PIQUEMAL Lisa
Rapport d’étude
Studio Benoît Adeline
dans l’optique d’intégrer le Master Cultures Constructives Suivie par Armelle Le Mouellic
L’architecture vernaculaire au regard de l’architecture contemporaine
ENSAG Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble
Licence 3ème année 2014-2015
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Préambule Ce rapport d’étude est un véritable exercice de prise de conscience des enseignements supérieurs en architecture et exprime de manière subjective ma vision architecturale. A la fin de trois années d’étude, mon orientation devient de plus en plus précise et ce que j’ai appris m’aide à prendre une direction dans le vaste domaine qu’est l’architecture. Par le biais des connaissances acquises et d’expériences culturelles, mon regard architectural s’élargit. A la lecture de ce rapport, je vous fais part de mon ressenti et de mon esprit critique qui reflètent ma sensibilité vis-à-vis des matériaux, des procédés techniques, des pensées par rapport à l’éthique et d’autres aspects qui englobent l’architecture. A travers ce travail de rédaction personnel, vous découvrirez ou redécouvrirez des architectures anciennes ou nouvelles et des architectes qui influencent mon parcours de future architecte.
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Ce sont mes 3 ans vécus à Ho Chi Minh Ville avant d’intégrer les études supérieures qui représentent le plus mon parcours de future architecte. Par le biais des voyages en Asie du Sud-Est, j’apprends à regarder les différentes architectures et les paysages qui la composent – d’une part une architecture locale dite vernaculaire et d’une autre part une architecture contemporaine. Si je préfère la ville de Hanoi à celle d’Ho Chi Minh c’est sans doute parce qu’elle a su conserver son patrimoine - j’ai trouvé agréable de se promener dans les rues traditionnelles vietnamiennes grouillantes de vie. Avec les études, je comprends mieux les visites que j’ai effectuées dans les pays à l’étranger et si j’y retournais aujourd’hui, j’aurais une vision différente de celle que j’avais eu aux premiers abords. « Au premier voyage on découvre, au second on s’enrichit » c’est ce qu’illustre très bien ce proverbe touareg. Encore maintenant, après chaque voyage à la rencontre d’une nouvelle culture je m’enrichis et mon regard architectural évolue. Dans ce rapport d’étude, en tant qu’étudiante en architecture, j’aimerais orienter ma pensée sur la manière dont l’architecture vernaculaire et l’architecture contemporaine peuvent coexister en y intégrant une dimension constructive. En quoi ces deux architectures se différencient-elles et comment peut-on les mettre en relation ? Comment établir un dialogue interculturel par le partage des savoirs-faire ? Il est nécessaire d’apprendre de l’architecture vernaculaire afin d’en dégager des apports au service de l’architecture contemporaine tout comme il est instructif d’emprunter les connaissances contemporaines dans le but de perfectionner l’architecture vernaculaire.
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Sommaire
Préambule ..................................................................................................................................................................................... p 3 Introduction ................................................................................................................................................................................. p 4 Sommaire ...................................................................................................................................................................................... p 5 I -L’architecture vernaculaire : une méthode d’apprentissage géographique et sociologique ......................................................................... p 6-11 1. Définitions et introduction au chantier........................................................................................................................... p 6 2. La compréhension du site pour mieux s’y adapter et construire avec .............................................................. p 7-9 3. Divers usages et modes d’habiter .................................................................................................................................... p 10-11 II - L’architecture vernaculaire: une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse .... p 12-20
1. Respect de l’environnement : stratégies bioclimatiques qui tendent vers la durabilté .............................. p 12-14 2. Une question d’éthique : conserver les traditions...................................................................................................... p 15-17 3. L’usager au centre du projet : à la recherche du confort et du sensible ........................................................... p 18-20
III - L’architecture vernaculaire : la création d’un dialogue interculturel et évolutif par la pratique du chantier participatif malgré une intégration à parfaire ............................................... p 21-25 1. La pratique du chantier: des conditions et relations de travail favorisant les échanges de savoirs-faire ........................................................................................................................... p 21-22 2. La pratique du chantier: lieu d’expérimentations assurant des innovations techniques à la fois locales et modernes .................................................................................................................................................. p 23 3. La recherche d’une meilleure intégration: des adaptations progressives des matériaux traditionnels aux nouveaux rapports entre édifices modernes face aux édifices plus traditionnels .................................... p 24-25 Conclusion .................................................................................................................................................................................... p 26 Bibliographie ............................................................................................................................................................................... p 27
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I - L’architecture vernaculaire : une méthode d’apprentissage géographique et sociologique 1) Définitions et introduction au chantier
Référence pour la première de couverture:
Le terme vernaculaire est l’un des premiers mots de vocabulaire architectural que j’ai appris à l’école, repris par M. Doat et Mme Coste, respectivement enseignants des disciplines de première année en approche constructive, matière et enveloppe (projet) ainsi qu’en Histoire de l’architecture et de la construction. Très peu évoqué par la suite, je regrette que ce type d’architecture ne soit pas plus exploité.
Sumba - Rénovation de la ville historique de Shibam, Yémen.
La définition du vernaculaire n’est pas figée, elle est évolutive car chaque peuple dans l’histoire l’appréhende à sa manière. Tout d’abord, le vernaculaire provient du latin vernaculus « indigène, domestique » et verna signifie d’ailleurs « l’esclave né dans la maison » Le vernaculaire se définit selon le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales par ce qui est propre à un pays, à ses habitants. Synonyme également d’autochtone, de domestique ou d’indigène, la signification n’est pas encore bien précise d’après l’ouvrage Architecture without architects qui le perçoit comme non-pédigrée, c’est une architecture qui se perpétue par transmission de savoirs-faire ancestraux. En France, l’architecture vernaculaire s’assimile à l’architecture régionale, propre à une région. Nous verrons par la suite que les conditions du site influencent en grande partie le mode de construction dite locale. Le terme vernaculaire apparaît également dans le droit romain. Il prend en compte tout ce qui, dans la maison est produit pour l’autoconsommation et n’est pas destiné à être mis sur le marché dans la domus romaine, mais réservé à l’autoconsommation domestique.
