieur Présent Bisantérieur

Passé Passé Antérieur Passé Bisantérieur

Futur Futur Antérieur Futur Bisantérieur

Indicatif Passé 1 Indicatif Passé 1 Composé Indicatif Passé 1 Surcomposé Indicatif Futur 1 Indicatif Futur 1 Composé Indicatif Futur 1 Surcomposé

Intérieur Intérieur Dépassé Intérieur Doublement dépassé Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé

ASPECTUELLE

COMPOSANTE

338

Je marcherai J’aurai marché J’aurai eu marché

Je marchai J’eus marché J’eus eu marché

Je marche J’ai marché J’ai eu marché

FORME VERBALE

EN

COMPOSANTE TEMPORELLE (TEMPS RELATIF OU ABSOLU)

Indicatif Présent Indicatif Présent Composé Indicatif Présent Surcomposé

(MODE + TIROIR)

VERBALE

NOM DE LA FORME

SP

Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


339

223

Indicatif

COMPOSANTE TEMPORELLE (TEMPS RELATIF OU ABSOLU)

Passé Passé Antérieur Passé Bisantérieur

Futur du passé Futur du passé Antérieur Futur du passé Bisantérieur

Indicatif Passé 2 Indicatif Passé 2 Composé Indicatif Passé 2 Surcomposé

Indicatif Futur 2 Indicatif Futur 2 Composé Indicatif Futur 2 Surcomposé

C É

(MODE + TIROIR)

VERBALE

NOM DE LA FORME

P S

Repère A’

Intérieur Intérieur Dépassé Intérieur Doublement dépassé Extérieur Extérieur Dépassé Extérieur Doublement dépassé

ASPECTUELLE

COMPOSANTE

29 formes verbales, caractérisées en temps et en aspect.

Je marcherais J’aurais marché J’aurais eu marché

Je marchais J’avais marché J’avais eu marché

FORME VERBALE

Parler de tiroir à la place de temps évite en fait d’attribuer du temps à des formes qui n’en ont pas de manière absolue, comme l’infinitif, le participe ou le subjonctif. Si ces formes expriment le temps, ce n’est que de manière relative, pour marquer une chronologie (simultanéité, antériorité ou postériorité).

surcomposées (il n’y a pas de participe 2 surcomposé).

§ 3 modes, caractérisés par l’ancrage ou le non-ancrage en personne et en temps. § 10 tiroirs223 de formes simples, 10 de formes composées et 9 de formes

On compte donc

Mode personnel-temporel (temps absolu et relatif)

MODE

N E M I Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux


4

5

340

2

1

5

5

C É

A Moi-Ici-Maintenant

P S

A’ Moi-Là-Alors

3

Légende :

5

Aspect extérieur

Aspect intérieur

3.11 Ligne du temps : mise en parallèle des sous-systèmes 1 et 2 de l’indicatif (formes simples)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

Dans le mode indicatif, on identifie l’existence de deux sous-systèmes.

IM EN

Sous-système 1 § Sous A (le repère d’actualité Moi-Ici-Maintenant de l’énonciateur), s’organise, à partir du présent (1), un premier sous-système qui inclut le passé 1 (2), et le futur 1 (3). Sous-système 2 § Sous A’ (projection dans le passé de A), s’organise, à partir du passé 2 (4), un deuxième sous-système qui inclut le futur 2 (du passé) (5).

SP

ÉC

Toutes ces formes sont susceptibles de composition (auxiliaire conjugué au tiroir simple correspondant + participe 2 du verbe) et de surcomposition (auxiliaire conjugué au tiroir composé correspondant + participe 2 du verbe)224.

224

Il est difficile de trancher entre deux analyses : « auxiliaire conjugué au tiroir composé correspondant + participe 2 du verbe » (ce qui fonctionne quand l’auxiliaire est avoir ou être pour un verbe non pronominal : Quand il a eu fini… ; Quand il a été parti…) ou « auxiliaire conjugué au tiroir simple correspondant + participe 2 composé du verbe » (ce qui fonctionne mieux pour les verbes pronominaux, dont l’auxiliaire est obligatoirement être (Quand il s’est eu promené…).

341


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

3.12

Quelques valeurs d’emploi des tiroirs de l’indicatif

L’emploi spontané de tel mode et de tel temps en production tant orale qu’écrite révèle les valeurs diverses qu’ils peuvent recouvrir.

Les formes verbales simples de l’indicatif 3.12.1.1 Le présent : présent intérieur

IM EN

Le présent s’emploie le plus généralement § pour déclarer la concomitance du procès (temps) avec le repère d’actualité A (Moi, ici, maintenant, je dis que…) ; § pour marquer que le procès est en cours (aspect) et que l’on ne tient pas compte des bornes.

ÉC

1. La concomitance est garantie dans les cas suivants : § le présent momentané : Voilà Pierre qui arrive. § le présent duratif : Ils marchent depuis deux heures. § le présent dispositionnel : Pierre fume (= Pierre a des dispositions à fumer). § le présent de vérité générale : La Terre tourne autour du soleil. § le présent proverbial : Pierre qui roule n’amasse pas mousse.

SP

2. La concomitance est déclarée, mais pas totalement effective dans les cas suivants : § Je sors (à l’instant) de chez le médecin. à En fait, je ne suis pas en train de franchir la porte au moment où je le dis. § J’arrive ! à Généralement, je ne me suis pas encore mis en mouvement pour ‘arriver’ au moment où je dis cela. Si une personne crie « J’arrive » à quelqu’un qui l’attend, alors qu’elle est encore dans son bain, il y a de fortes chances pour qu’elle ne se présente pas illico toute savonnée devant celui ou celle qui l’attend…

342


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

ÉC

IM EN

3. La concomitance est déclarée, mais l’ancrage du procès se fait par rapport à un repère d’actualité qui peut être décalé ou déplacé dans les cas suivants : § le présent de didascalie : La servante entre et pose le plat sur la table. à L’énoncé est réactualisé à chaque fois que la pièce est jouée ou lue. § le présent de presse : Des scientifiques découvrent le vaccin du sida. à La lecture réactualise la découverte, alors que celle-ci est forcément antérieure à sa couverture par la presse. § le présent historique : Ils entendirent un bruit : le rat de ville détale à Le français classique utilisait souvent le présent au milieu de phrases au passé 1. Le repère apparait comme brusquement déplacé dans le passé, et le procès lui est dès lors déclaré concomitant. § le présent déplacé : En 2030, je prends ma retraite / En 1802, nait Victor Hugo. à On manipule en le déplaçant le point de repère d’actualité et on présente un procès comme concomitant à un repère futur ou passé sur la base d’indications temporelles plus ou moins explicites. § le présent d’habitude : Pierre se lève tous les jours à 7h. à Le procès est déclaré concomitant au repère, qui est réactualisé régulièrement (ici, tous les jours à 7 h.).

SP

4. Absence de concomitance, mais nécessité d’un aspect intérieur : § le présent dans la condition : S’il pleut, je ne sors / sortirai pas. Dans un système conditionnel, il se peut que la condition renvoie à un futur, plutôt qu’à un présent. Or, derrière le si de condition, la grammaire normative interdit une forme de futur 1, car ce connecteur exige un aspect intérieur pour la forme verbale qui le suit225, aspect absent du futur 1 comme du futur 2. C’est la raison pour laquelle, même s’il ne s’agit pas d’exprimer une concomitance, c’est le présent, d’aspect intérieur, qui est prescrit (pour plus de détails, voir ci-après, 3.13 Cas d’évolution).

225

Il faut que la condition connaisse au moins un début de réalisation pour que la conséquence puisse être déclenchée.

343


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

3.12.1.2 Le passé 1 : passé extérieur

3.12.1.3

IM EN

Le passé 1 est utilisé pour donner un sens de passé extérieur révolu, sans lien direct avec le présent. Le procès est saisi de l’extérieur, dans sa globalité et non de l’intérieur. Les valeurs attachées au passé 1 sont tout entières contenues dans cette identité. On parle en général d’emplois en narration pour marquer la successivité (et parfois la rapidité d’enchainement) des procès. Le territoire du passé 1 est relativement étriqué et s’étiole encore davantage avec l’élargissement des valeurs du présent composé. Mais on le retrouve parfois, surtout à la troisième personne, dans les commentaires des journalistes sportifs de la presse écrite pour accentuer le caractère épique de l’évènement. Ex. : La veille, sa fille se maria.

Le futur 1 : futur extérieur

Le futur 1 exprime un temps futur par rapport au repère Moi-IciMaintenant de l’énonciateur. Il est d’aspect extérieur, il envisage le procès de l’extérieur et le prend comme une globalité.

ÉC

1. Sont conformes à ce sens de futur extérieur les cas suivants où il exprime : § un avenir proche : Au troisième top, il sera 8h. § un avenir lointain : Je m’arrêterai quand je serai mort.

SP

2. Il peut aussi signifier autre chose que le futur et exprimer § un fait passé : Il mourra en 1964 des suites d’une pneumonie. à Le repère d’actualité est déplacé dans le passé, et le futur reste un temps ultérieur, mais par rapport à ce repère. § une conjecture : On sonne : ce sera le facteur. à L’aspect extérieur de cette forme permet d’éviter l’aspect intérieur d’un présent qui serait déjà engagé, alors qu’on n’est pas certain du fait. § une injonction : Tu feras les courses demain.

344


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.12.1.4

Le futur analytique « aller + infinitif » : présent intérieur postérieur projeté

3.12.1.5

IM EN

À partir du XVIe siècle, se développe une autre forme pour exprimer le futur : le futur analytique aller + infinitif. Cette forme (il va arriver) est fondamentalement un présent (va), d’aspect intérieur (le locuteur envisage le procès comme en cours et non borné), qui met le procès arriver en perspective, dans le prolongement naturel de l’actualité. On trouve également la forme il allait venir, espèce de futur analytique du passé. Installée aujourd’hui dans les tableaux de conjugaison de certains manuels sous le nom de « futur proche », cette forme concurrence à ce point le futur simple qu’elle le supplante en français populaire. Aller est devenu un quasi-auxiliaire. Cela étant, l’appellation courante de futur proche est trompeuse. On peut très bien dire Je vais partir à la retraite dans 25 ans. En fait, l’utilisation d’une forme de présent (vais) marque un engagement du procès dès le moment d’énonciation, vu que le présent est d’aspect intérieur. Dire Je vais le faire engage dès lors davantage que Je le ferai. Dire Tu vas le faire est plus impératif que Tu le feras.

Le passé 2 : passé intérieur

ÉC

Le passé 2 est le temps qui exprime la concomitance par rapport au repère A’. On l’emploie généralement lorsqu’on a besoin d’un temps du passé et d’un aspect intérieur. Il a par ailleurs été nommé présent du passé, dans la mesure où il fonctionne comme le ferait un présent déplacé dans le passé. D’aspect intérieur comme le présent, il partage avec lui notamment la valeur durative liée à cet aspect.

SP

1. Sont conformes à ce sens de passé intérieur les cas suivants : § Le passé 2 duratif : C’était en janvier 2003. § Le passé 2 d’habitude : Il rentrait chaque fois qu’il pleuvait. § Le passé 2 pittoresque226 : En 1802 naissait Victor Hugo. § Le passé 2 de concordance : Galilée affirma que la Terre tournait autour du soleil.

226

L’effet de style vient du conflit entre deux types d’aspect : l’aspect intérieur implique une certaine durée non bornée de l’action, alors que l’aspect sémantique du verbe naitre nécessite, comme pour le verbe sortir, le passage d’un seuil ponctuel pour être effectif.

345


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

§ Le passé 2 de politesse : Je venais/voulais vous demander un

IM EN

service. à Alors que je suis là présentement pour demander un service, le passé 2 refoule l’intention dans le passé, ce qui donne l’impression à mon interlocuteur d’avoir une marge de manœuvre : Je voulais, mais si vous ne voulez pas,… Cette atténuation apparait comme une marque de politesse.

2. Sont conformes à l’aspect intérieur, mais pas au sens de passé les cas suivants : § Certains passés 2 de concordance : Qu’est-ce que tu as dit qu’on faisait demain ? § Le passé 2 dit « forain » : Qu’est-ce qu’elle voulait la petite dame ? § Le passé 2 ludique : Toi tu étais le gendarme et moi j’étais le voleur. § Le passé 2 de la conditionnelle227 : Si j’étais riche… § Le passé 2 affectueux : Il était gentil le chienchien.

ÉC

Ces emplois n’ont pas un sens de passé228. Ils peuvent marquer le présent, le futur, le potentiel ou l’irréel229. L’utilisation du passé 2 viendrait de la nécessité de marquer l’aspect intérieur. Or cet aspect ne se trouve à l’indicatif qu’au présent (qui engagerait trop) et au passé 2 (qui apparait plus atténué, plus lointain, ou encore d’un autre monde (celui du jeu, de l’enfance,…)). Dès lors, on passe outre le conflit temporel : on sait que ce n’est pas un passé, mais on a besoin d’un intérieur pour marquer un effet dramatique (le procès est pris de l’intérieur).

SP

3.12.1.6

Le futur 2 : futur extérieur (du passé)

Le futur 2 est le temps futur (d’aspect extérieur) correspondant au repère A’ du passé (qui délimite le passé 2). 227

228

229

L’indicatif passé 2 (repère A’), lorsqu’il est hypothétique, peut être flottant sur la ligne du temps, et son correspondant, le futur 2, l’est donc aussi, mais toujours en postériorité par rapport au repère A’. Une autre valeur de passé 2 échappe aux effets de sens traditionnels : le passé 2 dit « de réalisation antidatée », s’il renvoie au passé, rend compte d’un procès qui n’a pas abouti (Un peu plus et je tombais). Pour certains d’entre eux (les trois premiers), ils sont d’ailleurs en concurrence avec un futur 2.

346


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

EN

1. Sont conformes à ce sens de futur du passé les cas suivants : Le futur 2 de concordance par rapport o à un passé exprimé : Je t’avais dit que je ne viendrais pas. o à un passé à reconstruire : Il lui fit livrer des fleurs. Elle serait contente.

ÉC IM

2. Il peut aussi signifier autre chose que le futur du passé dans les cas suivants : Le futur 2 journalistique : Il y aurait cinq victimes dans l’accident. L’énonciateur fait apparaitre un autre locuteur sur lequel il se décharge de la responsabilité de l’énoncé. Le futur 2 de politesse : Je voudrais l’addition. L’aspect extérieur atténue la réalité du procès et l’injonction sous-jacente. Le futur 2 potentiel / irréel : Je ferais ça, moi ? ! Vient de ce que le futur 2 peut balayer tant le passé que le présent et le futur (voir 3.6.4.3.1 L’irréel peut être ancré par rapport à un repère d’actualité).

Les formes verbales composées de l’indicatif

SP

Toutes les formes verbales composées marquent l’antériorité par rapport à la forme verbale simple correspondante230. Par exemple, le procès rendu au présent composé231 est antérieur à celui rendu au présent simple, c’est-à-dire, théoriquement, antérieur au moment de production de l’énoncé. Ex. : J’ai mangé trop de chocolat. J’ai mal au foie.

230 231

Les formes verbales surcomposées fonctionnent de même par rapport aux formes composées correspondantes. Le présent composé est un cas d’évolution particulier. En plus de sa valeur de procès juste antérieur au moment de l’élocution, il est de plus en plus susceptible de recouvrir d’autres valeurs (voir 3.13 Cas d’évolution).

347


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

La concurrence des tiroirs du passé

A

A’

A

A’

ÉC IM

A’

EN

À l’indicatif, trois formes du passé sont en concurrence : deux formes simples (le passé 1 et le passé 2) et une forme composée (le présent composé). Il est en effet possible, dans certains cas, de rendre compte du même procès à l’aide des trois formes différentes. Si, par exemple, le 10 décembre 2008, j’ai rencontré Nelson Mandela, je peux dire pour le même fait : J’ai rencontré / Je rencontrai / Je rencontrais Nelson Mandela. La différence tient au parcours que la forme effectue pour rendre compte de ce procès.

A

Rencontrai

Rencontrais

Présent composé (intérieur dépassé)

Passé 1 (extérieur)

Passé 2 (intérieur)

On passe par le présent du coverbe pour arriver à la forme composée. Le verbe conjugué (au participe) se trouve en antériorité par rapport au présent (du coverbe). Cela donne un effet de lien avec le présent.

On regarde le passé de l’extérieur, à partir du repère A. Cela donne un effet de forme clôturée sans passer par le présent.

SP

rencontré ai Ai rencontré

348

On projette A dans le passé (A’). On descend vers le procès au passé directement à partir du repère A’. On appréhende le procès de l’intérieur, sans en envisager les bornes.


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.12.3.1 Passé 1 versus Passé 2 Traditionnellement, on renvoie le passé 2 à la description, au décor, au portrait, et le passé 1 à la narration. On entend en fait par là que le passé 2, par son aspect intérieur, permet de fixer un cadre d’action ou de situation non borné, à l’intérieur duquel s’inscrivent d’autres actions.

IM EN

Ex. : [Tom jouait dans le jardin] quand [sa grand-mère rentra]. X Y Y

X

L’entrée de la grand-mère de Tom (Y) est ponctuelle, et s’inscrit dans la période non bornée pendant laquelle Tom joue dans le jardin (X). Il joue avant, pendant et peut-être après son arrivée.

3.12.3.2

Passé 1 versus Présent composé

SP

ÉC

La concurrence entre indicatif passé 1 (il arriva) et présent composé (il est arrivé) est la plus forte qui soit entre tous les tiroirs de l’indicatif. Il apparait en effet que le second, parce qu’il couvre un large spectre entre son pôle présent et son pôle antérieur, grignote de plus en plus de territoire au premier232. Peu à peu, le présent composé, dont le pôle de passé est très fortement mobilisé, devient un tiroir passé et fonctionne souvent comme une forme simple synthétique. Cela n’est pas sans conséquence sur l’accord du participe 2 qui, s’il fait totalement corps avec le verbe, tendra à l’invariabilité en genre et en nombre, s’il est employé avec l’auxiliaire avoir, et à l’accord avec le noyau de phrase, s’il est employé avec l’auxiliaire être.

232

Il peut dès lors facilement prendre deux valeurs : l’aspect dépassé de la forme composée peut renvoyer à une phase juste postérieure au procès (j’ai mangé, je n’ai plus faim) ou à une phase bien postérieure au procès (J’ai mangé il y a trois jours, je suis affamé). (voir 3.13 Cas d’évolution).

349


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

3.12.3.3

Passé 2 versus Présent composé

IM EN

Le présent composé englobant les valeurs du passé 1 (voir 3.13 Cas d’évolution), l’opposition entre passé 2 et passé 1 reste valable pour l’opposition entre passé 2 et présent composé. Ainsi, pour rappel, le passé 2, par son aspect intérieur, permet de fixer un cadre d’action ou de situation non borné, à l’intérieur duquel s’inscrivent d’autres actions au présent composé. Ex. : [Tom jouait dans le jardin] quand [sa grand-mère est rentrée]. Présent composé

SP

ÉC

Passé 2

350


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

3.13 Cas d’évolution La langue orale est le premier vecteur d’évolution linguistique. L’observation de celle-ci permet de mettre au jour certains cas de nouveaux usages sémantiques, syntaxiques, lexicaux, … Ci-dessous quelques cas d’évolution concernant la conjugaison.

IM EN

Le cas du présent composé englobant le passé 1

Comme son nom l’indique, le présent composé est la forme composée du présent simple. En tant que forme composée, elle comprend une part d’antériorité dans son participe. Quand on prononce un énoncé au présent composé, on se place généralement dans la phase ultérieure au procès. Ex. : J’ai mangé quelque chose de périmé ; je suis malade !

ÉC

A

mangé

ai

SP

Mais il se fait que les usages (d’abord oraux) ont de plus en plus abandonné le passé 1 au profit du présent composé, qui dès lors endosse la part de passé de son concurrent, et ce, plus particulièrement pour les premières et deuxièmes personnes233.

233

Les deux premières personnes sont en fait les personnes d’interlocution, présentes dans la situation de communication, et donc aisément rattachables au repère Moi-IciMaintenant. Il n’est dès lors pas étonnant que le présent composé, en contact avec le présent, se manifeste plus particulièrement avec ces personnes.

351


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ex. : À l’âge de deux ans, je suis tombée de ma chaise haute. A

IM EN

Passé 1

tombée

suis

tombai

ÉC

Le présent composé peut donc prendre les valeurs qui rendent compte du fait que le procès se situe 1°) dans la phase juste antérieure au présent ou 2°) dans un passé plus lointain auparavant pris en charge par un passé 1. Cela se remarque notamment dans la concordance des temps futurs par rapport à ces deux valeurs du présent composé. Dans l’exemple Il m’a dit qu’il viendra, avec un futur 1 en sous-phrase, on considère que le futur s’exprime par rapport à un pôle présent (a) prédominant. Dans la phrase Il m’a dit qu’il viendrait, avec un futur 2 (du passé) en sous-phrase, on comprendra que la prédominance se déplace vers le pôle du passé (dit). Malgré tout, le canal écrit littéraire et le journalisme sportif préservent souvent le passé 1 pour évoquer, pour l’un, le passé révolu, ponctuel et lointain ; pour le second, la succession rapide des actions sur le terrain.

Le cas de après que + indicatif/subjonctif

SP

Ex. : La dispute a éclaté [après que les deux hommes se sont/soient bousculés]. La grammaire normative affirme que le connecteur enchâssant après que doit être suivi d’un indicatif (Je suis arrivé après qu’il est parti). Le fait introduit par le connecteur enchâssant étant antérieur à celui de la matrice, on en serait certain, et donc l’indicatif s’imposerait. Si la grammaire remarque que les usagers emploient quasiment tous le subjonctif, forme réputée plus compliquée, elle ne veut y voir qu’une faute, au mieux justifiée par l’analogie avec avant que, qui régit le subjonctif pour des raisons symétriques (postériorité du fait introduit et donc non-certitude). Pourtant, l’analogie n’explique guère pourquoi on a choisi la difficulté : pourquoi pas avant que + indicatif ?

352


Module 3 : la conjugaison, l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

IM EN

Il faut en fait tenir compte de l’évolution du système de l’indicatif. Le sens d’après que requiert une forme verbale d’aspect dépassé (qui marque que l’on est dans la phase postérieure au procès). Les tiroirs composés de l’indicatif, d’aspect dépassé, faisaient l’affaire jusqu’à une date récente. La chute du passé 1, d’aspect extérieur, au XIXe siècle oblige le présent composé à endosser ses emplois. Le présent composé n’apparait dès lors plus suffisamment comme marquant simplement l’aspect dépassé. L’usager va alors chercher cet aspect là où il le trouve : au subjonctif 1 composé (Je suis arrivé après qu’il soit parti). Au-delà de la prétendue faute, il y a en fait une réorganisation du système.

Le cas de Si … + futur 1 / futur 2

Ex. : J’aurais mieux réussi [si j’avais/*aurais étudié].

SP

ÉC

Une des règles intangibles et ressassées de la grammaire scolaire est l’interdiction du conditionnel, et du futur simple, derrière le si de condition. On ne dit pas normalement Si tu serais la lune, je serais ton soleil ; pas plus que Si tu iras à Paris, je te rejoindrai. La règle est bien : « derrière si, pas de -r- ». Le connecteur enchâssant si de condition exige en fait que le verbe marque un début de réalisation du procès : l’enclenchement de la conséquence est conditionné par le début de réalisation de la condition. Cela signifie, en matière d’aspect du verbe, qu’il faut un aspect intérieur, qui ne se trouve à l’indicatif qu’au présent et au passé 2 : dès lors, ce sont ces tiroirs qui se retrouvent derrière si (si je suis, si j’étais). Le problème vient du possible conflit entre une condition qu’on voudrait future et l’impossibilité d’avoir un futur d’aspect intérieur. Si le présent peut de temps en temps signifier un futur, le passé 2 est avant tout un tiroir du passé, ce qui veut dire que mettre une condition future au passé 2 (si j’étais riche) signifie sacrifier l’information de temps (futur) à celle d’aspect (intérieur). En fait, dans une sous-phrase conditionnelle future, on utilise un présent ou un passé 2 § même si on ne déclare pas la concomitance ; § même si on ne parle pas de présent/de passé 2 ; § alors qu’on a plutôt besoin d’une ouverture vers un procès postérieur.

353


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

ÉC

IM EN

Le locuteur est en fait obligé de faire un choix : soit il utilise une forme intérieure, privilégiant la dimension aspectuelle, soit une forme future, privilégiant la dimension temporelle. Il y a de toute manière sacrifice d’une des deux dimensions, récupérée néanmoins par le contexte. La convention a choisi de confirmer dans la forme verbale l’information d’aspect intérieur déjà logiquement contenue dans le connecteur enchâssant ‘si’. Mais parfois, les locuteurs, inconsciemment ou non, choisissent de marquer la dimension ‘future’ (tout aussi valable au fond). Il n’y a donc pas de faute mais un autre choix que celui de la norme. L’enfant, par exemple, semble distinguer d’abord les temps (présent, passé et futur) avant les aspects (extérieur ou intérieur). S’il veut parler de futur (1 ou 2), il utilise le futur, un point c’est tout. Dans ce cas, le besoin d’aspect intérieur peut encore être rencontré dans la logique de l’interprétation du système conditionnel en si. Le contexte pourvoit donc à la dimension aspectuelle manquante, et la contravention à la norme peut même être considérée comme particulièrement intelligente (voire plus intelligible que la forme imposée, qui sacrifie vraiment la dimension temporelle). C’est l’apprentissage de la norme qui va faire changer au locuteur ses habitudes sans toutefois lui expliquer que c’est ici l’aspect intérieur qui est requis. Néanmoins, la prétendue faute (dans, par exemple, Que ferez-vous si vous aurez la couronne ?, prononcé par un animateur durant un concours de beauté alors que la gagnante n’est pas encore connue) peut avoir sa logique et sa nécessité : il s’agit d’éviter toute ambigüité quant au temps futur : un présent pourrait faire croire que les jeux sont faits ou les dés pipés. L’utilisation d’un futur résout à peu de frais le conflit évoqué cidessus. Le connecteur enchâssant si de condition signifie de toute façon la nécessité que la condition connaisse un début de réalisation : c’est ainsi qu’elle peut déjà exprimer la vraie concession avec un verbe au futur 1 (Si je serai bien là, je ne ferai cependant rien).

SP

Évidemment, dans la variété normée de la langue, certains des cas évoqués sont encore inacceptables, mais le système permet des ouvertures dans d’autres registres ou variétés de langue (celles que l’on parle quotidiennement). Il est important de reconnaitre les usages variés, de relativiser la notion de faute (certaines fautes ne sont qu’annonciatrices de l’évolution du système), à laquelle on préfèrera d’ailleurs celle d’erreur, et d’apprendre à utiliser différemment le code, de manière adaptée, en fonction des situations de communication dans lesquelles sont engagés les interlocuteurs.

354


IM EN MODULE 4

4

La grammaire d’accord

4.1 INTRODUCTION : L’USAGE, LE BON USAGE ET LA NORME

4.1.1 L’usage et la norme 4.1.2 La variation 4.1.3 Le support de la communication comme facteur de diversification 4.1.4 Grammaire d’usage et grammaire d’emploi

4.2 L’ACCORD

ÉC

4.2.1 Le mécanisme d’accord 4.2.2 Les types d’accord particuliers 4.2.3 Quelques phénomènes qui bloquent l’accord

4.3 LES VARIATIONS ORTHOGRAPHIQUES DES SUPPORTS 4.3.1 Le nom

4.4 LES VARIATIONS ORTHOGRAPHIQUES DES APPORTS

SP

4.4.1 L’accord de l’adjectif 4.4.2 L’accord du verbe 4.4.3 L’accord du participe 2 4.4.4 L’accord de l’adverbe 4.4.5 Synthèse des variations des apports


IM EN

ÉC

SP


4.1

Introduction : l’usage, le bon usage et la norme

IM EN

Depuis Vaugelas (1647) et ses Remarques sur la langue françoise, l’enregistrement de l’usage s’est souvent mué en règlementation de celuici, et ce, sur la base de critères esthétiques, voire sociaux. L’usage décrit par Vaugelas repose sur « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps ». La grammaire scolaire, initiée par Lhomond en 1780, prend le relais de cette conception, et le Belge Maurice Grevisse, dans son Bon usage, y fait clairement référence, lorsqu’il en sous-titre certaines éditions « avec des remarques sur la langue française d’aujourd’hui ». Le concept de norme est donc central en français.

L’usage et la norme

ÉC

Lorsqu’on cherche à se représenter une langue donnée, on est souvent confronté à ce dilemme : est-ce que je dois représenter la langue telle qu’elle est parlée, ou est-ce que je dois la représenter telle qu’elle devrait être parlée si elle était bien parlée ? Cette question est fondamentale dans les premières grammaires qui ont été réalisées sur la plupart des langues. Aujourd’hui, la linguistique cherche à séparer la description scientifique d’une langue des préoccupations concernant sa norme. Cet objectif pose un problème de fond : où passe la frontière entre l’usage et la norme ?

4.1.1.1

Aux origines de la notion de norme : une problématique socio-culturelle

SP

Dans l’histoire, la conscience de ce qu’est une langue est étroitement liée au développement de l’idée de norme. En France au XVIe siècle, il était bien difficile de dire ce qu’était le français. Quand les grammairiens ont commencé à s’intéresser à la manière dont parlaient les gens dans le royaume, ils n’ont trouvé qu’une marqueterie de dialectes, de patois, de technolectes, de sociolectes, toutes variétés qu’étudie aujourd’hui la sociolinguistique. L’idée qu’il existait une langue française s’est donc essentiellement construite au moyen de la notion de norme. Dans ses Remarques sur la langue françoise parues en 1647, Vaugelas propose d’aligner tout ce qui pourra être dit en matière de grammaire sur une variété de français parlé, qu’il caractérise comme la « façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’escrire de la plus saine partie des Autheurs du temps ». C’est ce qu’il appelle le « bon usage ». On remarque qu’il s’agit d’une conception très restrictive de l’usage, et, à vrai dire, elle a été interprétée dans l’histoire de manière de plus en plus « puriste », pour se transformer, surtout après les premiers

357


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Le français standard

ÉC

4.1.1.2

IM EN

travaux de l’Académie française, en une norme très stricte. On est donc passé de l’enregistrement de l’usage au formatage de cet usage. Les concepts de norme et d’usage sont donc surtout des concepts d’origine socioculturelle, et ils ont beaucoup varié selon les lieux et les époques. On les retrouve d’ailleurs dans d’autres domaines que le langage : dans les comportements sociaux, par exemple. Dans l’histoire de la linguistique, l’opposition norme/usage a pu servir à distinguer la grammaire, dans sa version la plus traditionnelle, de la moderne linguistique. La grammaire s’appuierait essentiellement sur la défense d’une norme, autrement dit elle serait de nature prescriptive, alors que la linguistique aurait l’ambition d’être seulement descriptive. L’exemple français n’est pas isolé, même si on remarque que, dans cette tradition culturelle, la notion de norme a joué un rôle particulièrement fort. La sociolinguistique constate que, dans la plupart des langues existantes, des différences apparaissent plus ou moins rapidement entre diverses variétés de langue. La sociolinguistique ne parlera pas alors de norme, mais de « variété légitime », de « langue standard », de « langue de référence » ou de « langue officielle ». La langue standard se définit par un certain nombre de prescriptions en matière de phonologie, de lexique, de syntaxe et de style. Elle est souvent associée à un usage écrit.

SP

Lorsque l’on parle d’une langue, même si l’on reconnait sa diversité, on envisage une seule variété, sélectionnée parmi d’autres pour être la plus représentative. Il s’agit de la « langue de référence » ou « langue standard ». Cette langue standard est en fait un objet construit par quelques-uns à partir des différents registres dont elle sélectionne des caractéristiques. Pour le français, dans la construction mentale, culturelle, plus ou moins inconsciente qui en est faite, la langue standard a d’abord été envisagée sous un angle normatif. On parlait, avec une pointe de dédain, de niveaux de langue, comme si l’un d’entre eux était supérieur aux autres. Sous l’influence des défenseurs de la norme, on rejetait presque systématiquement les néologismes au profit des archaïsmes, ainsi que le recours aux emprunts comme les anglicismes. On privilégiait de la même manière le français parisien de la moyenne bourgeoisie, des universitaires ou des présentateurs de la télévision, celui des classes que l’on voulait investir. Cette conception de la langue renvoyait de préférence à une langue écrite, plutôt soutenue : celle des bons écrivains reconnus. L’attitude à l’égard de la langue standard et des registres de langue a changé, notamment grâce aux apports de la sociolinguistique. Aujourd’hui, avec la reconnaissance de la diversité des usages de la 358


Module 4 : la grammaire d’accord

langue, le sentiment de hiérarchie s’est estompé. La langue standard n’est plus une langue meilleure que les autres ; elle est un point de référence par rapport auquel l’usage de chacun peut être situé.

La variation

ÉC

IM EN

Le concept de variation est l’un des concepts majeurs de la sociolinguistique. Il s’oppose à la vision structurale des langues qui estime qu’il n’y a qu’une manière de dire ce que l’on veut dire. On parlera de variation dès qu’on observe des écarts, aussi minimes soient-ils, entre des manières comparables de s’exprimer. Le concept de variation a rencontré depuis les travaux de W. Labov un grand succès. Il est aujourd’hui utilisé de manière très large, et des distinctions ont été proposées. Ainsi, la variation dans le temps est appelée variation diachronique, la variation dans l’espace est nommée variation diatopique, la variation liée aux registres est appelée variation diastratique. La notion de variation pose un problème dans l’analyse de la structure des langues. Comment peut-on parler de structure s’il existe, dans chaque état synchronique d’une langue, des situations de variation ? Il est parfois difficile, dans les phénomènes de variation, de faire la différence entre ce qui reste à l’intérieur du système central et ce qui tend à glisser vers un autre système, un système dialectal, par exemple. Ceci montre à quel point le concept de langue est fragile.

4.1.2.1

Un exemple de variation : le registre de langue

SP

Les registres de langues répondent à la question « Qui parle quoi, quand et à qui ? ». En effet, le type de langue que l’on utilise à un même moment et dans un même lieu peut varier en fonction des situations de parole. Ces différents types de langue sont appelés des registres de langue. Il n’est pas facile de tracer des frontières nettes entre registres de langue ; le passage de l’un à l’autre se fait sans rupture tangible. Cependant, malgré la difficulté pour l’observateur d’élaborer une classification rigoureuse, qui ne soit pas trop entachée de subjectivité, on reconnait en général quatre registres de langue en français : le registre soutenu, le moyen ou non marqué, le populaire et le vulgaire. Les dictionnaires mettent l’accent sur cette différence, par exemple en faisant figurer l’inscription populaire derrière certains mots. On trouve également d’autres qualificatifs tels que argotique, familier, courant, littéraire, archaïque, …

359


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Les désignations de registres ont été critiquées car elles ne séparent pas les considérations sociales (populaire) des considérations stylistiques (soutenu). Dans la mesure où chaque locuteur utilise des styles divers, il conviendrait de distinguer, par exemple, un populaire soutenu d’un populaire familier ou vulgaire… Le linguiste O. Soutet donne un bon exemple du passage d’un registre à l’autre234 :

IM EN

1. L’adjudant, très attaché à la discipline, ne voulait pas que les soldats fussent ivres. (soutenu) 2. L’adjudant, sévère, ne voulait pas que les soldats soient ivres. (moyen) 3. Le juteux, plutôt réglo question discipline, voulait pas que les bidasses soyent saouls. (populaire) 4. C’te vache de juteux, i voulait pas qu’les bidasses s’pètent la gueule. (vulgaire)

ÉC

On remarque que ce n’est pas le contenu sémantique qui change entre (1) et (4), mais la formulation, qui nous donne des indications sur celui qui parle. Ce changement de formulation affecte le vocabulaire (adjudant/juteux), la morphologie (ne … pas/pas), la syntaxe (la concordance des temps : subjonctif imparfait en (1), présent en (2), (3) et (4)) et la prononciation (ct’e ; soient/soyent).

4.1.2.2

Les facteurs de diversification

SP

Le milieu socio-économique et le parcours intellectuel du locuteur exercent une influence certaine sur son parler : un garagiste ne parlera normalement pas la même langue qu’un académicien ou une princesse. Le registre employé peut dès lors donner des indications sur l’origine sociale du locuteur. Cependant, en interaction, le locuteur, quelle que soit son origine sociale, peut être amené à choisir, parmi les différents registres, celui qui lui parait le plus approprié pour atteindre ses objectifs dans l’échange. Il peut dès lors puiser dans l’éventail des ressources mises à sa disposition. Si un employé demande un dossier à ses collègues, il ne le fera pas de la même manière que s’il le demandait à son employeur. La langue fournit des moyens de marquer une distance plus ou moins grande entre les interlocuteurs : par exemple, avec ses collègues, il utilisera sans doute le tutoiement ; avec son employeur, le vouvoiement. 234

Soutet, O., Linguistique, Paris, PUF, 1996.

360


Module 4 : la grammaire d’accord

IM EN

De même, le contexte dans lequel l’échange prend place, la situation, le lieu, les circonstances, déterminent le type de registre utilisé : on parlera différemment selon que l’on se trouve sur son lieu de travail, en famille ou encore dans une séance académique, face à un auditoire. Il y a là des contextes formels, qui commandent un registre plutôt soutenu (discours politiques, juridiques, …), et des contextes informels, qui laissent une plus grande liberté et s’accommodent d’un registre populaire, voire vulgaire (vacances, diners entre amis, …). Les travaux des sociolinguistes ont permis de faire la part de l’influence du milieu social sur la variété de langue. La notion de « sociolecte », qui désigne la langue d’un groupe social, est venue enrichir l’étude des variations de la langue. D’autres facteurs peuvent intervenir dans la sélection des registres de langue. Parmi ceux-ci, on retiendra l’âge du locuteur. On ne parle pas de la même façon à 20, 40 ou 60 ans ; en conversation, deux individus d’âge différent ne parlent pas exactement la même langue. De même, le support de communication peut être un facteur de diversification.

Le support de la communication comme facteur de diversification

SP

ÉC

Selon que la communication est orale ou écrite, des différences de registres peuvent être perçues. Cependant, même si l’écrit a plus souvent recours à un style non marqué ou soutenu, et l’oral à un style plus populaire, on ne peut affirmer l’existence d’un lien strict entre registre et support de communication. En effet, certains textes oraux sont d’un langage éminemment soutenu (on cite comme exemple les Oraisons funèbres de Bossuet), et certains textes écrits reproduisent le registre populaire, voire vulgaire (les San Antonio, par exemple). On a pris – assez tardivement en fait – l’habitude de distinguer à gros trait l’oral de l’écrit, au point de présenter parfois deux grammaires : l’accord en genre et en nombre répondrait à des règles différentes, au moins dans leur mise en forme ; l’interrogation ne se ferait pas de la même manière… On a à juste titre montré que la frontière était parfois floue entre ces deux supports : on peut déclamer un texte préalablement écrit, ou écrire un texte empreint d’oralité (on parle même d’oralitude). L’oral obtient enfin droit de cité, jusqu’à être reconnu et valorisé dans l’enseignement, par le biais des compétences « écouter/parler ». Pour autant, la variété privilégiée pour la langue standard reste l’écrit. Et on n’entend guère reprocher à quelqu’un de parler comme il écrit. Par contre, combien de fois n’entendons-nous pas : « Les jeunes ne savent

361


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

plus écrire. Ils écrivent comme ils parlent. D’ailleurs, ils n’écrivent plus, ma bonne dame. » ? Au laudator temporis acti, il faut opposer la réalité des pratiques actuelles d’écriture diversifiées et multipliées par le biais des nouvelles technologies. Ces dernières décennies ont vu se développer toute une panoplie de supports-espaces divers pour l’écrit : le téléphone (pour le SMS) et l’ordinateur (pour le courriel, MSN, les forums de débat ou de rencontre, le chat, les blogs, les réseaux sociaux ou communautés d’internautes, les plateformes de jeu, …) ont permis l’expansion de modes d’écriture qui troquent la plume pour le clavier. Ces clavardages ont certes mauvaise presse ; ils contamineraient l’écrit : « Les jeunes écrivent en SMS. » Des études récentes montrent néanmoins l’impact somme toute limité du SMS sur l’écriture235. En fait, les usagers font preuve d’une assez remarquable intelligence adaptative. Ces nouveaux modes participent de l’estompement, voire de l’abolition des distances tant spatiales que temporelles de l’acte de communication. De même la frontière-distance entre espaces privé et public devient poreuse. Ces disparitions de limites influencent peut-être (c’est à vérifier) certains aspects de l’écriture, pour coller à l’illusion du temps réel de la communication.

ÉC

Grammaire d’usage et grammaire d’emploi

SP

La reconnaissance de la diversité du français et de ses variations impose de jeter un regard neuf sur la notion de règles, voire de grammaire. La grammaire scolaire décrit en fait un certain nombre de règles, morphosyntaxiques en général, qui visent à la maitrise du bien écrire et parfois du bien parler. Saurait bien écrire et bien parler celui qui maitrise cette connaissance grammaticale, vue dès lors presque comme une compétence en soi. Cependant, qu’en est-il de la pratique de la langue en situation, qui devrait être un des objectifs de l’enseignement grammatical ? La connaissance, même pointue, des règles d’usage ne garantit en rien la correction ou la pertinence d’une production langagière. Ainsi un discours parfait selon la norme d’usage pourra s’avérer complètement à côté de la plaque s’il n’est pas produit dans le registre imposé par la situation de communication : dans l’exemple vu plus haut, la variante L’adjudant, très attaché à la discipline, ne voulait pas que les soldats 235

Voir, notamment, Fairon, C., Klein, J.R., Paumier, S., Le langage SMS. Étude d’un corpus informatisé à partir de l’enquête « Faites don de vos SMS à la science », Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2006. Et Van Raemdonck, D., & Nève de Mévergnies, T., Deffence et illustration du clavardage: Dis-moi où tu écris, je te dirai comment, Français et Société 25, Bruxelles, E.M.E, 2012.

362


Module 4 : la grammaire d’accord

SP

ÉC

IM EN

fussent ivres apparaitrait incongrue si les interlocuteurs sont un groupe de bidasses. La correction grammaticale (d’usage) ne saurait cacher l’incongruité de l’irruption d’un registre soutenu dans un univers qui ne le serait pas (erreur dans la grammaire d’emploi). Dans l’enseignement, la grammaire d’emploi est souvent occultée par la grammaire d’usage et l’apprenant apparait abandonné à lui-même lorsqu’il s’agit de déterminer le juste registre à investir. Sans compter qu’on entend parfois dire que « dans le registre familier, les règles grammaticales ne sont pas respectées », ce que rien ne permet d’affirmer de manière aussi péremptoire. On peut en effet écrire familier tout en écrivant correct : Je suis crevé. Cela fait partie de la compétence linguistique de savoir reconnaitre très précisément les variétés et registres de langue et de pouvoir y avoir recours de la manière la plus appropriée qui soit à la situation de communication. On constate, au demeurant, que peu de locuteurs reconnaissent leur variété de langue dans une langue standard. Il s’agit même pour certains d’une langue qui a les caractéristiques d’une langue seconde. Il importe donc que tous les registres différents et toutes les variétés d’une langue soient reconnus comme autant de témoins de sa richesse plutôt que comme des versions imparfaites à corriger. L’impact d’une telle vision sur les mentalités et sur l’enseignement pourrait être considérable, dans la mesure où elle favorise la prise en compte d’une relativité réfléchie. Responsables de ce qu’ils veulent exprimer, les usagers disposent de différents moyens dont ils peuvent user librement. La réappropriation par les usagers de leur langue passe également par la reconnaissance, la promotion et l’exercice des différentes variétés, afin qu’elles puissent être mobilisées de la manière la plus adéquate au moment le plus opportun.

363


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

4.2

L’accord

IM EN

Comme toute activité normée, la grammaire d’accord, appelée également, pour l’écrit, orthographe d’accord par opposition à l’orthographe d’usage, peut paraitre difficile et complexe. Or, si l’on comprend le sens du mécanisme d’accord, les choses sont plus aisées. Tout peut être ramené à la construction d’un réseau de sens ou de signification. Ex. : Les prunes que j’ai mangées étaient bien mures. La question dont traite la grammaire d’accord est la suivante : dois-je accorder, et si oui, avec quoi ?

Le mécanisme d’accord comme garant de cohésion

SP

ÉC

Les phrases ne doivent pas seulement respecter des règles de bonne formation grammaticale ou sémantique : elles doivent encore s’inscrire de la manière la plus harmonieuse possible dans le contexte où elles apparaissent. La notion de cohésion peut être définie comme la propriété d’un ensemble dont toutes les parties sont intimement unies. Lorsque l’on étudie la cohésion d’une séquence, on s’attache surtout aux mécanismes strictement linguistiques qui régissent les relations entre termes ou groupes dans la phrase, ou encore entre phrases dans le texte. D’un point de vue formel, l’accord, qui marque la mise en relation de deux ou plusieurs termes, est un signe de cette cohésion. La syntaxe d’accord est d’abord une syntaxe de rection : un mot, le support, impose sa forme (en français, le genre, le nombre et la personne) à un autre, l’apport. Les classes de mots concernées sont : § d’une part, le nom et le pronom, qui en tant que supports ne s’accordent pas, mais dont la forme peut varier en fonction du contexte et de l’intention de dire de l’énonciateur ; le nom détient un genre et peut varier en nombre en fonction de l’intention de dire de l’énonciateur ; dans certains cas, le pronom prend son genre, son nombre et sa personne du mot qu’il représente ou de son référent ; § d’autre part, l’adjectif et le verbe (dont le participe), apports dont la forme peut varier du fait du phénomène de l’accord avec leur support ; l’adjectif détient son genre et son nombre du mot auquel il se rapporte ; le verbe prend sa personne et son nombre à son support, en général, le noyau de phrase (pour le participe, l’accord se fait en genre et en nombre avec son support). L’accord dépend donc de la relation entre apport et support de signification, et non de la fonction syntaxique précise des éléments : 364


Module 4 : la grammaire d’accord

IM EN

l’accord se fait avec le support de l’apport, et non avec une fonction. Il n’est donc pas besoin de faire intervenir un pseudo-système fonctionnel dans le mécanisme de l’accord ou dans sa description. Lorsqu’il y a accord, il ne s’agit pas que d’une affaire formelle. Le mécanisme de l’accord fait intervenir un élément (un adjectif ou un verbe, par exemple) qui apporte du sens et un autre (un nom ou un pronom) qui le reçoit : vert apporte du sens à chapeaux dans chapeaux verts. Il y a donc une relation d’apport à support de signification. En échange, le support donne ses marques à l’apport, ce qui sera l’indice de la cohésion du groupe : chapeaux transmet ses caractères masculin et pluriel à verts. Il y a donc, en retour, une relation de donneur à receveur. Pour accorder, il s’agit en fait d’identifier le support (qui a reçu du sens) et de transférer, en fonction des catégories grammaticales pertinentes qu’ils ont en partage, ses traits et ses marques à l’apport (qui a apporté le sens).

ÉC

L’accord est le mécanisme, agissant tant à l’oral qu’à l’écrit, par lequel est établi un rapport entre deux termes, dont un (l’apport) apporte du sens au second (le support), lequel en échange transmet les traits et marques morphologiques liés aux catégories grammaticales pertinentes qu’ils ont en partage. Il y a donc un double processus de cohésion : sémantique premièrement, morphologique ensuite.

SUPPORT

APPORT

SP

sens

marques

SUPPORT après apport

APPORT après accord

365


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

transmet ses marques Ex. : Un immense aéroport (apport) (support)

transmet ses marques à

apporte du sens

IM EN

apporte du sens

Deux immenses aéroports (apport) (support)

Pour rappel, chaque mot variable est susceptible de varier morphologiquement selon des modes de flexions (inhérents et adhérents) spécifiques, en fonction des catégories grammaticales pertinentes de la classe à laquelle il appartient.

ÉC

La différence de variation morphologique entre les supports et les apports de sens réside dans la hiérarchie tant informationnelle que syntaxique qui existe entre eux. En effet, en discours, selon l’intention de dire de l’énonciateur, les mots supports varient spontanément en fonction de leur mode de flexion inhérent, en fonction de leurs catégories grammaticales. De leur côté, les apports (c’est-à-dire les compléments et suppléments de sens) varient selon leur mode de flexion adhérent, en fonction des catégories grammaticales pertinentes de leur classe, et adoptent donc, par le biais de l’accord, les traits et marques morphologiques du support.

SP

Notons cependant que chaque mot ou groupe de mots est susceptible d’être tour à tour support ou apport en discours.

Ex. GDN = [Une [grosse [pomme [rouge foncé]]]].

366


Module 4 : la grammaire d’accord

En schéma : Fonction

IM EN

(GDN)

Noyau (GDN’)

Dét. Q. (adjectif) une

Noyau (GDN’’)

Dét. Ca. (adjectif) grosse

Dét. Ca. (GDAdj.)

ÉC

Noyau (nom)

236

pomme

Dét. Ca. (adjectif) foncé

SP

Noyau (adjectif) rouge

236

Ici, il s’agit d’un groupe adjectival composé d’un adjectif de couleur et d’un déterminant de cet adjectif. Cette configuration engendre une exception orthographique (un adjectif sans emploi adverbial déterminant d’un autre adjectif) et réclame l’invariabilité.

367


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Les types d’accord particuliers 4.2.2.1

L’accord par syllepse ou accord par le sens

ÉC

IM EN

Le type d’accord décrit ci-dessus, avec en principe un et un seul accord possible, est le plus généralement à l’œuvre dans la grammaire. Cela étant, il existe des cas où l’accord semble ne pas opérer en ces termes. Prenons l’accord du verbe avec un noyau de phrase (anciennement sujet) collectif. Soit les exemples : 1° Une bande de corbeaux s’envole ; 2° Une bande de corbeaux s’envolent. Les deux accords sont acceptés. Cependant, si dans 1°, l’accord du verbe se fait bien avec le noyau du GDN noyau de phrase (bande, singulier), dans 2°, le verbe ne s’accorde pas avec le noyau du GDN noyau de phrase mais avec corbeaux, déterminant du noyau du GDN, pluriel. Cela contrevient à la règle d’accord avec le noyau de phrase : on est obligé de parler d’un accord par syllepse, par le sens, accord qui apparait comme subjectif. On pourrait éviter cette entorse en proposant une autre analyse : en 1° Nom-noyau (une bande) + déterminant du noyau du GDN (de corbeaux) ; en 2° déterminant du noyau du GDN (une bande de) + Nom-noyau (corbeaux). Dans ces deux analyses, la règle de l’accord avec le supportNom-noyau du GDN noyau de phrase est respectée. On nous dira que l’analyse dépend du sens que l’on donne. Certes, mais dans ce cas, l’intention de dire est d’abord traduite dans une forme correspondante, et c’est sur la base de ce formatage que l’accord peut se faire tout à fait régulièrement. Il faut dès lors rendre compte au plus juste de ce formatage. À défaut, on en est réduit à créer des dérogations, véritables aveux de carence.

4.2.2.2

L’accord à l’oral, l’accord à l’écrit

SP

On notera une différence de traitement de l’accord, selon qu’on le pratique à l’écrit ou à l’oral. À l’écrit, on observe une certaine redondance de marques, pour noter la cohésion graphique d’une séquence : dans Les petits garçons chantent, le pluriel se marque quatre fois. Si l’on prononce cette phrase, on remarque que le mécanisme de l’accord n’est audible qu’une seule fois : c’est ici l’adjectif articulaire Les (déterminant quantifiant) qui trahit le pluriel. L’accord introduit à l’écrit une lisibilité des relations syntaxiques pas toujours nécessaire à l’oral. Parfois même les pluriels ne sont pas identifiables du tout à l’oral, puisqu’ils ne sont révélés par aucun élément phonétique pertinent. (Ex. : Il chante / Ils chantent à [il∫ãt]). À l’oral, le « -s du pluriel » reste le plus souvent muet, sauf en liaison ; il en va de même pour le « -e du féminin », qui s’il est ajouté à une finale vocalique (aimé-e : [ɛme]), ne s’entend guère en français standard, et s’il est ajouté à une finale consonantique, ne 368


Module 4 : la grammaire d’accord

IM EN

se prononce pas plus, mais oblige à prononcer la consonne finale (petit-e : [pətit]). On pourrait en arriver à rédiger des règles d’accord spécifiques pour l’oral et pour l’écrit, différentes non pas quant au mécanisme mis en œuvre, mais quant à leur effet. Cela étant, pour le genre, certaines indécisions, même à l’écrit, ne peuvent être levées que grâce au contexte, à la connaissance ou la présence de l’énonciateur. Ex.237 : Je m’appelle Dominique. Mon frère m’appelle « diva » car j’adore chanter. À la maison, je suis en général sage, mais il ne faut pas jouer avec mes pieds : hier ma mère n’a pas voulu que je sorte jouer avec les élèves du collège voisin… Pour savoir de quel sexe est l’énonciateur, il faut déterminer qui se cache derrière le Je. En l’occurrence, rien d’autre ne peut lever l’ambigüité. Notons en outre que certaines liaisons orales peuvent faire croire à un accord et amener à ajouter la voyelle finale -e là où il n’y en a pas (notamment avec cet dans cet enfant).

Quelques phénomènes qui bloquent l’accord

SP

ÉC

Certains phénomènes peuvent bloquer l’accord, soit qu’ils incitent à commettre des fautes, soit que, intégrés après observation de l’usage, ils deviennent la nouvelle norme. Nous en envisagerons deux : la position du donneur de marque(s), et l’interférence de certains pronoms. La position du donneur de marque(s) peut entrainer un non-accord. Dans le cas de l’accord du verbe, lorsqu’il y a inversion de celui-ci avec le noyau de phrase (Ainsi s’observent, plus souvent qu’on ne le croit, des cas de non-accord), certains oublient de faire l’accord. Au moment de devoir accorder le verbe, le donneur n’est pas encore disponible, et, une fois qu’il le devient, ils ne pensent pas à revenir en arrière pour accorder. Si, dans ce cas, on doit constater la faute, on remarquera que le même phénomène s’est, à l’inverse, invité dans la règle qui exonère d’accord le participe 2 employé avec avoir, lorsque son donneur le suit. Dans une séquence comme L’impression que cela m’a fait, alors que l’accord du participe est attendu avec le que, mis pour impression, on remarque qu’il est pratiquement impossible de produire la forme accordée faite. La raison pourrait en être l’interférence du pronom neutre cela. En effet, si l’on remplace cela par elle ou même il, l’accord normal de faite ne pose pas de problème. 237

Exemple repris du Référentiel de Langue, Parcours et Références, De Boeck, 2003, p. 105.

369


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

4.3

Les variations orthographiques des supports

Le nom

IM EN

Un mot, lorsqu’il est noyau de groupe déterminatif, varie selon son mode de flexion propre. Notons que c’est, en discours, sa fonction de support-noyau qui l’immunise contre la contagion morphologique qui pourrait résulter du contact avec les autres mots du groupe. C’est le cas du nom, qui a un fonctionnement prototypique de noyau, et qui varie donc spontanément en fonction de ses catégories propres, sans autre dimension à prendre en compte que l’intention de dire de l’énonciateur (« Je veux parler d’un (singulier) ou de plusieurs (pluriel) objets ? »). Cependant, si le groupe lui-même devient apport d’un autre support, il se peut que des phénomènes d’accord interviennent. Ainsi, le noyau d’un groupe déterminatif adjectival pourra prendre, une fois rapporté à un support nominal, les marques de genre et de nombre du noyau du GDN : dans l’exemple Pleine de bonne volonté, Sarah a accueilli ses beauxparents, l’adjectif noyau du GDAdj. (pleine), rapporté au GDN, prend les marques du noyau du GDN (Sarah), soit le féminin singulier.

ÉC

Le nom est prototypiquement un support de signification qui a un mode de variation en genre et en nombre (flexions inhérentes). Le nom possède un genre dès la langue, et ne reçoit en discours pas d’autre trait morphologique que le nombre (singulier ou pluriel), en fonction de l’intention de dire de l’énonciateur.

4.3.1.1

Le genre

SP

Pour rappel, il existe trois genres en français : le masculin, le féminin et le neutre, non marqué, lequel présente les mêmes traits morphologiques que le masculin et est donc souvent confondu avec celui-ci. Le mode de flexion en genre est inhérent au nom (sauf pour les noms épicènes tels que pianiste, élève, …), c’est-à-dire que tel nom possède d’office un genre masculin ou féminin.

370


Module 4 : la grammaire d’accord

4.3.1.1.1 La féminisation des noms de titres, métiers et fonctions

SP

ÉC

IM EN

La grammaire s’invite parfois dans les débats de société, et vice versa. La suprématie du genre masculin sur la langue semble n’être que le reflet de la suprématie de l’homme sur la femme dans la société française, et, en tout cas, dans les institutions, comme l’Académie, qui sont censées veiller sur le français. Un exemple peut être observé dans la polémique qu’a soulevée, et que soulève encore, la féminisation des noms de métiers. L’ancienne langue, beaucoup plus libre à cet égard, n’avait aucune difficulté à féminiser les noms de titres ou de métiers. En français moderne, les femmes n’arrivent pas à faire entendre leur voix en pesant de tout le poids que leur représentativité sociale devrait leur conférer. Même si des circulaires sont prises, les censeurs de la langue condamnent avec constance ce qu’ils considèrent comme une hérésie, créatrice de barbarismes. Il va de soi que la question que l’on doit se poser, en tant que grammairien, est celle des moyens linguistiques dont dispose le français pour rendre compte de la différence de sexe des détenteurs des titres et fonctions. L’adjonction d’un -e peut être conforme à l’usage traditionnel de la féminisation : député/députée, apprenti/apprentie, chirurgien/ chirurgienne…, mais peut aussi sembler passer outre : écrivain/écrivaine (-ain n’est en rien un suffixe à priori masculin (putain, nonnain)), auteur/auteure (sans entrer dans le détail des noms en -eur, en général, dont la féminisation hésite entre -euse (visiteuse), -trice (institutrice), -eure (supérieure), -eresse (pécheresse)). Si le -e ne peut être discriminant, soit parce que le nom masculin se termine déjà par -e (ministre), soit qu’il se termine par une autre voyelle (impresario), le déterminant peut prendre en charge la marque de genre (une ministre, une impresario). Quant à l’homme d’affaires féminisé, ce sera une femme d’affaires. Point de quoi, en somme, pousser des cris d’orfraie, ou encore s’immiscer, pour les condamner, dans les choix des académies sœurs, belge ou québécoise, qui ont tranché en faveur de la féminisation. La langue se doit de représenter le monde et d’agir sur lui. Nous parlerons de règles de formation morphologique du genre féminin238. Mais pas comme dérivé de la forme du masculin : le nom féminin formé possède son genre propre, et est indépendant d’une quelconque autre forme ; de fait, beaucoup de noms (les noms d’objets non sexués) n’ont pas de féminin ou de masculin correspondant (une cuillère, un marteau, une voiture, un ordinateur, une photo, …). 238

Tout nom de titre, métier et fonction est susceptible de formation au féminin selon les règles établies ci-après.

371


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

ÉC

IM EN

Cependant, pour la facilité pédagogique, on a pris l’habitude de construire la forme graphique du féminin à partir de celle du masculin singulier. Il ne faut dès lors y voir qu’un artifice pédagogique et non une aliénation du féminin au masculin. En général, la forme féminine équivaut à la forme masculine à laquelle on ajouterait un -e, avec parfois un redoublement de consonne ou un changement de radical.

372


373

Modification de la finale

Aucune modification

Règles particulières

C É

NOM MASCULIN SINGULIER + E

/

Redoublement de la consonne finale

-e

-el -et -en -on

P S

+E

Forme initiale de Changement de la forme Morphème la finale au au masculin féminin masculin

RÈGLE GÉNÉRALE :

Colonel + l + e Cadet + t + e Chien + n + e Baron + n + e

Exemples

EX. : AMI → AMIE

Les masculins en -in, -an, -at, -ot ne redoublent pas la consonne finale, sauf Jean(ne), paysan(ne), sot(te), chat(te), linot(te)

Ce sont des noms dits épicènes. Leur genre est révélé par la forme du déterminant quantifiant.

Remarques ou attentions particulières

La liste des exceptions n’est pas exhaustive, mais recouvre les mots susceptibles d’être rencontrés ou utilisés le plus fréquemment. Pour rappel, le nom féminin formé possède son genre propre, et est indépendant d’une quelconque autre forme. C’est par facilité pédagogique qu’on a pris l’habitude de construire la forme graphique du féminin à partir de celle du masculin. Il ne faut dès lors y voir qu’un artifice pédagogique et non une aliénation du féminin au masculin.