lemoniteur.fr, GOUDENHOOFT Chloé L’architecture vernaculaire pour un développement urbain durable, consulté le 06.06.15 Projet approche constructive, la matière et l’enveloppe P. Doat Histoire de l’architecture et de la construction A. Coste FREY Pierre, Learning from vernacular: pour une nouvelle architecture, Editions ACTES SUD, 2010 RUDOFSKY Bernard, Architecture without architects A short Introduciton to Non-pedigreed Architecture, University of New Mexico Press, Albuquerque, 1964 www.cnrtl.fr Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales
De nos jours cette définition pourrait être réactualisée. En effet, selon Ivan Illitch dans Learning from vernacular, est vernaculaire tout ce qui demeure périphérique ou extérieur aux flux mondiaux du capital et tout ce qui, de gré ou de force, se dérobe à son contrôle. Ainsi, pourrait-on dire que l’architecture vernaculaire se positionne en retrait du système économique actuel. L’intérêt que je porte au vernaculaire provient de mes voyages dans les pays d’Asie émergents dans lesquels une diversité de type d’habitats se mélangent. Par le biais des études, j’apprends à mieux saisir les techniques de construction de plusieurs matériaux et la sensibilité que chacun d’eux apportent. L’histoire de la construction offre une meilleure compréhension de l’évolution en architecture, une approche sur les différentes civilisations est certainement intéressante, notamment pour réussir la première approche du projet, l’adaptation au site.
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I - L’architecture vernaculaire : une méthode d’apprentissage géographique et sociologique
2) La compréhension du site pour mieux s’y adapter et construire avec L’architecture vernaculaire est une architecture située, en d’autres termes l’homme a besoin de s’adapter au site dans lequel il veut s’implanter. L’architecture vernaculaire rappelle l’habitat primitif: celui qui protège et répond aux besoins primaires de l’homme : s’abriter, dormir, manger. Nous avons vu 2 types de structures qui font référence à la tente et la grotte. A notre manière, nous avons développé en première année un travail sur l’enveloppe afin d’appréhender l’espace, la forme et les volumes créés. La construction de son habitat s’inscrit dans un contexte géographique qui comporte divers critères : la biologie (faune et flore), la topologie et la géologie, la climatologie (température, hygrométrie, pluviométrie). Selon le lieu d’implantation, une analyse du site est essentielle, n’est-ce pas la première chose à laquelle tout architecte se doit de penser avant de commencer le projet? L’enseignement de Paul-Emmanuel Loiret m’a le plus intéréssé et aborde les caractères du site de manière méthodique suivant 3 critères : le constat (ce que l’on observe, les faits), les diagnostics (identification de la situation) et les stratégies envisageables. Nous abordons le terme phénomène qui se définit par: ce qui apparaît, ce qui se manifeste aux sens ou à la conscience, tant dans l’ordre physique que dans l’ordre psychique, et qui peut devenir l’objet d’un savoir. Le but de l’exercice est de prendre en compte tous ces critères et d’en tirer leur potentiel ou de se protéger des inconvénients qu’on pourrait rencontrer. Il faut alors synthétiser les données et envisager quelques concessions.
Projet approche phénoménologique P-E Loiret FREY Pierre, Learning from vernacular: pour une nouvelle architecture, Editions ACTES SUD, 2010 RUDOFSKY Bernard, Architecture without architects A short Introduciton to Non-pedigreed Architecture, University of New Mexico Press, Albuquerque, 1964 www.cnrtl.fr Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales La Maison Ecologique, revue n° 81, dossier Construire et rénover avec la terre crue, p. 38, juin-juillet 2014 HOUBEN Hugo, GUILLAUD Hubert, Traité de construction en terre, CRATerre, Editions Parenthèses, 2006 FONTAINE Laetitia, ANGER Romain, Bâtir en terre crue Du grain de sable à l’architecture, Editions Belin, / Cité des Sciences et de l’Industrie, 2009
Pour ma part, le phénomène physique virtuel que l’on m’a accordé est la forêt tropicale du Congo. Je ne m’attendais pas à trouver autant d’informations sur un seul lieu et de m’en servir pour transformer l’habitat. Dans ce projet, le site comporte des avantages et des inconvénients. Les enjeux sont de savoir réguler l’humidité et la chaleur, de se protéger des animaux pouvant être nuisibles (singes, moustiques) mais la particularité du site est ce qu’offre la forêt : des arbres hauts de 40 mètres avec une large canopée qui filtre la lumière. Ainsi, on préférera une construction verticale jusqu’à la cime des arbres pour un confort thermique, lumineux et sensible. En tant que future architecte et dans mon projet de partir travailler à l’étranger, cette approche conceptuelle d’intégrer le site me semble primordiale. Construire sur le site, c’est construire avec les matériaux qui le composent - c’est leur disponiblité qui explique l’origine des habitations vernaculaires, ils n’avaient pas le choix. Directement issus du site, les matériaux sont prélevés, transportés et travaillés pour des raisons pratiques et surtout économiques en matière d’énergie. La population locale développe un savoir-faire et des techniques de manière empirique sous les conditions du site.
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I - L’architecture vernaculaire : une méthode d’apprentissage géographique et sociologique
Avec l’enseignant M. Doat, nous découvrons que les matériaux dits « naturels » telle que la terre sont beaucoup utilisés. D’après le département de l’énergie américain, il est estimé que la moitié de la population mondiale vit dans des constructions en terre crue. En France, elle représente 15 % de l’ensemble du patrimoine culturel. La technique la plus usitée est le pisé, ancêtre du béton coulé. Par le biais d’interventions, M. Doat nous fait part des potentialités de ce matériau local à grain en particulier sa mise en oeuvre facile car peu chère et la terre provient généralement du site d’implantation. Considéré comme un matériau respirant, son inertie est telle qu’il n’y a pas besoin d’isoler car un isolant limite l’évaporation de l’humidié.