4.3.1.1.2 Tableau récapitulatif des règles de formation du féminin graphique du nom

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Modification de la finale

>s

-eau -ou -er -f -c

-x

> (t)eus / -tric

P S

-(t)eur

+E

C É

Modification de la finale > ll > ll > èr >v > qu

Serveur -eus + e (servant) Chanteur -eus + e (chantant) Directeur -tric + e (*directant)

Époux -s + e

Chameau -ll + e Fou -ll + e Berger -èr + e Juif -v + e Turc -qu + e

Mais : Grec → Grecque Mais : vieux → vieille, roux → rousse Si on peut faire correspondre au nom en -(t)eur un participe 1 sur base de la même forme, alors le féminin est en -euse (avec quelques exceptions comme inspectrice, émettrice, éditrice, exécutrice, …) ; si ce n’est pas possible, il est en -trice. On enregistre aussi des féminins en –eure : auteure, professeure

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

374


Modifications partielles ou totales du mot

Modification de la finale

(variable)

+E

C É

P S

-eur, -e

Modification de la finale > eress, ss Les titres de noblesse font souvent leur féminin en -esse (princesse, (vi)comtesse, duchesse)

C’est aussi régulièrement valable pour les noms d’animaux : coq → poule canard → cane porc → laie, …

Pécheur -eress + e Demandeur -eress + e Âne + ss + e Diable + ss + e Hôte + ss + e

Fils → fille Neveu → nièce Copain → copine Héros → héroïne Roi → reine

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord

375


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

4.3.1.2

Le nombre

IM EN

Pour le nombre, la formation du pluriel dépend d’un contexte particulier : il y a lieu de parler de variation morphologique, celle-ci pouvant être appliquée à tous les noms. Le mode de flexion en nombre est également inhérent au nom, même s’il n’est inclus initialement (pré-discursivement) ni dans le nom, ni dans un quelconque déterminant du groupe déterminatif. Ce mode de flexion est en fait fonction de la volonté de l’énonciateur de produire un énoncé qui mette en scène un ou plusieurs objet(s) du monde. Le formatage morphologique singulier ou pluriel des éléments du groupe déterminatif dépend de l’intention de dire, de la réalité à mettre en mots. En général, au pluriel on ajoute un -s ou un -x, avec parfois un changement de radical.

4.3.1.2.1 Les facteurs de variation pour le pluriel du nom

ÉC

Pour le pluriel graphique du nom, la catégorie du nombre se matérialise morphologiquement à l’écrit par : § au singulier : aucun ajout § au pluriel : ajout d’un -s239 ou d’un -x240, pouvant être précédé d’un changement de radical. On retiendra deux facteurs de variation : § commun / propre § simple / composé

4.3.1.2.1.1 Commun >< Propre

SP

§ Le nom commun varie en nombre (excepté les pluriels internes, comme fiançailles).

239

240

L’origine du pluriel en -s vient du pluriel du cas accusatif de l’ancien français (le seul cas du latin ayant survécu au XIIIe siècle). Cette forme au pluriel faisait sa finale en s (Ex. murs), laquelle finale est devenue le signe caractéristique du pluriel dans beaucoup de langues romanes, mais il ne se prononce plus en français. L’origine du pluriel en -x vient d’anciens usages qui vocalisaient le l final en u devant l’s du pluriel (un cheval à des chevaus). Or, à l’époque, cette finale -us pouvait être rendue graphiquement par une abréviation ressemblant à la lettre x (des chevax) et qui finit par être confondue avec cette lettre. Si bien qu’à mesure du temps, on oublia la fonction du signe x et on rétablit le u initial dans la graphie du pluriel (alors qu’il était inclus dans le x), tout en maintenant le signe x (mis pour -us), qui devint alors définitivement la lettre x (des chevaux).

376


Module 4 : la grammaire d’accord

IM EN

§ Le nom propre ne varie pas, o sauf lorsque l’usage le fait apparaitre en emploi commun (Ex. : Mes frères sont partis reconquérir leurs dulcinées et mes sœurs leurs jules. De nos jours, les mécènes sont rares.). o sauf lorsqu’il s’agit de lieux géographiques ou d’éléments géographiques naturels dont le pluriel est interne, … (les Pyrénées, les Açores, les Bermudes, les Canaries, …).241

4.3.1.2.1.2 Simple >< Composé

ÉC

Un nom composé est un nom constitué, à l’écrit, de plusieurs blocs graphiques242, mais qui est perçu, et dès lors fonctionne, comme un nom simple. Il se caractérise par la perte d’autonomie des éléments tant syntaxiquement que sémantiquement : par exemple, aucun élément ne peut être déterminé indépendamment de l’ensemble (la pomme de terre à ?? la petite pomme verte de la terre friable) ; dans le même ordre d’idées, la pronominalisation se fait sur l’ensemble.

SP

Le nom composé devrait, dès lors, être traité comme un nom simple. Il n’y a donc normalement pas lieu d’en faire la décomposition ni de l’analyser en ses éléments, car cela reviendrait à faire, par exemple, de petite-fille un nom (fille) déterminé (petite). En effet, le sens d’un nom dit composé est différent de la somme des sens de ses éléments constitutifs. Le nom composé renvoie à un référent autre que la somme des référents des composants du nom : un œil-de-bœuf est une fenêtre ronde, et non l’organe de la vue d’un bovin, auquel cas on aurait écrit un œil de bœuf. Ainsi, dans le premier cas, on écrira au pluriel des œils-de-bœuf 241

242

Les noms de peuples (De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves. Cette guerre oppose les Américains et les Irakiens) prennent une majuscule, mais ne sont pas des noms propres. En effet, ils ont une définition préalable qui pourrait être « l’ensemble des habitants du pays X » (Voir la définition du nom propre et du nom commun dans Les classes de mots). Jusqu’au cas limite de deux mots soudés, qui fonctionneront effectivement comme un nom simple (Ex. un portefeuille, des portefeuilles).

377


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

(/œjdœbœf/), alors que dans le second cas, on écrira des yeux de bœuf (/jødœbœf/).

ÉC

IM EN

§ Le nom commun morphologiquement simple fait généralement son pluriel graphique par l’adjonction d’un s (ou d’un x) final, y compris pour les noms d’origine étrangère (Ex. : une table à des tables ; un minimum à des minimums ; un tennisman à des tennismans, …). § Pour les noms communs morphologiquement composés, la situation actuelle est malheureusement plus complexe : seuls les éléments nominaux et adjectivaux sont susceptibles de variation (voir tableau ci-après), sauf o 1° si une périphrase bloque l’accord et justifie qu’on n’accorde pas le second élément : un arc-en-ciel à des arcs-en-ciel (car ce sont des arcs dans le ciel), un timbre-poste à des timbres-poste (car ce sont des timbres de la poste), ou o 2° si l’adjectif est en emploi adverbial : des nouveaunés243. Cette situation résulte de la collision de deux logiques d’accord peu compatibles : la logique morphologique, que nous préconisons, et qui consiste à ne mettre la marque du pluriel qu’au pluriel et seulement à la fin du nom composé, considéré comme fonctionnant à la manière d’un nom simple ; et la logique sémantique, qui vise à reconstruire une périphrase explicative de la composition, et qui de la sorte transforme et biaise les liens syntaxiques entre éléments.

On adoptera dorénavant les dernières conventions orthographiques en vigueur : les noms composés avec trait d’union du type porte-avion (verbe + nom) ou après-ski (connecteur subordonnant + nom) forment leur singulier et leur pluriel comme s’ils étaient des noms simples : seul le second élément prend la marque du pluriel, et seulement quand le nom composé est au pluriel (Ex. : un sèche-cheveu → des sèchecheveux ; un essuie-main → des essuie-mains ; un après-midi → des après-midis ; un abat-jour → des abat-jours ; un perceneige → des perce-neiges ; un garde-malade → des gardemalades ; un garde-boue → des garde-boues, …)244.

SP

§

243 244

Qui est curieusement une exception par rapport aux autres composés du même genre : des nouvelles venues. Ne sont pas concernés les noms composés incluant un adjectif articulaire (un trompel’œil, des trompe-l’œil ; un sans-le-sou, des sans-le-sou).

378


Module 4 : la grammaire d’accord

SP

ÉC

IM EN

Les règles de mise au pluriel des noms composés tiennent du casse-tête et relèvent finalement de l’apprentissage par cœur. Les propositions de la nouvelle orthographe (1990), bien qu’allant dans le sens de la simplification sur la base du critère morphologique (un nom composé = une unité) plutôt que sémantique (les périphrases), ne vont pas jusqu’au bout de leur logique. On devrait pouvoir généraliser une règle simple qui serait identique à celle applicable au nom simple : pluriel du [nom] = [nom] + s/x. Il devrait être ainsi normal d’écrire des [timbre-poste]s, des [arc-en-ciel]s, des [oiseau-mouche]s comme des [porte-plume]s, des [serretête]s, …

379


Autre ajout

Règles particulières

380

-ou

-eu

-au

/

Changement de la forme au singulier

P S

Forme initiale de la finale au singulier -eau

4.3.1.2.2.1 Noms morphologiquement simples

+x

Morphème pluriel

C É

Chou + x Genou + x Bijou + x Caillou + x Hibou + x Pou + x

Cheveu + x

Tuyau + x

Manteau + x

Exemples

RÈGLE GÉNÉRALE : NOM SINGULIER + S EX. : AMI à AMIS ; PASSEPARTOUT à PASSEPARTOUTS ; TENNISMAN à TENNISMANS

4.3.1.2.2 Tableau récapitulatif des règles de formation du pluriel graphique du nom

Le reste des mots en -ou prennent s et non x (des clous, …)

Bleu et pneu prennent s et non x.

Landau, sarrau prennent s et non x.

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Modification de la finale + autre ajout

Règles particulières

381

Modification variable de la finale l > u (devant x)

+x

Morphème pluriel

C É

Modification de la finale l > u (devant x)

Changement de la forme au singulier

P S

- (variable) + l

-ail

-al

Forme initiale de la finale au singulier

Il s’agit là des exceptions de la règle générale qui veut que les mots en -ail prennent s et non x (des éventails, …)

Vitrail -u + x Soupirail -u + x Travail -u + x Bail -u + x Email -u + x Corail -u + x Aïeul -u + x Ciel -u + x Ail -u + (l) + x Œil yeu + x Aïeul, ciel, ail et œil ont des pluriels doubles : + s ou modification + x. Aïeuls = grands-parents ; aïeux = ancêtres / Ciels = nuages ; cieux = paradis / Ails = aulx / Œils-de(bœuf/perdrix) ; yeux = organes de la vue).

Bal, carnaval, chacal, festival, récital, cérémonial, régal prennent s et non x.

Remarques ou attentions particulières

Cheval -u + x Cristal -u + x

Exemples

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


382

Éléments reliés par le trait d’union

Éléments soudés (y compris les noms composés nouvellement soudés)

Règles particulières

Nom – Nom ou Adj. (dét. du nom)

Morphème pluriel

[Nom] plur. – [Dét.] plur.

/

(suivant la finale du mot à accorder ; se référer aux noms simples)

+x

ou

+s

C É

Règle de changement de la forme au singulier

P S

Nom en un bloc

Classe et/ou fonction des éléments

4.3.1.2.2.2 Noms morphologiquement composés

[Chef]s-[lieu]x [Oiseau]x-[mouche]s [Coffre]s-[fort]s

Entresol + s Bonjour + s Faitout + s Millepatte + s Portemanteau + x Arcboutant + s Passepartout + s

Exemples

Si le nom composé peut être glosé par une périphrase qui réclame le second élément au singulier, du type

Certains noms soudés sont néanmoins décomposés et intègrent le pluriel à l’intérieur de leur structure. C’est le cas de bonshommes et des termes d’adresse : mesdames, mesdemoiselles, messieurs, messeigneurs, …

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Éléments reliés par le trait d’union

383

[Conn. sub. – Nom] plur.

[Adv. – Nom] plur.

Mot invariable – nom (dét. du Conn.sub.)

Autres structures

[Verbe – Dét.] plur. (suivant la finale du mot à accorder ; se référer aux noms simples)

+x

ou

+s

C É

[Adj.] plur. – [Adj.] plur.

P S

Verbe – Nom (dét. du verbe)

Adjectif – Adjectif

[Haut-parleur]s [Ouï-dire]s

[Après-midi]s [En-tête]s

[Couvre-lit]s [Garde-robe]s [Garde-côte]s [Abat-jour]s [Perce-neige]s [Sèche-cheveu]x

[Sourd]s-[muet]s

Ces noms composés forment leur singulier et leur pluriel comme s’ils étaient des noms simples : seul le second élément prend la marque du pluriel, et seulement quand le nom composé est au pluriel.

[nom] – (conn. sub.) le/la/un/une [nom], le second élément reste au singulier : des timbresposte(ø), des arcs-enciel (ø), … Si un des adjectifs est pris adverbialement, il reste invariable : des nouveau-nés.

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Éléments non reliés

Règles particulières

Morphème pluriel

[locution] invariable

/

+ S ou X

C É

Règle de changement de la forme au singulier [Nom] plur. +…

P S

Locutions nominales

Nom + …

Classe et/ou fonction des éléments

[Qu’en-dira-t-on] ø

[Pomme]s de terre

Exemples

Les locutions nominales restent invariables.

Ces cas suivent les mêmes règles que les autres noms composés. Ici, la périphrase bloque l’accord de terre.

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

384


Module 4 : la grammaire d’accord

4.4

Les variations orthographiques des apports

IM EN

Pour rappel, l’accord est le mécanisme par lequel, tant à l’oral qu’à l’écrit, est établi un rapport entre deux termes, dont l’un (l’apport) apporte du sens au second (le support), lequel en échange, transmet ses traits et marques. Il y a donc un double processus de cohésion : sémantique premièrement, morphologique ensuite.

Règle générale de l’accord

Un apport s’accorde avec son support (mot ou noyau de groupe auquel il se rapporte), selon un mode de flexion adhérent, en fonction des catégories grammaticales qu’ils partagent.

L’accord de l’adjectif

L’adjectif est un mot dont l’accès à l’extension est indirect, et qui fonctionne prototypiquement de manière déterminative.

Les formes de l’adjectif

ÉC

4.4.1.1

SP

L’adjectif est certes une partie du discours variable, mais son paradigme s’est fixé tardivement. Issus au départ des deux classes d’adjectifs latins, les adjectifs français ont tout d’abord été le produit de ce que l’évolution phonétique a donné. Les adjectifs de la première classe du type bonus, bona, bonum, ont donné, à partir de l’accusatif (presque tous les mots français sont issus de ce cas) bonum, bonam, bonum, un masculin bon et un féminin bonne (le neutre a quasiment disparu). On remarque que, par l’évolution, le féminin se différencie du masculin par la lettre -e. Les adjectifs de la deuxième classe du type grandis, grandis, grande ont donné, toujours à partir de l’accusatif grandem, grandem, grande, le masculin grant et le féminin grant. Dans cette classe, l’évolution ne conduit pas à différencier le masculin et le féminin. Ce n’est qu’au XVIe siècle que l’on recomposera un système synchronique, et que le féminin grant sera refait en grande, par analogie avec les adjectifs issus de la première classe. À partir de ce moment, on peut dire que le -e devient la marque du féminin. Il reste quelques traces de l’ancienne forme dans des tournures anciennes comme avoir grand peur ou encore grand-route, grand-place, grand-mère, où l’on ne remplacera pas le trait d’union par l’apostrophe, qui marque l’élision, car 385


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

elle laisserait croire à la disparition d’un -e qui n’a jamais été présent. Ces variations morphologiques ne présentent aucune exception qui puisse poser un problème d’ordre orthographique.

IM EN

Morphologiquement parlant, la forme non marquée en genre et en nombre qui sert de norme de référence est de genre neutre et de nombre singulier. C’est à partir de ces formes que l’on va parler d’ajout de graphème(s) ou de modification de radical. Pour l’adjectif, comme pour le nom, la catégorie du genre se matérialise morphologiquement à l’écrit par245 : §

Au masculin et au neutre : aucun ajout à la forme non marquée.

§ Au féminin : ajout d’un -e à la forme non marquée, avec parfois un redoublement de consonne, ou un changement de radical.

Pour l’adjectif, comme pour le nom, la catégorie du nombre se matérialise morphologiquement à l’écrit par : §

Au singulier : aucun ajout.

ÉC

§ Au pluriel : ajout d’un -s ou d’un -x, avec parfois un changement de radical.

4.4.1.2

Les règles d’accord

Règle générale

SP

L’adjectif, en tant qu’apport, s’accorde en genre et en nombre avec son support, le mot auquel il se rapporte (flexions adhérentes).

L’adjectif, pourvu de toutes ses formes, peut notamment se retrouver en tant qu’apport en fonction de déterminant (caractérisant ou quantifiant) à l’intérieur d’un groupe déterminatif nominal (la table basse), de déterminant du verbe copule (La table est basse), de prédicat second (du noyau de phrase : Apeurée, elle est partie ; du déterminant du verbe : Je 245

Dérogent à cette règle, l’adjectif articulaire le (féminin la) et les adjectifs personnels atones mon, ton et son (féminins ma, ta, sa).

386


Module 4 : la grammaire d’accord

ÉC

IM EN

te rends ta voiture propre). Dans tous ces cas, il est susceptible de s’accorder en genre et en nombre avec le mot auquel il se rapporte (généralement, un nom ou un pronom support). Cela ne signifie pas pour autant que l’adjectif français varie toujours, ou encore que tous les mots dans ces emplois sont susceptibles de varier. Lorsqu’il se rapporte à un verbe et qu’on le dit « adverbialisé », l’adjectif reste invariable. Ce tour est relativement productif et mérite que l’on s’y arrête, car parfois l’usager se trompe et accorde : Les médicaments coutent cher ; Ils bronzent idiot ; Ils votent utile ; Elles mangent italien ; Il conduit japonais ; Les averses tombent dru. De même, doivent rester invariables les noms et les adverbes en emploi adjectival : des robes marron, des tables empire ; des stations debout, des filles bien. En outre, on connaît la règle du français selon laquelle, si, dans un groupe, les deux genres sont présents, l’accord se fait au « masculin », car c’est « le masculin qui l’emporte », même si ce genre n’est que très peu représenté dans le groupe (Hommes et femmes sont descendus ). Ne s’agirait-il pas plutôt d’une neutralisation de l’accord en genre ? Le neutre latin a certes disparu du français. Cependant, il en reste des traces. Des mots comme ce, cela, le pronom neutre le reprenant une proposition (Il est plus doué que je ne l’avais pensé ), sont des reliquats de neutre et devraient entraîner un accord au neutre de leurs apports (voir le participe pensé de la parenthèse ci-dessus) et non, comme le disent souvent les grammaires, l’invariabilité du mot qui s’y rapporte. Force est de constater que, dans la mesure où la forme non marquée, qui pourrait également être celle d’un neutre résiduel, est la même que la forme du masculin (et par ailleurs de l’invariable), c’est le masculin qui se taille la part du lion. Mais peut-on vraiment parler dans ce cas de masculin ?

Cas particuliers

SP

4.4.1.3

4.4.1.3.1 Les adjectifs numéraux un, vingt, cent et mille Les adjectifs numéraux cardinaux (qui déterminent par quantification) sont théoriquement tous invariables sauf un, vingt et cent. Mille quant à lui, possède une variante graphique mil, lorsqu’il est suivi d’un nombre dans le cadre d’une date de l’ère chrétienne (l’an mil-cinq-cent-quinze après J.-C. >< l’an mille-cinq-cent-quinze avant J.-C.). Un ne varie qu’en genre (vingt-et-une pages) ; vingt et cent varient en nombre s’ils sont multipliés et qu’ils terminent la chaine du numéral246 (quatre-vingts 246

À l’oral, cette variation se marque par une liaison : 80 euros (quatre-vingts [z] euros, deux-cents [z] élèves…).

387


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

IM EN

euros >< trois-cent-quinze pages ; mais, dans la page quatre-vingt, l’adjectif a un sens ordinal (il détermine par caractérisation) et reste invariable). Le problème se pose quand ils sont suivis de million(s) ou milliard(s). Réputés noms communs, ils ne devraient pas empêcher l’accord de vingt qui terminerait la chaine avant eux dans quatre-vingts millions d’euros. Mais que faire dans deux-cent(s ?) millions cinq-centmille personnes ? Millions y est plutôt l’équivalent de l’adjectif mille (mille-cinq-cents) que du nom millier (?? un millier cinq-cents). Million et milliard auraient dès lors également des emplois d’adjectifs et ne devraient pas permettre dans ce cas d’accorder vingt et cent… À noter enfin que selon l’orthographe rectifiée (1990), dans les numéraux composés exprimant un nombre entier, tous les éléments qui ne sont pas des noms sont reliés par des traits d’union. Ex. : 2361 = deux-mille-trois-cent-soixante-et-un.

4.4.1.3.2 Les adjectifs de couleurs

ÉC

Les adjectifs de couleurs simples s’accordent normalement, en genre et en nombre avec le mot auquel ils se rapportent (une robe verte). Cependant, lorsque l’adjectif est issu d’un nom (de plante, de fruit, d’animal, de pierre, de métal, …), il reste invariable. C’est le cas, notamment, pour anthracite, argent, brique, canari, chocolat, indigo, lilas, orange, topaze, turquoise, … Néanmoins, le quintet rose, mauve, pourpre, écarlate et vermeil s’accorde. Quant aux adjectifs de couleurs composés, ils restent invariables : des murs vert bouteille ou bleu foncé. Pour ce dernier exemple, il est curieux de constater que l’on a un adjectif foncé qui se rapporte à un autre adjectif bleu, sans possibilité d’y voir une adverbialisation. On glose d’ailleurs par ‘d’un bleu foncé’ pour justifier l’invariabilité. Mais ce raisonnement par l’ellipse de d’un, qui reconstruit un complément à base nominale, tient-il vraiment ?

SP

4.4.1.3.3 Les adjectifs composés Dans le cas des adjectifs composés de deux adjectifs, il est possible que les deux adjectifs soient considérés sur le même plan : l’accord s’impose pour les deux éléments avec le mot auquel ils se rapportent (des jeunes filles sourdesmuettes). Dans le cas où le premier a une valeur ou un emploi adverbial, il reste invariable, comme un adverbe, tandis que l’autre varie (une petite fille nouveau-née). Il existe cependant des cas où, malgré l’emploi adverbial, le premier adjectif varie également (des fenêtres grandes ouvertes) ; la grammaire parle alors d’« ancien pluriel ». Quoi qu’il en soit, malgré l’étiquette d’adjectif composé, que l’on n’attribue que parce qu’il fonctionne en fait comme un adjectif simple, la grammaire éprouve toujours le besoin de refaire l’analyse des rapports entre composants, plutôt que d’envisager le tout comme un bloc. 388


Tableau récapitulatif des règles de formation du féminin graphique de l’adjectif

Aucune modification

Règles particulières

-e

/

389

+E

Morphème féminin Exemples

Comme la finale de la forme non marquée contient déjà un e, la finale au féminin ne change pas.

Remarques ou attentions particulières

EX. : JOLI à JOLIE

Quelque Sensible Agréable Universitaire

C É

Changement de la forme non marquée

ADJECTIF NON MARQUÉ + E

P S

Forme initiale non marquée de la finale

RÈGLE GÉNÉRALE :

La liste des exceptions n’est pas exhaustive, mais recouvre l’ensemble des mots susceptibles d’être rencontrés ou utilisés le plus fréquemment.

4.4.1.4

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Modification de la finale

Règles particulières

390

-et

-en -on

Redoublement de la consonne finale

+E

Morphème féminin Exemples

Douillet + t + e

Ancien + n + e Bon + n + e

Quel + l + e Cruel + l + e Nul + l + e Gentil + l + e Pareil + l + e

C É

Changement de la forme non marquée

P S

Forme initiale non marquée de la finale -el -ul -il -eil

Mais : (in)complet, concret, désuet, (in)discret, inquiet et secret font leur féminin en -ète (concrète, discrète, secrète, …).

Les formes non marquées en -in, -an, -un, -ot, -at ne redoublent pas la consonne finale sauf paysan, boulot, pâlot, sot, vieillot (voisine, commune, persane, idiote, … mais paysanne, sotte, vieillotte, …).

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Modification de la finale

Règles particulières

Redoublement de la consonne finale

Modification de la finale > ll > ll

> èr

>v

-eau -ou

391

-er

-f

+E

Morphème féminin Exemples

Vif -v + e Bref -v + e

Che -èr + e Lége -èr + e

Beau -ll + e Mou -ll + e

Épais + s + e Gras + s + e Gros + s + e Bas + s + e Las + s + e

C É

Changement de la forme non marquée

P S

Forme initiale non marquée de la finale -s

La série en -et → -ète fonctionne sur le même principe (incomplète, …).

On trouve bel, fol... au masc.sg. lorsqu’ils sont suivis d'une initiale vocalique (voyelle ou h muet) (un bel homme, un fol amour...)

Les autres mots se terminant par s ajoutent simplement e à la fin (grise, mauvaise, …).

Remarques ou attentions particulières

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Modification de la finale

Règles particulières

392

> ch

> qu

+ (t)eus / -tric

+s

+E

Morphème féminin Exemples

Menteur + eus + e (mentant) Directeur + tric + e (*directant)

Caduc -qu + e Public -qu + e Blanc -ch + e Franc -ch + e Sec -èch + e Heureux + s + e

C É

Changement de la forme non marquée

P S

-(t)eur

-x

Forme initiale non marquée de la finale -c

Mais : vieux → vieille. (On trouve vieil au masc.sg. devant une initiale vocalique (un vieil homme)) roux → rousse ; doux → douce Si on peut faire correspondre à l’adjectif en -(t)eur un participe 1 sur base de la même forme, alors le féminin est en -euse (avec des exceptions comme exécutrice, émettrice, éditrice) ; sinon, il est en -trice.

Ce sont les 3 seuls en -che.

Mais : grecque

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Modification de la finale

Règles particulières

/

-eur (cas part.)

393

> eur + esse

+E

Morphème féminin

En outre, 3 adjectifs en -eur font leur féminin en -eresse.

Enchanteresse Pécheresse Vengeresse

Remarques ou attentions particulières

10 comparatifs en -eur fonctionnent en ajoutant -e à la forme non marquée. Inférieur + e Supérieur + e Antérieur + e Postérieur + e Ultérieur + e Majeur + e Mineur + e Meilleur + e Extérieur + e Intérieur + e

Exemples

Inférieur + e

C É

Changement de la forme non marquée

P S

Forme initiale non marquée de la finale

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Tableau récapitulatif des règles de formation du pluriel graphique de l’adjectif

394

Aucun ajout

Règles particulières

Morphème pluriel

/

Changement de la forme au singulier

/

P S

Forme initiale de la finale au singulier -s -x Mauvais Heureux

Exemples

La forme du singulier contient déjà un graphème identique au morphème du pluriel. On n’en ajoute donc pas.

Remarques ou attentions particulières

EX. : JOLI à JOLIS ; JOLIE à JOLIES

C É

ADJECTIF SINGULIER + S

4.4.1.5.1 Adjectifs morphologiquement simples

RÈGLE GÉNÉRALE :

La liste des exceptions n’est pas exhaustive, mais recouvre l’ensemble des mots susceptibles d’être rencontrés ou utilisés le plus fréquemment.

4.4.1.5

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Modification de la finale + autre ajout

Autre ajout

Règles particulières

Modification de la finale l > u (devant x)

+x

Morphème pluriel

C É

/

Changement de la forme au singulier

P S

-al

-eu

-eau

Forme initiale de la finale au singulier

Loyal > u + x

Hébreu + x

Beau + x Nouveau + x Jumeau + x

Exemples

Mais bancal, fatal, final, naval prennent s et non x.

C’est le seul.

Ce sont les 3 seuls.

Remarques ou attentions particulières

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord

395


Éléments reliés par le trait d’union

Règles particulières

Connecteur sub. – Adjectif Adj. emploi adv. – Adjectif

396

[Adj. emploi Adv. – Adj.] plur.

[Conn. sub. – Adjectif] plur. (suivant la finale du mot à accorder ; se référer aux adjectifs simples)

+x

ou

+s

Morphème pluriel

C É

Règle de changement de la forme au singulier [Adj.] plur. – [Adj.] plur.

P S

Adjectif – Adjectif

Classe et/ou fonction des éléments

4.4.1.5.2 Adjectifs morphologiquement composés

[nouveau-né]s [court-vêtue]s

[Avant-dernier]s

[Aigre]s-[douce]s [Sourde]s-[muette]s

Exemples

L’adjectif composé peut être glosé par une périphrase « Adj. et Adj. » (des femmes sourdes et muettes). Le connecteur subordonnant reste invariable. Le premier adjectif fonctionne comme un adverbe et reste donc invariable.

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Éléments non reliés

Règles particulières

Adj. couleur + Dét.

Morphème pluriel

[Adj. Dét.] plur. + [Adj. Noyau] plur.

[Adj. couleur + Dét.] Ø

/

+x

ou

+s

C É

Règle de changement de la forme au singulier

P S

Adj. Dét. + Adj. Noyau

Classe et/ou fonction des éléments

[Bleu foncé] Ø [Jaune poussin] Ø [Vert de gris] Ø [Rouge carmin] Ø

[grand]s [ouvert]s [bon]s [premier]s [fraiche]s [éclose]s [raide]s [mort]s

Exemples

Un adjectif de couleur suivi d’un déterminant (adjectif ou nom) reste invariable.

L’adjectif déterminant de l’adjectif s’accorde, sauf dans le cas de l’adjectif de couleur.

Remarques ou attentions particulières

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord

397


Éléments non reliés

Règles particulières

[Adj. couleur ET Adj. couleur] Ø

Adj. couleur ET Adj. couleur

Morphème pluriel

P S /

C É

Règle de changement de la forme au singulier

Classe et/ou fonction des éléments Des vaches [noir et blanc] Ø Des assiettes [jaune et rouge] Ø

Exemples

Des adjectifs de couleur coordonnés forment un tout qui attribue à chacun des éléments supports (chaque « vache ») les qualités des deux adjectifs : chaque vache est à la fois blanche et noire. Dire « des vaches noires et blanches » suppose qu’il y en a des noires et d’autres blanches.

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

398


Module 4 : la grammaire d’accord

4.4.1.6

Formation de l’adjectif verbal

SP

ÉC

IM EN

La grammaire normative a choisi de différencier graphiquement l’adjectif verbal caractérisant (variable) du participe 1 (invariable dans son emploi verbal). En voici les principes organisateurs.