Projet approche constructive, la matière et l’enveloppe P. Doat
Il n’est pas étonnant que ces diverses caractéristiques font de la terre crue aujourd’hui une tendance où l’on recherche à construire à faible coût tout en respectant les préoccupations environnementales. Le projet enfin adapté au site, il est nécessaire d’habiter ce dernier autour de son contexte sociologique.
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Projet approche phénoménologique P-E Loiret En collaboration avec Kevin MAZIERO. Analyse du groupe social des hippies et conception d’un logement situé dans la forêt tropicale du Congo.
1. Schéma de l’organisation verticale du logement par rapport à la composition florale de la forêt.
2. Perspective de la bibliothèque surplombant la canopée.
3. Perspective de l’espace de partage et vue sur la cuisine collective.
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I - L’architecture vernaculaire : une méthode d’apprentissage géographique et sociologique
3) Divers usages et modes d’habiter La méthode vue avec M. Loiret se nomme profilage phénoménologique et concerne aussi les modifications apportées par les caractéristiques d’un groupe social. D’après la définition de vernaculaire par La Grande Encyclopédie, ce sont les coutumes vernaculaires telles que les activités liées à l’artisanat (agriculture, tissage, poterie puis travail du bois) qui sont à l’origine des constructions vernaculaires. Encore aujourd’hui des groupes sociaux se basent sur leurs préoccupations majeures pour construire leur habitat.
La Grande Encyclopédie (Paris, Larousse, t. 16, 1973, p. 3255, col. 1) Projet approche phénoménologique P-E Loiret
L’étude d’un groupe social permet de comprendre que leur mode de vie va influencer l’aménagement de l’espace, c’est un phénomène évoqué en Studio Loiret. Les usages et les fonctions sont également différents par rapport au site. Par exemple, dans un pays tropical caractérisé par une température moyenne avoisinant les 30 degrés et un fort taux d’humidité, on va préférer avoir un séjour et une cuisine très ouvertes et aérées qui protègent également des rayons de soleil et des pluies saisonnières. En Asie du Sud-Est, dans les maisons traditionnelles, on préfère les plafonds hauts, les mezzanines ou les cours extérieures ou intérieures pour la ventilation naturelle. Ainsi, l’usager opte pour son propre confort des procédés afin de réguler les facteurs climatiques propres au site. Dans le cadre du projet dirigé par M. Loiret, mon binôme et moi avons eu l’opportunité de concevoir un projet de logement pour le groupe social des hippies. Il a fallu analyser leur mode de vie et modéliser leur habitat en tenant compte de leurs besoins - bien sûr tous les hippies ne vivent pas de la même manière. Nous nous sommes basés sur leur principe de communautarisme en minimisant les espaces individuels et nous avons favorisé toutes les activités culturelles qu’ils partagent. telles que la musique et les récits de voyage. De ce fait, nous avons envisagé une organisation concentrique qui favorise le rassemblement et le partage au centre autour d’un patio, véritable lieu lumineux qui exprime l’envie de proximité avec la nature. En périphérie se trouvent les espaces de services collectifs dont les sanitaires, la cuisine et le lavoir. A proximité du patio et de la salle à manger, il y a la cuisine qui est la pièce la plus conviviale où plusieurs personnes peuvent faire les repas et discuter en même temps. En raison de leur esprit nomade, les appartements sont dotés de parois-rangements qui sont modulables permettant un agencement libre des chambres. En résumé, un projet (dans ce domaine) se construit petit à petit avec la manière d’habiter de l’usager et pour cela il est nécessaire de bien cerner ses désirs. C’est dans l’exercice suivant qu’il a fallu introduire le site de la forêt du Congo pour ce groupe social. Enfin, l’architecte qui veut s’implanter dans un pays étranger se doit d’analyser les habitudes des usagers, comment ils conçoivent leur propre habitat. S’immerger dans une culture qui n’est pas la nôtre fait partie du métier. Le site prend une place importante où mêler les contraintes devient un véritable jeu..
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I - L’architecture vernaculaire : une méthode d’apprentissage géographique et sociologique
Projet approche phénoménologique P-E Loiret En collaboration avec Kevin MAZIERO. Analyse du groupe social des hippies et conception d’un logement.
1. Plan du rez-de-chaussée
2. Plan du premier étage et vue sur des paliers ergonomiques multifonctionnels
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II - L’architecture vernaculaire comme source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse. Il existe des alternatives qui consistent à trouver un juste équilibre entre l’architecture locale et l’architecture moderne. C’est par le biais d’un dialogue international qu’on arrive à une ouverture d’esprit sur les constructions du monde et qu’on peut revaloriser et conserver le traditionnel tout en intégrant des systèmes modernes performants. En plus d’être une méthode d’apprentissage particulière, l’architecture vernaculaire permet à l’architecture contemporaine de s’améliorer en puisant dans ses ressources.
1) Respect de l’environnement : stratégies bioclimatiques qui tendent vers la durabilité Les stratégies vernaculaires naturelles sont un des systèmes les plus écologiques qui mettent en place des techniques économes en matériaux et en énergie. Le problème que l’on rencontre aujourd’hui est que les stratégies contemporaines naturelles ou non peuvent être économiques certes mais principalement au profit des marchés industriels.
FREY Pierre, Learning from vernacular: pour une nouvelle architecture, Editions ACTES SUD, 2010 Habitations troglodytes, Chine, Henan, Luoyang Cultures architecturales contemporaines Sophie Paviol PAVIOL Sophie, Ali Tur, un architecte moderne en Guadeloupe, Edition Infolio, Collection Archigraphy, avril 2014 Penser l’architecture M. MANIN, M. PARIS Article personnel: Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia, décembre 2014
Un exemple d’architecture vernaculaire qui m’a marqué est l’habitation troglodyte à Luoyang en Chine, province du Henan. Il s’agit d’un habi-tat creusé ou semi-enterré passif dont les performances bioclimatiques sont optimales. En effet, à moins de 2 mètres, le sol conserve une température avoisinant les 19 degrés. Dans certains logements actuels, cela rappelle qu’on peut utiliser l’inertie de la terre également par le biais de système géo-thermique tel que le puits canadien ou échangeur air-sol. C’est un procédé économique et écologique qui aide à rafraîchir l’habitat l’été et à ramener de la chaleur l’hiver. Dans le cas des maisons troglodytes, c’est une organisation autour d’une cour centrale qui favorise la ventilation naturelle. De plus, la lumière étant captée uniquement par le haut, c’est un habitat qui suit la course du soleil. Des études faites à l’université Michigan affirment que ce concept d’habitations sous terre coincide avec des principes de projets modernes durables. Les gens ont pu y vivre pendant plus d’une centaine d’années en s’y adaptant tout en ayant respecté leur environnement avec l’usage de ressources limitées et naturelles. Enfin, l’usage du pisé évoqué précédemment, répond au confort thermique grâce à sa grande inertie et son faible coût qui sont ses deux caractéristiques majeures revalorisant ce matériau dans le marché actuel. A travers l’enseignement de Sophie Paviol, nous avons découvert l’architecte Ali Tur (1889-1977). Cet architecte contemporain français a su adapter ses connaissances architecturales avec les conditions climatiques de la Guadeloupe. Il mise sur l’orientation - ce qui est primordial lors de l’analyse de site- et la ventilation. Il n’omet pas le rapport avec la fonctionnalité de l’édifice et sa dimension, par exemple il a fait des projets de préfecture et de marchés locaux. Cette citation illustre bien le mode de pensée de Ali Tur: « Le climat aux Antilles oblige à inventer des articulations nouvelles aussi bien entre la construction et l’architecture, qu’entre le site et l’architecture. Il invite à faire de l’architecture un dispositif « vivant » au contact des éléments naturels. Ainsi l’architecture moderne deviendrait-elle ici plus qu’ailleurs le projet d’une réconciliation de ses formes spatiales avec la nature. »
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II - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse.
L’architecte vietnamien Vo Trong Nghia rencontre les mêmes enjeux lors de la construction du Bamboo Dome dans la province de Binh Duong à Ho Chi Minh Ville. Avec la volonté de conserver les traditions, il se lance dans la conception d’un dôme en bambou qui comporte un oculus. Celui-ci assure une double fonction: l’entrée d’une lumière zénithale et l’évacuation de l’air chaud, ce qui rappelle le rôle des patios. De petites ouvertures latérales apportent également de la lumière et le choix d’insérer de l’eau tout autour du bâtiment sert à rafraîchir l’air extérieur qui pénètre dans le dôme. Structurellement parlant, Vo Trong Nghia se base sur des modules en arcs faciles à assembler qui requièrent quelques renforcements en béton et en acier.
Penser l’architecture M. MANIN, M. PARIS Article personnel: Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia, décembre 2014 Architecture météorologique, Conférence de Philippe Rahm architecte parisien à Grenoble, 05.03.15
Actuellement, de nombreux architectes recherchent des solutions de plus en plus performantes en matière de régulation de la température ambiante utilisant des méthodes constructives ou par le biais d’appareils électroniques. Lors de la conférence de l’architecte parisien Philippe Rahm tenue au sein de l’ENSAG en mars de cette année, la stratégie développée par celui-ci m’a interpelée dans sa simplicité. En effet, l’architecte se référe aux normes de température suisses SIA (Société suisse des Ingénieurs et des Architectes) propres à chaque pièce de la maison et à la manière dont se propage la chaleur vers le haut. Par conséquent, son concept s’inscrit dans une logique de hauteurs dans la mesure où les pièces ou les objets du quotidien sont placés à différents niveaux. Ainsi, la température est différente d’une pièce à une autre en fonction de son emplacement vertical. Pour cette raison, une chambre qui nécessite une moyenne de 16 °C devrait se placer plus bas qu’une salle de bain dont la température doit avoisiner 22°C. Enfin, nombreuses sont les stratégies qui respectent l’environnement; selon le contexte, l’apport énergétique d’une habitation vernaculaire suffit ou d’autres méthodes modernes sont plus adaptées. De plus, lorsqu’on pratique ce type d’architecture, ce n’est pas seulement l’environnement que l’on respecte mais également l’éthique des populations. L’architecte réalise un vrai travail de conservation du patrimoine.
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II - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse. 1. Photo aérienne, vue de dessus des habitations troglodytes, Chine, Henan, Luoyang RUDOFSKY Bernard, Architecture without architects A short Introduciton to Non-pedigreed Architecture, University of New Mexico Press, Albuquerque, 1964
2. Coupe d’une maison troglodyte qui met en valeur les cours extérieures creusées undergrounddwellings.wordpress. com, Underground Dwellings in China Nature, the Technology for Sustaining Society, consulté le 08/06/15
3. Schémas des principes thermo-aérauliques et lumineux du Bamboo Dome de Vo Trong Nghia à Ho Chi Minh Ville (Vietnam) Article personnel: Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia, décembre 2014
4. Diagramme des changements de températures par rapport à l’emplacement du mobilier. complexitys.com, CINGOLANI Francesco, Vers une architecture météorologique ? ,consulté le 09/06/15
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II - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse.
2) Une question d’éthique : conserver les traditions Avec le temps et les migrations, les savoirs propres aux civilisations se sont transmis et se sont corrélés. Il n’empêche pas aux peuples de conserver leurs traditions mais le risque est qu’ils soient tentés par emprunter des techniques extérieures dont ils n’en ont pas l’utilité. En philosophie, nous avons abordé la diffusion des savoirs à travers différents groupes sociaux qui se définit par l’emprunt et l’invention. L’emprunt par un groupe n’est possible qu’en fonction du milieu d’implantation réceptif. L’invention s’opère en parallèle avec ce milieu qui requiert des éléments préexistants suffisants propices au développement de la technique. Ces éléments sont nécessaires pour innover. Cependant un groupe n’a pas forcément conscience des atouts de ces éléments pour évoluer. Le besoin de s’extérioriser, donc d’emprunter à un autre milieu ou un autre groupe social, favorise la nouveauté technique, le progrès. De nombreux exemples montrent que s’inspirer d’autres groupes n’est pas forcément péjoratif mais permet l’amélioration de ses propres outils.