399


400

248

247

Changement de la forme attendue

Verbes en -er*

Finale en -ent

P S

Forme initiale de la finale (+ E) (+ S)

Morphèmes de genre et de nombre adhér + ent af/con/in flu + ent coïncid + ent converg + ent défér + ent différ + ent

Exemples

Remarques ou attentions particulières Tous ces adjectifs caractérisants issus d’une forme verbale ont un homophone à la forme participe 1, laquelle a une finale

Certains adjectifs sont considérés comme adjectifs verbaux, alors que le verbe duquel ils sont issus n’est plus utilisé, ou qu’ils ont acquis un sens différent de celui du verbe d’origine (Ex. compétent, détergent, violent, … + extravagant). On peut dès lors considérer ceux-ci comme de simples adjectifs caractérisants. Toutes les exceptions sont uniquement destinées à marquer une différence entre l’adjectif verbal et la forme homophone du participe 1. Le son n’est donc pas modifié, mais on a recours à une graphie alternative qui affecte la transcription du son vocalique /ã/ ou des sons consonantiques /k/ et /g/.

Changement de voyelle finale

Exceptions248

La liste des exceptions n’est pas exhaustive, mais recouvre l’ensemble des mots susceptibles d’être rencontrés ou utilisés le plus fréquemment.

C É

RÈGLE GÉNÉRALE : RADICAL DU VERBE À L’INFINITIF247 + ANT (+ E)(+ S) EX. : GRIMPER à GRIMPANT(E)(S)

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Changement de la consonne

Changement de voyelle finale

401

Verbes en -guer

Verbes en -quer*

Finale en -gant

Finale en -cant

(+ E) (+ S)

C É

Finale en -ent

P S

Verbes en -er*

délé + gant intri + gant fati + gant navi + gant zigza + gant

communi + cant provo + cant suffo + cant va + cant

émerg + ent excell + ent néglig + ent précéd + ent somnol + ent

*Ajoutons équivalent, qui vient du verbe équivaloir, et non d’un verbe en -er. La forme homophone au participe 1 a une finale régulière en -quant. *Ajoutons convaincant, qui vient du verbe convaincre, et non d’un verbe en -quer. Tous ces adjectifs caractérisants issus d’une forme verbale en -guer ont un homophone à la forme participe 1, laquelle a une finale en -guant.

régulière en -ant. Adjectif verbal : adhérent Participe 1 : adhérant.

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Cas particuliers de détermination du support

C É

402

Ou inclusif / exclusif

Supports multiples de genres différents

Si ‘ou’ = singulier.

‘ou

bien’ : On demande un président ou un responsable dévoué.

Règle Exemples Attention particulière Accord avec le dernier nom L’incident a provoqué une L’appréciation de synonyde la gradation. colère, une fureur terrible. mie et de gradation n’est pas toujours aisée : parfois, les deux solutions sont possibles : L’incident a provoqué une colère, une angoisse terribles. Accord au neutre pluriel : Une femme et un homme Les morphèmes du genre neutre, non marqué, sont Masculin + Féminin doués aux échecs. semblables aux morphèmes → Neutre (car indécision). Mille fleurs et un cactus du masculin. plantés dans le jardin. Si ‘ou’ = ‘et’ : pluriel. Cet enfant a besoin d’un Parfois, les deux solutions père ou d’une mère aimants. sont possibles.

P S

Supports potentiellement multiples : synonymes ou placés par gradation

Configuration particulière

En discours, certains éléments rendent la détermination du support plus ardue. Dans beaucoup de cas, il n’y a d’autre guide que la volonté de dire de l’énonciateur.

4.4.1.7

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


L’expression ‘avoir l’air’ + Adj. Elles [ont] l’air hautain. Elles [ont] l’air grave.

Elles [ont l’air] très sérieuses. Elles [ont l’air] sympathiques.

Une bande d’oiseaux compacte.

Exemples Une bande d’oiseaux noirs.

C É

Si l’expression signifie ‘sembler’, alors l’adjectif est déterminant du verbe en emploi copule, et s’accorde avec le noyau de phrase. Si l’adjectif se rapporte à ‘air’, alors il en est le prédicat second et s’accorde avec lui.

Règle Accord avec le support choisi.

P S

Support collectif du type Une bande de X

Configuration particulière

Attention particulière Le sens est parfois indécidable et les deux solutions sont possibles : Un groupe d’élèves flamand(s) Le sens est parfois indécidable et les deux solutions sont possibles : Elles [ont l’air] tristes Elles [ont] l’air triste

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord

403


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’accord du verbe 4.4.2.1

Accord du verbe avec le support, à savoir le noyau de la (sous-)phrase

ÉC

IM EN

La nécessité de trouver un donneur d’accord pour le verbe a ouvert la chasse aux fonctions syntaxiques de la grammaire scolaire. C’est le sujet qui arrive vainqueur, répondant a la question Qui est-ce qui ? ou Qu’estce qui ? Il sera donc le maitre du verbe, base de la phrase qui régnait sans partage dans des langues comme le latin où le sujet n’était pas obligatoirement exprimé (la personne incluse dans la flexion verbale suffisait). Dans l’histoire de la grammaire, certains auteurs, continuant à considérer le verbe comme base de la phrase, ont préféré parler d’accord du sujet avec le verbe : avec l’indication de la personne incluse, comme en latin, dans la flexion verbale. Cependant, en français, hormis à l’impératif, l’expression du sujet est obligatoire, et celui-ci confère ses marques de personne et de nombre (voire de genre pour le participe 2 employé avec être) au verbe. Un verbe a plus souvent besoin du sujet pour exister qu’une phrase d’un verbe pour être grammaticale. Cela étant, le parcours n’était pas facile à tracer. En effet, étaient placées en embuscade des structures qui ressemblaient au sujet et qui compliquaient son accord. Dans Mitterrand, ancien président de la République française, propose que… lequel des deux membres est le donneur ? Cela a donné lieu a la création de l’apposition. L’énumération de Hommes, femmes, enfants, mobilier, tout était descendu pose la même question. L’apposition est confortée. C’est ce qui a motivé également la création de la notion d’apostrophe (Dors-tu content, Voltaire ?). Comme celle de sujet réel dans Il pleut des cordes.

Règle générale

SP

Le verbe, en tant que noyau du prédicat, s’accorde avec son support, qui endosse généralement la fonction de noyau de la phrase. Le verbe va ainsi s’accorder en personne et en nombre (parfois en genre pour le participe 2 employé avec l’auxiliaire être) selon la personne grammaticale et le nombre (et si nécessaire le genre) de son support (1re, 2e, 3e personne du singulier ; 1re, 2e, 3e personne du pluriel) (flexions adhérentes). On retrouve généralement le support du verbe en posant la question « Qui/Qu’est-ce qui ? + Prédicat ».

404


Module 4 : la grammaire d’accord

Ex. : [Les filles][dorment], tandis que [leur frère][joue à l’ordinateur]. 3e pers. pluriel

3e pers. singulier

4.4.2.2

IM EN

Par ailleurs, rappelons que le verbe varie également, indépendamment du noyau de phrase, en mode, temps et aspect, en fonction du contexte ou de l’intention de dire de l’énonciateur.

Cas particuliers de détermination du support

SP

ÉC

La structure syntaxique ne rend pas toujours aisée la détermination du support. Dans une phrase où deux supports (singuliers ou pluriels) sont coordonnés par et, ni ou un ou non exclusif, le verbe se mettra évidemment au pluriel (Pierre et Paul sont arrivés ; Une heure ou deux seront nécessaires). Cependant, si les éléments noyaux de phrase coordonnés sont de personnes différentes (Toi et moi : 2e et 1re personnes), le verbe se mettra au pluriel, à la plus petite des personnes contenues dans le groupe noyau de phrase (Toi et moi devons – 1re personne – nous marier ; Ni Pierre ni toi – 2e personne – n’êtes arrivés à temps). Si le ou est exclusif et que les éléments sont singuliers, le verbe reste au singulier, et souvent à la troisième personne (Toi ou moi devra partir). Le verbe d’une proposition relative introduite par un qui noyau prend les marques de personne et de nombre de son antécédent (Moi qui pensais que… ; C’est vous qui sortirez les premiers). Dans le cas d’une relative dont l’antécédent est en apostrophe, cette dernière étant toujours de la deuxième personne, dans la mesure où il s’agit de l’interpellation de l’interlocuteur, le verbe lui-même prendra les marques de la deuxième personne (Amis, qui voulez nous quitter…). Lorsque le support est complexe, incluant un déterminant du nom ou du pronom, la question est de savoir avec quoi accorder, avec le nom ou pronom noyau ou avec son déterminant. Dans ce dernier cas, afin d’éviter le recours à l’accord par syllepse (voir ci-dessus), il vaudrait mieux réanalyser les séquences en « déterminant (complexe) + (pro)nom noyau ». Quelques exemples : Avec la plupart de, beaucoup de et autres semblables, le verbe s’accorde en nombre avec le mot que ces locutions déterminent : La plupart des gens sont venus ; Beaucoup de travail ne saurait nuire. Avec un support collectif (une bande de X), le verbe s’accorde en personne et en nombre avec le nom noyau qui ressort de l’analyse : Une bande de corbeaux s’envole (nom noyau bande + déterminant du nom de corbeaux) ; Une bande de corbeaux s’envolent (déterminant complexe une bande de + nom noyau corbeaux). Dans le cas d’un support composé d’un pronom commun (parfois issu d’une

405


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

pronominalisation, parfois d’emploi interrogatif) et d’un déterminant pronom personnel, le verbe s’accorde avec le pronom commun : Certains d’entre vous viendront ; Lequel d’entre vous vient ?

4.4.2.3

Supports contextualisés

SP

ÉC

IM EN

Parfois, les données formelles s’avèrent insuffisantes pour déterminer de quelles marques sera habillé le verbe. Il faut alors recourir au contexte. Le cas le plus évident est le verbe à l’indicatif ou au subjonctif en modalité injonctive, où l’on constate l’absence de support explicite. Point de noyau de phrase à se mettre sous la dent. Dès lors, les marques d’accord seront à chercher au niveau des caractères de personne et de nombre, voire de genre, du ou des interlocuteur(s) interpellé(s) : Accordez le verbe suivant. Le cas de nous et vous noyaux de phrase est particulier. En effet, le verbe s’accordera respectivement à la première et à la deuxième personne du pluriel. Cependant, il est possible de prendre des distances par rapport à cette évidente expression de pluriel. Le vous de politesse peut s’adresser à une personne singulière ou à un collectif. Le vous de mépris de même. La marque du singulier sera empruntée au référent unique choisi en contexte et appliquée au participe 2 employé avec être ou aux autres déterminants de verbe en emploi copule (Chère amie, vous êtes partie trop tôt). Le nous, qu’il soit de majesté, de modestie, d’écriture scientifique ou journalistique, suit le même trajet (Nous sommes arrivé(e) à la conclusion que…). L’accord au singulier est discordant par rapport à la forme verbale au pluriel, et marque l’écart par rapport à l’attente normale d’un pluriel. En fait, le verbe s’accorde selon le nombre et la personne grammaticale du noyau de phrase, tandis que le participe s’accorde selon le genre et le nombre du référent du mot auquel il se rapporte. De cet écart entre personne plurielle et accord au singulier viennent les effets de sens : distance respectueuse ou méprisante, de majesté ou de modestie. Lorsque le noyau de phrase est le pronom on, on peut observer la même discordance dans l’accord du verbe. Lorsqu’il n’est pas employé pour désigner l’indéfini ou le général (auquel cas l’accord est au singulier et au neutre : On est venu vous apporter des fleurs), on peut remplacer un nous (cas le plus fréquent On est arrivés), ou un je, un tu, ou un vous, selon le contexte. Dans ces cas, l’accord du participe ou du déterminant du verbe en emploi copule se fera en fonction du référent choisi (On est bien belles ce soir), mais la forme verbale conjuguée au mode personnel le sera toujours à la troisième personne du singulier.

406


Coordination par ou exclusif (= ou bien) d’éléments singuliers

407

Accord au singulier, à la 3e personne.

P S

… à la plus petite personne grammaticale (1re, 2e ou 3e) des éléments coordonnés.

Règle d’accord du verbe Accord au pluriel

Exemples [Marie et Pierre] rient [Une heure ou deux] suffisent [Ni lui ni Marie] ne sont compétents [Toi et moi] allons nous marier [Florence et toi] allez vous marier

[Pierre ou Jacques] doit partir. [Elle ou moi] doit partir.

C É

Tableau récapitulatif des cas particuliers

Cas particuliers Coordination par et, ni, et ou inclusif (= et)

4.4.2.4

(3e / 3e) = 3e sing. (3e / 1re) = 3e sing.

(2e + 1re) = 1re plur. (3e + 2e) = 2e plur.

Attention particulière

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Soit Noyau + Déterminant

408

[Une bande de + corbeaux] s’envolent [Une bande + de corbeaux] s’envole

[Un tas + de pierres] bloque la voie

[La plupart des + gens] savent lire [Un tas de + gens] savent lire

Exemples

C É

Soit Déterminant + Noyau

Accord avec le support, noyau du GDN noyau de phrase :

Règle d’accord du verbe

P S

GP1 à noyau collectif

Cas particuliers

Dans ce cas, on peut choisir les deux analyses.

Attention particulière Il ne s’agit pas d’un accord par le sens, comme le prétend la grammaire traditionnelle, mais d’un accord en fonction de l’analyse choisie et du noyau de phrase déterminé.

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Absence matérielle de support dans une modalité injonctive

P S

Le verbe s’accorde avec son support à la 3e personne du singulier, mais le participe s’accorde en genre et en nombre avec le référent du pronom. Accord selon le contexte, en fonction de la personne supposée de l’interlocuteur.

Support = le pronom omnipersonnel on

409

[Veuillez] ne pas fumer [Roule] moins vite

On est sorti(e)(s) hier soir ? On est arrivé(e)(s) !

Exemples Nous en sommes arrivé(e)(s) à cette conclusion. Vous êtes parti(e)(s) tôt hier !

C É

Règle d’accord du verbe Le verbe s’accorde en personne avec le pronom support (noyau de phrase), mais le participe s’accorde en genre et en nombre avec le référent du pronom.

Cas particuliers Support = les pronoms nous, vous

En modalité injonctive, le verbe à la 2e pers. du singulier ne prend pas s pour les verbes en -er + des verbes comme offrir et cueillir.

Attention particulière Nous = 1re personne du sing. (‘nous’ majestatif ou scientifique) ou du pluriel. Vous = 2e personne du singulier (‘vous’ de politesse ou de mépris) ou du pluriel. Le référent du pronom on renvoie à une 1re, 2e ou 3e personne du singulier ou du pluriel, selon le contexte.

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

L’accord du participe 2249 4.4.3.1

Les règles traditionnelles

ÉC IM

EN

Les règles d’accord du participe 2 datent, dans leur forme actuelle, du XIXe siècle, même si l’on a connu une première tentative de formalisation par le poète Clément Marot, au XVIe siècle. Ce point est du pain béni pour une grammaire scolaire qui se tourne essentiellement vers l’orthographe, jusqu’à adapter son système fonctionnel à cette fin. Ne dit-on pas que le COD ou complément direct du verbe (notre déterminant du noyau du GDV sans connecteur subordonnant) tire son origine de la nécessité de trouver le donneur d’accord du participe 2 employé avec avoir ? Les règles anciennes se répartissent en quatre groupes, sans qu’il y ait une règle générale : Le participe 2 employé seul s’accorde en genre et en nombre avec le mot auquel il se rapporte : Énervée, elle est partie. Le participe 2 employé avec l’auxiliaire être s’accorde en genre et en nombre avec le sujet : Elle est partie. Le participe 2 employé avec l’auxiliaire avoir s’accorde en genre et en nombre avec le COD/CDV, si celui-ci précède le participe : La pomme que j’ai mangée. Le participe 2 des verbes pronominaux : si le pronom est analysable (COD/CDV ou COI/CIV), l’accord du participe 2 se fait comme avec l’auxiliaire avoir, avec le COD/CDV, si celuici précède le participe 2 (Ils se sont lavés ; Les lettres qu’ils se sont envoyées) ; si le pronom n’est pas analysable, par exemple dans les cas où le verbe est exclusivement pronominal comme s’évanouir, l’accord se fait comme avec l’auxiliaire être, avec le sujet : Elles se sont évanouies dans la nature.

Les cas particuliers et exceptions

SP

4.4.3.2

Ce qui frappe, c’est la multiplication des cas particuliers et des exceptions, pas toujours bien assignés par ailleurs (le cas particulier devrait respecter la règle générale, mais permettre de la préciser, à l’inverse de l’exception, qui laisse le cas hors règle). Sans aucune volonté d’exhaustivité, citons quand même pour mémoire certains cas de participes 2 employés avec avoir : le participe 2 dont le

249

Le participe 2 est la nouvelle terminologie correspondant à l’ancien participe « passé ».

410


Module 4 : la grammaire d’accord

4.4.3.3

Vers une simplification

EN

COD/CDV, qui précède, est le pronom neutre250 le, mis pour une proposition (de genre neutre), reste invariable (C’est mieux que je ne l’avais pensé), alors qu’un accord au neutre éviterait l’exception ; le participe 2 suivi d’un infinitif s’accorde avec le COD/CDV qui précède si celui-ci est sujet de l’infinitif (Les violons que j’ai entendus jouer), alors que préciser qu’il ne faut pas confondre COD/CDV du verbe dont on accorde le participe 2 et COD/CDV de l’infinitif éviterait toute insistance sur une hypothétique proposition infinitive251.

SP

ÉC IM

Pour remédier à ce que nous considérons comme une inutile complication, et rendre un minimum de sens au mécanisme de l’accord en jeu, sens qui se perd vu l’atomisation de la matière, nous proposerons de retourner à une règle très générale dont découleraient toutes les autres : « Le participe 2, forme quasi adjectivale du verbe, s’accorde en genre et en nombre avec le mot auquel il se rapporte », comme un simple adjectif, serions-nous tenté d’ajouter. Évidente pour le participe 2 employé seul, cette règle rend également compte des autres cas. Par exemple, le noyau de la phrase (ancien sujet) est le mot auquel se rapporte le participe 2 employé avec être (Qui est parti ? Elle), et le déterminant direct du noyau du GDV252 (l’ancien COD/CDV) celui auquel se rapporte le participe 2 employé avec avoir (Qu’est-ce qui est mangé ? La pomme, repris par le déterminant direct du noyau du GDV que). Dans ce dernier cas, il faut veiller à ce que le support présumé soit bien support du participe 2 (et non déterminant d’un infinitif qui suivrait253). Les cas d’exception fondent, qui demandent néanmoins tous explication.

250 251 252

253

Il est cocasse que la tradition étiquette ce pronom comme neutre alors qu’elle ne reconnait pas d’existence à ce genre pour le français. Voir 2.5.2.2 Le groupe prédicatif second (GP2). Dans notre système, le fait que le déterminant du noyau du GDV soit construit directement ou indirectement importe peu (voir organisation du système des fonctions). Le caractère direct ou indirect ne semble pertinent que pour décrire les fonctions du support du participe 2 dans certains cas (emploi avec l’auxiliaire avoir et cas semblables). Dans la mesure où, pour notre part, nous proposons un accord du participe 2 avec son support, le nom de la fonction portée par le support n’est pas primordial. Si nous devons y avoir recours, nous parlerons dans ce cas-ci de déterminant direct du noyau du GDV. Ex. La pianiste que j’ai entendue jouer >< La chanson que j’ai entendu jouer. (J’ai entendu une pianiste jouer) >< (J’ai entendu jouer une chanson).

411


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Ainsi, pour les participes 2 employés avec avoir (J’ai mangé une pomme), des verbes pronominaux réfléchis ou réciproques (Je me suis coupé le doigt >< Je me suis coupée au doigt), ou employés seuls dans des groupes prédicatifs second (Excepté cette fille, …), l’accord ne se fait pas si le support suit.

ÉC IM

EN

La position est en fait la cause de la plupart des exceptions254. Il est normal de la traiter à part car elle ne participe pas de la logique générale de l’accord à l’œuvre en français. L’hypothèse qui explique ces exceptions est celle des copistes du Moyen Âge : lorsqu’ils recopiaient les manuscrits, ils réagissaient différemment selon l’ordre des mots. Si le mot auquel le participe se rapportait précédait, ils faisaient l’accord. S’il suivait, ils devaient l’attendre, revenir en arrière, retrouver le participe, accorder, insérer difficilement les marques d’accord dans le cadre d’une écriture continue (sans espace, appelée scripta continua), retourner où ils étaient avec du retard, … Dans ces conditions, l’accord s’est peu à peu perdu. Cette tendance à l’invariabilité fut relevée et généralisée. D’une tendance majoritaire, on a fait une règle totalitaire. Si l’usage était à la base de la règle, la règle a modifié l’usage255.

Les cas que recouvre ce type d’« exceptions » sont en fait majoritaires. Cependant, s’ils sont traités comme exceptions, c’est parce que le facteur de position n’intervient que très exceptionnellement dans la mécanique de l’accord. Il s’agit donc plus d’une exception à la logique de l’accord qu’une exception d’ordre statistique. Attention, la règle de l’invariabilité du participe 2 lorsque son support le suit, ne peut être étendue à quelques autres tournures (de 1 à 3) : Ex 1 : Pressée, elle court du matin au soir. Ex 2 : Tout agitée qu’elle est, … Ex 3 : Est considérée majeure toute personne ayant atteint l’âge de 18 ans. Ex 4 : J’ai mangé une pomme. Dans les exemples 1, 2 et 3 le support suit effectivement le participe 2, mais le lien qui unit le nom et l’adjectif, tout comme celui qui unit l’ancien sujet à l’ancien attribut ou à son prédicat entier, est beaucoup plus fort que le lien entre le participe et le déterminant direct du verbe (exemple 4), et donc on maintient l’accord.

SP

254

255

412


Module 4 : la grammaire d’accord

Règle générale Le participe 2 est la forme adjectivale du verbe, c’est-à-dire une forme verbale susceptible d’emplois adjectivaux. À ce titre, il s’accorde en genre et en nombre avec le mot auquel il se rapporte, comme un adjectif (flexions adhérentes).

EN

Pour trouver le mot auquel se rapporte le participe 2, il suffit de poser la question « Qui/Qu’est-ce qui est … + participe 2 ? », complétée des modalités pertinentes (négation éventuelle, …).

ÉC IM

Beaucoup des exceptions de la grammaire traditionnelle ne sont en fait que des cas particuliers qui pourraient se résumer à la préoccupation de savoir si le support présumé est bien le support du participe 2 (et non, par exemple, le déterminant d’un infinitif qui suivrait).

4.4.3.4

Hypothèse sur l’évolution de l’accord du participe 2

SP

D’une manière générale, les emplois du participe 2 les plus proches de ceux de l’adjectif devraient continuer à s’accorder. Pour envisager une évolution possible de l’accord du participe 2 employé avec l’auxiliaire avoir, il faut, d’une part, observer les usages oraux actuels, et, d’autre part, se référer à l’histoire de la langue. La tendance observée actuellement dans les productions orales indique que, dans certains contextes, de plus en plus de locuteurs n’accordent pas le participe 2 employé avec avoir, alors que l’accord est prescrit, c’est-àdire lorsque le mot auquel il se rapporte le précède. Ex. : La bouteille que j’ai mis au frigo256. Cette tendance au non-accord suppose que le locuteur considère moins le participe mis comme se rapportant au référent de que (la bouteille), que comme faisant partie intégrante de la forme verbale.

256

Cette tendance à l’invariabilité se vérifie surtout lorsque le participe 2 ne termine pas la sous-phrase.

413


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

ÉC IM

EN

L’évolution historique de la langue peut expliquer ce phénomène. Aux origines du français, on produisait des phrases du type J’ai une pomme mangée, de la même manière que l’on disait J’ai une pomme verte ou J’ai une pomme véreuse. Les deux morceaux de la forme qui deviendra notre ‘présent composé’257 étaient indépendants : le verbe avoir était un verbe plein (= posséder), et le participe fonctionnait vraiment comme un adjectif. Puis progressivement la forme s’est soudée, et le participe s’est rattaché au verbe et non plus au déterminant du noyau du GDV. Ce faisant, il a fait du verbe un auxiliaire, un verbe support désémantisé.258 Par ailleurs, cette hypothèse de soudure de la forme verbale (auxiliaire avoir + participe 2) se comprend dans le cadre de l’évolution du système temporel du français. En effet, on observe aujourd’hui une utilisation massive du présent composé en lieu et place du passé 1 (« passé simple »), ce qui suppose que le présent composé devient dans ce cas une forme verbale bien grammaticalisée, fonctionnant comme un bloc synthétique. Le lien auxiliaire/auxilié se resserre au point de ne plus accepter entre les deux éléments que la deuxième partie de la négation (Je n’ai pas/rien/plus mangé), le pronom tout (J’ai tout mangé) et des adverbes (J’ai souvent/à peine/un peu/déjà/pourtant/évidemment/… mangé). Ex. : Je [dévorai] ma friandise > J’[ai dévoré] ma friandise. Ainsi, si l’évolution linguistique continue dans ce sens, il est probable que la forme verbale composée de l’auxiliaire avoir et du participe 2 se comporte définitivement comme une forme verbale synthétique. Ceci aurait deux conséquences potentielles :

SP

Soit l’accord du participe intégré dans la forme verbale avec le support du verbe, vu que ce verbe dans son ensemble s’accorde avec son support. Cependant, à l’inverse de ce que l’on observe avec le PP conjugué avec l’auxiliaire être (voir ci-dessous), le support du verbe considéré dans sa globalité n’est généralement pas le même que celui du PP envisagé de manière autonome. Accorder le PP avec le support du verbe apparaitrait constamment en contradiction avec une analyse par le sens, ce qui est cognitivement couteux. C’est la raison pour laquelle l’invariabilité convient mieux pour ces cas. Soit donc le non-accord du participe, puisque, faisant partie intégrante de la forme verbale, il ne retiendrait que ses caractéristiques proprement verbales, dont ne font pas partie le genre et le

257

258

Le présent composé est la nouvelle terminologie correspondant à l’ancien « passé composé ». En réalité, il apparait qu’avoir s’est d’abord désémantisé par grammaticalisation et qu’ensuite, les éléments intercalés à l’origine ont été rejetés à l’extérieur du couple auxiliaire-auxilié ainsi formé.

414


Module 4 : la grammaire d’accord

nombre (caractéristiques plutôt adjectivales) tels qu’ils apparaissent dans l’accord du participe 2. Ex. : La friandise que je [dévorai] > La friandise que j’[ai dévoré].

SP

ÉC IM

EN

Si auxiliaire être il y a, le participe 2 reste tout autant inscrit dans une forme verbale, et peut dès lors ne plus être analysé en tant que participe 2 en emploi adjectival. Le cas rejoint donc le participe 2 employé avec avoir. Et le traitement est uniforme dès lors que l’unité synthétique de la forme verbale prime sur son appréhension analytique. On aurait pu envisager une invariabilité du participe 2, fondée de la même manière que celle du participe 2 conjugué avec l’auxiliaire avoir. Or on observe que, dans l’usage actuel, l’accord du participe 2 reste de règle. Et il n’y a évidemment aucune raison de prétendre réformer un usage aussi bien établi, même à l’oral. Le participe 2 conjugué avec l’auxiliaire être (hors pronominaux), en emploi verbal donc, s’accorderait donc toujours, du fait sans doute de la proximité et de l’analogie avec les cas d’emplois adjectivaux (construction passive et déterminant du verbe en emploi copule) ou de la valeur syncrétique de l’auxiliaire être dans les temps composés. Cette analogie est renforcée par le fait que, contrairement au cas du participe 2 employé avec l’auxiliaire avoir, le support du verbe (en lecture synthétique d’emploi verbal) est le même que le support du participe 2 (en lecture analytique d’emploi adjectival). L’accord du verbe (en ce compris le participe 2) avec son support ne heurte donc guère, ni le sens synthétique, ni le sens analytique. Le verbe dans son ensemble (participe 2 compris) devra s’accorder avec son support. Et le participe 2 prendra dès lors les marques du support du verbe. L’ensemble des verbes pronominaux devraient rejoindre cette dernière tendance. On observe dès à présent des cas d’accord « déviant » avec le noyau de phrase (support du verbe) : Je me suis permise d’intervenir ; Il se sont succédés,… On pourrait dès lors s’acheminer pratiquement vers les règles suivantes259 :

259

Dans l’optique d’une réforme de l’accord du participe 2, le Conseil de la Langue et de la Politique linguistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles a proposé, sur la base d’une note rédigée par nos soins, la formulation des règles suivantes (http://ladef.ulb.ac.be/pour-unereforme-de-laccord-du-participe-passe-pp) : 1°) Le PP dit « employé seul », au sens de ‘sans auxiliaire’, s’accorde avec son support. On trouve le support du PP à l’aide de la question « Qui ou qu’est-ce qui est ‘PP’ ? », complétée des modalités pertinentes (négation éventuelle…). 2°) Le PP conjugué avec l’auxiliaire être s’accorde avec le support du verbe.

415


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

ÉC IM

EN

Le participe 2 varierait lorsqu’il est plus autonome, ou dans un emploi adjectival : participe 2 sans auxiliaire ou participe 2 déterminant de la copule être. Fortement intégré dans une forme verbale vue comme plus synthétique, il perdrait ses caractéristiques adjectivales autonomes et s’accorderait dès lors avec le support du verbe : participe 2 conjugué avec l’auxiliaire être, pour lequel le support du participe correspond la plupart du temps avec le support du verbe ; y serait inclus l’ensemble des participes des verbes pronominaux. En revanche, il resterait invariable lorsque, perdant tout autant son autonomie dans une forme plus figée, il se fond dans une forme verbale, dont le support n’est jamais le même que celui du participe (participe 2 conjugué avec l’auxiliaire avoir), ou lorsqu’il se retrouve dans un emploi adverbial ou de connecteur subordonnant.