Philosophie de l’architecture S. BOURBONNAIS LEROI-GOURHAN André, Milieu et technique,, Editions Albin Michel, 1945-1973 Maisons hispano-américaines. Penser l’architecture M. MANIN, M. PARIS Article personnel: Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia, décembre 2014
Néanmoins, sans ce partage de savoirs-faire, nous n’aurions pas eu toutes les solutions structurelles et bioclimatiques dont on n’avait pas conscience auparavant. Il faut admettre que l’exemple de la colonialisation a pu servir aux peuples assujettis car les civilisateurs ont apporté leur mode de construction d’où l’emploi de maison coloniale et d’autres moyens, la médecine et la construction de voies de chemin de fer, de ponts et de barrages entre autre. Par la suite, le style néocolonial apparaît dans les années 1950 qui se caractérise par un engouement des anciens peuples civilisateurs pour les maisons traditionnelles des pays colonisés. Par exemple, en Amérique on trouve encore les banlieues résidentielles des maisons dites hispano-américaines qui s’inspire de styles espagnol, floridien et mexicain. Elles sont composées de murs de plâtre lisse, des tuiles en terre cuite ainsi que des ornementations en terre cuite. Cela démontre d’une manière comme d’une autre un mélange culturel. Actuellement, l’architecture vernaculaire disparaît au profit des constructions plus modernes grâce à l’émergence de matériaux innovants et d’une amélioration dans nos capacités de mise en œuvre (machines plus performantes, structures modulaires, tests et modélisation par l’informatique). Cependant, en changeant le type de matériau, on change le système constructif et c’est alors que peut se perdre la qualité structurelle et esthétique du matériau initial. Avec l’apparition des matériaux modernes (béton, acier, verre), les populations locales se les approprient délaissant les matériaux dont ils avaient l’habitude de maîtriser. Effet de mode ou attrait pour la modernité, les coutumes se perdent et ainsi dévalorisent les matériaux dits naturels. En Colombie et au Vietnam, on se rend compte de la situation. C’est ce que j’ai appris lors de mon travail sur l’article encadré par Mélanie Manin et Magali Paris. Les architectes que j’ai étudiés revalorisent le bambou, un matériau local qui est désormais considéré comme un matériau pauvre. Ils mettent en avant les nombreuses qualités en matière de staticité et d’élasticité - plus de liberté créatrice par la réalisation d’ossatures courbes- tout en apportant des innovations.
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Lors d’un de mes voyages à Pékin, j’ai été surprise par la relation contextuelle entre le Temple Jing An et la ville qui s’est construite autour. Le temple est en fait bien conservé mais lorsqu’on lève les yeux au ciel tout le paysage urbain se révèle à nous c’est-à-dire des buildings et des gratte-ciels. Il en est de même pour les habitations traditionnelles appelées hutongs qui disparaissent au milieu de ces énormes édifices. Dans une ville en pleine expansion, il est difficile de préserver les traditions. La population locale évolue en fonction des besoins économiques et démographiques malgré une différence notable dans les campagnes où l’on observe une concentration sur les activités artisanales et agricoles. Par ailleurs, de nombreuses villes asiatiques vivent du tourisme. Il est ainsi regrettable de trouver des plages vietnamiennes occupées par des resorts ou des restaurants qui empêchent l’accès public à la mer et mènent à la destruction de maisons traditionnelles de pêcheurs.
Voyages personnels à Pékin (Chine) et à Danang et Muine (Vietnam)
On se rend compte que la nature est au cœur de l’architecture vernaculaire. Cependant, elle partage sa place avec l’usager qui fait l’objet d’une problématique à la recherche du confort et du sensible.
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II - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse.
1. Maison coloniale hispano-américaine hdimagelib.com, COLONIAL STYLE MANSION, consulté le 18.04.15
2. Temple Jing An à Pélin (Chine) et son contexte urbain urbansacredgarden.com, Jes, Shanghai, China in Pictures, PART 3, consulté le 22.03.15
3. Cour intérieure du temple pinstake.com, consulté le 22.03.15
4. Plages de Danang (Vietnam) et resorts Image satellite Google maps, consulté le 03.05.15 5. Plages de Muine (Vietnam) et resorts Image satellite Google maps, consulté le 03.05.15
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3) L’usager au centre du projet : à la recherche du confort et du sensible Pendant la période d’après-guerre, le logement est une préoccupation majeure où il faut (re)construire rapidement et pour peu cher en s’orientant vers l’industrialisation. Dans les années 1930, l’apparition des électroménagers offre un meilleur confort pour l’usager; la femme occupe une place plus importante et acquiert une indépendance au sein de la maison par le biais d’une cuisine mieux équipée par exemple. Ainsi, on se recentre sur l’usager et ses occupations quotidiennes, La maison devient plus qu’un habitat et non une machine à habiter, terme employé par Le Corbusier. Nous avons vu que la maîtrise des facteurs climatiques apporte un confort à l’habitant mais deux autres aspects suscitent de l’intérêt.