SP

On trouve le support du verbe à l’aide de la question « Qui ou qu’est-ce qui ‘groupe verbal’ (le verbe accompagné de ses compléments éventuels) ? », complétée des modalités pertinentes (négation éventuelle…). Pour le PP conjugué avec l’auxiliaire être (non pronominal) la question sera donc « Qui ou qu’est-ce qui est ‘PP’ + compléments éventuels du verbe ? ». Pour le PP des verbes pronominaux, la question sera donc « Qui ou qu’est-ce qui s’est ‘PP’ + compléments éventuels du verbe ? » Lorsque la question n’est pas grammaticale, elle ne ramène pas de support du verbe et le PP reste inchangé. C’est le cas pour le PP des verbes en tournure impersonnelle : Il est tombé des cordes. * Qui ou qu’est-ce qui est tombé des cordes ? Pas de support, donc PP inchangé. Il s’est construit de nombreux bâtiments (en lecture impersonnelle). * Qui ou qu’est-ce qui s’est construit de nombreux bâtiments ? Pas de support, donc PP inchangé. 3°) Le PP conjugué avec l’auxiliaire avoir est invariable. Dans la foulée des travaux de ce Conseil, le CILF, Conseil international de la Langue française, a proposé, sur la base de points de vue théoriques différents, des règles assez semblables : 1° Les PP employés sans auxiliaire et les PP conjugués avec l’auxiliaire être s’accordent avec le mot ou la suite de mots que l’on trouve à l’aide de la question « Qui ou qu’est-ce qui est (n’est pas) PP ? ». 2° Les PP des verbes pronominaux pourront s’accorder avec le mot ou la suite de mots que l’on trouve à l’aide de la question « Qui ou qu’est-ce qui s’est (ne s’est pas) PP ? » augmentée des éventuels compléments du verbe. 3° Les PP conjugués avec l’auxiliaire avoir pourront s’écrire dans tous les cas au masculin singulier.

416


Exemples d’application de la règle générale (hors évolution future)

417

261

260

§ §

§ § § § § § § §

Contrairement à l’intuition de certains, même si ce sont les cordes qui pleuvent, on ne peut pas dire *Les cordes sont plues. Une sous-phrase, ne pouvant être pourvue d’un genre masculin ou féminin (elle ne renvoie pas à un objet mais à un procès), sera dite de genre neutre ; elle est pronominalisable par le pronom neutre ‘le’ ou ‘l’’.

P S

Pressé, elle court sans cesse à Qui est-ce qui est pressé ? Elle à f. sg. à pressée Elle est parti tôt à Qui est-ce qui est parti ? Elle à f. sg. à partie La pomme que j’ai mangé à Qu’est-ce qui est mangé ? La pomme (repris par que) à f. sg. à mangée Les paquets que j’ai pesé à Qu’est-ce qui est pesé ? Les paquets (repris par que) à m. pl. à pesés Les 65 kilos que j’ai pesé à Qu’est-ce qui est pesé ? * (Combien ?) à inv. à pesé Il a plu à Qu’est-ce qui est plu ? / à inv. à plu Il a plu des cordes à Qu’est-ce qui est plu ? /260 à inv. à plu C’est plus difficile que je ne l’avais pensé à Qu’est-ce qui est pensé ? L’ (‘que ce serait moins difficile’261) à neutre à pensé Il a eu tous les jouets qu’il a voulu à Qu’est-ce qui est voulu ? Les jouets (repris par que) à m. pl. à voulus Il a eu tous les jouets qu’il a voulu à Qu’est-ce qui est voulu ? Avoir des jouets à inv. à voulu [avoir]

C É

Soit on peut répondre sans problème à la question, et on accorde en fonction du genre et du nombre du support ; Soit on ne peut pas répondre à la question parce qu’il n’y a pas de réponse (noté « / » ci-dessous), ou parce que la question ne peut être posée pour la phrase concernée (noté « * » ci-dessous) ; on laisse alors invariable le participe 2.

4.4.3.5

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


418

263

262

§ § § §

§

§ §

Dans ce cas, le que mis pour chanson, et qui précède le participe 2, aurait pu être pris pour le support. Cependant, il est en fait déterminant de l’infinitif qui suit. Le support du participe est en fait jouer la chanson, mais le facteur de postposition du support interfère, qui empêche l’accord. Ce cas rejoint dès lors, du fait de la postposition de ce support, la liste des exceptions à notre règle générale d’accord avec le support (voir infra). Dans ces deux derniers cas, la grammaire traditionnelle fait une différence entre deux types de support potentiel pour le participe 2 (le pronom reprenant le support de l’infinitif (avec accord), ou le groupe composé de l’infinitif et de son complément/déterminant (sans accord)). En fait une autre lecture, plus appropriée selon nous, est possible : pour les verbes de perception (voir, entendre…) et d’opinion ou de dire (penser, dire…), le support réel du participe 2 serait en fait un GP2 composé d’un noyau (parfois non saturé) et d’un prédicat second sous la forme de l’infinitif accompagné de ses déterminants. Dans cette analyse, le GP2 support du participe le suit partiellement (donc pas d’accord), mais il est de toute manière de genre neutre, tout comme la sous-phrase, et se pronominalise, le cas échéant, en le (Je l’ai entendu, ça, la pianiste jouer). Une même analyse avec GP2 support du participe 2 pourrait également être envisagée avec certaines constructions traditionnellement étiquetées « attribut du COD ». Dans Sarah, je l’ai trouvé/cru aimable, le support du participe 2 serait le GP2 « l’ […] aimable » ( = ‘j’ai trouvé qu’elle était aimable’, et non ‘je l’ai trouvée et elle était aimable’), partiellement postposé (donc pas d’accord) et de toute manière de genre neutre et pronominalisable, le cas échéant, en le (Je l’ai trouvé/cru, ça, qu’elle était aimable). Les participes 2 des coverbes sont en fait invariables, dans la mesure où ils n’ont plus d’autonomie verbale. Fait suivi d’un infinitif reste donc invariable. On traite de même le participe 2 du coverbe laisser (laissé) suivi d’un infinitif (Je les ai laissé partir) ainsi que le participe 2 de l’auxiliaire avoir dans les formes surcomposées (Mes corrections, quand je les aurai eu finies, je pourrai partir en vacances).

P S

C É

Il a fait tous les efforts qu’il a pu à Qu’est-ce qui est pu ? * à inv. à pu La pianiste que j’ai entendu jouer à Qui est-ce qui est entendu ? La pianiste (repris par que) jouer à f. sg. à entendue La chanson que j’ai entendu jouer à Qu’est-ce qui est entendu ? Jouer la chanson (repris par que) à inv. à entendu262 Ces personnes, je les ai fait venir à Qu’est-ce qui est fait ? / à inv.263 à fait Ils se sont lavé à Qui est-ce qui est lavé ? Se (= eux) à m. pl. à lavés Les rois qui se sont succédé à Qui est-ce qui est succédé ? * (Qui a succédé à qui ?) à inv. à succédé Les amoureux se sont plu à Qui est-ce qui est plu ? * (Qui a plu à qui ?) à inv. à plu

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Cas particuliers

419

264

C É

P S

Invariable

Règle d’accord du participe 2

J’en ai mangé

Exemples

Le pronom en n’est pas support du participe 2, mais « déterminant » du support, et marque l’origine. Ex. : J’en ai mangé dix

Explication

Lorsque le pronom en est en fait un déterminant indirect du V ou de la relation [Dét. – Noyau GDV], il est possible de trouver des supports qui précèdent. L’accord se fait dès lors avec eux. Ex. Je n’oublierai pas les services que j’en ai reçus (support = déterminant du noyau du GDV que mis pour services ; en = déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV].

En + avoir + part. 2

Participe 2 précédé du pronom en, déterminant du support264

Cas particuliers

Nous considérons comme cas particuliers des cas qui respectent la règle générale, mais qui demandent une explication particulière, ou des cas dont la circonscription permet un énoncé plus précis de la règle.

4.4.3.6

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Dét. énonciation + en + avoir + part. 2 + support

Exemples

Invariable Des pommes, j’en ai mangé dix

J’en ai mangé dix

C É

Règle d’accord du participe 2

P S

En + avoir + part. 2 + support

Cas particuliers Le support de mangé = dix Le déterminant de dix = en Cela signifie que j’ai mangé 10 objets parmi les objets X (en = par exemple des pommes). Le mot auquel se rapporte le participe (dix) se trouve après, donc pas d’accord. Ce cas est semblable : des pommes est déterminant de l’énonciation (voir Module 2 : L’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé), et non le support (qui est dix). On n’accorde pas.

Explication

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

420


265

Invariable

‘Qui est-ce qui a cuit ? Le cuisinier’

Le cuisinier a cuit la dinde

421

Certains verbes transitifs dits « symétriques » (augmenter, bruler, couler, cuire, fâner, jaunir, …), employés avec l’auxiliaire avoir, ont des emplois intransitifs (le dét. du verbe devenant noyau de phrase). Dans ces derniers cas, la réponse à la question posée pour trouver le support du Part. 2 « qui/ qu’est-ce qui est + Part. 2 ? », est la même que la réponse à la question « qui/qu’est-ce 265 qui a + Part. 2 ? » . Cette collision empêche l’accord du Part. 2 du verbe en emploi intransitif, parce que le support que l’on croit lui trouver est en fait le support que l’on aurait pour le Part. 2 de la construction transitive correspondante. Le Part. 2 de ces verbes en emploi intransitif, n’a en fait pas de support grammatical exprimé.

Le même cas de figure se présente avec le verbe toujours intransitif disparaitre (Ils ont disparu : Qui est-ce qui a disparu ? Ils ; Qui est-ce qui est disparu ? Ils) ; ainsi qu’avec les verbes (dés)obéir et pardonner : dans ce cas, la collision de la réponse à la question du support du Part. 2 se fait avec la réponse à la question « À qui a-t-on + Part. 2 ? » (On pardonne à qqn et ‘Cette personne est pardonnée’). Avec ces verbes employés avec l’auxiliaire avoir, le Part. 2 n’a en fait pas non plus de support grammatical exprimé.

‘Qu’est-ce qui est augmenté ? Les notes’

‘Qu’est-ce qui a augmenté ? Les notes’

≠ Les notes ont augmenté

‘Qu’est-ce qui est augmenté ? Les notes’

‘Qui est-ce qui a augmenté ? Le professeur’

Le professeur a augmenté les notes

‘Qu’est-ce qui est cuit ? la dinde’

‘Qu’est-ce qui a cuit ? La dinde’

≠ La dinde a cuit

‘Qu’est-ce qui est cuit ? la dinde’

C É

P S

Participe 2 de certains verbes transitifs en emploi intransitif

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Exceptions

422

266

C É

P S

Invariable

Règle d’accord du participe 2

Hypothèse des moines copistes + Soudure progressive Hypothèse des moines copistes + Emploi de quasi connecteur subordonnant du participe

Excepté les invalides et mis à part les femmes, tous iront en guerre.

Hypothèse des moines copistes + Soudure progressive

Explication

Elle s’est lavé les mains

J’ai mangé la pomme Elle a sorti les poubelles

Exemples

Les cas que recouvre ce type d’« exceptions » par position sont en fait majoritaires. Cependant, s’ils sont traités comme exceptions, c’est parce que le facteur de position n’intervient que très exceptionnellement dans la mécanique de l’accord. Il s’agit donc plus d’une exception à la logique de l’accord qu’une exception d’ordre statistique.

Participe 2 d’un verbe pronominal dont le pronom est analysable + support Participe 2 + support, dans un GP2

Les cas suivants, où le support du participe 2 suit266 : Avoir + participe 2 + support

Exceptions

Nous considérons comme exceptions les cas qui ne respectent pas la règle générale.

4.4.3.7

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


423

267

Accord avec le support (généralement de fonction noyau de phrase)

Elles se sont évanouies (s’évanouir ; *évanouir qqn) Ils se sont envolés (s’envoler ;*envoler qqn)

C É

P S

Invariable

Il est tombé des grêlons Les grêlons qu’il est tombé

Le support du participe 2 d’un verbe conjugué avec l’auxiliaire être est généralement267 le noyau de phrase. Dans ce cas-ci, la grammaire impose l’accord avec le noyau ‘il’. Cependant, dans la tournure unipersonnelle, le thème et le noyau de phrase ne correspondent pas, le thème, qui apparait comme le support logique du participe 2, étant rejeté syntaxiquement dans le prédicat. Du fait de cette dissociation entre thème et noyau de phrase, l’accord, s’il se fait bien avec le support grammatical du verbe, ne se fait pas avec le support logique du participe 2. Lorsque le pronom fait partie intégrante du verbe pronominal, qu’il n’est pas analysable, il est théoriquement impossible de poser la question qui révèle le support Qui/Qu’est-ce qui est … ?. Néanmoins, la grammaire scolaire impose un accord avec le noyau de

Lorsque l’auxiliaire être est à l’infinitif ou à l’indicatif en emploi injonctif (ancien impératif), le support du participe 2 peut ne pas être exprimé ou être exprimé sous une autre forme que celle du noyau de phrase : Soyez parti(e)(s) pour 5h ! ; Je leur ai demandé d’être parti(e)s pour 5h. Dans ce cas, l’accord se fait avec le référent contextuel du support.

Participe 2 d’un verbe essentiellement pronominal

Participe 2 d’un verbe en emploi unipersonnel conjugué avec l’auxiliaire être

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


424

Collision de deux pronoms déterminants directs du noyau du GDV

Interférence d’un pronom neutre

Participe 2 d’un verbe essentiellement pronominal

Invariable

Invariable Je le leur ai entendu dire. (= J’ai entendu Pierre et Sarah dire qu’ils partaient demain, qui aurait dû donner *Je les l’ai entendus dire)

L’impression que cela m’a fait

Elle s’est aperçue de son erreur (s’apercevoir ≠ apercevoir qqn/qqch) Ils se sont vendus (se vendre = être vendu)

C É

P S

Accord avec le support (généralement de fonction noyau de phrase)

phrase qui, s’il peut s’expliquer pour certains participes de verbes essentiellement pronominaux (pour s’envoler, on peut trouver Envolées, mes espérances), est, pour d’autres, difficilement justifiable (pour s’apercevoir, dans Elle s’est aperçue de ses erreurs, ce n’est assurément pas elle qui est aperçue). Dès lors, hormis pour les cas évidents des pronominaux à sens passif (Les médicaments se sont vendus très cher), l’invariabilité aurait été préférable. Le pronom neutre interfère et empêche l’accord du participe : ??L’impression que cela m’a faite. Pour éviter la collision de deux pronoms déterminants directs du noyau du GDV (les et le), le pronom les a pris la forme du déterminant indirect du noyau du GDV leur, et n’est donc plus identifiable comme support, alors que c’en est un.

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


§

C É

Soit on peut répondre sans problème à la question à étape 2

Déterminer le support en posant la question « Qui / Qu’est-ce qui est … (participe 2) ? », complétée des modalités pertinentes (négation éventuelle, …)

Démarche pratique pour l’accord du participe 2

425

Soit le support est derrière le participe

§

à étape 3

à étape 4

Déterminer l’auxiliaire avec lequel est employé le participe :

Soit le support est devant le participe

§

P S

Déterminer la place du support :

§ Soit le participe 2 est conjugué avec l’auxiliaire avoir, se trouve dans un GP2 (cas de excepté) en construction absolue, ou est le participe d’un verbe pronominal dont le pronom est analysable à pas d’accord

§ Soit le participe 2 est employé seul, est conjugué avec l’auxiliaire être, ou est le participe d’un verbe essentiellement pronominal, dont le pronom n’est pas analysable à étape 4

3.

2.

§ Soit on ne peut pas répondre à la question parce qu’il n’y a pas de réponse, ou parce que la question ne peut être posée pour la phrase concernée. à pas d’accord

1.

4.4.3.8

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


5.

4.

426

participe 2 d’un verbe essentiellement pronominal à accord avec le noyau de la phrase

o

Soit absence de facteurs qui bloquent ou faussent l’accord à étape 5

P S

participe 2 d’un verbe en tournure unipersonnelle employé avec l’auxiliaire être à accord avec le il unipersonnel

o

C É

interférence d’un pronom neutre (cela) ou collision de pronoms déterminants directs à pas d’accord

o

Soit présence de facteurs qui bloquent ou faussent l’accord :

Accorder en genre et en nombre avec le support du participe.

§

§

Vérifier que l’on n’est pas en présence de facteurs qui bloquent l’accord ou qui le faussent :

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


Module 4 : la grammaire d’accord

L’accord de l’adverbe 4.4.4.1

La règle d’accord

Règle générale

IM EN

L’adverbe, en tant qu’apport à une relation, reste invariable, puisque son support n’a ni genre, ni nombre, ni personne.

Exception : L’adjectif tout employé comme adverbe varie en genre et en nombre devant un mot féminin commençant par une consonne ou un h aspiré. Ex. : Un tout petit garçon Une toute petite fille

à De tout petits garçons à De toutes petites filles

SP

ÉC

S’il s’agissait, comme on le prétend souvent, d’un accord par euphonie, on n’aurait dû avoir qu’un accord en genre, puisque l’accord en nombre n’est pas audible… Nous sommes là face à une incohérence grammaticale plus graphique que phonique. L’accord phonique se perçoit au féminin devant un mot commençant par une consonne comme devant un mot commençant par une voyelle (même si, dans ce dernier cas, le phénomène de la liaison, faite devant une voyelle tant au masculin qu’au féminin, empêche de distinguer clairement s’il s’agit d’un accord ou d’une liaison). Si la grammaire a voulu marquer l’accord au féminin pluriel, c’est essentiellement pour ne pas briser la litanique formule de l’« accord en genre et en nombre ».

D’autres adjectifs, en emploi adverbial selon la grammaire traditionnelle, peuvent également s’accorder, contrairement à la règle : des fenêtres grandes/larges ouvertes, des fleurs fraiches écloses, elle arrive bonne dernière. Il reste à déterminer s’il s’agit bien d’un emploi adverbial de l’adjectif ou si l’on n’a pas plutôt affaire à des adjectifs apports d’adjectif, possibilité que la tradition récuse, mais que notre système permet (l’adjectif étant prototypiquement un apport à un terme, par opposition à l’adverbe, apport à une relation).

427


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

4.4.4.2

Tableau de formation des adverbes en -ment

SP

ÉC

IM EN

Ce sont essentiellement les adjectifs communs ainsi que les numéraux ordinaux qui permettent de former des adverbes en -ment : ils ont en commun de déterminer par caractérisation. Les autres adjectifs, qui ont des fonctionnements de quantifiants ou de quantifiants-caractérisants, ne peuvent engendrer un adverbe en -ment. Cependant, tous les adjectifs qui caractérisent ne peuvent servir de base à un adverbe : les adjectifs de couleur et de forme géométrique, par exemple, ne permettent de former des adverbes en -ment qu’avec un sens figuré : rouge → *rougement, rectangulaire → *rectangulairement (on trouve quand même d’extrêmement rares exemples) ; mais vert → vertement, carré → carrément. Par ailleurs, comme les adverbes en -ment ne sont pas issus d’adjectifs qui quantifient, il est très rare qu’ils aient à la base un sens quantifiant ou intensifiant. Cependant, certains adverbes en -ment peuvent développer ces sens quantifiant et intensifiant, même s’il sont formés à partir d’adjectifs qui caractérisent, voire de mots d’autres classes : tellement, franchement, sacrément, foutrement, vachement, …

428


Adjectif non marqué terminé par une voyelle

Forme initiale de l’adjectif

Pas de mise au féminin de l’adjectif

/

429

-ment

+

Morphème adverbial Exemples

Aisé + ment Poli + ment Vrai + ment Gai + ment Éperdu + ment Assidu + ment Inverse + ment

C É

Changement de la forme

P S

Règle

RÈGLE GÉNÉRALE : ADJECTIF FÉMININ + -MENT EX. : GRAND → GRANDE → GRANDEMENT VIF → VIVE → VIVEMENT

L’orthographe rectifiée (1990) a aboli l’accent circonflexe pour tous les adverbes en –ument tels que assidument, crument, … ainsi que pour l’ancien gaiment. Certaines formes sont construites sur d’anciens féminins : Grave → grièvement (à côté de gravement) ; mais aussi bref → brièvement.

Remarques ou attentions particulières Mais impuni → impunément gentil → gentiment

La formation des adverbes en -ment soulève des questions graphiques que nous résumons dans le tableau ci-après.

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


430

Formes variables

-ant

Adjectif non marqué terminé par le son /ã/ -ent

Forme initiale de l’adjectif

Adverbe en -ément

- formé sur la graphie a de la finale non marquée de l’adjectif

Mise au féminin + Accent aigu sur le e final de l’adjectif

-ment

+

Morphème adverbial Exemples

Confus + é + ment Énorm + é + ment Précis + é + ment Profond + é + ment

Vaillant + m + ment Courant + m + ment Abondant + m + ment

Évident + m + ment Violent + m + ment Prudent + m + ment

C É

Suppressionassimilation de la finale -nt à la consonne du morphème adverbial (+ m)

Changement de la forme

P S

- formé sur la graphie e de la finale non marquée de l’adjectif

Adverbe en /amã/

Règle

Mais lent, présent et véhément se forment sur la règle générale (présent+e+ment, lent+e+ment, …).

Remarques ou attentions particulières

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


C É

Rappel de la définition de l’accord

431

transmet ses marques

Support – Apport

« À quoi l’apport donne-t-il du sens ? »

Quel est le support ?

P S

Pôles de l’accord

Règle d’accord

L’apport s’accorde avec son support, selon un mode de flexion adhérent, en fonction des catégories grammaticales (x, y, z, …) pertinentes qu’il partage avec celui-ci.

Rappel de la règle générale de l’accord

apporte du sens

4.4.5.2

Support (cat. x, y) Apport (cat. x, y)

Exemple

L’accord est le mécanisme par lequel, tant à l’oral qu’à l’écrit, est établi un rapport entre deux termes, dont l’un (l’apport) apporte du sens au second (le support), lequel, en échange, transmet les traits et marques morphologiques liés aux catégories grammaticales pertinentes qu’ils ont en partage.

4.4.5.1

Synthèse des variations des apports

N E M I Module 4 : la grammaire d’accord


Pôles de l’accord

Règle d’accord

Le participe 2 s’accorde en genre et en nombre avec son support (+ exceptions).

« Qui / Qu’est-ce qui … (verbe) ? »

« Qui / Qu’est-ce qui est … (participe 2) ? »

Support (Noyau de phrase) – Verbe Verbe – Support (Noyau de phrase)

Support – Participe 2 Participe 2 – Support

L’adjectif s’accorde en genre et en nombre avec son support (+ exceptions).

Le verbe s’accorde en personne et en nombre (parfois aussi en genre pour le participe 2 employé avec être) avec son support, généralement le noyau de phrase (+ exceptions).

P S

« Qui / Qu’est-ce qui est … (adjectif) ? »

Quel est le support ?

C É

Rappel des cas particuliers d’accords

Support – Adjectif Adjectif – Support

4.4.5.3

432

La pomme que Pierre a mangée.

Énervée, Marie est partie tôt.

Pierre mange une pomme.

Une jolie fleur bleue.

Exemple

N E M I Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants


IM EN SP

ÉC

GLOSSAIRE


IM EN

ÉC

SP


A Accord (grammaire d’accord) L’accord est le mécanisme de cohésion, agissant tant à l’oral qu’à l’écrit, par lequel est établi un rapport entre deux termes, dont l’un (l’apport) apporte du sens au second (le support), lequel en échange, transmet ses traits et marques. Il y a donc un double processus de cohésion : sémantique premièrement, morphologique ensuite. En discours, le mot support varie spontanément selon son mode de flexion, en fonction de ses catégories inhérentes. De son côté, l’apport s’accorde avec son support et varie selon les catégories adhérentes de sa classe. Il adopte donc les traits et marques morphologiques liés aux catégories grammaticales pertinentes du support, en fonction du sens voulu par le locuteur dans son discours.

§

Adhérent (>< inhérent) (classes de mots) Un mode de flexion est dit adhérent pour une classe de mots si celle-ci en détient les marques par procuration, du fait du phénomène de l’accord, à partir des catégories grammaticales que l’apport partage avec le support. Ex. : l’adjectif varie en genre et en nombre en fonction du genre et du nombre du nom support.

ÉC

Anaphore (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Mécanisme de reprise à l’environnement contextuel (non verbal) ou cotextuel (verbal). L’anaphore, mot d’origine grecque, implique qu’un segment de discours (phora) soit repris (ana) par un mot. La notion linguistique d’anaphore est à distinguer de l’emploi stylistique du vocable, qui signifie « répétition d’un élément ». Au sens strict, on distingue parfois l’anaphore (reprise d’un élément antérieur) de la cataphore (annonce d’un élément à venir, comme dans cet idiot de voisin, où le démonstratif annonce voisin). Néanmoins, le terme d’anaphore s’emploie souvent de façon générique, pour désigner les deux fonctionnements.

SP

§

IM EN

§

§

Ancrage (conjugaison) Une forme verbale est dite ancrée en temps-époque si elle est positionnable, sur la ligne du temps, par rapport au repère d’actualité Moi-Ici-Maintenant (je pense et je dis qu’il est vrai

435


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

que…) : cette forme sera à l’indicatif. Elle peut par ailleurs être uniquement ancrée en personne, ce qui donne lieu à un subjonctif. Apport (>< support) (fonctions, grammaire d’accord) Toute production discursive, à différents niveaux, peut être décrite à l’aide d’un réseau de relations apport-support de signification. Au niveau syntaxique, l’apport ajoute du sens au support, en agissant ou non sur son extension, selon le mécanisme fonctionnel mis en jeu (détermination ou prédication). Syntaxiquement, un apport joue donc un rôle de déterminant ou de prédicat (premier ou second).

§

Articulaire (classes de mots) Un adjectif est articulaire si, susceptible d’exprimer en contexte tant l’unité que la totalité des éléments de l’ensemble, il articule en discours les noms de la langue avec les référents du monde auxquels ils renvoient. Il s’agit des anciens articles. L’adjectif articulaire assume généralement la fonction de déterminant quantifiant.

§

Aspect (conjugaison) L’aspect d’une forme verbale est la partie du temps impliquée : c’est une notion temporelle et sémantique incluse dans la forme verbale elle-même (dans sa forme, ses affixes, …), qui donne des indications sur la manière dont l’énonciateur envisage le procès décrit du point de vue de son déroulement. Pour la conjugaison, nous avons retenu les aspects : o suffixal - intérieur : donne à voir le procès en cours, de l’intérieur, et en efface les bornes ; - extérieur : envisage le procès globalement, de l’extérieur, comme un tout, un bloc borné. o coverbal - projeté : l’énonciateur considère le procès en perspective ; - en cours : l’énonciateur considère le procès en cours de réalisation ; - dépassé : l’énonciateur considère le procès (juste) après son terme.

SP

ÉC

IM EN

§

436


Glossaire

C

Caractérisant (>< quantifiant) (classes de mots, fonctions) Un déterminant est dit caractérisant s’il réduit l’extension du support auquel il se rapporte.

§

Caractérisation (>< quantification) (fonctions) La caractérisation est un sous-fonctionnement du mécanisme de détermination. Elle agit sur le support par réduction de son extension.

§

Catégorie grammaticale (classes de mots) Sous-système sémantique à l’intérieur duquel chaque positionnement interne peut avoir des répercussions sur la forme des mots : pour le genre, le positionnement du masculin, du féminin ou du neutre peut impliquer une variation morphologique des mots (noms et adjectifs par exemple). Les huit catégories grammaticales pertinentes en français sont le genre, le nombre, la personne, le temps, le mode, l’aspect, la relation et la fonction. La catégorie du cas subsiste dans de rares exemples : voyez l’opposition entre le et lui (pronom respectivement déterminant du verbe et déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV]). Catégoriel (>< notionnel) (classes de mots) La définition d’un mot est dite « catégorielle » si elle est fondée sur des catégories grammaticales (genre, nombre, personne, …). Classe de mots (>< fonction) (classes de mots) Une classe regroupe un ensemble de mots partageant les mêmes caractéristiques et répondant donc de la même manière aux quatre critères de discrimination (sémantico-référentiel, définitionnel, syntaxique et morphologique). On a établi une première classification des mots de la langue en fonction du critère sémantico-référentiel du mode d’accès à l’extension des mots. Les trois autres critères sont le mode de définition (notionnel >< catégoriel), le mode de fonctionnement prototypique mis en œuvre (critère syntaxique) et le mode de flexion (critère morphologique). On distingue ainsi sept classes de mots : le nom, le pronom, l’adjectif, le verbe, l’adverbe, le connecteur et l’interjection.

SP

§

ÉC

§

IM EN

§

437


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Cohésion (grammaire d’accord) Dans le mécanisme d’accord, l’échange de bons procédés entre apport et support contraint le support, en retour de l’ajout de sens amené par l’apport, à lui transmettre ses traits et marques, pour les catégories grammaticales qu’ils partagent, afin de rendre compte graphiquement de la cohésion (donc de l’unité) sémantique entre les éléments apports-supports.

§

Commentaire (>< propos) (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Dans la structure discursive, le commentaire est ce que l’on dit du propos (voir ce terme).

§

Complément (>< supplément) (fonctions) On parle de complément dans la glose explicative concernant le déterminant. En fait, tout déterminant agit comme complément de sens en agissant donc sur l’extension du support, tandis que le prédicat agit comme supplément de sens en n’agissant pas sur l’extension du support.

§

Complexité (phrase - énonciation) (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) La complexité peut caractériser tant la phrase (on parle de phrase complexe) que l’énonciation (on parle d’énonciation complexe). La phrase complexe contient au moins une sous-phrase enchâssée dans une phrase matrice, tandis que l’énonciation complexe est caractérisée par l’enchâssement d’une énonciation dans une autre, soit par la présence d’une séquence de discours direct (discours re-produit) intégrée dans la position fonctionnelle d’un terme normal de phrase, soit par les traces, en sous-phrase, d’une deuxième modalité énonciative (interrogation indirecte).

SP

ÉC

IM EN

§

§

Composé (>< simple) (conjugaison) Une forme verbale est dite composée si elle contient un auxiliaire conjugué à un tiroir simple et le participe 2 du verbe. Sémantiquement, une forme verbale composée contient une part d’antériorité emportée par le participe. On parle par ailleurs de forme surcomposée dans le cas où l’auxiliaire est lui-même conjugué à un tiroir composé, et qu’il est suivi du participe 2 du verbe (ou, dans une autre analyse, pour les verbes pronominaux, lorsque l’auxiliaire est

438


Glossaire

conjugué au tiroir simple correspondant, et qu’il est suivi du participe 2 composé du verbe).

IM EN

(grammaire d’accord) Un mot (adjectif ou nom) est dit composé s’il est constitué de deux ou plusieurs mots (séparés par un espace, un trait d’union, ou agglutinés) et qu’il rend compte d’un référent différent de ce à quoi réfèrent, additionnés séparément, les mots qui le composent (petite-fille vs petite fille). Il fonctionne comme un mot (adjectif ou nom) simple.

Concomitance (conjugaison) On parle de concomitance pour exprimer le rapport de simultanéité entre deux procès, ou entre le moment d’énonciation et le moment auquel se produit effectivement le procès dont on parle. C’est un effet de sens principal du présent de l’indicatif : la déclaration de la concomitance entre le moment où je parle et le moment où se produit ce dont je parle.