Thermes de Vals (Suisse), Peter ZUMTHOR, 1993-1996
D’une part, la relation au matériau semble ajouter une nouvelle perception au bâti que nous pouvons mettre en parallèle avec la nécessité aux architectes traditionnels de mettre en avant la structure apparente d’après la sous-partie «La question d’étique: conserver les traditions ». L’un des architectes phare évoqué en licence concernant le matériau pierre est Peter Zumthor. Son projet des thermes de Vals contribue à utiliser la pierre de taille issue du site afin d’en tirer des qualités esthétiques et thermiques. Il offre une approche sensible du matériau par un parcours de bains en bains. Le visiteur frôle les murs, peut les toucher et sentir sa rugosité renforcée par une lumière naturelle qui pénètre par des fentes zénithales. L’architecture c’est aussi créer un rapport avec les matériaux en particulier si ils sont à l’état brut. De plus, rendre visible la structure rassure l’usager question staticité et permet une meilleure lecture des assemblages. L’esthétique provient également de la communication des matériaux entre eux. Comme le dirait Simon Vélez, cela crée indirectement un contact entre l’usager et le constructeur dont le travail est apparent. Lors de l’expérimentation aux Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau dirigée par M. Loiret, nous avons appréhendé les volumes construits à l’échelle 1 soit l’échelle humaine. Il s’agit d’un exercice pratique dans lequel on se concentre sur le ressenti de chacun des espaces créés par rapport aux sons, à la lumière, aux mouvements et à la texture du matériau qu’est la boîte de carton. Cela nous a permis de construire et vivre notre propre architecture dans laquelle on peut déambuler entre les murs de cartons qui provoquent des zones de tension et d’équilibre, des contrastes d’ombre et de lumière, où l’on se perd. C’est un travail qui nous ouvre l’esprit sur la capacité de pouvoir créer des espaces de qualité avec des matériaux pauvres. «Less is more» comme dirait Mies Van Der Rohe pour sa pensée minimaliste. D’une autre part, un édifice sensibilise l’usager dans la manière dont il est en contact avec l’environnement extérieur. La relation avec l’extérieur comme facteur de confort est une préoccupation actuelle majeure. Avec des connaissances plus accrues sur les matériaux et techniques de construction, il est possible désormais de s’installer sur un site aux caractéristiques particulières. Nombreux sont les architectes qui privilégient la vue sur le paysage, ce qui améliore la qualité de vie d’un habitat en ce qui concerne l’apport lumineux, la perception du ciel, du relief et des arbres, les éventuelles entrées d’air. Le rapprochement avec les éléments naturels participe au bien-être de l’usager. D’ailleurs, l’autre aspect non négligeable dans le projet de Peter Zumthor, est son implantation harmonieuse sur le terrain de Vals avec la création de toitterrasses et de points de vue sur le paysage.
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II - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse.
De surcroît, le Centre Pavillon du renne sauvage Norvégien de Snohetta à Dovre vu au cours du studio Loiret est une référence célèbre pour son cadrage sur le paysage. C’est un observatoire spécialement conçu pour rappeler en son intérieur les montagnes que l’on peut contempler grâce à des bancs ergonomiques et organiques en bois qui s’ondulent devant la grande façade vitrée. Cette dernière a la particularité de refléter le paysage et assure une bonne intégration du projet sur le site.
Le Centre Pavillon du renne sauvage Norvégien, SNOHETTA TEAM, Hjerkinn, Dovre, 2011
Ainsi, la modernité place l’usager au centre du projet en modifiant sa perception vis-à-vis de la matérialité et de la relation homme-nature complétés par des procédés bioclimatiques. Le vernaculaire malgré ses origines plus lointaines, a pu répondre à cette nouvelle donne mais qui ne se lit pas dans le même contexte. C’est pour cela que ses procédés sont à réactualiser.
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II - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse. Thermes de Vals (Suisse), Peter ZUMTHOR, 1993-1996 1. Photo des tensions entre les murs, de la relation entre la pierre et la lumière. th3.fr, ENSAPB - Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de ParisBelleville, ALZI1 - PETER ZUMTHOR « ENTRETIEN, consulté le 10.01.15
2. Photo de la vue sur le paysage depuis un emplacement spécial thermesdevals.com, consulté le 12.02.15
2. Photo extérieure du Centre Pavillon du renne sauvage Norvégien, SNOHETTA TEAM, Hjerkinn, Dovre, 2011 snohetta.com, site officiel, Tverrfjellhytta, Norwegian Wild Reindeer Pavilion, consulté le 23.04.15
3. Photo intérieure du Centre Pavillon du renne sauvage Norvégien, SNOHETTA TEAM, Hjerkinn, Dovre, 2011 snohetta.com, site officiel, Tverrfjellhytta, Norwegian Wild Reindeer Pavilion, consulté le 23.04.15
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III - L’architecture vernaculaire : une source à l’architecture contemporaine créant une architecture moderne et respectueuse. Cette réactualisation est possible car l’architecture vernaculaire offre la possibilité d’établir un véritable dialogue entre les cultures tout en évoluant à travers des chantiers participatifs malgré son intégration au sein de notre époque qui n’est pas toujours évidente. 1) La pratique du chantier: des conditions et relations de travail favorisant les échanges de savoirs-faire Le chantier est une phase importante du projet. Il permet de mettre en relation tous les corps participant à l’élaboration de l’édifice. Dans tous les pays, une bonne organisation et une bonne communication aident à un meilleur avancement.
ST1 Stage ouvrier ISS Espaces Verts, Mairie d’Echenoz-lz-Méline, Commune de Vesoul (Haute-Saône) ST2 Stage en agence Agence Hamadryade, Bruno FUCHS, spécialisée dans l’ossature bois, Jouy-le-Moutier, Commune de Cergy-Pontoise (Val d’Oise) Carin Smuts, architecte sud-africaine (1960)
Première approche pratique, j’ai vécu le stage ouvrier comme une expérience nouvelle dans le monde du travail et plus précisément du chantier. J’ai suivi la fin de chantier d’une mairie dans l’aménagement paysager sous le nom d’espaces verts. Du revêtement bitume, au terrassement en passant par le carrelage extérieur et au pavage d’un parking, je découvre les petits détails et les finitions d’un projet. L’intérêt que j’ai retenu du stage est l’esprit d’équipe car le travail s’effectue collectivement et chacun pose sa pierre à l’édifice. Les ouvriers proviennent de parcours différents et ne suivent pas tous la même spécialité, cependant ils se relaient entre eux et se soutiennent. Partager leur quotidien et leur travail m’a été formateur et je réalise que l’aspect pratique et manuel m’est fondamental pour comprendre les systèmes constructifs. Le premier stage en agence que j’ai réalisé m’a également plu car j’ai eu l’occasion de travailler dans une petite structure spécialisée dans l’os-sature bois. J’ai collaboré avec un architecte qui travaille en relation avec un bureau d’étude de charpenterie. Cela lui permet de mieux gérer le chantier et d’être au courant de ce qui s’y passe. J’ai construit un véritable échange et découvert que ce dialogue offre une meilleure vision du projet à l’ensemble des travailleurs et j’ai réalisé à quel point la relation quotidienne avec le client est importante. Lors de la satisfaction de ce dernier, on peut même obtenir sa reconnaissance et ses recommandations. A la différence de nombreux architectes, l’architecte sud-africaine Carin Smuts s’engage à diriger ses chantiers avec un regard plus humaniste. Elle réalise des projets collectifs qui mobilisent la population locale au chantier, elle prend en compte les pro-blèmes économiques des quartiers défavorisés townships et choisit des méthodes durables peu coûteuses. Son objectif est de créer de l’emploi au service de sa main d’oeuvre qui acquiert de l’expérience. C’est ce qu’entreprend Simon Vélez et c’est une grande fierté pour les personnes actives qui deviennent ainsi autonomes par la suite. L’avantage notable de ce type de chantier est la façon dont circule l’argent dans l’économie locale. De retour à l’architecture durable, Carin Smuts sensibilise la population à la protection de l’environnement par des méthodes locales en confrontation aux installations innovantes tout comme les panneaux solaires et toit-terrasses que les gens ne peuvent se permettre. Ses chantiers participitatifs peuvent ainsi devenir de véritables ateliers de formation, voire de réinsertion. Enfin, la pratique du chantier se diffère de la théorie et demande une participation collective. L’avantage est que chacun parvient à se former et enseigner aux autres par la suite. Par conséquent, la diffusion de savoirs est bénéfique. Par ailleurs, le travail est plus productif résultant d’une meilleure communication et de liens plus étroits. P 21
III - L’architecture vernaculaire : la création d’un dialogue interculturel et évolutif par la pratique du chantier participatif malgré une intégration à parfaire ST1 Stage ouvrier ISS Espaces Verts, Mairie d’Echenoz-lz-Méline, Commune de Vesoul (Haute-Saône) Un véritable travail d’équipe aux tâches diversifiées
1. Photo personnelle du terrassement
2. Photo personnelle du pavage
2. Photo personnelle du carrelage extérieur
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III - L’architecture vernaculaire : la création d’un dialogue interculturel et évolutif par la pratique du chantier participatif malgré une intégration à parfaire
2) La pratique du chantier: lieu d’expérimentations assurant des innovations techniques à la fois locales et modernes Le chantier est pour de nombreux architectes un véritable lieu d’expérimentations et d’approfondissement des techniques. Il n’est pas rare qu’un architecte se spécialise dans un seul matériau afin d’en discerner tout son potentiel, c’est notamment le cas de l’architecte Simon Vélez. Il s’appuie sur une multitude d’expériences empiriques réalisées en chantier pour comprendre la staticité du bambou et son comportement face au poids, les secousses sismiques et l’effort du vent. Pour perfectionner ce matériau, il requiert au béton armé qu’il ajoute dans les tiges de bambou ou à des joints métalliques. Selon lui cela multiplie les efforts et par conséquent renforce la structure. Simon Vélez comme Martin Rauch sont des architectes qui tentent d’intégrer et de répandre leurs connaissances structurelles à travers la pratique du chantier - à la fois en accroîssant leurs savoirs et en le partageant avec une main d’oeuvre locale.
Penser l’architecture M. MANIN, M. PARIS Article personnel: Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia., décembre 2014
Le point fort de Simon Vélez est de réinterpréter l’ossature bambou à celle d’une charpente traditionnelle palladienne. Ses assemblages sont sous la forme de modules facilement démontables, remontables, recyclables et transportables. D’ailleurs, cet architecte a participé à l’exposition universelle de 2000 à Hanovre (Allemagne) en construisant le Pavillon de ZERI (Zero Emission Research and Initiatives). Ce projet intègre bien le thème qui porte une attention à l’écologie, intitulé «l’homme, la nature, la technologie». Par la pratique du chantier et l’apprentissage de nouvelles techniques, nous avons la capacité d’améliorer des méthodes ancestrales. Plus l’architecte maîtrise les atouts des matériaux plus de combinaisons sont réalisables et plus il est facile de les adapter, voire de les adopter.
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III - L’architecture vernaculaire : la création d’un dialogue interculturel et évolutif par la pratique du chantier participatif malgré une intégration à parfaire
3) La recherche d’une meilleure intégration: des adaptations progressives des matériaux traditionnels au nouveaux rapports entre édifices modernes face aux édifices plus traditionnels
Quartier Confluence à Lyon, urbanisme du XXIème siècle.
Comme pour le pisé, le bambou est un matériau dont les qualités environnementales, énergétiques et esthétiques sont réappropriables mais le problème rencontré est son manque de reconnaissance. Ainsi, ces matériaux qui peuvent s’introduire dans nos marchés ne sont pas encore bien exploités des maîtres d’oeuvre. L’inconvénient du bambou est qu’il n’est pas assez exploité pour être accepté dans les normes de construction internationale. C’est l’objectif de Simon Vélez de l’intégrer à l’échelle mondiale. Pour cela, il compare les performances techniques des autres matériaux comme le béton et l’acier. Ce qui est compréhensible vu que le bambou est plus facile à manipuler, moins cher et dont l’énergie grise est très faible. De plus, sa résistance est plus forte que celle du béton ou de l’acier. La réalisation du Pavillon de ZERI a nécessité l’accord des normes allemandes avant son assemblage; des tests de charges ont du être élaborés. Malgré les efforts produits par les architectes des matériaux dits pauvres, les importer nécessite une meilleure intégration dans les lois constructives, c’est la raison pour laquelle certains emploient des méthodes moins conventionnelles mais suffisantes. La réalisation d’un édifice prend en compte le contexte urbain dans lequel il s’inscrit. Une façade contemporaine, par son dimensionnement, sa couleur et sa texture, sa forme, intéragit avec les bâtiments voisins. Un même alignement, une reprise du rythme des ouvertures, une hauteur similaire parviennent à rendre plus harmonieux sa présence. Parfois, une juste mesure, un bon équilibre est à adopter. Comme le client qui désire peindre sa maison en rouge mais n’obtient pas l’accord du maire pour des raisons patrimoniales. De même dans certaines villes pour l’emploi du matériau. L’architecte Bruno FUCHS avec qui j’ai travaillé s’est déjà vu refuser un avant-projet pour usage de l’ossature bois plutôt qu’en béton armé. D’un autre côté, quelques quartiers modernes se construisent de façon indépendante et admettent la mixité des bâtiments. Le problème est qu’il n’existe pas vraiment de communication entre eux car chacun a sa propre identité ou la ressemblance visuelle est moindre. Pour ma part, c’est le cas du quartier Confluence à Lyon où plusieurs styles se mélangent qui m’a interpelé. Toutefois, on peut être séduit par cette diversité. Enfin, bâtir traditionnel requiert une meilleure autorisation légale en particulier si l’on souhaite construire dans le monde. Construire moderne repose sur une insertion intelligente par rapport aux édifices environnants sans rechercher à s’imposer forcément.