§

Connexion (classes, fonctions) Lorsqu’un locuteur ou un scripteur produit un discours ou un texte, il doit rendre compte à son interlocuteur ou à son lecteur le plus explicitement possible des liens qu’il établit entre les différents mots, groupes ou phrases qu’il énonce. D’un mot, d’un groupe ou d’une phrase à l’autre, d’un bloc de phrases dont l’unité sémantique est perceptible à l’autre, il faut enchainer les idées en mentionnant le lien établi entre le mot, le groupe, la phrase ou le paragraphe d’avant le connecteur et le mot, le groupe, la phrase ou le paragraphe d’après.

Coordination (>< subordination >< enchâssement) (classes de mots, structures intégratives) La coordination est le mécanisme de mise en œuvre d’un mode de liaison parataxique, qui procède par la liaison de deux ou plusieurs éléments ou groupes déterminatifs ou prédicatifs sans qu’il y ait de hiérarchisation entre les éléments mis en relation.

SP

§

ÉC

§

439


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Coverbe (classes de mots, conjugaison) Le coverbe est un type de verbe désémantisé qui permet à un autre verbe (au participe 2 ou à l’infinitif) d’être conjugué. Les formes prototypiques du coverbe sont lesdits auxiliaires avoir et être. En tant que support de composition verbale, le coverbe est porteur des marques de mode, de temps, de personne et d’aspect (suffixal).

D

IM EN

§

Définition (classes de mots) Proposition qui énonce les caractéristiques A, B, C, … que porte l’ensemble des objets du monde auxquels le mot à définir peut être appliqué.

§

Déixis (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Mécanisme d’indexation à l’environnement contextuel (non verbal) ou cotextuel (verbal). D’origine grecque, la terminologie de déixis s’est substituée à la terminologie d’origine latine de démonstratif, qui s’appuyait sur l’idée de « monstration ». Les expressions déictiques ont un sens qui implique obligatoirement un renvoi à la situation d’énonciation.

§

Déterminant (>< prédicat) (fonctions) Le déterminant est une fonction endossée par un apport d’information qui agit sur le support en réduisant son extension ou en indiquant la quantité d’éléments considérés. Le déterminant se comporte comme un complément d’information.

Détermination (>< prédication) (fonctions) La détermination est le mécanisme fonctionnel d’apport d’information par lequel un apport agit sur son support, soit en réduisant son extension (donc en créant un sous-ensemble dans l’ensemble de départ), soit en indiquant son extensité (sans créer de sous-ensemble, mais en indiquant la quantité des éléments considérés dans l’ensemble de départ).

SP

§

ÉC

§

§

Direct (in-) (classes de mots) Une classe de mots est premièrement discriminée selon son mode d’accès à l’extension des mots. Il y a trois modes 440


Glossaire

§

Discours re-produit (structures intégratives) Tournure où une séquence plus ou moins longue de discours direct est intégrée syntaxiquement, telle que supposément ou prétendument prononcée, c’est-à-dire sans réajustements formels, dans la position fonctionnelle d’un terme normal de phrase. Cette structure de discours cité est considérée comme possédant, en fait en apparence seulement, un énonciateur propre, différent de l’énonciateur du propos qui l’inclut. Noté Θ, le discours re-produit est une des marques de la complexité d’énonciation d’un énoncé.

E

Enchâssement (>< coordination >< subordination) (classes de mots, structures intégratives) L’enchâssement est un mécanisme de mise en œuvre d’un mode de liaison hypotaxique (hypotaxe paradigmatique), qui procède par l’intégration d’une sousphrase dans une phrase matrice, dans laquelle elle occupe une place fonctionnelle comme un simple groupe déterminatif. Ce mécanisme nécessite généralement, mais pas nécessairement (Tu fais un pas, tu es un homme mort), un outil d’enchâssement, tel qu’un connecteur enchâssant, un pronom, ou un adjectif.

SP

ÉC

§

IM EN

d’accès : direct (non-nécessité de support), indirect (nécessité d’un support pour accéder à l’extension) ou doublement indirect (nécessité d’un support double pour accéder à l’extension). Par ailleurs, on parle également de déterminant direct ou indirect du verbe (voir Transitivité), selon qu’il est endossé par un groupe déterminatif nominal (Ex. : Je mange une nectarine) ou connectif (Je pense à Sarah).

§

Énoncé (>< énonciation >< phrase) (structures intégratives) Un énoncé est d’abord une unité de communication constituée d’une séquence structurée et ordonnée de mot(s), alliant une phrase et une énonciation. L’énoncé est donc l’occurrence contextualisée (ou le produit de l’énonciation ou instanciation) d’une phrase.

441


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Énonciation (>< énoncé >< phrase) (structures intégratives) L’énonciation est l’ensemble de facteurs situationnels et communicationnels qui entourent la production de la phrase (locuteur, interlocuteur, thème, …). C’est également, au niveau de la syntaxe, l’ensemble des traces de l’énonciateur, ainsi que celles de la situation de communication, dans son énoncé. L’énonciation peut être complexe dans le cas de l’intégration d’une deuxième modalité énonciative (pour l’interrogation indirecte) ou d’un deuxième énonciateur (pour le discours re-produit).

§

Épicène (classes de mots, grammaire d’accord) Le nom possède, en langue, un genre (masculin ou féminin) propre. Les noms épicènes sont des noms qui ont une forme identique au genre masculin et au genre féminin (Ex. : un(e) élève).

§

Exhaustif (>< partitif) (classes de mots) En choisissant d’employer comme déterminant quantifiant un adjectif articulaire de type exhaustif, on sélectionne tous les éléments disponibles dans l’ensemble considéré : soit le seul élément d’un ensemble singleton, soit tous les éléments d’un ensemble qui en compte plusieurs.

ÉC

Extension (>< intension) (classes de mots) L’extension d’un mot est l’ensemble des objets du monde pensable (objets de pensée : êtres, choses, faits ou situations) auxquels le mot est applicable. Une définition en extension est une définition qui énumère tous les objets de l’ensemble défini.

SP

§

IM EN

§

F

§

Flexion (classes de mots, grammaire d’accord) La flexion est un phénomène de variation morphologique (phonologique ou graphique) tributaire de sous-systèmes sémantiques appelés catégories grammaticales (genre, nombre, …). En discours, les mots supports varient selon leur mode de flexion inhérente, en fonction de leurs catégories spécifiques. Du côté des mots apports, qui s’accordent avec leur support, les modes de flexions sont dits adhérents dans la mesure où les

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Glossaire

apports adoptent de leur support les traits et marques morphologiques pertinents. Foncteur (ligateur >< subordinateur >< enchâsseur >< représentant) (classes de mots) Un connecteur est dit foncteur (mode de fonctionnement particulier) s’il exerce une fonction au sein de la séquence introduite.

§

Fonction (>< classe de mots) (fonctions) La fonction d’un terme ou d’une structure intégrative est le rôle qu’il ou elle joue dans la phrase par rapport aux autres éléments ; c’est donc la position fonctionnelle que ce terme ou cette structure occupe dans le formatage du procès tel que présenté.

G

Groupe (déterminatif – prédicatif) (structures intégratives) Un groupe est une structure intégrative normalement composée d’un noyau et de zéro, un ou plusieurs apport(s) (au terme noyau ou à une relation entre le terme noyau et son apport). On parle en outre de groupe déterminatif d’une part, et de groupe prédicatif d’autre part. On emploie le terme groupe déterminatif (GD) pour tous les groupes dont les apports internes sont des déterminants (quantifiants et/ou caractérisants). On emploie le terme groupe prédicatif (GP) pour tous les groupes composés d’un noyau et d’un prédicat (et des apports à la relation entre eux), qu’il soit premier (prédicat premier du noyau de la (sous-)phrase dans le GP1) ou second (prédicat second du noyau dans le GP2). Les structures intégratives GDX, GP1’ ou GP2 sont des unités porteuses d’une fonction syntaxique dans la phrase (GP1) ou la sous-phrase (GP1’).

SP

§

Grammatical (>< agrammatical) Une séquence phrastique est dite grammaticale si, d’après le jugement de natifs, elle correspond à une séquence dont la structure syntaxique est possible, c’est-à-dire conforme aux règles de la grammaire de la langue. Dans le cas contraire, la séquence est dite agrammaticale.

ÉC

§

IM EN

§

443


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Groupe déterminatif (structure intégrative) Structure intégrative (notée GD), issue de la relation apport-support entre un noyau et ses déterminants (auxquels s’ajoutent les déterminants de la relation [Dét. – Noyau]). Le groupe déterminatif est porteur d’une fonction. On parle de groupe déterminatif nominal, pronominal, verbal, adjectival, adverbial et connectif.

§

Groupe prédicatif (structures intégratives) Structure intégrative (notée GP1 (phrase), GP1’ (sous-phrase) ou GP2), issue de la relation apport-support entre un noyau et son prédicat (premier ou second) (auxquels s’ajoutent les déterminants et prédicats seconds de cette relation [Préd.1 ou 2 – Noyau]). Comme un groupe déterminatif, le groupe prédicatif est porteur d’une fonction. Le GP2 (avec ou sans verbe conjugué à un mode non personnel) apparait donc comme une structure intégrative intermédiaire entre le GP1 (avec verbe conjugué à un mode personnel) et le GD (sans verbe et avec détermination interne).

H

Hypotaxe (>< parataxe) (structures intégratives) L’hypotaxe est un mode de liaison, avec hiérarchisation, de deux ou plusieurs éléments ou séquences phrastiques ou non. Ce mode de liaison avec hiérarchisation peut se concrétiser, avec ou sans outils, sur l’axe syntagmatique ou sur l’axe paradigmatique. Sur l’axe syntagmatique, pour marquer la dépendance, la relation d’apport à support de signification entre deux éléments ou groupes, l’hypotaxe est mise en œuvre par subordination ou juxtaposition subordonnante (ou subordination implicite) ; sur l’axe paradigmatique, pour marquer l’intégration d’une sous-phrase enchâssée dans la phrase matrice, l’hypotaxe est mise en œuvre par enchâssement, ou juxtaposition enchâssante (ou enchâssement implicite).

SP

ÉC

§

IM EN

§

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Glossaire

I Inhérent (>< adhérent) (classes de mots, grammaire d’accord) Un mode de flexion est dit inhérent à une classe si celle-ci en détient les marques en propre, et non par procuration du fait du phénomène d’accord.

§

Intension (>< extension) (classes de mots) La définition en intension (ou en compréhension) d’un mot est une définition qui établit la liste des caractéristiques communes que possèdent les objets auxquels le mot est applicable.

§

Inversion (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) L’inversion Verbe-Sujet concurrence l’ordre canonique du français, décrit généralement comme une langue de type S-V-O, c’est-à-dire SujetVerbe-Objet (Complément). C’est un procédé qui agit sur la structuration hiérarchique de l’information. L’inversion thétique (Ensuite arrivèrent les invités), (pro)nominale, concerne la linéarisation du discours et sa structure informative. Il s’agit d’une structure qui subsiste en parallèle au système des voix, reliquat de l’organisation de l’ordre des mots dans l’ancienne langue française. On déplace le thème en position rhématique, ce qui le colore du statut d’information nouvelle, donne l’impression de construire ce thèmenoyau de phrase au fil de l’énoncé et induit une lecture que l’on appelle « thétique » de cet énoncé. L’inversion hypothétique, toujours pronominale (ou complexe), intervient au niveau de l’ancrage du procès verbal. L’inversion hypothétique serait en fait une variante du si, qui discute l’ancrage effectif du procès, tant dans son emploi d’interrogation indirecte que dans celui du cadrage conditionnel. Cette inversion hypothétique se retrouve dans les emplois d’interrogation directe ((Pierre) vient-il ?) ou de conditionnelle sans connecteur (Ferait-il un don, il y gagnerait). À cet égard, l’inversion hypothétique s’apparenterait donc, hors cas d’interrogation directe, à un indice d’enchâssement d’une prédication dans une autre, dont la première serait cadrative. Ce type d’inversion serait donc lié à la question de la constituance de la prédication, c’est-à-dire à son degré de (dé)propositionnalisation.

SP

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§

445


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

J Juxtaposition (classes de mots, structures intégratives) La juxtaposition est un mécanisme de mise en œuvre d’un mode de liaison de termes ou structures, parataxique ou hypotaxique, sans outil de ligature. La juxtaposition peut être coordonnante (parataxe : Je pars demain, je reviens lundi), subordonnante (hypotaxe syntagmatique : Tu fais un pas), ou enchâssante (hypotaxe paradigmatique : Tu fais un pas, t’es un homme mort).

L §

Ligature (classes de mots, fonctions) La ligature est un mode de fonctionnement purement syntaxique, prototypique des connecteurs (qui endossent donc la fonction de ligateurs) : établir une relation entre deux ou plusieurs termes ou structures.

M

Modalité (>< mode) (conjugaison) La modalité témoigne de la manière dont l’énonciateur envisage son énoncé, du point de vue des valeurs de vérité de celui-ci. Parmi l’ensemble des modalités, la plus remarquable est la modalité énonciative. Les modalités énonciatives indiquent dans quelle mesure l’énonciateur assume les conditions de vérité de son énoncé. On reconnait généralement l’assertion, l’interrogation et l’injonction. On parle également de modalités expressives, qui ont souvent été attribuées aux modes verbaux pour les définir, alors qu’en fait il ne s’agit que d’effets de sens consécutifs au type d’ancrage de la forme verbale en temps et en personne.

SP

ÉC

§

IM EN

§

§

Mode (>< modalité) (conjugaison) Avant d’être organisées en tiroirs, les formes verbales sont organisées en modes. Le mode est caractérisé par le type d’ancrage de ses formes verbales selon les paramètres de tempsépoque et de personne ; il a une cohérence s’il possède un paradigme de formes propres.

446


Glossaire

Morphème (conjugaison) Le morphème est, dans la chaine langagière, l’unité linguistique minimale porteuse de sens. Ainsi, en morphologie verbale, la désinence ou terminaison, en tant que morphème grammatical final, constitue la marque flexionnelle porteuse des indications de mode, de temps, de personne et d’aspect. De même, dans le cas de l’accord de l’adjectif avec le nom par exemple, les marques d’accord en genre et en nombre seront portées par le morphème final, la terminaison.

N

§

Notionnel (>< catégoriel) (classes de mots) Les mots d’une classe sont définis à l’aide d’une définition dite « notionnelle » si celle-ci fait appel à une notion, c’està-dire qu’elle procède par énumération des éléments de sens constitutifs. Noyau (fonctions) Un mot est noyau d’un groupe s’il en est le centre, c’est-à-dire s’il est support d’information au sein de ce groupe, lequel groupe sera dénommé en référence à ce noyau (Ex. : on appellera groupe déterminatif nominal un groupe déterminatif dont le noyau est un nom). À l’étage supérieur, se trouve le noyau de phrase, support absolu d’information. En tant que support du prédicat duquel il reçoit un apport d’information, il commande l’accord du verbe et lui transmet ses marques de personne et de nombre (parfois de genre pour le participe 2 d’un verbe employé avec l’auxiliaire être).

SP

§

Neutre (>< masculin >< féminin) (grammaire d’accord) À l’intérieur de la catégorie grammaticale du genre, on retrouve traditionnellement les positions du masculin et du féminin, auxquelles on ajoutera la position du neutre, caractéristique de pronoms tels que cela, rien, … Par ailleurs, un noyau de phrase constitué de deux groupes déterminatifs nominaux de genres différents coordonnés (l’un masculin et l’autre féminin) adoptera ce même genre neutre, et commandera dès lors un accord des déterminants au neutre également (forme non marquée identique à la forme du masculin, d’où la confusion possible).

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§

IM EN

§

447


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

P Parataxe (>< hypotaxe) (structures intégratives) La parataxe (de para- : à côté) est un mode de liaison de segments, éléments ou groupes, par exemple deux ou plusieurs phrases, sans hiérarchisation. Ce mode de liaison peut être mis en œuvre avec ou sans outil de ligature (connecteur) : dans le premier cas, on parle de coordination ; dans le second, on parle de juxtaposition coordonnante (ou de coordination implicite).

§

Partitif (>< exhaustif) (classes de mots) En choisissant d’employer comme déterminant quantifiant un adjectif articulaire de type partitif, on sélectionne un ou plusieurs élément(s) d’un ensemble plus large. La quantité d’éléments considérés prend donc une partie de l’extension de l’ensemble et est dit partitif. S’il s’agit d’un ensemble d’éléments comptables, on utilise le partitif numératif un (une chaise). S’il s’agit d’un ensemble d’éléments non comptables, on utilise le partitif massif du (du vin).

§

Phrase (>< énoncé >< énonciation) (structures intégratives) La phrase est une unité de communication constituée d’une séquence structurée et ordonnée de mot(s), dont la mise en énonciation produit un énoncé, et que l’énonciateur décide de faire phrase. Elle est endossée par un groupe prédicatif premier (GP1), c’est-à-dire par l’ensemble formé par le noyau de phrase et le prédicat (y compris tous les déterminants et prédicats seconds s’y rapportant). Elle constitue l’ensemble des informations sur le monde transmises à l’interlocuteur, hors contexte d’énonciation. La phrase = l’énoncé moins l’énonciation. La phrase est également conçue comme une mécanique d’intégration, c’est-à-dire comme une imbrication de structures intégratives hiérarchiquement inférieures : on parle de phrase multiple (>< phrase unique) si elle est composée de deux phrases jointes par coordination ou juxtaposition coordonnante (parataxe) ; on parle de phrase complexe (>< phrase simple) si elle est composée d’au moins une sous-phrase enchâssée dans une phrase matrice (hypotaxe paradigmatique).

SP

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§

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Glossaire

Phrase matrice (>< sous-phrase) (structures intégratives) Une phrase matrice est une phrase à l’intérieur de laquelle une ou plusieurs position(s) fonctionnelle(s) est/sont saturée(s) par une sous-phrase intégrée par enchâssement.

§

Prédicat (>< déterminant) (fonctions) Le prédicat est une fonction endossée par un apport de sens qui se rapporte à un support sans agir sur son extension. Le prédicat se comporte comme un supplément d’information, puisqu’il ne crée pas de sous-ensemble. On distingue en outre le prédicat premier (apport au noyau de la phrase ou de la sous-phrase), et le prédicat second (apport non déterminatif à tout type de support, terme ou relation prédicative de la phrase).

§

Prédication (>< détermination) (fonctions) La prédication est le mécanisme fonctionnel d’apport d’information par lequel un apport de sens est mis en relation avec son support sans agir sur son extension.

§

Procès Évènement dont l’énonciateur rend compte par la mise en relation logique d’un thème et d’un rhème (ce dont on parle, dont on affirme ou nie quelque chose, et ce qu’on en dit), prélude au formatage en phrase.

ÉC

Pronominalisation (classes de mots, fonctions) La pronominalisation est un mécanisme de reprise destiné à parler d’un même référent sans le nommer dans son intégralité, soit par remplacement à l’aide d’un pronom, soit par suppression du noyau du groupe déterminatif de base avec maintien ou transformation de l’un ou l’autre accompagnateur. On ne parle pas de pronoms dans ce dernier cas, mais bien de groupes issus du mécanisme de pronominalisation.

SP

§

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§

Propos (>< commentaire) (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Le terme propos est ambigu. En langage courant, il dit soit ce dont on parle (à quel propos ?), soit ce qu’on en dit (le propos tenu). Certaines théories utilisent le terme propos dans la deuxième acception comme apport d’information à un thème. Dans la mesure où nous différencions les 449


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Q

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niveaux de structure discursive et logique, nous devrons réorganiser les termes en paires d’opposition suivantes : propos/commentaire (structure discursive, où propos est utilisé dans la première acception ; le commentaire est ce qu’on dit du propos) ; thème/rhème (structure logique, où le thème est ce dont on parle dans le cadre du procès envisagé et décrit ; le rhème est ce qu’on dit du thème, toujours dans le cadre de ce procès).

§

Quantifiant (>< caractérisant) (classes de mots, fonctions) Un quantifiant est un type de déterminant qui indique la quantité des éléments auxquels son support est appliqué.

§

Quantification (>< caractérisation) (fonctions) La quantification est un sous-fonctionnement du mécanisme fonctionnel de détermination. Elle agit sur le support par indication de la quantité d’éléments auxquels ce support est appliqué.

Relation (>< terme) (fonctions) La phrase est un réseau de relations entre des termes reliés deux à deux, dont l’un (l’apport) dépend de l’autre (le support). Une relation a donc deux pôles et n’a pas de matérialité. Mettant en lien un apport et un support, elle est de nature tantôt prédicative, tantôt déterminative selon le mécanisme mis en œuvre. Par ailleurs, la relation peut être elle-même support d’information et recevoir un déterminant ou un prédicat second (dans ce dernier cas, la relation doit, elle-même, être prédicative).

SP

§

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R

§

Rhème (>< thème) (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) La structure logique qui rend compte d’un procès est constituée du thème (ce dont on parle, ce dont on affirme ou nie quelque chose) et du rhème (ce que l’on dit du thème, l’information apportée à propos du thème). Syntaxiquement, l’information du rhème est généralement portée par le prédicat.

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Glossaire

S Saturation (d’une position fonctionnelle) (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Un noyau de groupe déterminatif est susceptible de recevoir un déterminant, lequel peut être pris en charge par une structure intégrative qui va donc saturer cette position. Dans le cas où aucun élément ne prend en charge cette fonction de déterminant, cette position est dite non saturée. On parlera de position fonctionnelle non saturée (notée Ø en schéma) chaque fois que ladite position ne sera pas occupée par un élément ou une structure intégrative porteur de la fonction.

§

Schéma bidimensionnel (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Schéma d’analyse de phrase conçu en deux dimensions (non linéaire). Les deux dimensions s’observent dans la mesure où ce schéma rend compte non seulement de termes se rapportant à des termes, mais également de termes se rapportant à des relations entre deux termes. T2

ÉC

T1

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§

T3

SP

Chaque élément trouve sa place fonctionnelle dans la hiérarchie de la phrase, à son point d’incidence. Ce schéma met en exergue la fonction des éléments les uns par rapport aux autres, c’est-à-dire les relations qu’ils entretiennent.

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Sous-phrase (GP1’) (>< phrase (GP1)) (structures intégratives) La sous-phrase est une structure intégrative de la phrase, et semblable formellement à celle-ci, si ce n’est qu’elle se trouve en lieu et place d’un simple groupe déterminatif et qu’à ce titre, elle est susceptible d’endosser une fonction au sein de la phrase matrice dans laquelle elle est intégrée. Au niveau syntaxique, la sous-phrase est le lieu de la prédication première : GP1’ à noyau de phrase’ + Prédicat’.

§

Structure intégrative (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) La phrase est une mécanique d’intégration, qui intègre diverses structures dont les éléments constitutifs et les relations qu’ils entretiennent sont spécifiques. On dénombre quatre types de structures intégratives : la phrase (GP1), la sous-phrase (GP1’), le groupe prédicatif second (GP2) et le groupe déterminatif (GD). À ces structures s’ajoute une cinquième, marqueur de la complexité d’énonciation : la structure Θ ou discours re-produit.

§

Subordination (>< coordination >< enchâssement) (classes de mots, structures intégratives) La subordination est un mécanisme de mise en œuvre d’un mode de liaison hypotaxique (hypotaxe syntagmatique), qui procède par la liaison, avec hiérarchisation, de deux ou plusieurs éléments ou séquences phrastiques ou non. Pour marquer la dépendance, la relation d’apport à support de signification entre deux éléments ou groupes, l’hypotaxe syntagmatique est donc mise en œuvre par subordination (avec motlien) ou juxtaposition subordonnante (ou subordination implicite, sans mot-lien).

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§

§

Supplément (>< complément) (fonctions) On parle de supplément dans la glose explicative concernant le prédicat. En fait, tout prédicat agit comme supplément de sens en n’agissant pas sur l’extension du groupe support. Il intervient, en fait, après la clôture de ce groupe support.

§

Support (>< apport) (fonctions, grammaire d’accord) À différents niveaux, nous avons déterminé différents types de relations apport-support de

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Glossaire

signification. Syntaxiquement, un support de sens joue le rôle de noyau dans un groupe. Syllepse (grammaire d’accord) La grammaire traditionnelle envisage un accord par syllepse dès lors qu’il est régi par le sens, en contrevenant à l’analyse. C’est notamment le cas dans Une bande de corbeaux s’envolent (accord du verbe avec un noyau de phrase collectif) : le verbe au pluriel s’accorderait non pas avec le noyau bande, mais avec son déterminant corbeaux. Une répartition plus fine des fonctions syntaxiques du collectif et de son déterminant permettrait de s’affranchir de l’analyse par syllepse et de conserver systématiquement l’accord avec le noyau choisi, sans plus dès lors de dérogation à la règle générale. Dans l’exemple ci-dessus, on peut envisager deux analyses desquelles dépendra le choix du noyau. Soit une bande de corbeaux est analysable en Noyau (bande) + déterminant caractérisant (de corbeaux), soit en Noyau (corbeaux) + déterminant quantifiant (une bande de). L’accord est donc en fait régulier, en fonction de l’analyse et, dès lors, du noyau choisis.

§

Syntaxe (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) Partie de la linguistique qui étudie l’organisation et la structure de la phrase en unités fonctionnelles mises en relation, c’est-à-dire en groupes occupant une fonction.

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§

T

Temps (époque >< grammatical) (conjugaison) La notion de temps peut être envisagée sous l’angle de la réalité chronologique, des instants qui se succèdent sur une ligne du temps. On parle à cet égard de temps-époque, considérant trois grandes zones temporelles : le passé, le présent et le futur. Cependant, la notion de temps peut également être interprétée à la lumière de la terminologie grammaticale comme un ensemble de formes verbales. Pour éviter la confusion, nous choisissons de nommer tiroir cet ensemble de formes verbales, afin d’éviter d’attribuer du temps à des formes qui n’en ont pas (comme le subjonctif, le participe et l’infinitif, qui n’expriment qu’un temps relatif).

SP

§

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Terme (>< relation) (fonctions) Un terme est un élément ou une structure intégrative (groupe déterminatif, groupe prédicatif ou discours re-produit Θ) assumant une fonction d’apport ou de support dans la phrase. Un terme T2 peut être apport à un terme support T1 ; la relation alors établie entre T2 et T1 peut à son tour servir de support pour un terme T3 (qui aura donc une fonction de déterminant ou prédicat second de la relation).

§

Thème (>< rhème) (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) La structure logique qui rend compte d’un procès est constituée, d’une part, d’un thème et, d’autre part, d’un rhème, le thème exprimant ce dont on parle, ce dont on affirme ou nie quelque chose. Le correspondant grammatical du thème est, généralement, le noyau de phrase (sauf, en fait, dans la tournure unipersonnelle). Quand, dans un texte, on enchaine des phrases, dont chacune est pourvue d’un thème principal, il faut s’assurer que le récepteur puisse bien suivre le fil rouge que l’énonciateur a l’intention de tisser. Pour ce faire, l’énonciateur est censé construire une progression qui articule les thèmes successifs entre eux et permette ainsi au récepteur de ne pas se perdre. On parle de progression thématique. Tiroir (conjugaison) Voir Temps.

Transitivité (transitif – bitransitif – intransitif) (classes de mots) La transitivité d’un verbe est sa capacité ou non, en emploi, à recevoir un ou plusieurs déterminant(s). Un verbe est en emploi transitif s’il réclame dans sa construction un déterminant direct ou indirect (Ex. : Je mange une pomme. Je pense à Pierre), et en emploi bitransitif s’il réclame un déterminant direct du verbe d’une part, et un déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV] d’autre part (Ex. : J’offre des fleurs à ma grand-mère ; Il tient ça de son père). Il peut également être en emploi intransitif s’il est construit sans déterminant (Ex. : Je pars).

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§

Transposition (analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) La transposition est le mécanisme par lequel un mot d’une classe ou un groupe de mots

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Glossaire

V

Voix (1 – 2 – moyenne – factitive – unipersonnelle) (conjugaison, analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé) La voix est un phénomène qui intervient sur la phrase entière, et donc sur son formatage. La voix est l’expression du point de vue que l’énonciateur adopte sur le procès dont il rend compte. Elle marque le rapport entre ce point de vue sur le procès, la structure logique choisie pour en rendre compte (le thème, le rhème et la relation de l’un à l’autre) et la structure syntaxique qui la met en forme (la phrase avec le noyau, le prédicat et la relation prédicative). Selon le point du procès (initial, final, l’un et l’autre, un autre ou aucun) qui est choisi comme thème de la phrase, cela donne lieu à une voix 1, 2, moyenne, factitive ou unipersonnelle.

SP

§

Variation morphologique (classes de mots, grammaire d’accord) On parle de variation morphologique pour désigner la variation de marques graphiques en fonction des catégories grammaticales en jeu (notamment dans le processus d’accord). En somme, c’est un changement de forme lié à un changement de genre ou de nombre par exemple. Le phénomène de variation morphologique ne doit pas être confondu avec l’ensemble des règles de formation du féminin (+ e, changement de radical, changement total de forme, …) ou du pluriel graphiques de certains noms (+ s, + x, changement de radical, …). Le premier dépend de l’accord, le second du lexique.

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§

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est utilisé dans des emplois généralement caractéristiques d’un mot d’une autre classe. La transposition peut s’opérer avec outil : il en va ainsi du connecteur subordonnant qui permet au groupe déterminatif nominal qu’il introduit de fonctionner comme déterminant du noyau du groupe (le château de ma mère : le connecteur subordonnant de permet à ma mère de fonctionner comme le ferait l’adjectif maternel). Elle peut également s’opérer sans outil dans, par exemple, une robe saumon, où le nom saumon est utilisé dans un emploi plutôt adjectival. On parle de transposition dans les cas de non-conformité entre les propriétés (le mode d’accès à l’extension) en langue d’un mot et son insertion dans une phrase en discours. Par exemple, un nom (dont le mode d’accès à l’extension est direct) s’insère en principe en discours comme support d’information, donc comme noyau. Mais il arrive qu’il endosse la fonction de déterminant du nom (Ex. : une cité dortoir).

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FONDEMENTS THÉORIQUES


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Il nous semble nécessaire de payer tribut aux sources qui ont nourri ce travail depuis son commencement et dans ses versions successives, et ainsi de dire à partir de quels environnements théoriques il faut le lire. Il va de soi que notre principale source d’inspiration réside dans les travaux de Marc Wilmet, auprès de qui nous avons travaillé de nombreuses années durant, avant de lui succéder pour certains de ses cours. Il sait la reconnaissance que nous lui en témoignons. Cela étant, ce que nous proposons ici ne saurait se réduire à une copie conforme de ses théories et points de vue sur la langue, tant s’en faut, même si nous lui empruntons beaucoup de matière et de terminologie, dont nous estimons qu’elles peuvent être utiles à une refondation de l’enseignement de la grammaire. Le référentiel est également et surtout alimenté par nos recherches et réflexions personnelles, qui tirent parfois leur substance des analyses d’autres linguistes. Ce référentiel n’est pas le lieu de la dialectique entre linguistes. Nous ne souhaitons pas entreprendre de longs débats théoriques avec nos sources : les écrits scientifiques sont plus adaptés à ce genre de propos. Nous souhaitons livrer ici une vision systémique, qui ne s’accommoderait pas de digressions parfois pointillistes. Pour autant, nous désirons baliser ci-dessous les apports théoriques des uns et des autres, et ce, partie par partie. Nous renvoyons le lecteur curieux à l’ensemble de ces ouvrages et auteurs, afin qu’il puisse se faire sa propre idée. Un discours grammatical n’est jamais qu’un point de vue sur la langue : nous ne saurions donc mieux conseiller le lecteur qu’en l’invitant à se forger le sien propre.

6.1

Les classes de mots

SP

Pour ce qui est des classes de mots, nous empruntons le critère discriminant de l’extension à l’ouvrage de Marc Wilmet La détermination nominale (Paris, PUF, 1986). C’est dans cet ouvrage également que l’on retrouve l’essentiel de la théorie, que nous adaptons légèrement, sur le nom et ses accompagnateurs. Dans la Grammaire critique du français (Bruxelles, Duculot, 1997, 21998, 32003, 42007, 52010), Marc Wilmet généralise l’emploi qu’il faisait de l’extension (à laquelle il ajoute le critère de flexion) pour discriminer les classes des noms, adjectifs, verbes, pronoms et adverbes268, ces deux derniers étant vus, dans la dynamique des rééditions et des recherches de Wilmet comme le résultat d’une synthétisation, pour le pronom, d’un syntagme nominal et, pour 268

Jusqu’à la 5e édition de la Grammaire critique, il n’y a pas de chapitre correspondant consacré aux classes des conjonctions, des prépositions ou des interjections. Cette dernière édition intègre une classe de connectifs.

459


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

SP

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l’adverbe, d’un syntagme prépositionnel, plutôt que comme des classes269. Si nous reprenons beaucoup du matériau d’analyse de la Grammaire critique, notre présentation est néanmoins différente, et pas seulement pour des raisons de cheminement pédagogique. Dans une communication publiée en 1995270, nous proposions déjà une redéfinition des concepts d’extension et d’incidence (concept repris à Gustave Guillaume et reversé au champ de la syntaxe), pour résoudre les problèmes de confusion entre nature et fonction adverbiales. Les recherches entreprises pour notre thèse de doctorat (L’adverbe en français. Nature et fonctions), défendue en 1996, ont également proposé d’envisager un double système de natures (organisé autour du critère de l’extension) et de fonctions (organisé autour du critère de l’incidence). Cependant, à la différence de Wilmet, nous nous sommes, par la suite, et à l’intérieur de ce référentiel, appliqué à définir toutes les classes (en ce compris les pronoms, adverbes, connecteurs et interjections) et toutes les fonctions à partir de ces critères. Cela nous a conduit à affiner le critère de l’extension271, et à ajouter deux critères supplémentaires qui balisent notre discrimination des parties du discours : le mode de définition (notionnelle ou catégorielle) des mots, ainsi que le mécanisme prototypique de fonctionnement mis en œuvre par les mots. Dès lors c’est toute la structuration de la matière qui en est revisitée, l’idée étant d’amener à la discrimination finale des classes de mots étape par étape, en faisant passer uniformément le test de chaque critère aux mots de la classe à définir. Outre d’autres changements en apparence mineurs (par exemple, le classement des types de verbes), nous avons modifié la terminologie des accompagnateurs du nom, notamment pour permettre une différenciation plus nette entre la nature adjectivale des mots et leur fonction de déterminant. Cette différenciation plus nette est rendue nécessaire par le fait que certains adjectifs peuvent être employés comme prédicats seconds (et donc pas comme déterminants). On ne peut donc donner l’impression, comme chez Wilmet, qu’il existe des classes fonctionnelles par nature, ce qui semble le cas lorsqu’il parle de ‘quantifiants numéraux’, ‘caractérisants (ou qualifiants) stricts’ ou ‘quantifiants269

270 271

Le pas sera définitivement franchi dans un ouvrage récent de l’auteur, la Grammaire rénovée du français (Bruxelles, De Boeck, 2007), dont la vision est approfondie dans la cinquième édition de la Grammaire critique (2010) : l’adverbe n’y est plus une classe de mots. « Pour une résolution de la confusion nature/fonction : les leçons de l’adverbe », dans Scolia, 3, 123-140 Ce n’est en fait pas tant l’extension d’un mot qui permet de discriminer les classes (chaque mot ayant une extension qui lui est propre) que le mode d’accès à cette extension (qui est propre à chaque classe de mots).

460


Fondements théoriques

6.2

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caractérisants(/qualifiants) déictiques’. Nous considérons à chaque fois qu’il s’agit d’adjectifs numéraux, communs ou déictiques de fonction déterminants, respectivement quantifiants, caractérisants et quantifiantscaractérisants. Nous avons également constitué une classe des connecteurs, comprenant les prépositions et les conjonctions. Nous nous sommes basé pour ce faire sur les critères de fonctionnement que Wilmet avait mis en évidence pour expliquer, dans la Grammaire critique, les différentes valeurs du mot que : ligateur, translateur, enchâsseur et représentant. Nous en avons ajouté un autre (foncteur), ce qui nous a permis d’envisager tant les connecteurs primaires (anciennes prépositions et conjonctions) que les connecteurs secondaires (pronoms relatifs et adverbes)272.

L’analyse syntaxique de la phrase et de l’énoncé

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La syntaxe et l’analyse de la phrase et de l’énoncé que nous proposons ici est peut-être la partie la plus originale du référentiel, tant par sa structuration que par le système des fonctions mis en exergue, ou que la conception de la phrase comme mécanique d’intégration. Cette syntaxe est la suite logique de nos recherches de thèse273, qui comme nous l’avons déjà dit, a proposé d’envisager un double système de natures (organisé autour du critère de l’extension) et de fonctions (organisé autour du critère de l’incidence). Nous avons pris à Guillaume274 et à son disciple Moignet plus que le concept d’incidence275 : notre conception même de la syntaxe, comme syntaxe génétique, attachée au processus de la construction du sens de la phrase en train de se faire, qui requiert que l’on étudie les moments d’intervention des éléments dans la construction de l’énoncé ; une syntaxe en deux dimensions, qui tire toutes les conséquences du fait qu’il y aurait, par exemple, des déterminants de terme et des déterminants de la relation entre deux termes. Nous reprenons également de Lucien Tesnière la conception d’une syntaxe de dépendance. Sur cette base, nous avons construit un cheminement progressif, qui nous conduit à envisager le type d’incidence et le type de mécanisme d’apport de sens mis en œuvre (réduit à deux : détermination ou prédication) comme les caractéristiques principales des fonctions, et 272

273 274 275

Nous observons que Wilmet procède de même dans sa Grammaire rénovée, pour regrouper à l’aide de trois critères (ligateur, enchâsseur et translateur), les prépositions et les conjonctions. Voir notamment les travaux repris dans la bibliographie ci-après. Si Guillaume n’a pas écrit de syntaxe à proprement parler, il en a jeté les bases théoriques. Dont nous avons fait pédagogiquement l’économie du terme en le remplaçant par sa glose (‘relation entre un apport et un support de signification’).

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

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nous amène à envisager une représentation graphique de l’analyse en deux dimensions. La conception développée d’une phrase comme compte rendu de procès nous a fait revisiter, radicalement, la notion de voix, appliquée à la phrase entière et plus au seul verbe, comme expression du point de vue de l’énonciateur sur le procès dont il rend compte276. Cela nous a forcé à intégrer dès le début de nos recherches l’idée que c’est l’énonciateur qui décide de faire phrase ou énoncé, et que, dès lors, il est illusoire d’essayer de définir la phrase sans y inclure cette donnée, dans la mesure où, à tout bien considéré, tout segment peut faire phrase ou énoncé pour autant que l’énonciateur le décide. De même, depuis le début de nos travaux, la conception de la phrase comme mécanique d’intégration nous a permis de mettre en évidence les différentes structures intégratives pertinentes dans la constitution du réseau fonctionnel phrastique (les groupes déterminatifs (GDN, GDPron., GDV, …), les groupes prédicatifs (GP1, GP1’ et GP2) et le discours re-produit (Θ)), et de séparer les questions de dépendance des questions de constituance. En toute hypothèse, notre théorie permet de bien séparer les niveaux de structuration logique et de formatage morphosyntaxique. Cette théorie est illustrée par une représentation en arbre que l’on a voulue des plus riche : indication systématique des fonctions, des structures intégratives puis des mots qui les prennent en charge ; mise en évidence des relations à l’œuvre et de leur nature (détermination ou prédication) ; prise en compte d’une structure phrastique réellement en deux dimensions, avec des apports à des termes et à des relations ; prise en compte de l’échéance la plus précise des apports (leur support précis, leur moment d’intervention, ce qui confère une troisième dimension, temporelle, à notre système)…

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Si, dans sa Grammaire critique, il utilise également le concept d’incidence, repris à Gustave Guillaume, Wilmet semble attaché à une conception différente de la syntaxe : sa vision de la phrase est linéaire (en témoigne la possibilité d’avoir plusieurs compléments du verbe) et assez logiciste (la prise en considération systématique d’une copule, le cas échéant sous-entendue ; l’amalgame fréquent entre structure logique et syntaxique de la phrase, quand la notion de rhème prend la place de celle de prédicat). Il revient ainsi à une tradition de grammaire générale et raisonnée (surtout Port-Royal et Beauzée) et à celle d’un chapsalisme logico-grammatical de la première grammaire scolaire, dont l’influence a connu, dans nos régions, des prolongements jusqu’après la première guerre mondiale, alors qu’en France, elle était battue en brèche vers 1880. 276

Nous nous inspirons là des travaux de feu notre collègue Ivan Evrard.

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Fondements théoriques

6.3

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Son système de fonctions réserve l’incidence déterminative au syntagme nominal et propose, hors incidence prédicative, une incidence complétive pour le surplus ; il conserve un objet premier et second, un attribut du sujet, des appositions diverses, des circonstanciels numérotés…, toutes structures que nous avons traitées différemment. S’il parle de relations, il ne les montre guère, refusant la représentation schématique qui permettrait de se les figurer. De fait, la syntaxe de Wilmet se rapproche plus d’une syntaxe distributionnelle (analyse en constituants immédiats, qui étudie la chaine résultative de la phrase) que d’une syntaxe génétique. La cinquième édition de la Grammaire critique (2010) instaure, en outre, le niveau du syntagme comme élément fonctionnel intermédiaire entre le mot et la phrase. Nous avons toutefois gardé de la Grammaire critique une partie de la terminologie qui nous semble particulièrement éclairante : entre autres, phrase unique/multiple (en réorganisant néanmoins les systèmes parataxe/ hypotaxe et coordination/subordination/juxtaposition), simple/complexe (en rajoutant, à côté de la complexité de la phrase, le principe d’une complexité d’énonciation), sous-phrase (au lieu de proposition) ainsi que sa représentation à l’aide du symbole ∆ (delta).

La conjugaison et l’emploi des modes et des tiroirs verbaux

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Pour l’organisation du verbe et les emplois des formes verbales, nous puisons dans la Grammaire critique277 de Marc Wilmet l’ensemble de son système et (quasiment) de sa terminologie. Notre apport est ici limité, outre la réécriture qui vise à une appropriation plus aisée par le plus grand nombre, à l’inscription du mécanisme prototypique de prédication comme trait définitoire du verbe (pour le différencier de l’adjectif, lui aussi d’extension indirecte), d’une simplification des aspects (nous n’envisageons que ceux qui nous semblent nécessaires à l’enseignement et les renommons), et d’une redéfinition de la frontière entre coverbes et auxiliaires. L’apport qui nous semble le plus important en cette matière consiste en la révision de l’opposition des modes. Si, comme Marc Wilmet, nous adoptons, d’après Gustave Guillaume, le principe de l’acquisition de la personne et du temps-époque comme critère discriminant les modes, nous ne retenons pas l’opposition ‘actualisation’ versus ‘virtualisation’ pour opposer indicatif et subjonctif, la virtualisation nous apparaissant comme un effet de sens plutôt que comme la motivation de l’emploi. De surcroit, cette opposition retrouve l’opposition tant critiquée 277

Marc Wilmet avait déjà abordé ces points notamment dans Le système de l’indicatif en moyen français (Genève, Droz, 1970) et les Études de morpho-syntaxe verbale (Paris, Klincksieck, 1976).

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

‘réel’ vs ‘virtuel’ ou ‘doute’. En collaboration avec Marie-Ève Damar, nous proposons dès lors une relecture basique de l’ancrage en personne et en temps (ce que Guillaume appelle chronogenèse), qui permet de rendre compte des différents effets de sens produits. Nous y rajoutons le critère de l’intégration syntaxique comme facteur de sélection de mode.

6.4

La grammaire d’accord

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Pour cette partie, la littérature normative est abondante, qu’il n’est point besoin d’évoquer ici. Le point de vue adopté est celui que nous appliquons dans nos cours pour les étudiants de première année universitaire depuis 1987 (Exercices de grammaire normative, d’abord, puis, depuis 2003, Maitrise et critique de la grammaire normative)278. Plus spécifiquement, pour l’accord du participe passé, c’est de la première édition de nos notes de cours (1993) que nous tirons l’essentiel de l’analyse critique et des solutions proposées ici. Les conclusions auxquelles nous étions arrivé rejoignent celles que tirera Marc Wilmet dans Le participe passé autrement (Bruxelles, De Boeck, 1999). Pour autant, nous nous démarquons de ses propositions dans la mesure où nous faisons le choix de poser toujours la même question (Qui/Qu’est-ce qui est + participe passé) pour trouver le support du participe, alors que Marc Wilmet la change lorsqu’il s’agit de verbe pronominaux à pronom se qu’il nomme « persistant » (Qui/Qu’est-ce qui s’est + participe passé), une option qui ne nous semble méthodologiquement pas souhaitable. L’originalité de ce module provient de ce qu’il évite autant que faire se peut d’avoir recours au système fonctionnel et à sa terminologie pour décrire l’accord. Tout peut se réduire au principe de l’accord d’un apport avec son support, ce qui constitue une économie substantielle en matière d’investissement cognitif et permet de traiter la question de l’accord indépendamment de la maitrise des principes de l’analyse fonctionnelle de la phrase.

Quels que soient les différends théoriques entre chercheurs, l’essentiel reste la réflexion grammaticale. Nous réitérons donc notre appel au lecteur afin qu’il lise, compare et critique les différentes sources évoquées.

278

Dan VAN RAEMDONCK

Les notes de ces cours sont consignées dans un syllabus édité par les Presses universitaires de Bruxelles (1993, 21994 ; réédition depuis).

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Fondements théoriques

6.5

Ce qui change dans la deuxième édition

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Entre la première et la deuxième édition de ce référentiel, de nombreux détails de formulation ont été amendés dans tous les modules, afin que le discours grammatical proposé soit au plus proche de notre intention de décrire et d’expliquer, ou à jour en matière de proposition de réforme, notamment de l’accord du participe passé. La visée des modifications a toujours été de se rapprocher d’une cohérence maximale du système et de rendre compte au mieux des phénomènes d’organisation de la langue, afin de favoriser la construction et déconstruction du sens tant en production qu’en interprétation de discours. Des sommaires ont été ajoutés en tête de chaque module, afin que puisse être visualisée au mieux leur organisation. Des termes ont été remplacés, parfois à des fins de simple clarté (‘adjectif articulaire’ remplace ‘adjectif bipolaire’, peu transparent pour les enseignants), parfois du fait de la réorganisation d’un système, comme nous le verrons pour la liaison de séquences. La refonte de ce système de liaisons nous a obligé à reconfigurer l’ensemble de la classe des connecteurs. Nous avons veillé à améliorer l’articulation entre, d’une part, le système proposé pour la phrase et l’énoncé et, d’autre part, le texte ou le discours. C’est ainsi qu’on été ajoutées des considérations concernant les relations apport-support de signification à tous les niveaux structurels déterminés (du niveau communicatif au morphosyntaxique, en passant par les niveaux discursif, informatif, logique et sémantique. Nous avons également introduit les notions de genres de textes, de progression thématique, d’anaphore et de déixis, et proposé une description sommaire du micro-système de la ponctuation. Nous avons également revu en l’élargissant le système des voix (avec l’ajout d’une voix oblique, appelée ‘voix circonstancielle’ par GmirEzzine (2014), et d’une voix personnelle), et intégré quelques considérations relatives à l’ordre des mots (que nous aurons à développer dans la perspective d’une troisième édition). Nous proposons ainsi, notamment, une vision originale de l’inversion sujet-verbe et de son rôle dans la répartition de l’information (‘inversion thétique’) ou de l’ancrage plus ou moins assumé du procès décrit (‘inversion hypothétique’), vision qui remplace la description traditionnelle, qui distingue ‘inversion nominale’ et ‘inversion pronominale’. Nous avons par la suite repris cette distinction dans une contribution commune avec Audrey Roig (Roig & Van Raemdonck 2015). Le changement majeur de cette édition, qui en entraine d’autre en cascade, est la refonte du système de liaisons de séquences, à partir du

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Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

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questionnement sur la notion de subordination, à côté de celles existantes de coordination, enchâssement et juxtaposition. Il existe curieusement peu de définitions stables de la subordination, les linguistes convoquant tour à tour les notions de dépendance, de hiérarchisation, de rection, d’enchâssement, d’intégration ou d’absence d’autonomie. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, que je dirigeais, sur la corrélation279, j’avais demandé à Audrey Roig de défricher le terrain. Elle a proposé (2013 et 2015) de redéfinir la subordination à partir de la notion de dépendance, en amalgamant cette dernière à la notion d’incidence guillaumienne. Elle reprend en fait l’idée à des grammairiens traditionnels (entre autres, Grevisse et Goosse, 1986), qui identifient subordination et dépendance, quelle que soit l’étendue du segment relié (sous-phrase ou non), contre la plupart des linguistes, qui réservent la subordination à l’intégration d’une sous-phrase dans une phrase matrice. Roig subdivise ce mode de liaison, dans un premier temps, selon le type de séquences reliées (sous-phrases ou non). La subordination et la coordination sont ensuite combinées et corrélées à la rection verbale (reprise aux différents travaux de Van Valin (notamment 1997, avec Lapolla)) et à l’intégration phrastique (reprise à nos travaux) pour permettre l’élaboration d’un système de liaisons de séquences sous forme de tenseur binaire, où la subordination fait l’objet d’un continuum d’intensité. Nous ne suivons Roig (et en fait les grammairiens traditionnels) que sur le premier point d’identification de la subordination à la dépendance d’un apport à un support de signification, mais pas à l’incidence guillaumienne. L’identification est abusive, qui ne vaut en fait que pour l’incidence externe, lorsqu’on peut identifier des apports et supports de signification séparés. Nous réfutons par ailleurs le lien avec la rection verbale (le modèle de l’incidence guillaumienne, qui vise toute relation d’apport à support, et celui de la rection verbale de Van Valin, par essence verbo-centré et oublieux de nombre de structures rapportées au nom, sont en fait incompatibles) et avec l’intégration phrastique (cela aurait pour effet d’écraser dans un système pseudohomogène des phénomènes à séparer, relatifs respectivement à la dépendance et à la constituance, et à rendre la notion de subordination trop accueillante pour être discriminante). Le modèle que nous avons élaboré pour pallier les inconvénients observés (Van Raemdonck, 2013 [2016], repris dans Roig & Van Raemdonck, 2014) et que nous proposons 279

De cette thèse, nous retenons par ailleurs l’existence de systèmes corrélatifs (en tantôt … tantôt, ni … ni, soit … soit) où les deux séquences sont plutôt coordonnées, à côté des systèmes que nous décrivions déjà comme subordonnés (la première séquence, cadrative, étant focalisable à l’aide de c’est… que) en plus … plus, autant … autant et tel… tel. Curieusement, dans sa thèse (2013), Roig intègre, sans réel fondement, les dyptiques en tel au sein des dyptiques coordonnés. Sur nos conseils, elle réintègrera, dans son ouvrage de 2015, ces dyptiques dans les dyptiques subordonnés, ce qui rend à l’ensemble une cohérence autrement perdue.

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Fondements théoriques

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dès lors dans ces pages, oppose coordination et subordination sur l’absence ou la présence de relation de dépendance entre les éléments liés, quelle que soit la nature de ces éléments. Dès qu’il y a dépendance d’un apport à un support, il y aura subordination. En revanche l’enchâssement est réservé à la question de la constituance : il y a enchâssement lorsqu’il y a intégration d’une sous-phrase (ou d’une structure apparentée) dans une position fonctionnelle de la phrase matrice. Il peut dès lors très bien y avoir enchâssement sans subordination (Que tu partes me dérange). La réorganisation des liaisons de séquences à pour effet de provoquer un réagencement de la classe des connecteurs, tant sur le plan de la nomenclature que sur celui des propriétés mises en œuvre (nous avons, par exemple, substitué le critère subordinateur au translateur, qui reste, à certains égards, informatif) : le ‘connecteur prépositionnel’, qui jouait le rôle de marqueur de dépendance, cède le pas au ‘connecteur subordonnant’, la subordination mettant en œuvre le lien de dépendance ; le ‘connecteur subordonnant’ cède le pas au ‘connecteur enchâssant’, qui permet d’intégrer une sous-phrase dans une phrase matrice. Une telle refonte n’est pas non plus sans conséquence sur l’appréhension des structures intégratives (GP2 et GP2 à noyau Ø, notamment) et sur la conception de la phrase complexe, parties qui ont donc également été amendées et développées. Au final, le réaménagement du module 2 a permis de rendre compte, de manière encore plus évidente et, nous l’espérons, éclairante, de ce qui relève de la syntaxe de dépendance et de ce qui relève de la syntaxe de constituance.

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6.6 6.6.1

Quelques références bibliographiques Ouvrages généraux

Grammaire du français contemporain

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6.6.2

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ARRIVÉ, M., GADET, F., GALMICHE, M., La grammaire d’aujourd’hui. Guide alphabétique de linguistique française, Paris, Flammarion, 1986. BAYLON, C. & FABRE, P., Grammaire systématique de la langue française avec des travaux pratiques d’application et leurs corrigés, Paris, Nathan, 1973. BONNARD, H., Code du français courant, Paris, Magnard, 1983. BRAUN, A., CABILLAU, J.-F., Le français pour chacun, grammaire interactive de la phrase et du texte, Bruxelles, Éditions Plantyn, 1993. CALAS, F., ROSSI, N., Questions de grammaire pour les concours CAPES, Paris, Ellipses, 2001. CHARAUDEAU, P., Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Hachette, 1992. CHEVALIER, J.-CL., BLANCHE-BENVENISTE, CL., ARRIVÉ, M., PEYTARD, J., Grammaire Larousse du français contemporain, Paris, Larousse, 1964. CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA LANGUE FRANÇAISE, Les Rectifications de l’orthographe, Journal officiel de la République française, Paris, éditions des documents administratifs, nº100, 6 décembre 1990. DAMOURETTE, J. & PICHON, E., Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la langue française, Paris, d’Artrey 1911-1940.

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Fondements théoriques

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6.6.3

La description de l’énoncé

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Fondements théoriques

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6.6.4

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linguistique VI (Université de Nantes, 4-6 juillet 2013), Bruxelles, PIE Peter Lang, 2016, p. 117-140. VAN RAEMDONCK, D. & NÈVE DE MÉVERGNIES, T., Deffence et illustration du clavardage : Dis-moi où tu écris, je te dirai comment, Français et Société 25, Bruxelles, E.M.E, 2012. VAN RAEMDONCK, D. & WILMET, M., « Classes, classes fantômes et changements de classe », dans Riegel, M., Schnedecker, C., Swiggers, P. & Tamba, I. (dir.), Aux carrefours du sens, Hommages offerts à Georges Kleiber pour son 60e anniversaire. Louvain, Peeters, 2006, p. 295-310. VAN VALIN, R. D. & LAPOLLA, R. J., Syntax. Structure, meaning and function, Cambridge, Cambridge University Press, 1997. WILMET, M., La Détermination nominale, Paris, PUF, 1986.

Publications liées à la recherche

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VAN RAEMDONCK, D., « Le sens grammatical : Élaboration d’un référentiel à l’usage des enseignants », dans Langue française, 176, 2012, p. 85-100. VAN RAEMDONCK, D., « Pour une linguistique applicable : Vers une refonte du penser et du dire grammatical à l’école », dans Avanzi, M. et al (dir.), Enseignement du français : les apports de la recherche en linguistique : Réflexions en l’honneur de M.-J. Béguelin, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014, p. 69-86. VAN RAEMDONCK, D., DEHON, C. & VAN GORP, D., GRAMM-R Fonda. Recherche sur les outils pédagogiques de soutien pour une meilleure maitrise du fonctionnement de la langue, en vue d’accéder à la maitrise des compétences Lire-Écrire-Écouter-Parler, Bruxelles, ULB-HEB, 2004. VAN RAEMDONCK, D. & DETAILLE, M., Le sens grammatical. Référentiel à destination des enseignants, document du service de Pilotage du Ministère de l’enseignement de la Communauté française de Belgique, 2008 (20092, 20113), 445 p. Consultable sur http://www.enseignement.be et http://grammr.ulb.ac.be/referentiel. VAN RAEMDONCK, D., DETAILLE, M. & MEINERTZHAGEN, L., Le sens grammatical. Outils didactiques à destination des enseignants, document du service de Pilotage du Ministère de l’enseignement de la Communauté française de Belgique, 2009, 140 p. Consultable sur http://www.enseignement.be et http://gramm-r.ulb.ac.be/referentiel. VAN RAEMDONCK, D. & MEINERTZHAGEN, L., Cadre théorique pour l’enseignant : système grammatical, document du service de Pilotage du Ministère de l’enseignement de la Communauté française de Belgique, 2014, 100 p. Consultable sur http://www.enseignement.be et http://grammr.ulb.ac.be/referentiel. VAN RAEMDONCK, D. & MEINERTZHAGEN, L., « Deux ou trois choses que l’élève devrait savoir sur le verbe », dans Sautot, J.-P. & Roubaud, M.-N. (dir.), Le verbe en friche : Approches linguistiques et didactiques, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014, p. 161-174.

472


Fondements théoriques

VAN RAEMDONCK, D. & MEINERTZHAGEN, L., « Le sens grammatical : Théorie et terminologie grammaticales au service de la construction du sens linguistique », dans Repères, 49, 2014, p. 76-96.