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III - L’architecture vernaculaire : la création d’un dialogue interculturel et évolutif par la pratique du chantier participatif malgré une intégration à parfaire VELEZ SImon, Pavillon ZERI, Exposition universelle à Hanovre (Allemagne), 2000
1. Vue générale de la structure bambus.rwth-aachen.de, prototype of the ZERI pavilion, consulté le 11.02.15
2. Schéma personnel du profil de la structure modulaire Article personnel: Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia., décembre 2014
3. Photographies personnelles dans le quartier Confluence à Lyon, urbanisme du XXIème siècle.
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Enfin, la maîtrise des matériaux est l’art de construire de l’architecte. Par la connaissance de leurs atouts structurels et esthétiques, il est possible de créer des édifices simples et solides. On observe que la structure de l’objet attise la curiosité et l’admiration. On y perçoit la stabilité de structure ainsi que la façon dont les différents éléments communiquent entre eux. Le savoir faire du constructeur se voit valorisé. Mon attrait pour les matériaux « naturels » vient d’abord des qualités esthétiques et des techniques de mise en œuvre qui sont l’image d’un travail humain. Les ambiances générées par le bois, la pierre ou le bambou apportent un confort particulier aux usagers renforcé par le lien avec les éléments naturels tels que le soleil, le vent, la terre et les végétaux. De plus, ces matériaux respectueux de l’environnement et peu coûteux offrent une grande flexibilité et une certaine accessibilité à l’architecte. Les voyages ont été pour ma part une opportunité de découvrir des cultures d’habiter où chaque pays possède sa propre identité. Il existe diverses manières de vivre dans une maison, tant dans l’aménagement des pièces que dans leur rapport avec l’extérieur. Pour moi, être architecte, c’est concevoir jusqu’au moindre détail. Véritables médecins de l’espace, nous sommes réceptifs aux attentes de l’usager, nous aimerions qu’il s’approprie l’espace et le vive pleinement au quotidien. Afin de poursuivre cette dynamique, je souhaite étendre mes connaissances sur les cultures constructives des matériaux. Je recherche donc la possibilité de travailler à l’international et d’expérimenter la vision des autres architectes étrangers. L’idée de participer à l’architecture d’urgence est aussi présente dans mon esprit. Je m’apprète à intégrer «Queensland University of Technology» à Brisbane en Australie par le biais du programme d’échange Erasmus. Cette année d’étude à l’étranger me permettra d’enrichir mon bagage culturel et d’affirmer mon orientation. C’est l’opportunité de découvrir une nouvelle approche des enseignements que j’ai l’occasion de choisir comme l’histoire et la psychologie du design, la culture visuelle contemporaine en Asie et les différents systèmes constructifs à l’échelle domestique. Enfin, c’est la formation Master Cultures Constructives qui m’apparaît comme la plus évocante dans mon parcours de future architecte notamment dans l’apprentissage des matériaux par la pratique du chantier et la question d’éthique qui peut être relevée.
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Bibliographie Ouvrages FONTAINE Laetitia, ANGER Romain, Bâtir en terre crue Du grain de sable à l’architecture, Editions Belin, / Cité des Sciences et de l’Industrie, 2009 FREY Pierre, Learning from vernacular: pour une nouvelle architecture, Editions Actes Sud, 2010 tecte // La Maîtrise du FREY Pierre, VON SCHAEWEN Deidi, Simon Vélez Archi bambou, Editions Actes Sud, mai 2013 HOUBEN Hugo, GUILLAUD Hubert, Traité de construction en terre, CRATerre, Editions Parenthèses, 2006 LEROI-GOURHAN André, Milieu et technique, Editions Albin Michel, 1945-1973 LIL William S.W. et BENG Tan Hock, Contemporary vernacular, evoking traditions in Asian architecture, Editions Select Books, 1998 PAVIOL Sophie, Ali Tur, un architecte moderne en Guadeloupe, Editions Infolio, Collection Archigraphy, avril 2014 RAVEREAU André, Du local à l’universel, Editions du Linteau, 2007 RUDOFSKY Bernard, Architecture without architects A short Introduciton to Nonpedigreed Architecture, Editions University of New Mexico Press, Albuquerque, 1964 VELEZ Simon, Grow Your Own House, Editions VITRA DESIGN MUSEUM/ZERI/ CIRECA Revues La Maison Ecologique, revue n° 81, dossier Construire et rénover avec la terre crue, p. 38, juin-juillet 2014 Article personnel PIQUEMAL Lisa, Dimensions ambiantiales, esthétiques et constructives du bambou // La question des ambiances à travers les projets des architectes Simon Vélez et Vo Trong Nghia, dans le cadre de L5H2 Penser l’architecture, encadré par Mélanie MANIN et suivi par Magali PARIS, décembre 2014 Mémoire CONSTANZA Maria, SCHUSTER Mejia, Le bambou Du savoir-faire vernaculaire à l’architecture d’aujourd’hui, Processus de revalorisation du matériau en Colombie, dans le cadre du Mémoire de M1 Architecture et Cultures Constructives, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, mai 2013.
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