6.6.5

Site

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http://gramm-r.ulb.ac.be/scollab

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TABLE DES MATIÈRES


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INTRODUCTION ............................................................................ 11

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UN CONSTAT SANS ÉQUIVOQUE : L’INEFFICACITÉ DES MODÈLES THÉORIQUES TRADITIONNELS ...... 13 UNE VOLTEFACE GRAMMATICALE : LA RÉDACTION D’UN NOUVEAU RÉFÉRENTIEL .............................. 18 L’ORGANISATION DU RÉFÉRENTIEL .................................................... 22 NOTRE VOLONTÉ : COHÉRENCE, TRANSPARENCE, ACCESSIBILITÉ ET EFFICACITÉ. VERS UNE LINGUISTIQUE APPLICABLE ................. 27 L’ÉPREUVE DE L’ÉCOLE ...................................................................... 28 RECONNAISSANCE .............................................................................. 30 INVENTAIRE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGNES ................................ 33

MODULE 1 LES CLASSES DE MOTS ...................................................................... 35 LE CRITÈRE SÉMANTICO-RÉFÉRENTIEL : LE MODE D’ACCÈS À L’EXTENSION ............................................ 37

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1.1

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1.1.1 Les trois modes d’accès à l’extension .................................... 38 1.1.1.1 Accès direct à l’extension : le nom et le pronom ................ 38 1.1.1.2 Accès indirect à l’extension : le verbe et l’adjectif ............. 39 1.1.1.3 Accès doublement indirect à l’extension : l’adverbe et les connecteurs................................................. 40 1.1.1.4 Le cas de l’interjection ........................................................ 42 1.1.2 Récapitulatif des modes d’accès à l’extension ....................... 43 1.2 LE CRITÈRE DÉFINITIONNEL : LE MODE DE DÉFINITION ............. 44 1.2.1 Définition de type notionnel ................................................... 46 1.2.2 Définition de type catégoriel .................................................. 46 1.3 LE CRITÈRE SYNTAXIQUE : LE MODE DE FONCTIONNEMENT ..... 48 1.3.1 Le support d’information : le noyau ....................................... 48 1.3.2 Les apports d’information ...................................................... 49 1.3.3 Les mécanismes d’apport d’information : la détermination et la prédication ........................................... 49 1.3.4 D’autres mécanismes à l’œuvre dans la phrase ou le texte .... 52 1.3.4.1 La connexion ....................................................................... 52 1.3.4.2 La pronominalisation ........................................................... 53 1.4 LE CRITÈRE MORPHOLOGIQUE : LE MODE DE FLEXION.............. 55 1.4.1 Les catégories de flexion ........................................................ 56 1.4.1.1 Récapitulatif des catégories de flexion ................................ 57 1.4.2 Classes de mots et modes de flexion ...................................... 58 1.4.2.1 Le nom et l’adjectif : la cohésion par l’accord .................... 58 1.4.2.2 Le pronom ........................................................................... 62 1.4.2.3 Le verbe ............................................................................... 62 1.4.2.4 Les adverbes et les connecteurs ........................................... 63 1.4.2.5 L’interjection ....................................................................... 64 477


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

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1.5 MISE EN PARALLÈLE DES SYSTÈMES ......................................... 65 1.6 FICHES D’IDENTITÉ DES CLASSES .............................................. 67 1.6.1 Le nom.................................................................................... 69 1.6.1.1 Identité ................................................................................. 69 1.6.1.2 Les types de noms ............................................................... 69 1.6.1.2.1 Le critère de la définition : Commun/Propre .................... 70 1.6.1.2.2 Le critère morphologique : Simple/Composé................... 71 1.6.2 Le pronom .............................................................................. 72 1.6.2.1 Identité ................................................................................. 72 1.6.2.2 Les types de pronoms .......................................................... 72 1.6.2.3 La pronominalisation ........................................................... 73 1.6.3 L’adjectif ................................................................................ 74 1.6.3.1 Identité ................................................................................. 74 1.6.3.2 Les types d’adjectifs ............................................................ 74 1.6.3.3 Les adjectifs en fonctionnement prototypique de déterminant .. 75 1.6.3.3.1 Les adjectifs en fonction de déterminants quantifiants .... 76 1.6.3.3.2 Les adjectifs en fonction de déterminants caractérisants.. 80 1.6.3.3.3 Les adjectifs en fonction de déterminants quantifiantscaractérisants .................................................................... 81 1.6.4 Le verbe .................................................................................. 82 1.6.4.1 Identité ................................................................................. 82 1.6.4.2 Les types ou emplois des verbes ......................................... 82 1.6.4.2.1 La transitivité.................................................................... 83 1.6.4.2.2 Le rôle du verbe et la charge lexicale ............................... 84 1.6.4.2.3 La personne ...................................................................... 85 1.6.4.2.4 Récapitulatif : les différents emplois du verbe en discours............................................................................. 87 1.6.5 L’adverbe................................................................................ 88 1.6.5.1 Identité ................................................................................. 88 1.6.5.2 Les types d’adverbes ........................................................... 88 1.6.6 Le connecteur ......................................................................... 90 1.6.6.1 Identité ................................................................................. 90 1.6.6.2 Les types de connecteurs ..................................................... 90 1.6.6.2.1 Le connecteur coordonnant (anciennement conjonction de coordination) ................... 90 1.6.6.2.2 Le connecteur subordonnant (anciennement préposition) 91 1.6.6.2.3 Le connecteur enchâssant (anciennement conjonction de subordination).................. 93 1.6.6.2.4 Les connecteurs secondaires ............................................ 96 1.6.6.2.4.1 Le connecteur pronominal ............................................. 97 1.6.6.2.4.2 Le connecteur adjectival ................................................ 98 1.6.6.2.4.3 Le connecteur adverbial ................................................. 99 1.6.6.3 Synthèse des connecteurs .................................................. 103 1.6.7 L’interjection ........................................................................ 104 478


Table des matières

1.6.7.1 1.6.7.2

Identité ............................................................................... 104 Les types d’interjections .................................................... 104

MODULE 2 L’ANALYSE SYNTAXIQUE DE LA PHRASE ET DE L’ÉNONCÉ .......... 105

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2.1 LA PHRASE COMME UNITÉ DE COMMUNICATION ..................... 107 2.1.1 Du texte à la phrase .............................................................. 107 2.1.1.1 Genre de texte et type de progression thématique ............. 109 2.1.1.2 Anaphore et déixis ............................................................. 111 2.1.2 La phrase et l’énoncé ............................................................ 114 2.1.3 L’énonciation........................................................................ 115 2.1.4 La délimitation et la segmentation de la phrase et de l’énoncé : le système de la ponctuation ....................... 119 2.2 LA PHRASE COMME COMPTE RENDU DE PROCÈS ..................... 123 2.2.1 La structure logique du procès : thème et rhème .................. 123 2.2.2 La voix.................................................................................. 126 2.2.2.1 La voix 1 (anciennement active) ....................................... 127 2.2.2.2 La voix 2 (anciennement passive) ..................................... 128 2.2.2.3 La voix moyenne ............................................................... 128 2.2.2.4 La voix factitive................................................................. 129 2.2.2.5 La voix unipersonnelle ...................................................... 129 2.2.2.6 La voix oblique (périphérique) .......................................... 131 2.2.2.7 La voix personnelle ........................................................... 131 2.2.2.8 Récapitulatif ...................................................................... 133 2.2.3 L’ordre des mots ................................................................... 134 2.2.3.1 L’inversion ........................................................................ 134 2.2.3.2 La focalisation ................................................................... 136 2.3 LA PHRASE COMME RÉSEAU DE RELATIONS D’APPORT À SUPPORT DE SIGNIFICATION : SYNTAXE DE DÉPENDANCE .... 139 2.3.1 La syntaxe : réseau structuré de liaisons et de relations ....... 139 2.3.1.1 Les modes de liaison sans hiérarchisation : la parataxe .... 139 2.3.1.2 Les modes de liaison avec hiérarchisation : l’hypotaxe .... 140 2.3.1.2.1 L’hypotaxe syntagmatique ............................................. 140 2.3.1.2.2 L’hypotaxe paradigmatique ............................................ 141 2.3.1.3 Bilan .................................................................................. 143 2.3.2 Les relations apport-support ................................................. 144 2.3.2.1 Termes supports et termes apports .................................... 146 2.3.2.2 Apport à un terme et apport à une relation ........................ 147 2.3.2.3 Le parallélisme des systèmes classes de mots / fonctions dans la phrase .................................................................... 151 2.3.2.3.1 Les cas de transposition à l’intérieur d’un groupe déterminatif (nominal) .................................................... 152 2.3.2.3.2 Différence de traitement entre niveaux : 1° entre groupes, 2° à l’intérieur du groupe déterminatif ........................... 153 479


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

Différence de traitement selon le type de groupe déterminatif .................................................................... 153 2.3.2.4 Synthèse sur les types de relations d’apport d’information dans les structures intégratives ................... 154 2.3.3 Le mécanisme mis en œuvre par la relation ......................... 156 2.3.3.1 La détermination................................................................ 157 2.3.3.2 La prédication .................................................................... 163 2.3.4 Synthèse des concepts .......................................................... 166 2.3.5 Les fonctions ........................................................................ 169 2.3.5.1 Les supports : noyaux ........................................................ 169 2.3.5.2 Les apports : déterminants ou prédicats ............................ 171 2.3.5.2.1 Les déterminants............................................................. 171 2.3.5.2.1.1 Les déterminants de la composante phrastique de l’énoncé ................................................................... 171 2.3.5.2.1.1.1 Les déterminants de terme ....................................... 171 2.3.5.2.1.1.1.1 Déterminants du nom / du noyau du groupe déterminatif nominal ............................................. 171 2.3.5.2.1.1.1.2 Déterminants du pronom / noyau du groupe déterminatif pronominal........................................ 173 2.3.5.2.1.1.1.3 Déterminants du verbe / du noyau du groupe déterminatif verbal ................................................ 173 2.3.5.2.1.1.1.4 Déterminants de l’adjectif / noyau du groupe déterminatif adjectival .......................................... 176 2.3.5.2.1.1.1.5 Déterminants de l’adverbe / noyau du groupe déterminatif adverbial ........................................... 176 2.3.5.2.1.1.1.6 Déterminants du connecteur subordonnant / noyau du groupe déterminatif connectif ............... 176 2.3.5.2.1.1.2 Les déterminants de relation .................................... 177 2.3.5.2.1.1.2.1 Déterminants de la relation prédicative [Préd. – Noyau GP1] ............................................. 183 2.3.5.2.1.1.2.2 Déterminants de la relation [Dét. – Noyau GDV] 183 2.3.5.2.1.1.2.3 Déterminants de la relation [Dét. – Noyau GDN] 184 2.3.5.2.1.1.2.4 Déterminants de la relation [P2 – GDN] ............... 185 2.3.5.2.1.2 Les déterminants de la composante énonciation de l’énoncé ou déterminants de l’énonciation.............. 185 2.3.5.2.1.3 Comment savoir si un terme est déterminant du verbe ou déterminant de la relation [Dét. – Noyau GDV] ? .. 186 2.3.5.2.2 Les prédicats ................................................................... 189 2.3.5.2.2.1 Les prédicats de terme ................................................. 189 2.3.5.2.2.2 Les prédicats de relation .............................................. 191 2.3.5.2.3 Les apports à une relation : comment préciser leur portée et leur fonctionnement ? ............................... 191 2.3.5.2.4 Mise en parallèle avec l’ancienne terminologie ............. 197 2.3.5.2.4.1 Les supports ................................................................. 197

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2.3.2.3.3

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Table des matières

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2.3.5.2.4.1.1 Noyaux de groupes .................................................. 197 2.3.5.2.4.2 Les apports ................................................................... 199 2.3.5.2.4.2.1 Les déterminants ...................................................... 199 2.3.5.2.4.2.1.1 Déterminants de terme .......................................... 199 2.3.5.2.4.2.1.2 Déterminants de relation ....................................... 202 2.3.5.2.4.2.2 Les prédicats ............................................................ 206 2.3.5.2.4.2.2.1 Prédicats de terme ................................................. 206 2.3.5.2.4.2.3 Prédicats de relation ................................................. 207 2.3.5.3 Récapitulatif : .................................................................... 208 2.3.5.3.1 Comment déterminer la fonction ? ................................. 208 2.3.5.3.2 Tableau synthétique des fonctions.................................. 210 2.3.5.4 Les ligateurs ...................................................................... 212 2.4 LA PHRASE COMME MÉCANIQUE D’INTÉGRATION ET SES STRUCTURES INTÉGRATIVES : SYNTAXE DE CONSTITUANCE ... 213 2.4.1 La phrase .............................................................................. 213 2.4.2 La phrase simple (GP1) ........................................................ 214 2.4.2.1 Le groupe déterminatif (GD) ............................................. 215 2.4.2.2 Le groupe prédicatif second (GP2).................................... 217 2.4.3 L’énoncé à phrase multiple : la parataxe (coordination et juxtaposition coordonnante) ....................... 222 2.4.4 L’énoncé à phrase complexe : l’hypotaxe (enchâssement et juxtaposition enchâssante)........................ 223 2.4.4.1 La complexité expliquée : la sous-phrase .......................... 223 2.4.4.2 La complexité impliquée ................................................... 225 2.4.4.3 Les limites de la complexité de la composante phrastique 227 2.4.5 L’énoncé à énonciation complexe ........................................ 229 2.4.5.1 L’interrogation indirecte.................................................... 229 2.4.5.2 Le discours re-produit (structure notée Θ dans les schémas) .............................................................. 230 2.4.5.2.1 Quelques formes de discours rapporté ........................... 230 2.4.5.2.1.1 Selon elle, Pierre est motivé......................................... 230 2.4.5.2.1.2 Elle me dit que Pierre est motivé. ................................ 230 2.4.5.2.1.3 Elle me dit : « Pierre est motivé. » ............................... 231 2.4.5.2.1.4 « Pierre est motivé », me dit-elle / qu’elle me dit. ....... 232 2.4.5.2.1.5 Elle me dit Pierre motivé. ............................................ 232 2.4.5.2.1.6 Elle me dit la motivation de Pierre............................... 233 2.4.5.2.1.7 Que Pierre est motivé, elle me le dit. ........................... 233 2.4.5.2.1.8 « Pierre est motivé », elle me le dit. ............................. 233 2.4.5.2.2 Caractéristiques du discours re-produit (Θ) ................... 233 2.4.6 Synthèse................................................................................ 236 2.5 L’ANALYSE DE PHRASE : REPRÉSENTATION ............................ 239 2.5.1 Principes ............................................................................... 239 2.5.2 Représentation des structures intégratives............................ 248 2.5.2.1 La phrase unique simple .................................................... 248 481


Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants

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2.5.2.1.1 Le groupe déterminatif ................................................... 253 2.5.2.1.2 Le groupe prédicatif second ........................................... 256 2.5.2.2 La phrase multiple ............................................................. 260 2.5.2.2.1 La coordination............................................................... 260 2.5.2.2.2 La juxtaposition coordonnante ....................................... 261 2.5.2.2.3 La connexion adverbiale ................................................ 262 2.5.2.3 L’énoncé à phrase complexe ............................................. 263 2.5.2.3.1 L’enchâssement .............................................................. 263 2.5.2.3.2 La juxtaposition enchâssante .......................................... 280 2.5.2.4 L’énoncé à énonciation complexe : l’interrogation indirecte et le discours re-produit .............. 282

MODULE 3 LA CONJUGAISON, L’EMPLOI DES MODES ET DES TIROIRS VERBAUX ............................................................... 289

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3.1 DÉFINITION DU VERBE ............................................................. 291 3.2 LES CATÉGORIES FLEXIONNELLES DU VERBE.......................... 292 3.3 ORGANISATION ET TERMINOLOGIE.......................................... 293 3.4 LES DÉSINENCES OU TERMINAISONS ....................................... 295 3.5 LE MODE ET LA MODALITÉ ...................................................... 298 3.5.1 La modalité ........................................................................... 298 3.5.2 Le mode ................................................................................ 299 3.6 ORGANISATION DES MODES : L’ANCRAGE OU LE NON-ANCRAGE EN PERSONNE ET EN TEMPS .................. 302 3.6.1 La personne .......................................................................... 302 3.6.2 Le temps-époque .................................................................. 302 3.6.3 Le mode non personnel ........................................................ 305 3.6.3.1 L’infinitif ........................................................................... 305 3.6.3.1.1 L’emploi verbal .............................................................. 305 3.6.3.1.2 L’emploi nominal ........................................................... 306 3.6.3.1.3 L’emploi (quasi) nominal ............................................... 306 3.6.3.1.4 Le gérondif ..................................................................... 307 3.6.3.2 Les participes 1 et 2 ........................................................... 308 3.6.3.2.1 L’emploi verbal .............................................................. 309 3.6.3.2.2 L’emploi adjectival......................................................... 309 3.6.4 Modes personnels ................................................................. 310 3.6.4.1 Le subjonctif ...................................................................... 310 3.6.4.1.1 Emplois du subjonctif ..................................................... 311 3.6.4.2 L’indicatif .......................................................................... 313 3.6.4.3 L’effet de réalité ou d’hypothèse de l’indicatif et du subjonctif .................................................................. 315 3.6.4.3.1 L’irréel peut être ancré par rapport à un repère d’actualité ....................................................................... 316 3.6.4.3.2 Le réel peut ne pas être ancré ......................................... 317 482


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3.6.4.3.3 Les cas d’opposition ou de concurrence des modes ....... 318 3.6.4.3.3.1 Cas d’opposition .......................................................... 318 3.6.4.3.3.2 Cas de concurrence entre modes subjonctif et indicatif .................................................................... 319 3.6.5 Intégration phrastique et modes............................................ 322 3.7 SYNTHÈSE ................................................................................ 325 3.8 L’ASPECT COMME COMPOSANTE DE LA CARTE D’IDENTITÉ DES FORMES VERBALES ........................................................... 327 3.8.1 L’aspect suffixal ................................................................... 328 3.8.1.1 L’aspect intérieur ............................................................... 328 3.8.1.2 L’aspect extérieur .............................................................. 329 3.8.2 L’aspect coverbal ................................................................. 330 3.8.2.1 L’aspect projeté (du procès) .............................................. 331 3.8.2.2 L’aspect en cours (du procès) ............................................ 331 3.8.2.3 L’aspect dépassé (du procès) ............................................. 332 3.9 LA CARTE D’IDENTITÉ DES FORMES VERBALES ....................... 333 3.9.1 La carte d’identité des formes verbales traditionnelles ........ 333 3.9.2 La carte d’identité des formes verbales moins conventionnelles ........................................................ 334 3.10 SYNTHÈSE DE LA CONJUGAISON .............................................. 335 3.11 LIGNE DU TEMPS : MISE EN PARALLÈLE DES SOUS-SYSTÈMES 1 ET 2 DE L’INDICATIF (FORMES SIMPLES) .................................. 340 3.12 QUELQUES VALEURS D’EMPLOI DES TIROIRS DE L’INDICATIF . 342 3.12.1 Les formes verbales simples de l’indicatif ........................... 342 3.12.1.1 Le présent : présent intérieur ............................................. 342 3.12.1.2 Le passé 1 : passé extérieur ............................................... 344 3.12.1.3 Le futur 1 : futur extérieur ................................................. 344 3.12.1.4 Le futur analytique « aller + infinitif » : présent intérieur postérieur projeté .................................... 345 3.12.1.5 Le passé 2 : passé intérieur ................................................ 345 3.12.1.6 Le futur 2 : futur extérieur (du passé) ................................ 346 3.12.2 Les formes verbales composées de l’indicatif ...................... 347 3.12.3 La concurrence des tiroirs du passé ...................................... 348 3.12.3.1 Passé 1 versus Passé 2 ....................................................... 349 3.12.3.2 Passé 1 versus Présent composé ........................................ 349 3.12.3.3 Passé 2 versus Présent composé ........................................ 350 3.13 CAS D’ÉVOLUTION ................................................................... 351 3.13.1 Le cas du présent composé englobant le passé 1 .................. 351 3.13.2 Le cas de après que + indicatif/subjonctif ............................ 352 3.13.3 Le cas de Si … + futur 1 / futur 2 ......................................... 353

MODULE 4 LA GRAMMAIRE D’ACCORD ............................................................ 355 4.1

INTRODUCTION : L’USAGE, LE BON USAGE ET LA NORME ....... 357 483


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4.1.1 L’usage et la norme .............................................................. 357 4.1.1.1 Aux origines de la notion de norme : une problématique socio-culturelle ................................... 357 4.1.1.2 Le français standard........................................................... 358 4.1.2 La variation........................................................................... 359 4.1.2.1 Un exemple de variation : le registre de langue ................ 359 4.1.2.2 Les facteurs de diversification ........................................... 360 4.1.3 Le support de la communication comme facteur de diversification ...................................... 361 4.1.4 Grammaire d’usage et grammaire d’emploi ......................... 362 4.2 L’ACCORD................................................................................ 364 4.2.1 Le mécanisme d’accord comme garant de cohésion ............ 364 4.2.2 Les types d’accord particuliers ............................................. 368 4.2.2.1 L’accord par syllepse ou accord par le sens ...................... 368 4.2.2.2 L’accord à l’oral, l’accord à l’écrit .................................... 368 4.2.3 Quelques phénomènes qui bloquent l’accord ....................... 369 4.3 LES VARIATIONS ORTHOGRAPHIQUES DES SUPPORTS ............. 370 4.3.1 Le nom.................................................................................. 370 4.3.1.1 Le genre ............................................................................. 370 4.3.1.1.1 La féminisation des noms de titres, métiers et fonctions 371 4.3.1.1.2 Tableau récapitulatif des règles de formation du féminin graphique du nom ........................................ 373 4.3.1.2 Le nombre.......................................................................... 376 4.3.1.2.1 Les facteurs de variation pour le pluriel du nom ............ 376 4.3.1.2.1.1 Commun >< Propre ..................................................... 376 4.3.1.2.1.2 Simple >< Composé..................................................... 377 4.3.1.2.2 Tableau récapitulatif des règles de formation du pluriel graphique du nom .......................................... 380 4.3.1.2.2.1 Noms morphologiquement simples ............................. 380 4.3.1.2.2.2 Noms morphologiquement composés .......................... 382 4.4 LES VARIATIONS ORTHOGRAPHIQUES DES APPORTS ............... 385 4.4.1 L’accord de l’adjectif ........................................................... 385 4.4.1.1 Les formes de l’adjectif ..................................................... 385 4.4.1.2 Les règles d’accord ............................................................ 386 4.4.1.3 Cas particuliers .................................................................. 387 4.4.1.3.1 Les adjectifs numéraux un, vingt, cent et mille .............. 387 4.4.1.3.2 Les adjectifs de couleurs ................................................ 388 4.4.1.3.3 Les adjectifs composés ................................................... 388 4.4.1.4 Tableau récapitulatif des règles de formation du féminin graphique de l’adjectif .................................... 389 4.4.1.5 Tableau récapitulatif des règles de formation du pluriel graphique de l’adjectif ...................................... 394 4.4.1.5.1 Adjectifs morphologiquement simples ........................... 394 4.4.1.5.2 Adjectifs morphologiquement composés ....................... 396 484


Table des matières

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4.4.1.6 Formation de l’adjectif verbal ........................................... 399 4.4.1.7 Cas particuliers de détermination du support .................... 402 4.4.2 L’accord du verbe ................................................................. 404 4.4.2.1 Accord du verbe avec le support, à savoir le noyau de la (sous-)phrase ................................. 404 4.4.2.2 Cas particuliers de détermination du support .................... 405 4.4.2.3 Supports contextualisés ..................................................... 406 4.4.2.4 Tableau récapitulatif des cas particuliers .......................... 407 4.4.3 L’accord du participe 2......................................................... 410 4.4.3.1 Les règles traditionnelles ................................................... 410 4.4.3.2 Les cas particuliers et exceptions ...................................... 410 4.4.3.3 Vers une simplification ..................................................... 411 4.4.3.4 Hypothèse sur l’évolution de l’accord du participe 2 ........ 413 4.4.3.5 Exemples d’application de la règle générale (hors évolution future) ....................................................... 417 4.4.3.6 Cas particuliers .................................................................. 419 4.4.3.7 Exceptions ......................................................................... 422 4.4.3.8 Démarche pratique pour l’accord du participe 2 ............... 425 4.4.4 L’accord de l’adverbe ........................................................... 427 4.4.4.1 La règle d’accord ............................................................... 427 4.4.4.2 Tableau de formation des adverbes en -ment .................... 428 4.4.5 Synthèse des variations des apports ..................................... 431 4.4.5.1 Rappel de la définition de l’accord .................................... 431 4.4.5.2 Rappel de la règle générale de l’accord ............................. 431 4.4.5.3 Rappel des cas particuliers d’accords ................................ 432 GLOSSAIRE ................................................................................... 433 FONDEMENTS THÉORIQUES .................................................. 457 LES CLASSES DE MOTS ............................................................. 459 L’ANALYSE SYNTAXIQUE DE LA PHRASE ET DE L’ÉNONCÉ ..... 461 LA CONJUGAISON ET L’EMPLOI DES MODES ET DES TIROIRS VERBAUX ........................................................ 463 6.4 LA GRAMMAIRE D’ACCORD ..................................................... 464 6.5 CE QUI CHANGE DANS LA DEUXIÈME ÉDITION......................... 465 6.6 QUELQUES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.......................... 468 6.6.1 Ouvrages généraux ............................................................... 468 6.6.2 Grammaire du français contemporain .................................. 468 6.6.3 La description de l’énoncé.................................................... 47 6.6.4 Publications liées à la recherche ........................................... 472 6.6.5 Site ........................................................................................ 473

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6.1 6.2 6.3

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Études de linguistique française

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GRAMM-R

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La collection « GRAMM-R. études de Linguistique française » a pour but de rendre accessibles les travaux de linguistique française, en tenant compte, à la fois, des grandes théories linguistiques, de la multiplication des rec erc es dans des do aines conne es et de la di ersification des points de vue sur le langage. Pour rendre compte de la richesse que constitue ce foisonnement de points de vue, la collection accueillera les travaux permettant de confronter les données et les observations des recherches centrées sur le système langagier à celles des travaux explorant d’autres aires de recherche sur le onction ne ent de la lan ue dans des conte tes s cifiques l aire de l’acquisition, l’aire de l’enseignement/apprentissage, l’aire de la variation diac ronique diato ique diastratique dia asique dia sique oral crit cla arda e etc Tous les volumes de cette collection sont publiés après double révision à l’aveugle par des pairs. Directeur de collection : Dan Van r aemdonCk Professeur à l’Université Libre de Bruxelles et à la Vrije Universiteit Brussel

Comité scientifique

Dalila ayoun, University of Arizona acques Brès, Université Paul Valéry, Montpellier-III Bernard ComBettes, Université de Nancy-II Hugues Constantin de Chanay, Université Lumière-Lyon 2 ean arc dewaele, Birkbeck, University of London Ivan evrard Université Libre de Bruxelles Olga Galatanu, Université de Nantes Pascale hadermann, Universiteit Gent Bernard harmeGnies, Université de Mons Eva havu, Université d’Helsinki Georges K leiBer, Université Marc Bloch, Strasbourg


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ean en K lein, Université catholique de Louvain Dominique laGorGette, Université de Savoie, Chambéry Pierre larrivée, Aston University Danielle leeman, Université de Paris-X Nanterre Mary-Annick morel, Université de Paris-III Sorbonne Nouvelle Florence myles, University of Newcastle Henning nølKe, Université d’Aarhus Marie-Anne Paveau, Université de Paris-XIII Michel Pierrard, Vrije Universteit Brussel Laura Pino serrano, Universidade de Santiago de Compostela at a PlooG, Université de Franche-Comté à Besançon Audrey roiG, Université de Paris-V Descartes Laurence rosier, Université Libre de Bruxelles Gilles siouffi, Université de Paris-IV Sorbonne Marc wilmet, Université Libre de Bruxelles

Ouvrages parus

l a alatanu na aria o a et del adi ellac a dir Représentations du sens linguistique. Les interfaces de la complexité, 2016. l a alatanu del adi ellac a et na aria o a dir Sens et signification dans les espaces francophones. La (re-)construction discursive des significations, 2016. ean laude nsco re ernard ar ord le andra ddo et sar arcia de ucas dir La phrase autonome. Théorie et manifestations, 2016. ntoine autier a a u an an ae donc dir DéterminationS, 2016. atar na anic L’antipassif dans les langues accusatives, 2016. del adi ellac a l a alatanu et ana andeel dir Discours et communication didactiques en FLE, 2015. cile ar et dir Linguistique et stylistique des figures, 2014. a a u ic el ierrard Les co-prédicats adjectivants. Propriétés et fonction des adjectifs et des participes adjoints, 2014.


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arc e ono dir Corpus numériques, langues et sens. Enjeux épistémologiques et politiques, 2014. na aria o a del adi ellac a et arion esc eu dir Du sens à la signification, de la signification aux sens. Mélanges offerts à Olga Galatanu, 2014. eresa i as a ier ontic et riol uasc eds Grammar at School. Research on Metalinguistic Activity in Language Education, 2015. ntoine autier aura ino errano arlos alc rcel i eiro et an an ae donc dir ComplémentationS, 2014. at ieu an i ir inie onti illes or in oeu r d ric ac et aure nne o nsen et ascal ontc aud dir Enseignement du français : les apports de la recherche en linguistique. Réflexions en l’honneur de MarieJosé Béguelin, 2014. arie o lle ou aud et ean ierre autot dir Le verbe en friche. Approches linguistiques et didactiques, 2014. l a alatanu na aria o a et ir inie arie dir Sens et signification dans les espaces francophones. La construction discursive du concept de francophonie, 2013. ou a ar uattara dir Les fonctions grammaticales. Histoire, théories, pratiques, 2013. acques ran ois ierre arri e o inique e allois et ranc e eu dir La linguistique de la contradiction, 2013. ascale ader ann ic el ierrard udre oi et an an ae donc dir Ellipse & fragment. Morceaux choisis, 2013. ronique el au Les voyelles nasales du français. Aérodynamique, articulation, acoustique et perception, 2012. acques res le sandra o a o s a ean arc arale et o ie arra in dir Dialogisme : langue, discours, 2012. at ieu an i L’interface prosodie/syntaxe en français. Dislocations, incises et asyndètes, 2012. del adi ellac a et ir inie arie dir Sens et représentation en conflit, 2012. del adi ellac a Représentation sémantico-conceptuelle et réalisation linguistique. L’excuse en classe de FLE au Maroc, 2012. an an ae donc a ec arie etaille et ionel einert a en Le sens grammatical. Référentiel à l’usage des enseignants, 2011, 20152. at erine oll Phraséologie et collocations. Approche sur corpus en français L1 et L2, 2011.


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udre oi Le traitement de l’article en français depuis 1980, 2011. o lle den re or ri s a er ine en dir eds Enseigner les langues-cultures à l’ère de la complexité. Approches interdisciplinaires pour un monde en reliance / Teaching Language and Culture in an Era of Complexity. Interdisciplinarity Approaches for an Interrelated World, 2010. ucile adet an oes et ean arc an iante dir Langue et intégration. Dimensions institutionnelle, socio-professionnelle et universitaire, 2010. arie e a ar Pour une linguistique applicable. L’exemple du subjonctif en FLE, 2009. l a alatanu ic el ierrard an an ae donc arie e a ar anc e s et llen c oon eere dir Enseigner les structures langagières en FLE, 2010. l a alatanu ic el ierrard et an an ae donc dir a ec la collaboration d’Abdelhadi Bellachhab et de Virginie Marie, Construction du sens et acquisition de la signification linguistique dans l’interaction, 2009. an an ae donc dir a ec la colla oration de at a loo Modèles syntaxiques. La syntaxe à l’aube du XXIe siècle, 2008. ierre arri e Une histoire du sens. Panorama de la sémantique linguistique depuis Bréal, 2008.

Site Internet de la collection : www.peterlang.com/?gramm-r


Dan Van Raemdonck, docteur en philosophie et lettres de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), est professeur de linguistique française (langue maternelle et langue étrangère) à l’ULB et à la VUB (Vrije Universiteit Brussel). Sa recherche porte sur la syntaxe de la phrase française et vise à développer une linguistique applicable.

gramm - r Le sens grammatical D. Van Raemdonck

Dans cette perspective, nous avons interrogé le savoir à transmettre, révisé le discours sur la langue afin de nous assurer de sa justesse – celui-ci ayant trop souvent été constitué en savoir presque en soi –, de sa cohérence et de son appropriabilité, et proposé une « linguistique applicable ».

avec M. Detaille et L. Meinertzhagen

L’appropriabilité du discours grammatical dépend, selon nous, de la réinstauration du sens. En effet, si le savoir a du sens pour l’apprenant, si le système présenté est organisé de manière cohérente et ne se réduit pas à une classification ou à un étiquetage décalés de l’usage et de la construction/interprétation de la signification, la grammaire, qui n’est dès lors plus orthocentrée, apparaitra plus en phase avec la langue telle que l’exploitent les divers usagers. Elle ne sera plus vue comme un discours abstrait et inappropriable car inadapté.

Marie Detaille est régente en français et licenciée en linguistique de l’Université Libre de Bruxelles. Lionel Meinertzhagen est maitre en langues et littératures françaises et romanes de l’Université Libre de Bruxelles.

ISBN 978-2-8076-0008-9

p.i.e. peter lang bruxelles www.peterlang.com

études de linguistique française

Dan Van Raemdonck avec Marie Detaille et Lionel Meinertzhagen

Le sens grammatical Référentiel à l’usage des enseignants Deuxième édition revue et augmentée

p.i.e. peter lang

ÉTUDES DE LINGUISTIQUE FRANÇAISE

gramm - r 10

Ceci n’est pas une grammaire. Quoique. N’est-il pas présomptueux de vouloir rajouter une grammaire à la grammaire ? Cependant, les enseignants que nous rencontrons depuis plusieurs années maintenant ressentent et pensent la grammaire comme arbitraire et dogmatique, peu systémique. Leur attitude révèle une certaine insécurité face à la matière à enseigner. D’où la démarche entreprise de rédiger un référentiel grammatical à leur usage. Plutôt qu’une parole dogmatique, nous proposons un chemin progressif d’acquisition, comme en spirale.

gramm - r

p.i.e. peter lang


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